mercredi 30 septembre 2009

St. Jérôme - 30 Septembre

St Jérôme est né en Dalmatie vers 345, de parents chrétiens. Soucieux de son éducation, ils l’envoient assez vite à Rome faire ses études. En ce temps-là, le “savoir-parler“, la philosophie, la rhétorique ouvraient les portes aux plus belles situations dans l’empire romain. Il fit ses études, “tout en s’amusant“, dira-t-il, en cette ville aux mœurs légères.

Qu’est-ce qui provoqua un changement de vie, une sorte de conversion ? On ne le sait pas exactement. Il fut, en tous les cas, fortement impressionné par les “Catacombes“, les tombeaux des martyrs, des apôtres. Il trouvait en eux un idéal chrétien qu’il recherchait lui-même, si bien qu’il s’adonnait à la prière, à la méditation. Ses parents l’envoyèrent ensuite à Trèves auprès de la Cour impériale. Mais il n’avait pas une âme d’arriviste !
Aussi se retira-t-il sur les bords de l’Adriatique, non loin de son pays natal, menant une vie de prières, de réflexions.

Puis il est attiré par le pays où Jésus vécut. Il part en Orient vivre en ascète, principalement à Antioche. Il mène une vie studieuse, mais, selon lui, encore profane. Eut-il une vision ? En tous les cas, il abandonne tous ses livres de philosophie, d’auteurs profanes pour commencer à se consacrer à l’Ecriture Sainte. Il part dans le désert au sud d’Antioche, menant une vie d’ascète et commençant à apprendre l’hébreu. Revenu à Antioche, il est ordonné prêtre, malgré ses réticences, semble-t-il.

Il fait la connaissance d’Origène - premier Père de l’Eglise - qui a vécu plus d’un siècle avant lui, à Alexandrie, puis à Césarée de Syrie ; Avant lui, cet auteur avait beaucoup étudié la Bible ; il en fit des commentaires qui sont restés célèbres. Jérôme s’en inspire beaucoup. Il lit également Eusèbe de Césarée, mort à l’époque de sa naissance, fondateur de l’Histoire de l’Eglise, qui relate tous les événements de son époque, sans oublier toutes les controverses théologiques du moment (Arianisme, Nestorianisme…). Il fait également la connaissance de Grégoire de Nazianze et l’accompagne au Concile de Constantinople, en 381, qui combat l’arianisme en affirmant nettement la divinité du Saint-Esprit.

Jérôme revient à Rome en 385. Le grand pape St Damase le remarque ; il le charge de traduire les évangiles, le psautier. Il prêche beaucoup. Des femmes d’une certaine condition - Marcelle, Paul et ses filles, (surtout Eustochium) - se rassemblent autour de lui pour étudié la Bible, apprendre l’Hébreu. Il faut dire cependant que Jérôme a un fort caractère qui l’entraîne à des propos satiriques. Ses observations sur le clergé romain en irritent beaucoup. A la mort du pape Damase, son protecteur, il repart pour l’Orient suivies de quelques-unes de ses disciples (Paule, Eustochium). Là il fait la connaissance de nombre de chrétiens adonnés à la prière, l’étude, la vie ascétique. Ainsi rencontra-t-il Evagre le Pontique, grand spirituel, Mélanie l’Ancienne, cette romaine, partie, elle aussi, pour la Terre Sainte, mais qui avait beaucoup voyagé (elle fit la chronique de ses pèlerinages -Histoire des Pères du désert) en compagnie de Rufin d’Aquilée que Jérôme a bien connu.

Finalement, Jérôme se fixe à Bethléem en 386. C’est la dernière étape de sa vie. Il crée là un monastère de femmes, malgré l’opposition des moines grecs et orientaux (très nombreux). Il traduit la Bible à partir des Septante (texte grec du 3ème s. av. J.-C.). Cette traduction qui a été appelée “Vulgate“ depuis le Concile de Trente (1545) est l’une des plus admirable performance de l’esprit humain.

St Jérôme meurt en 419 à Bethléem. On pourrait résumer la vie de St Jérôme par ce verset de la deuxième lettre de St Pierre : “Nous avons la parole des prophètes qui est la solidité même, sur laquelle vous avez raison de fixer votre regard comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur, jusqu'à ce que luise le jour et que l'étoile du matin se lève dans vos cœurs“. (2 Pet. 1.19).

St Jérôme est vraiment, dans l’Eglise, le modèle de ceux qui ont consacré leur vie à l’interprétation des Ecritures.Dans un songe célèbre qu’il raconte à Eustochium, en le dramatisant, il dit qu’il sacrifia sa culture classique, gréco-latine, à la connaissance, passionnée des Ecritures. Selon lui, pour bien comprendre la Bible, il faut se soumettre à 3 conditions :
  • La veritas hebraïca - le texte hébreu !
  • La Terre Sainte, surtout Jérusalem. Si chaque chrétien pouvait se rendre une fois en Terre Sainte ! Le pays lui-même est encore un livre où Dieu parle !
  • Bethléem, le lieu où le Fils de Dieu s’est incarné.

Son tempérament très fougueux, assez étranger à l’onction ecclésiastique, avait besoin de trouver près de la crèche, le silence, la paix et l’humilité.

Puissions-nous être à son école !

mardi 29 septembre 2009

Saints Michel, Gabriel, Raphaël…

La fête de Saint Michel rappelait primitivement la dédicace de l’église qui lui était consacrée à Rome sur la voie Salaria, un des plus antiques sanctuaires de la Ville Sainte !

Et très vite, cette fête est devenue la fête des principaux anges dont les noms sont connus : Michel (Qui est comme Dieu), Gabriel (gabar-El : Force de Dieu), Raphaël (Dieu guérit)… mais aussi de tous les anges. D’ailleurs les prières de la messe parlent beaucoup plus des anges que de St Michel lui-même… ou Raphaël… ou Gabriel. On peut même faire un parallèle : si la fête de St Pierre est devenue la fête de l’Eglise d’ici-bas, la fête de St Michel est la fête de toute l’Eglise du ciel, à laquelle nous sommes appelés à nous associer dès maintenant et pleinement au jour éternel.

Le culte des anges en général et celui de St Michel en particulier est très ancien. On en trouve trace dans de vieux manuscrits (sacramentaire léonien, martyrologe hiéronymien). Et, vous le savez peut-être, St Benoît fait mention très souvent des anges, de St Michel, considéré comme le défenseur de l’ordre établi par Dieu dès le commencement. Et justement, si St Benoît aime à citer les anges, c’est qu’il était un homme qui aimait l’ordre, “amator ordinis”. Et cela parce que l’ordre est source de paix, non seulement de cette paix extérieure - absence de guerre, de conflits -, mais surtout de cette paix intérieure qui est la conséquence de l’union avec Dieu. La paix, c’est le sentiment de l’ordre, c’est-à-dire que tout est en place en soi-même, que tout est “ordonné“ à Dieu.

En cette fête de St Michel, il me plaît de souligner cet aspect : car il nous importe de garder en son âme cette sérénité, ce calme, cette tranquillité qui viennent de la paix intérieure qui nous unit si fortement à Dieu. Lorsque notre âme est trop inquiète et manque de confiance par suffisance, lorsque notre esprit vagabonde et nous plonge dans des combats intérieurs que nous voulons vaincre par nos propres forces (orgueilleuses), il n’y a plus la paix… On voit le diable partout, et surtout où il n’est pas ! Et c’est le trouble incessant ! Il nous faut alors entendre le cri de St Michel : “Qui est comme Dieu ?” A lui seul, il faut se confier…

“La chose la plus importante, disait Dom Guéranger, est de ne jamais perdre le calme et de conserver la paix dans son âme. Qui se laisse troubler ne s’appartient plus et cesse d’entendre la voix intérieure de Dieu”. Son oreille est bouchée, et il n’entend que sa propre voix qu’il finit - astuce suprême du démon - par attribuer à Dieu lui-même. On enferme Dieu dans ses pauvres petites idées. On se prend pour Dieu même. Et c’est la guerre intérieure. - “Qui est comme Dieu ?”, avertit St Michel. – Dans le cours de la vie, bien des choses peuvent choquer. Faut-il pour cela perdre la paix de l’âme ? Non ! Il n’y a de mal que dans ce qui nous sépare de Dieu. Et ce qui nous sépare de Dieu, c’est de se prendre soi-même, plus ou moins consciemment, pour Dieu ! Et le plus curieux, c’est que l’on devient alors facilement despote pour les autres et pour soi-même, sous prétexte de combattre le démon et chez les autres et en soi-même. On est en état de guerre permanente. Et ce n’est plus la paix.

Oh, certes, la vie chrétienne est un combat, et parfois un combat rude, à l’instar de celui que St Michel a mené et mène encore et mènera jusqu’à la fin des temps. C’est lui qui est chargé d’annihiler les ambitions de Satan à se faire Dieu. C’est lui qui consommera sa ruine définitive. Et si nous savons l’invoquer à chaque instant où le démon cherche à faire de notre âme son temple et non celui du Seigneur, il viendra à notre aide en poussant son cri victorieux qui rappelle la seule question que nous devons nous poser : “Qui est comme Dieu ?”

De ce fait, il est le défenseur de chacun d’entre nous et tout spécialement à l’heure de la mort, à ce moment où la lutte contre Satan devient, selon la Tradition juive et chrétienne, devient plus dure et plus serrée. C’est pourquoi Dieu a confié à St Michel le soin de toutes les âmes pour les conduire éternellement près de lui.

Aussi, devons-nous avoir une dévotion toute particulière à St Michel. Puissions-nous, tous, être sous sa protection pour parvenir, dans la paix et la joie, à la demeure éternelle au moment où le Seigneur des anges et des hommes, l’aura choisi.

C’est la prière que nous pouvons faire aujourd’hui : “Fais, Seigneur, que nous sayons protégés sur cette terre par ceux qui, dans le ciel, servent toujours devant ta face”.

lundi 28 septembre 2009

De notre église terrestre à l’Eglise céleste ! - T.O. 26 imp. Lundi - (Za 8.1-8)

Les circonstances, cette année, font que nous ne lirons qu’un seul passage du libre de Zacharie. Petit prophète mais grand cependant ! (C’est le livre le plus cité dans le N.T.). Lui aussi est un écrivain inspiré au temps du retour d’exil. Il prononce des oracles de bonheur : Dieu veut la reconstruction de Jérusalem. Il accordera longue vie à ses habitants. Il viendra lui-même habiter la Ville Sainte !

Ainsi Zacharie, dans la première partie de son livre, éveille notre attention sur une Jérusalem terrestre, je dirais sur nos “Jérusalem“ terrestres, sur nos cathédrales et églises dont on minimise l’importance parfois, en nous projetant trop rapidement vers la Jérusalem céleste, telle que la décrit St Jean : “Je vis la Jérusalem céleste qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu. Et j’entendis une voix forte qui disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes »“. (Apoc 21.1-3).

Les fêtes chrétiennes qui se célèbrent tout au long de l’année peuvent se présenter comme une invitation à ne pas escamoter, au profit de la Jérusalem céleste, ce qui concerne notre pèlerinage ici- bas, avec tout ce qu’il comporte de sensible et de spirituel tout à la fois. Et j’en profite pour remercier vivement, au nom du Christ, celles et ceux qui œuvrent pour que cette chapelle, notre cathédrale et toutes nos églises manifestent, d’une manière ou d’une autre, cette présence divine que nous partagerons pleinement au jour éternel. Merci.

Nos églises traverseront encore bien des vicissitudes et l’usure du temps, certes ! Mais elles possèdent dans leurs pierres les promesses d’éternité que Zacharie formule admirablement. Relisons-le en remplaçant mentalement les mots “Jérusalem“ ou “temple“ par le mot “église“ :

"Ainsi parle le Seigneur. J'éprouve pour Jérusalem une ardente jalousie… Je veux habiter au milieu de Jérusalem (et nous pouvons penser à la présence du Saint-Sacrement). Jérusalem sera appelée Ville-de-Fidélité (N’est-ce pas ce que beaucoup viennent exprimer ici : la foi, la fidélité). Et on y trouvera des vieux et des vieilles..., de petits garçons et de petites filles… Ainsi parle le Seigneur : …Voici que je sauve mon peuple… Je les ramènerai pour qu'ils habitent au milieu de Jérusalem. Ils seront mon peuple et moi je serai leur Dieu, dans la fidélité et la justice…. Les habitants d'une ville iront vers l'autre en disant : Allons donc implorer la face du Seigneur et chercher le Seigneur ; pour ma part, j'y vais. Et de nombreux peuples et des nations puissantes viendront chercher le Seigneur à Jérusalem et implorer la face du Seigneur… En ces jours-là, des hommes vous diront : Nous voulons aller avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous“ (Za 8, 2-8 … 20-23) . »

Comme commentaire, je vous invite à lire chez vous le magnifique psaume 83ème qui dépeint magnifiquement le pèlerin (que nous sommes tous) en marche vers Jérusalem, vers le Temple de Dieu :

"Que tes demeures sont désirables, Seigneur !
  • "Désirables" : c'est tout le dynamisme affectif de l'homme, le dynamisme le plus puissant qui l'habite au plus profond.

Mon âme soupire et languit après les parvis du Seigneur, mon cœur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant.
  • "Mon cœur et ma chair crient de joie…". Pas seulement l'âme, mais tout mon être, tous les os, toute ma sensibilité !

…Heureux les habitants de ta Maison, ils te louent sans cesse.
  • "Heureux", dans la Bible, n'est pas un mot creux. C'est un pluriel de plénitude. C'est comme cela que Jésus commence la charte du Christianisme sur la montagne des Béatitudes.… … Et le premier psaume commence par "Heureux"… "Heureux l'homme…"

Heureux les hommes dont la force est en toi, qui gardent au cœur tes montées.
  • "Qui gardent au cœur les montées…" - Ceux qui se mettent en route vers Dieu, ensemble !

Ils marchent de hauteur en hauteur, Dieu leur apparaît en Sion.
  • On pourrait aussi traduire : "Ils marchent de vertus en vertus".
  • "Dieu leur apparaît en Sion". - Ce n'est pas comme cela que la Tradition juive comprend : "Voir Dieu" Non ! Les Juifs ont corrigé par le passif tout en gardant le complément d'objet direct : "Quand irais-je et serais-je vu la face de Dieu ?" Ici, c'est le pèlerin qui comparaît devant Dieu. C'est tellement bouleversant que c'est comme si, déjà, il voyait Dieu !



Seigneur Dieu, écoute ma prière, prête l'oreille ;

Mieux vaut un jour en tes parvis que mille à ma guise ;

Mieux vaut rester au seuil dans la Maison de mon Dieu que d'habiter en la tente de l'impie.

Seigneur, heureux qui se fie en toi !

Puissions-nous avoir cette allégresse et d’âme et de corps pour venir en la maison de Dieu et éprouver béatitude, bonheur en sa présence !

vendredi 25 septembre 2009

Silence et vie intérieure - T.O. 25 imp. Vendredi - (Ag 1,15 – 2,9)

Ceux et celles qui prient avec l’office du "Temps présent", ont lu hier soir ou ce matin la vision grandiose dans laquelle Ezéchiel entrevit la restauration future d’Israël : Dieu qui fait sa rentrée solennellement dans son Temple. Et le peuple ressuscité se structure autour de cette présence de Dieu, revenu demeurer avec son peuple. Toujours avec une très grande imagination, le prophète Ezéchiel décrit ce retour. Il est emmené sur une haute montagne pour contempler le retour de Dieu afin de raconter à la Maison d’Israël ce dont il a été le témoin : “Il me conduisit vers la porte qui est tournée vers l’Orient….. et la Gloire du Seigneur entra dans le Temple, par la porte qui fait face à l l’Orient …, et j’entendis qu’on me parlait depuis le Temple … ‘Fils d’homme, c’est l’emplacement de mon trône, c’est là que j’habiterai, au milieu des fils d’Israël pour toujours’“.

Avec la lecture du prophète Aggée, nous passons de cette vision grandiose, à la réalité : c’est le calendrier qui tout d’abord est révélateur. Rappelons quelques dates. En 538, avec l’édit de Cyrus, une minorité d’exilés revient et, dans sa ferveur, reprend le culte dans les ruines du Temple qu’on n’a pu encore commencer de restaurer. Mais le zèle se refroidit assez rapidement devant les difficultés rencontrées ; et les préoccupations matérielles l’emportèrent sur le souci de la reconstruction du Temple, qui avait motivé principalement le retour. Nous avons vu cela déjà.

Aujourd’hui, nous assistons, une petite vingtaine d’années après, à un réveil, à une remise en place de la hiérarchie des valeurs ; et, sous le règne de Darius, vers 520, sous l’impulsion du prophète Aggée, du gouverneur Zorobabel et du grand prêtre Josué, la construction du Temple est reprise et mener à bon terme en 4 ans et 6 mois. C’est la tribu de Juda qui fait cette œuvre, surtout.

Juda n’est alors qu’un infime canton dans l’immense empire Perse, et la réalisation du deuxième Temple est si dérisoire que les anciens qui ont gardé le souvenir des splendeurs du Temple salomonien ne peuvent s’empêcher de pleurer. Le Saint des saints de ce Temple est vide, l’arche ayant disparu.

De l’achèvement de ce second temple à l’avènement du Christ, cinq siècles s’écoulent. (Transposons dans l’histoire de France : 5 siècles, c’est ce qui sépare l’époque de Jeanne d’Arc 1430 à la guerre franco-allemande de 1870). Dans la Bible, de ces 5 siècles, on n’a presque rien, entre l’époque du retour et le livre des Macchabées. Pas d’écrits… Les prophètes se taisent pratiquement. “On dirait“, dit un historien (Daniel Rops), “que les rédacteurs bibliques ont voulu marquer, par ce silence, qu’en ces années d’attente, il faille considérer, plutôt que les évènements, la vie intérieure du peuple élu

Et puis, on ne peut s’empêcher cette réflexion : quel contraste avec le monde environnant : les conquêtes d’Alexandre, l’Empire hellénistique, Et Rome à l’horizon….

Au milieu de tout cela, Israël est comme un tout petit îlot de certitudes, qu’il préserve dans une résistance farouche. Comme il est écrit par exemple, dans le libre d’Esther : “Aman put en effet constater que Mardochée ne fléchissait pas le genou devant lui ni ne se prosternait“ ( Es 3, 5).

C’est dans ce silence de cinq siècles que la Bible a pris la forme dans laquelle nous la possédons actuellement, l’héritage le plus précieux que nous avons sans cesse à redécouvrir : pour notre “vie intérieure“, en essayant, nous aussi, de ne pas fléchir le genou devant les idoles de ce monde.

Ainsi, du 5ème au 1er siècle avant J.C., se poursuit un grand travail rédactionnel en Babylonie, à Jérusalem, à Alexandrie. Et se dégage le caractère progressif d’un enseignement divin ! C’est un long temps de mise en forme des écrits, un long temps de grand recueillement, de méditation. Dieu éduque l’humanité, le peuple élu, et, à travers lui, toute l’humanité. Non par des théories théologiques, mais, par une méditation sur le vécu de l’histoire dans une perspective surnaturelle.

On ne méditera jamais assez sur ce contraste d’une petite communauté, un tout petit “reste“ pour parler comme les prophètes, et la fermentation qu’il crée dans l’univers. Un reste qui va se rétrécissant jusqu’à ce que tout s’accomplisse dans une Personne, la Personne du Verbe Incarné, mort et ressuscité, en qui le monde entier est appelé à se retrouver, à “se récapituler“, comme dit St Paul.

Retenons cette leçon de cinq siècles : "Dieu ne parle pas avec ceux qui se tiennent à l’extérieur d’eux-mêmes", disait St Bernard.

“Mon Dieu, écrivait déjà St Augustin, je te cherchais dehors… ; et tu étais dedans !“.

“Ce qui m’importe avant tout, dira dans le même sens Thérèse d’Avila, c’est d’entrer en nous-mêmes pour y rester seul avec Dieu“. Comme les apôtres avec la vision de la Transfiguration : “Ils ne virent plus que Jésus seul !“. Et cela n’est pas de l’égoïsme spirituel, car “habiter avec soi-même, c’est la première réconciliation qui permet toutes les autres“.

Et en voulant ce lieu de prière, en cette chapelle de la Visitation, notre évêque souscrirait à ce que Claudel écrivait : “Le grand besoin de l’homme contemporain est la prière, la vie intérieure, la reprise à tout prix des relations avec Dieu. Nous mourons tous de faim et de soif !“.

jeudi 24 septembre 2009

Le Temple - L’Eglise - T.O. 25 imp. Jeudi - (Ag 1, 1-8)

Le livre du prophète Aggée est le plus court de l’Ancien Testament. Il nous invite à méditer sur le Temple et son importance, si nous voulons comprendre ce que le Nouveau Testament nous en dit. Et si nous voulons également percevoir le signe de l’Eglise à travers les siècles.

Il faut d’abord se rapporter, pour cela, à Ezéchiel lorsqu’il prédit sa destruction par les Babyloniens. (cf Ch. 24) Toujours avec une imagination débridée, Ezéchiel est frappé par le décès de son épouse, “la joie de ses yeux“. Le Seigneur lui demande de ne pas porter le deuil, de ne pas s’affliger, car cet événement personnel est l’annonce d’un événement national : le sanctuaire - “l’orgueil et la joie du peuple“ - sera profané, le peuple lui-même sera dispersé et exilé. Pourtant, le peuple ne devra pas s’affliger, lui non plus ! Car cet événement, même douloureux, sera un présage : après la catastrophe, il y aura une restauration, bien plus une restructuration autour de la présence divine, de la gloire de Dieu mieux reconnu dans son Temple. Non seulement chaque tribu, mais chacun n’aura raison d’exister que par référence à cette présence divine.

L’Eglise n’est-elle pas cette épouse du Christ qui, comme son Maître et Seigneur, s’emble aller vers la destruction (en certains pays actuellement), mais revivra plus belle encore manifestant la présence, la gloire de Dieu au milieu des hommes. Il s’agit toujours de rebâtir la “Maison de Dieu“; “J’y mettrai, dit le Seigneur, ma complaisance ; et j’y trouverai ma gloire !“. Et chacun peut toujours chanter : “J’ai mis le Seigneur devant moi sans relâche. Puisqu’il est à ma droite, je ne bronche pas. Car, Seigneur, tu ne peux abandonner mon âme au shéol. Tu nous apprendras le chemin de vie“ (ps. 16).

Et de fait, Ezéchiel avait raison ! Avec l’édit libérateur de Cyrus, en 538, le temple pur être reconstruit. Mais ce fut une minorité qui revint, une trentaine de mille, en convois successifs, entre 537 et 522. Certains restèrent à Babylone. Parmi eux, beaucoup s’égarèrent dans les richesses. Quelques-uns restèrent, en pays étrangers, fidèle au Dieu Unique.

C’est ainsi que l’Eglise prospère. Je prendrai un exemple : s’il n’y avait pas eu l’expulsion (la destruction) des Congrégations religieuses au début du 20ème siècle, celles-ci - telle la Congrégation de Solesmes – n’auraient sans doute pas fondé nombres de “maisons religieuses“ en pays étrangers. Le processus n’est donc pas d’hier. “Sang des martyrs, semences de chrétiens“ !

Un reste revint donc en Israël ; mais la reconstruction du temple fut difficile. On l’a vu avec le livre d’Esdras. Et pour beaucoup, la ferveur primitive fit place à un matérialisme pratique. La foi se dilua, là encore, au contact des mœurs du monde. Seule la tribu de Juda refusa l’alliance avec les Samaritains. C’est l’origine qui fait qu’au temps du Seigneur, on ne traversait pas la Samarie sans mettre sa vie en danger.

C’est toujours un danger en certains lieux !

Enfin, quarante ans après l’édit de Cyrus, sous le règne de Darius, avec les prophètes Agée et Zacharie, la ferveur et le zèle religieux se réveillèrent : le temple fut reconstruit en l’espace d’un peu plus 4 ans ! Certains gardaient cependant la nostalgie du premier temple, celui de Salomon. Cependant, c’est ce deuxième temple, grandement aménagé par Hérode le Grand, que connut Jésus. On disait que c’était la 7ème merveille du monde. Merveille cependant édifiée avec de l’argent sal (celui de Hérode). Merveille où se pratiquaient bien des affaires mercantiles, peu honnêtes, si bien que Jésus prenant un fouet, chassa pour un jour les bénéficiaires de ces trafics lucratifs.

L’Eglise a connu aussi de semblables déviations. Mais le sang du Christ l’a toujours purifiée.

Enfin, dernière réflexion : c’est au temps de Jérémie, fuyant l’exil à Babylone, que l’arche d’alliance fut perdu. Le prophète l’aurait caché dans une caverne de la montagne de l’Horeb. Et elle ne fut jamais retrouvée. Jérémie lui-même déclara : "Ce lieu sera inconnu, dit-il, jusqu'à ce que Dieu ait opéré le rassemblement de son peuple et lui ait fait miséricorde. Alors le Seigneur manifestera de nouveau ces objets, la gloire du Seigneur apparaîtra ainsi que la Nuée, comme elle se montra au temps de Moïse et quand Salomon pria pour que le saint lieu fût glorieusement consacré." »

Si bien que le “Saint des Saints“ était un “lieu vide“ au temps de Notre Seigneur. Titus, lors de la conquête en 70 s’en étonna. Et les Juifs encore se lamentent de l’absence de Dieu signifiée par l’arche de Dieu.

Pour nous, nous savons que le voile du temple, se déchirant à la mort du Christ, les bienfaits divins coulent désormais dans l’Eglise, dans le Peuple de Dieu lui-même devenu Temple de Dieu.

Une question demeure pour les Juifs, peuple élu de Dieu qui ne renonce jamais à ses promesses. Quand et comment ce vide qu’ils éprouvent depuis la disparition du temple sera-t-il comblé ?

Et pour nous-mêmes les signes de la présence de Dieu que le Christ a confiés à son Eglise sont-ils suffisamment un témoignage qui puisse, comme dit St Paul, rendre jaloux et nos frères Juifs et en même temps tous nos frères. C’est à nous, en Eglise, Temple de Dieu, à répondre.

mercredi 23 septembre 2009

Le Temple…et le Corps - T.O. 25 imp. Mardi - (Esd. 6.7-20)

Il y a de grandes affinités dans la Bible entre le Temple et le corps, corps physique ou corps spirituelle, “mystique“, comme l’on dit !

Le livre d’Esdras que nous abordons parle beaucoup de la reconstruction du temple au retour de l’exil à Babylone. Elle fut essentiellement l’œuvre de ceux qui profitèrent de l’édit de Cyrus en 538 et qui reviennent en la “Terre promise“. Ce ne fut pas le plus grand nombre des exilés ou de leurs descendants. Beaucoup s’étaient installés en Babylonie, leurs conditions de vie étant finalement devenues assez confortables.

Ceux qui reviennent durent, dans leur travail de reconstruction, surmonter beaucoup d’obstacles. Certains - égoïstes, il y en a toujours ! -trouvant qu’il y avait des besognes plus urgentes que la reconstruction du temple, veillaient à pourvoir d’abord à leurs besoins personnels. De plus, les Samaritains et ceux qui avaient profité de l’absence des propriétaires en exil pour prendre possession et de leurs biens et de la terre, multiplièrent les oppositions. Il fallut la protection et les subsides du roi Darius, qui avait confirmé l’édit de son prédécesseur Cyrus pour que la construction s’achève le 1er avril 515, presque un quart de siècle après le retour. Au chapitre 3ème du livre (v/12), on nous dit que certains prêtres, lévites, chefs de famille âgés et qui avaient connu les splendeurs du temple de Salomon détruit par les Babyloniens, pleuraient très fort en faisant la comparaison entre la réalisation nouvelle et les souvenirs qu’ils avaient encore.

Mais, ceci dit, dans l’Ancien Testament, le temple, surtout lorsque Hérode le Grand l’agrandit et l’embellit, prit une importance de plus en plus grande. Au temps de Jésus, il était le centre, non seulement spirituel mais aussi national, de toute une nation juive répandue un peu partout dans le monde connu à l’époque. Il suffit de relire la description que nous fait St Luc, de la foule venue en pèlerinage à Jérusalem pour la fête de la Pentecôte, lorsque retentit la première prédication apostolique. Quand on parle désormais de dispersion juive, on devrait penser plutôt à l’absence de centre (national, spirituel) qu’au phénomène géographique de “Diaspora“ qui commença lorsque les soldats de Titus en 70 après Jésus Christ. détruisirent le Temple. Encore maintenant, la prière synagogale est pleine de nostalgie pour le temple comme centre de la nation, ce temple qui, un jour, pensent les plus ultras, doit être reconstruit.

Jésus avait un grand respect pour le Temple. Il l’appelle la Maison de mon Père, et reprend les paroles de Jérémie en condamnant ceux qui en ont fait une caverne de brigands. Il pleure sur le Temple en constatant que le peuple n’a pas reconnu le temps de la visite. Mais, il a aussi cette parole mystérieuse qu’on ne comprend qu’après sa résurrection : “Détruisez ce Temple et, en trois jours, je le reconstruirai … Il parlait du Temple de son Corps“.

Dans le Christianisme, le Temple est le Corps du Christ ; et c’est nous-mêmes, qui par la foi et le baptême, avons été incorporés au Corps mystique de Jésus pour vivre ses mystères et surtout son mystère pascal. L’Ascension glorieuse a fait de Jésus le Grand Prêtre qui a pénétré dans la demeure même de Dieu, nous y entraînant de sorte que par Lui, en Lui, et avec Lui, dans l’Esprit Saint, nous rendions au Père ce culte en Esprit et en Vérité qu’il cherche parmi les hommes. “Le Père cherche des adorateurs en Esprit et en Vérité“. Aussi, il faut le dire - même si ce n’est pas ce qu’il y a de plus grave - : certaines fautes commises avec le corps ont un aspect plus ou moins sacrilège. St Paul le dira nettement.

D’ailleurs, Dieu a voulu que la Vierge Marie qui fut, beaucoup plus que l’Arche d’Alliance et le temple de Jérusalem, la demeure de Dieu, soit préservée de la corruption du péché et même du tombeau. Ce privilège reste unique, mais certains saints ont partagé quelque peu ce privilège qui raffermit notre foi et notre espérance en la “résurrection des corps“.

Accorde-nous, Seigneur, dans l’attente de la résurrection glorieuse, d’être affermis dans la foi et l’espérance, pour prendre part un jour, comme elle, à ton bonheur éternel en entrant pour toujours dans le temple céleste qui sera ton propre Corps plénier - tête et membres.

dimanche 20 septembre 2009

Fête de St Matthieu - Le “bon Scribe !“ (Mathieu 9,9s)

St Matthieu est une figure familière parce que premier évangéliste (son évangile a été perdu ; on n’en a qu’une traduction grecque plus tardive. Mais peu importe…). Sa vocation constitue un des épisodes les plus populaires de la vie de Jésus, en raison de la personnalité : un collecteurs d’impôts qui de “scribouillard“ devint un “bon scribe“, mettant parfaitement en lumière la continuité entre les deux Alliances, entre l’A.T. et le N.T., pour fortement affirmer l’amour de Dieu-Sauveur qui vient couronner son récit.

Matthieu, on le rencontre d’abord entre Bethsaïde et Capharnaüm à la frontière entre les états d’Hérode Antipas et les Etats de Philippe. Lui aussi était au bord du Jourdain. C’était un fonctionnaire-douanier. (Même si on n’a pas prouvé de façon absolue que ce collecteur d’impôts est bien notre évangéliste, on peut le supposer fortement). De même que Jésus a pris des pêcheurs du lac pour en faire des pêcheurs d’hommes, de même il a pris ce douanier pour en faire son premier évangéliste. Oui de “scribouillard voleur“, Matthieu est devenu un “bon scribe“ du Royaume de Dieu !

D’abord, à sa conversion, il organise un festin - j’avoue que cela me plaît -. Les gens “bien pensants“ se scandalisent de voir Jésus chez des pécheurs ! Matthieu a bien retenu la réflexion de Jésus : “Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs !“. Et si ces justes demandent : “Et nous alors ?“, c’est quasi irrécupérable ! Péguy dira de façon mordante: “Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée, c’est d’avoir une pensée toute faite ! Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise âme, c’est d’avoir une âme toute faite. On n’a pas vu mouiller ce qui était verni ; on n’a pas vu tremper ce qui était habitué ! Les “honnêtes gens“ - ceux qu’on nomme tels et qui aiment à se nommer tels -, n’ont point de défauts dans l’armure. Leur peau de morale intacte leur fait une cuirasse sans faute. Ils ne présentent point cette ouverture que fait une affreuse blessure… Ils ne présentent point cette entrée à la grâce qu’est le péché… C’est parce qu’un homme était par terre que le Samaritain le ramassa ; c’est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l’essuya d’un mouchoir. Or ce qui n’est pas tombé ne sera jamais ramassé, et celui qui n’est pas sale ne sera jamais essuyé. Les “honnêtes gens“ ne mouillent pas à la grâce !“.

Aussi de “scribouillard voleur“, Matthieu devient “bon scribe“. Pourtant, apparemment, le scribe n’est pas une référence. “Malheur à vous scribes et pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le Royaume des cieux ! Vous-mêmes n’y entrez pas, et vous ne laissez pas entrer ceux qui le voudraient !“. Et c’est bien Matthieu qui notera que non seulement ils n’allèrent pas à la crèche à la suite des mages, mais ils provoquèrent Hérode à empêcher qu’on y aille, la “Sainte famille“ étant obligée de fuir sa jalousie.

Oui, être scribe, c’était un métier dangereux. Ils cherchaient leur gloire des hommes et non de Dieu : “Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des autres, et ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ?“ (Jn 5.44). C’est terrible, cela ! C’est donc un métier dangereux parce que pour être sur la trajectoire de Dieu qui passe, il faut être ce qu’on est. Or, ce métier offrait la tentation de vivre uniquement au niveau du paraître. C’est fréquent cela ! …Cependant, il y a quand même de “bons scribes“, ceux que décrit, par exemple le Siracide au ch. 39…

Ce qui caractérise le “bon scribe“ du Royaume de Dieu est donné par Matthieu lui-même, à la fin du discours en paraboles - et le P. Benoît, un bon exégète, dit que Matthieu a signé, là, son évangile - : “Tout bon scribe devenu disciple du Royaume des cieux est semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf et du vieux !“. (Math 13.52). Que veut dire cette expression ? C’est une allusion au Cantique des cantiques : “Les mandragores exhalent leur parfum ; à nos portes sont tous les meilleurs fruits. Les nouveaux comme les anciens, je les ai réservés pour toi, mon bien-aimé !“. (Cant 7.14).

Autant la tradition juive que la tradition chrétienne se réfèrent à ce texte pour dépeindre le “bon scribe“. C’est celui qui fouille dans le passé pour ramener des “fruits anciens“ afin de mieux produire, dans la même continuité, des “fruits nouveaux“. C’est aller dans le passé cueillir le meilleur afin de mieux prendre son élan pour façonner un avenir plus merveilleux encore. C’est le jeu de la mémoire qui fouille le passé pour prédire l’avenir. On tire de son trésor “de l’ancien et du nouveau“ pour tout présenter au Seigneur. C’est ce que faisait Marie… “Elle méditait en son cœur“.

Et c’est passionnant de voir comment Matthieu, ce “bon scribe“ à la charnière de l’Ancien et du Nouveau Testament, écrit son prologue qui commence par ce mot “Généalogie“. Avec ce mot, remontant le passé, il montre que toute l’Histoire a une signification, une direction : tout converge vers Jérusalem, vers le Temple. Aussi va-t-il rythmer ses découvertes sur le chiffre 14 : 2 fois 7. La création étant rythmée sur le chiffre 7, son prologue annonce une nouvelle, parfaite création, avec le Christ, Dieu fait homme ! Car sa généalogie se termine ainsi : “Joseph vint s’établir dans une ville appelée Nazareth, pour que s’accomplisse l’oracle des prophètes : Il sera appelé “le Nazôréen“ ! Avec sa généalogie, Matthieu fait tout converger vers Jésus annonçant le Royaume de Dieu. C’est l’idée de tout son Evangile !

Puissions-nous faire, chacun d’entre nous, comme un bon scribe, une lecture de notre propre vie, à la façon de Matthieu : discerner dans le passé tous les signes de notre vocation à être véritablement “enfant de Dieu“, “héritier du Royaume de Dieu“ pour mieux discerner notre avenir avec Jésus!

vendredi 18 septembre 2009

Verbe (Parole) fait chair (corps) - T.O. 25 imp. Mardi - (1 Tm 6, 2-1)

Nous arrivons déjà à la fin de la première lettre de Paul à Timothée. Après la “lecture“ dont nous avons parlé hier - la lecture publique des textes sacrés dans les assemblées, selon l’usage emprunté à la synagogue -, Paul parle à Timothée de ce qui découle de la lecture et qui doit venir après : l’exhortation et l’enseignement.

La lecture, au sens originel, l’écoute, est donc première. On n’insistera jamais assez sur ce point. “Shema Israël“. - “Ecoute, Israël !“ Avant la langue qui parle, il y a l’oreille qui écoute comme le dit si bien le premier des grands prophètes, Isaïe :“Le Seigneur Dieu m'a donné une langue de disciple pour que je sache apporter à l'épuisé une parole de réconfort“. Aussi, “ Il éveille chaque matin mon oreille pour que j'écoute comme un disciple“. (Is 50, 4-5). Et le psaume 40 affirme : “Tu n’as voulu ni holocaustes, ni sacrifices, tu m’as ouvert l’oreille“ (V/7).

Très curieusement, dans les Septantes (traduction grecque de la Bible au 3ème s. av. J.-C.) et dans l’épître aux Hébreux qui cite ce psaume, là où il est écrit :“Tu m’as ouvert l’oreille, tu m’as creusé l’oreille“, on a transcrit : “Tu m’as formé un corps !“ (He 10,37) - (Sept. : “Alors, je viens“).

Comment est-on passé de l’oreille au corps ? Certains médecins - comme le célèbre Docteur Tomatis - disent que le premier organe sensible qui vient à éclosion dans l’embryon, c’est l’oreille. Je ne saurais rentrer dans le détail, mais une chose est certaine : depuis l’Incarnation du Fils de Dieu, “Verbe fait chair“, la Parole de Dieu qui entre par les oreilles doit descendre jusqu’au plus profond de nous-mêmes, “faire corps“ avec nous. Le prophète Ezéchiel, avec son imagination toujours débordante, avait déjà fait cette expérience qui prophétisait en quelque sorte l’Incarnation du Fils de Dieu, Verbe de Dieu ! Recevoir la Parole avant de la proclamer !“Le Seigneur me dit : "Fils d'homme, mange ce rouleau ; ensuite tu iras parler à la maison d'Israël". J'ouvris la bouche et il me fit manger ce rouleau. Il me dit : "Fils d'homme, nourris ton ventre et remplis tes entrailles de ce rouleau que je te donne". Je le mangeai : il fut dans ma bouche d'une douceur de miel. Il me dit : "Fils d'homme, va ; rends-toi auprès de la maison d'Israël et parle-leur avec mes paroles“ (Ez. 3.1-4).

Ainsi la Parole qui entre par les oreilles doit “faire corps“ avec nous-mêmes ; elle doit entraîner comme un rebondissement de tout l’être dans l’action de grâces pour mieux la proclamer ! Dans cette perspective, la Parole divine demande à être appropriée jusqu’à l’incarnation.

Ainsi, dans la lecture (l’audition) qui est première, le disciple se familiarise ainsi avec le dessein de Dieu qui se déroule dans l’histoire et qui s’accomplit dans le Christ, Verbe incarné, par sa mort et sa résurrection. Aussi, faut-il toujours prier avant cette écoute de la Parole. Car une chose est également certaine : c’est l’Esprit de Dieu, l’Esprit Saint, qui favorise la réception de la Parole. Il suffit de se rappeler la fondation de la première Eglise chrétienne en Europe, à Philippes de Macédoine. St Luc note : “Nous adressâmes la parole aux femmes. L'une d'elles, nommée Lydie, (le premier chrétien en Europe - c’est à noter, Messieurs - fut une femme !) nous écoutait… Le Seigneur lui ouvrit le cœur, de sorte qu'elle s'attacha aux paroles de Paul.

Ainsi, par l’écoute de la Parole et avec l’aide de l’Esprit, le disciple du Christ acquiert une vertu dont on parlait beaucoup aux origines et peu désormais : une humble assurance qui donne la vigueur au témoignage de celui qui reçoit la Parole de Dieu.

De plus, on devient capable alors d’écouter la voix de Dieu, partout présente. Même si elle ne retentit plus dans les éclairs et les tonnerres, comme au temps de Moïse, la Parole de Dieu se discerne dans les événements de notre vie, et même dans “le souffle d’une brise légère“ comme pour Elie. (Il faudrait même traduire : “dans l’éclatement d’un silence, dans la poussière d’un silence“). Que l’Esprit nous aide à percevoir la voix du Seigneur !

Le mal vient souvent du fait que la langue fonctionne avant l’oreille. Il n’y a plus alors que des dialogues de sourds. Il suffit d’écouter certaines émissions télévisées, appelées “débats“, autour d’un soi-disant animateur. C’est souvent une cacophonie discordante. Et quand il s’agit d’émission religieuse, on parle souvent de tout sauf de l’essentiel : l’Unique dessein de Dieu et du Verbe Incarné venu l’accomplir par sa mort et sa résurrection.

Aujourd’hui, Paul parle à Timothée précisément de la cacophonie qui se produit fatalement quand l’oreille ne s’est pas ouverte à la lecture ; la langue ne fait alors que s’agiter dans le bavardage. Il parle beaucoup de ce phénomène, toujours aussi courant de nos jours ; (“Tu parles ! tu parles !... Ecoute d’abord“, disait St Bernard). il faudrait relire toute sa lettre pour retenir les qualités qu’il recommande à Timothée pour mieux entrer avec assurance dans ce qu’on appelle maintenant “le dialogue“ et porter notre témoignage de chrétien qui a su ouvrir son oreille avant d’agiter sa langue. “Shema Israël“ : avant tout, être à l’écoute de l’unique dessein du Dieu Unique qu’il a accompli en Jésus Christ et en Lui Seul, le Verbe incarné, mort et ressuscité, qu’il a accompli à Jérusalem où a commencé à se déchirer le voile qui nous empêchait de “voir Celui qui nous voit sans cesse !“.

“Il a détruit sur cette montagne le voile qui voilait tous les peuples et le tissu tendu sur toutes les nations… Car le Seigneur a parlé. Et on dira, en ce jour-là: Voyez, c'est notre Dieu, en lui nous espérions… Il nous sauve… “.

jeudi 17 septembre 2009

La Lecture - T.O. 24 imp. Jeudi - (I Tim 4.12-16)

“En attendant que je vienne“, dit St Paul à Timothée, “consacre toi à la lecture, à l’exhortation, à l’enseignement“.

La première place est donnée à la lecture dans les obligations à observer par ceux que Paul a établis à la tête des Eglises qu’il a fondées et dont, dans sa vieillesse, il se préoccupe. Et ce qui vient en premier - et c’est à bien souligner -, c’est la lecture. Encore faut-il préciser le sens qu’avait le mot à l’époque de Paul et de Timothée.

Quand on parle de lecture actuellement, surgit l’image d’un chrétien studieux qui se plonge solitairement dans la Bible, en comparant éventuellement les variantes textuelles des multiples traductions.

Quand on parle de lecture au temps de Paul, on fait allusion à la lecture publique des textes sacrés, dans les Assemblées, selon l’usage emprunté à la Synagogue. Ce qu’on appelle l’office des lectures, au début de nos célébrations eucharistiques, est la continuation de cet usage synagogal. Et St Paul nous encourage aujourd’hui à donner à cet office des lectures l’importance qu’il mérite. D’ailleurs, on parle facilement de nos jours - et à juste raison - de l’Eucharistie qui présente tout à la fois la “table de la Parole“ et la “table du Pain“ ! On n’est plus à l’époque, que j’ai connue dans mon enfance, où un bon chrétien estimait avoir rempli son obligation dominicale (sous peine de péché mortel, svp !) s’il arrivait à l’église au moment de l’Offertoire, juste au moment où, d’après les casuistes, le prêtre découvrait le calice avant de le remplir. L’office des lectures était couramment estimé comme facultatif et finalement secondaire.

Dans le Nouveau Testament, la lecture a une importance première et primordiale ; on vient de le voir dans notre lecture. Mais, on le constate en bien d’autres passages du Nouveau Testament. Le plus connu est la scène inaugurale de la vie publique de Jésus dans la synagogue de Nazareth : “Il vint à Nazareth, entra dans la synagogue, et se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe“ etc… (Lc 4, 16-21).

Lors du premier grand voyage missionnaire que nous raconte les Actes des Apôtres, on assiste à une scène tout à fait semblable à Antioche de Pisidie :“Après la lecture de la Loi et des Prophètes, les chefs de la synagogue leur envoyèrent dire : « Frères, si vous avez quelque parole d'encouragement à dire au peuple, parlez ». Paul alors se leva…“ ( Ac 13,15)

Et Paul en profite pour résumer toute l’Histoire Sainte et en montrer l’aboutissement dans la Bonne Nouvelle qu’il est chargé d’annoncer et vers laquelle converge toute la Révélation scripturaire - « Secundum scripturas » - « selon les Ecritures ». …“Et, à leur sortie, on les invitait à parler encore du même sujet le sabbat suivant“. (Ac 13,42)

La lecture, l’office des lectures de notre Eucharistie, plonge ses racines dans cet usage de la Synagogue que le Christ lui-même a connu. Il est bon de le rappeler. Et cette coutume synagogale plonge ses racines encore plus loin dans le temps. Bientôt la liturgie du temps Ordinaire nous invitera à feuilleter le livre d’Esdras (la semaine prochaine) qui nous montrera comment, au retour de l’exil de Babylone, se pratiquait la LectureUne manière semblable ! (Ne 8, 4-8)

Dans sa 2ème lettre à Timothée, Paul revient sur cette lecture des Ecritures (le Nouveau Testament n’existait pas encore !) : “Pour toi, tiens-toi à ce que tu as appris et dont tu as acquis la certitude. Tu sais de quels maîtres tu le tiens ; et c'est depuis ton plus jeune âge que tu connais les saintes Lettres. Elles sont à même de te procurer la sagesse qui conduit au salut par la foi dans le Christ Jésus. Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice : ainsi l'homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne“. (2 Tm 3, 14 – 17).

Un grand effort a été fait à la suite du 2ème Concile de Vatican pour revaloriser l’office des lectures. Ceux qui le peuvent pourraient lire avec profit la “présentation générale de la liturgie des Heures“ pour voir le souci qu’a l’Eglise de faire redécouvrir l’ensemble de la Révélation biblique en combinant indissociablement l’Ancien et le Nouveau Testament. Cet effort de l’Eglise porte du fruit. La tentation serait toujours de négliger les lectures de l’Ancien Testament pour valoriser presque uniquement les textes du Nouveau Testament. C’est plus ou moins l’hérésie de Marcion (Marcionnisme) qui voulait soustraire l’A.T. des Saintes Ecritures. Il fut condamné !

En ce souci de transmettre la Parole de Dieu, admirons l’effort et la sagesse de l’Eglise…

Et plus nous nous mettrons à “la table de la Parole“ de Dieu à laquelle l’Eglise nous invite, plus, alors, nous serons animés d’un saint désir pour prolonger individuellement cette lecture. Et le Seigneur prolonge sa présence évidemment dans la continuation de cette lecture. “Il faudrait, disait le Curé d’Ars, s’appliquer tous les jours à une lecture pieuse, tout comme on s’applique à prendre ses repas“. – “Qui sont ma mère, mes frères ?“, demandait Notre Seigneur. “Ce sont ceux qui écoutent la Parole et la mettent en pratique“. Il faut donc l’écouter, la lire ! Ecouter, recevoir cette Parole ! Et peu à peu l’âme se remplit d’émerveillement et de joie divine. On découvre alors progressivement que cette lecture donne des lumières sur la beauté, la bonté, la miséricorde, la charité divines ; elle permet au cœur de se pénétrer et de s’éprendre de Dieu !

mercredi 16 septembre 2009

Le Christ pascal et l’Eglise - T.O. 24 imp. Mercredi - (I Tim 3.14-16)

Avec le week-end et les fêtes récentes qui ont brouillé quelque peu la continuité des lectures des jours du T.O., il n’est pas très facile de suivre la pensée de St Paul dans sa lettre à son jeune disciple Timothée qu’il considère comme son fils !

Nous l’avons déjà vu : l’Apôtre ressent de la fatigue ! Il arrive à la soixantaine ! Il envisage la fin de sa vie ! N’a-t-il pas lâché aux Anciens d’Ephèse tout attristés, au moment de son départ : “Vous ne reverrez plus mon visage !“. Soudainement, il se sent vieux ! Or, on remarque que les vieillards ont l’habitude de répéter toujours les mêmes choses avant que leur voix s’éteigne, comme s’ils voulaient condenser en quelques mots l’essentiel de leur expérience de vie !

Ainsi, d’après une vieille tradition, St Jean qui avait été le plus jeune disciple du Seigneur est mort très vieux à Ephèse ; et il ne répétait sur ses vieux jours qu’une seule phrase au point que ses amis, soupçonnant bien la richesse de vie de ce dernier des apôtres, le sollicitaient de fouiller sa mémoire. Mais lui de répéter toujours : “Mes enfants, aimez-vous les uns les autres !“. Il radotait ! Oui ! Mais, ce disant, il radotait le secret du monde transmis par le Christ !

J’ai l’impression que cette remarque convient également à St Paul. L’une des lectures des jours précédents nous transmettait son refrain : “Voici une parole sûre et qui mérite d’être accueillie sans réserve !“. Il dit non pas des paroles, des discours, des phrases, mais une parole ! Et cette parole est celle-ci : “Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs“ que nous sommes ! Mystère de l’Incarnation et Mystère pascal tout à la fois ! Voilà l’essentiel !

Or, aujourd’hui, Paul redit cet essentiel d’une manière différente : “Jésus Christ a été manifesté dans la chair, et montré comme juste par l’Esprit“. Il est apparu comme tel sur la terre et au ciel, “parmi les anges de Dieu“. Et notre foi affirme qu’il est “exalté dans la gloire“ divine ! Là encore : Incarnation du Fils de Dieu et surtout sa Pâques qui nous entraîne à passer nous-mêmes de la mort à la vie !

Le salut que cherche tout homme, le salut au sens plénier du terme, le salut qui se fait voir tout au long des délivrances et des libérations qui jalonnent l’histoire de son peuple - [“Notre Dieu est un Dieu de délivrance ; à lui sont les issues de la mort“, chantait le psaume (68.12) -]…, ce salut, Paul en a fait une expérience intense sur le chemin de Damas. Ce salut de mort et de Vie, il l’a vécu personnellement. Ce salut lui fut en quelque sorte comme monnayé tout au long de son existence ; et ce salut se manifestera à lui pleinement - c’est son espérance - au terme de sa vie !

Aussi, dans sa vieillesse, il ne fait que répéter cette certitude en y ajoutant souvent une louange, une “action de grâce“ (= “eucharistie“), comme c’est souvent la coutume chez un Juif (ce mot “Juif“ ne signifie-t-il pas : louer, rendre grâce ?). Aussi, Paul terminait souvent son message unique par une louange : “Louange et gloire au roi des siècles, au Dieu unique, invisible et immortel pour les siècles des siècles !“ (1.17).

Cependant, aujourd’hui, l’Apôtre souligne à l’intention de son disciple, à notre intention, une caractéristique de ce mystère de mort et de vie. Face à ce mystère essentiel qu’il va encore souligner, il écrit juste avant : “Je veux que tu saches comment il faut se comporter dans la maison de Dieu, c’est-à-dire l’Eglise du Dieu vivant, colonne et appui de la vérité !“. Et il énonce alors immédiatement son message unique : la réalité du mystère pascal qui doit être couronné par notre action de grâce, notre eucharistie !


Autrement dit, ce mystère du salut opéré par le mystère pascal du Christ se concentre aujourd’hui en eucharistie, en action de grâce de notre vie, une action de grâce rendue possible par cette “Eucharistie“ que le Seigneur nous a laissée lui-même, que l’on célèbre chaque jour, et qui nous rassemble, nous réunit, nous unit. Si bien que, recevant le Corps du Christ, nous ne formons plus qu’un seul Corps : le Corps du Christ qui, dans ses membres, réalise actuellement Pâques, ce passage de mort à Vie. Pâques, c’est toujours aujourd’hui ! Pâques se réalise dans l’Eglise, Corps du Christ !

St Jean Chrysostome écrira : “C’est de son côté ouvert que le Christ a formé l’Eglise, comme il avait formé Eve du côté d’Adam“. L’Eglise est une re-création dans le Christ, “par qui tout fut, et rien de ce qui fut ne fut sans lui. En lui était la Vie“ (Jn 1.3). - “M’est avis, dira plus tard Jeanne d’Arc, lors de sa procès, que Notre Seigneur et l’Eglise, c’est tout un !“. - Et notre grand Bossuet proclamera : “L’Eglise, c’est Jésus Christ continué, communiqué et répandu à travers le temps et l’espace !“. - “Depuis dix ans que je parle de l’Eglise, dira Lacordaire, c’est, au fond, toujours de vous, Jésus, que je parle !“

De ce fait, l’Eglise - Corps du Christ qui ne cesse de s’étendre de la terre au ciel - est sainte, sans péché ; certes, cela ne veut pas dire qu’elle est sans pécheurs ! Mais sachons contempler l’Eglise dans sa réalité profonde : C’est le Corps du Christ ! Certains disent que l’Eglise change ! Oui, elle change mais à sa superficie en quelque sorte et non dans sa structure. Elle se transforme dans les remous de l’histoire que pour demeurer identique, disait Newman. Et il est bon de répéter, surtout ici : Le chrétien qui s’intéresse un peu trop à l’architecture de son église risque fort de négliger le Saint-Sacrement. - “Je ne veux rien savoir d’autre, répétait et “radotait“ St Paul, que le Christ crucifié“.. et désormais glorieux !

mardi 15 septembre 2009

Notre-Dame des douleurs - Le “Dessein de Dieu“ – (He 5, 7-9 - Ps 30 - Jn 19, 25-2 ou Lc 2, 33-35)

La célébration de “Notre Dame des douleurs“ est entrée dans la liturgie assez tardivement 19ème s.). Il a fallu longtemps pour que l’on passe
  • de l’esprit qui dominait hier dans la fête de l’exaltation de la Ste Croix, avec son caractère triomphaliste : la “Croix glorieuse“, victorieuse de la mort !,
  • à la dévotion qui domine aujourd’hui nous invitant à méditer avec Marie principalement sur les souffrances du Christ crucifié.

Dans l’art et l’iconographie, la croix apparaît d’abord comme
  • un signe de victoire sur la mort - la résurrection étant le fondement de notre foi !
  • et le triomphe du christianisme persécuté pendant plus de trois siècles.

A Jérusalem, la Basilique de Constantin, dont la fête d’hier rappelait l’anniversaire de l’inauguration (335), était orientée non pas vers l’est selon la tradition, mais tout entière axée sur la rotonde érigée sur le tombeau d’où Jésus, au matin de Pâques, était sorti vainqueur de la mort, l’ensemble des bâtiments portant le nom de “anastasis“ : “Résurrection“ et non “Saint Sépulcre“. Le Golgotha était comme relégué dans un édicule annexe.

Réaction normale : Pour qu’apparaisse dans l’art chrétien des évocations plus ou moins réalistes de la mort du Christ en croix, il a fallu que disparaisse complètement du souvenir l’horreur qu’était une crucifixion. Ce supplice était affreux, il pouvait durer trois jours ; et c’est par miséricorde qu’on brisait les jambes des suppliciés afin que la mort, plus rapide, achève leurs souffrances. Depuis le célèbre livre sur ce sujet du célèbre Docteur Barbet - un Solesmien, aïeul du P. Grégoire Cador - on a étudié minutieusement les souffrances qu’enduraient les victimes de ce supplice.

Bien plus, l’attention aux souffrances du Christ sur la croix fut réveillée plus efficacement que par toutes ces études médicales scientifiques, depuis Ste Catherine de Sienne, St François, le Padre Pio et Marthe Robin... Les stigmates des saints qui sont favorisés de cette participation, de cet accompagnement du Christ jusqu’au bout de ses souffrances, ont influencé grandement cette dévotion à la passion du Christ.

Une personne affligée d’une maladie incurable depuis des années, avait été voir Marthe Robin plusieurs fois ; et elle avait entendu cette phrase mystérieuse que nous avons rencontrée en lisant l’épître aux Colossiens la semaine dernière : “Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l’Eglise“. (Col 1,24).

Quel que soit la lenteur des évolutions des mentalités, on constate que, dès l’origine, des saints ont perçu que leurs épreuves étaient une faveur que Jésus leur faisait de participer à ses souffrances avant de participer à sa gloire. Une faveur que, bien sûr, on n’ose pas demander et surtout dont on ne peut parler aux autres que si on a soi-même marché sur ce dur chemin de croix.

La 1ère lecture d’aujourd’hui est tirée de l’épître aux Hébreux (5, 7-9), probablement à cause de ce “grand cri“ que Jésus poussa avant de mourir. Cette évocation fait également référence au psaume 22, prière qui fut celle du Christ sur la croix, prière qui commence par ce cri d’angoisse, - “Eli Eli Lamma sabachtani ; “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?“ -“ mais prière qui se poursuit par cette affirmation : “Tu m’as répondu !“.

Jésus, accomplissant les Ecritures, avait choisi, parmi les psaumes qui résument sous forme de prière toute la Bible, celui qui est sur ce schéma déjà pascal : “Je ne mourrai pas, je vivrai, je chanterai“.

Il faudrait parler aujourd’hui de Notre Dame - Notre Dame des douleurs - ! Marie appelée également co-rédemptrice du Christ … ! St Bernard imagine un frère de son monastère qui pense que la Ste Vierge est restée debout au pied de la Croix parce que la certitude de la résurrection avait comme atténué ses souffrances ; cette réflexion lui permet de parler plus éloquemment des souffrances de la compassion, de cette compassion (“souffrir avec“) qui peuvent provoquer, dit-il, des souffrances qui dépassent celles que l’on peut ressentir physiquement. Aussi accuse-t-il ce frère qui est supposé tenir ce raisonnement d’être coupable d’un péché grave : le manque de compassion. Oui, comme Marie, sachons souffrir des souffrances du Christ en croix pour parvenir à la gloire de sa résurrection !

Et pour méditer aujourd’hui avec Marie - Notre-Dame des douleurs - il faut, avec St Jean, se référer aux noces de Cana. L’heure est venue ! Il ne s’agit plus de vin (appelé parfois dans la Bible “le sang de la grappe“) pour une noce de village, mais du sang pour une éternelle Alliance.

lundi 14 septembre 2009

Croix Glorieuse – 14 Septembre - Nb 21, 4-9 - Ps 77 - Ph 2, 6-11 - Jn 3, 13-17

Tous ces temps-ci nous avons été à l’écoute de St Paul. De sa bouche nous avons entendu parler de la Croix et sa voix résonne encore dans nos oreilles. : “Les Juifs demandent des signes, les Grecs sont en quête de sagesse ; nous, nous proclamons un Christ crucifié, scandale pour les juifs et folie pour les païen ; mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, c’est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes“ (I Co. 1.22sv).

Aujourd’hui, en cette fête de l’exaltation de la Croix, la liturgie nous fait méditer sur la Croix à partir de l’entretien de Jésus avec Nicodème, tel qu’il est rapporté par St Jean au chapitre 3ème de son évangile.

Paul et Nicodème, l’un comme l’autre, sont juifs. Tous deux sont pharisiens. Paul vient de la Diaspora mais il a été élève de Gamaliel à Jérusalem. Nicodème est une personnalité parmi les pharisiens, “un maître en Israël“.

Il est bon de médité sur la manière extrêmement différente de leur venue à la croix. Inutile peut-être de revenir sur celle de Paul qui, renversé sur la route de Damas, de persécuteur qu’il était, est devenu le dernier des apôtres et le premier dans sa prédication de l’Evangile après sa conversion.

Méditons plutôt sur le cheminement de Nicodème depuis sa timide initiative de venir trouver Jésus de nuit, depuis cette impossibilité qu’il a à entrer, lui qui est “maître en Israël“ dans la pensée de Jésus. Il a l’air d’ignorer ce que les prophètes Jérémie, Ezéchiel et d’autres ont dit, au cours de l’exil à Babylone, de la nécessité d’une nouvelle Alliance, d’une nouvelle création. Il reste perplexe devant le signe du serpent d’airain qu’évoque Jésus et que la lecture nous a rappelé à sa manière.

On le retrouve au cours de la fête des Tentes. Il n’est pas encore sorti de sa perplexité, mais il proteste devant les autorités qui veulent procéder sans jugement à l’arrestation de Jésus : “Nicodème, l'un d'entre eux, celui qui était venu trouver Jésus précédemment, leur dit : "Notre Loi juge-t-elle un homme sans d'abord l'entendre et savoir ce qu'il fait ! "Ils lui répondirent : " Es-tu de la Galilée, toi aussi ? Étudie ! Tu verras que ce n'est pas de la Galilée que surgit le prophète“ ( Jn 7, 50-52)

On le retrouve à la descente de la Croix : “Après ces événements, Joseph d'Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par peur des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Pilate le permit. Ils vinrent donc et enlevèrent son corps. Nicodème - celui qui précédemment était venu, de nuit, trouver Jésus - vint aussi, apportant un mélange de myrrhe et d'aloès, d'environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus et le lièrent de linges, avec les aromates, selon le mode de sépulture en usage chez les Juifs“. (Jn 19, 38-40).

Il me semble que tous ces textes s’inscrivent d’une manière ou d’une autre dans les cheminements que notre intelligence est appelée à faire pour accéder à la Croix : cette folie de Dieu qui est plus sage que la sagesse des hommes. Ce scandale de la croix qui, aujourd’hui, risque de n’en être plus un de par les enlisements de l’habitude : les crucifix sur les murs, ou les croix devenus des bijoux qu’on porte autour du cou.

Et pourtant, aujourd’hui particulièrement, prions St Paul et St Nicodème - il est certainement saint, celui-là !- ; car tous les cheminements, que les hommes font pour arriver au pied de la croix, s’inscrivent entre celui de St Paul sur la route de Damas et celui de Nicodème. Il y a un cheminement spécial qui a été prévu dans la pensée de Dieu pour chacun de nous. Il y en a aussi un qui est prévu pour chacune de nos Eglises chrétiennes, de par le monde, qui se succèdent dans le temps et dans l’espace.

Et il y en a un spécial, sans doute, encore plus ou moins caché, pour tous ceux qui habitent Jérusalem (le mystère de Jérusalem, depuis des siècles !!!). Car ce qu’on commémore aujourd’hui, c’est le cheminement de l’empereur Constantin. Après avoir vaincu Maxence au pont Milvius en 312, il attribue sa victoire au signe de la croix - In Hoc signo vinces - Il se range au côté de l’Eglise et par l’Edit de Milan en 313, il garantit aux chrétiens une tolérance qui équivalait à la reconnaissance du christianisme comme religion d’Etat, à la reconnaissance de la croix ! C’est en 335 qu’il fit construire une basilique en son honneur à Jérusalem. Les archéologues presque unanimement reconnaissent l’authenticité de l’emplacement de la Croix et du sépulcre. Certains d’entre nous ont eu ou auront la possibilité de se rendre à l’endroit même où s’est joué le principal événement de l’histoire du monde. Mais chacun, par un pèlerinage intérieur, une démarche de foi - et c’est le plus important - est invité à deviner le cheminement qui est le sien vers la Croix. Ô Crux Ave, Spes Unica, chantions-nous autrefois. Salut, ô Croix, unique espérance !
24e Dim. Ord. 06/B

Jusqu’ici, St Marc que nous suivons cette année a répété la grande question des contemporains de Jésus : “Mais, qui est donc cet homme qui parle comme jamais homme n’a parlé, qui accomplit miracles et merveilles ? Qui est-il donc ? Soudain, Jésus lui-même retourne la question en l’adressant à ses propres disciples : “Pour vous, qui suis-je ?“.

  • Notons que Jésus se trouve en terre païenne comme pour poser la question à tout homme de tout temps : “Pour vous qui suis-je ?“.
  • Notons que Jésus est près de Césarée de Philippe qui est, dans l’histoire biblique, la route des exils et des retours, comme pour souligner qu’il prend lui-même la route de son départ et de son retour, de sa mort et de sa résurrection et qu’il est pour nous, aujourd’hui encore, à la fois absence et présence sur notre route terrestre où il nous pose la question : “Pour vous, qui suis-je ?“.

Pierre, toujours enthousiaste, anticipe notre réponse pas toujours éclairée comme la sienne : “Tu es le Messie !“. Réponse excellente, mais, peut-être, équivoque ! Car que pensait Pierre ? Oh ! ce que beaucoup pensaient : tu es le Sauveur promis. Tu viens nous libérer des Romains et de ces païens, Hérode et son frère Philippe qui font peser sur nous leur pouvoir. Tu viens manifester la puissance de notre Dieu…

Mais Jésus, lui, connaissait sa mission déjà révélée par les prophètes. Oui, il est le Messie, mais pas celui qu’imaginaient les hommes ! Isaïe, par exemple, avait annoncé le Messie sous la figure d'un "serviteur" (ou d’un agneau : c’est presque le même mot en hébreu) qui aurait beaucoup à souffrir. La 1ère lecture nous le rappelle : "j'ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient". Ce Messie, "Serviteur-Agneau" apparaît comme transpercé, écrasé à cause de nos fautes...

Aussi, Jésus, pour éviter toute équivoque, répond clairement : "il faut que je souffre beaucoup, que je sois rejeté, mis à mort. Et trois jours après, je ressusciterai." Mort et résurrection ; Départ-retour ! Absence-présence !

Pierre est scandalisé. Alors Jésus le rabroue : “Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes !". Oui, la profession de foi de Pierre était belle, mais équivoque. Jésus était bien le Messie, mais pas n'importe quel messie.

Et nos professions de foi, à nous, ne sont-elles pas également équivoques ? Souvent nous oublions une réalité essentielle : le Christ est désormais en dehors du temps et de l’espace. Il était hier, il est aujourd’hui et il sera demain comme nous le proclamons. C’est donc aujourd’hui, comme hier qu’il accomplit encore son œuvre messianique. Et nous, “membres de son Corps”, nous devons participer, jusqu’en notre chair parfois, à la messianité du Fils de Dieu ! Jésus continue en nous son mystère pascal ! Aujourd’hui ! Et il nous pose toujours la question : “Pour vous, qui suis-je?“

Et nous répondons : "JE CROIS QUE JESUS EST LE SAUVEUR ! " - Oui, mais quel Sauveur ? Un Sauveur qui, à notre place, va faire régner miraculeusement l'ordre, la justice, la paix2? Un homme-miracle qui dispense de tout effort, aujourd’hui et demain ? - Ou bien un Sauveur qui nous appelle à nous engager à sa suite ? "Celui qui ne cherche qu'à sauver sa vie la perdra ; celui qui la perdra pour moi la sauvera". Oui, Jésus est bien le Sauveur, mais un Sauveur qui aujourd’hui, veut vivre en nous ce qu’il a vécu hier, ce qu’il vivra demain, jusqu’à son retour final, avec nous, dans la gloire de son Père !

Nous répondons encore : "JE CROIS EN LA VIE ETERNELLE !" - Oui, mais quelle vie éternelle ? Une vie bienheureuse après la mort, obtenue plus ou moins par nos vertus et nos efforts qui doivent être récompensés (ne serait pas simple justice, n’est-ce pas ?) ? - Non ! La vie éternelle, c'est main-tenant qu'elle commence, c'est ici-bas qu'il faut la vivre. Car la vie éternelle, c'est de s'attacher à Jésus : “Viens, suis-moi !“ Car “il nous faut marcher comme lui-même a marché“, dira St Jean. Marcher sur la route d’un exil et d’un retour, d’une mort et d’une vie, jusqu’à notre dernier retour… à la Vie, dans la gloire de son Père et notre Père.

Nous disons encore : "JE CROIS QUE JESUS EST LE FILS DE DIEU ! " - Bien sûr ! Mais la formule peut être équivoque si on n’ajoute pas : "Jésus, Fils de Dieu fait homme. Car Jésus n'a pas fait semblant d'être un homme : il est pleinement homme ; il a eu faim, soif, il a été troublé, a eu peur de la souffrance … Et il en est toujours ainsi. Car Jésus, Fils de Dieu fait homme, disperse désormais son visage sur les petits, les souffrants de toutes sortes… C’était hier et c’est encore aujourd’hui !

Et nous affirmons encore : "JE CROIS EN L'EGLISE !" - Oui, quelle Eglise ? Une Eglise-société, plus ou moins organisée, puissante humainement, religieusement ? Ou bien une Eglise qui serait une communion dont chaque membre reprend, à sa manière, pour aujourd’hui, la mission du Christ qui toujours veut révéler Dieu son Père, pour faire alliance éternelle entre ciel et terre. N’est-ce pas le sens de l’Eucharistie qui nous rassemble ?

Remarquons que les affirmations inverses, celles de ceux qui se disent athées, sont souvent, elles aussi, très équivoques. "Je ne crois pas en Dieu !" - Mais en quel Dieu ?
  • Si vous refusez de croire en un Dieu dont la puissance capricieuse enverrait heurs et malheurs comme bon lui semble, vous avez raison ! Moi non plus je n'y crois pas !
  • Si vous refusez de croire en un Dieu qui demanderait de se résigner passivement aux injustices et aux misères d'ici-bas, dans l'attente d’une compensation céleste, vous avez raison ! Moi non plus je n'y crois pas !
  • Si vous refusez de croire en un Dieu qui aimerait la souffrance, vous avez raison ! C'est encore un faux Dieu !

Bref, il ne suffit pas d'affirmer : "je crois en Dieu" ou : "Je ne crois pas en Dieu" ; il faut préciser à quel Dieu l’on croit, à quel Dieu on refuse de croire. Et puisque nous allons tous maintenant proclamer notre Credo, celui de l’Eglise, souvenons-nous de ce que nous disait St Jacques, il y a un instant :"Vous dites avoir la foi. Mais prenez garde ! Si, avec le Christ d’hier, d’aujourd’hui et de demain, votre foi n'agit pas, elle est morte ! ".

vendredi 11 septembre 2009

”Le Dessein de Dieu” - T.O. 23 imp. Vendredi - (I Tim 1.1-14)

Nous passons aujourd’hui des lettres dites “de la captivité“, comme celle aux Colossiens, aux lettres dites “pastorales“ ? Ces “lettres pastorales“ s’adressent non plus à des collectivités, mais à des individus sur lesquels Paul semble s’être déchargé d’une charge devenue trop lourde pour sa vieillesse : Timothée et Tite. Elles sont les dernières de l’Apôtre. On les date des années 65 à 67, environ cinq ans après les épîtres de la captivité.

St Paul est maintenant à la fin de sa vie ; s’il est né vers l’an 8, il approche maintenant la soixantaine. A l’époque, à cet âge là, on était un “vieillard“. (1). - Paul est donc âgé ; il ressent une certaine fatigue, lassitude. Cependant, il fait encore des projets. Si le texte liturgique n’avait pas été abrégé, il dit juste après les 2 premiers versets, qu’il est parti pour la Macédoine laissant à Ephèse Timothée, pour continuer à lutter… (2). Paul est donc encore “vaillant“ ! D’ailleurs lorsqu’il a fait ses adieux aux anciens d’Ephèse qu’il a convoqué à Milet, il leur avait dit : “Je ne me suis pas dérobé quand il fallait vous annoncer toute la volonté de Dieu !“ ( Ac 20,27).

“La volonté de Dieu !“. Le “dessein de Dieu !“, ce que les Pères de l’Eglise appelleront “l’économie du salut“. C’est le salut que Dieu désire pour tous les hommes qui s’est accomplit dans le Christ, qui se déroule tout au long de l’histoire et qui se poursuivra jusqu’à la fin des temps dans le Corps mystique du Christ.

On peut dire que c’est l’une des grandes idées de St Paul. Aussi a-t-il commencé sa lettre en disant : “Moi Paul, Apôtre, sur l’ordre de Dieu notre Sauveur et du Christ Jésus, notre espérance, je m’adresse à toi, Timothée, mon fils dans la foi…“. Le rapprochement “Sauveur-Espérance“, fréquent dans l’A.T., a ici une grande portée doctrinale face aux diverses dérives que l’apôtre a rencontrées à Ephèse et dont témoigne la lettre aux Colossiens que la liturgie nous a fait lire. Ce rapprochement de ces deux mots confirme que pour Paul son espérance est absolument certaine d’atteindre son objet qui est celui du dessein de Dieu. (3)

Et cette espérance en Dieu Sauveur ne peut prendre effet que dans la foi, a-t-il dit. Bien au-delà de toute loi !!! La loi, avait-il souligné est bonne dans la mesure où on la prend comme loi permettant d’éradiquer ce qui est contraire à la doctrine de l’Evangile. (v/8sv).

Peut-être écrivait-il cela sachant qu’il s’adressait à Timothée. En effet, Timothée était un des disciples de prédilection de Paul. Il était né à Lystres où Paul et Barnabé étaient passés lors du premier grand voyage missionnaire (Ac 14,6 et 21). Timothée avait un père païen, mais sa mère était juive. C’est au cours de sa deuxième mission qu’il le prit pour compagnon de route : “Il y avait à Lystres, disent les Actes des apôtres, un disciple nommé Timothée, fils d'une Juive devenue croyante, mais d'un père grec. Les frères de Lystres et d'Iconium lui rendaient un bon témoignage. Paul décida de l'emmener avec lui. Il le prit donc et le circoncit, à cause des Juifs qui se trouvaient dans ces parages ; car tout le monde savait que son père était grec“. (Ac 16,1)

Il le fait circoncire ! Pourtant Paul avait fait triompher ses idées au Concile de Jérusalem en faveur des non-Juifs. La circoncision n’est donc rien ! La foi, bien au-delà de toute loi ! Mais précisément, parce que les observances juives sont dépassées et que la foi seule justifie, Paul avait pratiqué à l’égard de Timothée et des Juifs qui l’entouraient un certain opportunisme. Il savait s’adapter aux situations et ne pas interrompre peut-être les cheminements de la grâce par des durcissements sur des pratiques qui ont perdu leur importance. Paul, face au “dessein de Dieu“ pour tout homme ne veut pas s’encombrer de considérations bien secondaires et devenues inutiles.

Nous sommes alors dans les années 50. La lettre est de 65 ; quinze ans de fidèle compagnonnage avec Timothée se sont écoulés. La suite de la lettre va justement nous apprendre comment ne pas nous noyer dans les doctrines parasitaires et les verbiages inutiles pour nous concentrer sur le dessein de Dieu : le salut de l’homme. Et la foi nous donne cette espérance !

Et aujourd’hui, n’est-ce pas à cette lumière du dessein de Dieu qu’il nous faut vivre les évènements actuels. Les nuages à notre horizon, dit-on parfois, sont de plus en plus épais. Ils s’obscurcissent. Le dessein de Dieu, lui, se poursuit dans le Christ qui est Tout. C’est cela l’important !
  1. Son style, la forme et la structure de sa pensée, sont assez différents pour qu’on ait pu mettre en cause l’authenticité de son texte. Il n’est pas impossible que ses disciples les plus proches aient influencé la forme définitive sous laquelle elles nous ont été transmises.
  2. ...comme nous l’avons vu faire, contre les doctrines étrangères, les fables, les généalogies interminables – celles terrestres ou celles célestes à propos des esprits, des anges… - … tout cela qui est plus propre à soulever de vains problèmes qu’à servir le “dessein de Dieu !“.

jeudi 10 septembre 2009

La Bonne Morale ! - T.O. 23 imp. Jeudi - (Col. 3. 12-17)

Nous terminons aujourd’hui la lettre aux Colossiens. St Paul nous parle, comme hier, de la morale chrétienne. Il en parle en second, en dernier, mais ce n’est pas pour lui secondaire. C’est au contraire le fruit que produit l’arbre qui a été ensemencé par la Parole de Dieu, par la prédication. “Heureux ceux qui écoutent la Parole et qui la mettent en pratique !“

Mais l’arbre que Jésus a planté doit produire des fruits et non pas seulement que des feuilles ; on trouve la même condamnation pour ces sortes d’arbres dans la tradition juive, les apophtegmes des pères du désert et … dans toute la tradition chrétienne.

Hier, Paul, posait le principe général de cette morale : Vivre en homme nouveau, déjà ressuscité par le baptême, et se renouvelant tout au long de l’existence à l’image du Créateur puisqu’il nous a créés “à son image et ressemblance“. Et il montrait négativement ce qui est incompatible avec cette condition : débauche, idolâtrie, appétit de jouissances terrestres, colère, insultes, propos grossiers et insultants…. Il montrait positivement, par contraste, et de façon assez générale, ce qui caractérisait l’homme nouveau. Il se bornait hier à l’abolition des frontières qui existaient avant qu’on est revêtu le Christ. “Il n’y a plus de Grec et de Juif, d’Israélite et de païens, il n’y a plus de barbare, de sauvage, d’esclave, d’homme libre, il n’y a que le Christ : en tous, il est tout“. (fin de la lecture d’hier)

Aujourd’hui, il entre dans le détail du comportement moral du chrétien, ce qui doit faire son rayonnement. Il travaille dans la dentelle, si je puis dire. Et vous pourrez vous en rendre compte en poursuivant notre lecture dans votre “Nouveau Testament“ ; il s’adresse tant aux épouses qu’aux maris, tant aux parents qu’aux enfants, aux travailleurs comme aux maîtres… Aujourd’hui, nous avons un texte qui résume et qui rappelle ce qu’il a écrit quelques années auparavant aux Corinthiens. Nous sommes en l’an 62. Il a du écrire aux Corinthiens vers 57, le célèbre hymne à la charité de la 1ère lettre aux Corinthiens …. qu’on devrait souvent relire :

“La charité est longanime ; la charité est serviable ; elle n'est pas envieuse ; la charité ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ; elle ne fait rien d'inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s'irrite pas, ne tient pas compte du mal ; elle ne se réjouit pas de l'injustice, mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout“. (1 Co 13, 4-7).

Oui, la charité, sans laquelle tout n’est rien, même les charismes les plus spectaculaires. La charité qui ne passera pas ! La charité qui fait que déjà nous avons passé la mort et vivons dans la vraie terre promise qui est le Mystère Trinitaire. Ce mystère d’Amour qu’est Dieu-même. “Dieu est Amour !“

On m’a raconté que le Père Tournay, bibliste à Jérusalem, avait fait cadeau à Ben Gourion de la Bible de l’Ecole Biblique (couvent St Etienne). Ben Gourion s’était reporté directement sur ce chapitre 13 de l’épître aux Corinthiens, et avait demandé pourquoi au lieu de charité on n’avait traduit “agapè“ tout simplement par “amour“. Le Père Tournay avait du lui expliquer qu’en français “Faire la charité, faire l’amour“ pouvait avoir un sens ambigu, assez banal et dévalorisant.

Cependant, aujourd’hui, dans cette lettre aux Colossiens, au passage qui pourrait nous servir de parole à méditer en ce jour, on n’a pas hésité à traduire “agapè“ par amour.

“Par-dessus tout cela, qu’il y ait l’amour : c’est lui qui fait l’unité dans la perfection !“. Et St Paul de signaler que l’amour dont il parle plonge le chrétien dans une paix inconnue du monde. (Col 3,14). La paix de Dieu !

Aussi, pour finir St Paul nous dit comment entretenir l’amour et toutes les délicatesses inventives que l’amour déploie dans les communautés chrétiennes, quand chaque membre a trouvé cette paix de Dieu. Les divergences d’opinions se résolvent alors dans un langage toujours constructif ; et les nécessaires corrections fraternelles ne se font jamais à chaud mais dans la paix et en temps voulu, “in tempore opportuno“, dirait St Benoît. Et puis, dit St Paul, n’oublions surtout pas que nous sommes appelés à faire rejaillir le pardon que Dieu nous a accordé sur tous nos frères sans exception.

C’est alors que nous ne cesserons de vivre - c’est la dernière phrase de notre lecture - dans l’action de grâce : Tout faire “par le Christ, avec lui, en lui… dans l’Esprit-Saint vers le Père… !

Alors, l’action de grâce devient comme l’identité du chrétien, cette action de grâce s’épanouit comme naturellement dans l’Eucharistie.

St Paul dira aux Ephésiens : “En tout temps et à tout propos, rendez grâces à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus Christ“. ( Ep 5,20). “Eucharistountes“, rendant grâce : Que notre vie soit elle-même une “Eucharistie !“

mercredi 9 septembre 2009

La Bonne Morale ! (1) - T.O. 23 imp. Mercredi - (Col. 3. 1-11)

Aujourd’hui, Paul nous parle de morale. Remarquons une fois pour toutes que Paul ne parle de morale qu’après s’être longuement étendu sur l’enseignement, les données fondamentales de l’Evangile, la connaissance du Christ. La morale chrétienne découle des certitudes de la foi ; et la foi, dira-t-il, suppose la prédication : “Comment croire sans avoir entendu ? Et comment entendre sans prédication ?“ (Rm 10, 14-17). La foi naît de la prédication et la prédication se fait par la Parole du Christ.

N’enseigner que les exigences de la morale chrétienne en faisant l’économie de la prédication des vérités premières de l’Evangile est grave. Car cela n’a pour résultat, le plus souvent, que de mettre les gens dans l’impasse. St Thomas d’Aquin dit que les commandements du Nouveau Testament seraient occasion de chute, plus encore que ceux de la Loi ancienne, s’ils n’étaient pas enseignés dans le cœur par l’Esprit Saint.

St Paul s’est justement étendu longuement dans la première partie de sa lettre sur la connaissance, sur la primauté du Christ ressuscité en qui habite corporellement la plénitude de la divinité.

La morale dont il nous parle aujourd’hui est une morale de ressuscité. La connaissance du Christ n’est pas une “gnose“ qui se perd dans les spéculations creuses, c’est une incorporation au Christ. Nous sommes appelés non seulement à l’imiter comme un maître que l’on admire, mais à vivre ses mystères.

St Jean Eudes écrivait : “Considérez que Jésus Christ notre Seigneur est votre véritable Chef et que vous êtes ses membres…. Il est à vous comme le chef est à ses membres ; tout ce qui est à lui est à vous, son esprit, son cœur, son corps, son âme, et toutes ses facultés, et vous devez en faire usage comme de choses qui sont vôtres, pour servir, louer, aimer et glorifier Dieu.

(Voilà le fondement de la morale !).

Non seulement il est à vous, mais il veut être en vous, y vivant et y régnant, comme le chef est vivant et régnant dans ses membres. Il veut que tout ce qui est en lui soit vivant et régnant en vous : son Esprit dans votre esprit, son cœur dans votre cœur, toutes les puissances de son âme dans les facultés de votre âme, afin que la vie de Jésus paraisse visiblement en vous.

… Tout ce qui est en vous doit être incorporé en lui et recevoir vie et conduite de lui. Il n’y a de véritable vie pour vous qu’en lui seul, qui est l’unique source de la vraie vie ; hors de lui, il n’y a que mort et perdition pour vous. Il doit être le seul principe de tous les mouvements, usages et fonctions de votre vie ; vous ne devez vivre que de lui et pour lui…“(Cf. Temps présent : 19 août et vendredi de la 33ème semaine du T.O.).

C’est ainsi que Paul a été jusqu’à dire : “ … Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l’Eglise » (Col 1,24). Par le baptême, à tout instant, nous sommes plongés dans sa mort et à tout instant, nous sommes déjà ressuscités. Aussi, dès ici-bas, nous sommes appelés à vivre une vie de ressuscités ; rejetant ce qui ne peut que vieillir et revêtant l’homme nouveau qui va se renouvelant à l’image du Créateur.

St Thomas d’Aquin met ce mot d’“image“ au point de départ de la seconde partie de sa “Somme théologique“ consacrée à la morale. “Dieu a crée l’homme à son image“ (Gn 1,26). Ce qui se ressemble s’assemble.

L’homme est en voyage vers Dieu, ce Dieu dont il a traité dans la première partie. La morale consiste à adopter les mœurs divines. La vie humaine est une marche progressive au terme de laquelle nous verrons Dieu et jouirons d’une connaissance dont la puissance transformante nous divinisera. - Le péché a ralenti et ralentit encore cette marche de l’homme vers Dieu, de sorte que l’humanité et tout l’univers dont elle est solidaire retourne parfois vers le désordre du chaos, du “tohu-bohu“ d’avant la création ! - Dieu a empêché et empêche cette chute, ce vertige du néant : Il a envoyé son Fils Unique, qui est l’« Image » parfaite de sa Gloire (He 1,3), qui, de toute éternité, est en élan vers le Père dans l’Esprit-Saint. Et cet élan, cette éternelle relation subsistante du Fils vers le Père, est passé parmi nous. « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». Ainsi, la trajectoire de ce passage, de cette pâque parmi nous, ramasse la condition humaine au plus profond de sa détresse. “Il est passé si bas, dit le P. de Foucault, que personne ne se trouve en dehors de cette trajectoire “.

Possibilité est donnée à chacun d’être rencontré, à l’être le plus misérable et à l’univers entier d’être saisi par le Christ et emmené par Lui, dans l’élan eucharistique de l’Esprit Saint, vers son Père devenu « notre Père ». Dans cet élan, tout redevient harmonieux.

St Paul, aujourd’hui, met justement l’accent sur l’harmonie dans laquelle les chrétiens sont appelés à s’ouvrir à cette vie nouvelle de ressuscités quel que soit le genre de communauté auquel ils appartiennent. « Maintenant débarrassez-vous de tout cela : colère, emportement, méchanceté etc… Débarrassez-vous des agissements de l’homme ancien …, revêtez l’homme nouveau, celui que le Créateur refait toujours à neuf à son image pour le conduire à la vraie connaissance. Alors il n’y a plus de Grec et de Juif, d’Israélite et de païen, il n’y a plus de barbare, de sauvage, d'esclave, d’homme libre ; il n'y a que le Christ : en tous, il est tout. »

Voilà la véritable morale !
Bonne Morale ! (1) - T.O. 23 imp. Mercredi - (Col. 3. 1-11)

Aujourd’hui, Paul nous parle de morale. Remarquons une fois pour toutes que Paul ne parle de morale qu’après s’être longuement étendu sur l’enseignement, les données fondamentales de l’Evangile, la connaissance du Christ. La morale chrétienne découle des certitudes de la foi ; et la foi, dira-t-il, suppose la prédication : “Comment croire sans avoir entendu ? Et comment entendre sans prédication ?“ (Rm 10, 14-17). La foi naît de la prédication et la prédication se fait par la Parole du Christ.

N’enseigner que les exigences de la morale chrétienne en faisant l’économie de la prédication des vérités premières de l’Evangile est grave. Car cela n’a pour résultat, le plus souvent, que de mettre les gens dans l’impasse. St Thomas d’Aquin dit que les commandements du Nouveau Testament seraient occasion de chute, plus encore que ceux de la Loi ancienne, s’ils n’étaient pas enseignés dans le cœur par l’Esprit Saint.

St Paul s’est justement étendu longuement dans la première partie de sa lettre sur la connaissance, sur la primauté du Christ ressuscité en qui habite corporellement la plénitude de la divinité.

La moraledont il nous parle aujourd’hui est une morale de ressuscité. La connaissance du Christ n’est pas une “gnose“ qui se perd dans les spéculations creuses, c’est une incorporation au Christ. Nous sommes appelés non seulement à l’imiter comme un maître que l’on admire, mais à vivre ses mystères.

St Jean Eudes écrivait : “Considérez que Jésus Christ notre Seigneur est votre véritable Chef et que vous êtes ses membres…. Il est à vous comme le chef est à ses membres ; tout ce qui est à lui est à vous, son esprit, son cœur, son corps, son âme, et toutes ses facultés, et vous devez en faire usage comme de choses qui sont vôtres, pour servir, louer, aimer et glorifier Dieu.

(Voilà le fondement de la morale !).

Non seulement il est à vous, mais il veut être en vous, y vivant et y régnant, comme le chef est vivant et régnant dans ses membres. Il veut que tout ce qui est en lui soit vivant et régnant en vous : son Esprit dans votre esprit, son cœur dans votre cœur, toutes les puissances de son âme dans les facultés de votre âme, afin que la vie de Jésus paraisse visiblement en vous.

… Tout ce qui est en vous doit être incorporé en lui et recevoir vie et conduite de lui. Il n’y a de véritable vie pour vous qu’en lui seul, qui est l’unique source de la vraie vie ; hors de lui, il n’y a que mort et perdition pour vous. Il doit être le seul principe de tous les mouvements, usages et fonctions de votre vie ; vous ne devez vivre que de lui et pour lui…“(Cf. Temps présent : 19 août et vendredi de la 33ème semaine du T.O.).

C’est ainsi que Paul a été jusqu’à dire : “ … Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l’Eglise » (Col 1,24). Par le baptême, à tout instant, nous sommes plongés dans sa mort et à tout instant, nous sommes déjà ressuscités. Aussi, dès ici-bas, nous sommes appelés à vivre une vie de ressuscités ; rejetant ce qui ne peut que vieillir et revêtant l’homme nouveau qui va se renouvelant à l’image du Créateur.

St Thomas d’Aquin met ce mot d’“image“ au point de départ de la seconde partie de sa “Somme théologique“ consacrée à la morale. “Dieu a crée l’homme à son image“ (Gn 1,26). Ce qui se ressemble s’assemble.

L’homme est en voyage vers Dieu, ce Dieu dont il a traité dans la première partie. La morale consiste à adopter les mœurs divines. La vie humaine est une marche progressive au terme de laquelle nous verrons Dieu et jouirons d’une connaissance dont la puissance transformante nous divinisera. - Le péché a ralenti et ralentit encore cette marche de l’homme vers Dieu, de sorte que l’humanité et tout l’univers dont elle est solidaire retourne parfois vers le désordre du chaos, du “tohu-bohu“ d’avant la création ! - Dieu a empêché et empêche cette chute, ce vertige du néant : Il a envoyé son Fils Unique, qui est l’« Image » parfaite de sa Gloire (He 1,3), qui, de toute éternité, est en élan vers le Père dans l’Esprit-Saint. Et cet élan, cette éternelle relation subsistante du Fils vers le Père, est passé parmi nous. « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». Ainsi, la trajectoire de ce passage, de cette pâque parmi nous, ramasse la condition humaine au plus profond de sa détresse. “Il est passé si bas, dit le P. de Foucault, que personne ne se trouve en dehors de cette trajectoire “.

Possibilité est donnée à chacun d’être rencontré, à l’être le plus misérable et à l’univers entier d’être saisi par le Christ et emmené par Lui, dans l’élan eucharistique de l’Esprit Saint, vers son Père devenu « notre Père ». Dans cet élan, tout redevient harmonieux.

St Paul, aujourd’hui, met justement l’accent sur l’harmonie dans laquelle les chrétiens sont appelés à s’ouvrir à cette vie nouvelle de ressuscités quel que soit le genre de communauté auquel ils appartiennent. « Maintenant débarrassez-vous de tout cela : colère, emportement, méchanceté etc… Débarrassez-vous des agissements de l’homme ancien …, revêtez l’homme nouveau, celui que le Créateur refait toujours à neuf à son image pour le conduire à la vraie connaissance. Alors il n’y a plus de Grec et de Juif, d’Israélite et de païen, il n’y a plus de barbare, de sauvage, d'esclave, d’homme libre ; il n'y a que le Christ : en tous, il est tout. »

Voilà la véritable morale !

lundi 7 septembre 2009

Plénitude dans le Christ. - T.O. 22 imp. Vendredi - (Col. 1. 24sv)

St Paul fixe sans cesse son regard vers des réalités nobles et élevées. C’est un actif-contemplatif - ou - contemplatif-actif ! Dieu a voulu, a-t-il dit, que, dans le Christ, toute chose trouve son accomplissement (couronnement) total (“plèrôma“). Il a voulu tout réconcilier en lui, par lui et pour lui, sur la terre et dans les cieux… ! Oui, le Christ est l’accomplissement de toute chose ! St Paul utilise, là, un mot à la mode dans la philosophie de l’époque : “plèrôma“, plérôme, accomplissement total.

Et aujourd’hui, Paul dit : “ce qu’il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l’accomplis dans ma propre chair !“. “Je l’accomplis“ ! Et là, Paul reprend la racine de ce mot “plèrôma“, accomplissement, en forgeant lui-même un verbe particulier, très expressif que l’on ne trouve nulle part ailleurs (ce que l’on appelle un hapax) : “antanaplèrô“. “Anti-ana-plèrô“.
  • “Plèrô“ : je remplis, j’achève…
  • “ana“ jusqu’au bord, jusqu’en haut (comme pour les cuves à Cana : “ils les remplirent jusqu’au bord !“).
  • “anti“ : à la place de…, à la place du Christ ! - “Antanaplèrô“ !

Autrement dit :
  • Avec le Christ, par lui, en lui, Paul ne cesse de fixer son regard sur tout être ; à sa place en quelque sorte !
  • il achève en sa chair - comprenons : en toute son humanité, tout son être, cette humanité que le Fils de Dieu a lui-même totalement assumée -…,
  • il achève ce que les souffrances du Christ lui ont déjà acquis une fois pour toutes : ce mystère d’alliance avec Dieu ; et il le fait en participant à ses souffrances…,
  • il achève en lui ce mystère afin que le Corps total du Christ (son “Corps mystique“) dont nous sommes les membres puisse apparaître, au jour éternel, dans la gloire de sa résurrection ! - Mort-Vie : Mystère pascal !

C’est simple et sublime à la fois !
  • Paul fixe toujours son regard sur l’accomplissement du projet éternel de Dieu - projet d’alliance avec l’homme, projet jadis caché aux hommes et désormais révélé en Jésus Christ, par sa mort et sa résurrection -.
  • Aussi participe-t-il aux souffrances du Christ pour avoir part à la gloire du Ressuscité. “Sans cesse, dira-t-il par ailleurs, nous portons dans notre corps l’agonie de Jésus afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée en notre corps… Nous sommes livrés à la mort à cause de Jésus afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée en notre existence mortelle“ ( II Co. 4.10sv).
  • Et, ce faisant, Paul participe à l’achèvement, à l’avènement du Corps du Christ, tête et membres tout à la fois, l’Eglise. “Ainsi la mort est à l’œuvre en nous, mais la vie en vous !“ (II Co. 4.12).

C’est une immense leçon de théologie que donne St Paul. Et les conclusions qu’on peut en déduire pourraient être émaillées de nombreuses citations de l’Apôtre :
  • Il y a d’abord dans ces lignes toute une théologie de la souffrance. Souffrir (sans rechercher les souffrances pour autant), c’est compléter le Christ, le prolonger, le remplacer sur sa croix ! – Et cela, bien sûr, aux mêmes fins : le salut éternel de tous. C’est - pour reprendre l’image du corps - laisser faire au Christ dans ses membres que nous sommes ce qu’il a fait pleinement dans la tête qu’il est lui-même. Ainsi, tout chrétien a pour vocation, par les souffrances qu’il endure quelles qu’elles soient, de compléter le Christ. Avec le Christ, la souffrance n’est plus un non-sens !
  • Notons que les souffrances de Paul étaient celles qu’il rencontrait dans toute son activité d’apôtre, dans son “travail“ de tous les jours, si je puis dire. Le chrétien, également, par les difficultés de son travail parfois pénible - quel qu’il soit - complète le Christ qui disait : “Mon Père travaille toujours et moi aussi je travaille !“. Voilà une théologie du travail ! Rien n’est indigne, rien n’est vulgaire. Tout est du Christ, tout est Christ. Le Christ en tout.
  • Paul livre ainsi toute sa personne au Christ. Il le fait avec tout son cœur : c’est au nom et à la place de Jésus qu’il aime ainsi les Colossiens qu’il ne connaît pas. C’est par cet amour qu’il complète le Christ. Et c’est ainsi que chacun de nous doit le compléter. L’amour du chrétien, c’est l’amour du Christ lui-même continuant sur la terre d’aimer par notre cœur.. Voilà une théologie de la charité !
  • Enfin, il est à remarquer que Paul est convaincu que ses travaux, ses souffrances ont profité, profitent aux Colossiens qu’il ne connaît donc pas, qu’il n’a pas évangélisés ! - Ainsi, indépendamment de l’action directe sur les âmes par la parole ou par l’exemple, les œuvres et les mérites des justes, des saints servent aux autres membres de l’Eglise ! Quelle belle théologie de la “vie d’union avec le Christ“, de la “Communion des saints“ fondée sur l’unité du Corps mystique du Christ. Théologie de la “Vie contemplative“ !

Toute cette page semble une réponse à la question que Jacob faisait à Rachel qui, bien que inféconde, lui demandait un enfant : “Suis-je à la place d’Elohim ?“. Oui, Dieu, par le Christ, avec lui, en lui, nous donne cette responsabilité d’être “à sa place“ ! “A la place d’Elohim !“.