vendredi 23 octobre 2009

Liberté en croissance - T.O. 29 imp. - Vendredi - (Rm 7.18-25)

Après avoir évoqué ce qu’est la véritable liberté qui nous fait parvenir à la “Justice de Dieu“, à notre justification dans le Christ, St Paul, aujourd’hui, met en relief un véritable drame, notre drame. Il dépeint la situation de l’homme comme étant encore soumis à la loi du péché, aux forces du mal et pourtant désireux de parvenir au Bien suprême qu’est Dieu, en “sympathisant avec la Loi de Dieu“ ! – “Je suis capable de vouloir le bien, mais non pas de l’accomplir. Car le bien que je veux, je ne le fais pas ; et le mal que je ne veux pas, je le fais !“. Il y a un combat, atroce parfois, à l’intérieur de l’homme lui-même. - Qui me délivrera ; qui me sauvera ? Mais Paul en est certain ; et il le proclame déjà haut et fort : pour cette délivrance, “grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ Notre Seigneur !“.

L’Apôtre cependant nous indique le moyen de diriger notre combat, pour parvenir à la pleine liberté des enfants de Dieu ! Certes, il y a bien comme deux lois qui s’opposent en chacun de nous : “Je sympathise avec la Loi de Dieu…, mais je découvre en mes membres une autre loi… qui m’enchaîne !“.Et l’apôtre va s’employer à affirmer que seul l’Amour, l’Esprit d’amour, l’Esprit Saint peut venir en nous et nous éduquer à pratiquer une véritable liberté, pleine et entière. Il s’agit, avec l’Esprit Saint, que la Loi divine ne s’impose plus désormais à moi comme “au-dessus de moi“, comme un “sur-moi“, si je puis dire ; il s’agit que la Loi divine fleurisse à l’intérieur de moi-même, en la présence de l’Esprit Saint. Il s’agit que la Loi de Dieu, de l’extérieur, passe à l’intérieur. Il faut parvenir à obéir à la Loi de Dieu dans les spontanéités (amoureuses) de notre liberté. Il ne s’agit pas que nous soyons des esclaves sous la Loi ; il s’agit d’être des hommes libres dans un régime de grâce, en étant de plus en plus, comme disaient les Anciens, “pulchritudinis amatores“ - “amoureux de la beauté spirituelle“.

Pour faire comprendre le cheminement de notre liberté, le Cardinal Congar expliquait : Dans les lois que nous découvrons dans la Bible, au cours des siècles, les évolutions sont, en gros, les mêmes que nous découvrons dans la nature. Dans la nature, il y a d’abord les êtres qui n’ont rien de solide ; puis ils parviennent à avoir du solide, mais qui est à l’extérieur d’eux-mêmes, comme les escargots. Et plus on avance dans l’évolution, le solide passe de l’extérieur vers l’intérieur ; et on arrive aux vertébrés qui peuvent courir, sauter, danser, voler s’ils ont des ailes…

Il en est un peu de même dans notre évolution spirituelle. Il y a des chrétiens, comme dit Pascal, qui sont des “chrétiens de l’A.T.“. Ils ont été éduqués de façon très traditionnelle ; ils ont reçu comme une carapace qui les protège. Il est facile de caricaturer cette situation, d’en sourire ; il ne faut jamais en rire et encore moins s’en moquer. Car cette “carapace“ permet au squelette de se former à l’intérieur. Et, peu à peu, normalement, la loi qui s’impose de l’extérieur, - avec tous ces règlements multiples -devient une partition musicale que nous sommes appelés à jouer dans les spontanéités de la liberté. La Loi s’inscrit alors dans le cœur et nous accorde à la volonté du Seigneur. On obéit à Dieu pour mieux épanouir ce qu’il a mis de meilleur en notre cœur quand il nous a créés “à son image et ressemblance“. La loi, c’est alors comme la Sagesse qui joue devant Dieu. Toutes nos activités deviennent une mélodie à la gloire de Dieu ; et au terme de notre existence, on pourra dire : dans toutes mes occupations, “je fus un maître d’œuvre au côté du Seigneur, jouant en sa présence en tout temps, jouant dans son univers terrestre… et je trouve mes délices parmi les hommes“ (Prov. 8.30).

C’est parvenu à cette liberté que “l’homme, disait Grégoire de Nysse, est une ordonnance musicale, une hymne merveilleusement composée à la Toute-Puissance créatrice “.

jeudi 22 octobre 2009

Etre libre ! - T.O. 29 imp. Jeudi - - (Rm 6.19-23)

St Paul, dans la lecture d’hier, a fait une parallèle hasardeux et sans nuance ! Il disait : autrefois, vous étiez esclaves du péché (par désobéissance) ; maintenant, vous êtes esclaves de Dieu par l’obéissance qui conduit à la justification, à la “justice de Dieu“ par le Christ !

L’apôtre perçoit bien que sa comparaison n’est pas probante. Il veut la corriger aussitôt : “Je parle, dit-il, de façon humaine à cause d votre faiblesse !“. Sa comparaison n’est audacieuse que pour se faire comprendre ! Il sait bien que le mot “esclave“ est inadéquat, lui qui avait déjà écrit aux Galates : “C’est à la liberté que vous avez été appelés“ (5.13) ; “C’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a appelés“ (5.1). Et St Pierre ne dira pas autrement : “Comportez-vous en hommes libres, sans utiliser la liberté comme un voile pour votre méchanceté ; mais agissez en serviteurs de Dieu !“ (I Pet 2.16).

Malgré l’inexactitude de la comparaison, St Paul l’explicite donc pour se faire mieux comprendre ! Cependant, il y a apporte une précision de taille : “Le salaire du péché, c’est la mort. Mais le don de Dieu, c’est la Vie éternelle !“.

- “Le salaire du péché, c’est la mort !“. Les Anciens assimilaient volontiers la vie morale à un combat. Et Paul utilisera facilement les métaphores militaires pour signifier que dans ce combat de vie à mort, la solde (ophônia) du mauvais soldat, son salaire, c’est la mort ! Ainsi, veut souligner l’Apôtre, le pécheur est le seul artisan de son péché ; il en est le seul responsable ; or, le saliere du péché, c’est la mort !

- …tandis que la “Vie éternelle“, dit St Paul, est appelée “Don gratuit de Dieu“. Ce n’est pas un salaire, une solde. On pourrait seulement dire que la “Vie éternelle“ est à la fois récompense et faveur. Car il n’y a qu’un seule combat, celui que le Christ lui-même a mené, une seule victoire, celle qu’il nous a acquise définitivement. Et le fidèle ne porte des fruits dignes de la “Vie éternelle“ que dans la mesure où il ne fait qu’un avec le Christ : “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi“, commentait St Paul. Ce n’es t plus moi qui combats, c’est le Christ qui combat en moi ! Autrement dit, en couronnant nos mérites, Dieu couronne également ses propres dons.

Cette argumentation qui peut paraître, à première vue, subtile est cependant d’une grande importance ! Qu’est-ce donc que notre liberté ? La liberté, ce n’est pas “faire ce qui me plaît“ comme le chantait naguère, au temps de ma jeunesse, un artiste très “à la mode“, donc célèbre mais dont j’ai oublié le nom : “C’est aujourd’hui ma fête, je fais ce qui me plaît !“.

Non et non ! La liberté ne se réduit pas à un plaisir de préférence, entre telle couleur ou telle autre, entre le soleil qui réchauffe la terre et la pluie qui la féconde, entre un chauffage à gaz ou un chauffage électrique. En ces cas-là, il y a un choix de préférence (avec inconvénients et avantages réciproques) pour une même but…

Dans le combat de la vie, il n’y a qu’un seul Bien à acquérir, celui que le Créateur a voulu pour nous de toute éternité (être à son image et ressemblance pour partager sa Vie), celui que le Rédempteur a acquis de haute lutte du Vendredi Saint au matin de Pâques, “de sorte que nous soyons appelés - et nous le sommes -, dit St Jean, « fils de Dieu »“.

Aussi, St Thomas d’Aquin a raison de définir la liberté comme “un pouvoir qui nous est donné afin de nous déterminer nous-mêmes vers le bien qui nous convient“, ce bien du Créateur, ce bien de notre Rédempteur !

Si délibérément, nous nous détournons de cette offre divine - qui fait partie de notre constitution humaine et spirituelle -, sachons que nous allons vers la mort ; ce sera notre salaire dont nous serons responsables ! Au contraire, si nous nous déterminons à accueillir le don de Dieu, c’est la “Vie éternelle“ qui nous sera offerte par Jésus Christ !

Alors, nous ne sommes pas totalement libres ? Non ! C’est vrai ! La liberté absolue n’existe pas. Car nous ne sommes pas Dieu ; nous sommes des créatures. Et Dieu nous a “conditionnés“, si je puis dire en vue du Bien absolu qu’il est lui-même ! Notre liberté est simplement l’acte de réflexion, de décision, de réponse à l’intérieur de notre être déjà orienté ! La liberté est le pouvoir de devenir ce que nous devons devenir en la pensée éternelle de Dieu. La liberté, ce n’est pas “être libre de…“ (faire ceci ou cela), c’est “être libre pour…“ (parvenir au Bien !). Nous ne sommes pas pour autant totalement déterminés comme une machine peut l’être. Nous sommes avec cette part de liberté qui nous faits responsables face à l’appel de Dieu qui nous offre sa Vie !

Aussi, le contenu de notre liberté, c’est l’Amour !

Que le Seigneur nous aide à acquérir cette liberté, la liberté des enfants de Dieu !

mardi 20 octobre 2009

Chrétien en devenir - T.O. 29 imp. – Mercredi - (Rm 6.12-18)

La “Justice de Dieu“ nous affranchit et du péché et de la mort elle-même. Aussi, St Paul, juste avant notre lecture d’aujourd’hui a précisé : “Considérez que vous êtes morts au péché et vivant pour Dieu en Jésus Christ“ (6.11).

Oui, cette “vie pour Dieu“, la vie nouvelle, la vie de ressuscité en laquelle les chrétiens sont entrés par le baptême, est bien une vie commencée mais non encore définitivement fixée. C’est une vie en croissance qui tend vers l’épanouissement. St Paul se démarque, là encore, d’une conception juive. Pour un Juif qui attend le Messie, la “justification“ et l’entrée dans la gloire divine coïncident dans l’unité d’un même acte. Pour un chrétien, la réalisation du salut est progressive ; c’est le caractère particulier de la condition chrétienne : un équilibre toujours fragile du coureur qui ne doit ni s’arrêter, ni reculer, mais tendre sans cesse vers le but : “Je n’ai qu’un seul souci, avait déjà dit l’apôtre : “oubliant le chemin parcouru et tout tendu en avant, je m’élance vers le but, en vue du prix attaché à l’appel d’en haut que Dieu nous adresse en Jésus Christ“ ; (Phil 3.13-14).

Le chrétien est bien réellement une “créature nouvelle“ : “Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature ; le monde ancien est passé ; voici qu’une réalité nouvelle est là !“ (2 Co. 5.17). Mais cette créature nouvelle peut retomber dans le chaos. Le chrétien est bien “justifié“ par Dieu à qui il répond par la foi ; mais, dira encore St Paul (8.24), si “nous avons été sauvés, c’est en espérance !“. Le chrétien est bien mort à la chair (= à la vie de ce monde), mais il doit vivre dans la chair. Il est bien affranchi du péché, mais reste exposé à ses retours offensifs.

C’est tout le sens de la prière que Jésus lui-même adressait à son Père. St Jean nous la transmet en insistant sur ce fait : Nous sommes dans le monde, mais non du monde ! “C‘est maintenant le jugement du monde, disait Jésus ; maintenant, le prince de ce monde va être jeté dehors“ (12.31). “Car je suis venu sauver le monde !“ (12.47) – Et disant cela, Jésus annonce notre combat : “Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï le premier“. (15.18). “Vous n’êtes pas du monde ; et voilà pourquoi le monde vous hait“ (15.19).- Mais Jésus nous rassure, nous donne l’espérance : “Soyez pleins d’assurance ; j’ai vaincu le monde !“. –“Je te demande, Père, priait-il, de ne pas les ôter du monde, mais de les garder du mauvais“ (17.15). Bien plus, ce combat que nous devons mener avec espérance est en même temps notre mission : “Je les envoie dans le monde afin que le monde croie que tu m’as envoyé !“ (17.21).

De même, St Paul exhorte les Romains (et nous-mêmes) à vivre en conformité avec cette réalité signifiée par le baptême : “Ne laissez donc pas le péché régner dans votre corps mortel“ (ce corps que le curé d’Ars appelait “le cadavre“). “Ne mettez plus vos membres au service du péché“. Car, c’est bien connu, c’est par le corps que viennent les tentations. “On les connaît les œuvres de la chair, avait-il écrit déjà aux Galates : libertinages, impuretés, débauche, idolâtrie, magie, haines, discordes, jalousie, emportement, rivalités, dissensions, factions, envie, beuverie, ripaille et autres choses semblables (“Et j’en passe et des meilleurs !“). Leurs auteurs, je vous en préviens comme je l’ai déjà dit, n’hériteront pas du Royaume de Dieu“.

“Ne soyez pas des esclaves du péché“ - Jésus n’avait-il pas dit : “Quiconque commet le péché est esclave du péché !“ (Jn 8.34) – “ez plutôt esclaves de la “Justice de Dieun obéissant non plus à la Loi mais à la grâce de Dieu : “Seuls sont enfants de Dieu ceux qui se laissent mouvoir par l’Esprit de Dieu !“.

Vivons donc dans le monde, mais non du monde. Et vivons avec pleine espérance. “C’est déjà avoir Dieu que de l’attendre“ (Fénelon), que de tendre vers lui, en vrai “sportif de Dieu“, dirait St Paul. Le Cardinal Journet disait : “Quand on songe à cet Amour qui a été crucifié (le Christ), comment n’avoir pas une espérance sans bornes ?“. Charles Péguy avait donc raison de faire dire à Dieu : “La foi que j’aime le mieux, c’est l’espérance !“.
Adam et le Christ - T.O. 29 imp. - Mardi - (Rm 5.12-21)

Notre lecture d’aujourd’hui aborde un délicat et mystérieux sujet : celui du péché (avec Adam) et de la grâce (avec le Christ qui “justifie“). C’est un texte si difficile, dense, compact et même parfois obscur qui a suscité tant de commentaires, articles et livres qu’il faudrait bien des rayonnages de bibliothèque pour les réunir. Aussi, vous comprendrez que je ne vais pas rentrer dans le détail des difficultés qu’offre cet écrit de l’Apôtre.

Ce que l’on peut retenir :
  • Un premier point : le péché règne dans le monde. C’est un fait. Un fait que Paul tente de décrire de façon plus ou moins précise. Adam a péché ! Le livre de la Genèse est clair sur ce point. Depuis Adam jusqu’à Moïse, le péché a régné largement. Et avec Moïse, la Loi a révélé le péché ! Bref, le péché est là, omniprésent.
  • Deuxième point : Par le péché, la mort a régné ! La mort naturelle ? Oui ! Avec tout ce qu’elle entraîne. La mort, c’est le mal absolu, le scandale par excellence ! C’est la conséquence du péché !

Mais le péché entraîne surtout la mort “spirituelle“ puisqu’il fait perdre l’alliance avec Dieu que le Christ est venu rétablir par sa Rédemption qui permet notre “justification“, notre “réajustement“ à Dieu ! Et dans le cadre de son écrit sur la “Justice“ de Dieu, c’est cette conséquence du péché qu’il faut surtout retenir.

Comment le péché s’est-il, en quelque sorte, transmis ? St Paul n’en parle pas explicitement et de façon précise. Ce n’est pas son sujet principal ; il ne s’est pas proposé de “prouver“ l’existence du péché originel. Certes, il ne renierait certainement pas l’affirmation du péché originel que le Concile de Trente a défini en s’appuyant, en partie, sur son texte.

Mais le raisonnement de Paul a un objectif plus vaste. Il se sert de l’universalité de la “chute d’Adam et Eve“, du péché - et cela n’est pas un mystère, c’est une réalité qui nous atteint tous - pour faire comprendre et admettre le mystère de la “Justice de Dieu“, de la “justification“ opérée par la Rédemption du Christ au bénéfice de tout homme, Juif ou païen ! .

- C’est à cette réalité - l’amour de Dieu qui, gratuitement, “justifie“ par le Christ - que tend tout le raisonnement de l’apôtre. Et s’il fait une opposition facile, radicale mais peu explicite entre l’“Ancien Adam“ (perdu, pour lui comme pour nous, dans la brume des origines du temps, mais dont on sait qu’il a péché et entraîné au péché !) et le “Nouvel Adam“ le Christ (qui lui est bien apparu bien vivant sur le chemin de Damas, qui est mort et ressuscité !), c’est pour mettre en valeur, en évidence l’amour gratuit de Dieu qui veut sauver tout homme de la déchéance du péché !

C’est surtout ce mystère de “justice de Dieu“ qu’il veut mettre en évidence et affirmer. C’est sur le Christ qu’il fixe son regard plus que sur Adam. D’ailleurs, dit-il comme pour s’excuser de son argumentation, de son parallèle entre les deux “Adam“, il ajoute vite : “Il n’en va pas de même du don gratuit comme de la faute“. C’est bien le don gratuit de Dieu par le Christ qui importe pour nous ! On dirait que l’apôtre lui-même ait senti combien imparfait était le parallèle entre Adam et le Christ, que la situation du premier à l’égard du péché différait foncièrement du rapport du Christ à la grâce.

Adam a comme livré passage au péché comme à une puissance qui le domine - le péché - qui vient peut-être de plus loin que lui et qui, en tous les cas, le déborde, tel un torrent déchaîné qui va grossissant au cours des siècles. Mais le Christ, lui, homme et Dieu, est bien, hier, aujourd’hui et demain, la source de la “justice de Dieu“, la source de la grâce, son principe absolu. Il est, en lui-même, la plénitude de cette “Justice de Dieu“ à laquelle nous participons par la foi sans en épuiser la source ou l’égaler.

Je n’en dirai pas plus sur ce texte difficile. Mais ce que j’en ai dit, c’est pour que nous prenions de plus en plus conscience et de la faute, du péché qui ternit terriblement en nous l’image de Dieu reçue au matin même de la création, et surtout de la grâce qui nous est offerte en Jésus Christ, cette grâce qui nous permet de restaurer cette même image en nous aujourd’hui et pour l’éternité. Si nous savions ce qu’est véritablement le péché ! “Si tu connaissais tes péchés, tu perdrais cœur“, disait Pascal. Et puis nous sommes coupables non seulement du mal que nous faisons, mais du bien que nous ne faisons pas. Nous sommes coupables pour nous et pour tous. Toute faute est une charge qui pèse sur l’ensemble de l’humanité !

Et surtout sachons combien l’amour de Dieu est grand !Si l’âme cherche Dieu, Dieu la cherche bien davantage. Ce que Dieu demande de nous finalement, c’est de nous laisser aimer par lui ! Et puis, depuis l’Incarnation, il a été décidé en Jésus, une fois pour toutes, que si l’homme n’existe pas sans Dieu, Dieu non plus n’existe pas sans l’homme !

Pour savoir ce qu’est le péché, il faut savoir ce qu’est l’Amour de Dieu pour nous… Il est Infini !

lundi 19 octobre 2009

Un doute ou une question ? - T.O. 29 imp. - Lundi - (Rm 4.20-25)

St Paul poursuit toujours son thème de la “Justice“ de Dieu, tant il lui tient à cœur : une “justice“ qui “ajuste“ l’homme à Dieu sans aucun mérite de sa part, qui réclame seulement une adhésion par la foi, une foi qui cependant engage à produire des “œuvres“ de “justice“ !

Tout en montrant que la “justice“ d’Abraham n’était dépendante ni de la circoncision (pratique qui lui était antérieure), ni de la Loi mosaïque (qui lui est postérieure), St Paul a été amené à parler de la postérité du Patriarche ! C’est qu’en effet, selon la Genèse (ch. 15), l’Alliance d’Abraham avec Dieu - sa “justice“, sa “justification“- fut liée à cette révélation qui lui annonçait une postérité innombrable comme les étoiles du ciel (Le pape St Léon fait remarquer avec un esprit tout spirituel que la postérité d’Abraham est comparée à la multitude des étoiles pour signifier son origine céleste et spirituelle ; mais passons !). - St Paul se contentera de souligner - ici ou là (cf Gal 3.15sv) - que cette promesse, comme la justice de Dieu, est là encore, indépendante et de la circoncision et de la Loi mosaïque - il le souligne, nous le savons, face à opinions contraires de certains de ses compatriotes - pour répéter que la seule condition pour Abraham, comme pour nous, c’est la FOI !

Aussi, dans cette perspective, il note bien que “devant la promesse divine, Abraham ne succomba pas au doute ; mais il fut fortifié par la foi, pleinement convaincu que ce que Dieu a promis, il a aussi la puissance de l’accomplir“. C’est un exemple pour nous, dira l’épître aux Hébreux !

Le DOUTE ! Je notais Vendredi dernier que la foi consiste, en certaines circonstances difficiles, à ne pas renier dans les ténèbres ce qu’on a entrevu dans la lumière. Et c’est parfois difficile ! Il est normal que, dans notre marche terrestre, nous soyons parfois tentés par le doute comme les Hébreux dans leur marche à travers le désert ! Il est souligné dans l’Exode que même Moïse et Aaron ont, semble-t-il, exprimé un doute : ils furent obligés de frapper deux fois le rocher dans le désert pour qu’il en jaillisse de l’eau ! Deux fois ! Une fois de trop, évidemment ! Aussi, a-t-on commenté un peu facilement : ils n’entrèrent pas en Terre promise parce qu’ils manquèrent de foi (un peu vite dit, mais enfin !).

Il reste vrai que le croyant se posera plus de questions que l’incroyant qui, lui, n’a pas de problème avec Dieu puisqu’en principe il n’y croit pas ! Parce que nous avons la foi, nous nous posons multitude de questions tout au long de notre existence. Mais ce n’est pas pour autant que notre foi doit être remise en cause. Comme disait le Cal Newman : “mille question ne font pas obligatoirement un doute“.

Il est normal que l’on se pose des questions. Pourrions-nous ne pas être dérangés, si je puis dire, par l’irruption de Dieu en notre vie ? Quand Dieu - le Tout-Autre - vient à nous, il est normal que nos pauvres idées humaines craquent et par en haut et par en bas, de tous côtés ! Car les promesses de Dieu - comme celles faites à Abraham - ne se réalisent pas comme on le penserait ! Même la Vierge Marie - l’Immaculée ! - qui ne pouvait douter, a dû se poser bien des questions depuis Bethléem jusqu’au matin de Pâques ; elle devait aller se répétant : “Comment cela se fera-t-il ?“

St Paul nous propose de nous inspirer de l’attitude d’Abraham, notre “Père dans la foi“… et de bien d’autres. Il propose de relire la Bible. En effet, il n’y a pas de littérature qui ait accompagné l’humanité aussi loin dans l’absurde apparent (Job, les psaumes…etc). Dieu nous donne assez de lumière pour pouvoir aborder le problème du mal lui-même, aller jusqu’au bout de ce problème, sans jamais l’éluder, sans jamais non plus pouvoir l’expliquer totalement, mais sans jamais que ce problème devienne un doute véritable.

Je pense à Elie Wiesel qui devant les atrocités de son camp de concentration disait : “Souvent j’étais contre Dieu, parfois avec Dieu, mais jamais sans Dieu !“. La foi nous permet de poser la question de tous les scandales et du scandale par excellence, celui de la mort en sachant que Dieu est capable, lui, de nous mener “par delà“ (“al mouth“ dit un psaume). “Dieu seul a les issues de la mort“, dit un psaume.

Notre lecture se termine sur ce sujet. Nous croyons comme Abraham en Celui qui a livré Jésus jusqu’à la mort, mais qui l’a ressuscité pour notre justification. Souvent, l’apôtre unit Passion et Résurrection, tous deux étant nécessaires au salut. Nous mourons à nos péchés avec le Christ mourant sur la croix ; nous entrons dans la vie nouvelle avec le Christ sortant du tombeau. De même, dans la justification du croyant (qui passe dès ici-bas de la “servitude“ au “service“), nous ne pouvons séparer rémission des péchés et infusion de la grâce. - Nous ne pouvons disjoindre Passion et Résurrection ! Un Vendredi Saint qui n’aurait pas été suivi du jour de Pâques aurait été inutile : “nous serions encore dans nos péchés“, dira St Paul (I Co 15.17). C’est parce que le Christ, mort une fois pour toutes (Rom 6.10) est devenu par sa résurrection “Esprit vivifiant“ (I Co. 15.45) que nous avons la vie, car notre vie est participation à la sienne. Son entrée dans la vie glorieuse est cause de notre entrée dans la “justice“ de Dieu.

C’est en regardant ce mystère pascal avec toute notre foi héritée de celle d’Abraham que nous pouvons surmonter tous les obstacles et celui-là même de la mort pour entrer dans la VIE !

vendredi 16 octobre 2009

Justice gratuite de Dieu ! - T.O. 28 imp. Vendredi - (Rm 4.1-8)

Dieu seul “justifie, “ajuste“ l’homme à lui pour le faire participer à sa gloire divine, sans aucun mérite de sa part ! Il lui est seulement demandé d’adhérer à ce projet divin de salut pour tout homme par la foi ! “Nous estimons que l’homme est “justifié“ par la foi, indépendamment des œuvres de la Loi !“. Sinon, on pourrait toujours se poser cette question qui est dans l’argumentation de l’apôtre : “Ou alors, Dieu serait-il seulement le Dieu des Juifs“ s’il fallait tenir compte de l’accomplissement de la Loi ? “N’est-il pas aussi le Dieu des païens ? Si, il est aussi le Dieu des païens ! Il n’y a qu’un seul Dieu qui “justifiera“ et les circoncis par la foi et les incirconcis par la foi !

Cela ne veut pas dire que la “foi seule“, ce sentiment d’adhésion à Dieu, sauve sans les œuvres comme semblait l’avoir compris Luther. St Augustin commentait : “Si l’homme est justifié par la foi sans les œuvres de la Loi, cela n’exclut pas d’accomplir des œuvres de “justice dans la vie chrétienne“, des œuvres qui correspondent à la “justice“, cette justification que Dieu accorde gratuitement ! Autrement dit, répondant au don gratuit de Dieu par la foi, il s’agit de prendre les mœurs mêmes de Dieu ! Mais ce ne sont pas nos “œuvres“ qui méritent notre salut. Nos œuvres ne sont que les signes de notre foi, de notre adhésion au salut que Dieu donne gratuitement.

C’est pourquoi, St Paul, en bon professeur de morale si je puis dire, avait ajouté : “Enlevons-nous par la foi toute valeur à la Loi ? Bien au contraire ! Nous confirmons la Loi !“, cette Loi qui vient de Dieu et que sa “justice“ ne peut contredire. Mais l’accomplissement de la Loi n’est qu’une réponse de notre foi à Dieu qui sauve, à Dieu qui en premier sauve de la “servitude“ (d’Egypte = du mal) pour que nous puissions accomplir des œuvres de “service“.

Dans notre lecture d’aujourd’hui, St Paul illustre son propos : la “justification“ obtenue de Dieu par Jésus Christ, loin de contredire l’Ancien Testament, l’accomplit. Et il commence par donner l’exemple d’Abraham !

“Qu’allons-nous dire d’Abraham, notre ancêtre selon la chair ?“. A-t-il été glorifié à cause de ses œuvres ? “Que dit l’Ecriture ? « Abraham eut foi en Dieu ! Et cela lui fut compté comme “justice !“. Inscrire au compte de quelqu’un est une expression commerciale. Or, pour Abraham, va expliquer Paul, comme pour tout chrétien, le compte tenu par Dieu est un compte de faveur, de bienveillance. A l’origine de tout, il y a l’amour de Dieu, gratuit ! Abraham aurait pu se prévaloir de la “justice“ divine comme un mérite de sa part, une récompense que Dieu lui devait ! En fait, il n’en fut pas ainsi.

St Paul, écrivant cela, n’est pas sans ignorer certaines tendances d’opinions qui avaient cours dans le judaïsme des derniers siècles, qui circulent de son temps et qui parviennent encore aujourd’hui jusqu’à nous (jansénisme), tendance que j’appelle facilement “inversions sacrilèges“ : mettre l’homme avant Dieu ! : Au lieu d’être “appelé“ gratuitement comme le souligne le livre de la Genèse (cf. 12.1), c’est lui, Abraham qui, en fait, aurait “choisi“ Dieu, parmi toutes les divinités existantes (et certaines exégèses ne sont pas loin de cette tendance !). Dans le Judaïsme lui-même, certains n’ont-il pas été jusqu’à penser qu’Abraham, ayant été trouvé fidèle jusque dans les épreuves, cela lui fut compté comme “justice“, “justification“ ?

Et bien non !, affirme St Paul, et, à sa suite, l’épître aux Hébreux et les premiers Pères de l’Eglise, tel Clément de Rome. Ces derniers voient au contraire jusque dans le sacrifice d’Isaac un témoignage, un sommet de la foi d’Abraham qui répond à la “justice“ de Dieu qui l’appelle gratuitement à “s’ajuster“ à lui, malgré ce que j’appelle les “apparences contradictoires“. Comme cela est encore bien actuel !

St Paul ne fera que répéter : le don de Dieu est gratuit pour tous, sans exception ! La promesse de justification ne dépend d’aucune loi ; et sa réalisation n’est pas subordonnée à l’observation de la Loi. Pour y participer : une seule condition : la foi ! Mais la foi grandissant doit engendrer comma naturellement les œuvres de la foi. C’est tout différent. C’est la foi -cette réponse au don gratuit de Dieu qui sauve - … c’est la foi produisant ses œuvres qui est compté comme “justice“. “Heureux l’homme, s’exclame St Paul, dont les offenses ont été pardonnées. Heureux l’homme au compte de qui le Seigneur ne porte pas le péché !“.

Ayons à cœur de cultiver notre foi qui nous “ajuste“ à Dieu ! Certes, la foi a ses obscurités comme l’ont expérimenté Ste Thérèse de Lisieux, Mère Térésa et bien d’autres… Peut-être que la foi consiste, en certains moments, à ne jamais renier dans les ténèbres que qu’on a entrevu dans la lumière. Sachons aussi que la foi est grosse de toute une expérience de Dieu. Aussi se nourrie-t-elle de la prière. Et puis, comme dit St Paul encore, “ce qui compte c’est la foi agissant par la charité“ Que notre foi soit assez forte pour se manifester surtout par et dans l’amour !

jeudi 15 octobre 2009

Justice en Christ ! - T.O. 28 imp. - Jeudi - (Rm 3.21-29)

“Cette “justice de Dieu“ qui “ajuste“ l’homme à Dieu, St Paul souligne aujourd’hui qu’elle s’est manifestée et accomplie parfaitement en Jésus Christ pour les croyants. Il insiste : il ne s’agit plus de vouloir “conquérir“ la justice comme essayaient de le faire les tenants de la Loi (une tentation toujours actuelle !), mais de l’accueillir comme un pur don en Jésus Christ.

Certes, tout homme - même croyant - est pécheur et, de ce fait, dit St Paul, privé de la gloire de Dieu. La gloire de Dieu, dans le langage biblique, c’est le rayonnement de son être, la splendeur de sa beauté, de sa bonté qui se communiquent à ceux qui l’approchent. Il est dit de Moïse, quand il descendait de la montagne du Sinaï après avoir parlé avec le Seigneur, que “la peau de son visage étaient devenue rayonnante“ (Ex 34.29). Aussi, St Paul dira aux Corinthiens (et à nous-mêmes !) : “Déjà nous reflétons - c’est seulement un reflet ! - la gloire du Seigneur, étant transfigurés à son image“ (II Co 3.18). Et cette gloire, nous la recevons de la bonté de Dieu, en étant l’objet de sa “justice“ ! Ainsi, sommes-nous déjà “citoyens des cieux !“.

Et cette“ justice“ qui donne déjà “gloire divine“ s’est accomplie en vertu “de la Rédemption accomplie dans le Christ Jésus“. Il faut comprendre ces mots “rédemption“, “rédempteur“ ainsi que le verbe correspondant “racheter“. Ils sont exclusivement employés en relation avec la libération de la terre d’Egypte, cette “maison de servitude“ dont il faut sortir pour aller “servir le Seigneur“ (même jeu de mots en français qu’en hébreu : passer de la “servitude“ au “service“). Dieu ne délivre son peuple que pour en faire, par la sa “justice“, “un royaume de prêtres, une nation consacrée“ (Ex 6.6-7) jouissant déjà de sa gloire! : “Vous êtes la race élue, dira St Pierre, la nation sainte, le peuple que Dieu s’est acquis pour que vous proclamiez les hauts faits (la magnificence) de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière“ (I Pet 2.9). Chanter cette gloire de Dieu, est donc le propre de ceux que Dieu justifie ! L’action de grâce est naturelle au chrétien !

Aussi le mot “rédemption“ ne dit pas moins (sinon plus) “union à Dieu“ que “libération du péché“ ! Les traducteurs grecs ont employés un mode particulier (le moyen) pour signifier que “Dieu libère pour soi !“, pour que l’homme puisse s’unir à lui ! - Et il en est de même pour toutes les libérations que relatent la Bible, libération collective (retour d’exil), ou libération individuelle (notion de “goël“). C’est l’union à Dieu qui importe ! Alors, rien d’étonnant que cette notion de “rédemption“ puisse s’appliquer à la première comme à la dernière venue du Seigneur : “Quand ces événements arriveront (annonçant la venue du Christ en gloire), redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption est proche“. Il s’agit bien d’une union, d’une acquisition pour Dieu plus que d’une délivrance !

Il y a une notion qu’il faut bien comprendre dans ce texte, si dense, trop dense ! Je regrette que la traduction liturgique l’ait éludée. Elle dit : “Dieu a exposé le Christ sur la croix afin que par l’offrande de son sang, il soit le pardon pour ceux qui croient en lui !“. Littéralement, il est dit : “Dieu l’a destiné propitiatoire par son sang, par le moyen de la foi !“

“Propitiatoire“, “sang“, “foi“. Les images, les mots se bousculent !

Propitiatoire“. C’était le couvercle - seul élément en or massif - qui recouvrait l’arche d’alliance. “Kapporeth“ vient du verbe “kaphar“ : couvrir, recouvrir. De même que Dieu fit pour Adam et Eve, après leur faute, des tuniques de peau afin de recouvrir leur nudité, signe de leur défaillance, ainsi avait-il demandé lui-même de couvrir d’un propitiatoire (couvercle) le contenu de l’arche d’Alliance. Car ce contenu rappelait trois fautes, révoltes !
  • Les tables de la Loi - 2ème version -… après l’histoire du veau d’or !
  • Le bâton dont Moïse s’était servi lors de la révolte auprès des eaux de Massa et Mériba !
  • Une mesure de la manne, cette nourriture qui rappelait encore une révolte.

Ainsi, Dieu veut toujours “recouvrir“ le mal, pour faire “ tout concourir au bien de ceux qui l’aiment“ (Rm 8.28). Il est bon de remarquer que c’est toujours Dieu qui a l’initiative et non le mérite de l’homme.

C’est également le sens de la grande fête juive Yom Kippour. Le sang du bouc choisi par le Grand Prêtre était versé sur le propitiatoire de l’arche comme signe du pardon que Dieu accordait au peuple qui mettait sa foi en le Dieu Unique ! Combien plus, dira l’épître aux Hébreux, le sang du Christ qui s’est lui-même offert à Dieu est signe de notre purification (cf. Ch. 9). Il suffit d’y adhérer par la foi : “l’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez !“ (Jn 6.29).

La foi en l’initiative salvifique de Dieu en Jésus qui nous “justifie“ pour nous faire participer à la gloire divine ! La foi ! A ce mot, Luther a ajouté l’adjectif : “seule“ : “L’homme est justifié par la foi seule !“. Insistance que même des protestants jugent actuellement étrangère à l’argumentation de St Paul. D’ailleurs, St Jacques ne dira-t-il pas : “A quoi bon avoir la foi si on n’a pas les œuvres ?“ (Jac. 2.14). La foi contient et l’espérance et la charité !

Ayons donc une foi active en Dieu qui seul “justifie“ en recouvrant nos fautes du sang de son Fils, afin de nous faire participer à sa gloire !


P.S. Veuillez m’excuser d’être dense et concis ! Mais ce n’est pas moi qui le suis ; c’est St Paul ! Veuillez lui dire avec moi dans votre prière pour qu’il nous transmette ses lumières de foi !

mercredi 14 octobre 2009

Ne jugez pas - T.O. 28 imp. Mercredi - (Rm 2.1-11)

“Hier, nous avons vu que la “Justice de Dieu“ est bien autre chose que la justice de l’homme (une justice nécessairement “distributive“ : à tel acte correspond récompense ou punition !) . La “Justice de Dieu“, elle, c’est l’activité de son amour envers tout homme. C’est Dieu qui rend “juste“ comme lui-même est Juste ! Sans cesse, il cherche à nous “ajuster“ à lui. Dans sa miséricorde, il veut nous “justifier“ en purifiant, en pardonnant afin que nous puissions vivre, déjà ici-bas, de sa Vie. Or “Dieu est Amour !“.

Aussi, comme dans un contrat, Dieu nous sollicite, par une alliance sainte, à répondre à son amour en adhérant par la foi à son projet de “justification“ pour tout homme. Il nous appelle à monter vers lui, en lui, à monter d’une foi initiale à une foi de plus en plus parfaite - “de la foi à la foi“, disait St Paul - : une confiance absolue en sa miséricorde. C’est ainsi que le “Juste“ vivra. Il vivra par la foi !“.

Je prendrai une comparaison. Vous connaissez tous la merveilleuse et douloureuse histoire du P. Maximilien Kolbe, (canonisé par le pape Jean-Paul II), ce prêtre franciscain - polonais -, arrêté par les SS., au cours de la dernière guerre. Dans le camp où il fut interné, un prisonnier réussit à s’évader. En représailles, le commandant du camp que la colère poussait à la cruauté, désigna dix autres prisonniers pour aller mourir peu à peu de faim, de soif dans un blockhaus - “le blockhaus de la faim“ -! Et il avait accepté la demande du P. Kolbe de prendre la place d’un jeune père de famille !

Ainsi enfermé avec ses neuf malheureux compagnons, ce prêtre du Seigneur les aida à offrir leur vie à l’exemple du Prêtre par excellence, le Christ ! Tous moururent dans la paix et non dans la révolte. Le commandant du camp, enfermé, lui, dans la cellule de sa cruauté, de son sadisme, venait voir ses prisonniers mourant peu à peu dans une attitude de prière qu’entretenait ce religieux. Son regard, intrigué, fouillait le regard des dix malheureux. Cependant, celui du P. Kolbe restait si serein face au sien, si emprunt de l’amour de Dieu même envers le plus grand des pécheurs, que ce commandant ne pouvait le supporter ; il lui commandait de détourner ses yeux. Ce saint prêtre ne voulait que manifester l’amour de Dieu, sa mansuétude, son pardon ; en la place du Seigneur en croix, il ne voulait pas, il ne pouvait pas condamner ; il aurait voulu, lui aussi, “justifier“, rendre juste… même ce commandant !

C’est ainsi qu’à notre jour éternel, nous rencontrerons le regard divin, regard d’amour infini, de miséricorde… qui sollicitera notre propre regard. Nous y répondrons dans un dernier acte de foi ou nous nous y refuserons. Ce sera notre jugement, un jugement que nous prononcerons nous-mêmes. Car Dieu, lui, n’est qu’Amour !

Aussi, St Paul, aujourd’hui, nous recommande de prendre déjà cette attitude même de Dieu à l’égard de tout homme. Sinon, déjà, nous nous condamnons ! “Tu es sans excuses, toi, qui que tu sois, qui juges !“. En jugeant autrui à la façon humaine et non à la façon divine, tu te condamnes toi-même. Car Dieu - respectant par amour la liberté qu’il t’a donnée - te laissera utiliser à ton encontre la manière toute humaine dont tu te sers à l’égard de ton frère. Le regard du jugement humain que tu portes sur autrui se retournera obligatoirement contre toi ! Tu te mets en dehors du regard de Dieu puisque tu méprises ses richesses de bonté, de patience, de générosité, méconnaissant son immense amour qui ne cherche qu’à “justifier“, qu’à rendre juste ! C’est l’endurcissement de ton cœur lui-même qui transforme la “Justice de Dieu“ en “colère de Dieu“ !

Autrement dit, c’est chacun de nous qui révèlera le juste jugement de Dieu :
  • Vie éternelle pour ceux qui, par la foi, recherchent la véritable “Justice de Dieu“ qui ressemble à celle du Père de l’enfant prodigue.
  • Colère et indignation pour ceux qui se détournent de la vérité de son amour !

Et cette “Justice de Dieu“ s’exercera, dit St Paul, pour le Juif d’abord et pour le Grec“ ! L’apôtre manifeste, là, sa grande préoccupation : si le Juif est nommé en premier, c’est qu’ayant reçu plus de lumière que le païen, ayant bénéficié d’une révélation plus importante, il doit manifester plus grandement la véritable “justice de Dieu“ ; sinon, il pèche encore plus gravement…, semble dire St Paul si préoccupé de ses compatriotes. Dieu est “juste Juge“ en son amour ; il ne fait pas de “passe-droit“ au-delà de son amour !

Et nous pouvons penser à cette lourde réflexion propre à St Luc (12.48) : “A qui l’on a beaucoup donné, on redemandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage !“. Autrement dit, Dieu “justifie“ par ses dons d’amour ; celui qui a reçu beaucoup d’amour doit d’autant plus manifester en lui et autour de lui cette “justification“ d’amour divin. Qui suis-je moi pour avoir été appelé à être prêtre du Seigneur ? C’est la “Justice de Dieu“ qui s’est exercé à mon égard. Aussi, s’il vous plaît, veuillez prier pour moi ! Ne m’oubliez pas dans vos prières !

mardi 13 octobre 2009

La Justice de Dieu - T.O. 28 imp. Mardi - (Rm 1.16-25)

Je n’ai pas honte de l’Evangile !“. Quand Paul écrit à cette Communauté qui doit - nolens, volens – se réclamer du prestige de la capitale de l’Empire, de la célèbre ville de Rome, il n’éprouve aucune timidité, aucune honte à parler de l’Evangile. C’est sa fier té, à lui ! Belle leçon de l’assurance, de la hardiesse qu’il souhaite à tout chrétien pour manifester sa foi !

Il a tellement conscience que cet Evangile est “puissance de Dieu pour le salut de tout croyant !“. Et pour lui, évidemment, c’est l’amitié avec Dieu, cette amitié qui est déjà, ici-bas, Vie éternelle !

Et cela “pour le Juif d’abord, puis pour le Grec “! Dès le début de sa lettre, Paul revient sur ce thème qui le fait tant souffrir. C’est vous (Juifs), avait-il martelé bien des fois, qui êtes les premiers bénéficiaires de la Parole de Dieu ! C’est affirmer en même temps et fortement que le Nouveau Testament est dans la ligne de l’Ancien Testament, bien davantage, évidemment, que dans celle du paganisme ! - Ne faut-il pas, nous-mêmes, quand lon parle tant d’œcuménisme, mieux discerner, - tout en affirmant notre spécificité chrétienne (“Je n’ai pas honte de l’Evangile !) -, “les connaturalités, les compréhensions… davantage avec telle ou telle aspiration religieuse qu’avec des associations, même sympathiques, qui professent un athéisme… ? Vaste question ! Comme celle de Paul !

Et c’est peut-être dans ce contexte que Paul aborde la notion de la “Justice de Dieu“ qui est si facilement dévoyé, détourné de son sens profond. - Dans le langage courant, la “Justice de Dieu“, c’est la justice d’un tribunal qui punit ou récompense. Mais comme “tous les hommes sont enfermés dans le péché“, dira St Paul, chacun de nous doit vivre dans la crainte du châtiment éternel. C’est vrai, en partie ! Et les plus grands saints ont éprouvé cette crainte ; et nous devons sans cesses en appelé à la miséricorde de Dieu qui épargne, délivre, pardonne. C’est l’objet de notre persévérante espérance !

Cependant cette compréhension de la “Justice de Dieu“ est un peu caricaturale, trop humaine. St Thomas d’Aquin, quand il veut appuyer sur l’Ecriture Sainte sa notion de “Justice de Dieu“ en ce sens de rétribution du bien ou du mal, il choisit des textes où il est question non de “Justice de Dieu“, mais de “colère de Dieu“, de cette colère dont parle St Paul lui-même dans notre texte. – Mais pour ce grand théologien, la “Justice de Dieu“, c’est toute l’activité que Dieu déploie auprès des hommes en vertu de laquelle il ne cesse d’“ajuster“ les hommes à lui, le seul “JUSTE“. Sa “Justice“ ne veut qu’émonder l’arbre qui doit porter de bons fruits.

Et cette notion de la véritable “Justice de Dieu“ qui s’apparente avant tout à la fidélité de Dieu envers l’homme qu’il a créé “à son image et ressemblance“, à la fidélité envers le peuple qu’il a choisi…, St Thomas l’illustre par bien des passages de l’Ancien Testament lui-même, les psaumes en particulier :
- Aux yeux des nations, il a révélé sa justice ; il s’est rappelé sa fidélité, sa loyauté“ (Ps 98.2-3).

“Dans la grande assemblée, j’ai annoncé ta justice ; je n’ai pas caché ta justice au fond de mon cœur ; je n’ai pas dissimulé ta fidélité et ta vérité“ (Ps 40.10-11).
- “Mon Dieu, Dieu Sauveur…, que ma langue crie ta justice“ (Ps 51.16).
- Et cette phrase significative du prophète Daniel : “Seigneur, selon tes actes de justice, que ta colère se détourne de Jérusalem“ (9.16).

Ainsi, la “Justice de Dieu“ ne s’oppose pas à sa miséricorde qui suscite notre espérance, mais à sa “colère“ qui suscite la crainte.

Nous n’avons donc rien à craindre de la “Justice de Dieu“ qui atteint l’homme uniquement pour le “justifier“, le rendre “juste“, le rendre exactement ce qu’il est appelé à être dans la pensée éternelle de Dieu !

La “Justice de Dieu“ introduit l’homme dans le BIEN que Dieu est lui-même ; c’est la volonté miséricordieuse de Dieu-Amour qui veut sauver l’homme pour qu’il participe à sa VIE.

Comment accueillir cette “Justice de Dieu“ ? Notre texte dit : “par la foi, pour la foi“ ; je préfère le mot-à-mot : “de la foi à la foi“. En suivant la préoccupation de St Paul, Origène fait une magnifique réflexion : il faut passer de la foi (“ex fide“) du peuple ancien à la foi (“in fidem) du peuple nouveau ; “il faut, pour posséder vraiment le Nouveau Testament, posséder déjà l’Ancien ; il faut récapituler en soi l’histoire du salut“.

Mais il semble qu’il faille aller encore plus loin : la “Justice de Dieu“ agit en l’homme, pour l’“ajuster“ à lui, à partir d’une foi initiale pour une plénitude de foi…, en lui-même, dans l’Eglise. Autrement dit, la foi n’est pas un système, une théorie, un ensemble de dogmes, mais une “économie“ évangélique, disaient les Pères de l’Eglise, c’est-à-dire un dessein divin qui est une volonté de “justification“. Mais il faut que l’homme réponde à ce dessein divin en faisant de lui-même un don total au Dieu juste qui “justifie“ par sa “Justice“, cette “Justice“ qui donne une possession anticipée de tous les bienfaits divins.

C’est pourquoi, Paul conclue cette phrase si dense par une citation du prophète Habacuc : “Le Juste vivra par la foi !“ (Ha. 2.4).

lundi 12 octobre 2009

Paul écrit aux Romains - T.O. 28 imp. Lundi - (Rm 1.1-7)

Nous abordons aujourd’hui la lettre de St Paul aux Romains. Nous sommes aux environs de l’an 56, un peu plus de vingt ans après le chemin de Damas, et pas loin de trente ans après la mort et la résurrection du Christ.

Cette lettre offre une véritable synthèse en laquelle l’apôtre aborde les points les plus fondamentaux du dogme chrétien qui forment comme des “lettres de créance“ auprès de la Communauté de Rome qu’il ne connaît pas. Il les aborde tranquillement, sans occasion, pour une fois, de polémique quelconque, même si sa rhétorique manifeste parfois, par ses accents de véhémente assurance, des certitudes qui lui sont chères et qu’il a du défendre.

Paul se trouve à un moment capital de sa carrière apostolique. Il est sur le point de partir de Corinthe (probablement). Il estime avoir achevé sa tâche en Orient (cf. 15.20). Il se dispose à inaugurer en Occident un nouveau champ d’apostolat en désirant se rendre jusqu’en Espagne !

Mais, auparavant, il doit se rendre à Jérusalem y porter le fruit des collectes diverses récoltées en faveur de cette Eglise. Cette mission qu’il se donne lui tient à cœur ; il veut, par là, affirmer et proclamer l’unité entre les chrétiens d’origine païenne et ceux d’origine juive. Mais est-ce ce signe matériel qui va résoudre les tensions ? Il se demande si ces collectes vont être bien agréées “par les saints de Jérusalem“ ! C’est pourtant une grande préoccupation, ressentie souvent comme une souffrance, pour ce Juif converti.

Paul laisse donc apparaître ses préoccupations du moment : le lien entre la Loi et l’Evangile - nous dirions entre l’A.T. et le N.T. - :
  • Justification et salut indépendamment de la Loi !
  • Salut accordé par le Christ en raison de la foi ! (“Sola fides“).
  • Liberté chrétienne et vie de l’Esprit !

Si pour le moment, la polémique n’a pas lieu d’être, on soupçonne chez Paul une inquiétude, car la colonie juive de Rome est importante au point de s’être, un temps, attirée un édit d’expulsion de l’empereur Claude en 49 ; C’est ainsi que Paul avait connu, à Corinthe, Aquilas et Pricille obligés de fuir la Capitale de l’empire. Ceux-ci revinrent, par la suite, à Rome quand l’édit de l’empereur fut rapporté. Par eux, Paul a-t-il des nouvelles de cette Communauté chrétienne qui est à Rome et qui serait en butte aux chrétiens judaïsant (comme à Corinthe ?). On l’ignore. Cependant, il terminera sa lettre ainsi : “Je vous exhorte par Notre Seigneur Jésus Christ et par l’amour de l’Esprit, à combattre avec moi par les prières que vous adressez à Dieu pour moi, afin que j’échappe aux incrédules de Judée…“.

En tous les cas, l’apôtre ne pouvait pas soupçonner que sa lettre écrite apparemment sans esprit de polémique allait, bien des siècles plus tard, susciter des divisions affreuses. Le commentaire de sa lettre par Luther “a été vraiment le point de départ de la Réforme“, dira le P. Lagrange. Et c’est en expliquant cette même lettre que Calvin prépara la 2ème édition de l’“Institution de la Religion chrétienne“ (1539) en laquelle se trouve exposées les thèses maîtresses du Calvinisme.

Cette lecture est donc pour nous, tout au long des jours qui viennent, une occasion de prière pour l’unité entre les chrétiens qui souvent, malheureusement, déchirent la tunique sans couture du Christ.

Et pour cela retenons simplement aujourd’hui cette affirmation solennelle de Paul :

Cet Evangile“, - une “Bonne Nouvelle“ pour tous ! -,

que Dieu avait promis par ses prophètes dans les Ecritures saintes“, - Paul insiste donc d’emblée sur l’unité fondamentale des deux alliances-,

…cet Evangile “concerne son Fils“, concerne le Fils de Dieu,

“issu selon la chair de la lignée de David“ - Dieu s’est bien incarné ! -,

“établi, selon l’Esprit Saint, Fils de Dieu avec puissance“ - la puissance de la gloire divine -, (cf I Pet 1.21),

“par (ou après) sa Résurrection d’entre les morts“.

Aussi, l’apôtre termine cette phrase d’une synthèse de foi remarquable par ces trois mots que nous devrions toujours avoir sur nos lèvres : “Jésus, Christ, notre Seigneur“ !

“Jésus“ : c’est l’homme !

“Christ“ : c’est le Messie, l’envoyé de Dieu, son Fils…

“Seigneur“ : mot qui, dans l’A.T., n’est attribué qu’à Dieu !

C’est pourquoi, “aux Saints par appel divin“, - l’amour de Dieu est toujours un choix, un appel divin qui suscite une réponse…, ne l’oublions pas ! -,

“aux Saints par appel divin, grâce et paix“,

“grâce“ : bienveillance divine avec secours divins

“paix“ : possession tranquille et stable de l’amitié avec Dieu et de ses bienfaits obtenus par la grâce.

Aussi, je le répète pour ce jour : à vous, par Jésus, Christ, Seigneur, grâce et paix !

dimanche 11 octobre 2009

28e Dim. Ord. 06/B

Notre époque honore, célèbre surtout ceux qui se sont distingués dans le registre de l’agir, de l’action : registre des sciences (Einstein… et beaucoup d’autres), registre militaire et politique (Lyautey, De Gaulle, et beaucoup d’autres …), registre humanitaire (Vincent de Paul, Mère Térésa… et beaucoup d’autres)… Et c’est bien, très bien. Cependant, l’Eglise propose souvent comme modèles, en les élevant parfois à l’honneur des autels comme l’on dit, des hommes, des femmes qui se sont fait remarquer non pas tant par ce qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils ont été, non pour leur agir, …mais pour leur être !

Tel fut, me semble-t-il, St Benoît … et, à sa suite, les moines, moniales, les consacrés en général. Et également, bien évidemment, des hommes, des femmes qui veulent cultiver, avant tout, ce qu’ils sont, ce qu’ils doivent être : des chrétiens, chrétiennes. C’est leur identité. Et ils désirent mettre en avant cette identité bien plus que ce qu’ils font ou pourraient faire ! Et heureusement, il y en a…

Et puisque nous sommes dans un monastère et que les textes d’aujourd’hui y invitent, il est bon de réfléchir à cet idéal : cette culture de ce que l’on est, bien plus que de ce que l’on fait, cet idéal que St Benoît a imaginé, décrit et vécu, cet idéal proposé aussi à tout chrétien, cet idéal que l’on pourrait appeler à bon droit : un humanisme chrétien qui propose une vie profondément humaine et chrétienne tout à la fois, et humaine parce que chrétienne. L'idéal monastique et chrétien s’inscrit dans ce désir de réaliser ce merveilleux équilibre entre aspirations humaines et aspirations vers Dieu. Car, me semble-t-il, plus on est chrétien, plus on est homme. N’est-ce pas une des raisons pour laquelle St Benoît a été déclaré “Patron de l’Europe”.

Quelle est donc alors cette force humanisante et civilisatrice de la foi chrétienne mise en valeur par St Benoît ? Les lectures d’aujourd’hui nous le disent.

Le monachisme et donc la foi chrétienne tout court témoignent d’une SAGESSE. C'est ce qu’exprime la 1ère lecture. “J'ai prié et l'intelligence (l’intelligent, dans la Bible, est celui qui cherche Dieu) m'a été donnée ; j'ai supplié et l'esprit de sagesse est venu en moi... ; à côté d'elle, j'ai tenu pour rien la richesse. Je ne l'ai pas mise en comparaison avec les pierres précieuses ; tout l'or du monde auprès d'elle n'est que du sable...”St Benoît et ses disciples ont voulu, veulent cultiver cette sagesse de la sobriété, de l'oubli de soi, du renoncement afin de mieux chercher la connaissance, le sens de l’existence, la plénitude de la vie non pas d’abord dans les sciences humaines qui engagent à agir, mais dans la contemplation silencieuse des mystères du Christ. Cet idéal [donc du chrétien] peut s’exprimer dans des livres d’une profonde sagesse, mais livres qui s’écrivent d’abord dans le cœur de l’homme, avant de paraître sur du papier.

Et ces livres de sagesse chantent tous la Parole de Dieu et, finalement, le mystère pascal du Christ, mystère si inépuisable qu’il peut conduire jusqu’à un certain épuisement, s’il le faut : “J'ai aimé la sagesse plus que la santé”. Cette Sagesse qui est, dans la Bible, Parole divine, s’est pleinement manifestée dans le Christ, Verbe de Dieu (St Jean), Parole de Dieu. Et si cette Sagesse qui révèle l’amour de Dieu manifesté en la Pâque du Christ, s’exprime parfois dans des livres, c’est qu’elle a d’abord été reçue, méditée, vécue en des âmes… “Tous les biens me sont venus par elle ; par elle, une richesse incalculable”. …

Et la 2ème lecture donne le même enseignement à propos de la PAROLE DE DIEU. “Elle est vivante, la Parole de Dieu, énergique et plus coupante qu'une épée à deux tranchants ; elle pénètre jusqu'au fond de l'âme, jusqu'aux jointures et pensées du cœur”. À une certaine époque où l’on avait presque oublié les sources originelles et vives de la vie spirituelle, Dom Guéranger, par exemple, a remis celle-ci dans l’axe de la Parole de Dieu proclamée par toute la liturgie. De la sorte, il a voulu éviter les déviations piétistes et mièvres, en remettant la vie spirituelle dans son ”lieu naturel”: la Parole de Dieu et la liturgie. Et Vatican II a amplifié largement ce ressourcement pour tous les chrétiens. Depuis lors, la spiritualité ne relève plus du subjectif, mais du monde objectif de la Parole de Dieu et de la liturgie ; Cette Parole de Dieu devient thérapeutique pour tous ceux qui semblent préférer, parfois, les émotions et les sentiments fugaces. Le moine et tout chrétien est épris, doit être épris de la Parole de Dieu, Sagesse de Dieu.

Enfin, l'évangile nous révèle le dernier secret de cet idéal monastique et chrétien : le moine, le chrétien veulent SUIVRE LE CHRIST en renonçant dans la joie à bien des choses… à tout le reste, s’il le faut. Il a entendu les paroles de Jésus : “Va, vends tout, donne-le aux pauvres et suis-moi”. Le moine et le chrétien lui-même doivent montrer que le bonheur de l'homme ne se trouve pas au bout de nos besoins premiers mais qu'il est objet d'un désir qui transcende le bien-être immédiat. Le vrai disciple du Christ est un homme de désir ; il a compris que ni les richesses, ni la sexualité, ni l'autonomie de soi… ne procurent le bonheur véritable. C’est cela que le Christ est venu nous révéler par sa parole et par l'exemple de sa vie. Et tout disciple doit proclamer que ce chemin qui semble parfois si ardu, ce chemin de l'imitation du Christ ne tronque pas l'homme ! Il rend à l'homme sa véritable image, tel qu'il est sorti des mains de Dieu, lors de la création. C'est en renonçant, parfois, à beaucoup de choses que l'homme gagne tout au centuple. “Vraiment, je vous le dis : personne n'aura quitté, à cause de moi et de l'Evangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre, sans qu'il reçoive en ce temps déjà le centuple. Jésus fait là une allusion aux relations aimantes que doivent tisser toute communauté chrétienne quelle qu’elle soit : familiale ou religieuse. En l’Eglise, Famille de Dieu, chacun doit trouver ”maisons, frères, soeurs, mère, enfants et terres… avec des persécutions… Au jour de persécution - il y en a toujours !-, on sait ce que représente une porte qui s’ouvre, une main qui se tend, le dévouement d’un voisin. A Rome, à l’époque de Marc, alors que les chrétiens étaient traqués, ces quelques lignes de l’Evangile portaient une force singulière : ”…avec des persécutions …” et, finalement, dans le monde à venir, la vie éternelle”. Il faut méditer ces paroles qui indiquent les chemins secrets du bonheur.

Sachons contempler cet idéal qui est un appel à y répondre selon les modalités de vie de chacun. Et bénissons le Seigneur d'avoir suscité dans son Église, depuis des siècles, des hommes et des femmes sages de la sagesse même de Dieu, avides de sa Parole et qui deviennent guides sur le chemin du bonheur véritable pour que chacun, répondant d’une manière ou d’une autre à l’appel du Christ (“Suis-moi“) devienne de plus en plus “image et ressemblance de Dieu !“.

vendredi 9 octobre 2009

Le « Jugement » - T.O. 27 imp. - Vendredi - (Joël 1.13sv)

Aujourd’hui et demain, la liturgie nous met à l’école du prophète Joël. Les efforts qu’on a faits, pour le situer dans le temps, sont restés vains. Aucune allusion à un événement historique précis ne permet de le dater. Dans l’espace, c’est un peu moins difficile de le situer car il porta beaucoup d’intérêt au Temple de Jérusalem, au rituel des cérémonies. Son horizon semble donc se borner à Jérusalem. Sa prédication se fait dans un style clair et lyrique. Elle est comme une musique qui chante le rythme fondamental de l’Histoire Sainte : anéantissement et de surgissement, mort et résurrection. Et cela dans une espérance invincible du Jour où Dieu interviendra d’une manière décisive pour établir l’harmonie et la justice.

Cette impossibilité de situer exactement ce prophète Joël dans le temps fait qu’il est placé différemment dans la Bible hébraïque et la Bible grecque. La liturgie, en tous les cas, nous le fait lire au moment où on commence à s’approcher de la fin de l’année liturgique, à ce moment où la liturgie tend à donner une préférence à la littérature apocalyptique.

Ayant consacré l’année à parcourir toute la Bible, nous sommes invités à tirer l’enseignement qui se dégage de cette lecture : après avoir considéré le passé, nous sommes invités à “lever un coin de voile“ (c’est le sens du mot “apocalypse“) pour essayer d’imaginer ce que sera l’avenir. Ainsi le livre de Joël se présente en fin de compte comme une transition entre les livres prophétiques qui dégagent la signification providentielle des évènements de l’histoire et la littérature apocalyptique. On pourrait dire qu’il y a dans ce livre toute une théologie de l’histoire, une théologie qui, dégagée des conditionnements de l’espace et du temps, se présente à nous comme une lumière apte à nous faire déchiffrer les voies de la Providence dans les crises de notre propre histoire, de nos vies personnelles.

Deux jours sont consacrés à la lecture de Joël. Aujourd’hui, c’est l’appel à la repentance, à la pénitence ; demain ce sera l’évocation de la restauration. Toujours ce rythme de mort et de résurrection auquel Jésus donne un accent final par son mystère pascal de mort et de vie, comme il l’explique lui-même sur la route, aux disciples d’Emmaüs.

La lecture d’aujourd’hui nous invite donc à la conversion, à la pénitence, à attendre dans “la crainte et le tremblement“ (1) en nous efforçant de déchiffrer les signes du temps comme nous y invite Notre Seigneur :

" Lorsque vous voyez un nuage se lever au couchant, aussitôt vous dites que la pluie vient, et c’est ce qui arrive. Et lorsque c'est le vent du midi qui souffle, vous dites qu'il va faire chaud, et c'est ce qui arrive. Hypocrites, vous savez discerner le visage de la terre et du ciel ; et ce temps-ci alors, comment ne le discernez-vous pas ? " (Lc 12, 54-56).

Ces signes des temps semblent se multiplier de nos jours. On ne peut ouvrir un journal sans trouver de multiples invitations à y déchiffrer la signification providentielle. Cependant, Jésus nous met en garde contre une tendance assez fréquente à trouver trop facilement des rapports de cause à effet entre les catastrophes et les responsables :

« …Survinrent des gens qui rapportèrent à Jésus ce qui était arrivé aux Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs victimes. Prenant la parole, il leur dit : " Pensez-vous que, pour avoir subi pareil sort, ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens ? Non, je vous le dis, mais si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous pareillement ! Ou ces dix-huit personnes que la tour de Siloé a tuées dans sa chute, pensez-vous que leur dette fût plus grande que celle de tous les hommes qui habitent Jérusalem ? Non, je vous le dis ; mais si vous ne voulez pas vous repentir, vous périrez tous de même." » Lc 13, 1 –5).

Ainsi, Joël invitait déjà à la repentance, c’est-à-dire à se tourner de plus en plus vers le Seigneur. Les canicules, les massacres, les famines, les épidémies, les changements climatiques, nous sommes appelés à les vivre tous et chacun, à l’école de la Bible et des Apocalypses, comme des appels à la conversion, à la repentance. La “paix“ que nous espérons ne sera pas alors une utopie.

« Jésus déclara : " Prenez garde qu'on ne vous abuse…. Lorsque vous entendrez parler de guerres et de rumeurs de guerres, ne vous alarmez pas : il faut que cela arrive, mais ce ne sera pas encore la fin. On se dressera, en effet, nation contre nation et royaume contre royaume. Il y aura par endroits des tremblements de terre, il y aura des famines. Ce sera le commencement des douleurs de l'enfantement. Soyez sur vos gardes" ». (Mc 13, 5. 7-9a)


« Mais relevez la tête. Votre délivrance est proche ! ».
Oui, notre Dieu est un “Dieu de délivrance“
.
Lui seul “a les issues de la mort !“.

  1. C’est de ce passage que fut tiré le “Dies irae, dies illa…“. Autrefois, la plupart des chrétiens, même non pratiquants, se faisaient un devoir de ne pas “rater“ les enterrements ; et ils savaient par cœur, en latin, l’hymne qui retentissait dans les églises parées de tentures noires, d’autant plus épaisses que le défunt était une personne importante… ! : “Dies irae, dies illa, solvet saeclum in favilla : Teste David cum Sibylla“ (Jour de colère que ce jour-là qui réduira le monde en cendres, selon David et la Sybille !“). On attendait avec angoisse le moment où les chantres risquaient de se gripper la gorge avec le “Tuba mirum spargens sonum“ – (“La trompette jetant ses notes stupéfiantes“). Cette hymne célèbre est inspirée de la fin de notre lecture : « Sonnez du cor à Sion, donnez l'alarme sur ma montagne sainte! Que tous les habitants du pays tremblent, car il vient, le jour du Seigneur, car il est proche ! Jour d'obscurité et de sombres nuages, jour de nuées et de ténèbres! Comme l'aurore, se déploie sur les montagnes un peuple nombreux et fort, tel que jamais il n'y en eut, tel qu'il n'en sera plus après lui, de génération en génération »( Jl 2, 1-2).

jeudi 8 octobre 2009

Confiance - T.O. 27 imp. – Jeudi - (Malachie 3 – Luc 11)

Le prophète Malachie est encore un prophète postexilique (470 environ). Le temple est reconstruit ; le culte envers le “Dieu Unique“ fonctionne convenablement ; un certain équilibre, à la fois politique et religieux, s’installe peu à peu avec les nations voisines, païennes, avec plus ou moins d’opposition ou d’ouverture (on l’a vu avec le prophète Zacharie et le “Livre de Jonas“)…

Cependant les espérances que les prophètes Aggée et Zacharie avaient attachées à la reconstruction du temple ne semblent pas se réaliser comme on l’attendait ! Vient alors un découragement qui émousse la foi ! Et c’est sur ce point que le prophète Malachie réagit vigoureusement, fortement.

Ses paroles sont profitables à nous-mêmes ! Elles peuvent même nous paraître dures. Mais ce prophète nous avertit qu’avant la manifestation du Seigneur, nous aurons toujours à affronter de nombreuses oppositions qui viennent tant de l’extérieur à notre groupe de croyants, tant de l’intérieur (et oui, parfois de ceux qui croient comme nous !), tant de l’intérieur de nous-mêmes (et je dirais : surtout !).

Aussi les paroles du prophète peuvent résonner à nos oreilles : “A quoi bon servir Dieu ; à quoi bon garder ses commandements ; à quoi bon le prier ? D’ailleurs, ceux qui refusent Dieu, les “arrogants“ étalent leur jouissances sans être punis ; ils prospèrent…, alors que nous, nous menons une vie sans joie et misérable…, même si de grands malheurs ne nous atteignent pas !“.

N’est-ce pas là, parfois, nos propres réflexions ? Aussi, le prophète Malachie encourage fortement à une confiance envers le Seigneur, une confiance inébranlable. Rassemblez-vous, semble-t-il dire, exhortez-vous ! Vous savez comment notre Dieu est un “Dieu de délivrance“. Il a déjà agi envers nous (sortie d’exil, par exemple), il agit toujours et il agira ! Certes, “les pensées du Seigneur ne sont pas nos pensées“. Mais toujours il nous écoute. Toujours il écoute ceux qui lui font confiance ; il est d’ailleurs toujours à le recherche du “Juste“, c’est-à-dire, en langage biblique, à la recherche de celui qui le cherche ; il est à la recherche de celui qui désire “s’ajuster“ sans cesse à lui ! “Ils seront, n’a-t-il pas dit, mon domaine particulier pour le jour que je prépare… !“. Il sera toujours indulgent envers le fils qui le sert fidèlement. Alors, vous vous rendrez compte qu’il y a bien une différence entre le juste et le méchant, entre celui qui le sert et celui qui refuse de le servir… Oui, pour ceux qui sont fidèles, le “Soleil de Justice se lèvera !“ …

Et pour nous, chrétiens, ce “Soleil de justice“ s’est déjà levé. Cette expression “Soleil de Justice“ fut souvent appliquée au Christ, Verbe de Dieu fait homme ; elle et souvent reprise dans les liturgies des fêtes de Noël et de l’Epiphanie.

Bref, “heureux qui met sa confiance dans le Seigneur“, conclue le psaume d’aujourd’hui !

Aussi, Notre Seigneur, dans l’évangile, nous exhorte à une confiance inébranlable, à sans cesse le prier en toute confiance. Car Dieu écoute toujours. Il cherche notre bien au-delà de ce que nous espérons… Demandez et on vous donnera… Mais, il faut le savoir, il donnera surtout “l’Esprit-Saint à ceux qui le lui demande“, l’Esprit Saint qui éclairera notre intelligence, formera notre volonté et nous préparera à paraître “debout devant le Fils de l’homme“, debout avec le Christ ressuscité, toujours vivant !

Finalement, ce que Dieu nous demande, c’est exactement ce que nous demandons à nos propres enfants : la confiance ! La confiance ! Pour cela, disait Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, il ne faut surtout pas mesurer la puissance de Dieu à la hauteur de nos courtes pensées ! C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous mener à Dieu !

Et la confiance est certaine quand elle consiste à ne jamais renier dans les ténèbres ce que l’on a entrevu dans la lumière ! Elle devient alors, déjà, une expérience de Dieu ; elle est, avec la prière, un commencement de la vision éternelle. “Voir Dieu comme il nous voit maintenant !“.

mercredi 7 octobre 2009

Le “signe de Jonas“ - T.O. 27 imp. Mercredi - (Jo 4.1-11)

Avec la lecture, nous poursuivons et terminons le livre de Jonas, ce livre d’une “théologie humoristique“ à laquelle Notre Seigneur fait allusion en parlant du “signe de Jonas“.

En effet, nous avons vu la question qui se posait à propos de l’attitude du prophète Jonas lui-même au temps de Jéroboam II. Le “Livre de Jonas“ tentait déjà de répondre à cette question qui soulignait les antagonistes que nous pouvons rencontrer. Et aujourd’hui, cette question, avec la conversion des païens, de ces gens de la ville païenne de Ninive, nous projette vers une explication du “Signe de Jonas“ dont parle Notre Seigneur !

Remettons-nous dans le contexte : Jonas est de très mauvaise humeur. Mettez-vous à sa place : “Je n’ai pas cherché à être prophète ! Mais Dieu m’embauche de force ! Et même, j’ai essayé de fuir et il me ramène ! Finalement je dis ce qu’il me demande de dire. Et cela n’arrive pas. Faut savoir quand même ! C’est ma réputation qui est en jeu, même si je ne fais pas grand cas de ma fierté légitime !“. Ainsi pensait Jonas en quelque sorte.

C’est normal que Jonas se fâche ! La loi du Seigneur ne disait-elle pas : “Si ce que le prophète a dit au nom du Seigneur ne se produit pas, si cela n'arrive pas, alors ce n'est pas une parole dite par le Seigneur ; c'est par présomption que le prophète l'a dite. Tu ne dois pas en avoir peur !“ (Deut. 18.20) ? - En posant la question, le livre de Jonas marque une étape d’une théologie qui va évoluer ! On va distinguer les prophéties de bonheur et les prophéties de malheur. Si un prophète fait des prophéties de bonheur qui ne se réalisent pas, alors c’est un “farceur“ ! Mais si ce sont des prophéties de malheur qui ne se réalisent pas, c’est peut-être que les hommes s’étant repentis, Dieu n’a plus de raison d’exécuter ses menaces ! On dira même plus tard : quand Dieu fait des prophéties de malheur, c’est pour n’avoir pas à les réaliser. Dieu veut que tous soient sauvés. Il ne parle pas de l’enfer pour que l’on y aille ; il parle de l’enfer pour que l’on n’y aille pas !

Mais notre Jonas - et nous avec lui parfois - n’a pas encore compris cela ! “Mieux vaut pour moi mourir que de vivre !“. C’est la même formule qu’Elie employait sur le chemin de l’Horeb, vers Dieu !

Alors Jonas part et se s’installe, est-il dit, “à l’orient de la ville“. Cela fait penser, bien sûr, à Jérusalem et au mont des Oliviers, “à l’orient de la ville“. Il se fait une hutte. Car il est encore persuadé que le châtiment va arriver, que le feu du ciel va tomber sur la ville. Il commence donc à penser à son petit confort : il se construit une hutte pour ne pas attraper des coups de soleil, pour être bien installé afin d’assister au spectacle, à l’ombre !

Et il y a l’épisode amusant du ver qui pique le ricin à l’ombre duquel Jonas s’est installé. Le ricin dépérit. Le soleil se lève. Jonas a un coup de soleil. Il a de la fièvre. Il se fâche à nouveau répétant : “Mieux vaut pour moi mourir que vivre !“. Le Seigneur lui dit : “Tu as pitié du ricin… et moi, je n’aurais pas pitié des habitants de Ninive qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche ?“. C’est une expression qui sert à désigner habituellement les enfants qui n’ont pas l’âge de raison, ou les gens a-moraux qui n’ont jamais eu l’occasion de former leur conscience morale, qui ne distinguent pas le mal du bien. Or, dit Dieu, j’aime mon peuple, mon peuple que j’ai élu ; mais j’aime aussi les hommes de Ninive, et même leurs bêtes, et même le petit ricin… Dieu aime les païens !

Et c’est dans ce sens que Jésus va parler du “signe de Jonas“, (Cf. Mth 12.39). Dans le contexte de St Marc, Jésus traverse le lac de Galilée. Il dort dans la barque ; et c’est la tempête - la tempête que subit Jonas ! -. Il arrive en Décapole, pays païen. Et là un païen se convertit ; et il annoncera la “Bonne Nouvelle“ en ce pays païen ! Et dans l’évangile, il y a les païens de l’est (comme celui de la Décapole) et les païens de l’ouest (comme la syro-phénicienne que Jésus va rencontrer ensuite). Les païens de l’Ouest et les païens de l’Est ! Ce sont les païens du monde entier ! Et Jésus parlera des veuves de Sarepta ; or l’une d’elle était païenne ! Il parlera de Naaman, le Syrien… etc

En St Marc, Jésus est donc sur la rive des païens ; et les disciples l’accompagneront jusqu’au pied de l’Hermon, aux sources du Jourdain, à Dan, terre païenne s’il en fût ! Or c’est là que l’Eglise est fondée.

C’est un drame que Pierre, chef des apôtres, aura à résoudre quand il rencontrera le centurion Corneille, à Joppé : “Dieu vient de me faire comprendre qu’il ne fallait déclarer immonde ou impur aucun homme…“ ! (Actes 10.28).

C’est la question de tous les temps : Ouverture et approfondissement ! C’est le “signe de Jonas“ qui s’explique, qui s’explicite tout au long des siècles. A nous de comprendre ce “signe de Jonas“. DIEU AIME TOUS LES HOMMES !

mardi 6 octobre 2009

Conversion… et conversion ! – Mardi - T.O. 27 imp. - (Jo 3…-1-10)

Nous avons vu, hier, la grande question que posait le prophète Jonas au temps du mécréant roi de Samarie, Jéroboam II. “Il fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur… Et pourtant, C'est lui qui rétablit le territoire d'Israël, depuis Lebo-Hamath jusqu'à la mer de la Araba, selon la parole que le Seigneur, le Dieu d'Israël, avait dite par l'intermédiaire de son serviteur le prophète Jonas“. Voilà un “méchant“ qui est “récompensé“ ! C’est quand même le comble.
Et au retour d’exil, le livre de Jonas tente de répondre à cette question. Je trouve que ce livre est d’une “théologie humoristique“ très intéressante ! Il y a la théologie morale, mystique, dogmatique… Mais Dieu ne parle pas toujours - il faut bien le savoir - comme un professeur, un maître, mais comme un père à ses enfants. Malheureusement, la théologie humoristique ne s’apprend pas ! C’est dommage !
En tous les cas, pour cette théologie, on peut reprendre la dernière phrase de notre lecture : “Qui sait, dit le roi de Ninive, si Dieu ne se ravisera pas, s’il ne reviendra pas de l’ardeur de sa colère, de sorte que nous ne périrons pas ?“. En voyant leur attitude et comment ils se détournaient de leur route mauvaise, Dieu renonça au châtiment dont il les avait menacées.
Rappelons-nous : l’époque en laquelle ce livre s’inscrit, c’est l’époque d’Esdras, de Néhémie… Ces prophètes sont inspirés pour faire une politique de préservation de l’identité du peuple élu. Au retour d’exil, le peuple est faible - c’est seulement un petit reste qui est revenu -. Face aux difficultés de réinsertion en Palestine, certains Juifs ont tendance à se replier sur eux-mêmes comme pour mieux défendre leur identité. C’est fréquent, cela ! C’est une tentation permanente : face à un danger, à une crise, on a tendance à se recroqueviller ! Ainsi, à l’époque de la rédaction du livre, on expulse les femmes étrangères (avec leurs enfants) pour ne pas être contaminé par leurs religions…, on multiplie les règlements pour se mettre à l’abri des influences étrangères… Autrement dit, faut-il s’ouvrir au monde - ce monde toujours mauvais - ou s’en éloigner ? Question permanente en temps de crise !
Il faut remarquer, il faut savoir que Dieu s’arrange toujours pour que sa Révélation se fasse par des courants antagonistes. Notre myopie spirituelle les croit totalement opposés, alors qu’avec Dieu, ils sont assez convergents (c’est son humour !). Ainsi : faut-il s’ouvrir aux païens ou les repousser ? Notre manque de foi et d’intelligence demande une réponse catégorique : Oui ou non ? Or, peu à peu, la Providence nous amène à un niveau où l’intelligence de la foi s’élève à un niveau supérieur…, et souvent avec beaucoup d’humour !
Soyons clairs : nous avons eu, nous avons toujours le problème des “intégristes“ et des “progressistes“. Et nous n’arrivons pas facilement à le résoudre. Mais Dieu, dans sa bonté, dans sa providence, nous fait peu à peu comprendre qu’il ne s’agit pas d’être “intégristes“ ou “progressistes“, mais qu’il s’agit d’être tous des “progressants“ !
Ainsi, à l’époque de retour d’exil, Dieu suscite un tout petit prophète, - l’auteur du livre de Jonas - pour affirmer que même aux païens, Dieu envoie un missionnaire - “nolens, volens“ - pour qu’ils se convertissent, tandis qu’en même temps le peuple est appelé à approfondir sa fidélité au Dieu Unique au milieu d'un environnement païen ! Il faut donc approfondir nos convictions (de foi) ! Certes ! Et, ce faisant, on en arrivera, en même temps, à mieux s’ouvrir aux autres !
On a beaucoup à apprendre de ce livre de Jonas, car nous sommes tous aux prises avec des courants antagonistes à l’intérieur de nous-mêmes et à l’extérieur. Avec ce prophète du livre de Jonas, demandons au Seigneur de nous aider à résoudre cette question. Au fond, nous avons tous besoin de la conversion que prêche Jonas : que les païens puissent ce convertir à sa parole ; et qu’à cette même parole, les fidèles à Dieu approfondissent leur relation de foi avec lui. Et je le crois facilement : dans la mesure où nous serons de plus en plus en union avec le Seigneur, par la prière et nos pratiques diverses, le monde s’élèvera vers Dieu.
N’est-ce pas un tout jeune homme - Guy de Larigaudie - qui insistait à la suite des Pères de l’Eglise : “Plus une âme s’élève vers Dieu, plus le monde - ce monde païen - s’élève vers lui !“. Alors, à chacun de prendre ses responsabilités ! C’est sans doute en cela que réside la réponse à nos diverses questions qui semblent opposées !

lundi 5 octobre 2009

JONAS - T.O. 27 imp. Lundi - (Jo 1…-2.11)

Jonas est l’un des plus beaux livres de la Bible dont on s’est malheureusement beaucoup moqué à cause de la fameuse baleine. [Mais dans le texte, il n’est pas question de baleine, mais d’un gros poisson ! De plus, la baleine a un petit gosier, même si elle a une grande gueule !] Il s’agit d’un poisson à la “Jules Verne“, si vous voulez. Et dans la mentalité biblique, la mer recèle les “monstres du mal“, tel Léviathan…

Il faut distinguer trois plans :
  1. Il y a le Jonas historique.
  2. Il y a le livre de Jonas.
  3. Il y a le signe de Jonas dont il est question dans l’évangile.

Le “Jonas“ historique a droit à quelques verset seulement dans le 2ème livre des Rois : “La quinzième année du règne d'Amasias, roi de Juda, Jéroboam (II) ,fils de Jéroboam (I) devint roi à Samarie pour quarante et un ans. Il fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur… C'est lui qui rétablit le territoire d'Israël, depuis Lebo-Hamath jusqu'à la mer de la Araba, selon la parole que le Seigneur, le Dieu d'Israël, avait dite par l'intermédiaire de son serviteur le prophète Jonas, fils d'Amittaï...“.

“Il fit ce qui déplait à Dieu“. Et pourtant, bien qu’il soit pécheur, “il recouvre le territoire d’Israël depuis l’entrée de Hamath (Nord) jusqu’à la mer de la Araba (Sud)“. C’est très curieux cela. Et c’est la grande question sous jacente à tout le psautier et qui demeure en nous. C’est le problème de la rétribution qui est mis en cause : voilà un “méchant“ qui est “récompensé“, en quelque sorte ! Bien plus, cette “récompense“, si je puis dire est annoncée “par l’intermédiaire du prophète Jonas“ qui était de Gath-Héfer (bourgade, près de Nazareth).

On ne sait donc pas grand-chose de ce prophète Jonas, sinon ce passage assez curieux : il prédit à ce mécréant Jéroboam II qu’il sera récompensé en recouvrant le grand territoire du Nord jusqu’au sud. Question permanente !

Le livre de Jonas - écrit plus tard, au retour d’exil - veut répondre en partie à cette question…. (Nous le verrons surtout à l’occasion du texte de Mercredi).

En tous les cas, ce livre de Jonas, très court, fait mille allusions à des textes déjà connus, à des circonstances comme celle du temps du prophète (le problème de la rétribution), à des réflexions, des questions de tout temps.

- “Ninive la grande ville“. A cette époque du retour d’exil, la grande ville de Ninive avait disparu, anéantie par le roi des Mèdes (personne n’est dupe… On le sait bien !).

- “leur méchanceté est montée jusqu’à moi !“. C’est le langage que l’on a trouve à propos de Babel, de Sodome et Gomorrhe. Donc Ninive, c’est le mal par excellence, la ville du péché ; c’est l’Egypte, le pays du mal, dont les Juifs sont sortis ; c’est l’exil ; ce sont tous les maux, nos maux, à nous !

- “Tarsis“ (Peut-être vers l’Espagne actuelle). C’est comme si un prophète que Dieu enverrait aujourd’hui à Moscou, prenait l’avion pour New-York ! On veut fuir…, fuir toujours… ce que Dieu demande !

- “Il descendit“ : C’est un mot très important. Jonas ne fait que descendre : il descend à Jaffa ; il descend dans le bateau ; il descend au fond du bateau ; il est jeté à la mer ; il est englouti par un poisson ; il descend dans le ventre du poisson qui descend au fond de la mer… Et c’est de là qu’il rebondit dans la vie ! D’une part, quand on se détourne de Dieu, on ne fait que “descendre“ et “descendre“ encore. Et d’autre part, du fond de cette “descente“, on “rebondit“ vers Dieu !

- Jonas reste dans le poisson “trois jours, trois nuits“ : Ce n’est pas dans notre texte d’aujourd’hui. Mais ce chiffre “3“ est bien connu dans la Bible et plus encore dans le langage chrétien.

- Dans le ventre du poisson, Jonas ne perd pas son temps. Il prie le Seigneur son Dieu ! La prière ! Comme Jésus sur la croix !

Je terminerai par là aujourd’hui : si le psautier, c’est toute la Bible sous forme de prières, on peut dire que le cantique de Jonas, c’est tout le psautier sur le schéma fondamental de la plupart des psaumes : “Je ne mourrai pas…“ - “Je vivrai“ - “Je chanterai“. Ce cantique est comme un condensé des psaumes. Je vous propose de vous y référer. C’est le cantique de la Vie ! Mais avec humour ! Dieu a parfois de l’humour, il faut le savoir !

vendredi 2 octobre 2009

Les Saints anges gardiens - Octobre

Ste Thérèse que nous fêtions hier fait une très belle transition pour notre dévotion aux anges ! En effet, elle écrivait : “Je compte bien ne pas rester inactive au Ciel. Les Anges, au ciel, ne sont-ils pas continuellement occupés de nous, sans jamais cesser de voir la Face divine, de se perdre dans l'Océan sans rivages de l'Amour ? Pourquoi Jésus ne me permettrait-Il pas de les imiter ?“

Deux choses essentielles en cette simple phrase, me semble-t-il.

- D’abord cette affirmation : les anges ne cessent “de voir la face de Dieu ; ils se perdent dans l’océan sans rivages de l’Amour“ ; ils restent fascinés par Dieu et ne cesse de crier à l’exemple de St Michel, le premier d’entre eux : “Qui est comme Dieu ?”. Ils ne cessent de répéter le « Trisagion » de la messe, “Saint, Saint, Saint, Seigneur Dieu, Maître de tout. Il était, Il est et Il vient“. - “J'entendis, dit St Jean dans l’Apocalypse, la voix d'une multitude d'Anges rassemblés autour du trône, des Vivants et des Vieillards et ils criaient à pleine voix : " Digne est l'Agneau égorgé de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l'honneur, la gloire et la louange".

Alors, demande St Thérèse : pourquoi ne pas les imiter ? En dirigeant nos pensées, nos préoccupations, toute notre vie vers Dieu. C’est souvent la grâce des plus anciens d’entre nous. N’étant plus préoccupés par les soucis du milieu de l’existence, ils peuvent se tournés vers Dieu, entièrement. Plus nous vieillissons, plus nous devons sentir, de façon vitale, que la seule préoccupation qui vaille, qui importe, c’est Dieu. Ce qui importe, ce sont les affaires de Dieu “les affaires de mon Père”, disait Notre Seigneur. Etre aux affaires du Père ! Se regarder le moins possible pour regarder Dieu. Aussi, gardons en mémoire que nous ne quitterons cette terre que pour aller vers Dieu, notre Père. Oui, selon le conseil de Ste Thérèse, il faut imiter nos anges et discerner de plus en plus la présence divine en toute notre vie.

Comment faire pour cela ? Ste Thérèse nous donne son conseil : être comme un enfant, alors même, et surtout, que l’on est très avancé en âge. Garder une âme d’enfant. “Pour faire plaisir à Jésus, il faut que nous restions bien humbles, bien petites, que personne ne fasse attention à nous... Restons toujours de tout petits enfants, tels que Notre-Seigneur le désire. Ne nous a-t-il pas dit dans l'Evangile que le Royaume des cieux est pour les petits enfants et ceux qui leur ressemblent ?” Oui, sachons être comme des enfants face à notre Père du ciel !

- Et puis, un second enseignement, selon Ste Thérèse. Les anges sont “continuellement occupés de nous”. Ils veulent notre bien, prennent soin de nous. Ils voient la face de Dieu ; et c’est en contemplant Dieu qu’ils nous voient, nous portent. Jésus nous a dit en parlant des anges qui veillent sur nous (nos anges gardiens) qu’“ils voient sans cesse la face du Père qui est dans les cieux“ ! Les anges à qui Dieu confie le cheminement des hommes sur terre gardent leur regard fixé sur Dieu ; ils voient Dieu ; ils se nourrissent de Dieu ; ils sont tout ruisselants de Dieu. Et ils nous portent dans ce “face à face“ éternel pour que, dès ici-bas, chacune de nos âmes en soit imprégnée. Aussi, répétons avec le psalmiste : “Il donne mission à ses anges de te garder sur tous tes chemins“. (Ps 91.11).

Puissions-nous les imiter, dit St Thérèse. Voir ceux qui nous entourent en Dieu, les regarder avec les yeux de Dieu. N’est-ce pas le secret non seulement d’une bonne entente, mais d’une union qui prépare celle que nous expérimenterons au jour éternel. Plus nous serons unis à Dieu, plus nos unions humaines seront fortes et apporteront les uns aux autres, les uns pour les autres, richesses extraordinaires, humaines et divines à la fois.

Retenons cette grande leçon de Ste Thérèse. Fixer toute notre vie en Dieu. C’est ainsi que non seulement nous témoignerons de la transcendance de Dieu, mais, ce faisant, nous déverserons sur nos frères, avec l’aide de Dieu, tous les biens que nous désirons tellement pour eux.

jeudi 1 octobre 2009

Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus - 1er Octobre

Hier, nous fêtions St Jérôme, qui vécut au début du 4-5ème siècle ; et aujourd’hui, Ste Thérèse de Lisieux, presque notre contemporaine, que l’Eglise a faite Docteur de l’Eglise, le 1er octobre 1997.

Ces deux saints ont en commun l’amour de l’Ecriture Sainte.“Ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ“, disait St Jérôme dont la vie a été consacrée à traduire et à commenter la Bible. Quant à Ste Thérèse, il n’est même pas sûr qu’elle n’ait jamais eu une Bible complète entre las mains. (Certains, à son époque, se méfiaient de l’Ancien Testament). Cependant elle savait beaucoup de passages par cœur et elle a écrit que si elle était prêtre, elle apprendrait le grec et l’hébreu pour écouter, plus directement qu’à travers les traductions, la Parole de Dieu.

Avec ces Saints, nous sommes dans la ligne de St Paul qui écrivait à Timothée : “Pour toi, tiens-toi à ce que tu as appris… ; et c'est depuis ton plus jeune âge que tu connais les saintes Lettres. Elles sont à même de te procurer la sagesse qui conduit au salut par la foi dans le Christ Jésus. Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice: ainsi l'homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne“.

Les programmes d’étude des Séminaires sont influencés, de plus en plus, par la prise de conscience de l’importance de l’Ecriture Sainte dans la formation des prêtres. Et désormais bien des chrétiens multiplient un peu partout leurs cercles d’étude biblique…

Mais quoique l’on en dise, l’Eglise n’a jamais oublié la Bible ! Il lui a fallu cependant lutter contre ceux qui séparent la Bible de la Tradition qui est son milieu vital et sans laquelle - l’histoire est là pour le prouver -, on peut faire dire à la Bible n’importe quoi. A ce sujet, les homélies du pape sont précieuses t ; et elles sont faciles d’accès.

C’est une grande chance (depuis Vatican II surtout), que d’avoir quotidiennement l’occasion de nous nourrir de la Bible grâce aux lectures bibliques que l’Eglise nous propose lors de l’Eucharistie. Ainsi, chaque jour peut devenir une “route d’Emmaüs“ en compagnie de Jésus qui interprète les Ecritures et nous nourrit de son Corps dans la réalité de la Présence Eucharistique. Et si certains ne peuvent participer à la messe chaque jour, ils lisent cependant les lectures bibliques du jour.

Il faut fortement y insister : il y a une grande connexion entre la Parole de Dieu (la Bible), la Tradition de l’Eglise et la Liturgie ! La Tradition (avec un grand “T“), c’est une lecture de la Parole de Dieu que nous fait faire l’Esprit Saint tout au long des siècles : “Le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit !“ (Jn 14.26). Et la Liturgie n’est finalement que le chant de la Parole de Dieu ! Parole, Tradition, Liturgie nous protègent de toute déviation subjective et alimentent notre vie spirituelle, c’est-à-dire notre union, notre relation avec Dieu !

C’est en lisant la première lettre de St Paul aux Corinthiens - surtout les chapitres 12 et 13 - que Ste Thérèse a trouvé le sens de son existence : “L’Apôtre, a-t-elle écrit, explique comment tous les dons les plus parfaits ne sont rien sans l’Amour…., que la charité est la voie excellente qui conduit sûrement à Dieu. Enfin j’avais trouvé le repos“.

C’est cet amour dont nous parle souvent l’Evangile. Un amour qui unifie tout notre être dans un élan et vers Dieu et vers nos frères tout à la fois. Dans n’importe quelle circonstance, puissions-nous dire et redire ce verset du psaume 86 : “Unifie mon cœur, Seigneur, dans la crainte de ton Nom !“ (86.11). Dans l’amour de ton Nom !

C’est cela que demande le Christ à ceux qui veulent devenir ses disciples. Ste Thérèse de Lisieux l’avait bien compris, de manière fulgurante ; Son amour de Dieu, alors qu’elle vivait enfermée en son cloître, a débordée sur le monde entier. Sa prière était orientée tout à la fois et vers Dieu et vers ses frères du monde entier. Malade, elle marchait péniblement ; mais elle marchait, faisait-elle comprendre, avec tous les missionnaires. Et c’est légitimement qu’elle est devenue “Patronne des missions“.

C’est ce message qui doit, aujourd’hui, nous percuter le cœur. La lecture nous l’a rappelé d’une certaine manière en insistant sur l’amour de la Parole de Dieu. Elle nous rappelle la place importante de la prière en notre vie chrétienne. Une vie de prière construit un rempart contre bien des dangers : “La joie du Seigneur est votre rempart !“. Que la chapelle de la Visitation devienne “un rempart“ pour tous ceux qui vivent en cette ville… et bien au-delà ! Demandons cela à Ste Thérèse !