jeudi 30 avril 2009

Le Pain de VIE … ! (2) - Pâques 3 - Jeudi - (Jn 6.44sv)

Nous retrouvons aujourd’hui le Discours de St Jean sur le Pain de Vie ! Il y a le pain des hommes et le Pain de Dieu pour totalement nous alimenter et VIVRE véritablement, pleinement ! Et il ne faut surtout pas opposer ces deux nourritures !

Le Pain des hommes ! Jésus s’adresse à des paysans galiléens qui peinent dur pour gagner leur vie, qui savent ce que c’est que la sécheresse et la faim qui en résulte…, qui savent aussi ce qu’est le rassasiement d’un bon repas quand la pluie est venue, qu’on a bien travaillé et que la récolte a été bonne… et que l’on chante la Vie !

Jésus ne dédaigne pas la “vie terrestre“ ! Il vient d’ailleurs de donner à manger du vrai pain à des gens affamés. Jésus est d’abord très humain. Ce n’est pas pour rien qu’il s’est “incarné“, qu’il s’est fait homme. Il aime la vie, la vie toute simple, celle que Dieu a créée : le pain et le vin de nos tables humaines, cela compte pour lui ! On lui en fera le reproche, d’autant qu’il va manger même chez les pécheurs ! (Mth 9.11). Rendez-vous compte ! Quelle incongruité ! Bien plus encore, il ne jeûne pas comme les pharisiens ! (Mc 2.18). C’est donc un glouton ! (Lc 7.14).

C’est vrai Jésus, d’après les évangiles, est souvent à table ! Il ira jusqu’à comparer le Royaume de Dieu à un grand festin (Math 22.2) ! Si bien que l’un de ses auditeurs de s’exclamer : “Heureux celui qui prendra part au repas dans le Royaume de Dieu !“ (Lc 14.15). Il en avait déjà l’eau à la bouche ! D’ailleurs St Jean, plus tard, reprendra l’expression : “Heureux les invités au festin des noces de l’Agneau !“ (Apoc 19.9).

Le disciple que Jésus aimait et qui reposait la tête sur lui lors du repas de la Cène (Jn 13.23) savait bien que Jésus prenait souvent comme point de départ de son enseignement le besoin humain de ses auditeurs, un besoin qui était aussi le sien, comme homme ! “Donne-moi à boire“, avait-il demandé à la Samaritaine un jour où il avait réellement soif (Jn 4.7).

Cependant, selon son habitude, Jésus, lors de son discours sur le Pain de Vie “élève le débat“, comme l’on dit communément. Il va se servir de la nourriture terrestre pour faire comprendre ce qu’il apporte à l’humanité ! Il y a, explique-t-il deux espèces de nourriture : la nourriture corporelle qui donne une “vie qui se perd“, et une nourriture “venue du ciel“ qui donne “Vie éternelle“. Et en s’expliquant ainsi, il n’a aucun mépris de la vie de la terre ! Au contraire ! C’est une sorte d’amplification du désir de VIVRE qui est au cœur de tout vivant. Mais, créé par Dieu et fait pour Dieu, l’homme a “soif et faim“ de Dieu ! Rien, en dehors de Dieu, ne peut satisfaire entièrement sa faim… Toutes les nourritures terrestres, périssables, si nécessaires et conviviales soient-elles, laissent l’être humain inassouvi. Que nous le voulions ou non, notre vraie faim, c’est une faim de Dieu… ; notre “vrai“ pain, dit Jésus, c’est le Pain de Dieu!

J’arrête là ma réflexion pour aujourd’hui. Je la reprendrai lundi prochain. Car je ne veux pas être trop long, me laisser aller à mon bavardage - ce qui m’arrive, je le confesse -, sachant que vous consacrez généreusement un temps de liberté très limité de votre journée de travail pour participer à cette Eucharistie.

Je conclus donc pour le moment : Jésus aime nos repas conviviaux, amicaux. Il aime la vie terrestre que Dieu nous donne. Mais il nous propose aussi une autre nourriture - essentielle - pour la VIE éternelle ! Votre présence à cette Eucharistie en témoigne. Je vous en remercie vivement. Car cette présence est toujours très réconfortante pour un prêtre. Si les chrétiens savaient combien leur absence – principalement le dimanche, jour du Seigneur - peine un cœur sacerdotal, j’entends le cœur du Christ - Prêtre éternel qui intercède continuellement pour nous -, le cœur du Christ auquel tous les prêtre s’efforcent de se conformer… MERCI de votre prière et de votre présence.

mercredi 29 avril 2009

Ste Catherine de Sienne - Pâques 3 - Mercredi

Dois-je l’avouer ? Jeune moine, je suis tombé “amoureux“… Eh ! Oui ! … De Ste Catherine de Sienne !!! Aussi, je ne résiste pas à l’envie de vous en parler. Parce que je trouvais, je trouve que cette sainte
  • avait bigrement les pieds sur terre en un temps où notre terre d’Occident tremblait fortement !
  • et avait en même temps - par grâces exceptionnelles, - la tête et le cœur au ciel !

Née en 1347, elle était la fille d’un riche teinturier de Sienne, 21ème et dernière enfant de la même mère, “mama Lapa“ qui, pour autant, mourut très âgée (Elle disait : “Ce n’est pas possible ! Je dois avoir l’âme chevillée au corps !“).

Elle vécut à une époque très troublée. C’est la fin du Moyen Age qui, après les 9e et 10e siècles très sombres, avait trouvé politiquement et socialement un équilibre chrétien assez remarquable entre les trois pouvoirs :
  • Les “Priants“ que l’on appellera le “Clergé“ !
  • Les “Combattants“ protégeant la population et appelés “La Noblesse“ !
  • Les “Travailleurs“ qu’on appellera “Tiers Etat“ !

Certes, cet équilibre avait ses multiples faiblesses… Le Clergé s’enrichira… La Noblesse s’adonnait à des guerres fratricides… (“Tant qu’il y aura des hommes…“). Et les “Travailleurs“ en recevaient les contrecoups tout en subissant caprices des saisons et épidémies (faute d’hygiène suffisante !)… Mais ce fut, mutatis mutandis, une grandiose époque, celle de la “Paix de Dieu“. Ce fut le temps des cathédrales et d’un essor intellectuel remarquable !

Mais, à la fin du 13e siècle, - la population augmentant - apparut, dans les villes surtout, une nouvelle puissance économique, culturelle, sociale : “la Bourgeoisie“ qui, accaparant de plus en plus l’influence (et la richesse !) du Clergé et de la Noblesse, finit par altérer fortement l’équilibre social antérieur (non seule raison). On assista à de fortes tensions dans les villes, entre les villes, entre les Etats qui émergeaient. Tensions qui culminèrent - c’est célèbre - entre le roi de France (Philippe Le Bel) et le pape (Boniface VIII), tensions qui, chez nous, furent plus ou moins à l’origine de la guerre de cent ans (1337-1453). Ces tensions sociales, économiques, politiques… se cristallisèrent en Italie autour de la personne du pape entre les Guelfes (Guelf, nom de famille des ducs de Bavière, favorable au pape) et Gibelins (Gibelin : cri de guerre des partisans de l’empereur, les Hohenstaufen, hostiles à la suprématie pontificale). Ce fut l’origine de l’“exil“ des papes à Avignon. Je dis tout cela parce que, si l’on trouve que notre époque est troublée, celle de Catherine de Sienne le fut bien davantage ! Et comment cette sainte réagit-elle ?

On pourrait résumer sa vie et son influence par cette réflexion qu’elle adresse à un prélat : “L’Eglise est fondée dans l’Amour et elle est même l’Amour“ ! Amour de Dieu et Amour du prochain !

+Amour du prochain :
  • Encore très jeune, elle se dépensa sans relâche auprès des grands malades, risquant sa santé par risque de contagion et par ses austérités…
  • Elle ne supportait pas l’injustice. Ainsi sauva-t-elle plusieurs de ses frères et d’autres personnes lors d’un coup d’Etat en sa ville de Sienne. Infatigable pour apporter la paix dans les familles, dans les villes déchirées par des haines atroces, elle disait : “Aucun Etat, ne peut se conserver dans la Loi civile et dans la Loi divine sans la sainte justice…“. – “Je ne peux pas faire autre chose que d’arracher la haine du cœur humain et de le mettre en paix avec le Christ crucifié et avec son prochain“ (Lettre 122). Elle s’activait sans se décourager, car, disait-elle, “la patience est la moelle de la charité“.
  • Son action la plus éclatante fut de persuader le pape Grégoire XI de revenir à Rome. Et elle devint son ambassadrice auprès des villes italiennes toujours en ébullition afin de rétablir la paix mais aussi pour que tous reconnaissent en lui “le doux Christ sur la terre“, chargé d’unir l’homme à Dieu ! “Qui sera désobéissant au Christ sur la terre qui tient la place du Christ qui est au ciel ne participe pas au fruit du Sang du Fils de Dieu“ (lettre 207). Prophétisant déjà Vatican II (Lumen Gentium n°23), elle affirme que l’obéissance et le respect envers le Pape est la clef et le principe de notre foi“ (Lettre 17).

Malheureusement, elle ne sera pas suffisamment entendue ; elle verra le commencement du “Grand schisme d’Occident“ (1378-1418 : 40 ans). Elle meurt à l’âge de 33 ans, exténuée par ses austérités et après avoir reçu, dans une vision à Saint Pierre de Rome, la nef de l’Eglise sur ses épaules.

+Amour de Dieu
  • Mais elle puise toute son énergie dans son amour envers Dieu et surtout envers le Christ avec qui elle avait contracté, à l’âge de 15 ans, un “mariage mystique“, recevant les stigmates de sa passion.
  • Elle a exalté, comme l’a souligné Paul VI, la déclarant “Docteur de l’Eglise“ (1970) la vertu rédemptrice du Sang du Fils de Dieu répandu sur la croix par amour de tous les hommes. Ce Sang du Sauveur, Catherine le voit couler d’une manière continuelle au sacrifice de la messe et dans les sacrements. A ce titre, elle est la “Sainte du Corps mystique du Christ“ qu’est l’Eglise. Car “l’Eglise, écrit-elle, n’est rien d’autre que le Christ lui-même !“ (lettre 171). Ce que soulignera, un peu plus tard, le grand Bossuet : “L’Eglise est Jésus Christ continué, communiqué et répandu à travers le temps et l’espace“.
  • Souvent, elle affirme que la beauté sera rendue à l’Epouse du Christ (l’Eglise) et qu’on devra faire la réforme “non par la guerre, mais dans la paix et le calme, par les prières humbles et continuelles, dans la sueur et les larmes des serviteurs de Dieu“ (Dialogue 15.86)… et toujours dans l’obéissance filiale envers le représentant du Christ. Exhortation d’une étonnante actualité !

Il y aurait encore beaucoup de remarques à faire sur cette Sainte très peu cultivée mais qui fut gratifiée par l’Esprit Saint d’une science infuse qui reflétait, de façon surprenante, la théologie d’un Saint Thomas d’Aquin, dépouillée alors de tout revêtement scientifique. Ses écrits sont surtout à la gloire du Verbe Incarné et du Christ crucifié. Aussi, terminera-t-elle sa vie par cette prière : “O Dieu éternel, reçois le sacrifice de ma vie en faveur de ce Corps mystique de la Sainte Eglise. Je n’ai rien d’autre à donner que ce que tu m’as donné… !“.

mardi 28 avril 2009

Dédicace de la Cathédrale - Pâques 3 – Mardi

S’il y a une habitude dans toutes les civilisations, c’est bien celle de consacrer certains lieux pour en faire des “lieux sacrés”, des lieux de prières, de communion avec Dieu !

A Jérusalem, le roi Salomon avait ainsi élevé un temple, unique lieu où l’on venait adorer Dieu. – A l’époque de Jésus, le temple était un édifice tout neuf, rutilant de pierres taillées, de marbres polychromes, de merveilleuses décorations.

Notre Seigneur lui-même avait en vénération ce temple de Jérusalem ! Il y était venu souvent.

Et surtout, c’est là près du temple qui symbolisait l’Alliance entre Dieu et l’homme, qu’il devait accomplir son sacrifice suprême, son mystère pascal par lequel l’homme allait être parfaitement réconcilié avec son Créateur… Aussi avait-il déclaré : “Il n’est pas possible qu’un prophète périsse hors de Jérusalem”, loin du temple, symbole de l’Alliance !

Pour Jésus, le temple est un lieu sacré, lieu de communion avec Dieu, d’où doit être banni toute entreprise trop humaine. Ainsi s’explique son intervention sévère rapportée par l’évangile, intervention inspirée par un zèle réformateur qu’avait annoncé le prophète Malachie : “Et soudain, il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez… Il le purifiera. Alors, l’offrande de Jérusalem sera agréée de Dieu”.

Cette intervention du Christ était d’ailleurs dans la ligne des prophètes. Ainsi, après l’exil, avec la reconstruction du temple, symbole de l’alliance avec Dieu, on s’était vite aperçu que la véritable reconstruction du temple ne pouvait aller sans une reconstruction du peuple des croyants. C’est le peuple qui devait être lui-même Présence de Dieu auprès de toutes les autres nations. C’était déjà la notion d’Eglise Universelle qui s’élaborait. Tant la foi est, certes individuelle, mais aussi communautaire !

Aussi, quand St Jean ajoute après l’intervention du Christ au temple: “Mais lui parlait du temple de son Corps”, nous pouvons comprendre :
  • Le vrai sanctuaire, c’est désormais le Corps du Christ. C’est l’humanité du Christ qui est le lieu de la présence et de la manifestation de Dieu au milieu des hommes. Jésus est le véritable Temple qui vient remplacer l’ancien. Le temple de pierres n’est utile et nécessaire qu’en fonction de ce temple du cœur de l’homme habité par l’Esprit de Dieu. Et ce temple fut inauguré dans l’humanité du Christ.
  • Mais le Corps du Christ ne sera le vrai sanctuaire qu’en passant par la mort et la résurrection : “Détruisez - je relèverai”. L’unique vrai sanctuaire est le Corps du Christ en son mystère pascal,
  • Ce mystère que rappelle toute Eucharistie célébrée en nos églises et qui manifeste l’union possible et si profonde entre Dieu et l’homme,
  • Ce mystère qui réalise à la fois
    • le désir de Dieu : “Il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez…”,
    • et l’amoureuse adhésion de l’homme envers Dieu manifesté par le Christ : “Voici que je viens pour faire ta volonté”.
  • Enfin, le Temple, c’est le Christ, mais le Christ “total”. Le temple, c’est tout le peuple issu du Christ. Autant une maison sans occupants est un non-sens, autant l’église est impensable sans le Christ. Et le Christ est tout aussi impensable sans l’Eglise Universelle qui est son Corps !

St Paul insistera : “N’oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous !” - “Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus Christ lui-même comme pierre maîtresse… Vous avez été intégrés dans la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit” (Eph. 2/20).

Alors comment être dans ce temple de Dieu, comment être ce temple de Dieu ?
  • D’abord en chassant le plus possible - comme le Christ l’a fait à Jérusalem - de nos églises, certes, mais surtout du temple de notre cœur tout ce qui n’est pas conforme à sa fonction, tout ce qui peut offenser Dieu tout ce qui n’est pas image de Dieu en nous !
  • En nous offrant en sacrifice : notre vie doit être marquée du mystère pascal depuis notre baptême ; elle doit être, à l’exemple du Christ, un passage de la mort à la vie. Etre pour Dieu et être pour ses frères et non pour nous-mêmes suppose un renoncement qui ne peut être vécu que dans le mystère pascal !
  • en bâtissant le Corps du Christ qu’est l’Eglise
  • personnellement par notre union au Christ, pierre maîtresse du Temple.
  • communautairement, en étant uni, non seulement par la pensée, mais par toute notre vie de charité et de dévouement à tous nos frères.

C’est le caractère essentiel de l’Eucharistie qui nous unit au Christ, qui nous unit en lui à tous nos frères, qui fait de nous tous un Corps vivant.

Pour cela aimons notre église de pierre, notre cathédrale, notre église paroissiale où demeure constamment le Seigneur grâce à sa présence réelle dans l’Eucharistie. Y pensons-nous ? – Et prenant conscience de plus en plus de tout cela, Et nous pourrons, à la fin de notre construction ici-bas, nous écrier comme St Jean : “J’ai vu la Cité sainte, la Jérusalem nouvelle…”. Nous entendrons une voix puissante : “Voici la demeure de Dieu avec les hommes”.

lundi 27 avril 2009

Le Pain de VIE … ! (1) - Pâques 3 - Lundi - (Jn 6.22sv)

Après la multiplication des pains, il y a, dans l’évangile de St Jean, le célèbre discours sur le “Pain de VIE“ qui contient cette phrase : “Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la VIE éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour !“ (Jn 6.54).- “Cette parole est rude, contestent certains auditeurs. Qui peut continuer à écouter ?“. Alors Jean d’expliquer !

Lui qui ne rapporte pas l’institution de l’Eucharistie lors de la Cène met fortement l’accent sur “ce Pain qui est descendu du ciel“, nourriture indispensable pour notre existence, pour entrer véritablement, déjà, dans la VIE, la VIE éternelle. (“Je ne meurs pas, disait Thérèse de Lisieux au moment de sa mort, j’entre dans la VIE ! “).

Or, le premier, le seulSigne“ qui contient cette VIE plénière, éternelle, n’est-ce pas Lui, Jésus, qui “est descendu du ciel“, Lui, le Fils de Dieu qui a “pris chair“, qui, en lui, relie ciel et terre, l’homme et Dieu ? Aussi nous faut-il d’abord croire à cette réalité “charnelle“ du Fils de Dieu pour participer à sa réalité “divine“ : “L’œuvre de Dieu, répond Jésus à ses apôtres, c’est de croire en Celui qu’il a envoyé“ (6.29).

Et cette foi au Fils de Dieu qui a “pris chair“ nous conduit à nous “incorporer“ au Christ comme le dira souvent St Paul [“Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? (I Co. 6.15). – “Vous êtes le Corps du Christ !“ (I Co. 12.27)], … nous conduit à nous unir fortement et étroitement à Lui, à Lui qui seul, parce qu’il est homme, peut nous conduire à Dieu, au Père, parce qu’il est Dieu !

Aussi le “signe“ (le “second“, si je puis dire) de cette “incorporation“, c’est “la chair du Fils de l’homme“, le mot “chair“ en hébreu désignant toute la réalité de son humanité : Il faut nous unir à Jésus, vrai homme, qui s’est anéanti par amour pour nous jusqu’à donner sa “chair“, toute la réalité de son humanité, en mourant sur la croix, pour que nous puissions “toucher“ à la réalité de sa divinité et participer ainsi à sa VIE divine. Voilà l’objet du “Discours après la multiplication des pains“ dans l’évangile de Jean.

Aussi, le Christ continue de nous donner, par l’Eucharistie, toute son humanité pour que nous puissions toucher sa divinité et en vivre ! Certes, il a réalisé cette union “une fois pour toutes en s’offrant lui-même“ (Heb. 7.27), par son mystère pascal, son passage de mort à VIE, il y a plus de deux mille ans. Mais, comme dit encore l’épître aux Hébreux (7.25), il reste “en mesure de sauver d’une manière définitive ceux qui, par lui, s’approchent de Dieu, puisqu’il est toujours vivant pour intercéder (actuellement) en leur faveur“, Lui, dira également St Paul (Rm 8.34) “qui est à la droite de Dieu et qui intercède pour nous !“.

Et le “signe“ actuel, temporel que le Christ nous a laissé de son intercession éternelle pour nous auprès du Père, c’est l’Eucharistie qui “ré-actualise“ son mystère pascal, sa mort et sa résurrection, ce mystère qui nous permet d’accéder à Dieu, Père. Oui, ce mystère de l’Alliance entre Dieu et l’homme, ce mystère d’union de Dieu avec l’homme, réalisé par le Christ, est comme “actualisé“ pour nous, à travers les siècles, par l’Eucharistie. – “Que ce mystère est grand, s’écrie St Paul (Eph. 5.32). Je le dis en pensant au Christ et à l’Eglise !“. Dans l’“Action de grâce“ (c’est le sens du mot “Eucharistie“) que le Fils de Dieu rend éternellement à son Père, il n’est plus seul désormais. Il veut nous entraîner avec Lui ! Conscient de ce grand bienfait, le curé d’Ars s’écriait : “Si nous savions ce qu’est la messe, on en mourrait !“.

Pour résumer St Jean, on peut dire : par notre incorporation au Corps du Christ, à son humanité, notre existence a un double aspect comme pour le Christ lui-même ! Il y a le pain des hommes (multiplication des pains) et le Pain de Dieu (descendu du ciel comme la manne autrefois) pour totalement nous alimenter et VIVRE véritablement, pleinement !

“L’œuvre de Dieu, dit Jésus, c’est de croire en Celui qu’il a envoyé !“. “Croyez en mes paroles, croyez en mes œuvres, croyez en toute mon humanité qui permet d’accéder à ma divinité et vous aurez la VIE !“.

La première “œuvre“ à accomplir, c’est de “communier“ à toute son humanité, à sa pensée, se “nourrir“ de sa parole ! – Aussi faut-il bien mesurer l’importance de la première partie de l’Eucharistie qui est une sorte de manducation de la Parole de Dieu : manger la parole de Dieu, s’en nourrir, la “ruminer“ comme disaient les Pères de l’Eglise, c’est déjà “communier“ au Christ, véritablement.

“Manger“ la Parole de Dieu, c’est déjà une Eucharistie, une “Action de grâce“ en écho à cette Parole de Dieu qui, si on l’accueille, doit descendre jusque dans nos “entrailles“ (Ps 40.9). Quand on accueille véritablement la Parole de Dieu au fond de nous-mêmes, tout notre être - intelligence, volonté, sensibilité - doit “rebondir“ vers Dieu ! Ce n’est nullement mauvais que pour célébrer l’Eucharistie - ce mystère si grand -, nous mettions en œuvre une magnifique orchestration de tous nos moyens d’expression dans une belle et parfaite harmonie de toutes nos facultés. Le Concile Vatican II l’a souligné ! C’est tout l’être qui doit s’exprimer. En Occident, nous sommes facilement victimes de l’“algébrose“ comme disait le P. Jousse (ce Sarthois de la première moitié du dernier siècle qui a beaucoup travaillé sur le style oral sous-jacent aux écrits bibliques et évangéliques), … c’est-à-dire victimes d’un langage exsangue, anémié. Il faudrait retrouver le langage qui mobilise, de façon très harmonieuse, toutes les possibilités d’expressions qui sont en nous pour magnifier ce grand Sacrement qu’est l’Eucharistie !

vendredi 24 avril 2009

Accueil

En vous saluant au nom du Christ pascal, en vous remerciant de votre accueil, je me permets de le faire avec St Marc dont c’est la fête aujourd’hui et dont nous lisons l’évangile tout au long de l’année. La Tradition attribue à ce disciple de Pierre et de Paul la fondation de l’Eglise d’Alexandrie où on le surnommait le “Contemplateur de Dieu“. Que notre regard, que toute notre vie, à nous aussi, se dirigent toujours vers le Seigneur !

L’Antiquité chrétienne s’est peu attardée à commenter son évangile parce que, peut-être, on le considérait, selon la formule de St Augustin, comme “un résumé de Matthieu et de Luc“. Aujourd’hui, au contraire, on redécouvre toute la richesse de cet évangile. Pourquoi ? Peut-être parce que notre Eglise, en certains pays et même en notre Occident, redevient ce qu’elle était à l’époque de Marc (à Rome) : minoritaire, réprimée, parfois persécutée au point d’être menacée dans sa survie. Il est donc permis de considérer l’actualité de Marc comme un signe des temps. Marc nous interpelle par-delà les siècles pour nous entraîner avec l’espérance qui l’animait au milieu des crises diverses : “Celui qui tiendra jusqu’à la fin sera sauvé !“ (13.13). Que Dieu pardonne nos divers découragements.

St Marc - Aux Sœurs N.-D. de Charité (Bon Pasteur)

“Venez ! – Allez“ -- La vocation éternelle !

Allez dans le monde entier !“, nous dit le Seigneur dans l’évangile !

Vous, mes sœurs qui avez fêté ou qui fêterez vos 50, 60, voire 70 ans de vie religieuse et qui, peut-être, “clopinez“ cahin-caha dans les couloirs de votre maison ou qui sentez vos forces diminuer, vous pensez certainement : “Aller dans le monde entier“… “proclamer la Bonne Nouvelle à toute la création…“, ce n’est plus de mon âge ! Remarquez que bien des jeunes, malheureusement, font la même remarque mais pour des raisons différentes. A eux aussi s’adresse ma réflexion ! Car le leitmotiv incessant que Notre Seigneur nous lance, quel que soit notre âge, est bien celui-ci : “Venez - Allez !

Au début de sa vie publique, Jésus avait appelé ses disciples : «Venez, suivez-moi» - Et ils l'avaient suivi.

A la fin de sa vie terrestre, il les envoie : «Allez dans le monde entier». Et ils étaient partis !

«Venez !» - «Allez !» : c'est là le rythme de toute relation du chrétien avec le Christ :
  • Dans un premier temps, le Christ appelle ! Et il appelle à tout âge…, et il appellera au dernier moment de notre vie ici-bas, celui de notre mort pour “aller“, pour entrer dans la Vie (“J’entre dans la Vie“, disait Thérèse de Lisieux en ses derniers instants de sa vie terrestre !). – Oui, “Venez à moi !“. C’est le mot de toute vocation auquel vous avez déjà tous répondu par le baptême, par la profession religieuse, réponse qu’il faut réactualiser à chaque instant. “Venez !“, ne cesse de dire Jésus à chacun, à chacune, en ce moment même ! Et cela jusqu’à l’ultime appel à “aller“ en Lui éternellement ! Qu’on le veuille ou non, toute notre vie est une vocation : «Venez !», ne cesse de crier Notre Seigneur.
  • Mais en même temps que cet appel, le Christ envoie ; C'est la mission : «Allez».

Et ces deux temps -“Venez-Allez“ - sont inséparables ; ils sont corrélatifs. Le Christ nous dit toujours, aujourd’hui même et nous dira éternellement, et tout à la fois : «Venez» - «Allez».

+ Il n'y a pas d'appel sans envoi ! Tout chrétien a une mission dans le monde ! A tout âge et éternellement.

+ Et il n'y a pas d'envoi, sans appel. A tout âge et éternellement.

Et si nous ne ressentons pas en nous comme une exigence à “aller“, c’est peut-être que nous n’entendons pas l’appel du Christ : “Venez à moi !“.

  • Chrétiens, Jeunes ou anciens, répondons-nous à l'appel du Christ ?
  • Chrétiens, Jeunes ou anciens, répondons-nous à l'envoi du Christ ?

«Venez», dit Jésus. Mais souvent, nous allons là où il n'est pas ! Deux phrases sont assez frappantes dans l’évangile après la résurrection de Jésus :
  • «Pourquoi cherchez-vous parmi les morts Celui qui est vivant ?», disait l'ange au matin de Pâques !
  • «Pourquoi restez-vous à regarder le ciel ?», demandait l'ange au matin de l'Ascension !

Le Christ n'est ni dans les tombeaux, ni dans les nuages, si je puis dire!

+ Non, le Christ n'est pas dans les tombeaux ! Or, trop souvent, nous lui rendons un culte nostalgique, comme à un cher disparu. Nous croyons bien qu'il vit, certes ! Mais si loin de nous ! Si loin de nous…, comme encore caché dans l’obscurité d’une roche ! Si bien que certains chrétiens - d’après les mass-médias ; mais peut-on s’y fier ? - … si bien que certains chrétiens douteraient, parait-il, de la résurrection du Christ. Non ! Le Christ est bien vivant. Il faut savoir l’affirmer bien fort en ce temps pascal, comme le fait le pape Benoît XVI.

+ Et le Christ n'est pas davantage dans les nuages ! Or, notre pensée du Christ est souvent une évasion hors du réel, voire un refuge à notre mélancolie ou difficultés.

«Venez !», dit Jésus ! Alors, où donc le trouver ? «Où est-il ton Dieu ?», nous demande-t-on souvent. Où est notre Dieu pour venir à Lui et pour être envoyé par Lui alors même que l’âge ne nous permet plus les allées et venues de la jeunesse ou de l’âge mur ?

Il n’est pas dans un tombeau vide ; Il n’est pas dans les nuages ! il est au ciel ! Mais le ciel qu’a rejoint le Christ, c'est l'intimité avec le Père dans l'Esprit-Saint, c'est l'univers de la charité que s'échangent les trois Personnes divines, cet univers de la charité que vous avez spécialement reçu mission d’investir sans relâche, vous “Sœurs de la Charité“ afin d’entraîner ceux et celles que vous côtoyez actuellement et que vous désirez placer dans cet univers de la charité, ceux et celles à qui vous pensez souvent, ceux et celles qui pensent à vous et que vous portez dans votre cœur. “Venez et allez“ dans cet Univers, êtes-vous chargés de proclamer par toute votre vie, de la part du Seigneur. Car cet Univers est hors de l'espace, c’est-à-dire présent à tous les lieux ; il est hors du temps, c’est-à-dire présent pour tous les âges. Cet univers de la charité est présent à tous les espaces et à tous les temps.

Il m'est donc présent, cet Univers, aujourd'hui, quel que soit mon âge ! Le Ciel, c'est l'Amour triomphant de tout mal et qui, en moi, aura sa plénitude au-delà de la mort que le Christ a vaincu au matin de Pâques ! St Pierre en fait allusion dans la lecture que nous avons entendue. Laissons-nous donc fasciner par ce ciel-là, avec le Christ qui nous répète : «Venez dans cet univers de l’Amour, de la charité ; Allez dans cet Univers !». “Venez-Allez“ : ce sera d’ailleurs notre activité éternelle. Il faut s’y bien préparer !

Car Dieu est Un, certes ! Il est “Unique“. Et c’est vers ce Dieu “Vrai et Unique“ que nous nous dirigeons. Mais Dieu s’est fait homme en Jésus Christ pour nous révéler comment il est Un ! St Jean a bien résumé en affirmant : “Dieu est Amour“. Il y a en Dieu comme un mouvement incessant d’amour, de va-et viens, si je puis dire - “Venez-Allez“ - entre le Père et le Fils dans l’Esprit-Saint. Et, éternellement, nous ne cesserons de “venir“ et d’“aller“ dans cet Amour que s’échangent les trois Personnes divines, dans cet Univers d’Amour divin qui veut rassembler tous les hommes, devenus dès ici-bas “fils de Dieu“, “enfants de Dieu“. Et, dans l’amour de Dieu, par Lui, avec Lui et en Lui, nous ne cesserons de “venir“ et d’“aller“ vers nos frères pour former ensemble et éternellement le “Corps du Christ“, Fils de Dieu, pour la gloire de Dieu le Père dans l’unité du Saint-Esprit. Le temps se contractera au point de ne plus pouvoir s’écouler tellement il sera accaparé, occupé, investi, envahi par cet immense mouvement d’amour entre les Personnes divines. Et ce mouvement d’amour divin en lequel nous serons insérés pour participer à la construction du Temple éternel qu’est le Corps du Christ nous fascinera au point que nul ennui ne sera possible, au point que l’espace et le temps disparaîtront. Quant on est aimé et que l’on aime, on ne s’ennuie jamais ! Telle sera notre mission. Eternellement. “Venez-Allez“ dans cet univers de la Charité, nous sera-t-il dit éternellement.

Et puis je terminerai - je ne veux pas être trop long - : Vous qui participez chaque jour à l’Eucharistie qui nous donne déjà le Corps du Christ, vous savez que c’est le grand moyen que le Christ nous a laissé pour “venir à lui“, afin “d’aller également vers nos frères“ ! L'Eucharistie est la trace du Christ éternel dans le sillon de notre temps, la trace de sa vie offerte et glorifiée. L'Eucharistie est la continuation de cette présence divine et humaine du Christ, par laquelle nous pouvons “venir“ à Dieu et, en venant à Dieu, “aller“ en même temps vers tous nos frères. Il n’est donc pas étonnant que le Christ vous dise, en ce moment même, à vous mes sœurs comme à tout chrétien : “Venez ! – Allez !“

Et comme je m’adresse principalement à des Religieuses de la Congrégation Notre-Dame de Charité, je vous solliciterais : Veuillez prier Notre Dame de Charité. Priez avec elle pour les vocations et les missions. C’est la même chose : priez pour que les “appels“ de Dieu soient entendus (“Venez“) de sorte que le Christ puisse continuer d’envoyer : “Allez“. Priez pour les prêtres. Priez pour les Jeunes, les familles. Et si les forces viennent à vous manquer au point de ne plus pouvoir répéter, physiquement ou mentalement, que la salutation de l’Annonciation, sachez qu’avec l’aide de Marie si maternelle à l’égard des frères de son Fils, vous tressez alors au dessus de ceux pour qui vous priez comme une couronne d’amour divin qui vous permettra de les retrouver dans la gloire du ciel. Il est donc urgent, aujourd’hui même, quel que soit notre âge, de répondre à l’appel du Christ : “Venez ! Allez !“.

La multiplication, aujourd’hui… ! - Pâques 2 - Vendredi - (Jn 6.1sv)

Cela s'est passé sur la montagne, de l'autre côté de la mer de Galilée, entre deux traversées. Montagne et mer, un décor bien connu dans la Bible !

Et sur la montagne il y avait de l'herbe car la Pâque était proche. La Pâque ! C'est l'évocation de la première Pâque avec Moïse. Traversée de la Mer Rouge. Alliance avec Dieu sur la montagne ! C’est la Pâque ! Toujours une traversée de la mort à la vie ! Toujours une traversée, un exode d’un peuple libéré que Dieu va nourrir de la Loi et de la manne, va nourrir de paroles et de pain. Et, dans l’évangile, Jésus est là comme un nouveau Moïse qui libère, lui aussi, par la parole et par le pain.

Et d'un seul coup, ils sont cinq mille. Ils sont la foule, la foule de l’humanité. Cinq mille qui sont là avec leur faim de tout : leur faim de manger et de vivre, leur faim de vérité, leur faim d'espoir, de justice et de paix. Ils sont la foule ! C’était hier et c’est aujourd'hui, encore !

Jésus fait asseoir la foule, car il va donner la nourriture de la Parole de Dieu. Il est venu pour cela, lui, le Verbe de Dieu.

Mais il commence par parler comme tout le monde. Il demande à Philippe : "Où allons-nous acheter du pain pour tout ce monde-là ?". Acheter, toujours acheter et vendre, c'est le monde d'aujourd'hui. Philippe répond ce que tout le monde répond : le salaire de deux cents journées de travail n'y suffirait pas ! ... Et c’est encore la réflexion de beaucoup. Malheureusement ! Comment acheter du pain pour tout le monde ?

Cependant, dans l'Évangile, un enfant est là avec cinq pains et deux poissons. Les jeunes, ce n'est pas seulement l’avenir, c'est aussi le présent. Heureusement, les jeunes sont là ! Souvent rapides, ils devinent quand est-ce qu’il faut être là ! Jésus ne fait pas appel à l'argent, il fait appel aux jeunes, à leur cœur ! Un appel pour tout de suite.
Mais il ne faut pas tout attendre des jeunes ! Ils ne peuvent résoudre tous les problèmes que l'égoïsme des adultes leur laisse parfois en héritage. Aussi, dans l'Évangile, André, le disciple de Jésus, un adulte, est ironique. Il ne fait pas confiance, il est désabusé face à l’enfant : "Qu'est-ce que cinq pains et deux poissons pour nourrir tout ce monde ?". Philippe ne sait pas que les jeunes sont généreux quand ils ne sont pas devenus vieux avant l’âge. L'enfant donne tout ce qu'il a : ses pains et ses poissons. Il donne tout ! Avec grand cœur ! C'est avec le cœur de ce jeune que Jésus va nourrir les foules. Il faut s’en rappeler !

Jésus dit : “Faites-les asseoir”. Arrêtez-vous ! Prenez le temps du temps. Prenez le temps de respirer Dieu. Prenez le temps du cœur. Prenez le temps d'aimer. Prenez le temps de la paix.

Alors, c'est l'abondance, et quelle abondance ! C'est l'abondance de Dieu. C'est l'abondance de la justice de Dieu : tout le monde enfin mange à sa faim. Les riches comme les pauvres, chacun selon sa faim. Et il y aura encore douze corbeilles qui vont êtres remplies avec les pains qui restent. Douze corbeilles, pour que rien ne soit perdu. Ce ne sont pas seulement les restes qu'il ne faut pas laisser perdre. C'est surtout l'humanité de l'homme qu'il ne faut pas perdre. Aucun homme, aucune femme, aucun enfant ne doivent être perdus. Rien de ce qui est humain ne doit être perdu. Ne pas perdre la tendresse de Dieu toujours à l’œuvre en l’homme.

Douze paniers de pain, douze comme les tribus d'Israël. Douze comme les douze apôtres, douze comme le nouveau Peuple de Dieu.

Mais l'Évangile ne dit pas ce que les Apôtres ont fait de ces douze corbeilles de pain. L'Évangile ne le dit pas, parce que c'est à chacun, à nous de répondre. Qu'allons-nous faire de ces douze corbeilles de pain ? Qu'allons-nous faire de la tendresse de Dieu ? De l'abondance de Dieu ? Et encore qu’allons-nous faire de l’abondance de Dieu quand il nous rassemble pour partager son pain ?

Saint Paul, par exemple, a accueilli cette abondance de Dieu. Il est l’un des premiers grands témoins de la “fraction du pain”, première expression pour désigner l’Eucharistie dont il rapporte l’institution. Fraction, disait-il, et non pas multiplication, terme que St Jean n’emploie pas non plus!

Oui. Il faut rompre le pain pour que chacun en ait. Comme le gâteau de fête que l'on admire entier, mais qui doit être coupé pour que tous goûtent à la même joie qu'il signifie. Dans sa rupture en morceaux, le pain peut se donner à tous en signe efficace d'unité. Car les morceaux de pain nourrissent un même corps, celui du Christ.

La vieille prière de La Didachè, au 1er siècle, le disait déjà : “Comme ce morceau de pain que nous rompons était dispersé sur les montagnes et a été rassemblé en un seul, ainsi que ton Église, Seigneur, soit rassemblée des quatre coins de la terre dans ton Royaume” (9,4).

La conséquence est claire. St Paul ne cesse de dire : "Supportez-vous les uns les autres avec amour". C’est l’abondance, l’amour de Dieu qui unifie. Portez et aimez vos différences. Ne plus faire qu'un, c'est rester plusieurs. Unité d'un seul Corps composé de plusieurs membres, mais tous vivifiés par un seul Seigneur, le Christ, Dieu parmi les hommes.

L'Eucharistie est pain de vie et d'unité.

Que faisons-nous de l’abondance de Dieu qui nous rassemble, qui doit unir tous les hommes en un seul Corps ?

jeudi 23 avril 2009

“Nous et l’Esprit Saint…“ ! - Pâques 2 - Jeudi - (Actes 5.27sv)

Il y a dans la lecture une expression un peu énigmatique et surprenante que j’aime bien et qui exprime le “secret“ de notre vie chrétienne : “Nous sommes témoins de ces choses (mort et résurrection du Christ), nous et l’Esprit Saint que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent“ ! – C’est la même expression qui sera employée lors de ce que l’on appelle le “Concile de Jérusalem“ : “Nous et l’Esprit-Saint avons décidé que…“.

Jésus avait prévenu : “L’Esprit demeure auprès de vous et il est en vous !“ (Jn 14.17). – “Il vous enseignera toutes choses et vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit“ (Jn 14.26). – “Il vous fera accéder à la vérité tout entière“ (Jn 16.13).

En grec, l’Esprit, c’est “pneumoj“ (pneumos). On pourrait traduire par “Souffle“. Et je préfère. Car l’Esprit est avant tout le “souffle“ d’amour qu’il y a en Dieu, entre le Père et le Fils. Et de ce fait, il est “Souffle“ de vie en Dieu et en dehors de Dieu.

- C’est le “Souffle“ Créateur : “Le souffle de Dieu planait à la surface des eaux“, dit le livre de la Genèse (Gen. 1.2).

- Et ce même “Souffle“ de vie nous est transmis, comme pour une nouvelle création, au moment de la mort du Christ, en son mystère pascal : “Jésus dit : ’Tout est accompli’ ; et, inclinant la tête, il remit l’esprit“ (Jn 19.30). Il transmet son “Souffle“ de vie qui se manifestera au jour de la Pentecôte. C’est la même attitude que Jésus aura au cours de l’une de ses apparitions : “Il souffle sur eux (sur ses apôtres) et leur dit : ’Recevez l’Esprit Saint‘”(Jn 20.22).

Ce “Souffle“ est invisible. Mais s’il a présidé à la Création, à la nouvelle Création accompli par le mystère pascal du Christ, il agit désormais dans l’Eglise qui est le “Corps“ du Christ, il agit en nos cœurs, nous “qui possédons les prémices de l’Esprit“, dira St Paul (Rm 8.23 – 2 Co. 8.22).
- C’est cet Esprit, en nous, qui nous permet de nous adresser à Dieu en criant : ’Abba-Père’ (Rom 8.15) : “Nous et l’Esprit Saint…“.

- C’est cet Esprit qui nous permet de témoigner : “L’Esprit Saint vous enseignera toutes choses et vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit“ (Jn 14.20) - “Il vous enseignera à l’heure même ce qu’il faut dire“ (Luc 12.11) : “Nous et l’Esprit Saint…“.

- C’est l’Esprit qui, tout au long de l’histoire de l’Eglise, suscite, inspire des missionnaires qui peuvent dire : “Nous et l’Esprit Saint…“.

Et le Concile Vatican II pourra affirmer : “Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint (le “Souffle“ de Dieu) offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal“, de pouvoir affirmer ainsi : “Nous et l’Esprit Saint…“. (L’Eglise dans le monde § 6).

Et nous savons comment se manifeste l’Esprit Saint, quels sont les fruits qu’il nous permet de porter. St Paul les énumère : “Amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi…“ (Gal 5.22). Mais principalement l’Amour. C’est par l’Esprit Saint qui est le lien d’Amour, l’échange d’Amour entre le Père et le Fils, que “l’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs“ (Rm 5.5) De sorte qu’un moine de Tibhérine avait écrit : “Il y a de l’amour dans l’air… Et je crois bien que c’est Quelqu’un !“. Oui, c’est le “Souffle“ de Dieu, l’Esprit Saint : “Nous et l’Esprit Saint…“.

Pour illustrer cette expression : “Nous et l’Esprit Saint…“, je suggère une image : celle de voiles blanches hissées entre les flots plus ou moins agités de la mer et le ciel toujours serein. On sent le “souffle“, le vent qui pousse navires ou embarcations légères vers des destinations à découvrir. Et pour les voyages de la vie - notre vie -, je pense au jeu entre la puissance du “Souffle“ qui s’offre et la liberté de l’homme qui manœuvre la voilure et tient le gouvernail. Oui, dit St Paul, “L’Esprit de Dieu – le “Souffle de Dieu“ – se joint à notre esprit…“. (Rm 8.16). Le navire de notre vie d’homme peut donner prise au “Souffle“ de Dieu, à son “Souffle“ toujours créateur, à son Esprit Rédempteur !

Aussi faut-t-il savoir discerner, capter ce Vent divin qui peut être violent et irrésistible comme un ouragan, ou léger et discret comme un murmure insistant. Il est toujours mystérieux, car on ne sait ni d’où il vient, ni par quelles routes il pousse vers des horizons toujours nouveaux. “Le vent souffle où il veut, tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit“ (Jn 3.8). Il suffit de parcourir l’histoire de l’Eglise et, sans doute, notre propre histoire pour nous en rendre compte !

Aussi n’y-a-t-il qu’une sorte de question à se poser : nos voiles sont-elles assez gonflées ? Ne sont-elles pas plutôt mal orientées ? Où n’avons-nous pas céder à une “sagesse“ trop humaine qui nous incite à les plier plutôt qu’à les maîtriser ? N’hésitons pas à prier : “Viens ! Viens, Esprit, Souffle de Dieu !“ (“Veni Sancte Spiritus…“), de sorte que nous puissions toujours affirmer : “Nous et l’Esprit Saint…“ !

mercredi 22 avril 2009

“Dieu a tant aimé le monde… !“ - Pâques 2 - Mercredi - (Jn 3.16sv)

“Dieu a tant aimé le monde !“.

On pourrait dire que c’est le leitmotiv de St Jean !

Depuis les origines, on a dit sur Dieu tout ce qu’il y a de plus contradictoire. Et aujourd’hui encore, plus ou moins consciemment, on présente Dieu sous des images si diverses !
  • C’est le Dieu des sécheresses et des pluies fécondantes…
  • C’est le Dieu des maladies et des guérisons….
  • C’est le Dieu des accidents divers et des miracles…
  • C’est le Dieu qui punit et récompense…

Et que sais-je encore ! Autant d’images quelque peu infantiles !

Même un enfant du catéchisme ne garde souvent de Dieu que des images d’un Dieu d’interdits, de rabat-joie, d’un Dieu tatillon qui exige effort, pénitence…. Et qui s’oppose facilement à ce qu’on a envie de faire !

Pourtant, l’Ancien Testament, déjà, avait découvert le vrai visage de Dieu, à tâtons il est vrai. C’est un Dieu “tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité“ (Ex 34.6).

Finalement, Dieu a envoyé son Fils pour se révéler totalement. Car Dieu seul peut parler de Dieu !

Jésus fut, est “la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme“ (Jn 1.9). “Et a ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en lui, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu !“. (Jn 1.12). Ils découvrent que Dieu est Amour. St Jean ne fera que répéter : DIEU est VIE et VIE d’AMOUR !

Aussi, avec Jésus, on peut affirmer que :
  • Dieu est Vie ! Le mot “vie“ revient sans cesse dans l’évangile de Jean. Dieu est le Dieu vivant, le Dieu, source de vie, qui donne vie. Il envoie son Fils pour nous communiquer sa vie ; et c’est la vie d’un Ressuscité qui a démontré qu’il a les issues de la mort elle-même.
  • Dieu est Don ! Il nous donne la vie, actuellement ! En avons-nous conscience ?

Il nous a donné son Fils qui s’est donné à nous. Et Jésus nous donne son Esprit pour que nous puissions vivre de sa vie. “Seuls sont enfants de Dieu ceux qui se laissent mouvoir par l’Esprit !“ (Rom 8.14). “Et si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous !“ (Rm 8.11).

Et si Dieu nous a donné et nous donne la vie avec toutes sortes de talents, il nous a donné encore de nous donner les uns aux autres pour qu’à notre tour, nous donnions la vie, nous aidions les autres à vivre, pour que nous nous donnions nous-mêmes, par amour…

Enfin, Dieu est Amour ! Ce sera la conclusion lancinante de St Jean, surtout dans ses lettres. L’amour vient de Dieu, dira-t-il. Et quiconque aime est né de Dieu et parvient à la connaissance de Dieu. Qui n’aime pas est incapable de connaître Dieu, puisque Dieu est amour…

Alors, continuera St Jean, si Dieu nous a aimés ainsi, au point de nous donner son Fils, de nous donner sa Vie de Ressuscité, nous devons nous aimer nous aussi les uns les autres. Dieu, personne ne l’a jamais vu ; mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, sa vie est en nous ; et son amour en nous est accompli“ (I Jn 4.7sv)

Disons en résumé, que ces trois mots VIE, DON, AMOUR expriment quelque chose d’essentiel de Dieu ! Un essentiel qui est loin d’être rébarbatif !
  • VIE : Dieu nous appelle à vivre, à vivre avec lui, à vivre en plénitude, à développer toujours davantage notre vie dans toutes ses dimensions. Il nous appelle à vivre éternellement avec son Fils ressuscité en nous incorporant à lui !
  • DON : Dieu nous appelle à donner. Nos rapports avec Dieu ne consistent pas tant à lui “demander des choses“ qu’à faire valoir ce qu’il nous a donné et à le donner à notre tour aux autres, à nous donner nous-mêmes. Car c’est en donnant qu’on se grandit soi-même et qu’on se dépasse. Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ! En Dieu, c’est son secret de vie. Ce doit être le nôtre!
  • AMOUR : Dieu nous appelle à aimer, à l’aimer lui en aimant les autres. Vivre en plénitude, c’est aimer. C’est ce que Jésus a fait. Notre Dieu est un Dieu qui nous a tout donné, qui s’est donné lui-même totalement, et qui nous appelle à nous donner nous aussi par amour pour les autres.

Certes, tout cela est enthousiasmant, ce n’est pas pour autant facile à réaliser ! … Car les puissances de mort nous attaquent de diverses manières. Mais, dirait St Paul, “ensevelis avec le Christ dans le baptême, avec lui encore vous avez été ressuscités puisque vous avez cru en la force de Dieu qui l'a ressuscité des morts“. (Col 2.12) La force du Christ ressuscité en nous !

mardi 21 avril 2009

“Renaissance … !“ - Pâques 2 - Mardi - (Jn 3.1-15)

“Personne, à moins de renaître de l’eau et de l’Esprit, ne peut voir le Règne de Dieu“ !

C’est toute la “pédagogie“ de Dieu à travers l’histoire biblique. Une pédagogie d’un “renouveau“, d’une Nouvelle Alliance qui ne sera pas moins qu’une nouvelle Création.

Le Peuple de Dieu (et, à travers lui, toute l’humanité) a souvent fait l’expérience de son infidélité à l’égard de Dieu, infidélité qui le conduisait immanquablement vers un “esclavage“… Du fond de son malheur, il criait vers Dieu… Et Dieu, à cause de son amour toujours fidèle, lui envoyait un Sauveur qui le délivrait.

Cette pédagogie de Dieu s’applique non seulement au peuple de Dieu, mais également à chaque homme qui crie comme David : “Mauvais, je suis né… Crée en moi un cœur pur ; restaure en ma poitrine un esprit nouveau !“. Mais pour cela, il faut d’abord descendre au plus profond de soi-même : “Tu aimes la vérité au fond de l’être !“ (Ps 51.7), cette vérité qui dévoile la misère de notre condition. Or, justement, c’est toujours en cette profondeur, en cette vérité, que Dieu nous attend ! Il faut aller jusqu’en la profondeur de son être pécheur pour rebondir vers le bonheur d’une véritable Alliance avec Dieu !

Ce fut donc l’expérience du Peuple de Dieu bien des fois :
  • Il fut invité, par exemple, à regardé le “serpent d’airain“ que Moïse dresse sur un bois, serpent qui était le symbole de sa faute. Et celui qui, contrit, reconnaissait sa faute bien en face, Dieu le sauvait ! Jésus rappelle cela au cours de son entretien avec Nicodème, lui qui deviendra, à cause de nos fautes, objet de mépris sur le bois de la croix ! C’est en reconnaissant le Christ mort sur la croix à cause de nos fautes que nous sommes sauvés !
  • C’est encore l’expérience du peuple dans le désert quand il “cherche querelle“ avec Dieu aux eaux “amères“ de Massa et Mériba. Reconnaissant alors sa faute, Dieu fait jaillir l’eau d’un rocher. (Ex 17 ; Nb. 20). Et St Paul, considérant que cette situation est bien actuelle, s’écrit : “Ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait ; ce rocher, c’était le Christ !“ (I Cor. 10.4). – Il faut toujours renaître de cette eau qui délivre comme celle de la mer rouge…., celle du Jourdain, celle de la source de Gihon, au temps d’Isaïe…etc.
  • Pour le Peuple de Dieu (comme pour chacun d’entre nous) vint un moment où cette pédagogie de Dieu s’accélère au rythme de ses infidélités. Et ce fut pour ce Peuple l’exil à Babylone ; il n’est plus alors qu’”ossements desséchés“. Il se rend compte qu’il lui faut une nouvelle et définitive Alliance avec Dieu pour “renaître“, “ressusciter“. Et Dieu, par son prophète Ezéchiel (36.20sv) lui dit : “Je vous donnerai un cœur nouveau, un esprit nouveau. Je mettrai mon esprit en vous. Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu !“ - Et ce Peuple revit “au souffle de Dieu“, par l’Esprit de Dieu ! C’est une nouvelle Création !

C’est à toute cette symphonie d’images qui illustrent la pédagogie salvatrice de Dieu à l’égard de l’homme que Jésus fait allusion devant Nicodème qu’il aurait dû facilement déchiffrer : “Tu es Maître en Israël ; et tu ignores ces choses !“.

Oui, Nicodème aurait dû savoir que l’homme, comme dira St Paul, est “semé corps animal (’mauvais je suis né’) pour ressusciter corps spirituel (’restaure en moi un esprit nouveau’)... - “Ce qui est né de la chair, disait Jésus, est chair ; ce qui est né de l’Esprit est Esprit ! Personne, à moins de renaître de l’eau et de l’Esprit ne peut entrer dans le Royaume de Dieu !“.

Il faut reconnaître cet Esprit qui, peu à peu, fait la vérité en nous, cet Esprit “que le monde (de péché) est incapable d’accueillir parce qu’il ne le voit pas et parce qu’il ne le connaît pas !“ (Jn 14.17). Mais, vous, désormais, vous le connaissez, dira par ailleurs St Jean !

Certes, “le vent (l’Esprit) souffle où il veut…“. Il souffle dans les circonstances très inattendues, alors qu’on ne l’attend pas ! Jusqu’au fond de notre être pécheur. Et là, s’il est reconnu, il nous entraîne vers le mystère de la Vie de Dieu, cette vie qu’on ne soupçonnait pas : “Tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Ainsi en est-il de tout homme qui est né de l’Esprit“.

Oui, il faut renaître de l’eau, de cette eau qui sortira du côté droit du Christ en croix - comme du côté droit du temple, dans la vision d’Ezéchiel - , de cette eau qui devenant un large fleuve vient nous laver jusqu’en la profondeur de notre être pécheur. Et c’est ainsi que l’on peut se laisser conduire par l’Esprit de Dieu : “En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu !“ (Rm 8.14).

Et c’est ainsi que l’on peut “renaître“, par l’eau et l’Esprit, à la VIE même de Dieu…, avec le Christ…, ressusicité, dès ici-bas !

lundi 20 avril 2009

La hardiesse … ! - Pâques 2 - Lundi - (Actes 4.23-31)

Deux fois, la lecture d’aujourd’hui emploie l’expression : “annoncer la Parole avec assurance“. Les apôtres demandent dans leur prière cette assurance ; et ils l’obtiennent par la puissance du Christ ressuscité !

Le mot français ainsi que le mot latin (“fiducia“ – “avec confiance“) paraissent faibles en comparaison du mot grec (parrhsia – “la parrhésie“) : c’est non seulement une assurance, mais une hardiesse !

Malgré les obstacles, les contradictions, les persécutions et sa propre faiblesse, le croyant – le baptisé d’aujourd’hui – doit trouver avec le Christ ressuscité une hardiesse qui lui permet de rester stable, sans trouble ni inquiétude même devant la mort, la pire ennemi de la vie : “Oui, nous sommes plein de hardiesse, dira St Paul ; et nous préférons quitter la demeure de ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur“ (II Cor. 5.8). La mort elle-même ne fait plus peur ! cf. Phi. 1.21). Par le Christ ressuscité, avec lui, en lui, nous sommes destinés à la VIE ! C’est même, d’après un manuscrit, cette hardiesse pleine d’espérance que souhaitait Notre Seigneur sur la croix au “bon larron“ : “Courage !“ (sois rempli de hardiesse), ce soir tu seras avec moi au paradis !“.

Cette hardiesse que le baptisé reçoit du Christ ressuscité, du “Vivant“ qui a franchi la mort et qui vit en lui, lui permet, en un premier temps, de s’adresser à Dieu comme à un Père, avec cette sérénité dont faisaient preuve les apôtres. - Dans l’Ancien Testament, le croyant était plutôt un “craignant-Dieu“ qui, né pécheur et se sachant porté au mal, avait cette tendance héritée d’Adam et Eve après leur faute, de “se cacher de devant Dieu“ (Gen 3.8), par crainte. – Mais, depuis que la Vie du Fils de Dieu coule dans le baptisé, comment pourrait-il, devenu “enfant de Dieu“, avoir peur de son Père des cieux? – “Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie “Abba-Père !“ – “Tu n’es plus esclave, mais fils. Et comme fils, tu es aussi héritier. C’est l’œuvre de Dieu !“, s’écrie St Paul (Gal 4.7).

Certes, nous restons pécheurs : “Si nous disons : ’nous ne sommes pas pécheurs’, nous faisons du Christ un menteur, dit St Jean, la vérité n’est pas en nous“. (I Jn 1.6,10). Mais la “parrhésie“, cette hardiesse reçue de la Vie du Ressuscité l’emporte pleinement sur la peur ; elle tranquillise le cœur : “car si notre cœur nous accuse, dira St Jean, Dieu est plus grand que notre cœur ; et il discerne tout“. Et nous pouvons “nous adresser à Dieu avec assurance, avec hardiesse“ (I Jn 3.19.21).

Et, bien sûr, le fondement d’une telle prière, c’est la Vie même de Dieu qui coule en nous grâce au Christ, “Fils de Dieu fait homme“, “mort mais ressuscité“ pour nous.

Or, Dieu est Amour ! En vivant de cette Vie de Dieu, nous vivons de son Amour. Et le baptisé – même pécheur – pressent que le cœur de son Père des cieux, est un cœur plein de tendresse et de miséricorde. Dès ici-bas, la vie de Dieu que le Christ nous transmet nous façonne une psychologie de “bienheureux“ qui nous permet de nous adresser à lui sans arrière pensée : “L’Esprit du Christ atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu et donc cohéritiers du Christ : ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire“ (Rom 8.17). Adressons-nous donc à Dieu en toute sincérité comme le Christ lui-même au cours de son agonie s’est adressé “avec grand cri et larmes à Celui qui pouvait le sauver de la mort“ (Héb. 5.7).

Et cette capacité reçue du Christ ressuscité de pouvoir de nous adresser à Dieu notre Père en toute assurance et tranquillité de cœur, nous donne, de ce fait, la hardiesse de proclamer devant nos frères la Parole du Christ, du Vivant qui fait vivre, de la proclamer en hommes vraiment libres, délivrés de la servitude des ténèbres de ce monde.

Cette capacité de proclamer la Parole du Christ contient un pouvoir singulier. De même que les paroles de Jésus étaient “esprit et vie“ (Jn 6.63), de même, la parole du baptisé n’est pas simplement une “propagande“, une proposition de salut ; elle est “vivante et efficace“ : “quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, disait St Paul aux Thessaloniciens, vous l’avez accueillie, non comme une parole d’homme, mais comme ce qu’elle est réellement, la Parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants“. Une parole de Vie !

Aussi, nous pouvons dire comme St Augustin : “Moi, je ne suis que le répétiteur extérieur du Maître intérieur qui seul instruit les cœurs“. Que le Seigneur nous donne la grâce d’être de bons répétiteurs au milieu de nos frères qui, souvent, ont soif d’une Parole qui donne la Vie !

vendredi 17 avril 2009

C’est le Seigneur - Pâques - Vendredi - (Jn 21.1sv)

“Vous dites que Jésus est toujours vivant ! Eh bien, qu'il se montre ! Depuis le temps que je souffre, j'ai l'impression que Dieu est très loin, s'il existe !“. Ces cris de révolte, jaillis du cœur des blessures humaines, nous les entendons chaque jour. - Alors que beaucoup, aujourd'hui, pensent que Dieu a “déserté“ notre monde, peut-on croire encore que Jésus est là, sur le rivage des eaux de nos vies parfois si tumultueuses, vides, angoissantes ?

Oui, nous sommes souvent comme les apôtres en jetant, jour après jour, le filet de nos travaux, en reprenant chaque matin une journée de peine, de soucis ou de maladie... Comme eux, nous nous activons souvent sans rien prendre, sans recueillir joie, paix, confiance, enthousiasme.

Alors, la nuit risque de tout envahir : nuit de peine, de tristesse, de désespoir ! Cette nuit, certains la connaissent bien : les malades, ceux qui connaissent échecs de toutes sortes… Et quelques-uns vont jusqu'à dire : "je n'en peux plus ; je ne sais que faire…“.

Et pourtant, l’évangile nous le redit aujourd'hui : Jésus se manifeste toujours dans la vie des hommes...

Cependant, il n'y a rien ici d'extraordinaire dans les gestes de Jésus : il est là... et il demande : “Les enfants, auriez-vous du poisson ?“. Et encore : “Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre“.

Demandes simples, mille et mille fois répétées depuis par les hommes et les femmes qui réclament à manger et tous ceux qui en appellent au partage…
  • par tous ceux qui crient leur désir de vivre,
  • par tous ceux qui réclament un signe d'amitié, un sourire réconfortant,
  • par tous ceux qui ne veulent pas être oubliés sur la marge de l'humanité,
  • par tous ceux qui répètent la phrase du Crucifié toujours vivant : "Auriez-vous quelque chose à manger, auriez-vous, même un simple sourire, à me donner ?“. - C'est toujours la voix du Seigneur !

Saurons-nous la reconnaître, cette voix-là ? Aurons-nous autant de cœur que ces disciples qui repartent jeter leurs filets, malgré la fatigue d'une nuit de travail stérile ? Dans la demande du Christ et dans la réponse des disciples, oui, déjà là, le Christ se manifeste. Dans l'appel des uns et dans l'écoute accueillante et active des autres, oui, déjà là, le Christ se manifeste.

Mais poursuivons : le Christ parle et les disciples surmontent l'échec désespérant d'une nuit sans résultat. Ils se remettent à l'œuvre, et alors le filet se remplit comme jamais… La stérilité fait place à la fécondité..., la confiance au désespoir…, et la résignation au courage !

Alors, le premier disciple proclame : “C'est le Seigneur !“.

Alors, Pierre se jette à l'eau

...comme tous ceux qui accordent de l'importance aux moindres signes d'espoir, préférant “allumer une petite chandelle que de maudire l'obscurité“.

...comme ceux-là de tous les jours et de tous les pays qui repartent chaque matin glaner les quelques fruits de labeur qui les feront vivre,

...comme ces malades très atteints qui s'accrochent à la vie et qui osent sourire et accueillir malgré le poids de leur douleur,

Et comme Pierre, nous pouvons dire : “C'est le Seigneur !“, c'est bien Lui qui est présent dans le cœur des hommes chaque fois que le désespoir est surmonté, chaque fois que la vie continue quand même. Et comme un filet bien rempli, ils recueillent les fruits de leur foi et de leur courage en autant de moments de paix profonde et de joie intense. Ils les recueillent... et ils les partagent…

… Ils les partagent… Car il faut remarquer le dernier signe de la présence du Christ ressuscité : il rassemble ses apôtres et leur partage le pain qu’ils leur donne et les poissons qu’ils ont péchés… Dès lors, tous savent que c'est bien Lui, le Seigneur, présent au milieu d'eux.

Le repas partagé, le rassemblement de tous, la communion dont nul n'est exclu, comme cette Eucharistie célébrée aujourd'hui par des millions d'hommes et de femmes dans le monde entier, les voilà bien les signes décisifs de la présence du Christ, vivant au milieu de nous.

Présence du Christ ressuscité dans nos cris d'affamés de bonheur et aussi dans nos gestes quotidiens de partage… Alors, n'allons pas chercher le Christ ressuscité loin de nos lieux de vie, loin de notre ordinaire. Sachons l'entendre dans les appels de nos frères, dans les échecs surmontés. Sachons le célébrer dans tous les gestes de partage.

Et écoutons sa Parole qui nous redit : “Confiance... Allez plus loin... N'ayez pas peur !“.

jeudi 16 avril 2009

Présence du Christ… ! - Pâques - Jeudi - (Luc 24.35sv)

Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est votre foi… ! Mais non, le Christ est ressuscité !“ (I Co 15.17sv). - “Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui en demandent compte… !“ (I Pir. 3.15).

Après sa mort, Jésus s'est rendu présent de façon absolument réelle et de façon absolument mystérieuse. Ceci a été vrai pour les apôtres autrefois et ceci est vrai pour nous aujourd'hui : présence réelle, mais présence mystérieuse.

Pour les apôtres, Jésus s'est rendu présent de façon absolument réelle et de façon absolument mystérieuse. Tous les récits d'apparitions soulignent ces deux aspects.
  • Présence de Jésus absolument réelle
    • “Regardez-moi, je ne suis pas un fantôme ; un fantôme n'a pas de corps”.
    • “Regardez mes plaies ; c'est bien moi... ! ”
    • “Avez-vous du pain et du poisson ?…”

  • Présence de Jésus absolument mystérieuse
    • Marie-Madeleine ne le reconnaît pas, le prenant pour le jardinier.
    • Les disciples d'Emmaüs marchent avec lui sans le reconnaître.
    • Jésus leur échappe au moment même où il se laisse entrevoir.
    • Les apôtres sont saisis de stupeur et le prennent pour un fantôme.

Oui, il est le même et pourtant tout autre. Car Jésus n'est pas un “revenant“ ; il n'est pas “revenu“ comme avant. La Résurrection de Jésus n'est pas simple retour à la vie... comme pour Lazare. “Quand est-ce que Jésus est ’re-mort ?’”, demandait un enfant du catéchisme. Eh bien, Jésus n'est pas “re-mort” ! Jamais ! Il est vivant pour toujours. La Résurrection de Jésus n'est pas simple retour à la vie antérieure, elle est passage définitif d'un homme en Dieu. Pour dire cela, les premiers chrétiens employaient des expressions comme : “Il a été exalté... Dieu l'a glorifié... Il est assis à la droite de Dieu... Il est Seigneur”.

Telle était la foi des apôtres. Même si c'était mystérieux pour eux, nous savons que c'était bien réel. Qui oserait dire que les apôtres n'ont pas “rencontré” Jésus après sa mort. Sa présence a bouleversé leur vie. Et ils ont préféré - l'un après l'autre - mourir plutôt que de renoncer à ce qu'ils croyaient : Jésus est vraiment ressuscité, vivant !

C'était la foi des apôtres. Et pour nous aujourd'hui ? Demandons-le à bien des baptisés de la nuit de Pâques. Ils diront, d’une manière ou d’une autre : “J'ai découvert une présence dans ma vie. Celle d’un être qui a réellement existé il y a 2000 ans et qui, mystérieusement, existe encore, sous une forme que je ne peux expliquer”. … Se découvrir croyant, c'est percevoir une personne à qui on peut se confier, qui est là, qui m'aime et que j'aime”.

Certains diront : N’est-ce pas là une illusion ?

La question est de taille. C'est le cœur de la foi chrétienne. La réponse, on la connaît. Oui le Christ nous a donné des rendez-vous précis. On fait l'expérience de la présence réelle du Christ, même si c'est mystérieux : dans sa Parole, - dans la prière et les sacrements, - dans la vie quotidienne.

d’abord : la Parole, l'ÉvangileLa Parole de Dieu peut être le lieu privilégié de la rencontre avec Jésus ressuscité. “Si vous demeurez dans ma Parole, dit Jésus, vous me connaîtrez”. De la Parole de Dieu, certains - tel St Augustin - en ont été bouleversés. C’est ainsi qu’ils avaient rencontré le Christ !

Deuxième rendez-vous : la prière et les sacrements :La rencontre avec le Christ vivant se réalise aussi par la prière... Il ne s’agit pas de parler du Christ (comme je le fais), mais de parler au Christ.

Cette étroite union se réalise aussi de façon privilégiée par l’Eucharistie. Beaucoup en ont été marqués à jamais (le Curé d’ars, St Jean Eudes…)… Et on peut le dire aussi de tous les sacrements.
  • C'est par le baptême que nous sommes “incorporés” au Christ.
  • C'est par la réconciliation que nous renouons le lien distendu ou rompu.
  • C'est par le sacrement de mariage que l’on va puiser à la source de tout amour.

Oui, la prière et les sacrements sont signes de la présence du Christ !

Le troisième rendez-vous : la vie, notre vie ! “Seigneur, où demeures-tu ?“, avaient demandé les premiers disciples ! Et Jésus de répondre : “Venez et vous verrez !“. Et ils ont suivi Jésus… Et ils ont ensuite conclu - ils l’ont dit – que le Christ demeure désormais à fleur de visages, dans le temple immense et tragique de l'humanité. Ce que l'on fait au plus petit de ses frères, c'est à lui qu'on le fait. S’aimer comme Jésus a aimé, comme il nous aime.

La Résurrection de Jésus... ! Non, ce n'est pas une histoire de revenant. Même si la présence de Jésus est mystérieuse, elle est réelle si bien que chaque chrétien pourrait dire au Seigneur, avec quelque humour : “Ne me dites pas, Seigneur, que vous n'existez pas, je ne vous croirai pas”.

mercredi 15 avril 2009

Emmaüs, notre route… - Pâques – Mercredi - (Luc 24.13sv)

Devant un tel récit, il faudrait se taire et contempler ! Il est comme un point focal qui concentre tous les rayons d’un passé pour les projeter vers l’avenir, notre avenir à construire avec le Christ !

Il s'agit d'une rencontre sur la route. Le déroulement en est très construit, dans un parallèle d'oppositions.

D'une part, deux disciples vont de Jérusalem à Emmaüs, mais leurs yeux sont empêchés de reconnaître Jésus qui fait route avec eux.

D'autre part, leurs yeux s'ouvrent et ils le reconnaissent ; mais Jésus, alors, leur devient invisible !

Un récit très construit dont St Luc a le secret ! Il s'articule autour de deux signes majeurs : la parole et le repas. C'est à partir de ces signes que les disciples passent du doute à la foi, du découragement à l'espérance, de la fuite à la mission.

De plus, nous avons là un modèle de catéchèse en trois temps :
  • le temps de la parole sur la route,
  • le temps du sacrement à l'auberge d'Emmaüs,
  • et enfin le temps de la conversion et du témoignage avec le retour à Jérusalem.

Emmaüs, notre route. Ceci se passait à Emmaüs, nous dit Luc, à deux heures de marche de Jérusalem, une dizaine de kilomètres environ. Mais où donc se trouve Emmaüs ? La localisation en est incertaine. Peu importe d’ailleurs, car, finalement pour St Luc, Emmaüs est moins un lieu géographique qu’un cheminement, un itinéraire spirituel !

Emmaüs est partout où le Seigneur Jésus révèle sa présence : pour Paul, ce fut le chemin de Damas ; pour Claudel, derrière un pilier de Notre-Dame de Paris… Et pour nous ? Emmaüs est là, chaque fois que Dieu nous fait signe sur la route de la vie, tandis que nous avançons, croyants incertains, chercheurs de Dieu dans le doute et quelquefois la nuit.

Oui, prenons le chemin d'Emmaüs, celui de nos questions et de nos doutes, et apprenons comment Jésus nous y rejoint, nous éclaire, réchauffe notre cœur et nous assure de sa présence.

Le signe des Ecritures : Le premier temps est celui de la parole sur la route… Alors que toute la vie de Jésus est présentée par Luc comme une marche, une "montée" vers Jérusalem, la ville sainte, voici que les deux disciples désespérés lui tournent le dos. Autrement dit, toute l'aventure vécue avec Jésus et l'immense espoir soulevé dans leur cœur, se termine dans l'échec de la croix. Jésus est mort. C'est fini.

Mais sur cette route du désespoir, Jésus s'approche et marche avec eux. Jésus fait redire aux deux hommes ce qu'ils ont sur le cœur, ce qu'ils viennent de vivre ; Il leur pose des questions et, à partir de leurs réponses, il leur propose une autre lecture des évènements. Il les invite à tout relire "selon les Ecritures" et non plus selon leur attente très limitée et trop humaine, celle d'un libérateur politique et triomphant. Tandis qu'Il cite Moïse et les prophètes, ils comprennent que le Messie annoncé devait souffrir avant d'entrer dans la gloire de Dieu. Alors, la croix n’est plus un échec, mais une preuve suprême d'amour. A la lumière de la parole de Dieu, tout prend un autre sens, et un avenir s'ouvre devant eux... Ils se reprennent à espérer.

Pour nous aussi, la parole de Dieu doit éclairer ce que nous avons à vivre d'une lumière toujours nouvelle…

Le signe du repas : Marchant avec leur mystérieux compagnon sur la route d'Emmaüs, nos deux disciples sont déjà intérieurement "retournés" : le signe de la parole les a déjà fortement éclairés.

C'est alors qu'intervient le signe du repas. C'est là que se fait la reconnaissance. En rompant le pain avec eux, Jésus pose le signe de l'alliance, le signe de la cène…

L’intelligence de la foi les illumine d’un éclair fulgurant : cette fraction du pain,

c’est celle du repas de la Cène,

c’est encore celle de la multiplication des pains,

c’est celle du repas que Dieu donnait à son peuple dans le désert, avec la manne…,

c’est celle du repas que le Christ ne cessera de donner, à travers les siècles, à tous ses disciples pour leur transmettre sa vie, sa vie de Ressuscité !

C'est ce geste qui leur ouvre les yeux, ce geste qui est un sacrement de l'invisible, le sacrement d’une présence. C'est par ce signe, désormais, que le Christ reste avec eux. Ils le reconnaissent à la fraction du pain... !

Conversion et témoignage : Vient alors le troisième temps, celui de la joie retrouvée, de la joie à annoncer. Après avoir eu le cœur “retourné“ par la parole de Jésus, ils "retournent" à Jérusalem tout joyeux : "c'est vrai, le Seigneur est ressuscité !"

Nous aussi, ayant reconnu la présence du Ressuscité, nous sommes invités à reprendre la route pour annoncer la Bonne Nouvelle à tous ceux qui cherchent dans la nuit ou qui pensent que leurs chemins ne mènent à rien… : “Sur la routes des hommes, le Seigneur nous attend”.

mardi 14 avril 2009

Le silence de Marie - Mère de Jésus - Pâques - Mardi

Lors de la résurrection de Jésus, l’évangile ne dit rien de Marie, Mère de Jésus ! Elle est en silence ! Non pas étrangère à ce mystère, mais en silence ! C’est à l’intelligence que la parole s’adresse ; c’est à l’âme que Dieu veut communiquer son Amour. Or l'amour, lui, peut se nourrir de silences qui en disent plus que la parole. Oui, l’amour réclame souvent le silence.

Or, c’est le mystère de Pâques qui révèle le plus l’Amour de Dieu. Marie le reçoit donc en silence. Plus Marie reçoit l'amour de Dieu, plus elle entre dans le silence d’une vie intérieure qui la distrait des circonstances extérieures. La vie intérieure échappe à l'histoire ; elle ne se réalise qu’en Dieu ! Et ce n'est que par une vie intérieure, même imparfaite ici-bas, que nous pouvons approcher des mystères de Dieu. Avec Marie, dans le silence d’une vie intérieure, sachons percevoir les mystères de Dieu.

Constatons cette vérité par opposition. St Jean écrit : Marie de Magdala, elle, se rend de bonne heure au tombeau. Elle s’active pour honorer Celui qu'elle aime, préparant des aromates pour son corps. Son ardeur d’amour la presse de revenir au sépulcre. En route, une seule préoccupation : qui enlèvera la grosse pierre qui mure le sépulcre. Arrivée, elle voit cette pierre roulée et le sépulcre vide. Effrayée, elle pense tout de suite à un vol. Elle court alors trouver Simon-Pierre et Jean : “On a enlevé le Seigneur !”.

Avec eux, elle retourne au tombeau. Les disciples font le même constat et repartent. Marie de Magdala, elle, demeure tout en pleurs, cherchant son disparu. Désespérée, sanglotant, elle se penche à nouveau vers le tombeau et voit deux anges : “Femme, pourquoi pleures-tu ?“ – “On a enlevé mon Seigneur !”. Sa douleur est si forte que l’apparition lui semble insignifiante, si extraordinaire soit-elle. Ce ne sont pas des anges qu'elle cherche, c'est son Seigneur. “Disant cela, elle se retourne”. Et Jésus est là.

Il est là sous les apparences d'un jardinier : “Femme, qui cherches-tu ?” - “Seigneur, si tu l'as pris, dis-moi où tu l'as mis”. - “Marie !”, dit Jésus. Alors elle le reconnaît : “Rabbouni“, “Mon Maître !”. - “Ne me tiens pas ainsi, dit Jésus, car je ne suis pas encore monté vers le Père…, mon Père et votre Père”. C'est en prononçant son nom que Jésus se révèle à elle. Mais, aussitôt, il s'écarte, ne veut pas être touché.

“Ne me touche pas !“. Jésus veut purifier, vivifier sa vie de foi, d'espérance, d'amour. En effet, à cause de sa douleur très humaine, elle n'a quitté le sépulcre qu'à contrecœur à cause du sabbat, impatiente d’y revenir. N’ayant pas trouvé le repos d’une union intérieure avec Jésus, elle s’adonne à des activités belles, bonnes, pour embaumer le corps de son Seigneur ! Mais activités qui étouffent en elle les exigences d’une union profonde avec le Ressuscité. En réalité, elle cherche Jésus là où déjà Il n'est plus !

Cependant Jésus aime Marie de Magdala ; à cause de la générosité de son amour, il lui fait le don de sa première apparition. Mais c’est pour lui inspirer une véritable union avec lui en lui dévoilant le mystère de sa nouvelle présence, celle d’un Ressuscité ; il la “corrige” par certaines épreuves !

D’abord, elle trouve le sépulcre vide. Quelle terrible épreuve !

Même l’apparition des anges est pour elle une autre épreuve ; leur aimable question semble même l'énerver. Quand on recherche une personne aimée, rencontrer d’autres personnes irrite parfois et blesse.

Enfin, la présence même du Christ est une troisième épreuve. Il est présent et elle ne Le reconnaît pas ! Quelle humiliation ! … Marie de Magdala est proche de Jésus, mais son amour ne dépasse pas les apparences. Jésus l’appelle alors par son nom : “Marie !”. Il réveille en elle l’idéal d’une union profonde pour qu'elle comprenne alors qui il est vraiment.

Ainsi, Jésus lui fait comprendre qu'Il attend d'elle un nouvel amour, plus pur, plus divin. Elle ne peut plus Le toucher comme autrefois. Elle doit Le chercher dorénavant auprès de Dieu “son Père et notre Père”. C’est auprès de Lui qu'Il demeure. C'est donc dans une foi toute divine qu'il faut Le rejoindre, rejoindre sa divinité, et aussi son humanité, son corps qui doit devenir pour tous objet d’une vie intérieure, d’union avec Dieu.

Marie, la Mère de Jésus, elle, vit immédiatement de ce mystère pascal. Par sa foi, son espérance, sa charité, elle n’a jamais quitté la présence divine de Jésus, jusque dans le silence de la mort. Dès la Résurrection, Marie vit en silence de ce mystère d'amour triomphant. Elle vit, dès cette terre, de l'éternité, du grand mystère de l'amour de Dieu. Elle comprend : le cœur de son Fils a bien été mortellement blessé par la lance du centurion, mais Dieu se sert de cette blessure pour que son amour divin resplendisse à nouveau avec une splendeur nouvelle, en son cœur et en tout son corps. Si le premier battement du cœur de l’Enfant de Bethléem fut certainement pour Dieu, son Père et pour Marie, sa Mère, il était normal que le premier mouvement du cœur de Jésus glorifié leur fût encore réservé. Jésus rendait à sa Mère au centuple ce qu'Il avait reçu d'elle. Une intimité divine !

Ce mystère, Marie le vit dans sa foi qui n’a nul besoin de signe extérieur. Elle est en silence. Ce silence enseigne que Marie est toute centrée en sa vie d’union au Christ glorieux, comme si elle-même ressuscitait déjà avec Lui et n'était plus de ce monde. St Paul nous dit : “vous êtes ressuscités avec le Christ ; recherchez les choses d'en-haut, là où se trouve le Christ ! ”. Ne recherchant plus que “les choses d'en-haut”, là où est le Ressuscité, Marie vit dans un silence total, absolu, comme n'étant plus de ce monde. Jean dut respecter ce silence sans le comprendre toujours.

Ce mystère de la Résurrection épanouit encore l’espérance de Marie dans un élan d'être auprès du Père grâce à son Fils, avec Lui. Marie n’a plus qu’un désir : vivre auprès du Père. Elle est toute tendue vers ce jour où elle pourra dire, elle aussi : “Père me voici !” Et c’est dans le silence des choses de la terre qu’elle attend ce jour béni.

Enfin, le mystère de la Résurrection illumine la charité de Marie. Plus que jamais la vie de Marie est une vie d’union à Dieu. Jésus lui est beaucoup plus donné encore qu'à Noël, car la Résurrection est un don nouveau de l’amour de Dieu par le cœur glorifié de son Fils. Il y a là, pour le cœur de Marie, une présence plus divine, plus intime de Jésus. Et cette intensité d’amour ne se vit que dans le silence.

Voilà la paix divine que goûtait Marie dans le silence, en cette nuit pascale, alors que Marie de Magdala guettait le petit jour pour se précipiter vers le sépulcre vide et que Jean et les autres disciples demeuraient désemparés. Seule, Marie veillait dans le silence, un silence rempli d’une union avec son Fils, Dieu fait homme par elle, et désormais dans la gloire du Père. Qu’elle soit pour nous tous une aide et un exemple à suivre, nous qui cheminons vers Dieu-Père, le Père de toute miséricorde.



samedi 11 avril 2009

Pâques – En ce jour du Seigneur… !

En ces jours-là... En ces jours-là, tout était comme à l'habitude : la parole était aux plus forts, la loi faisait fi des faibles et les hommes de cœur étaient bafoués !

En ces jours-là, dire que la vie des justes est dans la main de Dieu, n'avait guère de sens... Jésus lui-même avait crié : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné !" Cri terrible de l’homme souffrant même si en son cœur de croyant luit une espérance. Mais l'espérance ne parvient pas à gommer le cri de désespoir...

En ces jours-là, Jésus est au tombeau, tout est fini : la pierre est scellée, doublée d'une garde sourcilleuse...

En ce jour-là…Pourtant, en ce petit matin où la nuit traîne encore après l'effervescence des jours passés, en ce jour-là, plus rien n'est comme avant. Tout semble basculer comme cette lourde pierre sur la mort, qui roule pour laisser libre cours à la vie... En ce jour-là, ç'en est fini : le Père manifeste au monde et à chacun que "la vie des justes est dans la main de Dieu", et que la terre ne saurait retenir celui qui a mis en lui sa confiance. Les premiers témoins de ce jour-là constatent que la terre est ouverte et le tombeau vide. Le tombeau n'est plus le terme de notre voyage, il est devenu "passage".

En ce jour-là, parmi les témoins de la Vie, une femme, Marie, et la première. Non point Marie, la mère de Jésus. Non plus “l’autre Marie”, la mère de Jacques. Mais Marie que l’on a facilement identifiée - à tort ou à raison - avec la pécheresse, cette pécheresse qu’est l’humanité tout entière. C’est à remarquer et remarquable. Jésus, le Vivant abolit toute mort !

Déjà, naguère, c’est à une femme - une pécheresse, elle aussi, semble-t-il, la Samaritaine -, que Jésus, fatigué, assis au bord d’un puits, avait révélé le mystère de l’eau vive qui jaillit en Vie éternelle ; c’est à cette femme souillée du péché de toute l’humanité qu’il avait annoncé l’adoration pure que le Père peut agréer, le culte“ en esprit et vérité“.

En ce jour-là, Jésus attend donc Marie. Jésus est encore fatigué non d’une marche à travers la Samarie, mais de son passage à travers la passion et la mort. Il n’est plus assis près d’un puits, mais se tient debout dans le jardin de son tombeau. Il attend Marie ; il attend toute l’humanité, il nous attend, nous pécheurs plongés dans la mort ! Marguerite Youcenar commente en prenant la place de cette Marie : “Bien que le vent vînt du nord, on ne sentait pas l'odeur du cadavre de Dieu. Guidée par un souvenir, j'entrai dans cette caverne creusée au plus profond de moi-même ; je m'approchai comme en ma propre tombe. J'avais renoncé à tout espoir de Pâque, à toute promesse de résurrection. Je ne m'aperçus pas que la meule du pressoir était fendue dans toute sa longueur à la suite de quelque fermentation divine : Dieu s'était levé de la mort comme d'une couche d'insomnie… Je tombais à genoux, envahie par ce doux tremblement des femmes amoureuses qui croient sentir se répandre dans tout leur corps la substance de leur cœur”.

Oui, elle venait d'entendre prononcer son nom de cet accent inimitable, fait de douceur et de respect : ‘Marie !’ Se retournant, elle lui répondit en hébreu : ‘Rabbouni’, ce qui veut dire : ‘Mon Maître à moi !’. Cette scène vraie, de vérité d'évangile, déjà annoncée en bien des pages de la Bible, est capable de nous toucher tous en ce jour de Pâques au plus intime de nous-mêmes, car elle amorce le dialogue de vie que nous font envier la Samaritaine et la Madeleine.

Ce dialogue de Vie, Jean, lui aussi, en fait l’expérience, d’une manière différente. Dans une intuition vertigineuse comme il y en a peu dans une vie d'homme, dans un éclair de pensée fulgurant, Jean entend résonner en lui les paroles de Jésus ; soudainement, elles prennent sens et, devant le vide du tombeau, il comprend le sens de l'aventure humaine : "Il vit et il crut". En un instant, en un éclair de lumière, tout lui revient. Il se souvient ; il comprend. Lui qui a ressuscité le fils de la veuve à Naïm, lui qui a ressuscité la fille de Jaïre, lui qui a ressuscité son ami Lazare, il avait raison de proclamer, ce faisant : “Je suis la Résurrection et la Vie !”. Mystère éblouissant de ce passage du Fils de Dieu qui nous ouvre la voie… de la Vie.

vendredi 10 avril 2009

Le silence de Jésus - Vendredi Saint

Dans le récit de la passion du Christ, il y a des paroles :
  • de Pierre, (de reniement)…
  • de Pilate, (bienveillantes, mais de lâche)…
  • de Jésus :
    • paroles d'homme (“Si j’ai bien parler, pourquoi me frapper ?” … ).
    • paroles d'un Dieu (“Ma royauté ne vient pas de ce monde” ….).

Mais parmi le bruit de la foule, ces cris de mort, ces interrogatoires, il faut entendre deux silences de Jésus :

Le silence de la flagellation. … Pendant ce supplice, Jésus ne dit rien. Pourtant les autres circonstances sont marquées par ses paroles.
  • Arrestation : “Remets ton épée au fourreau”, dit-il à Pierre.
  • Il répond au grand prêtre, puis à Pilate.
  • Crucifié, il trouve la force de dire quelques mots à Marie, à Jean.

Durant la flagellation, rien. Il est vrai que les soldats ne lui demandent rien. On leur a dit de fouetter, ils fouettent ; et ils en rajoutent (couronne d'épines, moqueries, gifles). Jésus entre leurs mains est un homme-objet, silencieux !

C'est cette souffrance, sans un mot de compassion de quiconque, qu’il nous faut contempler : elle est la souffrance à l'état pur ; et elle est encore celle d'hommes et de femmes d'aujourd'hui.
  • pour des raisons politiques, raciales ou même pour rien du tout, ou encore
  • ces femmes, ces hommes qui tombent entre les mains de brutes qui tapent physiquement ou psychologiquement d’autres hommes et femmes, réduits au silence.

S'ils pouvaient se relever, se réunir, ils formeraient une foule qui nous ferait fondre d'horreur, de pitié : Et Jésus serait parmi, au milieu d’eux. Jésus flagellé et silencieux. “L’Eglise du silence !“

2ème silence - Un peu plus tard, Jésus comparaît à nouveau devant Pilate. La première fois, c'était un homme en bonne santé. A présent, il est un corps sanglant dont la vie commence à s'enfuir. Pilate, talonné par la foule, la peur, pose sa question : “D'où es-tu ?”. Et l'évangéliste rapporte : “Jésus ne lui fit aucune réponse”.

C'est ce silence qu’il nous faut écouter.
  • Silence d'un homme auquel son bourreau a retiré la force de s'expliquer. Bien sûr.
  • Silence d'un homme auquel il ne reste que le silence pour exprimer qu'il est un homme. Bien sûr.
  • Silence d'un Dieu qui voit devant lui le ciel ouvert, comme dira St Etienne durant son martyr. Si bien que la question de Pilate aurait pu être non pas : d'où es-tu ? mais : où vas-tu ? Cela revient d'ailleurs au même.
  • Mais aussi : silence de Jésus qui comprend que la question de Pilate en cache une autre. A sa manière, Pilate demande : “Qui es-tu ?” A cette question que nous posons tous à Dieu, dans l'émerveillement ou l'abandon, dans la douleur ou la révolte, nulle réponse ne peut être donnée dans l'instant. Rien d'autre d’abord que le silence.

Écoutons ce silence en nous-mêmes. Dans ce Jésus silencieux, meurtri devant Pilate, ne voyons pas que Jésus, mais tout le peuple des souffrants. D’où viennent-ils? – Où vont-ils ? - Qui sont-ils, tous ceux-là, silencieux ? Pilate répond à ce silence par des mots menaçants. Quelle est notre réponse devant notre Dieu qui nous regarde et se tait, et devant ceux qui, comme Jésus, nous regardent, attendent que nous les regardions vraiment dans un silence de communion ?

“L'un des anciens prit alors la parole et me dit : Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d'où sont-ils venus ? Je lui répondis : Mon Seigneur, tu le sais ! Il me dit : Ils viennent de la grande épreuve. Ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'agneau. C'est pourquoi ils se tiennent devant le trône de Dieu et lui rendent un culte jour et nuit dans son temple. Et celui qui siège sur le trône les abritera sous sa tente. Ils n'auront plus faim, ils n'auront plus soif, le soleil et ses feux ne les frapperont plus, car l'agneau qui se tient au milieu du trône sera leur berger, il les conduira vers des sources d'eaux vives. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux“ (Apoc 7.13sv).

Silence, prélude nécessaire à un dialogue du cœur !

Prenons le temps du silence, de notre silence devant celui de Jésus. Prenons le temps du silence car c'est justement dans le silence du tombeau que Dieu va préparer la résurrection et la glorification de son Fils…, espérance de la nôtre !