mardi 31 mars 2009

Le “Serpent d’airain…“ ! - Carême 5. Mardi - (Nombres 21.4sv)

Le désert fut pour les Hébreux :
  • le lieu de l’Alliance avec Dieu. Et il restera toujours une contrée où Dieu aime parler cœur à cœur avec l’homme. “Midbar dibarti“, dit le prophète Osée dans un jeu de mots : “Au désert, je lui parlerai“. Le désert est un lieu de grande intimité avec le Seigneur. Pensons au prophète Elie. Fuyant la reine Jézabel qui veut sa mort, découragé, déprimé, il va se réfugier vers la montagne de l’Horeb, la montagne désertique, la montagne de Dieu. Et là, Dieu lui parle “dans le souffle d’une brise légère“, dit le texte, en mot à mot – et cela m’enchante – “dans une poussière de silence“ ou “dans l’éclatement d’un silence“. Ce silence du désert qui conduit obligatoirement à un dépouillement de soi !
  • Mais le désert est aussi le lieu de la Tentation ! (C’est normal : plus on veut se rapprocher de Dieu, plus le Tentateur est présent !). Aussi, il est dit qu’au désert, les Hébreux “râlaient“ très souvent !

Nous aussi, en quelque sorte, nous sommes souvent dans un désert : “Je suis dans le monde et non du monde“, disait Notre Seigneur. A sa suite, nous sommes “en exil“… et seuls ! “On est seul aussi chez les hommes“, disait le renard de Saint-Exupéry au petit prince !

- Et, j’en suis persuadé, dans cette solitude, il vous arrive de “faire silence“ convergent et non divergent, un silence que Dieu remplit de sa présence : il se révèle et veut “faire alliance“ !

- Mais il y a aussi des moments sinon de tentation du moins de rouspétance ! Il ne faut surtout pas, en un premier temps, s’en étonner !

J’ai fait, naguère - oh ! quelque peu ! - l’expérience du désert dans le Néguev - un lieu extraordinaire - ! Ce furent avec quelques autres des jours un peu spartiates ! Au début, nous étions subjugués. Et notre guide (un religieux dominicain) nous disait : “Mais vous ne râlez pas ! Un groupe qui ne râle pas, ce n’est pas normal !“ Et, de fait, il nous est arrivé de ronchonner par la suite sous la chaleur, la soif, les scorpions… etc.

Oui, il est normal de maugréer tout au long de notre cheminement à travers le désert de notre vie. Alors, la première réaction qu’il faut toujours garder, c’est l’humour : savoir rire de soi-même ! “Bienheureux celui qui a appris à rire de lui-même ; il n’a pas fini de s’amuser“, disait J. Folliot. Et les grands Saints avaient leurs moments d’humour ! Ainsi Ste Thérèse d’Avila. On raconte d’elle - l’histoire est-elle vraie ? J’en doute, mais peu importe - : elle était en voyage pour la fondation d’un carmel lorsqu’elle trébucha et tomba dans l’eau d’une rivière. Naturellement, en se relevant, elle râlait…, comme les Hébreux dans le désert…, elle râlait contre le Seigneur. Et le Seigneur lui répondit - dit-on - que c’est de cette manière qu’il testait ses amis. Alors Thérèse de lui rétorquer dans un éclat de rire : “Alors, ce n’est pas étonnant que vous en ayez si peu !“.

Savoir rire de soi et des situations de la vie ! Cependant, il y a parfois les chutes, les fautes. “Nous avons péché en récriminant contre le Seigneur… !“, reconnaissaient les Hébreux dans le désert. Alors, à ces moments-là, il faut savoir se relever avec contrition, certes, (c’est la condition du pardon divin, disent les moralistes !!!). Mais se relever également avec grande humilité qui, avec tristesse bien sûr, sait nous faire accepter nos limites et nos faiblesses. Là encore, c’est une façon de ne pas trop se prendre au sérieux et de savoir rire de soi-même. Il faut savoir que le sentiment persistant de culpabilité est souvent une preuve d’un orgueil “renversé“. “Quant il vous arrive, disait encore Ste Thérèse d’Avila, de faire quelques chutes, reprenez vite et aussitôt votre marche en avant. Dieu saura tirer le bien de ces chutes elles-mêmes !“. C’est toujours l’action de sa grande miséricorde !

Moi qui voulais vous donner quelques explications sur ce fameux “serpent d’airain“ dont la lecture nous parle, je me suis laissé entraîner par mon babillage. Je suis tombé dans la distraction. Je vais donc me relever pour une plus grande attention… ! Mais ne m’en veuillez pas !

Pour ceux qui ont encore le courage de me lire, je dirais : il y a un jeu de mots plein d’humour (un peu noir) dans l’expression “serpent d’airain“
- Serpent : nafav (narach). N’oublions pas que les Hébreux venaient d’Egypte ! En ce pays, on croyait qu'un animal dangereux pouvait être neutralisé ou manipulé par son image. Ces représentations transformaient la menace mortelle du serpent en une fonction guérissante. (Des images d'animaux accompagnaient les morts, afin de les protéger des forces du monde souterrain). C’est un peu comme dans l’art de la médecine : on prend un peu du poison, on l’inocule dans l’organisme pour en faire un antidote ! Ainsi, en se moquant, Moïse dit au peuple : en regardant le serpent, regardez bien en face l’objet de votre erreur, votre mal (ne pas croire en Dieu). Et en regardant votre erreur bien en face (avec contrition, dirions-nous), vous serez sauvés !

- Et Moïse insiste ! Dieu lui avait commandé de faire un serpent ! Et lui de se dire : “je le ferai en airain“ : (nérochet !) Il en découle un jeu de mot dans l’expression “serpent d’airain“ : “narach nérochet“.

- Les deux mots ont la même origine, celle du verbe nOfav : faire de la divinisation, consulter les augures, ce que les Hébreux faisaient facilement quand ils se détournaient de Dieu ! Autrement dit, en amplifiant sa moquerie, Moïse leur demande de bien reconnaître leurs erreurs, leur manque de confiance. Et ce faisant, Dieu leur pardonnera et ils seront sauvés ! La faute qu’il regarde bien en face avec contrition devient un antidote par la foi retrouvée.

- C’est cette explication que semble donner Jésus dans son entretien avec Nicodème (Jean 3) : “Ce qui et né de la chair est chair, ce qui est né de l’Esprit est esprit !“.

+ Reconnaître d’abord que ce qui et né de la chair est chair, comme David qui reconnaît sa faute : “Vois, mauvais, je suis né !“

+ Ce qui conduit à une “renaissance“ : “crée en moi un cœur pur !“ demandait alors David après avoir reconnu sa faute avec contrition : “ce qui est né de l’Esprit est esprit !“.

Aussi, se référant à l’épisode du désert, Jésus peut ajouter : “comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l'homme soit élevé…“. C’est-à-dire regarder avec contrition le Christ en croix dont la mort est le “salaire du péché“, dira St Paul. Regarder en face son erreur ! Et alors, par la foi, le salut est donné !

+ “afin que quiconque croit ait, en lui, la vie éternelle“.

+ “Qui croit en lui n'est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu“.

+ “Et le jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré l'obscurité à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises“.

+ “Quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de crainte que ses œuvres ne soient démasquées“.

On comprend mieux les phrases de St Jean :

- faire la vérité, regarder en face, le serpent, objet de nos fautes, de nos erreurs… Faire la lumière jusque là !

- Et alors par la foi, le salut est donné !

C’est toujours le même mouvement : descendre jusque dans sa bassesse pour remonter, “renaître“, dit Jésus à Nicodème.

C’est tout le sens de notre baptême : descendre dans la mort avec le Christ pour remonter avec lui vers la VIE.

lundi 30 mars 2009

La Justice de Dieu – Carême 5 - (Daniel 13.1sv)

Le livre de Daniel se présente comme l’œuvre d’un prophète contemporain de la captivité à Babylone (6e s.). Epoque affreuse : les déportés ne pouvaient plus rendre un culte au “Dieu Unique !“. Mais époque qui se termine merveilleusement lorsque Cyrus, roi de Perse, fait la conquête de l’empire babylonien. Il est comme un envoyé de Dieu puisqu’en 538 il permet aux Juifs de revenir à Jérusalem pour rebâtir le temple ! (II Chro. 36.22sv). Et le livre de souligner, bien sûr, que ce sont la foi et l’espérance du peuple qui lui permirent de durer malgré les épreuves et d’être enfin libre !

On sait maintenant depuis longtemps que la rédaction de ce livre date de l’époque des persécutions d’Antiochus Epiphane (moitié du 2ème siècle) qui provoqua la révolte des Maccabées. Ainsi le livre de Daniel (dans un style apocalyptique) veut dévoiler, révéler (c’est le sens du mot “apocalypse“) quel sera le dénouement heureux de cette nouvelle persécution en méditant sur le temps de l’exil à Babylone ! Comme autrefois, Dieu prépare la victoire finale contre les forces du mal ! – Il est à remarquer d’ailleurs que c’est le livre de Daniel qui est le plus explicite, dans l’Ancien Testament, sur la résurrection des morts, à propos des martyrs de l’époque (Cf Dan. 12.2sv).

Aussi, il n’est pas étonnant que le livre de Daniel soit largement cité dans le Nouveau Testament et surtout dans l’Apocalypse de St Jean pour souligner qu’en Jésus Christ la victoire divine sera toujours éclatante, et sur la mort elle-même… “O Mort, où est ta victoire ?“, s’exclamera St Paul.

Autrement dit, le livre de Daniel veut affirmer que Dieu est le Maître et de l’histoire du monde et de notre propre histoire personnelle. Dieu est le “Juge impartial“ : “Dan – El“ : “Daniel“ : “Dieu Juge !“.

Et cette pensée est illustrée par l’épisode de notre lecture : l’intervention de Dieu, à travers son prophète Daniel, en faveur de Suzanne injustement accusée, persécutée. Dieu n’abandonne pas les innocents et il punit les coupables ! Aussi, le livre souligne avec complaisance l’importance de la Loi…, de la Loi de Moïse…, de la Loi exemplaire de l’Alliance, sans pour autant parler de la probité des juges humains. C’est classique ! Ce n’est que lorsque le juge ou le prêtre d’ailleurs ont des défaillances que l’on fait toujours semblant de confondre le juge avec la justice ou le prêtre avec Dieu pour habituer les hommes à se défier de la justice ou de Dieu lui-même !

Dans l’évangile où l’intégrité des juges est davantage louée, Jésus cependant élève toujours le débat. Il entraîne ses auditeurs plus loin, sur le terrain de la “Justice de Dieu“. “Dieu ne ferait-il pas “justice“ à ses élus qui crient vers lui, jour et nuit ?“ (Luc 18.7).

Mais comment crient-ils ? Car la prière n’a pas pour but de rétablir le droit ni l’ordre juste des salaires, des revenus, des impôts… , etc. “Qui m’a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ?“, demandera Notre Seigneur (Luc 12.14). Cela est de la responsabilité des hommes eux-mêmes ! La prière qui ne doit pas être un marchandage établit l’ordre moins entre les choses qu’à l’intérieur du cœur humain. La prière, c’est “être avec Dieu“ ; c’est “s’ajuster“ à Dieu. C’est “s’apprivoiser“ à lui comme il s’est “apprivoisé“ à nous en envoyant Jésus, son Fils, parmi nous, afin que soyons “justes“ en nous “ajustant“ à lui ! A l’exemple de Daniel, “Dan-El“ : “Dieu m’a jugé“, “Dieu m’a ajusté“, pourrait-on interpréter.

Cet “ajustement“ du cœur qui “s’ajuste“ à Dieu qui seul “justifie“, dira St Paul, est une force de vie, la force créatrice de l’Esprit Saint qui continue de supprimer en nous-mêmes les désordres afin que tous puissent chanter la gloire de Dieu qui fait toutes choses “justes“ ! Car il faut bien le reconnaître : l’homme peut rendre la justice, mais c’est Dieu qui fait la justice. Dieu fait la justice comme il fait le monde ; Dieu fait toujours la justice comme il recrée le monde en Jésus Christ… qui nous appelle à nous “ajuster“ à Lui ! Le Savons-nous ?

dimanche 29 mars 2009

Descendre - Remonter , avec la lumière du Christ ressuscité ! - 5e Carême 09

“J’ai vu, disait Dieu à Moïse, j’ai vu la misère de mon peuple… Je connais ses souffrances… Je suis descendu pour le déli-vrer… et le faire monter vers moi“. (Ex. 3.7). Affirmation divine qui sera proclamée par le premier des martyrs, St Etienne, lors de son procès auquel assistait un certain Saul, le futur St Paul (Act 7.19).

Descendre, remonter ! De cette constante pédagogie de Dieu à l’égard de l’homme que souligne la seconde lecture en rappelant la richesse du sacrifice du Christ en croix, l’unique qui permet de remonter vers Dieu, St Paul en était pénétré. Ce pharisien fils de pharisien, cet ancien disciple de Gamaliel, le maître le plus universaliste de son temps, avait bien compris cette pédagogie de Dieu à l’égard de tout homme, Juif ou païen : J’ai vu ; je suis descendu pour faire remonter. Partout, en toutes circonstances, Paul voyait la croix du Christ comme une échelle de Jacob solidement plantée en terre et sur laquelle les anges de Dieu ne cessaient de descendre et de remonter pour le bien des hommes…

Cette démarche divine se récapitule, enseignera Paul, dans la vie même du Christ, Fils de Dieu fait homme, descendu pour remonter vers son Père, nous “conduisant tous, écrira-t-il, au salut par la foi“ (2 Ti 3.15). – De cette démarche divine, il en avait été le bénéficiaire sur le chemin de Damas. - Cette démarche divine, affirmera-t-il avec force, concerne tout homme de bonne volonté. Dieu descend toujours pour faire monter.

Aussi, Paul ne cessait de contempler le Christ ! “Je ne veux rien savoir d’autre que le Christ et le Christ crucifié!“ (I C..2,3). Reprenant une hymne liturgique, il écrira (Phil. 2.6sv) : Lui, le Christ, de condition divine, il est descendu jusqu’à mourir sur une croix. Aussi, Dieu l’a élevé pour que tout homme puisse proclamer la gloire de Dieu, le Père ! “Il est remonté ! Qu’est-ce à dire sinon qu’il est aussi descendu dans les régions inférieures de la terre ?“ (Eph. 4.9).

“… Dans les régions inférieures“… Le Christ n’était-il pas descendu, lors de son baptême, dans le Jourdain ? En ce fleuve dont le nom signifie “descendre“, il est descendu dans les régions inférieures de la terre, vers la mer morte, cette région d’enfer. Là, il prit sur lui le péché du monde dont le “salaire était notre mort“, dira-t-il (Ro 6.23). Et il est remonté, tel un nouveau Moïse, traversant à nouveau le fleuve, comme jadis les Hébreux la mer rouge “en laquelle ils furent déjà baptisés“, osera-t-il affirmer (1 Co. 10.2). Il est remonté vers Jérusalem, disant : “Détruisez ce temple, je le relèverai en trois jours !“ (Jn 2.19).

Aussi, quelques jours avant sa Pâques, le Christ se trouve à Jérusalem en la fête de Soukkot, appelée “fête de lumière“, toute la ville étant illuminée pour rappeler la colonne de lumière qui, jadis, guidait le peuple au désert. Et Jésus, après avoir guéri un aveugle-né, avait proclamé solennellement : “Je suis la lumière du monde“. - “Vivez en enfants de lumière, conseillera St Paul, (Ep 5.3). Autrefois, vous étiez ténèbres. Maintenant, vous êtes lumière dans le Christ !“

“Je suis la lumière !“. Lumière qui avait brillé sur le chemin de Damas ! “Je suis !“… Ce “Je suis“ était le Nom de Dieu, du Dieu de vie qui relève tout homme. Et Jésus, en cette même “fête de lumière“ avait relevé un paralysé, car désormais, par lui, même les estropiés de la vie, ces interdits du temple, pourront entrer dans le nouveau temple qu’il est lui-même : “Relève-toi !, criera St Paul, et sur toi le Christ resplendira de sa lumière divine !“ (Ep 5.14). Bien plus, dira-t-il, “c’est en lui, que toute construction s’ajuste et s’élève pour former un temple saint… Vous êtes intégrés à cette construction pour devenir temple de Dieu“ ! Aussi, à la mort du Christ en croix, le voile de l’ancien temps se déchire afin que tout homme - malade de corps, d’esprit ou d’âme - puisse entrer, tout illuminé, en ce nouveau temple pour voir par la foi ici-bas, et véritablement un jour, Celui qui nous voit sans cesse ; car il est descendu pour nous faire monter. “A présent, nous voyons de façon confuse. Mais alors, ce sera le face à face… Et je connaîtrai (verrai) comme je suis connu“ (vu).

Descendre - Remonter avec le Christ pascal! De cette pédagogie divine, Paul en fera souvent allusion. De cette prévenance de Dieu, il en avait été tellement marqué. Le Christ n’était-il pas descendu pour le relever sur le chemin de Damas. “Ce que je suis, je le dois à la grâce de Dieu“ à la lumière de Dieu, dira-t-il ( I Co 15.16). Il s’en souvenait bien. “Il ne respirait que menaces et meurtres “, écrira St Luc. Et l’apôtre d’expliquer lui-même : “j’approchais de Damas quand une lumière venue du ciel m’enveloppa de son éclat“ - “Je suis la lumière “, avait dit Jésus -. “Je tombai à terre et l’éclat de cette lumière m’avait ôté la vue“, tant le pécheur est un aveugle. “Mais, écrira-t-il, Jésus est descendu pour relever les pécheurs dont je suis, moi le premier“, “l’avorton que je suis“.

Le Christ lui avait dit : “relève-toi !“, comme il l’avait dit au paralysé de Jérusalem. Ce n’est qu’au bout de trois jours - les trois jours du mystère pascal -, qu’après avoir reçu le baptême, il ira, dira-t-il, vers l’Arabie (Gal 5.17), sans doute vers la montagne de l’Horeb, la montagne de Dieu, celle de Moïse, celle d’Elie qui vit et entendit Dieu qui passait au souffle d’une brise légère, (I Reg 19.12), en mot à mot “dans une poussière de silence“, “dans l‘éclatement d’un silence“. Qu’a-t-il donc vu, qu’a-t-il entendu, Paul ? “Je connais un homme, écrira-t-il, était-ce dans son corps ? je ne sais. Etait-ce hors de son corps, je ne sais ; Dieu le sait…Cet homme fut élevé jusqu’au ciel… Et il entendit des paroles inexprimables, tant le langage de Dieu s’adresse toujours à une personne en particulier, incapable alors de le traduire parfaitement. Une chose est certaine, Paul ne cessera alors de proclamer, à temps et à contre temps, la présence du Christ ressuscité, toujours vivant, rayonnant de lumière divine.

“Le Christ est ressuscité !“. Il est remonté ! Ce sera l’objet principal de sa prédication. “Si le Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi votre foi“, dira-t-il. “Mais non ! Le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui sont morts“ ! (I Co. 15.14,20)

Cet homme si vaillant, si nerveux en actes et en paroles qu’il était parfois difficile de le suivre, s’avoua lui-même, découragé, déprimé quand à Athènes son témoignage sur la résurrection du Christ fut non seulement refusé, mais ridiculisé, raillé. Obligé de quitter rapidement cette ville pourtant si raffinée, il descendit jusqu’à Corinthe, ville portuaire aux mille et mille turpitudes bien connues. Mais c’est Dieu, là encore, qui avec lui descendait vers les hommes pécheurs pour les libérer, les faire monter. Et c’est en cette ville mal famée que Paul fonda sa première grande communauté.

La Résurrection du Christ ! Notre propre résurrection ! La possible montée de l’homme vers Dieu ! Tel fut pour Paul le pre-mier objet de sa prédication ! Lors de son procès à Césarée, le juge, Festus expliqua à d’illustres invités, le roi Agrippa et la reine Bérénice, l’objet du litige entre Paul et ses accusateurs : Les Juifs, “ont avec Paul je ne sais quelles querelles relatives à leur religion, et en particulier à propos d’un certain Jésus qui est mort et dont Paul affirme qu’il est vivant“. (Act 25.19). Il n’y a pas, me semble-t-il, de meilleure définition du Christianisme. Elle fut prononcée par un païen ! Pourtant, Paul, au cours du procès, s’était adressé au roi Agrippa : Tu devrais comprendre cela, toi qui es Juif. Notre Dieu n’est-il pas le Dieu qui a les issues de la mort elle-même ? (cf Ps 48)

Aujourd’hui encore Dieu, “riche en miséricorde, descend vers nous pour nous faire monter vers lui ! Aussi, en ce moment, Paul nous lance ce message qu’il adressait aux Corinthiens : Oui, “le Christ a été crucifié dans sa faiblesse...“ (II Cor. 13.4sv). Désormais, “vous connaissez la générosité du Christ qui de riche qu’il était s’est fait pauvre pour que dans sa pauvreté vous deveniez riches“ (II Co. 8.9). Et il ajouterait en ce temps de carême : “Alors, faites-vous-mêmes votre propre critique ! Ne reconnaissez-vous pas que le Christ Jésus est en vous ?“. (II Cor 13.4 sv).

vendredi 27 mars 2009

Le Combat – Carême 4. Vendredi - (Sg. 2.1sv)

La vie est un combat, nous le savons tous : “Ceux qui méditent le mal se disent : Attirons le juste dans un piège !“. Un combat entre le Bien et le Mal, entre le “Méchant“ et le “Juste“. Un combat qui a commencé au seuil de l’humanité entre Caïn et Abel et qui se poursuit tout au long des exils et des calvaires des hommes !

Et facilement, nous donnons des exemples :

  • le combat armé entre des nations,
  • le combat parfois meurtrier pour le pouvoir entre politiques,
  • le combat financier qui enrichit les uns et appauvrit les autres,
  • le combat d’intérêt entre membres d’une même entreprise, d’une même famille…
  • … et que sais-je encore.

Mais ce combat entre les forces du bien et celles du mal ne se déroule-t-il pas à l’intérieur de nous-mêmes, en notre propre cœur : “D’où viennent les conflits, d’où viennent les combats parmi vous ?, demandait St Jacques. N’est-ce pas de vos plaisirs qui guerroient en vos membres ? Vous convoitez et ne possédez pas. Vous demandez et ne recevez pas !“ (I Jac 4.1 sv).

Et le grand St Paul n’affirmait-il pas lui-même : “Je sais qu’en moi le bien n’habite pas : vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir puisque le bien que je veux, je ne le fais pas ; et le mal que je ne veux pas, je le fais“ (Rm 7.18). Aussi, recommandait St Pierre : “Abstenez-vous des convoitises qui font la guerre à l’âme“. (I Per. 2.11).

Oui, le combat dont il est question dans la lecture et tout au long de la Bible, particulièrement dans les psaumes, est aussi bien (sinon plus) à l’intérieur qu’à l’extérieur de nous-mêmes !

Oui, il faut être lucide : le “Méchant“ est en nous. Il est, disent les psaumes, puissance de mensonge, de malice, de ruse, de perfidie, de violence et finalement de destruction. C’est un esprit qui forge le trouble, gonfle le désir, enfle le cœur, utilise la raillerie. C’est un esprit qui veut toujours accumuler pour jouir et jouir encore. Il séduit, subjugue et finalement sème le désespoir jusqu’au suicide car il sait, cet esprit mauvais, que ses œuvres n’aboutissent qu’au néant !

Et le “Juste“ qui réside en nous également veut, lui, semer le bon droit et la justice, cette sorte de justice qui “ajuste“ toutes choses à Dieu. Malgré les attaques malignes dont il est l’objet, il élève le cœur, purifie le regard, transmet la ferveur de Dieu et sa lumière. Car ce “Juste“, en nous, aime Dieu ! Il l’aime de tout son cœur et veut être aimé de lui. Dieu seul est son appui. Il sait que la violence ne sert à rien, ne fonde rien, ne résout rien. La violence n’est que la sanglante maîtresse du “Méchant“. Même si ce dernier l’accable de ses mensonges, il sait que Dieu est là. Sa Parole le réconforte !

Comment ce combat en nous-mêmes et autour de nous peut-il se terminer ? Notre lecture le dit : “Ceux qui méditent le mal (jusqu’en nous-mêmes) s’égarent“ ; … Ils ne peuvent estimer le privilège des âmes pures à qui est promis la récompense divine.

Aussi St Paul de s’écrier : “Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par Notre Seigneur Jésus Christ“. Car lui, le “Juste“ par excellence a bien connu les attaques du “Mauvais“ : “Si ce juste est Fils de Dieu, disait-on, Dieu l’assistera et le délivrera !“. Devant lui “on hochait la tête en disant : que Dieu le libère, qu’il le délivre, puisqu’il l’aime !“(Ps. 22.9 - Cf Mth 27.43) Mais ce “Juste“ avait dit : “Je ne suis pas seul ; le Père est avec moi. En ce monde vous faites l’expérience de l’adversaire ; mais soyez pleins d’assurance, j’ai vaincu le monde !“ (Jn 16.32-33).

Et puisque Dieu l’a exaucé, l’a “relevé“, nous pouvons, nous aussi, nous exclamer avec St Paul : “Nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’assurance : ni la mort ni la vie, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ Notre Seigneur !“. (Rom 8.37 sv).

Et St Jean aimait répéter : “Vous êtes vainqueurs du Mauvais !“ (I Jean 2). Et il ajoutait : “Nous savons que quiconque est né de Dieu ne pèche plus. Car le Fils de Dieu le garde ; et le Mauvais n’a plus de prise sur lui“ ( I Jn 5. 18).

Et il terminait l’une de ses lettres par cette injonction affectueuse : “Mes petits enfants, gardez-vous des idoles“ (I Jn 5.21).

jeudi 26 mars 2009

La Tentation - Carême 4. Jeudi - (Ex. 32.7sv)

Le désert est le lieu de la rencontre : Dieu conduisit le peuple au désert pour parler à son cœur et faire alliance avec lui ! Et Jésus lui-même se retirait au désert pour s’entretenir avec son Père…

Mais le désert est aussi li lieu de la tentation. Et Jésus lui-même fut tenté au désert…

Le désert est le lieu l’on expérimente le mieux comme les deux pôles de la condition humaine :
  • Dégagé du superflu, on peut valoriser le bon usage de la création, le juste emploi des richesses de ce monde dans l’action de grâces envers le Donateur de tous biens et dans le partage équilibré avec ses frères.
  • Et, en même temps, par une sorte de défoulement, on peut expérimenter des tentations de toutes sortes : tentation de la “grande-bouffe“, de l’apostasie… : c’est l’histoire du “veau d’or“ ! Le peuple dit à Aaron : “Fais-nous des dieux qui marchent à notre tête (que nous puissions “voir“ !), car ce Moïse qui nous a fait monter du pays d’Egypte (et qui a disparu dans la montagne de son Dieu !), nous ne savons pas ce qui lui est arrivé… !“. Et c’est la révolte !

St Paul, se référant à cet épisode, recommandera : “Ces événements sont arrivés pour nous servir d’exemples afin que nous ne convoitions pas le mal comme eux le convoitèrent. Ne devenez pas idolâtres comme il est écrit : « Le peuple s’assit pour manger et pour boire, puis ils se levèrent pour se divertir ! »… Dieu est fidèle ! Il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces…“ (I Cor 10.1-20).

La tentation sournoise et première est peut-être l’impatience ! “Le peuple, est-il dit, vit que Moïse tardait à descendre de la montagne !“. (Ex 32.1). Il faut savoir attendre dans l’espérance. Attendre ! Quelle grande vertu finalement ! Le peuple, dans le désert, voulait voir Dieu, immédiatement : “Fais-nous un dieu qui aille devant nous !“. C’est la tentation de tout homme, d’un Pompée, par exemple, lorsqu’après la prise de Jérusalem, il viola l’interdiction de pénétrer dans le “Saint des Saints“, le lieu de la présence divine. Et il fut fortement déçu de ne rien voir, de ne rien trouver !

Dieu se laisse pourtant apercevoir, voir ! C’est souvent après son passage qu’on s’en aperçoit : “Dieu était là, disait Jacob ; et je ne savais pas ! Mais maintenant, je le sais !“. De toute façon, il faut savoir attendre qu’il se manifeste dans toute sa gratuité. Et d’une manière souvent très inattendue ! Il faut prendre patience ! Il faut le remarquer : c’est quand le peuple hébreu fut éduqué à la transcendance de Dieu au point de ne plus oser prononcer le “Nom“ de Dieu, c’est quand le grand-Prêtre, une fois par an seulement, entrait dans le “Saint des Saints“ et bafouillait ce Nom de Dieu, c’est quand les Juifs avait le sens du sacré le plus développé que l’Incarnation se produisit, “à la plénitude des temps“. Il est venu parler aux hommes jusqu’à naître dans une crèche et cheminer sur nos chemins !

… Bref, le peuple, dans le désert, manque de patience ; et il cède à la tentation. C’est donc l’histoire du “veau d’or“.

Alors, “Dieu dit à Moïse : “Va, descends de la montagne, car ton peuple s’est perverti… !“. Cette phrase m’amuse toujours : c’est comme dans les scènes de ménage quand l’un des enfants agit mal : il y en a toujours un qui dit à l’autre : “ton fils, ta fille a fait ceci, a fait cela…“. Et Oui, Dieu a de l’humour !

Et Dieu ajoute : “Laisse-moi faire ; ma colère va s’enflammer contre eux et je les exterminerai… !“. Quand Dieu dit dans la Bible : “Laisse-moi faire…“, c’est justement pour qu’on ne le laisse pas faire ! Dieu, par pédagogie si je puis dire, se met à notre niveau, un niveau de marchandage, à ce marchandage qu’Abraham avait déjà pratiqué à Sodome et Gomorrhe, ce marchandage que Moïse utilise en s’adressant au Seigneur : “Pourquoi les Egyptiens diraient-ils : « C’est par malice que leur Dieu les a fait sortir pour les faire périr dans les montagnes et les effacer de la terre ! ». Ravise-toi, Seigneur… Souviens-toi d’Abraham, d’Isaac de Jacob, tes serviteurs… !“… Alors le Seigneur se ravisa du mal dont il avait menacé son peuple“.

Il y a, finalement, de l’humour dans ce texte à propos des tentations (et même si on y succombe). Ayons cet humour de Dieu lui-même ! Ste Thérèse d’Avila écrivait : “Je ne me trouble pas quand je vois une âme aux prises avec des tentations très violentes. Car si elle a l’amour et la crainte de Dieu, elle en sortira avec de grands profits !“. Merci, Ste Thérèse, pour les tentations !

Il est vrai qu’“à travers les tentations, l’homme se découvre facilement une âme vulnérable et isolée, et il acquiert cette humilité qui le ramène obligatoirement à Dieu“. (Isaac le Syrien).

Et si, direz-vous, nous succombons à la tentation ? Pensons alors à tous ceux qui intercèdent pour nous avec confiance, comme Moïse l’a fait pour son peuple. Et, avec grande contrition, adressons-nous au Christ, le grand-Prêtre par excellence, car “il est toujours en mesure de sauver d’une manière définitive ceux qui, par lui, s’approchent de Dieu, puisqu’il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur“ (Heb. 7.25).

mercredi 25 mars 2009

Annonciation

"L'Esprit-Saint viendra sur toi et te couvrira de son ombre"...

On peut dire que le Christianisme est une alliance, une alliance de deux Amours en Jésus-Christ :
  • l'Amour de Dieu qui s'abaisse vers nous par l'Esprit-Saint.
  • l'Amour de l'homme qui monte vers Dieu par Marie.
  • Et Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, est le nœud de cette Alliance, la rencontre de cette double tendresse.
Voilà pourquoi nous répétons chaque dimanche : «Par l'Esprit-Saint, Jésus-Christ a pris chair de la Vierge Marie ». Enoncé apparemment fort simple mais lourd de conséquences incalculables dont nous n'achèverons pas de comprendre ni d'épuiser la fécondité.

Certes, l’évangéliste relate bien un événement du passé, si incroyable fût-il : "L'Esprit-Saint viendra sur toi et te couvrira de son ombre !"

Cependant, sa formule n’est pas anodine ! Elle évoque la présence divine dans l'arche Sainte, couverte de l'« Ombre du Très-Haut », durant les quarante années du peuple hébreu dans le désert ! Marie sera donc, par l'action de l'Esprit-Saint, une nouvelle "arche" où Dieu reposera. Luc veut éveil­ler chez son lecteur le souvenir de la "shékinah", cette présence divine et libératrice qui descend sur Marie comme la gloire du Seigneur était autrefois descendue sur la tente du Témoignage et l'avait remplie d'une divine présence.

Mais est-ce là, de la part de St Luc, pure rela­tion d'un fait historique, lointain, révolu ? Ou veut-il nous laisser entrevoir une loi immuable de l'action de Dieu dans le monde, en chacune de nos âmes ? Restreindre l'Alliance de l'Esprit-Saint et de Marie à la seule naissance de Jé­sus, c'est la réduire au niveau d'un épisode historique qui, si grand soit-il, n'a duré qu'un rapide moment, puis est entré dans le passé ; c'est situer Marie dans l'histoire, mais non dans le présent, dans notre présent, ni dans l'avenir. L'Esprit-Saint ne vient-il pas à tout jamais "couvrir Marie de son ombre" fécondante ? Avec toute l'Eglise, nous croyons que l'union du Saint-Esprit et de Marie est conclue pour tous les siècles, que l'Alliance reste désormais indissoluble, et qu'aujourd'hui encore Jésus continue de naître invisi­blement dans les âmes "de Spiritu Sancto ex Maria Virgine", "par l'Esprit-Saint, de la Vierge Marie". Voilà pourquoi Notre Dame elle-même s'écrira : « Toutes les générations m'appelleront "Bienheureuse" ».

Dès que l'on a compris le sens de cette Alliance, nous comprenons du même coup que nous-mêmes, nous ne pouvons être unis au Christ sans l'Esprit-Saint et, à son rang, sans Marie.

L'Esprit-Saint ne cesse de venir en nous comme l'Envoyé du Fils, comme Celui qui prolonge et achève sa tâche en chacun d'entre nous : «J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, avait dit Notre Seigneur, Mais vous ne pouvez les porter à présent. Quand l'Esprit de vérité viendra, il vous guidera vers la vérité tout entière.... Il recevra ce qui est à moi et il vous l'annoncera» (Jean 16/12sv).

Certes, le Christ nous a tout mérité par sa Passion et sa Résurrection, par son sang "versé pour la mul­titude", selon la formule de la consécration eucharistique. Mais ce sang doit être répandu "goutte à goutte", si je puis dire, sur tous les hommes de tous les temps afin d’opérer ce que l’on pourrait appeler la Ré­demption consentie. Et c’est le rôle de l'Esprit-Saint que d’irriguer nos âmes de la vie divine communiquée par le Christ en son mystère pascal.

Oui, le Christ continue de se communiquer à nous "par l'opération du Saint-Esprit". Après avoir produit le "chef œuvre", si je puis dire, il en suscite les imitations. Il fait que le Christ est en nous et que nous sommes dans le Christ. Aussi St Paul s'écrira : «Seuls sont enfants de Dieu ceux qui se laissent mouvoir par l'Esprit-Saint». Qui veut vivre du Christ doit s'ouvrir à l'Esprit-Saint. Qui reçoit l'Esprit s'unit au Christ. - Puissions-nous sans cesse mieux le recevoir pour devenir de plus en plus "vrais fils de Dieu".

Mais on ne peut l'être également sans Marie : « Par l'Esprit-Saint, il a pris chair de la Vierge Marie ». On ne peut séparer Marie de son Fils. On ne peut devenir d'autres christs sans Marie.

Mieux que St Paul, Marie peut témoigner : « Ce n'est pas moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi !». Entre Elle et Lui s'est établi un échange admirable : Marie donnait à Jésus son humanité ; Jésus donnait à Marie une participation toujours croissante à sa divi­nité. La Mère faisait vivre le Fils de sa vie à Elle ; le Fils faisait vivre la Mère de sa vie à Lui.

Or, ni l'Esprit-Saint, ni Marie n'arrêtent leur action à eux-mêmes.

L'Esprit est "don de soi" par le fond même de son être divin. Il est par tout lui-même tendu "vers le Père et le Fils", comme le Père et le Fils sont orientés vers Lui. Il ne peut s'enfermer dans sa perfection propre, fruit de leur amour mutuel, mais Il se porte sans cesse vers eux.

Et Marie, la créature la plus proche de Dieu, participe à cette ou­verture divine, à ce "don" incessant de soi-même. Plus une âme est unie à Dieu, plus elle unit à Dieu. Plus une âme vit en Dieu, plus elle fait vivre de Lui. Marie ne peut donc que nous unir à Dieu, que nous "engendrer" en son Fils. Donner Jésus à chaque âme et au monde entier reste l'unique ambition de cette Mère. Bien plus que St Paul, elle ne cesse de nous dire : « Petits enfants que j'enfante de nouveau jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous !» (Gal 4/19).

En ce temps qui nous achemine vers la fête de Pâques, unissons-nous à l'Esprit-Saint et à Notre-Dame, de sorte que, par leur union en cha­cune de nos âmes, il puisse nous être annoncé à chacun d'entre nous également : Celui qui vient en toi est Saint ; il est le Fils du Dieu Très-Haut… … car rien n'est impossible à Dieu.

mardi 24 mars 2009

Carême 4. - Mardi - “Les orgues de Dieu… !“ - (Ezéchiel 47.1sv)

Il faut le savoir et surtout le reconnaître : Dieu, comme un grand organiste, aime jouer les partitions de son chant d’“Alliance avec l’homme“ sur toutes les touches du clavier humain. Il a le goût d’utiliser les registres des hommes les plus divers, selon les circonstances et les époques. Cela est consolant pour les originaux… Or, chacun est original… puisque unique aux yeux de Dieu! Chacun est une note que Dieu aime utiliser. Le savons-nous ?

Ainsi en est-il pour le registre des “prophètes“ que Dieu “utilise“ ! Et aujourd’hui encore, Dieu utilise ce registre : savons-nous reconnaître les prophètes de notre temps ?
  • Isaïe - on en a déjà parlé - est un Seigneur parmi les Seigneurs de son temps. Il a ses entrées à la cour royale. Il s’entretient avec Achaz, Ezéchias… A propos des rois de Damas et de la puissante Assyrie, il donne avis et conseils. C’est que ce grand prophète fait de la grande politique, s’il vous plaît, en recommandant cependant de mettre toute sa confiance en Dieu seul ! Prions instamment Isaïe pour tous les chrétiens engagés dans une mission politique ou sociale.
  • Jérémie, plus modeste, n’est pas spécialement un visionnaire. Cependant, le Seigneur lui fait remarquer ce qui l’entoure ! “Que vois-tu, Jérémie ?“ - “Je vois un rameau d’olivier ! - “Que vois-tu encore Jérémie ? - “Je vois un chaudron sur un foyer attisé !“. Il voit bien Jérémie ! Mais le Seigneur lui transmet un sens insoupçonné à ce qu’il voit. Aussi devient-il le révélateur “des signes de son temps“ ! Réaliste, il devient un observateur avisé face aux événements tragiques de son époque (la montée de la puissance babylonienne). Prions pour que nous sachions, par grâce divine, discerner les signes de notre temps, en nous-mêmes et autour de nous !
  • Ezéchiel, lui, va de vision en vision. Il a des “hallucinations“ perpétuelles que le Seigneur est obligé d’“encadrer“ souvent. Dieu a pris un homme avec une imagination qui a tendance à travailler “en roue libre“, si l’on peut dire. Aussi Dieu “pédale“ souvent avec lui pour orienter et redresser son imagination … ! Que voulez-vous ! Ezéchiel est un prophète d’exil (à Babylone)… ; alors il souffre, Ezéchiel… Et, parce qu’il souffre, il rêve ; sa foi rêve d’un retour à Jérusalem grâce à la puissance du Seigneur. Dans l’angoisse, ne nous arrive-t-il pas de rêver, nous aussi, et parfois tout éveillés ! “Tu as retenu les paupières de mes yeux, dit le psalmiste (manière originale de parler de l’insomnie !). Je réfléchis … ; je médite, je m’interroge“ (Ps 77.5). Il est permis de rêver tout éveillé, avec nostalgie, en pensant aux grâces déjà reçues. Mais que nos rêves éveillés deviennent alors prières de foi et surtout d’espérance !

Ainsi, avec Ezéchiel, on ne sait jamais s’il a les yeux ouverts ou endormis avec des cauchemars.
  • Il voit le rouleau d’un livre que le Seigneur lui commande de manger et qui a le goût du miel. Dès lors il transmettra avec saveur la Parole de Dieu. Savons-nous “manger“, nous aussi la Parole de Dieu. Le P. Jousse, naguère, un Sarthois, parlait de “la manducation de la Parole de Dieu !“ . Certains Pères de l’Eglise conseillait de la “ruminer“.
  • Il voit, Ezéchiel, des ossements dans une vallée ; ces ossements se rassemblent et reprennent vie. Le peuple de Dieu va reprendre vitalité ! Or, nous, nous savons que le Christ est ressuscité… Et nous-mêmes avec lui, en lui !
  • Il voit, Ezéchiel, une source qui sort du temple et qui va purifier les eaux de la mer morte. C’est le Seigneur qui lave son peuple de toutes ses fautes…

C’est le passage de notre lecture. Les chrétiens en connaissent le sens ! Lors de son baptême, Jésus descend en ce fleuve dont le nom signifie descendre, il descend en quelque sorte au point le plus bas du globe jusqu’à la mer morte (symbole du péché du monde). Lui, le sans péché, il descend prendre la péché de l’humanité, “Agneau de Dieu qui prend sur lui les péchés du monde“. Et il “remonte“, traversant ce Jourdain comme Moïse autrefois la mer rouge ; il remonte vers le temple de Jérusalem qu’il veut détruire pour le rebâtir en son propre Corps (“Détruisez ce temple ; et je le rebâtirai en trois jours…“). Aussi, à sa mort, du côté droit de ce nouveau Temple qu’est son Corps percé par la lance du Centurion coule une nouvelle source, un nouveau Jourdain pour que tout homme puisse y descendre, et purifié puisse remonter pour “voir déjà - le voile de l’ancien Temple se déchirant - Celui qui nous voit sans cesse“ ! N’est-ce pas tout le sens de notre baptême, cette petite source en nous qui doit se développer en torrent pour tout purifier en nous-mêmes et témoigner de cette purification.

Cependant, Ezéchiel n’est pas tout à fait un rêveur. Cette eau qui sort du temple est l’eau de la source de Gihon, au pied du temple, c’est aussi la source qu’Isaïe avait déjà utilisée pour la faire parvenir – en creusant un canal, le fameux canal d’Ezéchias – à l’intérieur des murs de Jérusalem, comme signe de la protection de Dieu face à l’envahisseur assyrien. Cette eau arrivait dans une piscine, la piscine de Siloë. Et c’est là que, plus tard, Jésus guérira un aveugle-né, avant de déclarer : “Je suis la Lumière du monde !“. Mais ne sommes-nous tous des aveugles. Voyons-nous le Seigneur qui passe sans cesse près de nous pour nous purifier, nous libérer ? Etre sur la trajectoire de Dieu qui passe ! Car, “là où le péché a abondé la grâce a surabondé“ dira St Paul.

Que le Seigneur nous aide tous à entrer de plus en plus en son mystère pascal actualisé en nous par le baptême. Bon carême !

lundi 23 mars 2009

Reconstruire - Carême 4. Lundi - (Isaïe 65.17sv)

La lecture est tirée du livre d’un prophète inconnu et anonyme que l’on appelle communément “Troisième Isaïe“ parce qu’il exprime fortement, d’une part, la foi au Dieu transcendent et Unique que proclamait le “Premier Isaïe“ avant l’exil, et, d’autre part, l’espérance indéfectible en ce même Dieu du “Deuxième Isaïe“, pendant l’exil.

L’écrit date donc du retour d’exil ! Avec l’édit de Cyrus (539), les Juifs peuvent revenir en leur “Terre Sainte“, cette terre que Dieu avait donnée à leurs ancêtres. Beaucoup sont restés en Babylonie ; mais nombreux aussi sont les familles qui sont revenues en Israël ! Elles reviennent en chantant leur espérance : “Quand le Seigneur ramena les captifs, nous avons cru rêver. Notre bouche était pleine de rires et notre langue criait de joie… !“ (Ps 126).

Ils annoncent des lendemains qui chantent ! Très vite ils ont déchanté ! La réalité du retour - … ce “retour des prisonniers !“ - est très dure :
  • Les terres sont restées en friche, en grande part ! Il faut travailler beaucoup pour gagner peu ! La plupart ne retrouvent pas un “chez soi“ qui respire le bonheur. Et les “débrouillards“ sèment troubles et injustices. Evidemment !
  • De plus, il y a des étrangers, ces émigrés envoyés naguère tant par les Assyriens que par les Babyloniens pour remplacer les déportés. Non seulement ils ont pris place, mais leur religion est un syncrétisme des religions de leur pays d’origine et de la religion au vrai Dieu. Ce sont déjà les Samaritains si méprisés de l’Evangile !
  • Alors comment en ce contexte politique et social retrouver véritablement son identité à la fois nationale et religieuse, d’autant que certains de ces étrangers semblent se convertir ?

Alors, ce “Troisième Isaïe“ va répondre au nom de Dieu :

Identité et ouverture à la fois! La “Terre sainte“ n’a été conquise que par la fidélité du peuple au Dieu de l’Alliance au Sinaï, fidélité conservée jusque dans l’exil, la pire des situations, fidélité qui justifie notre retour mais qui demande de reconstruire le Temple comme signe d’avenir pour tous. Car Dieu dit : “je viens pour rassembler toutes les nations de toutes les langues ; elles viendront et verront ma gloire… !“ (66.18).

Autrement dit, l’ouverture aux autres ne doit pas être abdication de ses convictions. Au contraire, c’est lorsque l’on acquiert une certaine consistance dans sa personnalité que l’on devient capable de recevoir son voisin de palier. Fermer portes et fenêtres est un risque d’asphyxie ; les ouvrir sans considération est un appel à une bourrasque. C’est lorsque la foi est profonde qu’elle devient œcuménique. C’est son attachement indéfectible au Christ qui permet à Paul de devenir “l’Apôtre des nations“.

C’est lorsqu’on ouvre sa vie au Christ que l’on devient capable de tout intégrer sans peur ni crainte : “Tout est à vous ; mais vous, vous êtes au Christ ; et le Christ est à Dieu !“. Notre “Troisième Isaïe » nous dirait aujourd’hui : il y a une telle puissance d’intégration dans le Christ que le chrétien ne doit pas avoir peur de s’ouvrir et aux autres et à tout ce qu’il y a de plus beau dans la création… A condition de toujours fortifier sa foi… !
  • Et c’est dans cette aspiration que se pratiquera la justice. La terre sera à tous ; et chacun aura sa place. On pratiquera plus de justice dans la “reconstruction du peuple“ si la fidélité à Dieu reste intacte. Chacun trouvera alors sa place avec justice. Hier, le pape Benoît XVI, depuis l’Angola, a commenté la lecture biblique du retour d'Israël de l'Exil à Babylone, en l'actualisant : “Lorsque la Parole de Dieu n'est plus écoutée - Parole qui a pour objectif de construire les personnes, les communautés et la famille humaine tout entière - et quand la Loi de Dieu est tournée en dérision et méprisée, il ne peut en résulter que destruction et injustice“.
  • Et chacun sera alors dans l’allégresse, le “nourrisson“, comme le “vieillard“ : “on bâtira des maisons que l’on habitera, on plantera des vignes dont on mangera le fruit…“.

Mais “cherchez d’abord le Royaume de Dieu ; et le reste vous sera donné de surcroît“. Que nos prières ne soient donc pas uniquement sur le registre horizontal - même légitimement - mais en même temps sur le registre vertical ! …

Rappelons-nous la guérison du paralytique à Capharnaüm : Il désire instamment et légitimement être guéri. Et Jésus “s’amuse“, si je puis dire, en lui répondant : “Tes péchés sont pardonnés !“. Ce n’était pas le même registre, c’est le moins qu’on puisse dire ! Jésus est toujours d’abord dans la dimension verticale pour que notre dimension horizontale soit féconde, malgré les difficultés que pourraient nous occasionner tous les (supposés) Samaritains de la terre. “Cherchez donc le Royaume de Dieu ; et le reste vous sera donné de surcroît“.

vendredi 20 mars 2009

Osée…, un prophète osé ! - Carême 3. Vendredi - (Osée)

La lecture est du prophète Osée ! Aussi, comme pour Isaïe et Jérémie, je me permets quelques mots sur cette grande figure de ce “petit prophète“ !

Tout son message peut se résumer dans la première phrase de son livre : “Le Seigneur dit à Osée : « Va, prends-toi une femme se livrant à la prostitution. Car ce pays ne fait que se prostituer en se détournant du Seigneur »“.

Il est très probable qu’Osée a déchiffré le “mystère de l’Alliance“, de l’Amour de Dieu pour les hommes à partir de sa vie conjugale qui, semble-t-il, n’a pas été très heureuse ! Car Dieu aime, lui aussi ! C’est un Dieu d’amour ! Partout, dans son livre, l’union avec Dieu a des résonnances nuptiales. Et depuis lors, on ne trouvera pas de meilleure comparaison pour exprimer l’“Alliance avec Dieu“ que l’amour de l’homme et de la femme malgré tous les avatars qu’il peut parfois rencontrer !

J’avoue simplement que cela me plaît ! Croyez-vous qu’aux noces de Cana (“premier signe“ de Notre Seigneur, selon St Jean), Jésus ait fait un simple tour de “passe-passe“ en transformant l’eau en vin par déférence envers les époux d’une noce de village ? Non ! Jésus pensait toujours dans les dimensions à la fois verticales et horizontales. Toujours, le Verbe de Dieu fait chair, s’exprimait divinement avec son intelligence humaine ! Toute réalité avait pour lui une telle consistance que, sans cesse, il invitait à partir du réel -quel qu’il soit, même “scabreux“ moralement - à découvrir une vérité plus réelle encore ! Ainsi, pour les noces de Cana ! Car, en fait, de quelles noces s’agissait-il ? St Augustin répondra : “ Quoi d’étonnant que Jésus soit venu dans cette maison pour des noces, lui qui est venu dans le monde pour des noces ? Et quelles noces ! Les noces de Dieu avec l’humanité… Le Fils de Dieu est en effet l’Epoux, et l’Épouse est la nature humaine. Et pour cette union, le sein de la Vierge Marie est, pour ainsi dire, la chambre nuptiale…“.

Et St Paul ne déclare-t-il pas à propos du mariage : “Ce mystère est grand ! Je le dis en pensant au Christ et à son Eglise !“ (Eph 5.23).

Et que dire encore du dialogue entre la Samaritaine et Jésus ? Celle-ci ne devait pas avoir, elle non plus, une vie maritale très heureuse (cinq maris !). Mais était-ce là le plus important ? Jésus l’oriente vers le culte “en esprit et vérité“ ! Et, sur ce plan, les cinq maris de la Samaritaine ne sont-ils pas surtout les cinq divinités païennes importés par les Assyriens (cf. 2 Chro. 17.30) et dont il fallait se séparer pour vivre l’“Alliance avec Dieu“ ? Du coup, les hommes de la Samaritaine passent au second plan. On n’en parlera plus. Cela me plaît ! Dieu prend toujours l’homme tel qu’il est et là où il en est : il descend toujours vers lui pour le faire monter à des réalités plus importantes ! Notre Dieu est le Dieu vivant qui se met en prise, si je puis dire, avec des hommes de chair et de sang. Et il est bon de voir comment cette “empoignade“ évolue et se termine. C’est plus précieux que tous les traités abstraits de morale. Certes, ces derniers donnent des principes absolument nécessaires, en conformité étroite avec la Parole de Dieu. Mais ils ne manifestent souvent aucune sève de vie, la sève de l’Amour de Dieu qui sans cesse se penche sur l’homme ! Car Dieu aime !, dirait Osée.

En considérant dans la Bible les multiples exemples de la pédagogie de Dieu à l’égard de l’homme, on acquiert plus facilement, me semble-t-il, cette grande vertu qui, selon St Thomas d’Aquin, est à la frontière des vertus intellectuelles et des vertus morales et que l’on appelle “la Prudence“. Cette grande vertu permet à la liberté de s’exercer avec lucidité.

Il y a ainsi dans la Bible (dans le livre d’Osée) moult exemples qui peuvent heurter, en un premier temps, notre hiérarchie de valeurs. Mais il est bon d’être, parfois, un peu bousculé et de se rendre compte de la complexité de la vie. Cela permet de rentrer d’une façon plus réaliste et avec grande humilité dans un véritable dialogue avec “le Dieu vivant“ et aussi de mieux rencontrer les hommes et les femmes “de chair et de sang“ qui sont également aux prises avec ce même “Dieu vivant“ qui cherche l’homme “tel qu’il est et là où il en est“ ! Ne me faites pas dire que les principes moraux sont inutiles. Je dis simplement qu’ils ne sont pas suffisants ! “C’est l’amour qui me plait, dit Osée au nom de Dieu, et non le sacrifice !“ (6.6.). “S’il me manque l’amour, disait St Paul, je ne suis rien“ (I Co 13.2).

Cela dit pour la vie un peu “scabreuse“ de notre prophète Osée ! Cela dit pour bien des récits “sauvages“ de la Bible et même de l’évangile : la Samaritaine et cette femme prise en flagrant délit d’adultère… Jésus la “relève“ ! A son sujet, je me suis toujours demandé : Mais où est donc l’homme ? (Il me semble qu’on est toujours deux en ce cas de délit !). Curieuse morale !

C’est dans cette perspective qu’il faut lire le prophète Osée, ce prophète si malheureux dans ses amours humaines. C’est que toute sa vie - avec ses grandes déceptions - est une grande leçon d’amour, de l’amour de Dieu pour chacun d’entre nous. Dieu nous aime même dans le désert de nos dénuements d’ici-bas : “Je te rappelle ton attachement, du temps de ta jeunesse, ton amour de jeune mariée : tu me suivais au désert, dans une terre inculte“ (Jérémie 2.2, disciple d’Osée). C’est dans le désert que Dieu avait dit : “Je t’aime d’un amour d’éternité ; aussi, c’est par fidélité que je t’attire à moi“ (31.3).Aussi, dans Osée, quand le peuple se détourne de son Seigneur, c’est le cœur de Dieu qui “se retourne“, “se renverse“ ! “… Et Dieu ramène son peuple dans l’aridité d’un désert… Au désert ! Dieu, dit Osée, va de nouveau “séduire“ Israël (séduire, un terme très fort…). “Je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur“. Là il y a un jeu de mots : “mitbar dibarti” – “Au désert, je parlerai“. “Et il adviendra en ce jour-là que tu m'appelleras "mon mari", et tu ne m'appelleras plus "mon baal ". - “J'ôterai de sa bouche les noms des Baals (ces dieux de prostitution) … Je te fiancerai à moi pour toujours, je te fiancerai à moi par la justice et le droit, l'amour et la tendresse. Je te fiancerai à moi par la fidélité et tu connaîtras le Seigneur”. (Osée 2/16-22).

Et nous retrouvons notre lecture : “Reviens, Israël, au Seigneur ton Dieu, car tu es tombé à cause de ton péché (comme la prostituée d’Osée). Revenez au Seigneur et dites-lui : “… nous ne dirons plus “Notre Dieu“ à l’œuvre de nos mains…“. Alors, dit Dieu,

  • je serai pour Israël comme la rosée, (tendre comme la rosée),
  • il fleurira comme le lys (d’une blancheur de lys !),
  • il enfoncera ses racines comme le cèdre du Liban (la solidité de l’amour)
  • sa beauté sera celle de l’olivier (le bel arbre du pays chaud)
  • son parfum sera celui du Liban (le parfum d’une grande vertu)
  • on viendra s’asseoir à son ombre (lieu de toute confidence en pays chaud).

jeudi 19 mars 2009

Saint Joseph

“Ne crains pas, Joseph, fils de David, de prendre chez toi Marie, ton épouse… car elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus !“

“Ne crains pas, Joseph, fils de David, de prendre chez toi Marie, ton épouse… car elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus !“

Jamais, Marie n’aurait soupçonné, dans son humilité qu’elle serait “Mère de Dieu“ !

Jamais Joseph n’aurait pu se douter :
  1. que c’est lui qui donnerait une famille humaine au Fils de Dieu fait homme, la famille de David,
  2. que c’est lui qui donnerait à cet enfant le nom béni “le seul nom qui soit offert aux hommes “ (Ac. 4.12), par lequel ils puissent être sauvés !

Toute la première prédication chrétienne – St Pierre, St Paul – est une réflexion sur cette prophétie centrale de toute la Bible, extraite du ps. 2 : “Tu es mon Fils, aujourd’hui, je t’ai engendré“. Dieu commence la réalisation de cette promesse avec Joseph. Tout commence avec Marie, épouse de Joseph, fils de David.

Jean Guitton a remarqué magnifiquement et profondément : “Les commencements sont toujours riches de signification, contenant déjà en germes ce qui va se développer par la suite… C’est en effet un des caractères de la conduite de Dieu sur l’histoire de ramasser en de certains moments critiques ou en de certains être privilégiés, ce qui doit, par la suite , se développer longuement, se déployer et s’expliciter. Ainsi l’homme inquiet, asservi à l’écoulement du temps, peut jouir de ce qui n’est pas encore“ (La Vierge Marie p. 220).

Ainsi Joseph est l’homme du commencement. C’est lui qui est nommé le premier dans le récit de l’Annonciation, en tant qu’époux de la Vierge Marie.

Grâce à ce couple, tout peut commencer comme au début de la création, dans le silence, la nuit et cette longue patience qui sont comme la spécialité de Joseph. – Dieu, par eux, fait retrouver à l’humanité les splendeurs du commencement : l’homme “à l’image et ressemblance de Dieu“ que sera Jésus. Cette véritable humanité en Jésus qui contient toutes les promesses du monde est confiée à Joseph. Marie remet son enfant entre ses bras. Et c’est dans les bras de cet homme que Dieu reçoit son propre fils sur notre terre!

Ce sont les bras de Joseph qui vont arracher cet enfant à une mort certaine, qui vont “sauver le Sauveur“, comme dira St François de Sales.

C’est sa tendresse qui traduira pour cet enfant l’amour paternel sous sa forme la plus achevée ; et c’est à lui que, pour la première fois, l’enfant Jésus dira “Abba, Père !“. Il nous enseignera plus tard à reprendre les mêmes mots pour nous adresser au Père des cieux !

Et que dire de ces années laborieuse qui vont permettre à Jésus d’acquérir, avec Joseph, cette parfaite humanité, de sorte qu’il sera appelé “Fils d’homme“ véritablement. Joseph, patron de tous les éducateurs !

Oui, Joseph est ce mystérieux personnage qui, seul parmi les hommes, a été appelé à figurer le Père éternel sur la terre ! Seule Marie connaît la profondeur de ce mystère. Elle seule met Jésus dans ses bras ; elle seule, le désigne à Jésus comme son père au moment crucial où Jésus cherchait Dieu au temple.

Oui apprenons de Marie l’art de descendre dans cette ombre silencieuse où les forces du mal perdent leurs pouvoirs. Dans notre monde difficile et dangereux, rien n’est plus utile : les petits enfants que nous sommes devant Dieu ont besoin d’être aidés par leurs parents spirituels qui sont là pour cela.

“Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie“… Joseph, aide-nous à rejoindre Marie chez toi pour que Jésus puisse venir, vivre et grandir en nous par la force de l’Esprit Saint.

L’un et l’autre nous donnent Jésus.

mercredi 18 mars 2009

Ecoute… ! - Carême 3. Mercredi (Deut. 4.1sv)

“Maintenant, Israël, écoute les commandements…, les décrets que je vous enseigne… pour que vous viviez… !“ … “N’oublie pas… !“.

Ecoute ! Ecouter ! On en revient toujours à cette première disposition pour être en “relation avec Dieu“ (=foi).

Ecouter la Parole ! Dans la Tradition juive, les façons d’écouter la Parole sont mémorisées par le mot “Pardeis“ qui veut dire jardin (d’où le mot “paradis“). Pourquoi ? Parce que, dans un pays chaud, on se réunit à l’ombre des arbres pour parler, bien sûr, … pour s’entretenir surtout de la Parole de Dieu ! Le figuier, à ce point de vue, offre un meilleur ombrage, une plus grande fraîcheur. Les rabbins aimaient s’y rassembler. C’est le sens de la réflexion de Jésus à Nathanaël : “… alors que tu étais sous le figuier, je t’ai vu !“. C’est donc bien un “véritable Israélite“ : Il écoute la Parole de Dieu !

Le mot “Pardeis“, composé de quatre consonnes en hébreu (PRDS), est utilisé comme acrostiche pour mémoriser la progression dans l’écoute de la Parole de Dieu : Il a ainsi :
  • le “P“ (ou “Ph“ avec daguesh), c’est la première lettre du mot : “Phashout“ = “simple“. C’est la simple lecture, ce qui est signifié par simple lecture !
  • le “resh“ : “R“, première lettre du mot “rémez“ = “allusion“. 2ème lecture qui utilise la mémoire. Ce n’est pas défendu, en lisant, de faire jouer sa mémoire pour déceler des analogies entre tel et tel livres, paroles ou expressions semblables.
  • le “daleth“ : “D“, première lettre du mot “Drash“ (d’où vient “midrash“) = “scruter“. C’est scruter, approfondir la Parole de Dieu.
  • enfin le “samek“ : “S“, première lettre de “sod“ : “mystère“. C’est atteindre la profondeur du mystère qu’il y a dans la Parole de Dieu. Mais, à ce niveau, il faut se faire très humble. Certains se sont perdu dans des spéculations mystico-gazeuses… et sont devenus hérétiques.
  • Ces remarques peuvent paraître “intellectuelles“. Si vous voulez ! Personnellement, j’en retiens une leçon : Il faut lire et relire, “ruminer“ la Parole de Dieu selon l’expression des Pères de l’Eglise, commencer par une simple lecture, y découvrir, par analogies, bien des significations qui, rassemblées par la mémoire, aident à “scruter“ le message du mystère de Dieu à notre intention pour enfin parvenir au paradis : parvenir à cette relation amoureuse et facile de Dieu avec ses enfants… Nous serons véritablement les enfants de Dieu si nous savons accueillir le “Verbe de Dieu“, la “Parole de Dieu“ en nous ! Ce sera le “paradis“ ! “Le Verbe était la vraie lumière qui illumine tout homme. Et à ceux qui l’ont reçu, Dieu a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu“. (Jn 19sv).

Cette façon de procéder pour écouter la Parole de Dieu rejoint parfaitement la tradition chrétienne, exprimée par exemple par un certain Guigues le Chartreux (12ème s.) qui parle de “ l’échelle du clostrier“ à l’intention du lecteur de la Parole de Dieu :
  • Il y a, en un premier temps la “lectio“ : l’écoute de la Parole de Dieu au sens littéral. Cela ne veut pas dire la sens “matériel“. Il faut avoir l’honnêteté de chercher à savoir ce que l’auteur a voulu dire, signifier.
  • Il y a ensuite la “meditatio“ : faire comme Notre Dame ; on “remue“ dans son cœur tous les événements… pour y discerner un sens unique !
  • Il y a, en troisième lieu, l’“Oratio“ : l’intelligence s’impatiente, si je puis dire. Alors elle frappe à la prote ; elle prie que Dieu la mène plus loin…
  • Il y a la “contemplatio“ : C’est la réponse à la prière, une réponse qui vient “d’en En-haut“ ! C’est un don que Dieu fait, mais un don qui n’est pas réservé à une élite de “mandarins“ qui peuvent s’adonner à une culture spirituelle. Non et non ! C’est un don qui, tout simplement, peut être donné à quelqu’un qui dit simplement son chapelet, qui médite et qui se sent tout d’un coup unifié dans une joie qui donne envie de retrouver Marie et son Fils. Cela existe ! Oui !
  • Enfin, il y a la “predicatio“. Elle suit la “contemplatio“. On peut retenir la belle formule de St Thomas d’Aquin : “contemplata aliis tradere“ : “traduire, transmettre aux autres ce que l’on a contemplé“. La “prédicatio“ doit être un “débordement“ : “ça déborde“ obligatoirement !

Pour palier à mon style un peu technique aujourd’hui, mais qui veut vous transmettre une manière d’“écouter“ la Parole de Dieu autant dans la tradition juive que chrétienne, je terminerai en vous citant ce que le pape Benoît XVI vient de dire à ses prêtres de Rome au sujet de l’écoute, une écoute qui doit être à l’exemple de Marie !

Marie est la femme de l'écoute :

Au moment de l'annonciation, nous pouvons déjà entrevoir l'attitude d'écoute, une écoute réelle, une écoute à intérioriser, qui ne dit pas simplement oui, mais qui assimile la Parole, prend la Parole. Cette Parole intériorisée devient Parole en nous et pour nous, presque comme une forme de notre vie. Cela me semble très beau : voir cette écoute active, c'est-à-dire une écoute qui attire la Parole de façon à ce qu'elle entre et devienne en nous Parole, la reflétant et l'acceptant au plus profond du cœur. Ainsi, la Parole devient incarnation.

Nous le voyons également dans le Magnificat. Nous savons qu'il s'agit d'un tissu composé de paroles de l'Ancien Testament. Nous voyons que Marie est réellement une femme d'écoute, qui connaissait dans son cœur l'Ecriture. Elle ne connaissait pas seulement certains textes, mais elle s'était tellement identifiée à la Parole que les paroles de l'Ancien Testament devenaient comme un chant dans son cœur et sur ses lèvres. Nous voyons que sa vie était réellement pénétrée par la Parole, elle était entrée dans la Parole, l'avait assimilée et était devenue vie en elle, se transformant ensuite à nouveau en Parole de louange et d'annonce de la grandeur de Dieu.

Il me semble que saint Luc, se référant à Marie, dit au moins trois foi, qu'elle a assimilé et conservé les paroles dans son cœur. C'était, pour les Pères, le modèle de l'Eglise, le modèle du croyant qui conserve la Parole, porte en lui la Parole ; non seulement il la lit, mais il l'interprète avec son esprit pour savoir ce qu'elle a été à cette époque… … C’est alors que la Parole devient Parole en nous, vie en nous et présence du Seigneur.

Cela est évident : la Vierge est la parole de l'écoute, la parole silencieuse, mais également parole de louange, de l'annonce, parce que la Parole dans l'écoute devient à nouveau chair et devient ainsi présence de la grandeur de Dieu.

mardi 17 mars 2009

De “délivrances“ en Délivrance… ! - Carême 3. - Mardi - (Daniel 3.25sv)

Les livres de la Bible écrits au cours des trois derniers siècles avant Jésus Christ sont assez peu connus (Zacharie (2ème), Baruch…, Daniel… etc). Il est vrai qu’ils nous sont transmis dans une composition parfois compliquée (tradition hébraïque – tradition grecque…) et souvent dans un langage et un style qui nous sont peu familiers. Tels les écrits “apocalyptiques“ et celui de Daniel en particulier émaillé de songes, de visions irréelles.

Pourtant, le contexte historique de ces écrits est tellement comparable au nôtre ! La foi des Juifs est affrontée à une culture païenne, très éloignée du culte qui doit être rendu au véritable et unique Dieu ! Non seulement, les croyants en ce Dieu qui s’est révélé à Abraham et à toute sa descendance en souffrent (comme nous-mêmes parfois), sont persécutés, mis à mort…, mais encore le mal est tellement présent que leur foi en est ébranlée (comme nous-mêmes parfois). Alors, certains prophètes se lèvent. Ils affirment : C’est vrai, notre époque est terrible ; c’est le règne du “prince de ce monde“ (ou démon) ! Mais ils proclament tout à la fois et fortement : Dieu est fidèle ! Il va “se révéler“, il va “écarter le voile“ (sens du mot “apocalypse“). Il va nous délivrer !

C’est toute l’espérance que manifeste la prière de la lecture d’aujourd’hui (qui, elle, est d’un langage très accessible). Même si les croyants ne peuvent plus rendre un culte à Dieu “ (…“plus d’holocaustes, d’offrandes, d’encens…“), le sacrifice de leur vie (…“cœur brisé, esprit humilié…“) monte vers Dieu qui ne peut que les délivrer : “Délivre-nous, Seigneur par tes merveilles“ (Et nous-mêmes, ne disons-nous pas mors de l’Eucharistie : “Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps…“). Il l’a déjà fait par le passé… Il le fera encore ! Dieu nous a déjà délivrés… ; Il nous délivrera ! Notre Dieu est un Dieu fidèle ! Et même si on vous tue, Dieu est capable de vous faire sortir vivants de vos tombeaux (Cf. ch. 6 du livre de Daniel). Dieu seul a les issues de la mort (cf. Ps. 48.25). Il est le Dieu de toute délivrance !
A travers toute la Bible, il y a un langage de délivrance qui souligne toutes les délivrances que le peuple de Dieu a expérimentées au cours de l'histoire ; et nous sommes en route vers la “dernière délivrance“ qui sera le grand “passage“ : celui de la mort à la vie déjà réalisé par le Christ, mort mais toujours vivant !

Nous-mêmes, si nous réfléchissons (surtout les plus anciens, et c’est normal) en nous retournant sur notre propre existence, ne constatons-nous pas que Dieu nous a “délivrés“ de multiples fois et qu’il nous achemine vers cette “dernière délivrance“, “par lui, avec lui, en lui“ ? Il y a, me semble-t-il, une pédagogie de Dieu qui se développe à travers notre propre histoire comme à travers l’Histoire Sainte. Et au fur et à mesure qu'elle se développe, nous prenons conscience des servitudes et de l'esclavage dont nous sommes victimes ; nous prenons conscience également de la liberté à laquelle nous sommes appelés pour nous acheminer nous-mêmes vers l’union avec Dieu et, en lui, avec tous nos frères ! Ce sera alors le “ repos“ en Dieu !

Et au fur et à mesure que nous prenons conscience de la servitude et de la liberté en notre vie, nous prenons également conscience des multiples “passages“ que nous avons à franchir avant la “Pâques éternelle“ ! N’est-ce pas tout ce sens du Carême que nous vivons ?

Il nous faut être docile à cette pédagogie divine qui nous fait prendre conscience :
  • des véritables et diverses aliénations dont nous sommes victimes (le péché et la mort elle-même),
  • de la véritable liberté à laquelle nous sommes appelés pour parvenir “à voir Dieu comme il nous voit présentement”,
  • de ces passages que nous avons à faire et à refaire constamment, de ce “passage“ que nous avons déjà fait par le baptême mais que nous avons à toujours refaire !

Les événements de la Bible - plus ou moins exacts, historiquement, mais peu importe – qui se sont déroulés dans des contextes chronologiques, temporels et spatiaux différents, révèlent, dans la méditation du peuple juif, avoir une signification identique : ils se fusionnent dans un langage de délivrance qui trouvera sa plénitude de signification, comme une symphonie dans son accord final, dans l'Evangile, dans la Pâque du Christ. Et il en est de même si nous savons scruter, sous le regard de Dieu, les événements de notre propre vie ; ils prennent de plus en plus une signification qui nous fait véritablement expérimenter la puissance de ce Dieu “capable de mener par delà la mort”, l'expérimenter au point de pouvoir proclamer : “Non, je ne mourrai pas, je vivrai, je chanterai...” (Cf. Ps 118.17).

C’était la prière de Daniel : “Délivre-nous par tes merveilles ; et glorifie ton Non, Seigneur !“.

lundi 16 mars 2009

Descendre…pour remonter…!- Carême 3. - Lundi (II Rois 5.1-13)

Pour comprendre la geste, l’épopée de ce fier Syrien, Naaman, qui fut guéri de sa lèpre en se jetant sept fois dans le Jourdain, il faut se souvenir de la première démarche de Notre Seigneur, au seuil de sa vie publique : son baptême par Jean-Baptiste ! Jésus, lui aussi, accepte de descendre dans ce fleuve du Jourdain (dont le nom vient d’une racine – JDR - qui signifie : “descendre“). Lui qui était de condition divine, dira une des premières hymnes liturgiques reprise par St Paul (Phil.2), il n’a pas craint de s’anéantir (de descendre) en prenant la condition d’homme. Devenu semblable aux hommes, il s’est fait obéissant jusqu’à la mort sur une croix. Aussi, Dieu l’a-t-il exalté (l’a fait remonter) dans les cieux, lui conférant le Nom qui est au-dessus de tout nom !

Oui, Jésus descend en ce fleuve, il descend en quelque sorte au point le plus bas du globe jusqu’à la mer morte (symbole du péché du monde). Lui, le sans péché, il descend prendre la lèpre de l’humanité, “ Agneau de Dieu qui prend sur lui les péchés du monde“. Et il “remonte“, traversant ce Jourdain comme Moïse autrefois la mer rouge ; il remonte vers le temple de Jérusalem qu’il veut détruire pour le rebâtir en son propre Corps (“Détruisez ce temple ; et je le rebâtirai en trois jours…“). Aussi, à sa mort, du côté droit de ce nouveau Temple qu’est son Corps coule une nouvelle source, un nouveau Jourdain pour que tout homme puisse y descendre, et purifié puisse remonter “voir déjà - le voile de l’ancien Temple se déchirant - Celui qui nous voit sans cesse“ !

C’est tout le sens de l’épopée de ce général Syrien que Jésus a repris dans la réalité de son Incarnation et de sa Pâques. Et désormais cette réalité doit s’achever en chacun d’entre nous, de notre baptême jusqu’à la vision céleste ! Le temps du Carême nous aide à reprendre cette démarche…

Il nous faut pour cela une première condition : l’humilité ! Accepter de descendre dans le Jourdain, ce que n’a pas compris, en un premier temps, notre “fier Sicambre“, Naaman le Syrien : les fleuves de son pays ne valaient-ils pas le fleuve du Jourdain. Les fleuves de notre monde qui coulent abondamment - celui de l’argent, du pouvoir… etc - ne sont-ils pas capables de nous guérir de tout mal et de nous donner “bonheur et prospérité“ ? Naaman accepta finalement l’humble sagesse de descendre dans la Jourdain pour y être purifié. “Il descendit dans le Jourdain !“. Cette phrase, lourde de signification, est intraduisible : “Il descendit dans descendre“ [(?) = dans le fleuve “descente“].

Plongés dans un nouveau Jourdain par le baptême, Il nous faut descendre au point le plus profond de nous-mêmes. C’est toujours là, dans ce mouvement d’humilité, que le Christ veut nous rencontrer “tels que nous sommes et là où nous en sommes“. N’est-ce pas à cette démarche que nous sommes tous invités durant le Carême ? C’est la première condition de toute conversion : l’humilité du fier Naaman ! Et c’est alors que le Christ nous fait remonter, comme Lui-même est remonté jusqu’à la gloire divine !

Jésus le signifiait à Zachée ! A cet homme qui d’abord se reconnaissait “petit de taille“, Jésus dit : “Descends vite, Zachée ! (Descends de ton arbre !). Aujourd’hui, il me faut demeurer (descendre) chez toi !“. Jésus veut toujours descendre en ce fleuve “descente“ qui coule dans le lit de notre existence pour nous faire remonter vers le Temple céleste.

C’est encore ce que disait Jésus à Nicodème. Avec lui, il va directement au fond du problème : “A moins de naître d’en haut (ou : de nouveau, comme pour Naaman), nul ne peut voir le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit et esprit !“. (David ne disait-il pas : “Vois, mauvais, je suis né… Crée en moi un cœur pur !“).

Dieu reste toujours fidèle à son Alliance première : il nous veut, purs de toute lèpre, “à son image et ressemblance“. Et cette Alliance éternelle prend désormais, depuis Naaman, depuis Jésus…, l’aspect d’une nouvelle naissance, d’une nouvelle création (signifié par le baptême). Nul n’entrera dans le Royaume s’il n’est pas bénéficiaire de cette nouvelle création (cf. Gal 1.3 – Rm. 7.14 sv, etc…).

Nous avons tous besoin de méditer cela (surtout en Carême) pour toujours et chaque jour prendre un nouveau départ durant notre “exode“ vers la “Terre promise“ !

vendredi 13 mars 2009

Faites votre “mot“!-Carême2. – Vendredi (Histoire de Joseph)

Plusieurs m’écrivent en m’encourageant à vous adresser “un mot“. Je les en remercie vivement. Le pourrais-je toujours ? Pour le moment, j’ai cette possibilité…

Cependant, aujourd’hui, je me permets de vous solliciter à écrire vous-mêmes “un mot“ ! Oui, vous-mêmes ! Et écrivez “votre mot“ en famille, surtout avec vos enfants, petits-enfants, arrière petits-enfants… !

Un conseil : lisez, relisez vous-mêmes cette belle histoire de Joseph à laquelle fait allusion la lecture. Lisez-la, relisez-la ! Et puis, pénétrés de cette lecture, racontez-la avec “vos mots“ à vous, à vos enfants, même aux tout-petits. Cette histoire de Joseph, vendu par ses frères, esclave en Egypte, attaché aux fers d’une prison… puis, soudainement, devenu premier ministre d’un grand roi (Pharaon), capable alors de sauver ses frères qui l’avaient rejeté, toute sa famille et tout son peuple, d’une famine terrible qui allait tous les anéantir… ! C’est une histoire merveilleuse pour les enfants (que nous sommes tous). C’est un conte de “mille et une nuits“, infiniment plus éloquent que ceux que l’on écrit aujourd’hui et qui, curieusement, me semble-t-il, enchantent davantage les adultes que les enfants !!!

Racontez cette belle histoire de Joseph à vos enfants en la résumant, bien sûr, en passant très vite sur certains passages, évidemment… Et, selon les épisodes de votre récit, vous verrez leurs yeux tantôt attristés et presque larmoyants, tantôt écarquillés de suspense, émerveillés du dénouement… !

Et puis, ensuite ou en même temps, faites votre “mot“ vous-mêmes. Et mieux : écrivez-le avec vos enfants ! Avec vous, ils trouveront le “mot“ juste ! En effet :
  • La jalousie des frères de Joseph, c’est celle de Caïn envers Abel, au seuil de l’humanité… et celle que les scribes et pharisiens suscitaient à propos de Jésus…et celle encore que l’on devine entre frères et sœurs d’une même famille… Et Jésus ne disait-il pas : “Ton œil serait-il mauvais (jaloux) parce que, moi, je suis bon ?“. (Mth 20.15). Faites votre “mot“ !
  • Et la tunique (sans couture)… ne vous dit-elle rien ? Faites votre “mot“ !
  • Et le prix de la vente affreuse de Joseph aux Madianites… pour 20 sicles ? Faites votre “mot“ !
  • Et la descente de Joseph dans les fers de la prison…, dans les fers de l’enfer… et sa remontée comme intendant du roi… ? Faites votre “mot“ !
  • Et Joseph qui sauve ses frères, sa famille et tout son peuple… ? Faites votre “mot“ !
  • Et jusqu’aux pleurs de Joseph, les pleurs du pardon accordé… comme les pleurs de Jésus sur Jérusalem et ses larmes de sang au jardin de Gethsémani, avec son cri sur la croix : “Père pardonne-leur…“. Faites votre “mot“ !

Oui, avec vos enfants, petits-enfants, faites vous-mêmes un “mot“ ! Et je suis sûr que ces derniers vous aideront à écrire plusieurs “mots“ facilement, sans maux !

Oui, faites votre “mot“ !

Un dernier conseil : si, pour une raison ou pour une autre, vous ne pouvez réunir vos enfants, petits-enfants…, faites quand même votre mot et confiez-le au service postal de la Jérusalem céleste. Les anges sauront parfaitement le transmettre, mieux qu’à l’aide des ondes de notre web ! - Et puis, s’il vous plaît, envoyez-le moi ! Car je ne suis qu’un enfant, moi aussi. Et je veux le rester : enfant de Dieu !

Fondement de l’espérance! – Carême 2. - Jeudi - (Jérémie 17.5-10)

Jérémie (lecture) reprend pratiquement le langage et les images du psaume 1er. En ces deux textes est résumé le message de toute la Bible : La vie est un combat en lequel nous sommes tous impliqués ! Un combat entre les ténèbres et la lumière. Il englobe l’universalité du réel, se perpétue à travers temps et espace et se manifeste en tous les déchirements de l’histoire… Les deux grands généraux de ce combat sont “le Saint de Dieu“ et le “Révolté“ :
  • L’un refuse la route de la lumière. Il dit “Non“ à Dieu. “Maudit soit l’homme qui se détourne du Seigneur“, disait Jérémie !
  • L’autre se détourne du mal. Sa seule force, c’est le Seigneur : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance !“, disait Jérémie.
  • Le premier va vers son malheur : “Il sera comme un buisson dans la steppe!“.
  • Le second marche vers son bonheur : “Il sera comme un arbre planté au bord des eaux. Il ne craint pas la chaleur ; son feuillage reste vert… et il porte du fruit !“. Quelle image très parlante que cet arbre verdoyant pour un oriental en pays chand ! C’est le “paradis“, mot d’origine perse qui veut dire justement “jardin“ !

La route des ténèbres est toujours ouverte. Notre société va vers sa perte, dirait Jérémie ! Non point que nous soyons tous des “méchants“, mais parce que nous avons raté le train de l’Espérance. (Pourtant : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance !“). On a dit naguère : “Nous entrons dans la société industrielle !“, puis : “Nous sommes dans la société de loisirs !“ ; et maintenant, nous constatons que notre société est largement dépressive, sans espérance ! Et pourquoi donc ?
  • Parce que nous manquons d’intériorité en ne faisant confiance qu’au thermomètre très fantasque de l’opinion publique et des médias !
  • Parce que nous n’avons plus de mémoire comme si le monde n’avait commencé qu’hier soir ou ce matin. Nous nous enfermons dans la cage de l’aujourd’hui sans grande communication ni avec le passé, ni avec le présent, sans regard vers les autres et… vers Dieu… L’homme se déclare dieu et s’isole, sans Espérance !
  • Parce que chacun, se retrouvant seul, se persuade à lui-même : “Ma vérité est la vérité !“. Et comme nous sommes des milliards, il y a alors des milliards de vérités… qui, bien sûr, s’opposent les unes aux autres. Et c’est le combat !

Oui, Jérémie avait raison : Maudit soit l’homme qui met sa confiance en lui seulement, en l’homme, uniquement ! Même si cet homme cherche et recherche de multiples thérapies aux malheurs qu’il engendre lui-même.

Il n’y a qu’une thérapie : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance“ ! L’espérance est le muscle cardiaque, le myocarde, de notre cœur spirituel. Et si ce muscle arrête de fonctionner, la vie s’arrête !

Et n’allez pas dire que cette image engage à une utopie. Une utopie est une espérance qui ne se fonde que sur les propres forces de l’homme. L’utopiste attend quelque chose de neuf, convaincu qu’il va lui-même le réaliser. L’homme d’espérance sait que Dieu seul peut lui porter secours pour qu’il fasse du neuf !

Toute la Bible crie cette Espérance, Espérance plus vivace que tous les défaitismes, Espérance qu’entretenait Jérémie malgré tous les malheurs de son temps ! (Et il en a connus !). Non pas l’espoir qu’inventent les hommes pour ne pas mourir. L’espérance vient au secours de l’espoir comme on greffe un rameau sauvage. L’espérance dit à l’espoir : “Tu ne te trompais pas. Le seul tort de ton rêve, c’est d’attendre trop peu“. Peut-être, parfois, faut-il que l’espoir craque pour que commence l’Espérance. La foi est peut-être un doute surmonté, l’espérance un désespoir surmonté ! “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance“, disait Jérémie.

Certes, les motifs de découragements sont toujours innombrables sur la ligne d’affrontement entre les ténèbres et la lumière !
  • Oui, le monde est pourri quand quelques généraux de tous bords peuvent faire disparaître des milliers d’hommes. Mais le monde est béni quand le pardon peut répondre à la haine, la foi en la vie au massacre.
  • Oui, il y a des conflits d’intérêts qui cherchent une solution par l’assassinat individuel ou collectif. Mais ils sont millions ceux qui prennent le risque de la non-violence, cassent le cercle vicieux et la spirale des vengeances.
  • Oui, les médias multiplient le visage de l’horreur jusqu’à la nausée ; mais ils pourraient aussi multiplier le visage de l’Espérance en mettant le projecteur sur les générosités qui ne prennent parti d’aucune douleur.

Oui, il faut savoir regarder les ombres de notre monde et celles, plus cachées, de notre vie pour y discerner, dans la foi, les signes annonciateurs d'Espérance. Il faut savoir regarder nos vies à la lumière du Ressuscité que l'on célèbre chaque dimanche. Et nous nous apercevrons comment nos nuits ont vu poindre l'aurore, comment nos croix sont devenues des brèches vers une Résurrection, comment, humiliés par les épreuves les plus amères, nous avons senti notre cœur devenir tout brûlant sur notre chemin d'Emmaüs. Alors, nous expérimentons qu’avec l’Espérance, nous ne risquons plus une “crise cardiaque“. Car nous aurons, comme dit St Luc, “un cœur noble et généreux“ ! Kalos agathos, disaient les Grecs : un cœur bon et beau à la fois, le “beau“ devant être toujours l’éclat du “bon“ : le bonheur, quoi ! “Moi, je scrute le cœur…“, disait Jérémie de la part de Dieu !

mercredi 11 mars 2009

Le prophète Jérémie… ! - Carême 2 - Mercredi

Vous rencontrerez le prophète Jérémie tout au long du Carême. Il faut, me semble-t-il, connaître la vie de ce prophète méconnu, le contexte politique, social et religieux de son époque pour mieux le comprendre. Aussi, aujourd’hui, je me permets simplement quelques annotations sur la vie de ce prophète ! Donc un peu d'histoire pour mieux comprendre la réalité de la Parole de Dieu en notre histoire !

Jérémie est un prophète qui vivait à une époque qui ressemble un peu à la nôtre : relativement prospère mais très troublée humainement et surtout spirituellement. Elle connaîtra diverses déportations et, finalement, la destruction de Jérusalem et du temple !

Le prophète Isaïe était peut-être encore vivant quand le fils du fidèle Roi Ezéchias, Manassé, commence son long règne (697-642), règne le plus impie qui fut. Politiquement, il resta le vassal prudent et servile de l’empire Assyrien - ce qui entraîna une forte pénétration du culte des idoles - ; il voyait souvent aller et revenir les armées assyriennes qui allaient guerroyer contre l’Egypte, en épargnant, en un premier temps, Jérusalem.

Vers 630, l’empire Assyrien commence à s’affaiblir face aux Babyloniens et les Mèdes. Manassé en profite pour retrouver une certaine indépendance. Toutefois et curieusement, ce sont les Babyloniens (et non les Assyriens) qui s’emparent de lui et l’emmènent en captivité à Babylone. C'est que Manassé fut sans doute un tout petit pion sur le grand échiquier de la lutte entre Babyloniens et Assyriens ! Il fit pénitence… et retrouva son trône.

Après sa mort, Amon , son fils, devint roi à vingt-deux ans, mais n’y resta que deux ans (642-640). “Il fit ce qui est mal aux yeux de l’Eternel, comme son père ; il servit les idoles… ; il abandonna l’Eternel, le Dieu de ses pères… Il fut assassiné… et le peuple établit (le saint) roi Josias, son fils, à sa place” (2 Rois 21.20-24).
Ainsi, le fidèle Ezéchias eut un fils impie. Et l’impie Amon eut un fils fidèle! Car Josias fut un roi exemplaire ! Il régna trente-neuf ans, (640-609). “Il fit ce qui est droit aux yeux de l’Eternel, et il marcha dans toute la voie de David, son père ; il ne s’en détourna ni à droite ni à gauche” (2 Rois 22.2). A l’âge de vingt ans, il s’attacha à purifier tout le pays de ses idoles. En 622, (il a 26 ans), il engage de vastes réparations pour remettre le Temple en état. C’est alors que l’on retrouva dans le Temple un exemplaire de la Loi de Moïse, sans doute un exemplaire du Pentateuque.

Ainsi, Josias, à cette occasion, engagea une profonde réforme religieuse ; et tout lui réussit pendant un temps. Profitant de la faiblesse de l’empire Assyrien, il reconquit plus ou moins la Samarie et la Galilée voulant reconstituer un grand royaume Juif, fidèle à Dieu.

Cependant, en 609, Néco, Pharaon d’Egypte, inquiet de voir la puissance assyrienne s’effondrer, et ne voulant pas voir le peuple Babylonien, dominer en Mésopotamie, monta secourir ce qui restait de la puissance assyrienne, son ancien ennemi. Ainsi va la politique de tous les temps ! Josias n’hésita pas à attaquer les Egyptiens. Mal lui en prit ! Son armée fut balayée, et lui-même périt dans la bataille, dans la vallée de Meguiddo.

Les Egyptiens occupèrent alors Jérusalem. Le peuple avait établi sur le trône de Josias son fils Joachaz, âgé de 23 ans. Au bout de trois mois de règne, les Egyptiens le destituèrent et mirent sur le trône son frère Jojakim, (609-598). Pendant ce temps, les Assyriens ne parvenaient plus à repousser leurs envahisseurs. En 612, Ninive fut détruite. Malgré l’intervention des Egyptiens, les Babyloniens prirent le contrôle de la région. Ce fut le début de l’empire Babylonien. Une célèbre bataille eut lieu entre le roi de Babylone et le Pharaon Néco à Karkemish, sur les rives de l’Euphrate. Néco battu, plus rien n’arrêta désormais la puissance de Babylone. En 605-604, les Babyloniens reprirent notamment la Samarie et la Galilée... En 597, ils firent le siège de Jérusalem, qui fut prise en trois mois. Le jeune roi Jojakin fut emmené prisonnier à Babylone, avec un premier contingent de déportés. Il fut remplacé par son oncle Sédécias qui régna onze ans (597 à 587).

En 588, sur les conseils de l’Egypte, Sédécias se révolta contre le roi de Babylone qui revint mettre le siège devant Jérusalem.En 587, la ville fut prise et brûlée. Le Temple fut incendié et détruit. Sédécias, les yeux crevés, après avoir vu ses fils égorgés devant lui, fut emmené captif à Babylone, avec le reste de l’élite de la population - deuxième déportation - Le gouverneur Juif laissé sur place fut assassiné, ce qui fit réagir les Babyloniens, qui revinrent en 582, et procédèrent à une troisième déportation.

Voici le cadre général dans lequel s’inscrivent la vie et le ministère du prophète Jérémie ! Toute cette histoire compliquée et tragique, depuis la prospérité du règne de Josias, jusqu’à la destruction de sa ville bien-aimée, fut intensément vécue par le prophète.

Jérémie naquit vers 650, à la fin du règne du roi Manassé. Cela faisait fort longtemps que depuis Ezéchias, l’iniquité régnait à Jérusalem. Les hommes pieux se lamentaient en silence, impuissants, devant l’abandon du Temple et du vrai culte.

Il était originaire de la petite ville d’Anathoth, près de Jérusalem, et appartenait à une famille sacerdotale. Il fut appelé très jeune au ministère de prophète, vers l’année 627, alors qu’il avait environ 23 ans, sous le règne de Josias. Ce roi pieux avait déjà commencé ses réformes religieuses. Il s’appuya sur le ministère de Jérémie pour faire revenir le cœur du peuple à l’Eternel, mais le mal était profond.

Pourtant, le ministère de Jérémie dura quarante ans, de 627 à 587, année de la prise de Jérusalem. Le peuple eut donc le temps d’entendre la Parole de Dieu ! … Après la prise de Jérusalem, Jérémie fut entraîné de force en Egypte par les fuyards de Juda. D’après la tradition Juive, il aurait fini ses jours en Egypte, où il aurait été assassiné en 570, à l’âge de 80 ans. Pauvre prophète Jérémie !

Jérémie voyait bien, avec une profonde tristesse, et malgré les efforts énergiques du jeune roi Josias, que le réveil religieux était superficiel. Sous la férule de Josias, la prospérité était revenue, la main pesante de l’occupant assyrien s’était relâchée. Le pays était purifié des idoles, le vrai culte était rétabli. Qui aurait alors pu prendre au sérieux les avertissements et les menaces du prophète, sinon une petite minorité, un petit reste fidèle ? Jérémie était conscient de cela. Il discernait parfaitement le véritable état spirituel du peuple. Des décennies d’impiété et d’idolâtrie n’avaient pas pu déraciner le mal en profondeur.

Il reprenait facilement les paroles du grand prophète Isaïe : “Le Seigneur dit : Quand ce peuple s’approche de moi, il m’honore de la bouche et des lèvres…“, paroles que Jésus lui-même reprit (Marc 7 : 6-9). Rien ne pouvait autant faire souffrir le cœur du prophète ! Il se rendait compte qu’il n’y avait en réalité aucun amour véritable du Seigneur, et il savait que les mauvaises tendances du peuple reprendraient toujours le dessus… Il annonce donc le châtiment divin dont les raisons sont multiples : culte des idoles, indifférence aux choses divines, impureté, impudicité, injustices et exploitations des pauvres, d’imposteurs ou prophètes indignes, et surtout obstination dans l’égarement spirituel. Paul fera allusions à tous ces méfaits qui avaient lieu de son temps également (2 Tim. 3 : 1-5 ; 2 Tim. 4 : 3-5).

Jérémie avertit encore le peuple que la prospérité apparente des méchants n’était aucunement le signe d’une approbation divine, mais simplement celui de la patience de l’Eternel, qui espérait toujours une réforme des cœurs, réforme qui n’allait pas venir.

Il était déchiré entre son amour pour son peuple et la nécessité où il se trouvait d’accomplir sa mission et d’annoncer les châtiments à venir.

Dès après la mort prématurée du Roi Josias, Jérémie avait été condamné à une vie solitaire, entouré d’une petite poignée de fidèles, en butte constante aux persécutions et aux dangers de toutes sortes, alors que de sombres nuages s’accumulaient à l’horizon de Babylone.

Pourtant, en dépit de tous ces cataclysmes annoncés, le cœur du message de Jérémie demeure un message d’espoir. Le sommet de son ministère prophétique reste la magnifique annonce de la restauration future d’Israël, et d’une “nouvelle alliance” avec le Seigneur. (31.1-14).

N’est-il pas vrai finalement que le message de Jérémie est de tout temps, et du nôtre aussi ? Ainsi, vous comprendrez mieux, je l’espère, le message de ce grand prophète à nous adressé également !

Saint Carême.