lundi 31 août 2009

La Resurrection ! - T.O. 22 imp. Lundi - (I Thess. 4.13sv)

J’espère que, durant les semaines d’été, vous avez pu jouir d’un repos bien mérité qui vous permet désormais d’envisager les mois à venir (moins ensoleillés certainement), avec force et sérénité, avec également, comme dit St Paul, “une foi active, un amour qui se met en peine, une persévérante espérance en Notre Seigneur Jésus Christ“ (I Thess. 1.3).

Car il faut le reconnaître avec humilité - et c’est la réflexion que m’inspire la lecture de ce jour - : face aux difficultés diverses de la vie, devant les drames humains auxquels nous sommes parfois affrontés et surtout quand le visage dur et douloureux de la mort apparaît autour de nous, l’âme même chrétienne - comme celle des Thessaloniciens - s’enfonce parfois dans un univers de non-sens provoquant une désespérance funeste. On n’ose pas, on n’ose plus, du moins dans le langage courant, “retourner“ les contradictions de la vie par le cri de la “Bonne Nouvelle“ de l’Evangile. Ce cri est pourtant à la base de notre foi et donne toujours sens à l’existence humaine, lui ouvrant sans cesse des horizons d’éternité.

Il faut toujours savoir crier : “Jésus a participé, dit l’épître aux Hébreux (2.14-15) à ce que nous avons en commun, la chair et le sang, afin de réduire à l'impuissance, par sa mort, celui qui a la puissance de la mort, c'est-à-dire le diable, et d'affranchir tous ceux qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort“.

“Il ne faut pas, dit St Paul, que vous soyez abattus comme les autres qui n’ont pas d’espérance“, pour qui cette certitude de la résurrection, de la vie par-delà tous les signes de mort que nous rencontrons, apparaît comme plus ou moins étrangère à leur destinée. Cette certitude est pourtant affirmée à chaque page de la Bible. Jésus lui-même, sur la route d’Emmaüs, disait : “ «Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? ». Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait“. (Lc 24, 26-27). Les psaumes chantaient déjà : “Notre Dieu est un Dieu de délivrances, à Lui sont les issues de la mort“ ( Ps 68,21).

Dans la lecture de ce jour, nous voyons St Paul ranimer l’espérance des Thessaloniciens. “Il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres qui n’ont pas d’espérance“. De Corinthe où il écrit cette lettre, Paul apprend probablement que des chrétiens de Thessalonique viennent de décéder de mort naturelle ; et que cela a du plonger la communauté qu’il avait fondée tout récemment et qu’il aimait tant, dans l’affliction. Il soupçonne les Thessaloniciens de découragement, se posant de graves questions.

La problématique était légèrement différente de la nôtre et témoignait finalement d’une grande foi, car il est certain que les premiers chrétiens, contemporains de la mort et de la résurrection de Jésus, avaient bien retenu l’annonce de son retour sur terre. Rappelons-nous le récit de l’Ascension dans les Actes (Act. 1.11) : "Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous ainsi à regarder le ciel ? Celui qui vous a été enlevé, ce même Jésus, viendra comme cela, de la même manière dont vous l'avez vu s'en aller vers le ciel." - …Aussi, les premières générations pressentaient ce retour de Jésus comme imminent! Elles vivaient dans la certitude, et surtout dans l’attente, de la fin du monde qui devait suivre le retour de Jésus.

Paul lui-même, dans son dernier écrit, l’épître aux Romains, montre qu’il n’a jamais cessé de croire à l’imminence de ce retour : “Vous savez en quel moment nous vivons. C'est l'heure désormais de vous arracher au sommeil ; le salut est maintenant plus près de nous qu'au temps où nous avons cru. La nuit est avancée. Le jour est arrivé. Laissons là les œuvres de ténèbres et revêtons les armes de lumière“. (Rm 13, 11-12).

Ces certitudes étaient telles que les premiers décès parmi les chrétiens de Thessalonique apportaient à cette conviction une terrible contradiction.

St Paul donne ici une première réponse à une question qui se pose toujours. Affronté comme il l’avait été à Athènes à la pensée grecque qui trouvait ridicule la notion de résurrection des corps, l’apôtre, à Corinthe, fera appel à son identité juive pour maintenir en lui-même, et fortifier dans les croyants, la certitude de foi dans la résurrection de la chair.

Et il ne cessera plus d’affiner cette pensée de foi : “ Si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, écrira-t-il aux Romains, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous“. (Rm 8,11). Et aux Philippiens : “Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d'où nous attendons ardemment, comme Sauveur, le Seigneur Jésus, qui transfigurera notre corps de misère pour le rendre semblable à son corps de gloire, avec cette force qui le rend capable de se soumettre toutes choses“. (Ph 3, 20-21).

Et puis, comme dit le psaume (90 et 95) “mille ans, à tes yeux, Seigneur, sont comme hier !“. Aussi, les Thessaloniciens avaient finalement raison : Le retour du Seigneur est pour demain ou après-demain… Sachons donc nous y préparer en nous réconfortant les uns les autres.

dimanche 9 août 2009

Marche… ! - T.O. 12 imp. Vendredi - (Gen 17.1sv)

Un mot ! Une phrase : “Marche en ma présence et sois parfait !“ La vie est donc une marche. Déjà Platon, un païen, avait compris cette exigence : “Si petites que soient nos forces, il faut bien aller de l’avant !“ (Sophiste 261b). Et le leitmotiv de toute la Bible, c’est bien : “Marche avec ton Dieu, marche vers lui, le trois fois saint !“. Toute notre histoire se résume en cette invitation entendue comme un appel, une vocation : “Pars, marche !“.

Et, à la suite d’Abraham, “notre Père dans la foi“, le peuple issu de lui s’était mis à marcher, cahin-caha, à travers un désert, vers la Terre promise. Bien plus, une fois installé en cette “Terre promise“, il entendit cette parole divine, (si actuelle !) : “Tu n’es pour moi qu’un étranger, un hôte de passage“. Dieu voulait qu’il poursuive sa marche, grandisse dans son intimité afin de jouir au jour éternel et unique (1) de création et de re-création, du sabbat divin, du repos en Dieu ! Tant et si bien, comme l’a dit Bergson que “l’élément stable du christianisme, c’est l’ordre de ne jamais s’arrêter“. Le vrai croyant ne doit pas être un musard sur la route de son existence ! Oui, le grand danger, c’est de s’installer (matériellement, religieusement…), de renoncer à l’aventure du bonheur : “Va pour toi !“, avait dit Dieu à Abraham, autrement dit va pour ton bonheur, celui je désire pour toi mais non sans toi ; Marche !

Et à Abraham, Dieu promet une descendance plus nombreuse que les étoiles du ciel. Abraham croit, bien qu’il soit vieux ; et Sara aussi ! Mais comme toujours, après avoir parlé, Dieu se retire, comme l’Ange devant Marie après l’Annonciation : “Et l’ange la quitta !“. C’est beaucoup plus difficile de croire quand Dieu, ayant parlé une fois, se tait ensuite. Abraham croit… Mais le temps est long… Il dure, dure ! Le temps de la patience !

Et l’on sait comment Sara crut pouvoir résoudre ce problème de la durée en mettant dans les bras d’Abraham sa servante Agar. Et c’est la naissance d’Ismaël... Enfin nait Isaac qui veut dire : “Dieu rit, sourit !“. Et tout le monde rit ! Abraham sait déjà qu’il est face à un Dieu vivant, mais déconcertant…, parce que Dieu est Dieu et non homme ! A l’annonce de la naissance d’Isaac, Sara avait ri ! Et on lui avait dit : “Y-a-t-il quelque chose d’extraordinaire pour Dieu ?“, phrase qui résonne jusqu’à l’Annonciation à Marie : “Il n’y a rien d’étonnant pour Dieu !“. Phrase actuelle pour nous !

Et pourtant…, lorsqu’Isaac, le “rire de Dieu“ a grandi, résonne à nouveau le mystérieux “Va pour toi !“ : “prends ton fils, celui que tu aimes et va “pour toi“ vers le mont Moriah (racine de “voir“), le mont de la vision !“ ; “et là, tu l’offriras !“. Abraham va jusqu’au fond de l’absurde. Et, allant jusque là, il fait l’expérience, déjà, que Dieu “est le Dieu des victoires et que les issues de la mort sont à Dieu“ (ps. 68.21). “Si Dieu et pour nous, qui sera contre nous, lui qui n’a pas épargné son propre fils ?“ (Rm. 8.31). - “Puisque tu n’as pas épargné son propre fils“, avait dit Dieu à Abraham. C’est le même mot qui est employé. Aussi, l’épître aux Hébreux concluait : “Par la foi, Abraham, mis à l’épreuve, a offert Isaac ; il offrait le fils unique, alors qu’on lui avait dit : “C’est par Isaac qu’une descendance te sera assurée…“ – - Même un mort, se disait-il, Dieu est capable de le ressusciter ; aussi, dans une préfiguration, il retrouva son fils…“ (Heb. 11.17). (2).

Voilà le sens du pèlerinage de toute l’humanité vers la Cité céleste dont Dieu est “l’architecte et le fondateur“ (Heb. 11.10). A travers l’histoire d’Abraham, “notre père dans la foi“, tout est dit de notre destinée. Il nous reste à le découvrir dans le concret de l’existence… Nous marchons sans savoir où nous allons. Et un jour viendra où nous serons, nous aussi, à notre mont “Moriah“ (de la vision). Et nous ferons l’expérience, au fond de l’absurde gouffre de la mort, que Dieu ne nous a pas quittés du regard. Et nous serons au seuil de cette vision de Celui qui nous voit et que nous verrons alors comme il nous voit : nous serons alors “divinisés“ : “nous lui serons semblables puisque nous le verrons tel qu’il est“ (I Jn 3.2). C’est toute la destinée de “notre Père dans la foi“… et la nôtre !

Ensemble, nous sommes tous des vagabonds, des gens de passage ici-bas. Et je pense que tous les horizons sont provisoires et que la terre elle-même, finalement, n’est ronde que pour être ouverte partout à l’immensité de l’univers…, à Dieu. Et j’espère qu’à l’heure même de ma mort, je marcherai encore…, enfant d’un avenir que Dieu m’offrira. Mon identité - je n’aime pas ce mot fermé - ne sera pas figé, car Dieu, Lui, d’une caresse de sa main, pourra le réveiller et lui donner jeunesse éternelle et inépuisable. Il nous donc faut marcher à la suite de Jésus. C’est lui le prince des vagabonds. Lui non plus n’avait pas d’identité identifiable avec nos mots et nos cases. Certes, les sbires qui l’ont arrêté un Jeudi soir devaient bien savoir à peu près quel était son gabarit et s’il pesait lourd quand on le tabassait. Mais son regard était insoutenable… Et le dimanche matin, impossible de le retenir ! Lui aussi disait : “Je vais… Je vais chez mon Père et votre Père…”.

Je ne suis sans doute que de passage parmi vous. Alors dites-vous : dans quelques années - elles passent vite ici-bas -, vous trouverez, je l’espère, ma carte d’identité au bureau des objets perdus dans la Jérusalem céleste. Casier : vieux pèlerins. Mais là, il n’y aura plus d’électricité, ni même de soleil, car Dieu sera toute Lumière… Les murailles seront de pierres précieuses, dit St Jean (Apocalypse). Vous serez fascinés ; et vous n’aurez plus aucune envie d’aller contrôler les papiers du “monde ancien”. Alors, je vous en prie, aidons-nous à marcher tous ensemble… Notre seul et principal rendez-vous est chez la fiancée de Dieu, l’Eglise, pour les noces éternelles.
  1. “erad“ en hébreu.
  2. St Paul dira : “Abraham est notre père devant Celui en qui il a cru, le Dieu qui fait vivre les morts et appelle à l’existence ce qui n’existe pas. Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi “le père d’un grand nombre de peuple“ (Gen 15.5).