jeudi 30 décembre 2010

Jeunesse de Dieu!

Noël – 30 Décembre (Lc 2.36sv)

Une mémoire toujours jeune

Il est certain que Anne qui était prophète, de la tribu d’Aser, le huitième fils de Jacob dont le nom signifie “Bonheur“, se trouve dans les mêmes sentiments de bonheur que ceux du vieillard Syméon : sentiments d’action de grâces, de reconnaissance pour les bienfaits de Dieu à propos de cet enfant, Jésus, “Lumière qui éclaire les nations païennes et gloire d’Israël“ … (cf. 29 Déc.).

On peut se permettre - non sans humour - une remarque amusante : si l’on regarde les personnes qui entourent Jésus depuis sa conception, on dirait que l’Ancien Testament vient en quelque sorte mourir sur les rives du Nouveau Testament !
- Oui, l’Ancien Testament se meurt : il y a Zacharie et son épouse Elisabeth “avancés en âge“ (Lc 1.7), sans espoir d’enfant… Il y a Syméon qui “n’en peut plus“ ! Il faut que l’Esprit Saint le “pousse“ vers le temple à la rencontre de l’enfant Jésus… Et puis Anne : quatre vingt quatre ans ! Rendez-vous compte ! Elle “claudiquait“ aux abords du temple dans l’espérance du salut d’Israël… Bref, il n’est question que de vieillesse…
- Au contraire, le Nouveau Testament ne parle que de jeunesse. Il y a Marie, une toute jeune fille de 14-15 ans, 16 ans tout au plus. Il y a Jean-Baptiste ; il “gambade“ déjà dans le sein de sa mère (Lc 1.41) à l’arrivée de Marie, Nouvelle Arche d’Alliance depuis sa conception (comme David dansait devant l’arche à son arrivée à Jérusalem !). Il y a, bien sûr, la naissance de Jésus lui-même… Et tout le monde parle de cet enfant. Bref, il n’est question que de jeunesse…

Il faut donc se le dire et se le redire : à la suite de Jésus, un chrétien est toujours un enfant (de Dieu) ! Un chrétien n’est jamais vieux. Un chrétien est toujours jeune dans son âme. Un chrétien reste toujours jeune. St Augustin avait raison de lancer ce slogan à la jeunesse de son temps : “Cherchez donc le Christ, jeunes gens, pour rester jeunes ! (“Quaerite ergo, juvenes, Christum ut maneatis juvenes“).

Après cette première remarque qui se veut une louange aux anciens toujours jeunes (et il y en a toujours fort heureusement, comme il y a malheureusement des jeunes qui sont vieux avant l’âge !), il est bon de remarquer que le passage de Jésus au temple est “encadré“ par cette remarque de St Luc : “Marie retenait tous ces événements et les méditait en son cœur“. (Lc 2.19 & 51).

Voilà bien la spiritualité biblique la plus fondamentale. Au lieu d’“échafauder“ des systèmes qu’on plaque sur la réalité de la vie, il vaudrait mieux s’exercer à toujours déchiffrer l’existence sous le regard de Dieu au fur et à mesure que les années se déroulent. Marie ne faisait pas autre chose. Elle “méditait en son cœur“. Si Dieu lui avait “tout dit“ à l’Annonciation, à la Présentation au Temple, “elle méditait en son cœur“ le dessein de Dieu qui se réalisait - certainement pas toujours comme elle l’aurait imaginé - dans le concret de son existence.

A nous aussi, baptisés, tout nous est dit sur notre destinée. Et nous nous mettons en route sans trop savoir les chemins que Dieu nous fera prendre pour arriver au terme que nous connaissons par la foi. Et à la suite du Christ, un jour peut venir où nous ferons, nous aussi, comme Abraham, comme Marie et tant d’autres, l’expérience, peut-être au fond même de l’absurde humainement parlant, que Dieu ne nous a pas quittés du regard. Nous serons au seuil de cette vision de Celui qui nous voit maintenant, que nous verrons “tel qu’il est“ et comme il nous voit. Et cette connaissance sera transformante : nous serons divinisés, disent les Pères de l’Eglise, s’appuyant principalement sur St Jean qui dans une jeu de mots (grecs) dit (I Jn 3.2) : “nous serons semblables à lui, puisque nous le verrons tel qu’il est “! Déjà la connaissance du Seigneur qui nous arrive, ici-bas, par les oreilles nous unit fortement à Dieu ! Alors quand arrivera la connaissance directe…, oui, nous serons comme “divinisés“ ! ! !

Oui, méditons comme Marie ! Non pas en faisant de nos souvenirs un “mémorial“ (comme un album de souvenirs), mais en “faisant mémoire“ c’est-à-dire en regardant les traces du Seigneur en notre vie pour mieux envisager notre avenir !

mardi 28 décembre 2010

Innocents !

Saints Innocents 10/A - (I Jn 5-2.2 – Mth 2.13sv)

Aujourd’hui, je devrais être un peu comme un “infans“, celui qui n’a donc pas l’usage de la parole, à l’exemple de ceux que la liturgie fête aujourd’hui, les Saints Innocents qui, comme dit l’oraison du jour, ont proclamé la gloire de Dieu non en palabrant (comme je le fais), mais en mourant ! Dès leur naissance, ils annoncent déjà l’Agneau immolé allant vers la mort comme une brebis “vouée à l’abattoir“ (Zach. 11.4),muette devant ceux qui la tondent“ (Is 53.7).
Ces petits innocents qui ont donné leur vie sans phrases, sont un exemple pour tous, pour nous disciples de St Benoît qui dit dans sa Règle : “se taire convient au disciple“ ; et “c’est dans l’obéissance qu’on embrasse la patience silencieusement“. Tant il est vrai qu’il est préférable de louer Dieu par toute notre vie que par nos paroles !

La fête d’aujourd’hui apparaît au 4ème siècle. Et le poète espagnol Prudence que notre liturgie utilise (Hymne des Laudes) ne se prive pas de louer ces “petits Innocents“, dans un style… très “innocent“ : “Salut, fleurs des martyrs qu’au seuil même du jour, l’adversaire du Christ a fauchées comme l’ouragan les roses naissantes. Vous, les premières victimes du Christ, tendre troupeau d’immolés, devant l’autel vous jouez sans façon avec la palme et les couronnes“. Et son contemporain, Paulin de Nole, les imaginait, lui, dans un bosquet parfumé du paradis ! On songe à ces petits amours que l’art antique figurait volontiers ! Peut-être que Péguy s’est inspiré de ces auteurs pour conjecturer, dans son “Mystère des saints Inno-cents“, que ces petits camarades de la promotion de l’Enfant-Jésus jouent désormais au cerceau avec lui… dans le Royaume de Dieu ! …

Quoi qu’il en soit de leur actuel bonheur céleste, Matthieu nous propose de prier pour ces mères inconsolables dont les enfants sont arrachés à leur affection d’une manière ou d’une autre : “Alors s’accomplit ce qui avait été dit par le prophète Jérémie : « Une voix dans Rama s’est fait entendre… : c’est Rachel qui pleure ses enfants et elle ne veut pas être consolée, parce qu’ils ne sont plus »“.

Une précision amusante et instructive. Le livre de la Genèse affirme bien que c’est à Bethléem que meurt Rachel (Gen. 35.17-20) et non à Rama ! Ce que confirme également le premier livre de Samuel (10.2sv). Et, par ailleurs, il est normal que l’évangéliste évoque, à propos de ces Innocents tués à Bethléem, la figure de son ancêtre Rachel qui pleure ses enfants disparus, exilés... Mais pourquoi ce texte de Jérémie situe-t-il la tombe de Rachel à Rama, à 9 km au nord de Jérusalem et non à Bethléem ? Tout simplement parce qu’il était plus facile aux tribus issues de Rachel (Manassé, Ephraïm, Benjamin) de se rencontrer en un point de conjonction de leurs territoires, à Rama justement, pour commémorer leur aïeule plutôt qu’à Bethléem, plus au sud ! Alors, en ce lieu, à Rama, on s’est permis, sans souci historique, de faire une autre “tombe de Rachel“ !

C’est dire que dans l’Ancien Testament, on attache beaucoup moins d’importance aux précisions topographiques, chronologiques qu’à la signification providentielle des événements. Ainsi, St Matthieu n’hésite pas à citer Jérémie, même si Rama n’est pas le lieu précis de la tombe de Rachel, parce que l’oracle du prophète se termine par une espérance pratiquement pascale : “Ainsi parle le Seigneur : « Cesse ta plainte, sèche tes yeux ! Car il est une compensation pour ta peine : tes enfants vont revenir du pays ennemi. Ton avenir est plein d’espérance : ils reviennent dans leur patrie… »“. Rama fut le lieu de départ des déportés (Cf Jr 40.1). Rama sera le lieu du retour des exilés. Autrement dit, signifie St Matthieu, la disparition des enfants innocents fut une cause de souffrance atroce ; mais cessons nos pleurs, car ils “reviendront“, ils reviennent déjà dans le mystère pascal du Christ qu’ils annoncent !

Dernière remarque : dans la Congrégation de Solesmes, en la fête des saints Innocents, il est d’usage que le noviciat - les “infantes“, n’est-ce pas (du moins en principe) - soit à l’honneur, durant l’office principalement (les novices prennent la place du cérémoniaire, des chantres… etc). Il est de coutume aussi qu’au dessert du déjeuner, on serve une sorte de “bouillie laiteuse“ (pas désagréable pour autant) propre aux nourrissons… Occasion de nous rappeler ce passage de l’épitre aux Hébreux (5.11sv) : “Alors qu'avec le temps vous devriez être devenus des maîtres, vous avez de nouveau besoin qu'on vous enseigne les premiers rudiments des paroles de Dieu, et vous en êtes venus à avoir besoin de lait, non de nourriture solide…“.
Je crois que nous sommes tous encore des bébés, des “infantes“. C’est pourquoi j’aurais du me taire plus tôt … Je n’ai donc fait que babiller, la parole étant toujours si ridicule face au mystère du Verbe incarné !

lundi 27 décembre 2010

Saint Jean

Saint Jean 10/A - (I Jn 1.1sv – Jn 20.2-8)

“Il vit et il crut !“ On a beaucoup épilogué sur cette phrase !
Comme Marie-Madeleine, comme Pierre, Jean voit ; mais, lui, il croit aussitôt ! Jusque-là, comme tous les disciples, il ne pensait pas que Jésus, celui dont il était l’ami puisse surgir d’un tombeau où il était descendu, pieds et poings troués, corps disloqué. Il ne pensait pas que cela fusse possible alors que les Ecritures l’avaient pourtant annoncé.

Et maintenant en une fraction de seconde : “il voit et il croit !“. Celui qui était mort est vivant, celui qu’on avait enterré est sorti par la force de Dieu ! Il est vivant ! C’était pour lui évident désormais : celui qui avait cœur et corps d’homme était non seulement ami de Dieu et des hommes, mais il était Dieu et premier homme à avoir traversé la mort elle-même. Il est le VIVANT !

Qu’est-ce qui a poussé Jean à comprendre tout de suite ? Je ne sais ! Sinon qu’il nous est dit qu’il était l’ami intime de Jésus. Les yeux de l’amour perçoivent toujours des signes qui, pour les autres, sont hermétiques. Tant il est vrai qu’aucune preuve, argumentation, catéchèse même ne donnent la foi. Il faut à la foi plus que de l’intelligence, plus que de la cohérence, même si toutes ces choses-là sont choses précieuses. Il faut à la foi de voir selon le cœur, selon l’amour, selon l’esprit ! La foi est don pour tous, mais seuls la reçoivent ceux qui s’ouvrent, ceux qui ont un cœur… qui écoute vraiment ! (1)

C’est ainsi que la foi naît un matin de Pâques. Même si beaucoup parmi nous ont été baptisés enfants, il a fallu qu’un jour il y ait un matin de Pâques, une expérience révélatrice que Dieu nous aime et qu’il aime tous les hommes pour lesquels il s’est incarné ! Une vision qui donne l’évidence que le Christ nous aime, nous libère de nos maux, de nos chaînes, de nos péchés. C’est cela la grâce de la foi ! Les uns peuvent être Jean - “il vit et il crut“ -, d’autres Marie-Madeleine, d’autres encore Pierre et d’autres enfin Thomas. Les chemins de chacun sont différents !

Mais revenons à notre question : pourquoi Jean “vit et crut“ tout en même temps ? Peut-être que la liturgie - qui loue et enseigne tout en même temps - nous donne la réponse en plaçant la fête de St Jean en l’Octave de Noël, et en nous transmettant la réflexion de l’Apôtre : Ce qui était depuis le commencement (la naissance du Fils de Dieu), - ce commencement à partir duquel il lui a été permis d’entendre, de contempler, de palper le Verbe de vie… -, ce qui était dès ce commencement affirmait déjà que la Vie s’est manifestée ! Non seulement à Pâques, mais dès le commencement !

Dans un seul regard fulgurant, Jean ramasse toute l’existence du Christ depuis sa naissance à Bethléem… Et ce faisant il comprend : il ne peut inscrire cette existence de Jésus que dans la Vie même de Dieu qui, seul, a les “issues de la mort“. Il comprend d’un seul coup le sens des Ecritures ; il fait, dans l’éclair d’un instant, l’expérience des disciples d’Emmaüs : invisiblement, Jésus lui explique dans toutes les Ecritures, à partir de Moïse et des prophètes, ce qui le concernait (Lc 24)

Cette expérience, c’est l’une des grandes lois de la pédagogie divine. Elle a été parfaitement formulée par Jean Guitton dans son livre sur Notre-Dame : “Les commencements sont toujours riches de signification, contenant déjà en germe ce qui va se développer par la suite. C’est en effet un des caractères de la conduite de Dieu sur l’Histoire de ramasser, en de certains moments critiques ou en de certains êtres privilégiés, ce qui doit, par la suite, se développer longuement, se déployer et s’expliciter. Ainsi, l’homme inquiet, asservi à l’écoulement du temps, peut jouir de ce qui n’est pas encore…“.

C’est comme l’artiste qui voit déjà toute son œuvre dès le premier coup de pinceau. Ainsi de notre regard de foi ! En contemplant Marie à Noël, nous l’apercevons non pas tellement derrière nous, mais déjà devant nous, comme elle daigne apparaître parfois, resplendissante, dans la gloire de son Fils ressuscité…
De même, Jean, en son regard de foi intense, au matin de Pâques, affirme : ce que nous avons contemplé dès le commencement, nous vous l’annonçons afin que vous expérimentiez, vous aussi, cette VIe éternelle qui est auprès du Père et qui s’est manifestée. Car le Verbe s’est fait chair ! Aussi, il ne peut être que le Vivant auprès de nous pour nous mener auprès du Père, par son Esprit.

(1) Il faut dire et redire que le “cœur“ dans la Bible, ce n’est pas tellement la sensibilité, mais cette “faculté de projet“, la faculté qui nous lance vers un avenir entrevu et par l’intelligence et par la sensibilité, par tout l’être de la personne !

dimanche 26 décembre 2010

Sainte Famille !

Sainte Famille 10/A


Joseph et Marie s'en vont, le bébé dans les bras, le baluchon à l'épaule. Les voici sur les chemins de l'exil, chemins de peur, de rêves éteints, vers un avenir incertain. Comme ces routes sont encore fréquentées aujourd'hui ! Elles sillonnent notre terre de leurs tracés d'angoisses et de misères. Des millions de personnes de tout continent : “déplacées”, déportés, exilés, réfugiés, immigrés ! Victimes du racisme, d’un système politique ou - nous le savons - d’idéologies religieuses meurtrières. Ils fuient avant qu'il ne soit trop tard pour se soustraire à la misère, à la prison, à la mort…

Joseph et Marie vivent une situation incompréhensible, douloureuse. Allez comprendre qu'Hérode menace de mort un bébé, que le tyran n'en veuille qu'à l'enfant ! Pourquoi devoir quitter sa patrie et trouver refuge en Égypte, ce pays dont Israël garde un si mauvais souvenir, terre d'esclavage et de sévices de tous genres ?

L'attente en pays étranger est toujours longue ! Et quand, Hérode étant mort, la famille envisage enfin de revenir au milieu des siens, elle doit subir comme un nouvel exil ! La crainte d'Archelaüs, nouveau chef, détourne leurs pas de la Judée vers la Galilée. Jésus dira que l'homme est sur une terre d'exil : le Royaume est encore à venir ! Et la lettre aux Hébreux le rappellera : l’homme, sur terre, n’est qu’un voyageur, un étranger ! Pour l’heure, la Sainte Famille va s'établir à Nazareth !

Remarquons que le risque est toujours grand pour un exilé de s'installer dans l'exil, qu’en lui ne brille plus la lumière de sa patrie et qu'ainsi son identité soit mutilée ! - Jésus n’acceptera pas, lui, ni l'écrasement ni la résignation. De Nazareth, il sortira pour dire qui il est véritablement : Chemin vers la Patrie, Lumière pour tout homme, Vie éternelle ! On lui rétorquera : “N'es-tu pas de Nazareth ?” L’homme veut toujours enfermer l’homme !

Il n'est ni de Nazareth ni de Bethléem, ni d'un quelconque village de cette terre. Il est, avant tout, un exilé du ciel. Et son regard s'éclaire toujours de la lueur grandissante du Royaume à venir. Aussi refuse-t-il le sort parfois tragique des exilés : l'impossibilité de faire autre chose que de plier l'échine, de se soumettre ou de fuir sans cesse. Tant qu'il n'est pas “retourné en sa Patrie, vers son Père” (d'où il vient, où il va), il annoncera la nouveauté, la jeunesse de l'homme totalement libéré avec lui, pleinement libre !

C'est de Nazareth qu'il part pour clamer les béatitudes des pauvres et des persécutés, des étrangers, il les proclame à tous les exilés de la vraie patrie ! - On dirait aujourd'hui : “Les événements de son enfance l'ont profondément marqué.” La psychologie des profondeurs traite de cela, n’est-ce pas ? Et on remonterait ainsi jusqu'à ses chemins d'exil pour expliquer ses prises de position. Si on veut ! Mais il y avait en lui quelque chose de plus puissant : il portait en lui l'espérance de tous les exilés. De toutes les servitudes, oppressions et fautes elles-mêmes, il tire l'humanité vers l'aube pascale de la liberté. Il a passé par les chemins de l'exil qui s'enfoncent jusque dans l’ombre de la mort et débouchent à la pleine lumière de la Vie éternelle !

Et cette mission doit se réaliser d’abord en toute famille sur terre, à l’exemple de la Sainte Famille ! St Paul l’a bien compris alors même que ses écrits rappellent les conditions sociales de son temps. Mais là n’est pas l’important. D’ailleurs, d'une culture à l'autre, d'une époque à l'autre, bien des choses changent dans la condition des personnes, dans le mode de leurs relations, en société comme en famille. Certaines évolutions constituent d'indéniables progrès ; pas toutes, cependant. Et pour apprécier, le chrétien, semble dire St Paul, ne doit pas commettre des erreurs de perspective. Pour l’Apôtre, il s'agit, avant tout, de rappeler quelques grands principes généraux de morale familiale. Et cette morale est théologale : elle a sa source en Dieu lui-même ! Elle doit signifier déjà et avant tout les mœurs de la nouvelle et éternelle Patrie à tous les exilés de la terre que nous sommes.

Voilà pourquoi St Paul rappelle d’abord aux chrétiens que Dieu les a choisis pour être "ses fidèles et ses bien-aimés" : ils sont déjà de la Patrie céleste !. Ceux que Dieu a aimés le premier doivent donc "revêtir leur cœur de tendresse et de bonté, d'humilité, de douceur, de patience" : en d'autres termes, ils doivent laisser Dieu modeler en eux un cœur nouveau. Le fondement de la morale familiale est donc la transformation radicale de l'homme, opérée par la grâce divine qui nous donne un Esprit, l’“Esprit de famille“, de la famille divine !
Pas de place pour la casuistique. Un seul principe : agir "comme le Seigneur", "au nom de Jésus", "dans le Seigneur". La forme des rapports réciproques peut changer dans le couple, entre parents et enfants, et ils se sont, de fait, modifiés depuis St Paul. Mais, dans toutes les situations, les principes généraux des relations "en Christ" demeurent d'actualité. "La paix du Christ", "l'unité dans la perfection" en restent les fruits précieux en toutes saisons, et surtout aux moments des difficultés. Et la Sainte Famille reste pour nous un précieux modèle, au moment des divers exils.

Comme toutes les familles, elle a connu difficultés, soucis, épreuves, elle a été soumise aux heurs et malheurs des circonstances : un édit de l'empereur et il faut partir pour Bethléem; la cruauté d'un roi et l’on doit s'enfuir; la peur de son successeur oblige à s'établir à Nazareth. En tout cela, ils s'en remettent à la Providence, à la volonté de Dieu. Et tous ces événements néfastes n’empêchaient pas les membres de cette “Sainte Famille“ de vivre dans l'action de grâce, comme dit St Paul. Et Marie, certainement, ne cessait de chanter son Magnificat, elle qui "retenait tous les événements, les méditait en son cœur" (Lc 2,19).

La fête de la Sainte Famille nous rappelle tout cela ! Et les prières de la messe non seulement demandent "la grâce de pratiquer les vertus familiales à l'imitation de la Sainte Famille" (oraison d’entrée) ; mais elles nous font supplier Dieu "d’affermir nos familles dans sa grâce et dans la paix" (oraison sur les offrandes). Sachons nous tourner vers Dieu pour qu'il accorde "à nos familles d'imiter la famille de son Fils et de goûter avec elle, après les difficultés de cette vie, le bonheur sans fin" (Post-communion).

En ce temps de Noël, il y a aussi cette antienne de la communion qui doit retenir notre attention : "Notre Dieu est apparu sur la terre ; il a vécu parmi les hommes". Autrement dit, il faut situer résolument le Mystère de la Sainte Famille dans celui de l'Incarnation. Le Fils de Dieu s'est vraiment fait homme. Il n’a pas fui les réalités humaines. Et il nous a promis d’être toujours présent : “Je suis avec vous tous les jours !“. Alors ne rêvons pas qu'il est partout présent sauf où l'on souffre et meurt, ou en terre d’exil, là, où vivent les hommes aux prises avec les réalités humaines parfois difficiles, voire cruelles. Non ! Dieu s’est fait homme. Il est là en toute circonstance humaine et surtout familiale.

samedi 25 décembre 2010

Etre là !

Noël 2010 Jour

Hier soir, avec les enfants de la paroisse et avec vous-mêmes, je me suis permis de vous transmettre tous mes vœux de Noël avec l’humour amusant d’un conte de Noël. Ils n’en étaient pas moins sincères pour autant !

Mais ce matin, il y a, dans l’évangile, une phrase exclamative qui doit fortement et sérieusement nous interpeler : “Il est venu chez les siens ; et les siens ne l’ont pas reçu !“

Pourtant, pourtant, au temps du Christ, tout le monde attendait le Messie ; Tout le monde savait que c’est de Bethléem qu’il devait venir. Pendant la grande fête de Soukkot rapportée par Jean (ch. 7), on s’interroge sur Jésus ! Est-il le Messie ? Et certains de rétorquer : “Est-ce de la Galilée que le Messie doit venir ? l’Ecriture de dit-elle pas qu’il viendra de Bethléem…“. (Cf. Michée 5.2). Et, à l’arrivée des Rois-Mages, Hérode interroge les scribes qui répondent : Mais tout le monde le sait : c’est de Bethléem que doit venir le Messie ! C’est tellement évident ! … ! Pourtant - et St Matthieu le souligne intentionnellement -, si les Scribes savent la Bible par cœur, s’ils savent, à l’avance, le lieu de la naissance du Christ…, ils ne sont pas là à la crèche de Bethléem ! Eux qui sont tout proches, ils ne se dérangent pas ! Alors que les Mages qui ne connaissent pas la Bible, ces païens, ces “akoum“, ces adorateurs d’étoiles, eux, viennent de loin et arrivent à la crèche !

Comment cela peut-il se faire ? Le peuple élu, le peuple le mieux préparé, depuis des siècles, par une spéciale pédagogie divine à la venue du Messie, n’est pas là ! Ses représentants les plus qualifiés ne se dérangent pas, restent indifférents… et seront même hostiles au Christ ! C’est toute la grave interrogation qui habitera les premiers chrétiens de l’Eglise de Jérusalem qui étaient d’origine juive ; c’est l’immense souffrance qui habitera le cœur de St Paul : “Il est venu chez les siens ; et les siens ne l’ont pas reçu !“ Mais n’est-ce pas une question permanente ? Le Messie est venu… Mais il vient toujours ! Allons-nous à la crèche où Dieu veut naître encore aujourd’hui ? Ou sommes-nous comme les scribes qui ne se dérangent pas ?

Pour répondre, regardons en ce jour la crèche, regardons, ceux qui s’y trouvent pour être leurs compagnons !

- Il y a d’abord Marie ! Bien sûr ! Evidemment ! Mais Marie, c’est celle qui est, qui sera toujours là ! Elle est là depuis les origines. Elle est là après la naissance ; elle est là à la Présentation, au recouvrment au Temple. Elle est là aux noces de Cana, le premier des signes de Jésus. Elle est là au pied de la croix. Elle est là à la Pentecôte au point de départ de la prédication apostolique, à la naissance de l’Eglise... Elle est là tout le temps ! Elle est toujours là. Et il n’est pas étonnant que l’évangéliste précise à propos des Mages : “Ils trouvèrent l’enfant avec Marie, sa mère“. - Quand on veut trouver le Christ, allons vers Marie. En empruntant, notre chapelet à la main, le cœur, l’intelligence, la sensibilité, l’intuition de la Vierge-Mère, nous arriverons à la crèche. Et Marie qui est toujours là nous fera connaître le Verbe Incarné en qui habite la plénitude de la Divinité !

- Il y a St Joseph ! Il ne dit rien, Joseph ! Mais il est là, ce grand silencieux ! On dirait que Jésus a voulu avoir près de lui, dès sa venue en ce monde, une personne qui n’avait pas besoin de dire et redire, de paraître, mais simplement d’être, d’être là, d’être comme une image de son Père céleste qui, sans cesse, EST et n’a pas besoin de paraître. Etre dans la consistance de son être… Pour parvenir un jour à être véritablement, uniquement ! Etre avec celui qui EST ! Etre avec Celui qui EST !

- Il y a l’âne et le bœuf ! On ne peut concevoir une crèche, sans un âne et sans un bœuf ! Mais d’où sortent-ils ces deux-là ? On n’en parle pas dans l’Evangile. Ils sortent du prophète Isaïe. Et comme tous les prophètes qui avaient annoncé ce qui arriverait à la plénitude des temps, Isaïe affirme d’emblée : “Le bœuf connaît son propriétaire, ete l’âne la crèche de son maître ! Israël ne connaît pas ! Mon peuple ne comprend pas !“ - “Il est venu chez les siens ; et les siens ne l’ont pas reçu !“ – Soyons un peu comme l’âne et le bœuf, ne vous en déplaise. Ils sont là, eux ! Et s’ils s’éloignent parfois, ils savent toujours retourner vers leur maître !

- Et bien sûr, il y a les bergers… nombreux ! Les bergers, toujours empressés à favoriser le bien-être du troupeau, appliqués à écarter ce qui peut lui nuire, toujours attentifs à la réalité… sont moins victimes de cette maladie dont nous sommes tous victimes : le divertissement, l’aveuglement. C’est quand Moïse était berger qu’il fait l’expérience de la rencontre, parce qu’il a été attentif à un buisson en feu qui ne se consumait pas ! Etre attentif aux événements providentiels pour être là quand Dieu passe,…

Car il s’agit de discerner la présence de Dieu. Il s’agit d’“être là“ sur la trajectoire de Dieu qui passe. Avez-vous remarqué cette toute petite phrase de St Luc à propos de Marie et de Joseph : “Alors qu’ils étaient là…“ ! Oui, il faut souligner cette incise ! “Or il advint, comme ils étaient là… !“. Et on peut deviner par ces quelques mots l’allusion à la concision de l’hébreu : “Etre là !“ - “Etre !“ - “Je suis“ - “Je suis là !“. C’est ainsi que Dieu lui-même s’était révélé à Moïse ! “Je suis !“ Il faut être, avant tout ! Et non paraître !
Il y a une phrase terrible, en ce sens, chez le prophète Jérémie et qui doit nous frapper : “Les dépositaires de la Loi, dit Dieu, ne m’ont pas connu ; Moi !“ (2.8). Encore une fois, on peut connaître la Bible par cœur et ne pas être là quand se présente celui dont toute la Bible parle ! On peut accumuler des connaissances et des connaissances et ne pas être là sur la trajectoire de “Dieu qui passe“, sous l’aspect du cheminot qui se présente, ou bien plus, du plus petit de la famille qu’on ignore, de celui que l’on croise tous les jours, indifférent… et que sais-je encore. Etre là quand Dieu passe : “comme ils étaient là… !“ Dieu passe toujours, car il est venu nous rencontrer pour nous prendre à sa suite, tels que l’on est, là où nous en sommes, à notre niveau, et nous conduire afin de voir un jour Celui qui est toujours là, de voir Celui qui nous voit sans cesse !

“Vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche !“ - “Il est venu chez les siens ; et les siens ne l’ont pas reçu !“
Est-ce que nous-mêmes, nous nous serions dérangés ? Voyons ! Dieu dans une crèche ! C’est si déconcertant ! Les promesses de Dieu se réalisent toujours, mais jamais comme notre raison raisonnante aurait pensé qu’elles devaient se réaliser. Un Dieu si déconcertant ! Je suis persuadé que même Marie a du être déconcertée, que dans sa foi, elle a dû se poser bien des questions, mais sans qu’aucune de ces questions ne devienne un doute ! Parce que “méditant sans cesse en son cœur“ paroles et événements, elle était là ! Etre là quand Dieu passe ! Il est venu ! Il vient ! Il viendra… toujours ! Etre là !

vendredi 24 décembre 2010

David !

Avent 24 Décembre fautes de David (I Sam. 7.1sv)


Je pensais ne rien vous dire ce matin ! Vous m’entendrez suffisamment et ce soir, et demain et après-demain…
Mais, à propos de la lecture que j’ai lue hier, je ne peux pas ne pas dire… un “mot“, à propos de David !

Vous savez ! Ce saint roi, avant d’être saint, a commis trois fautes graves :
- sa faute avec Bethsabée ; c’est la plus connue ;

- une seconde, moins connue, celle d’avoir fait le recensement du peuple. Il faut dire une bonne fois pour toutes : Dieu n’aime pas les statistiques (si répandues aujourd’hui !). Il n’aime pas les calculs de probabilité, car souvent, ces calculs s’opposent aux instruments de sa Providence divine. Pourquoi recenser le peuple. Ce n’est quand même pas David qui le conduit ! C’est Dieu lui-même !

- une troisième faute, celle rapportée par notre lecture. Vouloir “construire une maison à Dieu“ fut une faute ! Certes, on dira que les intentions étaient - apparemment - très bonnes, au point que le prophète Nathan fut lui-même pris au piège : “Le Seigneur avec toi !“, avait-il répondu au projet du roi. Pensez ! Construire un temple à Dieu, c’était centraliser le culte à Jérusalem - une bonne chose -, et, se disait-il peut-être et inconsciemment, c’était favoriser la rentrée du denier du culte ! Pas négligeable quand même !

Mais le Seigneur éclaire son prophète et il l’envoie dire au roi : “Ce n’est pas à toi de me construire une maison; c’est moi qui te construirai une maison !“. Toi, tu as très bien réussi économiquement, politiquement, familialement… Très bien ! D’ailleurs, c’est avec mon aide ! J’ai toujours été avec toi dans toutes tes entreprises ! Mais, rappelle-toi, j’ai toujours été de campement en campement avec le peuple, durant plus de quarante ans. Ce n’est pas maintenant que tu vas m’enfermer dans une maison“.

Que voulez-vous : Dieu aime le camping ! Il est nomade ! On ne peut pas l’enfermer comme dans une boite, si je puis dire, c’est-à-dire dans les limites de son assiette sociale ou même spirituelle. Dieu est infiniment plus grand que nos possibilités humaines. Nos réussites humaines et même spirituelles ne sont pas modèles de perfection, pour Dieu !

La perfection - et Dieu seul peut la donner en construisant lui-même une maison à David et à nous tous -, c’est la sainteté, l’union parfaite de Dieu avec l’homme, cette union qui sera réalisée parfaitement dans le Christ : “Soyez saints, parce que moi je suis saint !“ - “Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait“, dira Notre Seigneur ! C’est en suivant le Christ, “par lui, avec lui, en lui“ que Dieu nous rend parfaits ! Ce n’est pas de nos propres capacités humaines ! St Paul soulignera fortement cette exigence pour parvenir en cette “Demeure“ dont Dieu seul est l’architecte et le fondateur, dit l’épitre aux Hébreux, et qu’il nous prépare de toute éternité…

Autrement dit - et je vous laisse sur cette réflexion - : Il ne faut pas faire d’amalgame en confondant perfectionnisme et sainteté ! Ne soyons pas semi-pélagiens ou jansénistes de n’importe quel bord : le perfectionnisme n’aboutit à rien ; le perfectionnisme est une maladie spirituelle épouvantable, étant l’une des plus subtiles expressions de notre orgueil.
On n’enferme pas Dieu dans nos capacités humaines, comme David voulait enfermer Dieu dans une maison. La sainteté est une plénitude de vie divine que Dieu seul peut infuser en nous-mêmes. Certes, il faut accomplir le mieux possible ce que nous avons à faire - et tant pis si, à un certain âge, on n’y arrive plus ! -. La perfection, la sainteté nous sera donnée par une soumission entière à la volonté de Dieu sans cesse à rechercher, une dépendance absolue entre les mains du Seigneur, une dévotion exclusive à son service : “Puissiez-vous discerner, disait St Paul, quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait“, en mot-à-mot : “téleios-agathos“ : “achevé et bon“ (Rom. 12.2).

Et ce “bon achèvement“ de notre vie ne peut se faire sans le Christ. C’est pourquoi “Le Verbe s’est fait chair“. En l’anniversaire de sa venue, demandons-lui de sans cesse nous mener à l’achèvement de la vie divine en nous. C’est en ce sens que l’on peut se souhaiter : “Saint Noël !“.

jeudi 23 décembre 2010

Jean-Baptiste

23 Décembre 2010


A propos de la naissance de Jean-Baptiste, notre évangile se termine ainsi : « Tous se demandaient : “Quel sera donc cet enfant ?“ En effet, la main du Seigneur était avec lui ! ».

Je serai court aujourd’hui.
Mais je ne peux m’empêcher de vous inviter à méditer le mystère que nous allons célébrer dans deux jours à peine
avec Jean-Baptiste, ce dernier des prophètes de l’A.T.,
le descendant d’Elisée qui, au bord du Jourdain, avait fondé, avec ses frères prophètes, une “église charismatique“ si l’on peut dire…

Je ne sais si vous connaissez le tableau de la Crucifixion de Grünewald qui se trouve à Colmar.
Curieusement, Jean-Baptiste y figure
dans toute sa personnalité, me semble-t-il,
dans sa mission de dernier prophète,
de précurseur du Christ :
+ les pieds fermes sur le sol signifiant peut-être son assurance,
+ un agneau près de lui,
+ il tient en la main gauche de Livre de Loi, grand ouvert,
+ et, de son index droit hypertrophié, il désigne le Christ comme ayant accomplit les Ecritures !


Devant ce tableau, on ne peut que se remémorer les paroles de Jean-Baptiste lui-même :
“Je ne suis pas le Christ. Mais je suis envoyé devant lui ;
qui a l’épouse est l’époux ;
mais l’ami de l’époux qui se tient là et qui l’entend est ravie de joie à la voix de l’époux. Telle est ma joie et elle est complète. Il faut que lui grandisse et que moi je décroisse“ (Jn 3.25sv).

En baptisant Jésus, il avait vu les cieux “se déchirer“, dira St Marc (1.10), faisant allusion à Isaïe.
Il entend la voix du Père…
Il comprend sans doute que le Messie, par le baptême de pénitence qu’il confère, vient, en se mêlant à la foule des pécheurs, ramasser le monde entier pour le libérer : il est “l’Agneau qui porte le péché du monde“ !


Que Jean-Baptiste nous aide à mieux comprendre les Ecritures !
Qu’il nous aide à mieux suivre l’Agneau immolé pour nous !
Qu’il nous donne son assurance pour témoigner, comme lui, du Christ, Dieu fait homme, mort et ressuscité pour nous, afin de nous introduire auprès du Père !

mercredi 22 décembre 2010

Naissance miraculeuse

Avent 22 Décembre Naissance miraculeuse (I Sam. 1.24sv)

(Pour mes lecteurs “web“ : je me permets de reprendre ce que je disais l’an dernier, mais avec modifications…).

Avant la Vierge Marie, une autre femme de la Bible chante un “magnificat“ en reconnaissance pour le Dieu Vivant qui se fait connaître dans l’Histoire par ses merveilles… ; non seulement par les délivrances qu’il opère en faveur de son peuple, mais aussi quand il mérite de nom de “El Shaddaï“ : quand il agit par les naissances miraculeuses les plus déconcertantes. (“Shad“, c’est le sein maternel que tête le nourrisson. Le Nom divin “El Shaddaï“ est décerné à Dieu quand il est question des merveilles qu’il opère dans le domaine de la génétique, si je puis dire…, quand il est question des “naissances miraculeuses“ !) (1)

La scène se passe à Silo qui, avant Jérusalem, fut “le lieu que Dieu avait choisi pour y faire habiter son Nom“. L’arche d’Alliance y séjourna après le passage du Jourdain. A cause de la présence de l’Arche justement, c’est à Silo qu’on se rendait en pèlerinage comme le fit Elqana, l’éphraïmite, avec ses deux femmes dont l’une qui était stérile était persécutée par l’autre qui était féconde. (Excusez-moi : une histoire de femmes !)

Anne prie en pleurant. Comme ses lèvres remuent sans qu’aucune parole ne sorte de sa bouche, le vieux prêtre Eli, la croit ivre et l’envoie promener avec rudesse : “Va cuver ton vin !“. Anne arrive quand même à lui expliquer qu’elle ne fait qu’épancher son âme devant Dieu ; et le prêtre, alors, lui fait espérer que sa prière sera exaucée ! Ce qui arrive, de fait !
A lieu alors une présentation au temple. Anne ne se sépare de son enfant qu’après le sevrage qui, si l’on en croit d’autres passages de la Bible, pouvait durer trois ans. (2)

Anne est reconnue par le vieux prêtre Eli. Elle lui rappelle sa prière : “C'est pour cet enfant que j'ai prié, et le Seigneur m'a concédé ce que je lui demandais. A mon tour, je le cède au Seigneur. Pour toute sa vie, il est cédé au Seigneur ".
L’enfant reste donc au temple ! Le vieil Eli a du mal à comprendre que les enfants peuvent très tôt rencontrer Dieu sans que personne ne puisse les aider à déchiffrer leurs expériences. Autrefois, toutes les images de première communion représentait le petit Samuel auprès de l’Arche, tout en prière. Par trois fois, Eli le renvoie. Enfin il lui dit : la prochaine fois, tu diras : “parle, Seigneur, ton serviteur écoute !“.

Samuel sera, par la suite, à la transition entre la période des Juges et celle des prophètes.

Et si vous lisez, comme nous y invite la lecture d’aujourd’hui, les trois premiers chapitres du premier Livre de Samuel, vous rejoindrez St Luc dans la rédaction qu’il fait de l’enfance de Jésus jusqu’à la présentation et le recouvrement au temple… et votre prière du rosaire en bénéficiera !

Er puis, surtout, vous pourrez demander d’avoir une âme qui écoute comme le petit Samuel. “Shamma’El“ : Dieu a écouté ma prière, avait dit Anne lors de sa naissance ; et elle l’appela donc Samuel. Et l’enfant, très tôt, reçut la grâce d’“avoir un cœur qui écoute“, comme le demandait le roi Salomon (I Rois 3. 9), comme le conseillait St Luc : “Faites donc attention à la manière dont vous écoutez“ (8.18). En ce domaine et en ce temps qui approche de Noël, n’est-ce pas Marie qui peut nous aider à écouter véritablement le Seigneur : “Ma mère et mes frères, disait Jésus, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique“ (Lc 8.21). Marie n’était que “écoute“ du Verbe de Dieu en elle !

Aussi pour terminer, je me permets de vous transmettre mon oraison de neuvaine pour ma profession solennelle (3) :
Verbo tuo, Domine, Spiritus Sanctus aurem servi tui et cor aperiat,
eumque per illam ad te ducet viam, suis splendoribus décoratam,
per quam Unigenitus tuus ad nos usque descendit.
Qu’à ton Verbe, Seigneur, l’Esprit-Saint ouvre l’oreille et le cœur de ton serviteur,
et qu’il le conduise jusqu’à toi par cette voie ornée de ses splendeurs,
par laquelle ton Fils Unique descendit jusqu’à nous.

Que Marie nous aide à recevoir de plus en plus le Seigneur ! Bon Noël, déjà !

(1) L’appellation “El Shaddaï“ revient le plus souvent dans la Genèse lorsqu’on parle de Sara et d’Isaac et de la fécondité des patriarches. (Cf. Gn 17.1 ; 35.11 ; 25.3 ; 43.14 ; 48.3,18 ; 49.25).

(2) Cf. le beau texte de 2 Macc 7.22sv : "Je ne sais comment vous êtes apparus dans mes entrailles ; ce n'est pas moi qui vous ai gratifiés de l'esprit et de la vie, et ce n'est pas moi qui ai organisé les éléments dont chacun de vous est composé. Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé l'homme à sa naissance et qui est à l'origine de toute chose, vous rendra-t-il dans sa miséricorde et l'esprit et la vie, parce que vous vous sacrifiez maintenant vous-mêmes pour l'amour de ses lois".
Antiochus se crut méprisé et soupçonna un outrage dans ces paroles… Il fit approcher la mère et l'exhorta à donner à l'adolescent des conseils pour sauver sa vie… Elle se pencha donc vers lui et lui dit : " Mon fils, aie pitié de moi qui t'ai porté dans mon sein neuf mois, qui t'ai allaité trois ans, qui t'ai nourri et élevé jusqu'à l'âge où tu es… ".

(3) Chaque moine “invente“, la plupart du temps, une oraison à cette occasion. J’avais des idées. Mais, ce fut l’un de mes frères, bien plus latiniste que moi, qui la mit en forme !

lundi 20 décembre 2010

Prophète de la foi !

Avent 20 Décembre – Isaïe, prophète de la foi ! (Is 7.19-14)

Il faut souvent invoquer Isaïe ! C’est le prophète de la foi ! Pour ce grand prophète, la maladie dont nous souffrons tous sans exception, c’est ce divertissement dont parlait Pascal et qu’Isaïe appelle l’aveuglement. C’est ainsi qu’il commence son livre :
“Le bœuf connaît son possesseur, et l’âne la crèche de son maître. Israël ne connaît pas ; mon peuple ne comprend pas !“.

Et sur ce point, nous sommes tous, plus ou moins, aveugles. Nous avons tous à demander le miracle de l’aveugle-né, à la piscine de Siloë alimentée par la petite source de Gihon où se tenait facilement Isaïe. Oui, c’est nous-mêmes qui sommes appelés à nous interroger. En ce domaine, il est malsain de projeter, transférer les causes de nos malaises sur les autres… Nous avons assez à faire avec nous-mêmes !

Il faut savoir qu’Isaïe commence son ministère alors qu’il y a une coalition du roi de Syrie et du roi d’Israël (royaume du Nord) contre Jérusalem. Alors, à Jérusalem, tout le monde tremble !
“On annonça à la maison de David : "Aram a fait halte sur le territoire d'Éphraïm." Alors son cœur et le cœur de son peuple se mirent à chanceler comme chancellent les arbres de la forêt sous le vent“ (7.2).

Alors Dieu envoie Isaïe :
“ Sors au-devant d'Achaz, toi et Shéar-Yashub ton fils, vers l'extrémité du canal de la piscine supérieure, vers le chemin du champ du Foulon. Tu lui diras : Prends garde et calme-toi. Ne crains pas et que ton cœur ne défaille pas…“
Oui, Isaïe nous enseigne la foi qui nous pousse à nous enraciner en Dieu seul, pleins de confiance !
“Que ton cœur ne défaille pas devant ces deux bouts de tisons fumants à cause de l'ardente colère de Raçôn d'Aram et du fils de Remalyahu… Ainsi parle le Seigneur Dieu : Cela ne tiendra pas, cela ne sera pas… !“ - Mais “si vous ne croyez pas, vous ne vous maintiendrez pas“. (1)

C’est dans ce contexte que Dieu fait dire à Isaïe ce que l’on a appelé la “prophétie de l’Emmanuel“ - notre texte d’aujourd’hui - :
“Voici que la jeune femme (la “Vierge“, selon la tradition juive des LXX) concevra, elle enfantera un fils et on l’appellera Dieu “Emmanuel“, c’est-à-dire : “Dieu avec nous !“.

Alors qu’en le désarroi, “la maison de David“ est porté à faire alliance avec les superpuissances, l’Egypte ou l’Assyrie symbolisées par le Nil et l’Euphrate, Isaïe, lui, se poste près d’une petite source “vers l'extrémité du canal de la piscine supérieure, vers le chemin du champ du Foulon“, la source de Gihon qui coule d’en bas de Jérusalem toute proche, et qui féconde les terres qu’elle rencontre. Isaïe semble dire : cette petite source qui sort de la ville que Dieu a choisie pour y faire habiter son Nom - qui n’a rien pourtant de comparable avec le Nil et l’Euphrate - symbolise cette présence divine qui est toute la force de Jérusalem !

Alors que tout le monde tremble, a peur, est prêt à se compromettre dans des alliances avec l’étranger, Isaïe forme une “école de la foi“ ! Ce qu’attestent les versets qui suivent :
“Enferme un témoignage, scelle une instruction au cœur de mes disciples. J'espère dans le Seigneur qui cache sa face à la maison de Jacob, et je mets mon attente en lui. Voici que moi et les enfants que le Seigneur m'a donnés, nous devenons signes et présages en Israël, de la part du Seigneur Tout-Puissant qui habite sur la montagne de Sion“. (8.16 sv).

Alors, par cette foi dont témoigne fortement Isaïe, il y a une délivrance qui s’inscrit dans toutes les délivrances et qui se traduit par un cantique merveilleux :
“Voici le Dieu de mon salut : j'aurai confiance et je ne tremblerai plus, car ma force et mon chant c'est le Seigneur ; il a été mon salut. Dans l'allégresse vous puiserez de l'eau aux sources du salut. Et vous direz, en ce jour-là : Louez le Seigneur, invoquez son nom, annoncez aux peuples ses hauts faits, rappelez que son nom est sublime. Chantez le Seigneur, car il a fait de grandes choses ; qu'on le proclame sur toute la terre“. (12.2sv)
Texte qui rappelle le langage de l’Exode et qui se prolongera dans toute la Bible (ex. ps. 46) jusqu’à l’Apocalypse :
“Et je vis comme une mer de cristal mêlée de feu et ceux qui ont triomphé de la Bête, de son image et du chiffre de son nom, debout près de cette mer de cristal. S'accompagnant sur les harpes de Dieu, ils chantent le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l'Agneau : " Grandes et merveilleuses sont tes oeuvres, Seigneur, Dieu Maître-de-tout ; justes et droites sont tes voies, ô Roi des nations“. (Apoc. 15.2-3).

Oui, en ce temps de l’Avent, prions Isaïe, ce prophète de la foi, en contemplant Marie, “la Vierge qui enfante“ et qui nous présente son Fils ! Finalement, Isaïe nous dirait facilement : La foi est grosse de toute une expérience de Dieu ! Faisons avec lui cette expérience !

(1) “Si vous ne tenez pas fermes (dans la foi), vous ne serez pas affermis !“. - “Ferme“ – “affermis“ : mots dont la racine donne “amen“, comme on l’a vu !

dimanche 19 décembre 2010

St Joseph

4e Dimanche de l’Avent 10-11/A

«Voici quelle fut l’origine ( la “Genèse”) de Jésus Christ.
Qui dit “Genèse” dit “commencement”. C’est le grand mot solennel du “commencement“ du monde, dans le livre de la Bible. Jésus, au moment où il s’insère dans l’histoire humaine, est le véritable “commencement”, le “commencement et la fin”, de toutes choses, de tout être, de chacun de nous. “Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute la plénitude…“ (Col 1.19). C’est en son commence-ment que nous avons notre origine et notre fin. Il nous faut donc faire très attention à cette “histoire humaine“, à ce “commencement“ humain du Fils de Dieu. Et aujourd’hui, puisque l’évangile nous y invite, méditons avec Joseph, ce grand inconnu dont on ne parle que très peu et qui est pourtant une grande figure de l’Avent.

«Marie avait été accordée en mariage à Joseph.»
Ah ! Cette histoire humaine de Joseph ! Ce fut, c’est toujours un sujet de plaisanteries faciles. Pauvre Joseph considéré comme “naïf“ et “victime“ ! C'est vraiment se moquer de l'Evangile et ne rien comprendre à cette union admirable entre Marie et de Joseph. C’est cette union conjugale qui est la “genèse”, le “commencement” et qui doit être le modèle de tous ceux qui s’unissent chrétiennement !
Cette union entre Marie et Joseph fut, sans conteste, celle qui “au commencement“, à “la plénitude des temps“ a le plus marqué l'histoire universelle…, celle qui a été la plus “féconde“ de toutes les unions. Puissent tous les couples invoquer et prier Marie et Joseph !
Donc, au départ, au “commencement”, il y a ce couple, ces deux Jeunes, entre 15 et 20 ans probablement, qui font ensemble ce merveilleux projet de devenir époux.

«Or, avant qu'ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme “juste“, ne voulait pas la dénoncer; il décida de la répudier en secret.»
Voici la deuxième phase : un projet qui semble brisé... une crise apparemment grave comme l’on dit, quand Joseph apprend que sa fiancée est enceinte. Il faut comprendre la souffrance affreuse qui se cache derrière la sobriété de l'Evangile ! En cette situation, Joseph “décide“ de ne pas épouser Marie. Et cette “décision“, est celle d'un homme “juste“.

De multiples interprétations ont été données de cette “justice“ de Joseph.
+ St Justin pense que Joseph, pas suffisamment informé, est juste parce qu'il veut appliquer la Loi (Cf. Deut 22/23). Mais peut-on penser que Joseph ait eu un soupçon d'adultère puni par la Loi ?
+ St Jérôme, lui, conclut que Joseph est “juste“ parce qu'il veut “renvoyer Marie en secret“. Mais, là encore, est-il juste d'abandonner à son sort une innocente ?
La seule solution à cette question est suggérée par le texte lui-même..., comme très souvent. En effet, avant même d'exprimer le débat psychologique de Joseph, Matthieu, très clairement, suppose connue la “conception virginale“ de l'enfant : “enceinte par l'action du Saint-Esprit“. Il est donc vraisemblable que Marie avait fait la confidence à son fiancé. De plus, le doute n’a pas effleuré Joseph : il connaît trop bien Marie, sa totale soumission à Dieu, sa pureté, sa sainteté… Le moindre soupçon serait infamant, non pas pour Marie, mais pour le soupçonneux, comme cela arrive souvent. La douleur de Joseph ne vient donc pas de là.

Joseph est “juste“ par un sens aigu du mystère, c’est-à-dire de Dieu qui se rend présent à l’homme. Dieu a fait de Marie son bien, pour un dessein qui passe toute vue humaine.
Devant Marie, devant l’œuvre de Dieu en Marie, Joseph a le recul sacré de tous ceux qui prennent conscience de leur indignité, comme les justes de l’A.T. : “Je suis un homme indigne“ disent souvent ceux que Dieu appelle à une mission…, ou comme Pierre : “Retire-toi de moi, parce que je suis un pécheur“. Quel rôle pourrait-il jouer Joseph, là où Dieu est le grand Acteur ? Et, comprenant alors que cet enfant vient de Dieu, il ne veut pas s'arroger des droits sur cet enfant qui n'est pas le sien... Il reconnaît, obscurément, la “paternité“ de Dieu ; il ne doit pas, lui, Joseph, passer avant Dieu. Aussi doit-il renoncer à son projet de couple. Comme Abraham qui se sacrifie à Dieu, Joseph est “juste” : il décide de se sacrifier. Sans doute pouvons-nous trouver là le motif de l’attitude permanente de Joseph : le silence, un silence qui adore…

«Il avait formé ce projet, lorsque l'“Ange du Seigneur“ lui apparut en “songe“, et lui dit : “Joseph, Fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse...“.
C'est donc Dieu, lui-même, qui intervient pour modifier le projet de Joseph. Et pour souligner l'aspect “religieux“, “divin“, de cette nouvelle décision de Joseph, Matthieu coule sa “révélation“ dans le “genre littéraire“ bien connu des “annonciations“ : “L’ange du Seigneur lui apparut…“.

Et quand Dieu intervient, souvent il ne demande pas autre chose que ce que l’on voulait faire, mais de la faire autrement. Joseph avait donc décidé de “renvoyer“ Marie, de renoncer à être le “père“ de l'“enfant conçu en Marie“. Et Dieu agit pour lui comme pour son grand ancêtre dans la foi, Abraham : ce Père des croyants, en acceptant de sacrifier son fils Isaac, reçoit finalement ce fils comme un “don de Dieu“ (Gen. 22). De même, à Joseph qui vient de renoncer à un fils, l'ange de Dieu lui demande de le recevoir autrement, comme un “don“ dans la foi. Ce fils auquel il a renoncé “selon la chair“, il va le recevoir comme “fils de la promesse“ (Cf. Gal. 4/23.28).
Et Joseph comprend parfaitement ce qui arrive en Marie :
- Sa maternité virginale est le signe du mystère de ce Fils qu’il reçoit de Dieu, du Dieu trois fois saint !
- Elle est le signe de la toute-puissance de Dieu à qui “rien n’est impossible“. Le salut, la vie, ne vient pas des capacités humaines, mais de Dieu, par son Esprit Saint “qui est Seigneur et qui donne la vie“. Aussi l’Evangéliste ajoute :

«Certes, l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint. Mais elle mettra au monde un fils auquel tu donneras le nom de Jésus.»
Non seulement Joseph n’a pas à s’effacer, mais au contraire, il doit collaborer à l’œuvre de Dieu. Dieu a besoin de lui. Dieu lui confie un double rôle : - “prendre chez lui Marie“; - et “donner le nom à l'enfant“.

Décidément, Joseph n'a rien de ce personnage pâlot et passif qu'on lui attribue parfois.
- C'est un vrai “juste”, c’est-à-dire un homme qui s’ajuste à Dieu.
- Un croyant à qui il est demandé une “foi“ à la mesure de l'événement fantastique qui se prépare.
- Et, ajoutons, un “époux“ en parfaite communion avec la foi de son “épouse“.
Aujourd'hui, la psychologie moderne insiste sur la notion de “co-responsabilité”. Marie et Joseph vivent une vie de couple extraordinairement uni : ils “dialoguent“, mais au niveau le plus profond, cherchant l'un et l'autre la volonté de Dieu, adoptant la même attitude... qui est de dépasser les vues simplement humaines, pour croire à un avenir que Dieu ouvre devant eux. Et ceci, malgré la les apparences contradictoires…
- Ainsi, dans nos vies, il arrive qu'une situation contraignante, inattendue qui semble tout briser, soit, en fait, l'appel à un nouvel accueil de la volonté de Dieu. Mais c'est dans la nuit de la foi... comme en un “songe“ nocturne, à l’exemple de Joseph.

«Quand Joseph se réveilla, il prit chez lui son épouse et il ne la «connut» pas jusqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils auquel il donna le nom de Jésus.»
Nous retrouvons maintenant, enfin, le projet de ce couple qui voulait se former au début du récit (“Marie accordée en mariage à Joseph“)..., ce projet un instant brisé... et qui se noue maintenant, mais tout autrement que prévu (“sans qu'il la connût“).
Ce texte est d'une clarté aveuglante, comme tout ce qui est divin : Joseph, par décision divine librement consentie dans la foi, reçoit une vraie paternité sans relations charnelles. Tout cela est mystère, comme Dieu est mystère, comme la “Création“ est mystère, comme la “Résurrection“, comme l'“Eucharistie“ est mystère. Dieu est tellement grand ! Immensément !

On retrouve, là, cette grande réflexion faite à Sara et à Marie : “Y-a-t-il une chose trop prodigieuse pour le Seigneur ?“ (Gen 18.14), car “rien n’est impossible à Dieu !“ (Lc 1.37).

samedi 18 décembre 2010

"Justice !"

Avent 18 Décembre – “Justice“ (Jr 23.5-8 - Mth 1.18sv)

Notre évangile, en cette année liturgique A, sera repris demain, 4ème Dimanche de l’Avent. C’est une occasion de totalement nous confier à Notre-Dame, afin de toujours mieux préparer - et davantage au fur et à mesure des années - la venue du Christ, l’“Emmanuel“, en nos vies.

St Augustin disait avec raison que si Marie a eu l’immense privilège de recevoir le Fils de Dieu en son corps, c’est qu’elle l’avait déjà reçu en son cœur, en sa vie ! Elle l’avait accueilli en écoutant parfaitement la Parole de Dieu, le “Verbe de Dieu“ qui devait prendre chair en elle. Nous aussi, nous pouvons écouter… - “Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique“ (Lc 8.21) - …nous pouvons écouter le Verbe de Dieu venu parmi les hommes pour être “Résurrection et vie !“ (Jn 11.25).

Oui, le “Verbe de Dieu“ désire toujours se manifester comme il s’est manifesté à Marie, à Joseph. … Non pas seulement entendre, n’est- ce pas, comme certains aiment avoir une “musique de fond“ comme on dit, tout en faisant autre chose… Non ! Pas seulement entendre, mais écouter véritablement, et ce d’autant, comme disait Mgr Vladimir Ghika - ce prince et prélat roumain, martyr de la dernière guerre, ce grand spirituel que j’aime à citer parfois -, … d’autant, disait-il, que Dieu “aime parler très bas“ comme pour une confidence à chacun de nous adressée !
Oui, quand Dieu parle, tout doit se taire ! Que Marie, si souvent silencieuse, nous aide à méditer en notre cœur événements et paroles que Dieu nous envoie !

Marie “mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus. C’est lui, dit l’ange à Joseph, qui sauvera son peuple de ses péchés !“.
C’est ce qu’affirme également Jérémie dans la lecture. Notre passage fait partie d’une collection d’oracles divers dont la conclusion est celle-ci : “Le Seigneur annonce qu’il prépare pour son peuple des pasteurs ou plutôt - et c’est notre texte - un pasteur qui sera comme l’incarnation de la justice divine puisqu’on lui donnera comme nom : “Le Seigneur est notre Justice !“.

Mais qu’est-ce donc que la “Justice“ de Dieu ?
Disons tout net que Dieu est juste non pas parce qu’il punit les méchants et récompense les bons - pensée un peu simpliste d’ailleurs -, mais bien davantage parce que, sans cesse, il appelle son peuple, il nous appelle à la sainteté : “Soyez saints, parce que moi je suis saint !“ (Lv. 11.45). Oui, “Dieu veut nous communiquer sa sainteté !“ (Heb 12.10). Et il se donne à nous pour que nous nous donnions à Lui afin d’être, un jour, véritablement “à son image et ressemblance“, comme il nous a toujours voulus au matin de la création, tels qu’il nous veut au matin de la re-création qu’est la Rédemption dans le Christ.

Aussi, toute la vie ici-bas n’est finalement qu’un noviciat plus ou moins long qui nous permet de nous “ajuster“ à Dieu. Voilà la justice de Dieu en son fondement, justice qui peut nous être accordé par le Christ : “Celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu l’a, pour nous, identifié au péché afin que, par lui, nous devenions justice !“ (2 Co. 5.12).


Certes on pourra, ici-bas, monnayer la justice de différentes façons : justice sociale, justice distributive, justice commutative… et que sais-je encore. Mais comme l’a affirmé le pape Benoît XVI dans sa première encyclique : toutes les formes de justice ne peuvent atteindre leur perfection sans la charité. Car le Dieu juste est un Dieu d’amour.

vendredi 17 décembre 2010

Généalogie

Avent 3 Vendredi – 17 Décembre - Généalogie (Mth 1.1sv)

Cette longue suite de noms qui marque, selon St Matthieu, les origines de Jésus me reporte, avec humour - veuillez m’en excuser -, à mon enfance, à ces réunions familiales chez l’une de mes tantes qui, à chaque fois, immanquablement, faisait mention, par exemple, d’un arrière-cousin - à la mode de Bretagne s’il vous plaît -, lui-même arrière-petit-fils d’un arrière-grand-oncle dont l’une de ses filles s’était mariée à un homme dont le frère s’était lui-même uni à l’arrière-cousine de l’arrière-cousin en question… Ces parcours dans les labyrinthes phylogénétiques de ma famille me condui-saient rapidement vers notre commune et mythique ancêtre : Morphée !
Pourtant, inconsciemment, je percevais que ces listes de noms de ma parenté en laquelle j’avais ma place m’associaient, m’obligeaient à une solidarité humaine établie de siècle en siècle.

Et bien c’est d’abord ce sentiment qui conduit St Matthieu en la rédaction du prologue de son évangile qui commence ainsi - littéralement - : “Livre de la Genèse de Jésus Christ“. Ce titre reprend celui qui commence le récit de la descendance d’Adam : “Voici le livre de la Genèse d’Adam“ (Gn 5.1). Comme le fera St Luc d’une autre façon, St Matthieu suggère que Jésus prend la place d’Adam au matin de la création accomplie en 7 jours. Aussi organise-t-il son premier chapitre sur le chiffre 14 (2 x 7) pour signifier qu’en Jésus une plus que parfaite création est établie. Et cette nouvelle création s’est amorcée avec Abraham, notre “Père dans la foi“.

Et on dirait que Matthieu se plaît à rassembler toute l’humanité - et une humanité pècheresse - pour la diriger vers le fils d’Abraham, le fils de David, le fils de tous les exilés et finalement, le fils de Joseph, l’époux de Marie, vers Jésus - “Jésus-Sauveur“ - qui sera appelé “Nazôréen“ (3.23 : fin du prologue de Matthieu), mot qui vient non pas de Nazareth, mais d’un verbe qui veut dire “garder“ ou “former“ : vers celui que Dieu a “gardé“, “formé“ pour le salut du monde… (1).

Oui, Matthieu veut ramasser au plus profond de la terre toute l’humanité - aveugles, prisonniers, enténébrés… - cette humanité qui a besoin du Sauveur, du Rédempteur qu’est le Christ. Aussi, il se plaît à retrouver parmi les ancêtres du Christ ces personnages - aveugles, prisonniers, enténébrés… , personnages qui existent toujours, de nos jours - personnages que Jésus veut toujours “sauver“.

Est ainsi nommée Thamar. Vous lirez, dans le livre de la Genèse, son histoire quelque peu scabreuse avec Juda, histoire qui se trouve au moment où Joseph arrivant en Egypte chez M. Putiphar, a quelques ennuis avec Mme Putiphar (histoire digne de louange, celle-là ! C’est un contraste !).

Est évoquée la faute de David avec Bethsabée de qui est né le grand Salomon. David, cet ancêtre par excellence du Christ, se montre, là, d’un cynisme épouvantable. Il faut ajouter que Bethsabée n’est sans doute pas tout à faite innocente d’aller se baigner sous les fenêtres du jeune roi, de l’homme qui monte en puissance et qui semble avoir de l’avenir !!! Elle aussi est l’ancêtre du Christ.

Il y a encore la fameuse Mme Rahab qui exerçait le “plus vieux métier du monde“ comme on dit ! Elle est quand même l’ancêtre du Christ !

Il y a aussi la très sympathique Ruth, bien qu’originaire de Moab, de ces cousins, descendants des filles de Loth (histoire scabreuse là encore ! - Gen. 20.39sv), totalement exécrés parce qu’ils s’étaient opposés à l’installation des Hébreux en Terre Sainte ! Et Matthieu, là, fait certainement allusion, avec une finesse pleine d’humour, à une tradition issue d’un ajout au livre de Ruth qui, par une contorsion juridique qui bafoue la loi du Lévirat, la fait quand même passer comme l’arrière grand’mère de David ! Ainsi, elle est quand même, Ruth, la Moabite, l’étrangère, l’ancêtre du Christ !

Bref, on dirait que Matthieu les ramasse à plaisir, tous ces personnages, somme toute, peu recommandables… Cette généalogie évoque, peut évoquer le banquet que ce Lévi devenu Matthieu (car rien n’indique que ce n’est pas le même !), que ce petit tabellion profiteur a organisé en l’honneur de Jésus, ce qui provoqua une critique acerbe : “Rendez-vous compte : il est allé manger chez les pécheurs !“. Mais Jésus répondra : “Je suis venu appeler non pas des justes mais des pécheurs !“ (Mth 2.17). Et si d’aventure, certains qui se pensent “justes“ vous demandent : “Et nous alors ?“…, on peut rester sans voix. Car je crois que ce sentiment est incurable ! C’est peut-être ce que St Matthieu veut faire comprendre : ne pas comprendre à ce point toute la pédagogie divine à notre égard… envers nous qui sommes pécheurs, c’est pratiquement incurable !

Oui, il est bon finalement de parcourir, avec Matthieu, ces labyrinthes généalogiques sur les ascendants du Christ. Car je crois qu’on y retrouvera facilement quelques-uns de nos propres ancêtres, non plus à la mode de Bretagne, mais à la mode biblique ; c’est la meilleure !

(1) Cf. deux oracles d’Isaïe :
Is 42.6 : "Moi, le Seigneur, je t'ai appelé, modelé pour ouvrir les yeux des aveugles, extraire du cachot le prisonnier, et de la prison ceux qui habitent les ténèbres "
Is 49.6 : Et maintenant le Seigneur a parlé, lui qui m'a modelé dès le sein de ma mère pour être son serviteur, pour ramener vers lui Jacob… Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre " (Cf. Synopse. P. Benoit sur Mth 2.23)

jeudi 16 décembre 2010

Création nouvelle

Avent 3 Jeudi – Alliance nouvelle et éternelle ! (Is. 54.1sv )

“Crie de joie, femme stérile… Elargis l’espace de ta tente… Ta descendance va éclater dans toutes les directions… Car ton époux, c’est ton créateur, ton Rédempteur (ton “Goël“, celui qui a droit de “rachat“). Un moment, je t’avais abandonnée… Mais dans ma tendresse je te rassemblerai… Mon amour pour toi ne changera pas…“.
On pourrait trouver très facilement de tels sentiments, de telles expressions dans toute la Bible, et particulièrement chez Osée, Amos et les prophètes de l’exil à Babylone. Car il s’agit toujours - et aujourd’hui plus que jamais - de l’Alliance entre Dieu et l’homme !

Notre lecture d’aujourd’hui a certainement été écrite par un lointain disciple d’Isaïe - ce grand prophète de la foi - ! Les temps ont changé ! C’est désormais le temps de l’exil ! (Comme pour Ezéchiel, Jérémie). Et ce successeur d’Isaïe affirme tranquillement, alors que le peuple est pratiquement anéanti, que Dieu ne peut abandonner son peuple. Non seulement il ne peut l’abandonner, mais il va établir une situation nouvelle encore plus merveilleuse qu’autrefois.

Déjà, Isaïe - le prophète - parlait d’un nouvel exode : “Une voix crie : dans le désert, frayez le chemin du Seigneur…“ (Is. 40.3). Un exode qui ferait sortir non plus d’Egypte, mais de tous les déserts vers une Jérusalem nouvelle. Dans le même sens, Jérémie, à la même époque de l’exil, parlait d’une nouvelle Alliance : “Voici venir des jours où je conclurai avec la maison d’Israël une alliance nouvelle… Je mettrai ma Loi au fond de leur être ; je l’écrirai sur leur cœur. Alors, je serai leur Dieu et eux seront mon peuple !“ (Jr. 31.31. Texte repris à notre intention par l’épitre aux Hébreux : 8.8-12).

Et on peut suivre, dans l’A. T., les étapes de cette Nouvelle Alliance qui ne sera rien moins, finalement, qu’une nouvelle création. Il y a comme un refrain rédactionnel qui parcourt la Bible depuis le livre des Juges : le peuple fait l’expérience de l’infidélité - comme nous tous - ; et de l’infidélité, il tombe dans l’esclavage - comme nous tous -. De cet esclavage, comme au temps où il faisait des briques en Egypte, il crie vers Dieu - comme nous tous -. Et Dieu lui envoie un Sauveur qui opère une délivrance - comme pour nous - !
Mais vient un moment où le rythme s’accélère, si l’on peut dire. Lorsque le peuple est déporté à Babylone, il n’est plus qu’“ossements desséchés“. Il se rend compte alors qu’il lui faut comme une nouvelle création. C’est le langage d’Ezéchiel : “Je vous donnerai un cœur nouveau ; je mettrai en vous un esprit nouveau…“ (Ez 36.25). Ce grand prophète - si original par son imagination - inaugure toute une théologie de la régénération par une nouvelle création…

Et les écrivains inspirés, tellement assurés des délivrances que Dieu va opérer, de la nouvelle création que le Seigneur va instaurer, vont répondre, par anticipation, à cette objection : comment se fait-il que Dieu reste fidèle alors que son peuple se montre si souvent infidèle ! On cherche les motivations pour lesquelles Dieu reste fidèle !
+ Le premier motif, répond-t-on rapidement, c’est que Dieu doit respecter l’honneur de son grand “NOM“ qui risque d’être profané parmi les nations s’il ne réalise pas, malgré tout, les promesses qu’il a faites.
+ Et bien davantage, on se rend compte que Dieu reste fidèle par amour, par un amour absolument gratuit, un amour tel qu’après les fiançailles originelles, il y ait des épousailles encore plus belles (Cf Osée) qui vont présider à une nouvelle alliance qui sera comme une nouvelle création.

Cet amour divin qui est à l’origine d’une nouvelle création a été proclamé tellement gratuit qu’on a dû lutter, par la suite, contre une certaine pensée, quand on a essayé d’expliquer la Révélation avec des catégories platoniciennes selon lesquelles “le Bien est diffusif de soi !“. Comme si Dieu avait été obligé de créer, de recréer, parce qu’il était bon ! Et bien non et non ! C’est par un acte absolument gratuit que Dieu a créé. C’est par un acte encore plus gratuit, qu’il nous recrée par l’Incarnation de son Fils qui est venu instaurer une nouvelle création “par l’eau et par l’Esprit“, comme Jésus lui-même le disait à Nicodème (Jn 3.5).

Prenons conscience, à l’approche de Noël, de cet immense amour de Dieu, un amour tout gratuit pour chacun d’entre nous : “Il nous a aimés le premier, dira St Jean… Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils…“ (Jn 14.21).
Ste Catherine de Sienne (excusez-moi de la citer ; mais c’était l’une de mes favorites lors de mon enfance monastique : une grande mystique, mais qui avait bien les pieds sur terre !) priait ainsi : “O Dieu éternel, ô fou d’amour, as-tu donc besoin de ta créature ? Car tu agis comme si tu ne pouvais vivre sans elle. Pouvais-tu te placer plus près d’elle qu’en te revêtant de son humanité ?“. Ce qu’avait bien compris finalement une toute petite fille de dix ans qui disait après son catéchisme : “Si je comprends bien, Dieu est un Cœur“, … tout rempli d’amour.

mardi 14 décembre 2010

La foi. - "Amen !"

Avent 3 Mardi - La foi en acte et vérité (So.3.1-13 ; Mth 21.28-32)

Vendredi dernier, j’ai fait allusion à la signification du mot “Amen“ qui exprime dans toute la Bible et surtout chez Isaïe, ce grand prophète de la foi, l’immuable et forte confiance que le croyant met en Dieu, malgré ce que j’appelle volontiers “les circonstances contradictoires“ qui entraîneraient facilement en un sens opposé. Non ! Malgré les incompréhensions, les obscurités, les tentations, les faiblesses, voire les chutes, le disciple “tient ferme“ dans sa confiance en Dieu, le Dieu fort (Ps 89.9), le “Dieu des victoires“ (Ps 68.21). Et parce qu’il “tient ferme“ dans la foi, il “reste ferme“ dans la vie, celle que Dieu donne (Cf. Is. 7.9).

Aujourd’hui, nous retrouvons la même leçon dans la lecture et l’évangile ! Le prophète Sophonie annonce l’apparition d’un peuple humble, modeste, faible, mais qui mettra toute sa confiance en Dieu, qui aura pour seul refuge “le NOM du Seigneur“. Alors, il n’y aura plus de tromperie en sa bouche. Heureux sera-t-il ce peuple nouveau, … le PEUPLE DE DIEU !

Et l’évangile nous encourage justement à toujours proclamer, en toutes circonstances, notre foi, à toujours prononcer un véritable “AMEN“, ce tout petit mot qui contient tout, tellement riche qu’il est employé dans toutes les liturgies du monde sans jamais être traduit désormais, ce qui épuiserait la richesse de son message !

Ainsi, dans l’évangile, Jésus veut nous conduire jusqu'au bout de l'“Amen“ chrétien.
L'“Amen“ au Père, c'est d'abord Lui, Jésus, l'accord parfait, le "Oui" sans retenue, la cohérence absolue entre le dire et le faire. Car sa nourriture est de toujours faire la volonté du Père jusqu'à l'extrémité de l'obéissance par amour. Pour Jésus, “Amen“, c'est l'engagement total et le don intégral culminant sur la croix. St Paul le soulignera souvent !
Or, comme disciples de Jésus, nous sommes nés de son "Oui", nous sommes les frères de son “Amen“ au Père. Et, comme illustration, voici la parabole des deux fils pour nous aider à reprendre conscience de tout cela.

Le second fils est un "chrétien par réflexe", par conformisme, si je puis dire. Le pli est pris depuis l'enfance. Il acquiesce à tout ce qui est demandé… C'est instinctif, mais superficiel. Ensuite on s'arrange, on se ménage une petite vie, n’est-ce pas. Et, parfois, quand la foi bouscule les vieilles habitudes, entame le confort, exige le sacrifice même minime, c'est le repli, c'est la mise à l'abri derrière mille excuses. Et les grandes déclarations du début glissent, glissent… dans le vide…

Bien différente est l'attitude de l'autre fils. Il mesure sa faiblesse, devine combien l'obéissance au Père va déranger son quotidien. Honnêtement, il est pris de vertige et recule, paniqué. St Benoît évoque cet attitude en sa Règle ! Mais son cœur réfléchit. Peut-être a-t-il prié. Il voudrait bien, mais... … Et voici le miracle de la conversion. Au terme d'une lutte…, il se met à pratiquer réellement ce que d'autres affirment verbalement.

Nous disons tant de "oui" à Dieu. Oh, certes nous disons, nous chantons très souvent “Amen“, mais avec, parfois, la légèreté de l'inconscience ; nous faisons le signe de l’“Amen“, le signe de la croix, mais, parfois, si machinalement, sans cette lente attention que la Vierge Marie recommandait à Ste Bernadette et en d’autres apparitions.

Aujourd'hui, il nous est rappelé qu'il nous faut devenir les humbles et conscients fidèles de l'Amen, les disciples du “Oui“ évangélique qui entraîne peu à peu toute la vie à la suite de Jésus.

Les chrétiens sauront-ils enfin se comporter en enfants de l'Amen ? Sinon, il leur sera signifié ce que Jésus dit aujourd’hui et en bien d’autres circonstances : “Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu !“. Aujourd'hui, combien d'Amen allons-nous dire ou chanter dans notre liturgie ? Puissions-nous les dire avec grande conscience ! Avec la grâce de Dieu. “Amen“

lundi 13 décembre 2010

L'âne

Avent 3 Lundi - L’âne de Dieu ! … (Nb. 24.2…)

Elle est digne d’un conte de Perrault, cette histoire de Balaam (Nb 24). Il faudrait la raconter aux enfants, comme beaucoup d’histoires de l’Ancien Testament (histoire de Jacob, de Joseph, du roi David… !) ; Ils en seront émerveillés, tout réjouis, tout “esbaudis“ !

Le roi de Moab (à l’est de la mer morte) voit d’un mauvais œil les Hébreux s’installer à l’ouest. Alors, il demande à un “Voyant“ célèbre (il en a, à toutes les époques !), à ce Balaam qui a une réputation de grand magicien (devant la crèche, affirmons qu’il est certainement l’ancêtre de nos fameux “Rois-mages“ ; et, de plus, il arrive du pays d’Abraham !)…, il lui demande de venir maudire ce peuple d’immigrés ! C’est toujours d’actualité !

Pour faire court, Balaam, monté sur son âne, arrive pour maudire le peuple de Dieu. Mais cet âne voit soudainement sur le chemin l’ange de Dieu lui barrer le passage, une épée à la main. Une première fois, il se cabre ; une seconde fois il dévie contre la muraille, blessant quelque peu son cavalier ; une troisième fois, il se couche ! Alors, Balaam, en colère, le rudoie. Evidemment !

Et voici que l’âne se met à parler ! Et oui, un âne qui parle ! Cela arrive : “Pourquoi me battre ; je t’ai toujours été fidèle !“. C’est la caractéristique de l’âne : la fidélité ! Isaïe l’avait bien remarqué : “Un bœuf connaît son propriétaire et un âne la mangeoire de son maître !“ Aussi recommandera-t-il de toujours “laisser sans entrave l’âne et le bœuf“ (32.20). De toute façon, ils reviendront à la maison du maître ! Voilà pourquoi ces deux-là ont leur place dans la crèche à Noël, même s’ils ne figurent pas dans les évangiles ! Un âne, dit-on, même très éloigné, retrouve toujours la maison de son maître ! Je demande toujours au Seigneur d’être assez intelligent et fidèle… comme l’âne de Balaam… Et celui-ci interpelle son maître : “Mais regarde donc… !“. Et Balaam voit l’ange de Dieu lui barrant la route comme une armée, l’empêchant d’aller maudire le Peuple de Dieu !

Il faut bien le remarquer et insister : c’est un âne qui d’abord voit l’ange de Dieu. Dès lors, l’âne de notre vie évoque certains moyens que Dieu prend pour nous parler. Car cet âne de Balaam prend la parole, figurez-vous ! Certains pensent que les ânes ne parlent pas. Ils ont tort. Ce sont des ânes ! Car l’âne de Balaam symbolise toutes les voies de nos vies qui semblent sans issue, rudes, escarpées et fatigantes… et qui mènent finalement à quelque chose…, à Dieu. Quand on vieillit et que l’on voit le passé, on a une grande dévotion pour l’âne de Balaam, pour tous ces “ânes“ qui se sont manifestés en notre existence, des messagers de Dieu, finalement !

Et puis, l’âne a un grand rôle dans la Bible… C’est l’animal messianique par excellence… C’est une deuxième raison pour qu’il soit dans nos crèches. Quand Moïse retourne en Egypte pour accomplir la mission de délivrance que Dieu lui a confiée, c’est sur un âne qu’il part : “Il prit sa femme et son fils, les fit monter sur un âne et s'en retourna au pays d'Égypte“ (Ex 4.20). Et c’est probablement sur un âne que l’enfant Jésus, le Messie, alla en Egypte et y revint, à l'exemple de Moïse : “D’égypte, j’ai appelé mon fils“, annonçait Dieu à travers le prophète Amos (Os. 11.1 – Cf Math. 2.15). Ne fût-il pas dit à David : “Les ânes serviront de monture au roi !“ (2 Sam 16.2). Aussi, Zacharie prédira : “Exulte avec force, fille de Sion! Crie de joie…,! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse“.
C’est assez extraordinaire le contraste qu’il y a dans le messianisme de Jésus, contraste qu’il faut souligner à Noël : Dieu, le Transcendant qui descend jusqu'en terre ; il faut faire la comparaison entre la vision d’Ezéchiel avec son imagination si fertile : Dieu sur un chariot immense, avec des yeux partout, des chérubins… etc et l’humilité de l’âne que Jésus a pris intentionnellement pour faire son entrée solennelle à Jérusalem, le jour des rameaux !

Mais revenons à ce Balaam qui comprend finalement qu’il doit non point maudire, mais bénir ! Et c’est l’un des oracles de cet “homme au regard pénétrant“ que présente notre lecture d’aujourd’hui. Il voit un “astre“ se lever. C’est l’étoile de David, l’étoile du “Messie-Roi“ ; c’est l’étoile de la crèche ; c’est l’étoile de l’“Emannuel“, Dieu-avec-nous ! Et Balaam bénit Dieu et son peuple !

Finalement, j’aimerais bien être cet âne de Balaam ! “J’avance comme un âne“, écrivait jadis le Cardinal Etchegarray. L’âne de Balaam ! Il a bien rempli sa mission, cet âne : désigner la présence de Dieu en nos vies.
Avoir la grâce de l'âne de Balaam pour mieux dire, humblement mais réellement : le Seigneur est là et qu'il soit toujours avec vous !

dimanche 12 décembre 2010

3e Dimanche - Avent

3e Avent 10/A

Il vous arrive certainement, comme à moi-même, de songer à ces milliers d'hommes et de femmes qui, de par le monde, croupissent en prison pour des motifs politiques, culturels, religieux, pour des accusations parfois tellement injustes !
Aujourd'hui, un prisonnier nous interpelle. Nous le connaissons. C'est Jean-Baptiste, celui qui ne craignait pas de lancer des apostrophes véhémentes en vue de “préparer les chemins du Seigneur“. Cette fois, il s'en est pris au roi Hérode, lui reprochant sa conduite adultère. La forteresse a été la rançon de son courage.

Mais ce n'est pas de son sort personnel, de son éventuelle “sortie de prison” que Jean-Baptiste se soucie. Au cœur de son épreuve, sa préoccupation, c'est l'avènement du Règne de Dieu !
A quelques jours de Noël, enfermés peut-être dans telle ou telle “prison dorée” que nous nous sommes fabriquée, sommes-nous capables de partager une telle inquiétude, une inquiétude de “prophète”, de “porte-parole” ? - “Quo vadis“ ? Où vas-tu, où es-tu Seigneur ? (C’est la question toujours essentielle pour tout engagement religieux à quelque niveau que ce soit).

Jean-Baptiste est aux arrêts mais ses disciples le tiennent au courant des événements, notamment des faits et gestes de ce Jésus qu'il a baptisé. Or justement, les informations sur le comportement du “Messie” le désorientent totalement. Non, vraiment, ce n'est pas ainsi qu'il l'avait “présenté” :
“... Lui, il vous baptisera dans l'Esprit-Saint et le feu. Il tient en main sa pelle à vanner, il va nettoyer son aire et recueillir son blé dans le grenier ; mais la balle, il la brûlera au feu qui ne s'éteint pas.“ (Mt. 3/11-12).
Oui, marqué par son tempérament, l'environnement et la culture de son temps, Jean avait des vues très strictes sur le “projet pastoral” du Messie. Ce devait être un Justicier, départageant, sur-le-champ, bons et méchants. - Or, manifestement, aux dires des témoins, Jésus n'était pas “copie conforme”. Il avait même la fâcheuse tendance de se comporter en “marginal”, très proche des petites gens, ouvert, accueillant à tous ceux et celles qui faisaient un premier pas vers lui ; bref, il se livrait à un populisme de fort mauvais aloi.
Alors, de sa prison, fort inquiet, Jean-Baptiste délègue des émissaires qui posent la “question de confiance” : “Es-tu celui qui doit venir ?“ (Mt. 11/3).

A vingt siècles de distance, quelles réactions suscite en nous la mise en demeure de Jean ? “Il est brutal..., dira-t-on, Il manque de patience...“. Peut-être, peut-être..., sans doute ! Mais qu’est-ce qui le fait bouger, le préoccupe, le passionne ? Son problème personnel, sa libération de prison, ses idées personnelles ? Non, c'est de la venue du Royaume de Dieu que Jean se soucie. C'est son unique “centre d'intérêt” ! N’est-ce pas la question toujours actuelle de notre engagement - quel qu’il soit - à la suite du Christ ? Le “Royaume de Dieu !“

Ah si, en ce temps de l'Avent, un même feu pour le Royaume de Dieu nous dévorait, le Christ accepterait sûrement, de notre part, des interpellations aussi directes que celles de son précurseur ! Aujourd'hui encore, au sein ou en dehors de notre Église - et parfois le pape lui-même -, face à des problèmes concrets (course effrénée à la consommation, Injustices diverses…, questions sur le respect de la vie… etc...) des “prophètes” se lèvent. Ordinairement, eux non plus ne s'embarrassent pas de discours lénifiants. Par des formules-choc (qui parfois font mal !), par des actions collectives (qui peuvent surprendre), ils proclament leur refus et alertent l'opinion. A leur manière, eux aussi, construisent, déjà, le Royaume de Dieu. Ils nous font “signe”. Acceptons-nous leurs questions ?

Mais Jésus répond à Jean-Baptiste:
« Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.» (Mt. 11/4)

Jésus répond en empruntant aux prédécesseurs de Jean-Baptiste, les Prophètes, surtout Isaïe. Le Messie de Dieu, n'est-ce pas celui qui guérit, ressuscite, annonce la Bonne Nouvelle, “à temps et à contretemps“, dirait St Paul, aux derniers de notre terre ? Seul l'amour peut faire fondre le cœur des hommes endurcis. Maître de miséricorde, Jésus révèle bel et bien l'authentique visage de son Père. Il est l'Envoyé de Dieu qui est Père !

Il est d’ailleurs toujours l’Envoyé de Dieu, car quel est le nouveau Corps du Christ exposé à la face du monde, sinon l’Eglise? Qui doit porter en notre temps les signes de l'Evangile au point d'attirer à Dieu tous les hommes de bonne volonté ? - “Quo vadis ?“, fait demander notre évêque !
Qui doit porter la “Bonne Nouvelle“ ? C'est nous, c'est chacun des baptisés, chacun des engagés à quelque niveau que ce soit, chacune des communautés qui se réclament du Christ. Quelle responsabilité ! Surtout en cette approche de Noël, lorsque des hommes en plus grand nombre se posent à nouveau la question de la foi et se tournent encore vers Bethléem. Ils voudraient rencontrer le Seigneur Jésus, et c'est l'Eglise qu'ils trouvent sur leur route, c'est nous qu'ils croisent sur leur chemin. Ainsi l'a voulu le Ressuscité en envoyant ses disciples dans ce monde pour constituer le peuple de ses frères jusqu'à son retour.

Une fois de plus, surtout en ce temps de l’Avent, tournons nos regards vers le Seigneur lui-même. Comme lui, nous devons aimer, à commencer par les plus nécessiteux. Nous devons accueillir, aider aveugles, boiteux, sourds et lépreux de notre temps, ceux dont la chair crie, ceux dont le cœur saigne, ceux dont l'esprit vacille, sans nous interroger sur notre propre sort, à l’exemple de Jean-Baptiste.
Au moment de préparer Noël, tant de chrétiens tombent dans la débauche de la consommation à laquelle notre société matérialiste nous incite par mille artifices. Aurons-nous la force de redonner la priorité à l’Amour véritable ? Au loin ou tout près de nous, chez nous, il y a encore tant de morts à ressusciter, ceux que nous pouvons arracher au trépas par un peu de bienveillance respectueuse, ceux que nous pouvons écarter du désespoir par un brin d'amour gratuit. Et tous ceux qui attendent encore l'évangile sans le savoir ? Ils sont là à notre porte, peut-être même dans notre maison, au sein même de nos familles humaines ou spirituelles ! - “Quo vadis ?“ - Il s’agit toujours de rejoindre le Christ sur le chemin des hommes, sur le chemin de chacun. Il s’agit du “Royaume de Dieu“ ; il s’agit du Christ et non de nous-mêmes !

Si nous avons le courage de certains signes effectifs, Noël sera alors la fête d'un Sauveur vivant au lieu de devenir une foire égoïste autour d'un petit Jésus emballé de chocolat sous un éphémère sapin.

samedi 11 décembre 2010

Elie - Jean-Baptiste

Avent 2 Samedi - Elie, Jean-Baptiste ! (Si. 48.1sv - - Mt. 17.10sv)

Jean-Baptiste, l’une des plus grandes figures de l’Avent, nous interpelle tous ! Et Notre Seigneur nous répète aujourd’hui ce qu’il nous affirmait Jeudi : “Et si vous voulez bien comprendre, le prophète Elie qui doit venir, c’est lui !“.
Elie ! Jean-Baptiste ! Il est vrai qu’il y a plusieurs points communs entre le premier des Prophètes et le précurseur de Jésus.

1. Tous deux sont des personnages fascinants. Hommes rudes à la parole tonitruante. Implacablement fidèles à leur découverte de l’irruption de Dieu dans l’histoire des hommes, ils ont, tous deux, et de façon absolue, le sens du “vertical“ ! Ils sont tellement remplis de la présence de Dieu qu’ils brûlent leur vie avec ardeur sans se consumer, comme le buisson ardent avec Moïse. - Quel exemple : Dieu avant tout !

2. Cependant tous deux ont leur faiblesse. Dégoûté par les violences de son époque - c’est toujours d’actualité -, par les injustices (de la reine Jézabel, notamment) - c’est toujours d’actualité -, Elie est découragé - et c’est encore d’actualité -. Il fait en quelque sorte une “dépression“ ! Et oui ! Cela arrive, même aux plus grands saints !
Il en est de même pour Jean-Baptiste. En sa prison, il s’inquiète, se tourmente, s’effondre ! Sa mission était-elle celle que Dieu lui demandait ? Ne s’est-il pas trompé ? Sa vie a-t-elle eu un sens ? Ce Jésus, son cousin, qu’il a désigné comme le Messie annoncé par Isaïe, est-il vraiment l’“Envoyé“ de Dieu ?
Là encore, même les plus grands saints ont éprouvé cette sorte d’interrogation. Il ne faut pas s’en étonner ! Ne jamais s’étonner des ruses du Malin !

3. Mais Elie se redresse ; il est réconforté et marche, malgré tout, vers la montagne de l’Horeb, la montagne sainte. Et là, grâce au silencieux passage de Dieu, en la solitude terrible du désert, il renouvelle l’Alliance conclue avec Moïse.
De même, au fond du silence affreux de sa prison, Jean-Baptiste reçoit de Jésus la confirmation de sa mission divine ! “Allez dire à Jean : « Les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent ! »“ (Lc 7.22). Oui, il faut parfois passer par le creuset de la solitude ou de l’épreuve pour entendre le Seigneur qui passe. C’est parfois presque imperceptible et cependant indubitable : il passe, comme pour Elie, “dans le bruissement d’un souffle ténu !“ (I Rois 19.12). Il faudrait même traduire : “dans une poussière de silence“, ou mieux : “dans l’éclatement d’un silence“ !

4. Enfin, réconforté par le “Dieu de l’Alliance, Elie va proclamer le “Dieu Unique“ face à toutes les religions polythéistes de son époque, face à toutes les turpitudes que l’homme peut commettre. Il en sera de même pour Jean-Baptiste qui signera son témoignage de la transcendance de Dieu par son propre sang !

Ce sont plusieurs situations assez communes entre Elie et Jean-Baptiste. Ce sont plusieurs situations qui ponctuent parfois notre cheminement terrestre :
+ Découragement par toutes sortes de difficultés !
+ Renouvellement de notre vocation de baptisé, par, notamment, l’Eucharistie, ce “pain du ciel“ (comme pour Elie) qui réactualise l’Alliance entre Dieu et l’homme conclue une fois pour toutes par le Christ !
+ Proclamation de la transcendance de Dieu dont toute notre vie veut témoigner… jusqu’à son terme !

Je le sais : ces situations alternent souvent dans notre existence d’ici-bas où “le Royaume des cieux subit la violence… !“ Sachons-le ! Aussi, retenons encore les paroles de ce Sage de l’Ancien Testament, Sirac : “Heureux ceux qui se sont endormis dans l’amour du Seigneur, car nous aussi, nous posséderons la vraie vie !“

vendredi 10 décembre 2010

La Foi !

Avent 2 Vendredi - Foi ! (Is 48.17sv - Mt. 11.16)

Par la voix de son prophète, Dieu se plaint de l’incrédulité de son peuple ! Et, de même, les contemporains de Jésus se détournent de lui !

Isaïe est le “grand prophète“ de la foi. Il a constitué, bien avant nous, ce que l’on appelle désormais une “école de la foi“. Il avait fondé cette école près de la source de Gihon, en contrebas de Jérusalem face au mont des Oliviers.
+ Cette petite source arrosait et irriguait avec grand profit les jardins du roi et ceux de la vallée inférieure du Cédron.
+ Cette petite source qui coulait tranquillement faisait fructifier magnifiquement arbres et diverses plantations.
+ Cette petite source que Dieu donne, et parce qu’il la donne, est bien supérieure, dit Isaïe, aux grands fleuves que sont le Nil et l’Euphrate.
+ Cette petite source sauvera Israël, dit-il encore. L’histoire lui donnera raison en son temps et bien au-delà.
+ C’est près de cette petite source qui alimentera la piscine de Siloë (qui veut dire “envoyé“) que l’“Envoyé de Dieu“, le Christ, guérira l’aveugle-né (nous sommes tous des aveugles-nés). C’est lui, le Christ, qui, mieux qu’Isaïe, donne l’eau vive ! (cf Jn 4 : la Samaritaine) : “De son sein couleront les fleuves d’eau vives“, comme la source de Gihon qui coule du côté droit du temple et qui ira, selon Ezéchiel, revivifier les eaux de la mer morte et même ressusciter les morts (Ez. 37).

La FOI ! “Si vous en aviez gros comme une graine de moutarde“, disait Notre Seigneur !
Il est vrai que la foi est, apparemment, une notion assez complexe dans le Nouveau Testament, parce qu’elle englobe l’espérance, la charité (ce que n’avait pas très bien compris Luther), parce qu’elle engage toutes les facultés : volonté, intelligence, sensibilité. Mais c’est l’attitude la plus simple et la plus fondamentale de l’homme vis-à-vis de Dieu !
Pourquoi ? Parce que tout simplement :
+ Dieu est TOUT ! Il est Créateur et Fin dernière de l’homme, “Celui par qui et pour qui sont toutes choses“ (Heb 11.10).
+ Et l’homme, lui, n’est que créature, indigence congénitale, faiblesse permanente, une “ardente vacuité“, disait le P. Sertillanges.
Et si l’homme prend conscience de sa condition, il ne pourra que se relier activement à Dieu pour en recevoir lumière, force et solidité.

La foi, disait Notre Seigneur, si elle était grosse comme une graine de moutarde… ! La foi, si elle était, disait Isaïe, comme le petit filet d’eau qui sort de la source de Gihon…!
Un peu de foi est déjà un commencement de vision qui permet de ne jamais renier dans les ténèbres ce que l’on a entrevu dans la lumière !
Un peu de foi n’est pas autre chose : le “Dieu vivant et véritable“ est immuable et puissant - tel “un rocher“ (ps. 62) d’où coule une source vive -. Dieu ne peut dire que la vérité ; et ses promesses, d’une manière ou d’une autre, se réalisent toujours. Aussi, Isaïe conclura de façon lapidaire : Notre Dieu est un Dieu de l’“AMEN“ ! (Cf. Is. 65.16 – Cf. Rm. 3.3).

La racine du mot hébreu “AMEN“ signifie : stabilité, solidité. Voilà qui est Dieu ! Elle évoque l’idée de soutien, d’appui : “Ayez foi en Dieu, et vous serez soutenus“ (2 Chro. 20 .20) - “Si vous ne tenez pas fermes (si vous croyez pas), vous ne subsisterez pas“, dit le Isaïe (7.9) (1)
Aussi, cette racine du mot “Amen“ évoque-t-elle parfaitement le nourrisson porté par sa mère. Le petit enfant s’appuie sur les bras qui le soutiennent ; il s’abandonne à leur protection ; c’est là qu’il reçoit les principaux soins (2). Il n’est donc pas étonnant que, religieusement, c’est l’attitude requise par le Seigneur pour entrer dans le Royaume des cieux : “devenir comme de petits enfants“.

Ainsi la foi consiste à se tenir ferme en vertu d’une relation à une autre personne, à se relier solidement à elle, lui faisant confiance.

La Foi, c’est cette sorte de relation de l’homme faible avec Dieu fort. C’est cette foi que nous évoquons lorsque nous disons : “Amen“ Puissions-nous toujours prononcer ce simple mot avec grande conviction ! Notre Dieu est un Dieu de l’“AMEN“ !

(1) dans un jeu de mots familier à la langue hébraïque : "Lo ta’aminu , lo té’aménu" - qui se dit comme un babillement d’enfant.

(2) Cf. : 66.13 : comme une mère console (TenahameNu), je consolerai, dit le Seigneur ('anahemekem) : Même racine du mot “Amen“