lundi 30 novembre 2009

St André …

Andreas est un nom grec assez rare. Il vient de “Aner, andros“ : “homme“. Donc viril, beau ! Le N.T. est bref sur l’apôtre St André.
  • Jean-Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples sur le bord du Jourdain. Fixant son regard sur Jésus qui passait, il dit : “Voici l’Agneau de Dieu“. Ses disciples, l’entendant parler ainsi, suivirent Jésus. Celui-ci se retourna et leur dit : «Que cherchez-vous ? -Rabbi, où demeures-tu ? - Venez et vous verrez ». C’était vers 4 heures de l’après midi. Ils restèrent auprès de lui, de jour-là. André, frère de Simon-Pierre, était l’un d’eux. L’autre probablement était Jean. Puis André, enthousiaste sans doute, rencontra son frère Simon et lui dit : “Nous avons trouvé le Messie“. Et il le conduisit à Jésus.
  • André et Pierre étaient de Bethsaïde. Comme Jésus cheminait sur le bord du lac - c’est notre évangile -, il vit Simon-Pierre et André qui jetaient leurs filets à la mer, car c’étaient des pécheurs : “Venez à ma suite, leur dit-il, et je ferai de vous des pécheurs d’hommes“. Aussitôt, laissant leur filet, ils le suivirent. D’après Luc, la conclusion fut une pèche miraculeuse. En Orient, on appelle André le “protoclet“, c’est-à-dire le “premier appelé“.
  • Une autre mention qui est faite d’André, à l’occasion de la multiplication des pains. C’est lui qui dit à Jésus : “Il y a là un jeune homme qui a cinq pains d’orge et deux petits poissons. Mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ?“.
  • Une dernière mention : A Jérusalem, des païens de langue grecque voulaient voir Jésus. Ils transmettent leur requête à Philippe qui le répète à André. Ces païens avaient questionné Philippe et André parce que, sans doute, ils portaient des noms grecs, ce qui, pensaient-ils, facilitaient une familiarité pour présenter leur demande. André et Philippe le dirent à Jésus.

C’est à peu près tout ce que disent les Evangiles sur André. Mais c’est suffisant pour retenir trois ou quatre messages pour notre méditation :

Méthode de Dieu.
  • Les premiers apôtres dont André sont originaires de Bethsaïde. Pierre, son frère, avait du se marier avec une fille de Capharnaüm (cf. histoire de la “belle-mère” de Pierre…). Il avait peut-être hérité de l’affaire de pèche avec la barque de son beau-père (?). Les deux frères travaillaient probablement avec un autre habitant de Capharnaüm qui avait une barque aussi, le père de Jacques et Jean, Zébédée.

    On voit très bien comment, dans l’humble ordinaire de cette vie de pécheurs, naît la grande aventure de l’Eglise universelle. C’est bien la méthode de Dieu : porter attention à de très petites choses, à d’humbles personnes, dans un coin caché. Et cela va se répercuter à travers le monde entier… : des promotions étranges qu’on trouve dans toute la Bible… (pensez à David) ; et puis, avec Dieu on passe toujours du concret à l’universel. Voyez l’émerveillement de Jésus devant la fécondité des plus petites semences, le grain de sénevé qui devient un arbre qui peut abriter les oiseaux du ciel.
  • Sur les indications de Jean-Baptiste, André et Jean suivent Jésus qui leur demandent : “Que cherchez-vous ?“ Ils lui répondent : “Où demeures-tu ?“ Et ils demeurèrent avec lui. C’est au début de l’Evangile. Et, à la fin de l’Evangile, il est curieux de constater, comme une inclusion littéraire, que Jésus, au matin de la Résurrection, demande à Marie (de Magdala, sans doute) : “Qui cherches-tu ?“ - “Que cherches-tu – Qui cherches-tu ?“. N’est-ce pas la grande question de notre vie ? Et que répondons-nous ? Voulons-nous, - nous aussi -, “demeurer“ avec Jésus ! Chercher la demeure de Dieu ! Est-ce là notre demande ?
  • A la multiplication des pains, André avait sans doute répondu de façon un peu désabusée ! Mais, normalement, si on se souvient – comme André, en bon Juif - de toute la signification du pain, de la manne, du désert, de Moïse, de la pérégrination du peuple dans le désert, etc…, Jésus apparaît ici comme le vrai Moïse que Moïse lui-même avait prédit (Cf. Dt 28)…

Sans doute André a très vite fait le lien ensuite. Il a compris que Jésus venait de passer des gestes qu’il accomplissait (ses miracles) au GESTE … (multiplication des pains) en lequel il se met tout entier, geste qu’il nous a laissé en mémorial, geste auquel on le reconnut après sa résurrection.

Aujourd’hui, en cette fête de St André, ne nous lassons pas de participer à ce Geste, en la personne du Christ, par l’Eucharistie. Parce que c’est par ce Geste que toute la condition humaine, destinée à être royale et sacerdotale, est comme restaurée. Comme c’est consolant, en notre vie, de pouvoir faire un geste auquel déjà il ne manque rien : “Par lui, en lui, avec lui… dans l’Esprit Saint, tout honneur et toute gloire”.

Et ces Grecs qui posent à Philippe et André la question de voir Jésus. C’est tout le message de la lecture : Merci à Dieu de toujours susciter des apôtres qui conduisent à Jésus ! Prions à cette intention, car quiconque, est-il dit, invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Mais comment l’invoquer sans avoir cru en lui ? Et comment croire sans l’avoir entendu ; et comment l’entendre s’il n’y a personne pour proclamer… ? Grande question qui est lancée à chacun d’entre nous… sans exception ! Tous, nous devons être d’humbles apôtres, comme André, qui conduisent à “voir Jésus“ !
De Jérusalem à Jérusalem… - Avent 1 Lundi - (Isaïe 2.1-5)

Dans la liturgie de l’Avent, plus encore que tout au long de l’année, reviennent inlassablement les évocations de Jérusalem. Si on lit quelque peu la Bible, on s’aperçoit vite du grand intérêt qu’est porté à cette “Ville Sainte“.

Dans l’Ancien Testament, tout converge vers Jérusalem qui est “le LIEU (au singulier, par excellence) que Dieu a choisi pour y faire habiter son NOM“.
  • Entre autres citations, il y a le psaume 132 qui accompagne le transfert de l’Arche à Jérusalem, par David.
  • Le Deutéronome (ch . 12) qui rapporte la réforme du saint roi Josias (quelques trente ans avant la destruction du temple par Nabuchodonosor, en 587) est inlassablement ponctuée par ce refrain : “le lieu que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom !“.
  • Après la “véritable résurrection des morts“ que fut le retour d’exil, la motivation principale des Sionistes de l’époque est la reconstruction du Temple ; grâce aux prophètes, tous les découragements sont surmontés. Ce deuxième temple - embelli par Hérode le Grand - était célébré chaque année par une “fête de la Dédicace“ qui souligne que Jérusalem était bien le centre non seulement religieux mais national d’un peuple déjà dispersé à travers le monde. St Jean (Jn 10.22-24) nous dit que Jésus avait participé à cette fête, dans le temple de Jérusalem alors au sommet de son importance.

Aussi, on peut dire : si la Terre Sainte est au centre du monde, le “nombril du monde“ (selon l’expression d’Ezéchiel - 38.12), Jérusalem est au centre de la Terre Sainte ; le Temple est au centre de Jérusalem ; et la “pierre de fondation“ sous le “Saint des saints“, derrière le voile, est au centre de tout !

Or, pour nous, ce voile s’est déchiré quand le Christ est mort sur la croix (Mc 15.38 & //) : Il est le véritable Grand-Prêtre, qui est rentré “une fois pour toutes“ (Heb 9.12)
  • non plus dans le Saint des saints d’un temple fait de mains d’homme, mais dans la demeure même de Dieu ;
  • non plus avec le sang des animaux, mais avec son propre sang ;
  • obtenant le pardon non plus seulement des péchés d’un peuple particulier, mais obtenant la Rédemption de toute l’humanité croyante à travers le temps et l’espace. “Il a purifié nos consciences des œuvres mortes pour que nous puissions faire de notre vie une liturgie au Dieu vivant !“. (Cf. Heb 9.14).

Et tout cela est rendu présent - nous n’y pensons pas suffisamment -, de présence réelle, par l’Eucharistie qui peut être quotidienne sans qu’on puisse s’y habituer jamais…

Et c’est de Jérusalem, de ce nouveau sanctuaire inauguré par le Christ que part, à la Pentecôte, la prédication apostolique. “Car, dit notre texte, c’est de Sion que vient la Loi, de Jérusalem la Parole du Seigneur !“. La Parole de Dieu, la prédication apostolique part donc de Jérusalem, du Nouveau Temple qu’est le Christ pour aller retentir jusque dans les îles lointaines, aux extrémités du monde. Et, en écho à cette prédication, des gens de toutes langues, peuples et nations, convergeront un jour vers la véritable Jérusalem, comme l’annonçait le prophète Zacharie (ch. 14) ! “Quand je serai élevé (i.e. crucifié et ressuscité), disait Jésus, j’attirerai tout à moi !“. (Jn 12.32).

Cette nouvelle et véritable Jérusalem est désormais le cœur du monde, à travers l’espace et le temps. L’Ancien Testament converge vers Jérusalem, tandis que le Nouveau, partant de Jérusalem, répand à travers le monde des vérités qui y ont pris un sens plénier, faisant éclater les frontières du temps et de l’espace, nous introduisant déjà dans la Jérusalem céleste.

L’imitation de Jésus Christ (la “sequela Christi“ : toute la spiritualité chrétienne) est synonyme d’une “montée à Jérusalem“. Il faudrait lire ici la belle parabole du pèlerin de Hilton, ce grand spirituel anglais du 14e siècle : “Il y avait une fois un homme animé d’un grand désir de se rendre à Jérusalem. Ne sachant pas la bonne route, il s’adressa à quelqu’un de moins inexpérimenté et lui demanda s’il n’y avait pas un chemin praticable. L’autre lui répondit que le chemin était à la fois long et rempli de difficultés…“.

Oui, nous sommes tous en marche vers Jérusalem. Et dans cette marche, méditons souvent cette phrase de St Luc (21.24b) : En arrivant à Jérusalem, Jésus pleura, car elle n’avait pas connu le temps de sa “visite“ ! Que veut dire St Luc ? L’Eucharistie n’est-elle pas la visite du Seigneur en son temple ? Aujourd’hui !

Une anecdote pour terminer : il est à remarquer que notre texte d’aujourd’hui se retrouve presque mot pour mot au chapitre 4 du prophète Michée, contemporain d’Isaïe. C’est ce texte de Michée que le président Shazar avait préféré à celui d’Isaïe, en 1963, lorsqu’il accompagna le pape Paul VI à la fin de son pèlerinage en Terre Sainte. C’est que Michée ajoute à Isaïe : “Tous les peuplent marchent chacun selon le nom de son dieu ; mais nous, nous marchons au nom du Seigneur notre Dieu pour toujours et à jamais“ (Mi. 4.5). La citation pouvait être ambiguë. L’atmosphère était alors très froide. Depuis lors, le Concile a précisé que le problème des rapports du Judaïsme et du Christianisme est “intrinsèque“ au mystère de l’Eglise et de Jérusalem par le fait même…
Prions pour l’unité des croyants. Tous ensemble puissions nous manifester que nous allons vers la Jérusalem céleste, celle qu’a si bien décrite St Jean en son apocalypse. Jérusalem ! “Vision de paix !“.

vendredi 27 novembre 2009

Ce monde qui passe… ! (3) - T.O. 34 imp. Vendredi - (Da. 7.2sv)

Nous en finissons aujourd’hui avec le livre de Daniel. Dimanche débutera le temps merveilleux de l’Avent !

Avec le chapitre 7 de Daniel, nous n’apprenons pas grand chose de nouveau. La vision d’aujourd’hui est parallèle au rêve de Nabuchodonosor, interprété par Daniel au chapitre 2. Les quatre royaumes qui disparaîtront devant le Fils de l’homme correspondent aux quatre métaux de la statue géante renversée par la petite pierre mystérieuse.

St Jean, au chapitre 13 de l’Apocalypse qui termine le Nouveau Testament, donnera le sens eschatologique encore plus profond de cette vision. Si vous lisez ce chapitre 13, vous verrez que le symbolisme de Daniel est modifié de manière à s’appliquer à l’Empire romain persécuteur, et au delà, à toutes les puissances ennemies du peuple de Dieu ; la 2ème bête représente les faux prophètes qui pullulent à la fin des temps comme Jésus et St Paul l’ont prédit.

Il faut lire dans l’Apocalypse de St Jean, au chapitre 13, ce qui concerne cette 2ème bête : Ap 13, 11-18 : « Je vis ensuite surgir de la terre une autre Bête ; elle avait deux cornes comme un agneau, mais parlait comme un dragon. Au service de la première Bête, elle en établit partout le pouvoir, amenant la terre et ses habitants à adorer cette première Bête dont la plaie mortelle fut guérie.

Elle accomplit des prodiges étonnants ; et, par les prodiges qu'il lui a été donné d'accomplir au service de la Bête, elle fourvoie les habitants de la terre, leur disant de dresser une image en l'honneur de cette Bête qui, frappée du glaive, a repris vie. On lui donna même… de faire en sorte que fussent mis à mort tous ceux qui n'adoreraient pas l'image de la Bête.

Par ses manœuvres, tous, petits et grands, riches ou pauvres, libres et esclaves, se feront marquer sur la main droite ou sur le front, et nul ne pourra rien acheter ni vendre s'il n'est marqué au nom de la Bête ou au chiffre de son nom. - C'est ici qu'il faut de la finesse ! Que l'homme doué d'esprit calcule le chiffre de la Bête, c'est un chiffre d'homme : son chiffre, c'est 666 »

666 ! 7 est le chiffre parfait ; 8, c’est le plus que parfait. [Le 8ème jour désigne l’histoire débouchant dans l’éternité par delà le péché et la mort et tous les esclavages dont ils sont la racine]. - 666 : c’est simplement trois fois le chiffre 6. C’est l’absolu du chiffre 6 qui vise la précarité de ce qui, selon toutes les apparences, fausse le dessein de Dieu dans l’histoire ; mais dont l’échec est aussi certain que l’est la victoire du Fils de l’Homme et du « peuple des saints du Très-Haut », dira Daniel.

L’expression “Fils d’homme“ devient dans le Nouveau Testament “Fils de l’homme“. Et cette expression (avec cette petite nuance grammaticale)se trouve plus de 80 fois dans l’Evangile, et toujours dans la bouche de Jésus. Jésus est le seul à l’employer et personne d’autre ne lui attribue ce titre.

C’est cette expression “Fils de l’homme“ - qui rappelle la victoire de Dieu sur me monde, chez Daniel -, que Jésus a choisie pour dire la conscience qu’il avait de sa mission messianique. Mais cette expression, Jésus l’associe toujours à celle de “Serviteur“ souffrant d’Isaïe qui exprime toute sa pensée sur la fécondité de la souffrance et de la “mort du Juste“.

Ces deux expressions, dans la bouche de Jésus sont indissociables. Rappelez-vous St Marc 13,26 ; « Le Fils de l’homme, on le verra venir, entouré de nuées, dans la plénitude de la puissance et de la gloire ». Mais au chapitre 9, auparavant, Jésus avait dit aux disciples : « Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes, et ils le tueront ».

De même, Jésus n’a accepté d’être appelé Roi que devant Pilate, une fois enchaîné, pauvre, condamné, abandonné de tous sauf de Marie et du disciple bien aimé, au moment où il n’avait aucunement l’apparence d’un Roi.

Ainsi, Jésus rejoint l’enseignement du livre de Daniel : en attendant les derniers temps, il nous laisse dans l’assurance que toutes les épreuves n’auront qu’un temps et que si nous voulons donner un vrai sens à la petite durée qui nous reste à vivre ici-bas, il nous faut l’imiter, devenir comme lui, le “Serviteur“. C’est en étant Serviteur qu’il devient Fils de l’homme.

On peut se rappeler encore un autre épisode. Les fils de Zébédée demandent à Jésus au cours de sa montée vers Jérusalem : « "Accorde-nous, lui dirent-ils, de siéger, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ta gloire." …. Les ayant appelés près de lui, Jésus leur dit : "Vous savez que ceux qu'on regarde comme les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l'esclave de tous. Aussi bien, le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude". » (Mc 10, 37.42-45)
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jeudi 26 novembre 2009

Ce monde qui passe…! (2) - T.O. 34 imp. Jeudi - (Da. 6.12sv)

Exercer son esprit critique (comme on l’a vu ces jours derniers), prendre ses distances, voire refuser de se conformer au « monde », ça peut être dangereux. Tous les psaumes l’affirment ; et le livre de la Sagesse est formel : Sg 2, 12-20 : “Tendons des pièges au juste, puisqu'il nous gêne et qu'il s'oppose à notre conduite… Il se flatte d'avoir la connaissance de Dieu et se nomme enfant du Seigneur. Il est devenu un blâme pour nos pensées… car son genre de vie ne ressemble pas aux autres, et ses sentiers sont tout différents. …Voyons si ses dires sont vrais, expérimentons ce qu'il en sera de sa fin. Car si le juste est fils de Dieu, Il l'assistera et le délivrera des mains de ses adversaires. Eprouvons-le par l'outrage et la torture afin de connaître sa douceur et de mettre à l'épreuve sa résignation. Condamnons-le à une mort honteuse, puisque, d'après ses dires, il sera visité“.

Trouver sa stabilité dans la certitude que la Providence, contre toute apparence, existe et s’exerce dans les pires crises de l’histoire, amène obligatoirement à une certaine solitude, à un certain isolement par rapport à l’ensemble de l’humanité. Il faut le savoir !

Les textes de ces derniers jours nous ont rappelé tout cela, et nous ont montré que ce qui était déjà assez clairement formulé dans l’Ancien Testament, avait été vécu pleinement par le Christ. En conséquence, on ne peut devenir son disciple que si on considère comme un privilège de l’imiter le plus possible - “l’imitation de Jésus Christ“ - : Imiter le Christ qui marche, dans la solitude de sa mission messianique souvent incomprise même de ses disciples, vers l’accomplissement de son mystère pascal de mort et de vie !

La lecture d’aujourd’hui poursuit notre éducation dans ce sens. L’histoire de Daniel qui refuse d’adorer le roi qui prend la place de Dieu, ressemble beaucoup à celle de Mardochée dans le livre d’Esther : Le sinistre Aman a obtenu du roi Assuérus le droit de faire se prosterner devant lui tout le monde. Mardochée lui est dénoncé comme un réfractaire. Cela rend Aman tellement furieux qu’il décide de condamner à mort, non seulement, ce juif mais tout le peuple juif. Est 3, 5-9 : “Aman put en effet constater que Mardochée ne fléchissait pas le genou devant lui : il fut prit d’un accès de fureur. Comme on l'avait instruit du peuple de Mardochée, il lui parut que ce serait peu de ne frapper que lui ; et il prémédita de faire disparaître, avec Mardochée, tous les Juifs établis dans tout le royaume d'Assuérus... Aman dit au roi Assuérus : "Au milieu des populations, dans toutes les provinces de ton royaume, est dispersé un peuple à part. Ses lois ne ressemblent à celles d'aucun autre et les lois royales sont pour lui lettre morte. Les intérêts du roi ne permettent pas de le laisser tranquille. Que sa perte soit donc signée …“.

L’accusation qu’il porte est à la base, non seulement de tous les antisémitismes de l’histoire, mais aussi de tous ceux qui ont affirmé la foi chrétienne en temps de persécution. : “Ses lois ne ressemblent à celles d'aucun autre et les lois royales sont pour lui lettre morte. Les intérêts du roi ne permettent pas de le laisser tranquille“.

Mais une autre loi, heureusement, ressort de toute la littérature biblique et trouve son accomplissement dans la mort et la résurrection du Christ. Cette loi, c’est que le persécuteur est toujours pris à son propre piège. C’est Aman qui sera pendu à la potence qu’il avait préparée pour Mardochée...

Pharaon, qui au temps de l’exode, avait commandé de jeter les bébés mâles dans le Nil, voit le peuple qu’il vouait à l’esclavage, sauvé par un petit garçon dont le berceau flottait sur le fleuve et qui fut recueilli par sa propre fille.

On pourrait multiplier les exemples. On trouve chez les Pères de l’Eglise, l’idée que Satan s’est cassé les dents sur la divinité du Christ cachée dans son humanité humiliée dans l’anéantissement de la Croix.

L’Ancien Testament traduit les expériences vécues dans l’histoire par des récits fabuleux, de grandes images qui frappent l’imagination (et qui intéresseraient les enfants, plus que les bandes dessinées de plus ou moins bon goût, parfois…) Tous ces récits, qui restent gravés dans la mémoire, nous aident à garder notre identité dans ce qu’elle a de plus pur et de plus authentique.

Je ne dirais pas qu’avec le Nouveau Testament, on passe de la fiction à la réalité. L’Ancien Testament n’est pas une fiction, c’est du vécu dans la réalité de l’histoire ; et si on se sert du genre épique, apocalyptique, c’est pour faciliter l’attention, pour regarder, comme avec une loupe, la condition humaine et les situations qu’on a à vivre, tout au long des siècles, situations si étrangement semblables malgré la distance temporelle et culturelle.

Et tout cela se condense, se résume, s’accomplit dans le Christ, comme nous le fait sentir, chaque jour, la liturgie en nous faisant lire simultanément et l’Ancien et le Nouveau Testament

mercredi 25 novembre 2009

Non du monde, mais dans le monde ! - T.O. 34 imp. Lundi-Mardi - (Da. 1 & 2)

Dans cette dernière semaine de l’année liturgique, l’Eglise, après nous avoir fait relire la littérature de la Sagesse, après nous avoir fait revivre l’histoire des Martyrs d’Israël, nous plonge dans la littérature apocalyptique, (= apocalypse veut dire : “Dieu révèle“ !) qui traduit comme les précédentes lectures, mais à sa manière propre, l’attente et l’espérance du peuple élu, l’attente des derniers jours.

En lisant le début du livre de Daniel, on peut penser à ce que St Jean dit dans sa première épître : 1 Jn 2, 15-17 : « N'aimez ni le monde ni ce qui est dans le monde. Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est pas en lui. Car tout ce qui est dans le monde - la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la richesse - vient non pas du Père, mais du monde. Or le monde passe avec ses convoitises ; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement. »

En effet, les premiers chapitres du livre de Daniel nous invitent
  • à l’esprit critique vis à vis du monde tel qu’il se présente toujours ;
  • à prendre nos distances par rapport à ce qu’il a de plus séduisant ;
  • à être parfois en rupture avec ce qu’il a de plus impressionnant, avec les modes où se laisse entraîner le plus grand nombre, d’après les sondages, les statistiques et les diverses majorités d’opinion qui se succèdent dans l’incohérence.

Dans le premier chapitre, Daniel nous est présenté comme un de ces garçons d’élite que les grands conquérants essayent d’apprivoiser, en les élevant de la manière la plus raffinée, dans ce que la culture païenne a de plus luxueux. Cependant, avec quelques compagnons, Daniel obtient de garder un régime alimentaire de sobriété et d’austérité !

A la grande surprise des responsables de leur formation, ils apparaissent, au terme du recyclage, en meilleure santé physique et intellectuelle que leurs compagnons. C’est eux qui ont les meilleures mines et qui font preuve de plus de sagesse et de prestance, au terme de leur stage, que les meilleurs docteurs de l’empire babylonien. C’est que la fidélité à Dieu fait acquérir la vraie sagesse et donne déjà “jeunesse éternelle“ ! Première leçon vis-à-vis du monde, leçon que nous avons toujours à méditer.

Dans le 2ème chapitre (demain), il y a la célèbre vision du colosse aux pieds d’argile. Ecrivain tardif, Daniel a eu l’occasion de tirer des leçons de l’histoire dont il a été témoin, ou qu’on a pu lui raconter, ou qu’il a étudiées dans les bibliothèques.

Cette vision est d’une étrange actualité pour les plus anciens
  • qui sont nés au lendemain de la première guerre mondiale,
  • qui ont vu s’entrechoquer les superpuissances,
  • qui ont été témoins de la chute d’un des plus cruels tyrans de l’époque moderne,
  • qui ont assisté aux guerres de décolonisation, ce qui, malheureusement, a entraîné bien des pays dans les impasses de la violence, alors qu’ils aspirent toujours à la paix dans la “mondialisation“ galopante.

Le génie de l’auteur inspiré nous fait un tableau qui résume, de manière synthétique, ce monde que nous connaissons bien. On ne peut être à meilleure école pour exercer l’esprit critique, prendre ses distances et ne pas être des moutons de panurge, dans le courant des idées à la mode.

Je pense au panégyrique que Jésus fait à Jean Baptiste : « Qui êtes-vous allés voir au désert ? (en dehors de toutes ces agitations). Un roseau agité par le vent, un homme revêtu d’habits moelleux ?»

Je pense aussi
  • à St François d’Assise, en rupture avec la civilisation artificielle de son époque ;
  • à St Dominique persuadant les ecclésiastiques envoyés convertir les cathares de commencer par abandonner leur luxe, leurs chevaux et leurs carrosses pour rejoindre leurs interlocuteurs dans la pauvreté évangélique…

Mais de toutes les critiques, les distances, les ruptures dont nous parle la liturgie de ces jours-ci, la plus frappante, me semble celle dont le Christ nous donne l’exemple dans la 1ère phrase de l’Evangile de demain. On l’invite à admirer le temple d’Hérode dans sa magnificence presque achevée à son époque, au maximum de son importance dans la mentalité des Juifs de son temps. Certains disciples, parlant du temple, admiraient la beauté des pierres et les dons des fidèles. Et Jésus de réagir de la manière la plus inattendue, bien que cette réaction soit dans la ligne des prophètes, de Jérémie, d’Ezéchiel et de beaucoup d’autres, condamnant le ritualisme rassurant : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit ».

Bref, la liturgie de ces jours-ci nous apprend à chercher les valeurs stables, à investir dans ce qui ne passe pas, à bâtir sur le roc et non sur le sable.

Car il ne faut s’étonner de rien et s’attendre à tout.

lundi 23 novembre 2009

Non du monde, mais dans le monde ! - T.O. 34 imp. Lundi-Mardi - (Da. 1 & 2)

Dans cette dernière semaine de l’année liturgique, l’Eglise, après nous avoir fait relire la littérature de la Sagesse, après nous avoir fait revivre l’histoire des Martyrs d’Israël, nous plonge dans la littérature apocalyptique, (= apocalypse veut dire : “Dieu révèle“ !) qui traduit comme les précédentes lectures, mais à sa manière propre, l’attente et l’espérance du peuple élu, l’attente des derniers jours.

En lisant le début du livre de Daniel, on peut penser à ce que St Jean dit dans sa première épître : 1 Jn 2, 15-17 : « N'aimez ni le monde ni ce qui est dans le monde. Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est pas en lui. Car tout ce qui est dans le monde - la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la richesse - vient non pas du Père, mais du monde. Or le monde passe avec ses convoitises ; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement. »

En effet, les premiers chapitres du livre de Daniel nous invitent
  • à l’esprit critique vis à vis du monde tel qu’il se présente toujours ;
  • à prendre nos distances par rapport à ce qu’il a de plus séduisant ;
  • à être parfois en rupture avec ce qu’il a de plus impressionnant, avec les modes où se laisse entraîner le plus grand nombre, d’après les sondages, les statistiques et les diverses majorités d’opinion qui se succèdent dans l’incohérence.

Dans le premier chapitre, Daniel nous est présenté comme un de ces garçons d’élite que les grands conquérants essayent d’apprivoiser, en les élevant de la manière la plus raffinée, dans ce que la culture païenne a de plus luxueux. Cependant, avec quelques compagnons, Daniel obtient de garder un régime alimentaire de sobriété et d’austérité !

A la grande surprise des responsables de leur formation, ils apparaissent, au terme du recyclage, en meilleure santé physique et intellectuelle que leurs compagnons. C’est eux qui ont les meilleures mines et qui font preuve de plus de sagesse et de prestance, au terme de leur stage, que les meilleurs docteurs de l’empire babylonien. C’est que la fidélité à Dieu fait acquérir la vraie sagesse et donne déjà “jeunesse éternelle“ ! Première leçon vis-à-vis du monde, leçon que nous avons toujours à méditer.

Dans le 2ème chapitre (demain), il y a la célèbre vision du colosse aux pieds d’argile. Ecrivain tardif, Daniel a eu l’occasion de tirer des leçons de l’histoire dont il a été témoin, ou qu’on a pu lui raconter, ou qu’il a étudiées dans les bibliothèques.

Cette vision est d’une étrange actualité pour les plus anciens
  • qui sont nés au lendemain de la première guerre mondiale,
  • qui ont vu s’entrechoquer les superpuissances,
  • qui ont été témoins de la chute d’un des plus cruels tyrans de l’époque moderne,
  • qui ont assisté aux guerres de décolonisation, ce qui, malheureusement, a entraîné bien des pays dans les impasses de la violence, alors qu’ils aspirent toujours à la paix dans la “mondialisation“ galopante.

Le génie de l’auteur inspiré nous fait un tableau qui résume, de manière synthétique, ce monde que nous connaissons bien. On ne peut être à meilleure école pour exercer l’esprit critique, prendre ses distances et ne pas être des moutons de panurge, dans le courant des idées à la mode.

Je pense au panégyrique que Jésus fait à Jean Baptiste : « Qui êtes-vous allés voir au désert ? (en dehors de toutes ces agitations). Un roseau agité par le vent, un homme revêtu d’habits moelleux ?»

Je pense aussi
  • à St François d’Assise, en rupture avec la civilisation artificielle de son époque ;
  • à St Dominique persuadant les ecclésiastiques envoyés convertir les cathares de commencer par abandonner leur luxe, leurs chevaux et leurs carrosses pour rejoindre leurs interlocuteurs dans la pauvreté évangélique…

Mais de toutes les critiques, les distances, les ruptures dont nous parle la liturgie de ces jours-ci, la plus frappante, me semble celle dont le Christ nous donne l’exemple dans la 1ère phrase de l’Evangile de demain. On l’invite à admirer le temple d’Hérode dans sa magnificence presque achevée à son époque, au maximum de son importance dans la mentalité des Juifs de son temps. Certains disciples, parlant du temple, admiraient la beauté des pierres et les dons des fidèles. Et Jésus de réagir de la manière la plus inattendue, bien que cette réaction soit dans la ligne des prophètes, de Jérémie, d’Ezéchiel et de beaucoup d’autres, condamnant le ritualisme rassurant : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit ».

Bref, la liturgie de ces jours-ci nous apprend à chercher les valeurs stables, à investir dans ce qui ne passe pas, à bâtir sur le roc et non sur le sable.

Car il ne faut s’étonner de rien et s’attendre à tout.

samedi 21 novembre 2009

Le martyre…., chemin du ciel ! - (I Macc. 4, 36sv)

La lecture d’aujourd’hui est significative, finalement ! Les livres des Martyrs d’Israël (livres des Maccabées) ont souligné depuis lundi toute une pédagogie divine que l’on retrouve dans l’histoire du peuple élu, dans notre propre histoire également : Face à la persécution (face au mal, face à l’injustice tout simplement), l’homme, comme Mattathias (cf. lecture d’hier) a tendance à réagir avec violence (et c’est toujours d’actualité !). Mais Dieu, interpelle cet homme au niveau même de ses primitives réactions spontanées de violence pour le faire progresser vers une attitude qui reflète les mœurs mêmes de Dieu, attitude totalement manifestée en Jésus Christ : “Père, pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu’ils font !“.

Cette pédagogie de Dieu qui sans cesse nous “ajuste“ à lui, le seul JUSTE, peut entraîner l’homme jusqu’au martyre (ainsi d’Eléazar ; ainsi de la mère avec ses sept fils : cf. lectures de Mardi et de Mercredi)…, jusqu’au martyre, mot qui veut dire “témoignage“ : être témoin de l’Amour de Dieu pour tout homme. C’est ce qui arrivera, bien sûr, à Jésus… et à nombre de ses disciples comme St Etienne, premier martyr, que nous fêtons au lendemain même de la joyeuse fête de Noël ! “Seigneur, priait-il…, ne leur impute pas ce péché !“

Et il est bon de remarquer que lorsque l’on continue la lecture de ces livres des Martyrs d’Israël, on arrive au récit de la Dédicace du temple (notre lecture !). Et ici-bas, le temple est signe de la demeure de Dieu parmi les hommes : Ex. 25 : “Fais-moi un sanctuaire, disait Dieu à Moïs pour que je puisse résider parmi mon peuple… C’est là que je te rencontrerai… !“. Et Jérusalem, avec son temple, deviendra “le lieu que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom !“.

Autrement dit, le martyre des “Saints d’Israël“ qui est suivi de la fête de la Dédicace, introduit dans le “temple“ de Dieu. Les Actes des Apôtres souligneront : “Etienne, rempli d'Esprit Saint, fixait le ciel : il vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu."Voici, dit-il, que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu". (Actes 7.55).

Ainsi, la foi au Dieu Unique qui peut entraîner jusqu’au martyre, nous introduit dans le temple, nous ouvre la “Demeure de Dieu“ ! C’est ce que St Jean exprimera : Je vis la cité sainte, la Jérusalem nouvelle qui descendait du ciel… Et j’entendis une voix forte qui disait : Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il demeurera avec eux…“ (Apoc 21). - “L’un des anciens me dit : “Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où viennent-ils ? … Ils viennent de la grande épreuve. Ils ont lavé leur robe dans le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils se tiennent devant le trône de Dieu… !“ (Apoc . 7).

Finalement, le martyre, c’est la participation (d’une manière ou d’une autre) à la passion du Christ pour entrer avec lui en sa gloire ! C’est tout le mystère pascal en lequel le baptême nous a plongés !

Et cette lecture de la Dédicace du temple anticipe merveilleusement la fête de demain : “la présentation de la Vierge Marie au temple“ ! La première lecture de demain est tirée du prophète Zacharie avec cette phrase deux fois répétée : “Voici que je viens demeurer au milieu de toi !“. Marie n’est-elle pas “temple“, “demeure de Dieu“ ? Marie est cette “fille de Sion“ annoncée par le prophète Sophonie (3.14-18) : “Pousse des cris de joie, fille de Sion !... Le Seigneur est roi d’Israël au milieu de toi !“.

Au milieu de toi !“. Le mot hébreu, toujours réaliste, pourrait se traduire : “dans tes entrailles“ ! - Et nous disons : “Jésus, le fruit de tes entrailles(le fruit “au milieu de toi“, en toi) est béni !. Dieu en Marie. Marie, Demeure de Dieu ! Désormais, quand on célèbre la dédicace d’un temple, c’est également Marie que l’on célèbre ! Elle-même a du chanter son “Magnificat“ avec tout son corps devenu “Temple“ enfin comblé réellement de la présence divine. Comme le psalmiste, elle a pu dire :“Bénis le Seigneur, ô mon âme, et que tout mon cœur (toutes mes entrailles) bénisse son saint Nom… N’oublie aucune de ses largesses“ (les grandes choses opérées en mon sein. (Ps 103). “Toute ma vie, je chanterai le Seigneur ; le reste de mes jours, je jouerai pour mon Dieu. Et Marie, Notre Dame des douleurs également pouvait ajouter : Que les pécheurs disparaissent de la terre !“ (Ps 104).

“Que les pécheurs disparaissent de la terre !“, pouvait chanter Marie. Or en ce même Samedi (coïncidence), la lecture du T.O. nous ferait lire la fin du persécuteur des Martyrs d’Israël, Antiochus (Vous pourrez vous reporter à cette lecture). Il meurt de tristesse et de chagrin sur une terre étrangère, dépité d’avoir accumulé beaucoup d’échecs qu’il attribue finalement et principalement à la persécution qu’il a infligée au peuple hébreu. Il manifeste quelques sentiments de repentir qui nous laisse penser que Dieu en tiendra compte, lorsqu’il comparaîtra devant lui ! Il meurt de chagrin et de tristesse, non de désespoir et de blasphème ! Ainsi le livre des Martyrs d’Israël se termine sur un horizon qui reste ouvert : Dieu n’est pas le Dieu des vengeances ; il est le Dieu des délivrances ! Il regarde son Fils en croix, mort pour “délivrer“ tous les hommes. Il regarde tous les “témoins“ (= martyrs) de son Fils qui, avec Marie devenue “Demeure de Dieu“, chantent eux aussi : “Que les pécheurs disparaissent de la terre !“ Une conversion eschatologique ! Ce doit être notre prière de vie, à nous aussi !
Le marture…! - T.O. 33 imp. Jeudi - (I Macc. 2.15-29)

Textes difficiles, abscons que nous fait lire la liturgie tous ces jours-ci, surtout celui d’aujourd’hui ! Peut-être faut-il discerner dans la succession de ces textes toute une pédagogie divine à propos de notre fidélité à Dieu, fidélité qui peut entraîner jusqu’au martyr ! Essayons de comprendre !

Observons d’abord qu’il y a, bien sûr, beaucoup de ressemblance entre la résistance des Mattathias, le père des Maccabées, que l’Eglise nous fait lire aujourd’hui (1er livre des Macc.) et le martyr d’Eléazar qu’on a lu Mardi dernier. La différence de style apparaît cependant immédiatement. Le martyr d’Eléazar nous est raconté dans une pathétique atmosphère de foi en laquelle baigne le second livre des Martyrs d’Israël.

Ici, aujourd’hui (1er livre des Macc.), on est dans un style beaucoup plus sec et dépouillé. On est pourtant à la même époque, on relate les mêmes événements ; mais les auteurs inspirés ont ressenti les choses différemment. Et peut-être, justement, nous est-il permis de discerner une progression dans la manière de réagir de Mattathias et d’Eléazar !

Mattathias - première réaction - réagit, est-il dit, avec la violence de Pinhas qui est relatée au livre des Nombres (25.1-13). Vous pourrez vous y reporter : Comme Pinhas, Mattathias réagit violemment (d’une violence que l’on ne comprend pas chrétiennement, mais qui est toujours d’actualité) parce qu’il est “possédé d’une jalousie pour son Dieu“, parce qu’il est, dirions-nous aujourd’hui possédé par un sens exacerbé de la justice, face à ceux qui acceptent l’injustice de l’apostasie au regard de la fidélité dû à Dieu ! Son geste de violence compréhensible humainement aboutit à la révolte ; et ceux qui veulent à tout prix garder la fidélité à l’Alliance, vont se cacher dans le désert où, poursuivis par leurs persécuteurs, ils refusent de se défendre le jour du Sabbat ! C’est parfois notre réaction : pot de fer, pot de terre ! … Réactions donc de violences en chaîne.

Dans le récit d’Eléazar et dans celui de la mère des sept fils, on aboutit directement au témoignage du martyr dans la foi au Dieu Unique ! (μάρτυς, en grec veut dire : « témoin »). (2ème phase de la pédagogie divine).

Il semble, déjà, que dans la succession des événements ou du moins des récits, il faille distinguer une progression, fruit d’une pédagogie divine qui aboutira au Christ et à ce que sera le martyre chrétien, la première spiritualité chrétienne lors des temps apostoliques ! A Gethsémani, Jésus n’a-t-il pas dit à Pierre : “Rentre ton épée au fourreau : ne sais-tu pas que si je le demandais auprès du Père, il m’enverrait douze légions d’anges ?“. On passe de la réaction de violence (compréhensible humainement) au témoignage ?Comment alors s’accompliraient les Ecritures d’après lesquelles il doit en être ainsi ?“ (Mt 26.51-54).

Comment d’accompliraient les Ecritures ?“. Avec Jésus, on est au terme de cette pédagogie divine qui interpellent les hommes au niveau de leurs primitives réactions spontanées (de violence souvent)pour les faire progresser vers la morale qui reflète les mœurs divines ; Jésus expire en disant : “Père pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu’ils font !“ (Lc 23.34).

Dans cette continuité, il sera dit dans les Actes des Apôtres : “Tandis qu'ils le lapidaient, Étienne prononça cette invocation : " Seigneur Jésus, reçois mon esprit". Puis il fléchit les genoux et lança un grand cri : "Seigneur, ne leur compte pas ce péché". Et sur ces mots il mourut“.

Et, bien plus, au temps des accomplissements des Ecritures, on voit dans le martyr non seulement un “témoignage de l’Amour du Père dans la fidélité au Dieu Unique“, mais une fécondité : “Le sang des martyrs est semence de chrétiens“, disait Tertullien ! (Troisième phase de cette pédagogie de Dieu à notre égard : une fécondité comme le sang du Christ dont nous bénéficions !). En effet, qui ne dira pas le rapport de cause à effet qu’il a pu y avoir entre martyr d’Etienne et la conversion sur le chemin de Damas de celui qui, gardant les manteaux… et respirant la fureur et la menace, devint l’Apôtre des nations ?

Ainsi on est passé de la violence humaine bien compréhensible parfois à la fécondité cachée du martyre.

Leçon chrétienne par excellence pour que nous aussi nous accomplissions les Ecritures. Prendre en compte, dans nos prières, les révoltes bien compréhensibles de nos frères (et les nôtres aussi) injustement condamnés pour les transformer, avec le Christ, en sources de fécondité. Tel est le sens du martyre !

mercredi 18 novembre 2009

Resurrection des morts… ! - T.O. 33 imp. Mercredi - (II Macc. 7.1-11)

Comme le martyre d’Eléazar que nous avons lu hier, l’héroïsme de la mère qui exhorte ses sept fils à une mort intrépide, avant de mourir elle-même, est tiré du 2ème livre des Macchabées, et reflète le même genre de style pathétique.

Je crois que, de tout l’Ancien Testament, aucun texte ne reflète plus que celui que nous venons d’entendre, la certitude de foi en la résurrection des morts, en la résurrection de la chair !

La semaine dernière, le livre de la Sagesse nous parlait déjà de l’immortalité, mais baignait dans l’atmosphère de l’hellénisme ; il n’insistait pas sur la résurrection des corps. Car pour les Grecs, le corps est comme une prison dont il faut s’échapper pour accéder à une vie spirituelle et à une survie qui se passerait volontiers d’un corps, qu’on abandonne à la corruption définitive.

Tout autre est la mentalité juive la plus authentique. Pour elle, la résurrection de la chair devient peu à peu une certitude de foi, née de l’expérience qu’a faite le peuple élu, tout au long de son existence, d’un Dieu vivant qui se révèle par ses délivrances : « Je suis le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir de l’esclavage d’Egypte »… Les « exodes » se répètent, tout au long des siècles ; et le psalmiste peut chanter : « Notre Dieu est le Dieu des délivrances, à Lui sont les issues de la mort ». Même au-delà de toutes les épreuves et les calamités, même au-delà de la dernière des calamités, la mort elle-même, Dieu veut nous délivrer, nous veut vivants, tels que l’on est : corps et âmes, dirions-nous.

Parlant d’Abraham, et du sacrifice d’Isaac, l’épître aux Hébreux exprimera cette foi, en disant : « Dieu, pensait Abraham, est capable même de ressusciter les morts ; c’est pour cela qu’il recouvra son fils, et ce fut un symbole », une préfiguration !

Aussi, au temps de Jésus, dans les milieux pharisiens, existait déjà cette belle prière, qu’on dit encore à la synagogue, aujourd’hui : « Béni sois-tu, Seigneur, notre Dieu, Maître de l’univers, Toi qui ressuscite les morts »

Et cette belle affirmation de foi s’appuie sur l’expérience des diverses délivrances vécues dans l’histoire. On ne cherche pas à expliquer, pas des raisonnements philosophiques et des dissociations artificielles entre l’âme spirituelle et le corps matériel.

Ainsi, au point de départ de la prédication chrétienne (que l’on appelle kérygme), on proclame un fait : « Ce Jésus qui a été crucifié, Dieu l’a ressuscité, nous en sommes témoins, nous qui avons mangé et bu avec Lui, après sa résurrection »

Affronté à la mentalité grecque, que ce soit à l’aréopage d’Athènes, ou dans l’Eglise de Corinthe, St Paul se fait témoin de la foi de ses ancêtres, et de son appartenance au judaïsme. « Si le Christ n’est pas ressuscité, nous sommes les plus malheureux des hommes ».

Paul ne procède à aucune explication philosophique. Il n’y a, chez lui, que des comparaisons empruntées à la fécondité de la nature et surtout à l’expérience des délivrances, opérées par le Dieu Vivant, tout au long des siècles de l’histoire du peuple élu, auquel il appartient plus que jamais, même après sa conversion sur le chemin de Damas. Lui aussi, comme les douze apôtres, a rencontré le Christ ressuscité, toujours vivant : « Saül, Saül, pourquoi Me persécutes-tu ? ». Lui aussi a droit au nom d’Apôtre.

Ceux, qui sont quelque peu familiers de la Bible, peuvent remarquer que le langage où s’expriment les délivrances opérées par Dieu en faveur de son peuple tout au long de l’histoire, est souvent le même que celui des cosmogonies, c’est-à-dire des récits qui essaient de rendre compte de l’origine de l’univers. Ces cosmogonies ont beaucoup de similitudes avec celles qu’ont imaginées les peuples environnants, Egyptiens, Phéniciens, Babyloniens. Mais, tandis que dans ces cosmogonies païennes, les dieux au pluriel, sortent du chaos primitif et que l’univers résulte d’une lutte gigantesque entre ces dieux pour parvenir à une victoire sur le chaos primitif, dans le premier chapitre de la Genèse, le “Dieu Unique“, le “ Tout Autre“, en dix Paroles, et en sept jours, fait calmement disparaître le chaos, fait passer de la multitude désordonnée à l’harmonie.

Autrement dit, l’expérience des délivrances opérées dans l’histoire par le Dieu Unique et Vivant, s’est projeté aux origines du monde et va se projeter jusqu’à la fin des temps, assurant la victoire de la Vie jusqu’en nos corps mortels si souvent assujettis à un désordre initial. L’Esprit qui planait au-dessus du chaos, lors de la création, est le même Esprit des délivrances et des exodes au cours de l’histoire, est le même Esprit qui a ressuscité Jésus en chair et en os, est ce même Esprit qui donnera VIE à nos corps mortels !

- Rm 8,11 : « Et si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous ! »

- Ph 3, 20-21 : « Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d'où nous attendons ardemment, comme sauveur, le Seigneur Jésus Christ, qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire, avec cette force qu'il a de pouvoir même se soumettre toutes choses. »

mardi 17 novembre 2009

Au temps des persécutions… - T.O. 33 imp. - Mardi - (II Macc. 6.18-31)

Hier, nous n’avons pas médité la lecture du jour à cause de la fête de Ste Gertrude. Elle est cependant importante pour comprendre les livres des Maccabées, livres historiques et spirituels tout à la fois. Le premier livre des Maccabées commence ainsi : “Après qu'Alexandre, fils de Philippe, Macédonien, eut battu Darius, roi des Perses et des Mèdes (bataille de Issos : 333), et fut devenu roi à sa place, …il entreprit de nombreuses guerres, enleva mainte place forte et mit à mort les rois de la région. Il poussa jusqu'au bout du monde et prit les dépouilles d'une multitude de nations. La terre se tut devant lui. (On a connu ce genre de phénomène !). Son cœur s'exalta et s'enfla d'orgueil ; il rassembla une armée très puissante et soumit provinces, nations et dynastes. Après cela, il s'alita et comprit qu'il allait mourir“.Voilà la place que fait la Bible à Alexandre le Grand ! “Quel avantage l’homme aura-t-il à gagner le monde, s’il le paye de sa vie ?“ (Mth 16). Première leçon d’histoire !

Alexandre mort, la Terre Promise redevient ce qu’elle a toujours été : la proie des rivalités entre les superpuissances qui sont au sud autour du Nil et les superpuissances qui sont au nord autour de l’Euphrate.

Je passe sur les nombreuses péripéties politiques de ceux qui se sont partagé l’empire d’Alexandre. Après avoir été soumis aux “Ptolémée“ d’Egypte, bienveillants pour Israël (300-200), la Palestine passe au pouvoir des Séleucides de Syrie qui eurent une politique maladroite d’assimilation forcée et brutale. Ils voulaient contraindre les Juifs à abandonner leurs traditions politiques, nationales et religieuses. Ce qui provoqua chez les Juifs un formidable rebondissement de leur identité tant raciale que spirituelle. Et ce fut la révolte des Maccabées qui dans un premier temps infligèrent aux Grecs plusieurs défaites retentissantes. Nous sommes aux environs de 160.

Mais, comme souvent, les descendants des Maccabées qui s’étaient donc révoltés pour sauvegarder l’intégrité du patrimoine culturel et religieux, deviennent, à leur tour, - 2ème leçon d’histoire ! - des petits roitelets despotes, cumulant pouvoir politique et pouvoir sacerdotal, ce qui est toujours néfaste - 3ème leçon d’histoire !-. Et naturellement ils pactisent avec les cultes des Syriens, des Grecs qu’ils introduisent jusque dans le temple !

C’est l’heure d’une 2ème révolte - puissance deux, si je puis dire - : Beaucoup se réfugient dans le désert de Juda pour retrouver la pureté de la foi. C’est toujours dans un désert que l’on se rend dans les périodes équivoques (Ex. : les résistants… de la dernière guerre). Ce fut la naissance des Esséniens désireux de retrouver la pureté de l’Alliance.

Mais, évidemment, tous les Juifs n’allèrent pas au désert. Et, à Jérusalem surtout, des épisodes de persécution sanglante eurent lieu, tel celui que relate notre lecture.

Que retenir de toute cette histoire en l’espace d’un siècle ?
  1. D’abord, une grande leçon de fidélité et de foi de la part de ce vieillard de 90 ans qui préféra le martyre, “obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes“. - “Il est indigne à notre âge, disait-il, de dissimuler !“. “Savoir dissimuler est le savoir des rois“, disait Richelieu.

    Mais cela ne vaut pas quand il s’agit du Roi des rois, le Christ qui lui n’a pas dissimulé son amour pour nous et qui attend de nous une “profession de foi“. “Nous ne pouvons pas ne pas dire…“, disait Pierre. La foi donne une participation à la vie même de Dieu. La foi n’est pas de l’ordre de l’opinion privée comme on le dit tellement en Occident. Certes, le témoignage n’est pas toujours facile… Grande question !
  2. D’autre part, que sont devenus les Esséniens, ces purs, puristes ? Il semble qu’ils avaient encore au temps de Notre Seigneur une assez grande influence. Il y a plusieurs causes à leur disparition.
  • D’abord un mini tremblement de terre qui a suffi à disloquer le système d’adduction d’eau qui était si importante pour eux, pour leurs ablutions rituelles, ce qui était le centre de leur spiritualité (cf. Pharisiens). Quand les rites remplacent la foi, il y a toujours danger, un danger qui guette tout croyant !
  • Il y avait certainement aussi les permanentes incursions des Parthes qui ébranlaient périodiquement le pouvoir romain en cette région. Et les Esséniens étaient en première ligne ! Notre Eglise n’a-t-elle pas toujours ses ennemis permanents ?
  • Il y a eu surtout la prise de Jérusalem en 70 par Titus. Bien que n’ayant pas les mêmes opinions des nationalistes juifs, les Zélotes, on pense que les Esséniens pactisèrent avec eux dans la révolte de Massada. Ce fut leur perte. Et puis, par intransigeance, ils avaient eu tendance à se “recroqueviller“ sur eux-mêmes, à devenir une secte finalement.

Jean-Baptiste lui-même (on a pensé qu’il les avait fréquentés) est déjà en rupture avec eux quand il va à la rencontre des foules, prêchant un baptême de pénitence…

Et Jésus, lui, était en totale rupture quand il allait, de préférence, vers les pauvres, les illettrés, les malades.

Et le baptême chrétien - participation à la mort et à la résurrection du Christ - ne s’est jamais inspiré du baptême des Esséniens. Jamais leurs repas sacrés n’ont eu une signification eucharistique ! Puissions-nous ne jamais avoir une tendance sectaire, être rangés sous le vocable d’une secte !

… L’histoire est toujours riche d’enseignements à méditer !

lundi 16 novembre 2009

Ste Gertrude - 16 Novembre

Ste Gertrude est l’un des grands noms de la “Mystique chrétienne“. Sa spiritualité très sensible, aux expressions scripturaires, aux accents très romantiques peuvent en rebuter bon nombre de ses lecteurs. Cependant elle témoigne d’une union extraordinaire au Christ que tous nous recherchons à travers les méandres de notre vie.

Elle naquit vers 1250, époque de grande foi mais encore socialement très dure ! Nous ne connaissons rien de ses parents. Mais, dès l’âge de cinq ans, elle fut offerte comme “oblate“ au monastère d’Helfta, en Saxe. C’était une coutume assez courante, en ce temps-là, qui permettait de donner à des enfants une “bonne éducation“ à la fois humaine et chrétienne. De fait, la jeune enfant trouva dans le cloître non seulement une sécurité (recherchée) et un climat qui lui convenait. La Liturgie, l’Office divin lui permettait, d’une part, d’apprendre le “langage de Dieu“ grâce à l’Ecriture Sainte et, d’autre part, d’acquérir une disposition à “écouter“ Dieu. De plus, elle profita d’une formation littéraire assez poussée. L’une de ses compagnes, Mechtilde (Sainte, elle aussi), était très musicienne ; une autre brillait par son talent de calligraphe ; une troisième était une habile miniaturiste. Gertrude mordit avec un tel appétit aux études profanes qu’elle devait fortement se le reprocher après sa “conversion“.

Les temps étaient assez rudes et difficiles. Les Seigneurs se faisaient facilement la guerre ; l’insécurité régnait ; et les famines, plus ou moins fortes, sévissaient. Cependant son monastère prospéra sous la houlette d’une abbesse remarquable au point d’assumer deux fondations.

Dans ce milieu d’élite où le temps se partageait entre la “Sainte Liturgie“, riche et paisible, et les travaux intellectuels, manuels, Gertrude se formait sans inquiétude religieuse particulière. Faut-il penser : dans une certaine tiédeur spirituelle ? Elle écrira plus tard qu’alors “elle se souciait de son âme comme de l’intérieur de se pieds !“. Pieuse exagération, sans doute !

Elle conta elle-même comment le Christ l’avait convertie : “Je rends grâce à votre immense miséricorde, Seigneur, et à votre patience jusqu’à mes vingt-cinq ans“ durant lesquels j’ai vécu comme une païenne “jusqu’au moment où vous m’avez prévenue par un dégoût connaturel du mal et un plaisir du bien“. – “En la 25ème année de mon âge, en la fête de la Purification de Notre Dame, … vous, la Vérité, mon Dieu, plus serein que toute lumière, mais plus intérieur que tout secret, vous avez résolu de diluer la densité de mes ténèbres, commençant par calmer ce trouble qu’un mois auparavant vous aviez suscité en mon cœur. Par ce trouble, vous avez essayé de détruire la tour de ma vanité et de ma curiosité qu’avait bâtie mon orgueil“.

Le Christ lui apparaît. Il lui dit : “Je te sauverai et te libèrerai !“ Et c’est en recevant les stigmates du Christ qu’elle vécu intimement du Christ, en Lui, avec Lui, par Lui.

Dès lors, la vie de Gertrude fut alors un progrès permanent en Dieu, vers Dieu. Souvent souffrante, elle apprit la patience, l’humilité, la condescendance, la charité, étant au service de ses Sœurs, recevant multiples pèlerins… Elle mourut probablement le 16 Novembre 1302.

Ses œuvres sont des méditations sur la vie intérieure, sur la vie chrétienne et monastique : l’innocence baptismale, la conversion spirituelle, la consécration à Dieu, la louange et l’action de grâces…

Son style est très romantique : “Jusqu’à quand, jusqu’à quand, ô mon Bien-aimé, attendrai-je l’heure où je jouirai de vous, et de la contemplation de votre face digne d’amour ?“. – “De vous, mon âme a soif (Cf. Ps 41.3). Le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent, sans vous ne sont pour moi qu’un hiver glacé…“. – “Oh ! Amour, Amour, quand allez-vous me délivrer de ce corps pour que je jouisse sans intermédiaire de l’aimé de mon cœur et que je reste avec lui à jamais ?“. Tous les thèmes d’un grand lyrisme sont là : la nature, l’amour, la mort. Son style a été comparé à celui de Lamartine.

Au-delà de ce style, retenons surtout que sa vie peut se résumer en ce mot du livre de Josué : “Vous aurez bien soin - car il y va de votre vie - d’aimer le Seigneur votre Dieu !“ (23.11). Ste Gertrude est une âme d’amour ! Sa piété se portait de préférence sur l’Incarnation, l’humanité du Christ, le Sacré-Cœur. Elle aima l’Eucharistie, la communion fréquente.

Aussi, ici, en cette chapelle des Visitandines portées, elles aussi, à la spiritualité du Sacré-Cœur, d’un Dieu qui s’est fait homme pour manifester aux hommes son amour des hommes, on peut prier très particulièrement Ste Gertrude de nous aider à contempler comme elle le Fils de Dieu qui s’est fait homme pour que les hommes deviennent fils de Dieu. Demandons-lui d’avoir sa grande dévotion envers l’Eucharistie !

Pour terminer, je vous transmets une de ses belles prières à l’intention des défunts : “Très doux Seigneur Jésus, je te prie de bien vouloir exaucer, par les mérites de ta très sainte vie, cette prière que je t’adresse pour les défunts de tous les temps, et spécialement ceux pour qui on ne prie jamais. Je te demande de suppléer à tout ce que ces âmes ont négligé dans l’exercice de tes louanges, de ton amour, de la reconnaissance, de la prière, des vertus et de toutes les autres bonnes œuvres qu’elles auraient pu accomplir et qu’elles n’ont point faites, ou qu’elles ont accomplies avec trop d’imperfection“.

vendredi 13 novembre 2009

La Création, premier langage de Dieu - T.O. 32 imp. Vendredi - (Sag. 13.1sv)

“Ils sont insensés par nature, tous les hommes qui ont ignoré Dieu, et qui, par les biens visibles, n’ont pas été capables de connaître Celui-qui-est, et n’ont pas reconnu l’Artisan en considérant ses œuvres“.

St Paul ne dira pas autre chose “Depuis la Création du monde, les perfections invisibles de Dieu - éternelle puissance et divinité - sont visibles dans ses œuvres pour l’intelligence ; ils sont donc inexcusables ceux qui, connaissant (ainsi) Dieu, ne lui rendent ni la gloire ni l’action de grâce qui reviennent à Dieu. Au contraire, ils se sont fourvoyés dans leurs vains raisonnements…“ (Rm 120sv).

Si on était vraiment intelligent (“intus legere“ : lire à l’intérieur), on déchiffrerait quelque chose de Dieu dans ses œuvres qui portent sa marque ; on déchiffrerait le caractère de Dieu un peu comme un graphologue déchiffre le caractère de quelqu’un à partir de son écriture. La création est bien le premier langage de Dieu, un langage exprimé “dès le début, au commencement“. Au commencement du monde comme au commencement de notre vie. Toute la création nous parle de Dieu, nous conduit à lui.

A ce sujet, je ne peux m’empêcher de vous citer un magnifique texte de St Augustin :

“J'ai interrogé la terre et elle m'a dit : «Je ne suis point Dieu.» Tout ce qui s'y rencontre m'a fait le même aveu.

J'ai interrogé la mer et ses abîmes, les êtres vivants qui s'y meuvent et ils m'ont répondu : «Nous ne sommes pas ton Dieu ; cherche au-dessus de nous» .
J'ai interrogé les vents qui soufflent ; et l'air avec ses habitants m'a dit : «Anaximène
(de Milet, philosophe du 6ème s. av. J.C. qui affirmait que le premier élément de l’Univers, c’était l’air) se trompe, je ne suis point Dieu.» J'ai interrogé le ciel, le soleil, la lune et les étoiles : «Nous ne sommes pas davantage le Dieu que tu cherches», m'ont-ils déclaré.

Et j'ai dit à tous les êtres qui assaillent les portes de mes sens : «Entretenez-moi de mon Dieu, puisque vous ne l'êtes point, dites-moi quelque chose de lui».
Ils m'ont crié d'une voix éclatante : «C'est Lui qui nous a créés». Pour les interroger je n'avais qu'à les contempler, et leur réponse, c'était leur beauté“.(Confessions).

Le livre de la Sagesse ne dit pas autre chose : “Si certains ont été charmés par la beauté des œuvres du Créateur au point de les prendre pour des dieux, qu’ils apprennent combien leur Maitre est supérieur, car il est l’Auteur même de la beauté qui les a créés“.

Bien plus, le chef-d’œuvre de la création, c’est l’homme. “Dieu fit l’homme à son image et ressemblance. Il le fit homme et femme“ ! C’est - normalement - l’homme et la femme qui doivent être, dans l’amour, le plus beau reflet de Dieu Créateur ! Leur union mutuelle (malgré les “avatars“ qu’elle entraîne parfois ici-bas), reste la belle image de l’union de Dieu avec l’homme, union qui est la finalité de toute la création, qui se réalisera parfaitement dans le Christ. Aussi, Tertullien, imaginant le Créateur comme le potier créant son œuvre, selon l’image biblique, contemplait déjà le Christ, l’homme parfait voulu par Dieu dès le matin de sa création : “Représente-toi Dieu tout entier occupé à donner figure à l’œuvre de sa main : il y applique son intelligence, son action, sa sagesse et sa providence, et avant tout son affection. Car tout ce qui était imprimé dans ce limon, c’était la pensée du Christ, l’homme à venir“. (Cf. une sculpture de la cathédrale de Chartres : Quand Dieu crée Adam, il pensait au Christ, - représenté derrière Adam -, le Christ, l’homme à venir, l’homme parfait !). Aussi le Cardinal Daniélou écrivait : “La création tout entière est comme un libre et beau prolongement de la génération éternelle du Fils ; elle est comme caché en elle !“.

Sachons - même citadins !- regarder les œuvres du Créateur ; elles nous parlent de Dieu ! Diderot lui-même, ce philosophe des lumières, disait : “L’œil, l’aile d’un papillon suffisent pour détruire la négation de Dieu !“.

Dernière réflexion : puisque le premier sens du mot “grâce“ est celui de “beauté, charme, élégance“, il va de soi que le chrétien, animé par la grâce, métamorphosé par elle de “gloire en gloire“, comme dit St Paul (II Co. 3.18) devient de plus en plus beau. Il porte déjà ici-bas “la ressemblance de l’homme céleste“ (I Co. 15.49). Et St Augustin d’écrire : “Dieu qui est éternellement beau nous a aimés, nous difformes, afin de nous rendre beaux. Comment serons-nous beaux ? En aimant celui qui est toujours beau. Dans la mesure où croît ton amour, croît aussi ta beauté : car la charité elle-même est la beauté de l’âme“. C’est ainsi que le chrétien, témoignant de la beauté de Dieu comme tous les éléments de la création, peut témoigner de l’existence de Dieu. Aussi il est dit de Jésus qu’il était “le plus beau des enfants des hommes“ (“plein de grâce et de vérité“ Luc 2.40), beauté qu’il devait tenir aussi de sa mère qui, elle, la “toute belle“, “pleine de grâce“, l’Immaculée, la tenait de Dieu ! - Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet très théologique finalement. - Je conclue : Messieurs et Mesdames aussi (!), sachons où se trouve la source de toute beauté. Car pour être belle, disait un confesseur à l’une de ses pénitentes, arrête-toi une minute devant la glace, cinq devant ton âme, et quinze devant Dieu !“. Ainsi ta beauté témoignera de Dieu !

jeudi 12 novembre 2009

Offrande, Action de grâces - T.O. 32 imp. - Jeudi - (Sag. 7.22sv)

Dieu agit secrètement - du moins apparemment : “les pensées de Dieu ne sont pas vos pensées !“ - ; mais avec beaucoup de pédagogie…

Nous avons entendu un passage du livre de la Sagesse. C’est un livre tardif (sans doute, 1er s. av. J.C.). Or, dans ce livre, la “Sagesse“ est comme personnifiée, hypostasiée. C’est encore une créature. Le “dépassement“, si je puis dire, que Jésus fera - “Et le Verbe s’est fait chair !“ - n’est pas encore accompli. Mais on y tend…

La Sagesse est une créature qui existe avant la Création. Elle joue devant Dieu… Elle inspire Dieu créant les mondes. Et lorsque l’homme est créé, elle vient converser avec les enfants des hommes… C’est que la Sagesse est un peu comme une échelle de Jacob : bien plantée en terre, elle s’élève très haut dans le ciel ; elle relie terre et ciel, l’homme et Dieu ! Et c’est d’en haut, de cette Sagesse, de Dieu que vient tout bien pour l’homme. Au fond la Sagesse est le rayonnement de la Gloire de Dieu pour le profit de l’homme. C’est Dieu qui se manifeste à l’homme ; c’est l’annonce de Dieu qui se fait homme !

Dans ce livre, il y a une magnifique prière attribuée à Salomon. Vous pourrez vous y reporter. Je ne peux m’empêcher de vous en livrer quelques extraits : “Dieu des pères et Seigneur miséricordieux, donne-moi la Sagesse qui partage ton trône… Du reste, quelqu’un fût-il parfait parmi les fils des hommes, sans la Sagesse qui vient de toi, il sera compté pour rien… Fais-la descendre des cieux saints ; du trône de ta Gloire, daigne l’envoyer. - Quel homme pourrait connaître la volonté de Dieu ? Les pensées des hommes sont hésitantes ; précaires nos réflexions. Déjà nous avons peines à nous représenter les réalités terrestres. Mais les réalités célestes, qui les a explorées ? Et ta volonté qui donc l’aurait connue, si tu n’avais donné toi-même la Sagesse et envoyé d’en-haut ton saint esprit ?“. (ch.9).

“C’est elle que j’ai aimée et recherchée dès ma jeunesse… Je résolus donc d’en faire la compagne de ma vie, sachant qu’elle serait ma conseillère pour le bien, mon réconfort dans les soucis et le chagrin. Pourtant je savais que je n’obtiendrais pas la Sagesse autrement que par un don de DieuJe me tournai donc vers le Seigneur et le priai…“. (ch.8)

Et c’est ainsi que nous pouvons reprendre notre texte d’aujourd’hui en demandant la Sagesse de Dieu lui-même. Car il y a dans la Sagesse :
  • un esprit intelligent : L’homme intelligent dans la Bible, c’est celui qui sans cesse recherche Dieu, son appui, son alliance. “Intus-legere“ : reconnaître Dieu à l’intérieur de toutes choses !
  • un esprit saint : celui que reconnaissait le prophète Ezéchiel devant la vision du trône de Dieu : “Saint, Saint, Saint, le Seigneur de l’univers…“
  • un esprit unique, multiple. Oui, “Dieu est l’Unique“. Aussi, “tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton esprit et de toute ton âme“. Oui, “Dieu est l’« Unique » ; il n’y en a pas d’autre !“. Mais, il nous a appris, en Jésus Christ, comment il est “Unique“ : en étant “multiple“. Depuis lors, nous prions : “Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit“…
  • un esprit rapide : “Voici le Seigneur, monté sur un nuage rapide“ (Is. 19.1). “Par ses paroles, il dirige sa course rapide“ (Si 43.5). “Et le Verbe s’est fait chair ; il a dressé sa tente parmi nous !“.
  • un esprit pénétrant : La Sagesse de Dieu, comme sa parole “pénètre jusqu’à diviser âme et esprit. Elle passe au crible les mouvements et les pensées du cœur. Il n’est pas de créature qui échappe à sa vue. Tout est à nu à ses yeux, tout est subjugué par son regard…“ (He. 4.12).
  • Elle est “l’image de la bonté de Dieu“: Elle révèle déjà que Dieu est Amour…, un Amour plénier, total. “Il n’y a pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie…“, dira Jésus, lui “l’Image du Dieu invisible“, reconnaîtra St Paul ( Col. 1.15).

Vous pourrez continuer à méditer cette belle page du livre de la Sagesse. Et vous aussi, vous pourrez dire : “J’ai prié, j’ai imploré et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. Je l’ai préférée à la richesse, car tout l’or du monde, face à elle, ne serait qu’un peu de sable. Je décidai de l’avoir pour lumière“. (7.7sv) – “Je suis la Lumière du monde“, disait Jésus ; celui qui marche à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres. Et même celui qui marche à l’ombre de la mort ne tombera pas dans les ténèbres… Il sera mené au festin que la Sagesse à préparé dans sa maison (Pr. 9.1-6). Ce festin est celui des noces de l’Agneau, comme le dit St Jean. Préparons-nous à ce repas divin par le pain et le vin que le Christ nous donne ici-bas, son Eucharistie.

mardi 10 novembre 2009

St Léon, pape – 10 Novembre

St Léon, n’aimant pas beaucoup parler de lui-même, n’est pas bien connu. Il naquit probablement vers 400 en Toscane. On sait qu’il fut archidiacre de Rome et fut le conseiller apprécié du pape Sixte III. A la mort de celui-ci (440), il était en mission en Gaule. Sa réputation, son influence étaient si grandes qu’il fut élu pape par le peuple de Rome pendant son absence !

De son pontificat, on ne connaît que son activité pastorale (caritative) et pastorale. L’an dernier, notre pape Benoît XVI disait à son propos : “St Léon le Grand fut un grand pape ; il sut calmer un temps la fureur d’Attila et organiser la solidarité en faveur des réfugiés. Il sut veiller aussi à la communion des Eglises lors du grand Concile de Chalcédoine“ (451).

Tout est déjà dit en cette phrase !

- “Il sut calmer la fureur d’Attila“, mais pas celle de Genséric et de ses Vandales (455). Il parvint cependant à négocier. Grâce à St Léon, ce qui fut appelé le “sac de Rome“ se fit sans tuerie, ni incendie. Les troupes de Genséric entrèrent dans la ville, sans y commettre de dégâts importants, mais amassèrent un butin considérable. Les objets de valeurs furent pris : les tuiles en or du Capitole ; le Menorah (chandelier à sept branches), fruit du pillage de Jérusalem par l'empereur Titus est également enlevé. Epoque donc très trouble !

- St Léon eut un rôle très important au Concile de 451 qui réunit plus de 350 évêques qui condamnèrent Eutichius qui niait la véritable nature humaine du Christ. Le pape n’était pas présent physiquement à ce grand Concile. Mais son influence fut immense par l’intermédiaire d’un écrit adressé à l’évêque de Constantinople, appelé “Tome à Flavien“. St Léon affirme fortement que dans l’unique Personne du Christ, l’union des deux natures - humaine et divine – s’est réalisée sans confusion ni séparation… C’est alors que l’assemblée s’écria : “Pierre a parlé par la bouche de Léon !“.

- Enfin, dès cette époque, il fut déjà le promoteur et le défenseur de la primauté romaine. Cette primauté, expliquait-il, vient non pas du prestige d’une ville - telle Constantinople - mais de sa qualité de successeur de Pierre.

Retenons surtout de lui cette profession de foi que le Christ est véritablement Dieu et véritablement homme ! C’est le fondement même de notre foi. St Paul s’écriait déjà : “Si le Christ n’est pas ressuscité (par puissance divine)… , vaine est notre foi !“. - Et tous les évangiles démontrent que Jésus fut tout autant homme.

“La chair du Christ, écrivait St Léon, n’est pas d’une nature différente de la nôtre, et son âme n’est pas vivifiée par un principe différent de celui des autres hommes… Ainsi le Verbe, en se faisant homme, a élevé l’humanité jusqu’au niveau de Dieu“.

Et cela est capital pour chacun d’entre nous. Ce fut la foi de tous les temps, dès les premiers siècles. Le premier évangélisateur en notre pays, Irénée de Lyon (fin du 2ème s. - disciple de Polycarpe, lui-même disciple de St Jean) expliquait : “Le Verbe de Dieu s’est fait fils de l’homme pour habituer l’homme à recevoir Dieu et pour habituer Dieu à habiter dans l’homme !“. Oui, “le Verbe de Dieu s’est fait homme afin de nous faire Dieu“, dira St Athanase (4ème s.). Et quelque temps plus tard, St Augustin (4ème-5ème s.) dira : “Dieu s’est fait pleinement et véritablement homme afin que, marchant à la suite d’un homme - ce que nous pouvons -, nous arrivions jusqu’à Dieu - ce que nous ne pouvions pas -“.

Et durant tous les siècles suivants, la même doctrine fut expliquée, explicitée et comprise par les chrétiens les plus simples. On rapporte cette phrase d’un jeune de douze ans, un nommé Charles : “Je sais pourquoi il (le Christ) est venu : pour faire l’expérience de l’homme ; et il voulait ainsi nous apprendre à faire l’expérience de Dieu“.

Le Concile Vatican II pouvait écrire : “Par l’incarnation, le Fils de Dieu s’est uni d’une certaine manière à tout homme“.

“Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi“, s’écriait St Paul. Remercions la Providence de mettre sur notre route des hommes qui non seulement enseignent ce que St Léon nous a transmis, mais des hommes pleinement hommes qui vivent de Dieu, qui manifestent la présence de Dieu en l’homme. On peut faire mémoire, cette année, du “Saint Curé d’Ars“ qui, au témoignage de beaucoup, en regardant l’Eucharistie, regardait Dieu et vivait de Dieu ! Demandons constamment cette grâce que véritablement homme, (en venant adorer en cette chapelle le “Saint-Sacrement), nous vivions de Dieu, déjà ici-bas, et pleinement au jour éternel.

lundi 9 novembre 2009

Dédicace Basilique du Latran - 9 Novembre

Au 1er siècle, une vieille famille - Les laterani - possédait un splendide palais sur le versant de la colline du Coelius. Après bien des péripéties, un des descendants de cette famille (Titus Sextus Lateranus) construisit (197) près de ce palais une vaste caserne pour les cavaliers d’élite formant la garde de l’empereur. Constantin enfin (312) donna l’ensemble aux chrétiens, au pape.

Rome possédait déjà un bon nombre d’églises paroissiales - les “titres“ -. Mais avec la donation du Latran commença la création de basiliques qui permettaient des rassemblements importants à l’occasion des grandes fêtes. Pourquoi Constantin installa-t-il le pape au Latran, quartier excentrique de la ville ? On invoque des raisons pratiques : aucune expropriation n’était nécessaire en ce lieu extérieur à la ville ; raison aussi politique : une construction en pleine ville aurait pu être considérée comme une provocation par les païens. En tous les cas, dès 313, le pape Miltiade réunissait un Concile, les travaux d’une basilique étant en construction à la place de la caserne ancienne.

Suivant l’ancien usage, la basilique fut désignée par le nom de son fondateur, Constantin, le nom de “Latran“ étant employé concurremment. Puis, le vocable religieux de “Saint-Sauveur“ fut donné, supplanté par celui de St Jean. On ne sait pas la date de sa consécration (315-325). - L’autel de la basilique ne contenait en guise de reliques qu’un antique autel en bois ; la légende dit que c’était l’autel portatif dont se servaient les papes au temps des persécutions. Ce n’est qu’en 844 que le pape Serge II, avec la création d’une “confession“ y plaça des reliques.

Bien sûr, au cours de siècles, la basilique connut beaucoup de transformations (au grand dam des archéologues et artistes) sans qu’elles exigent une nouvelle consécration. De la basilique primitive, on a gardé le plan à cinq nefs. Du palais pontifical qui abrita les papes du 4ème au 14ème siècle, il ne reste presque rien. L’actuel palais du Latran est l’œuvre de Fontana, l’architecte du pape Sixte-Quint (1585-1590) qui fit disparaître à peu près tout le legs du Moyen-Age. - En tous les cas, c’est là qu’eut lieu l’alliance de Charlemagne avec la papauté. La légende garde le souvenir de l’ancien escalier du palais papal qui aurait été celui du palais de Pilate, celui-là même que le Christ aurait monté durant sa passion. On a dit aussi que les dépouilles du Temple de Jérusalem rapportées à Rome par Titus auraient été au Latran jusqu’au pillage de la ville par les Vandales de Genséric (455).

Quoi qu’il en soit, malgré les ruines et les restaurations plus ou moins heureuses, tout chrétien voit en cette basilique les nombreuses traces d’une glorieux passé dans beaucoup de détails de la basilique actuelle qui “de toutes les églises de la ville et du monde est la mère“.

Une basilique ! Une église ! Ce sont des signes, signes de l’alliance de Dieu avec l’homme, signe de sa présence au milieu de nous.

Mais je vous propose de surtout retenir deux paroles aujourd’hui :
  • celle de Jésus : le temple de Dieu, c’est moi !
  • celle de St Paul : le temple de Dieu, c’est vous !

Cela veut dire que depuis Jésus, il y a un changement radical. Désormais, le lieu où Dieu habite, ce n’est pas une construction, c’est l’homme !

Jésus parlait, lui, nous dit St Jean, du temple de son corps. Jésus est la rencontre parfaite entre Dieu et l’homme. Depuis l’Incarnation, Dieu a pris corps parmi les hommes. Dieu n’habite pas des temples construits par l’homme ; mais en Jésus, Dieu est présent parmi nous, en nous ; et dans l’Eucharistie, il nous donne le signe efficace de sa présence. Le temple de Dieu, c’est Jésus ressuscité, toujours vivant.

Et Paul ajoute comme en écho : “le temple de Dieu, c’est vous, et ce temple est sacré“. Oui, depuis notre baptême, nous sommes incorporés au Christ, nous sommes le temple de Dieu et l’Esprit de Dieu habite en nous. Nous sommes pour ainsi dire “consacrés à Dieu“. Cela est vrai pour chacun d’entre nous ; cela est vrai pour nous tous, ensemble : nous sommes la “maison“ que Dieu construit : l’Eglise !

Le vrai temple de Dieu, c’est le corps de Jésus ressuscité. Et Jésus veut étendre cette grâce à toute l’humanité. Toute l’humanité doit devenir le Corps “mystique“ du Christ, Temple de Dieu. Jésus est la tête de ce corps et nous en sommes les membres. Et le projet de Dieu, c’est que, peu à peu, toute l’humanité devienne Corps du Christ et Temple de l’Esprit. En célébrant l’Eucharistie, nous offrons le sacrifice de Jésus qui veut rassembler tous les hommes en lui. L’Eucharistie fait l’Eglise, fait le “Corps du Christ“ pour que l’humanité réconciliée devienne Temple de Dieu…

Bâtir, entretenir des églises de pierres, c’est nécessaire, utile (Et je remercie ceux qui entretiennent cette chapelle de la Visitation…). Mais ces édifices ne sont que des signes. Bâtir l’Eglise des chrétiens, “Corps du Christ“, animé par l’Esprit-Saint, est notre tâche essentielle… et magnifique.

vendredi 6 novembre 2009

Offrande, Action de grâces - T.O. 31 imp. – Vendredi - (Rm 15.14-21)

C’est la fin de la lettre aux Romains… Et comme St Paul avait préludé à son enseignement doctrinal en louant la foi de ses compatriotes - “Je rends grâce à Dieu de ce qu’on proclame votre foi dans le monde entier !“ (1.8) -, il fait suivre son exposé d’un nouvel éloge de la Communauté romaine : “Je suis convaincu que vous êtes pleins de bonnes intentions !“. On sent qu’il veut éviter l’apparence de s’imposer impérieusement à une Eglise qu’il n’a pas fondée. Et puis - je dirais avec humour - : tout apôtre qu’il soit, il témoigne, en un temps facilement qualifié de “barbare“ ou “cruel“, d’une certaine politesse que l’on aimerait voir pratiquer en notre époque dite civilisée ! Paul a été bien éduqué ; il a de “bonnes manières“ ! Il semble même s’excuser : “Cependant, pour raviver votre souvenir…,“ si besoin était, “je vous ai écrit, par endroits, avec une certaine hardiesse“. Mon but, c’était que les païens eux-mêmes “deviennent une offrande agréable à Dieu !“.

C’est peut-être le mot qu’il faut retenir aujourd’hui de notre lecture. St Paul, même s’il s’adresse à des païens, reste “bon Juif“ dont la racine de ce mot (“Juif“) veut dire “louer“, “merci“. C’est comme l’équivalent du mot grec “eucharistein“. Or, pour nous chrétiens, l’Eucharistie qui nous rassemble n’est-elle pas une “offrande“, une louange, une action de grâces, un “grand Merci“ ! Dans l’A.T., “offrir des sacrifices“, c’est une expression qui veut dire en mot-à-mot : “faire monter des choses qui montent“ : on accueille les dons de Dieu, quels qu’ils soient, pour les faire remonter vers le Seigneur !

Créés par Dieu, nous sommes “structurés“ pour tout faire rebondir dans l’action de grâce. L’action de grâce, c’est la clef de l’harmonie de la vie spirituelle. Tout notre être est fait pour rebondir vers Dieu qui nous a créés et nous crée sans cesse “à son image et ressemblance“. Les mouvements dits “charismatiques“ - même si nous ne partageons pas toujours leurs manières de procéder - nous rappellent qu’on inhibe trop, peut-être, les dynamismes affectifs les plus profonds de notre être qui est fait pour “rebondir vers Dieu“. Cela devrait se traduire sans cesse ne serait-ce que par un langage, des chants appropriés pour manifester notre louange à Dieu !

“Ta Loi, ta Parole, dit un psaume, est au plus profond de moi“ ; il faudrait traduire : “jusqu’au fond de mes entrailles“. Cela veut dire que toutes les composantes de notre corps, de notre esprit, de notre âme (pour aimer Dieu de tout son cœur, de tout son esprit, de toute son âme) doivent participer à toute une orchestration au bénéfice d’une louange permanente adressée à Dieu le Père, par Jésus Christ, sous l’action de l’Esprit Saint. Nous sommes trop victimes peut-être, parce que trop rationnels, de ce que le P. Marcel Jousse (un Sarthois !) appelait “l’algébrose“, le langage exsangue, anémié qui effacent toutes les expressions qui sont en nous pour louer le Seigneur. C’est en ce sens que Paul disait facilement : Faites tout pour la gloire de Dieu… Priez sans cesse…

Il y a, dans la Bible, un texte assez significatif et très imagé qui rappelle cette dimension verticale de notre vie faite pour offrir, louer, remercier. C’est dans le Deutéronome (ch 11ème) : “Le pays où tu entres n’est pas comme le pays d’Egypte où après avoir semé, il fallait arroser avec le pied comme un jardin potager“ (système de norias). Il fallait sans cesse être penché sur la terre, dans une seule préoccupation horizontale.“Le pays dont vous allez prendre possession est un pays de montagnes et de vallées arrosée par la pluie du ciel !“. … “Et si vous obéissez à mes commandements (en aimant votre Dieu…), je donnerai à votre pays la pluie en son temps, pluie d’automne et pluie de printemps“. Autrement dit, il faut savoir se relever souvent, ne pas rester sans cesse penché vers la terre dans une seule préoccupation horizontale de la vie ; il faut savoir se relever dans une dimension verticale soit pour demander au Seigneur la pluie qui féconde la terre, soit pour le remercier des récoltes grâce à la pluie que le Seigneur a envoyée.

Quand on perd la dimension verticale, on devient facilement comme les Hébreux en Egypte : des êtres rivés à la terre pour faire… des briques, et encore des briques et toujours des briques. On est victime de la production (ou du divertissement). C’est grave, cela ! L’homme devient une machine de production et non plus un être de fécondité ! Il faut savoir sortir d’Egypte et aller au désert où, dans un état de pauvreté, de dépendance, on retrouve la dimension verticale, cette dimension qui nous dispose à mieux écouter la Parole de Dieu qui, alors, telle une pluie, est active : “Ma parole qui sort de ma bouche ne retourne pas vers moi sans résultat“, dit Dieu par le prophète Isaïe (55.11).

Recevoir la Parole de Dieu pour en faire une parole d’offrande, de bénédiction, d’action de grâces.

Recevoir la “Parole faite chair“ par le sacrement de l’Eucharistie pour faire de toute notre vie une “offrande agréable à Dieu“ !

jeudi 5 novembre 2009

L’amour ! Oui! Mais l’amour même de Dieu révélé en Jésus Christ - T.O. 31 imp. - Jeudi - (Rm 14.7-12)

Depuis le chapitre 12ème, St Paul indique les rapports que l’amour - celui reçu de Dieu - doit créer entre les différents membres du Corps du Christ.

  • Que chacun agisse suivant la mesure de la grâce qu’il a reçue, selon les charismes qui lui sont propres : prophétie, service du prochain, enseignement, exhortation…
  • Que tous pratiquent la charité avec tendresse (“philadelphia“), avec zèle, patience, persévérance, pleurant avec ceux qui pleurent, joyeux avec ceux qui sont joyeux, sans rendre le mal pour le mal.
  • Que tous soient également soumis aux autorités légitimes.
  • St Paul reprend même les commandements de Dieu : pas d’adultère, de meurtre, de vol, de convoitise entre vous. Car la charité est le plein accomplissement de la Loi.
  • Et puis, que les forts (dans la foi) soient attentifs aux plus faibles, les soutiennent.

Et soudain, St Paul s’élève à une vue magnifique de toute condition chrétienne. Les disciples du Christ ne doivent pas chercher leur satisfaction personnelle, mais celle du Seigneur. “Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons nous mourons pour le Seigneur… Car c’est pour être Seigneur des morts et des vivants que le Christ est mort et qu’il a repris vie. Tous nous comparaîtrons devant le tribunal de Dieu !“.

Autrement dit, il faut, certes, avoir une aversion totale pour le mal, le péché, mais toujours de la tendresse pour l’homme même pécheur. Aussi, je conclurai en vous livrant quelques réflexions que le Cardinal Decourtray avait écrit naguère, peu avant sa mort :

Jésus n'a pas dit : Cette femme est volage, légère, sotte, elle est marquée par l'atavisme moral et religieux de son milieu, ce n'est qu'une femme ! - Il lui demande un verre d'eau et il engage la conversation. (Jn 4, 1-42)
Jésus n'a pas dit : Voilà une pécheresse publique, une prostituée à tout jamais enlisée dans le vice. - Il dit : Elle a plus de chance pour le Royaume de Dieu que ceux qui tiennent à leur richesse ou se drapent dans leur vertu ou leur savoir (Lc 7/36-49).
Jésus n'a pas dit : Cette vieille qui met son obole dans le tronc pour les bonnes œuvres du Temple est une superstitieuse. - Il dit qu'elle est extraordinaire et qu'on ferait bien d'imiter son désintéressement (Mc 12/41-44) )
Jésus n'a pas dit : Cet homme n'est qu'un fonctionnaire véreux qui s'enrichit en flattant le pouvoir et en saignant les pauvres. - Il s'invite à sa table et assure que sa maison a reçu le salut (Luc 19/1-10) )
Jésus n'a pas dit : Ce centurion n'est qu'un occupant. - Il dit : Je n'ai jamais vu pareille foi en Israël (Luc 7/1-10). )
Jésus n'a pas dit : Cet individu n'est qu'un hors-la-loi. - Il dit : Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis (Luc 23/39-43). )
Jésus n'a pas dit : Ce Judas n'est qu'un traître. - Il l'embrasse et lui dit : Mon ami ! (Mt 26/50) )
Jésus n'a pas dit : Ce fanfaron n'est qu'un renégat. - Il lui dit : Pierre, m'aimes-tu ? (Jn 21/15-17) )
Jésus n'a pas dit : Ces grands prêtres ne sont que des juges iniques, ce roi n'est qu'un pantin, ce procureur romain n'est qu'un pleutre, cette foule qui me conspue n'est qu'une plèbe, ces soldats qui me maltraitent ne sont que des fonctionnaires. - Il dit : Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. (Luc 23/34). )
Jésus n'aurait jamais dit : Ce n'est qu'un intégriste, qu'un moderniste, qu'un gauchiste, qu'un fasciste, qu'un mécréant, qu'un bigot... - Pour lui, les autres, quels qu'ils soient, quels que soient leurs actes, leur statut, leur réputation, sont toujours aimés de Dieu.

Efforçons-nous de vivre de l’amour même de Dieu, de Dieu toujours plein de miséricorde. Ce n’est certes pas facile. Sachons demander l’aide de l’Esprit Saint.