vendredi 29 janvier 2010

La faute…, le péché - 3 T.O p. Vendredi - (2 Sam 11.1sv)

Prochainement, nous recevrons les reliques de St Jean-Marie Vianney… Pour nous y préparer, la liturgie nous fait lire, providentiellement, le récit du péché de David. Or, le Saint curé d’Ars passait une grande partie de son temps au confessionnal. Et toute son action était d’abord de faire prendre conscience du péché (ce n’est pas toujours évident) pour remettre le pécheur dans les mains de la miséricorde de Dieu, en cette alliance que Dieu propose toujours à l’homme, à chacun…

Nous savons que la racine du péché, c’est l’orgueil : Satan, parce que “ange de lumière“ - “Lucifer“ -, s’opposa à Dieu ! Adam et Eve, s’arrogeant la connaissance du bien et du mal, voulurent être “comme Dieu“ ! Et toute l’histoire de l’humanité se déroule sur ce désir prométhéen : être comme Dieu ! L’homme, pourtant créé à l’image de Dieu, a tendance à se détourner de Dieu. Sans cesse, il élabore des contre-projets à celui de Dieu. Au début de la Bible, il y a ce symbole impressionnant : “faire des briques !“, faire des briques pour construire une tour afin de prendre d’assaut le ciel lui-même !

Dieu a un projet ! Il met l'humanité en marche vers une ville dont lui seul est "l'Architecte, le Fondateur". Et au lieu de rentrer dans ce projet divin avec enthousiasme, foi, amour, les hommes élaborent des contre-projets : ils font des briques ! Créés pour les épanouissements d’une fécondité divine, les hommes préfèrent les esclavages de la production humaine : faire des briques ! - Alors, très souvent, au lieu de remonter vers son Créateur dans un élan de convergence eucharistique où il retrouve son harmonie, l'homme qui peut être roi de la création mais qui oublie d'en être le prêtre dans un élan d’action de grâces, tombe dans la multiplicité du chaos…

C’est toute l’histoire de David également : arrivé à la gloire de la royauté donnée par le Seigneur, il a le projet insensé de faire lui-même une “maison“ à Dieu ! Comme si le pot allait dire au potier : attends, je vais faire mieux que toi ! (Cf. Is 29.16). Non, lui dira Nathan : c’est le Seigneur qui construit ! C’est lui “l’architecte et le fondateur“ (Cf. Heb. 11.10).

Bien plus, le livre des Chroniques (II Chr 21) raconte : “Satan incita David à dénombrer Israël“ avant une bataille pour évaluer la chance d’une victoire. Or Dieu seul mène le vrai combat contre le mal. Lui seul “donne grandes victoires à son roi“ (Cf. Ps 18.51…), même avec une poignée d’homme (comme avec Gédéon). Inutile d’évaluer humainement ! Il ne faut pas confondre “guerre sainte“, guerre contre le mal, avec guerre humaine, pire avec “guerre de religion“. Pour le combat de la vie, Dieu estime depuis toujours que les instruments simplement humains ne lui conviennent pas. C’est pour cela que St Paul dira qu’il travaille selon la faiblesse et la folie des hommes et que la croix est plus efficace que toutes les forces humaines.

David, là encore, reconnaîtra sa faute, reconnaîtra que seul Dieu est “un Dieu de délivrance“. - C’est en ce sens que David est un “maître en spiritualité“. Car ce grand calculateur, ce fin politique, ce rusé, ce malin très avisé dans les choses de ce monde, n’est pas un “Tartuffe“. La première des dispositions pour une bonne spiritualité, c’est de laisser la vérité de Dieu balayer le fond de son cœur : “Tu aimes la vérité au fond de l’être“ (Ps 50). “C’est un grave péché que j’ai commis. Maintenant, daigne pardonner la faute de ton serviteur, car j’ai agi vraiment comme un fou !“ (II Chr. 21.8).

Et conséquence inévitable : quand on veut être plus fort que Dieu, on veut être plus fort que son frère. On veut le dominer. C’est la nouvelle faute de David que raconte notre lecture : prendre la femme de son frère ! - A noter, au passage, que ce n’est quand même pas très malin d’aller se baigner sous les fenêtres de l’homme qui monte en puissance…, de l’homme qui semble avoir grand avenir… Enfin, il faut bien se faire remarquer comme on peut et avec les atouts que l’on trouve à sa portée !

Mais David se montre là, dans sa faute, d’un cynisme épouvantable ! Dans la bataille qu’il mène contre les Ammonites, Joab son général a subi des revers en s’approchant de trop près de la ville ennemie. Furieux de la perte d’hommes, David le tance en lui faisant dire : pourquoi vous êtes-vous approchés de la ville. Il y a des antécédents connus !… C’est ainsi que naguère Abimélek fut tué d’une meule lancée des remparts par une femme ! (“Par une femme“ : un comble pour un guerrier !). Le messager revient et, dans la conversation, mine de rien, dit au roi de la part de Joab : “Ton serviteur Urie est mort !“. Un de plus ! Et David, faussement indifférent, d’un affreux cynisme : “Tu diras à Joab : que cette affaire ne t’affecte pas ! Que veux-tu : l’épée dévore tantôt celui-ci, tantôt celui-là !...“. Faut le faire et faut le dire !

Encore une fois, ce sont des hommes comme celui-là, “fait de chair et de sang“, que Dieu ramasse pour en faire des citoyens de la Jérusalem céleste. Et nous sommes tous de ces hommes-là ! Le Curé d’Ars avait bien compris cela !

Il faut ajouter que les fautes de David (nombreuses) lui furent toutes pardonnées ; mais elles furent sources de bien des malheurs. Dieu pardonne, mais il ne peut enlever les tenants et les aboutissements des actes que l’on pose dans l’existence ! C’est en ce sens que l’Eglise enseigne que si Dieu pardonne toujours, il faut cependant “réparer“ les dégâts qu’entraînent nos fautes (devoir de “satisfaction“, de “réparation“). C’est l’enseignement de Jean-Paul II, et de Benoît XVI à propos des “indulgences“. Autre question !

jeudi 28 janvier 2010

St Thomas d’Aquin. – 28 Janvier

St Thomas d’Aquin est certainement l’une des plus grandes figures - sinon la plus grande - de la pensée théologique occidentale. Il a été proclamé “docteur de l’Eglise“ en 1567, “Docteur commun“ en 1880, sa doctrine ayant été reconnue comme “doctrine officielle de l’Eglise“ par le pape Léon XIII, en 1879, dans son encyclique “Aeterni Patris“. Il est devenu le “Saint Patron“ des universités, écoles et académies catholiques.

Il est né vers 1225 à Aquin, près de Naples, en Italie du Sud ; et il est mort le 7 mars 1274 à l’Abbaye de Fossanova dans le Latium (S-E de Rome).

Enfant, il est oblat de l’Abbaye bénédictine du Mont-Cassin où il apprend à lire et à écrire, recevant une formation religieuse élémentaire. La légende dit qu’il parcourait les couloirs du monastère ayant souvent à la bouche cette demande : “Je veux voir Dieu ! Je veux voir Dieu !“.

Ses parents l’envoient à Naples poursuivre ses études au Studium regni qui n’était qu’une académie locale, récemment fondée par Frédéric II de Hohenstaufen. Il est a noté que cet empereur était, par sa mère, petit fils de Roger II de Hauteville, premier roi normand de Sicile, où il passa toute sa jeunesse, aimant fréquenter les Arabes restés sur place après la conquête. Esprit intelligent et rapide, il pratiquait au moins six langues dont l’arabe. Très curieux, il accueillait des savants du monde entier à sa cour, portait un grand intérêt aux mathématiques à la médecine, à la philosophie et la théologie. De par ses bonnes relations avec le monde musulman, il mena à bien la sixième croisade - la seule croisade pacifique -.

Ceci pour dire que Thomas d’Aquin connut certainement cette grande ouverture d’esprit qui régnait à Naples. C’est là, probablement qu’il découvrit Aristote à travers Averroès (Ibn Rushd) dont les traductions latines circulaient.

Entré chez les Dominicains, il étudie à Paris ; c’est le règne de St Louis. Après quoi, il suit son Maître, Albert le Grand à Cologne. Celui-ci avait déjà étudié Aristote et lu les ouvrages arabes, dont Avicenne. Cette passion de la connaissance, il la transmet à son disciple Thomas dont le zèle silencieux était bien connu. Ses confrères l'affublaient du sobriquet de “bœuf muet de Sicile“ en raison de sa stature et de son caractère taciturne. Il faut retenir de St Albert cette magnifique consigne que Thomas d’Aquin appliqua : “fides quaerens intellectum“: la foi qui cherche à comprendre…

Il séjourne à Paris, puis en Italie (1259-1268 - à Rome surtout), puis revient à Paris (1268-1272) dont l’Université est en pleine crise (avec Siger de Brabant)

Après un travail incroyable pour l'enseignement et la rédaction de ses nombreuses œuvres spirituelles ou théologiques (la plus connue : “la Somme théologique“), après les luttes continuelles qu'il dut mener au sein même de l'Université de Paris, Thomas repart à Naples en 1272, où il est nommé maître régent en théologie chez ses frères dominicains.

À partir du 6 décembre 1273, après avoir eu une expérience spirituelle bouleversante pendant la messe], il cesse d’écrire, parce que, dit-il, en comparaison de ce qu'il a compris du mystère de Dieu, tout ce qu'il a écrit lui paraît comme de la paille. Sa santé décline rapidement. Il se rend néanmoins au concile de Lyon où il aurait été convoqué par le pape Grégoire X. Il meurt en chemin, le 7 mars 1274, âgé approximativement de 50 ans, au monastère cistercien de Fossanova. Il y reposera jusqu'à la translation de sa dépouille mortelle en 1369 à Toulouse où il repose toujours aujourd'hui.

En recevant sa dernière communion, il dit : “Je vous reçois, ô salut de mon âme. C'est par amour de vous que j'ai étudié, veillé des nuits entières et que je me suis épuisé ; c'est vous que j'ai prêché et enseigné. Jamais je n'ai dit un mot contre Vous…“.

Bien des témoignages concordent à le présenter comme un homme grand et fort. Son apparence était harmonieuse car, à son passage, beau-coup se précipitaient vers lui, “admirant sa stature imposante et la beauté de ses traits. Ses étudiants le présentèrent comme un homme soucieux de ne froisser personne par de mauvaises paroles, et très assidu au travail, se levant très tôt pour commencer à travailler. Sa piété se tournait surtout vers la célébration du sacrifice de la messe et vers l'image du Christ crucifié“.

Je me suis un peu attardé - trop sans doute - sur cette grande figure si spirituelle et intellectuelle. Retenons :
  • son cri d’enfance : “Je veux voir Dieu !“. Que ce soit notre grand désir : “voir Dieu comme il nous voit !“. Tous les saints ont eu cette grande aspiration après le psalmiste : “Quand irais-je et verrais-je la face de Dieu ?“.
  • la formule de St Albert et de Thomas : “fides quaerens intellectum“. Si nous pouvions mettre autant d’application intellectuelle pour approcher du mystère de Dieu que nous en mettons en d’autres domaines profanes ! La foi, oui, bien sûr ! Mais une foi qui aime… ! Et parce que aimante, elle trouve son plaisir à fouiller les coffres du Saint Esprit.
  • enfin la grande dévotion de St Thomas pour le mystère pascal et, de ce fait, pour l’Eucharistie qui le ré-actualise… pour nous ! Savons-nous en profiter véritablement ?

mardi 26 janvier 2010

Sts Timothée et Tite – 26 Janvier –

Permettez-moi aujourd’hui, en cette fête des Sts Timothée et Tite, disciples de St Paul, de pratiquement laisser la parole au pape Benoît XVI qui a parlé d’eux dans l’une de ses catéchèses. Je ne saurais faire mieux ! ! Je me permets d’ailleurs de vous conseiller le livre de notre pape : “Les apôtres et les premiers disciples du Christ“ (Ed. Bayard). Le style est simple, agréable, clair (comme toujours).

Timothée est un nom grec qui signifie “celui qui honore Dieu“. Paul cite souvent son disciple (17 fois). On en déduit qu’auprès de lui, il jouissait d’une grande considération. N’écrit-il pas d’ailleurs aux Philippiens : “Je n’ai eu personne d’autre qui partage véritablement avec moi le souci de ce qui vous concerne“ (2.20).

Timothée était né à Lystres (Asie mineure) d’une mère juive et d’un père païen (Ac. 16.1). Le fait que sa mère ait contracté un mariage mixte et n’ait pas fait circoncire son fils - par égard pour son mari sans doute -, laisse à penser que Timothée a grandi dans une famille peu pratiquante, même s’il est dit qu’il connaissait les Ecritures depuis son enfance (2 Tm 3.15). Lorsque Paul passa à Lystres pour la première fois, il convertit la mère de Timothée, Eunice, et sa grand’mère, Loïs. Timothée dut, lui, recevoir le baptême (Cf. I Co. 4.14-17).

Quand Paul passa à nouveau au début de son second voyage missionnaire, il choisit Timothée comme compagnon, car “il était estimé des frères de Lystres et d’Iconium (Ac 16.2). Il le fit circoncire. On pense que incirconcis, il n’aurait jamais pu parler librement dans les synagogues. Dans la circonstance, Paul, parfois intransigeant, se montra plus conciliant qu’il ne l’a été pour Tite, sans doute pour des raisons toutes spéciales… (cf. AC ; 16.3). Il accompagna Paul à Athènes, puis à Corinthe après avoir rempli de la part de Paul une mission dans la Communauté de Thessalonique.

On retrouve Timothée à Ephèse au cours du troisième voyage missionnaire de Paul. C’est de là que l’Apôtre écrivit à Philémon et aux Philippiens ; dans ces deux lettres, Timothée apparait sinon comme souscripteur, du moins comme secrétaire. Paul l’envoie ensuite vers les Corinthiens à qui il demande de lui faire bon accueil (Cf I C. 4.17 ; 16.1011). De là, il rejoindra à nouveau Paul qui était en route vers Jérusalem.

En conclusion, nous pouvons dire que la figure de Timothée apparaît comme celle d’un grand pasteur. Selon l’“Histoire ecclésiastique“ d’Eusèbe, il termina comme évêque d’Ephèse.

Quant à la figure de Tite, nous savons qu’il était grec de naissance. Paul l’amena à Jérusalem pour ce qu’on appelle le “Concile de Jérusalem“ au cours duquel fut solennellement acceptée la prédication de l’Evangile aux païens, un Evangile libre de toutes conditions issues de la loi juive.

Dans la lettre qui lui est adressée, l’Apôtre fait son éloge en l’appelant “mon vrai fils dans la foi commune“ (Tt 1.4).

Après le départ de Corinthe de Timothée, Paul envoya Tite avec mission de ramener à l’obéissance cette communauté turbulente. Tite rétablit la paix entre l’Eglise de Corinthe et l’Apôtre ; et Paul écrivit aux Corinthiens en ces termes : “Celui qui console les humiliés, Dieu, nous a consolés par l'arrivée de Tite, et non seulement par son arrivée, mais encore par la consolation que vous-mêmes lui aviez donnée. Il nous a fait part de votre ardent désir, de votre désolation, de votre zèle pour moi, si bien qu'en moi la joie a prévalu… À cette consolation personnelle s'est ajoutée une joie bien plus grande encore, celle de voir la joie de Tite, dont l'esprit a reçu apaisement de vous tous“ (2 Co 7.6-13). - Il le qualifie de “mon compagnon et collaborateur“ (2 Co 8.23) en organisant la collecte en faveur des chrétiens de Jérusalem. … Par la suite il aurait été évêque en Crète.

En conclusion, si nous considérons ensemble les deux figures de Timothée et Tite, nous nous rendons compte de certaines données très importantes :
  • Le plus important est que Paul a recouru à des collaborateurs pour ses diverses missions. Il demeure bien l’Apôtre par excellence, fondateur et pasteur de nombreuses Eglises. Il est cependant clair qu’il ne faisait pas tout, tout seul, mais il s’appuyait sur des personnes de confiance qui partageaient ses travaux et ses responsabilités.
  • Un autre observation concerne la disponibilité de ces collaborateurs. Les sources concernant Timothée et Tite mettent bien en lumière leur empressement à assumer des tâches variées, consistant souvent à représenter Paul même en des occasions difficiles.
  • En un mot, ils nous apprennent à servir l’Evangile avec générosité, en sachant que cela comporte aussi un service de l’Eglise elle-même.
  • Recevons enfin la recommandation que l’apôtre Paul fait à Tite dans la lettre qui lui est adressée :“…Elle est sûre cette parole et je tiens à ce que, sur ce point, tu sois catégorique, afin que ceux qui ont placé leur foi en Dieu aient à cœur d'exceller dans la pratique du bien. Voilà qui est bon et utile aux hommes“(Tt 3.8). Par notre engagement concret, nous devons et pouvons découvrir la vérité de ces paroles, être, nous aussi, riche en œuvres bonnes et ainsi ouvrir les portes du monde au Christ notre Sauveur.

lundi 25 janvier 2010

Conversion de St Paul – 25 Janvier – (Ac. 22.3sv – Mc 16.15sv)

Le “Verbe de Dieu“ s’est incarné, a pris un corps d’homme dans le sein de la Vierge Marie
  • pour rencontrer les hommes,
  • leur révéler le projet d’amour de son Père : faire des fils des hommes des fils de Dieu !

Et par-delà sa résurrection - qui atteste divinement la véracité de sa mission -, le Christ continue à rencontrer les hommes d’une façon personnelle, mystérieuse…, et parfois d’une façon abrupte et éclatante. Tel fut le cas de Saul, le Pharisien, “qui ne respirait que menaces et tueries contre les disciples du Seigneur“. Quelques années après la mort du Christ, alors qu’il s’avançait sur la route de Damas, “il fut soudain enveloppé d’une lumière éclatante“.

Telle fut sa première rencontre avec le Christ ressuscité et toujours vivant !

Alors il se tourna totalement vers le Christ : il se convertit ! “Pour moi, vivre, c’est le Christ !“ (Ph. 1.21). Alors, “malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile !“ (I Co. 9.16).

La conversion est donc d’abord un don de Dieu :
  • une lumière sur notre chemin pour reconnaître que Jésus est le seul Sauveur, le Fils envoyé par le Père,
  • une lumière pour mieux percevoir le dessein de Dieu et comment y travailler…

Cette lumière vient bousculer nos calculs, nos raisonnement : il fut “saisi de stupeur et d’effroi !“. Chacun reste libre de s’entêter ou d’accueillir.

Puissions-nous toujours répondre aux appels de Dieu à la manière de Paul : “Seigneur, que veux-tu que je fasse ?“.

Puissions-nous savoir nous émerveiller et rendre grâce comme le fit l’apôtre dans ses lettres ! Se convertir au Christ, c’est en même temps:
  • Se convertir à l’Eglise. Elle est “le Christ continué, communiqué et répandu à travers le temps et l’espace“ (Bossuet), même si son visage est éclaboussé par les péchés et les fatigues de ses membres pécheurs. “Qui es-tu Seigneur ?“, demande Paul terrassé sur le chemin. La voix répond au pharisien fier et haineux : “Je suis Jésus que tu persécutes !“. Persécuter l’Eglise, c’est persécuter le Christ !

Dire “Oui“ au Christ, c’est dire “Oui“ à l’Eglise imparfaite, incarnée dans des choix au milieu des événements des hommes. “Relèves-toi ; va dans la ville ; et là, on te dira ce que tu dois faire !“. Il y rencontra Ananie, disciple du Christ. C’est en Eglise que la mission s’organise.
  • Se convertir, c’est dire “Oui“ à une Eglise qui continue la Passion du Christ en ses membres. “Je lui ferai voir ce qu’il aura à souffrir pour mon nom !“. De cela il ne faut pas s’en étonner.
  • Se convertir, c’est encore dire “Oui“ à une Eglise ouverte aux chercheurs de Dieu afin de les orienter vers le Dieu de Jésus Christ, qu’ils soient Juifs, animistes, théistes... La première prédication du converti du chemin de Damas, en arrivant dans une ville, était réservée à ses compatriotes dans leur synagogue. C’était normal. Mais il restait ouvert… Car
  • Se convertir c’est dire “Oui“ à une Eglise tournée vers les païens. “Cet homme est l’instrument que j’ai choisi pour porter mon Nom devant les peuples païens“. Paul fut le premier témoin de la mission universelle de l’Eglise. Il y consacra toutes ses forces. Il osa dépasser les coutumes juives, comme la circoncision, pour ne pas entraver le cheminement des païens qui demandaient le baptême dans la mort et la résurrection du Christ.

Sommes-nous vraiment convertis à l’Eglise du Christ,
  • celle qui est en crise aujourd’hui,
  • celle qui cherche son chemin au milieu d’un monde qui bouge ?
  • celle qui est persécutée, qui témoigne, qui est ridiculisée et parfois torturée ?
  • celle qui est ouverte, respectueuse des cheminements, des cultures, des civilisations ?
  • celle qui est missionnaire ? A nous de nous interroger en nous aidant de St Paul.

Et puisque nous sommes dans la semaine de l’unité, Paul nous rappelle que l’unité est toujours à faire et à parfaire dans le Christ. L’égoïsme et l’orgueil des chrétiens ne cessent de la menacer, de la compromettre. Des chemins nouveaux sont à découvrir, pourtant ! L’unité n’est pas à inventer, mais à accueillir. Elle n’est pas d’abord matière à discussion, mais à CONVERSION.
De la vengeance au pardon - 2 T.O p. Vendredi - (1 Sam 24.3sv)

C’est un récit très instructif que la liturgie nous offre aujourd’hui. L’événement - David qui épargne Saül - est si important que la Bible nous offre deux narrations ; la seconde est au chapitre 26ème. Il y a beaucoup de similitudes. Mais la conclusion du récit d’aujourd’hui est très lourde de signification par sa conclusion : “Je sais maintenant, dit Saül à David, que tu règneras sûrement…“

Rappelons le contexte. Saül, “l’homme fort“, qui dépassait tout le peuple “de la tête et des épaules“, a désobéi au Seigneur. Aussi le prophète Samuel lui a signifié que le Seigneur l’avait écarté. Le “petit“ David, le dernier de la famille de Jessé, a été choisi pour lui succéder. Saül devient jaloux de David et cherche à le tuer. Celui-ci se réfugie dans les grottes de En-Gueddi. C’était pratiquement un endroit inexpugnable où se réfugiaient brigands et voleurs pour jouir tranquillement du butin de leurs forfaits. Jérémie et même Notre Seigneur y font allusion à propos du “temple“ que certains prennent comme protection contre toute justice même divine (“Vous en avez fait une caverne de voleurs !“). C’est d’ailleurs en ces endroits qu’eût lieu la dernière révolte juive (vers 132) menée par une certain Bar Korba (qui veut dire “fils de l’étoile) ; et les Romains eurent beaucoup de peine à le vaincre en ces talwegs très escarpés. En fuyant Saül, en se réfugiant dans ces grottes, David mène une vie errante, comme un brigand !

Le paradoxe, c’est que c’est David, le nouvel “Oint du Seigneur“ qui aurait pu supprimer Saül ! Il ne l’a pas fait ! Par respect pour ce roi que Dieu avait naguère choisi ? Probablement ! Mais surtout, David se révèle et se révèlera un personnage très intelligent, un habile calculateur. En agissant ainsi, il prépare la stabilité de son règne à venir. Il sait que ceux qui commen-cent à régner en tuant leur prédécesseur ne tiennent pas longtemps !

Ce qui est très caractéristique de ce récit, c’est la complexité des sentiments de David qui y est exprimée. C’est la complexité de notre cœur !

- D’une part, l’émotion que ressent David en coupant le pan du manteau de Saül est bien réelle, et, plus encore, exprimée : on dit que “le cœur lui battit d’avoir coupé le pan du manteau de Saül“. Cela veut dire que David qui, par ailleurs, était un grand comédien, avait ce jour-là un fond de sincérité profonde : son cœur lui battit d’avoir touché à l’Oint du Seigneur !

- Mais par ailleurs, David sait jouer à fond le respect de l’autorité royale. Il sait très bien qu’en agissant ainsi, c’est sa future autorité qu’il sert ! Il ne veut pas suivre le conseil de ses amis : le Seigneur livre ton ennemi entre tes mains… ! Non ! David, lui, préfère s’en remettre au Seigneur ! Il renonce à tuer ! Mais comme il a la certitude qu’il va régner, cette façon de remettre sa cause et sa vengeance entre les mains du Seigneur, c’est “le fin du fin“ d’un grand “politique“ : David ne pardonne pas purement et simplement, car en remettant sa cause au Seigneur, il la remet entre les mains d’un juge beaucoup plus exigeant que lui. Et ainsi, aux yeux du peuple, David est en train de “capitaliser“, si je puis dire, la faveur du Seigneur sur le dos de Saül qui, lui, cherchait à le tuer ! Oui, le cœur de l’homme est très complexe !

Soulignant cela, je veux dire que le pardon, le véritable pardon n’est pas une démarche facile ! Regardons l’histoire de Joseph en Egypte : il ne pardonne pas tout de suite à ses frères qui l’avaient vendu… Il leur fait même des “tours de cochon“ ! C’est seulement lorsque du cœur de Juda s’échappe un sentiment de grande humanité (Je ne peux pas retourner chez mon père sans le petit Benjamin !) que Joseph ne se contient plus. Et il pardonne d’une façon si subite, totale et gratuite que ses frères, du coup, n’arrivent plus à y croire !

Ainsi, dans la Bible, il y a toute une pédagogie du pardon ! Nous, chrétiens, on en parle (trop facilement parfois) parce que nous savons où en trouver les énergies : On essaye de faire pour les autres ce que Dieu, par le Christ, a fait pour nous !

Le soir de sa résurrection, “alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison étaient verrouillées, Jésus vint, se tint au milieu d'eux et leur dit : 'la Paix soit avec vous '” (Jn 20/19).

Il y a un étonnant rapprochement à faire :
  • D’une part, Jésus ressuscité apparaît à ses apôtres qui n'avaient pas eu une attitude très honorable pendant la Passion, et il leur dit pourtant : "La Paix soit avec vous" !
  • Et, d’autre part, Joseph qu'on croyait mort apparaît à ses frères et il se réconcilie avec eux ! Ils n'arrivent pas à y croire ! Bien plus, Joseph leur dit, quand ils partent : "Ne vous disputez pas en chemin" (Gn. 45/24). Maintenant que je vous ai pardonné, la question n'est pas de savoir qui est responsable…
    On pardonne comme Dieu nous a pardonnés ! Mais cela, c'est au terme de toute une pédagogie dont nous sommes l’objet, sans le savoir, parfois ! De Joseph qui a du mal à pardonner, du calculateur David, au Christ…, à Dieu !

J’aime, disait Gustave Thibon, les histoires de miséricorde ! A mesure que l’on vieillit, on se sent plus indulgent pour les autres. La liberté me semble si mesurée que je ne juge plus. J’ai pitié ! Et puis, cet apologue oriental me touche beaucoup : le Diable dit à Dieu : “Ce qui m’étonne chez Toi, c’est que les hommes ne font que pécher et tu leur pardonnes sans cesse, alors que moi, je n’ai péché qu’une fois, et tu ne m’as jamais pardonné !” - Et Dieu lui répond : “Mais toi, combien de fois m’as-tu demandé pardon ?”

mardi 19 janvier 2010

Le “Petit“ qui devient le “Grand“ - 2 T.O p. Mardi – (1 Sam 16.1sv)

C’est une des grandes lois de l’élection de Dieu dans la Bible : quand Dieu veut faire quelque chose de très grand dans l’histoire, il va chercher quelqu’un de très petit, dans un coin perdu, un homme, une femme qui n’ont pas d’apparence, des “pauvres…“ ! C’est que, dit Dieu, “vos pensées ne sont pas mes pensées“ (Is 55.8) !

David est un bel exemple à cet égard. Samuel chargé par Dieu de le désigner comme roi, se trompe plusieurs fois : ce n’est pas Eliav, ni Aninadav, ni Shamma, ni aucun des “sept fils de Jessé“ avec leur haute taille et leur belle apparence… “Les hommes voient ce qui leur saute aux yeux, mais le Seigneur voit le cœur !“… Mais il y avait encore “le petit dernier“ qui faisait paître le troupeau. Il avait le teint clair (1), autrement dit : il avait le teint pâle, n’ayant aucunement l’allure d’un grand guerrier, d’un futur chef, malgré sa jolie frimousse : “de beaux yeux et une mine agréable“ ! Il n’avait certes pas l’allure du premier roi d’Israël, Saül, “fils de Qish, fils d’Aviël, fils de Ceror, fils de Bekorath, fils d’un Benjamite“. Il en avait d’une belle ascendance, celui là ! (2). “Aucun des fils d’Israël ne le valait. Il dépassait tout le peuple de la tête et des épaules“ (1 Sam 9.1sv). Bigre ! Quelle allure ! David, lui, n’avait pas cette allure et n’avait aucune prétention. C’est ainsi qu’il en va souvent des choix de Dieu qui dira lui-même à David, plus tard : N’oublies pas, “c’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu deviennes le chef d’Israël, mon peuple !“ (2 Sam 7.8) Comme, plus tard, pour le prophète Amos : “Je n’étais pas prophète, je n’étais ni fils de prophète ; j’étais bouvier, je traitais les sycomores. Mais le Seigneur m’a pris de derrière le bétail et le Seigneur m’a dit : ’Va ! Prophétise à Israël, mon peuple !’“.

Oui, dit Dieu “vos pensées ne sont pas mes pensées !“. Saül avait belle apparence, il semblait tout désigner. Mais rapidement il déplu au Seigneur ! David n’était encore qu’un enfant qui n’avait pas grande ambition et que rien ne semblait désigné : et c’est lui que Dieu préfère à Saül !

Certes, Saül avait désobéi à Dieu… ! A ce propos, je ne peux m’empêcher de faire une digression et de vous signaler l’attitude du prophète Samuel que je trouve admirable, si spirituellement et humainement remarquable en cette circonstance. Samuel a du vivre intensément ce drame : voir ce “grand benêt“ de Saül déplaire au Seigneur alors qu’il pensait qu’il serait un roi efficace pour le peuple ! Alors, de la part de Dieu, il va trouver ce roi lamentable et lui adresse des paroles très dures de la part du Seigneur : “tu as rejeté la parole du Seigneur ; le Seigneur t’a rejeté, et tu n’es plus roi d’Israël !“. (1 Sam 15.25). “Le Seigneur t’a arraché la royauté … et il l’a donnée à un autre, meilleur que toi !“ (Id. 28). Paroles dures ! Mais le texte ajoute : “Samuel ne revit plus Saül jusqu’au jour de sa mort. C’est que Samuel pleurait Saül… !“ (Id.33). D’un côté, c’est l’envoyé de Dieu qui doit parler en toute vérité et parfois sévérité… ; de l’autre, c’est l’intercesseur qui pleure…, qui pleure sur le péché de l’homme… ! Jésus aussi pleura sur Jérusalem… ! Faut-il sans doute avoir, pour une telle mission, “une intelligence dure et un cœur tendre“, selon l’expression de Claudel ? Moïse lui-même, cet “homme très humble, plus qu’aucun homme sur la terre“ (Nb 12.3), était capable de grandes colères contre le peuple de la part de Dieu !

Quoi qu’il en soit de cette digression que je vous prie d’excuser - mais la réflexion me plaît -, redisons avec force que souvent Dieu choisit celui ou celle auxquels on ne pensait nullement. Cela se vérifie dans toute l’histoire de la Bible, depuis Joseph vendu par ses frères…, en passant par Moïse qui était bègue (“je ne sais pas parler !“)…, jusqu’à la Vierge Marie, “l’humble servante du Seigneur“ qui vivait dans un trou perdu et méprisé des collines de Galilée (“Que peut-il sortir de bon de Nazareth ?“). Je vous laisse le soin de découvrir ces petites “grandes figures“ !

Cela se vérifie également tout au long de l’Histoire de l’Eglise. Il y aurait trop d’exemples à signaler. Pour en prendre un de “chez nous“, je pense simplement à Ste Bernadette de Lourdes qui savait à peine lire et écrire…

Il en est ainsi aujourd’hui même : si nous sommes chrétiens, ce n’est pas par un mérite de notre part ; ce n’est que pure grâce de la part du Seigneur. Aussi, en m’inspirant de St Paul, je terminerais : je “rends continuellement grâce à Dieu pour vous, frères aimés du Seigneur, car Dieu vous a choisis dès le commencement, pour être sauvés par l'Esprit qui sanctifie et par la foi en la vérité“. (II Thess 2.13). Je le sais, “ vous avez été choisis“ (I Thess 1.4). Dieu vous a élus dans le Christ, “ dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l'amour, déterminant d'avance que vous seriez pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ“. (Ep. 1.4).

Sommes-nous à la hauteur de cette élection divine ???

  1. Traduction préférable à celle de : “Il était roux !“.
  2. Cela rappelle la cinglante réplique du célèbre polémiste, M. Veuillot (le fondateur de “l’Univers“ au 19ème s) adressée à M. de Montalembert qui lui rappelait ses nobles origines : “Vous, Monsieur, vous descendez des croisés ; moi, Monsieur, je monte d’un tonnelier !“.
La pédagogie de Dieu ! - T.O. 2.p. Lundi – (1 Sam 15.16sv)

“Pars, livre à la malédiction ces pécheurs, les Amalécites, fais-leur la guerre jusqu’à l’extermination !“. C’est vrai que la Bible comporte parfois des réflexions, des récits “sauvages“, où il est question de massacres, d’exterminations comme aujourd’hui ! Oui, il y a des récits très durs, pas très “catholiques“ ! Et il faut aussi reconnaître qu’il y a des gens qui aujourd’hui vivent encore de cette logique d’affrontement. L’assassinat leur apparaît comme le moyen le plus simple de résoudre les problèmes ! Comme dans les récits bibliques ! On a parfois du mal à comprendre!

Je vais tenter une explication: La Bible n’est un livre de récits “merveilleux“, de contes de “mille et une nuits“. La Bible offre avant tout une démonstration d’une pédagogie divine toujours actuelle ! Le Dieu VIVANT, le “Trois fois Saint“ fait alliance avec des hommes faits “de chair et de sang“, “tels qu’ils sont et là où ils en sont“, pour les amener progressivement à la perfection de l’Evangile, grâce à la communion avec le Christ, l’Homme parfait qui a dit : “Aimez-vous !“

Il ne faut pas lire la Bible pour en “écrémer le merveilleux“, y trouver matière à “une bonne lecture spirituelle“ ! Sur ce point, certains trouvent que Platon, par exemple, est plus sublime que la Bible. En un sens, c’est vrai ! Ils n’ont pas encore compris cette pédagogie divine qui affleure à chaque page et qui construit l’homme en le prenant “tel qu’il est et là où il en est“ pour, peu à peu, l’acheminer à construire sa véritable personnalité qui est d’être “à l’image et à la ressemblance de Dieu“.

Le Sublime, l’idéalisme, le perfectionnisme est la pire maladie (d’orgueil souvent). On manie de belles idées, de beaux principes. Et arrive fatalement un jour où une circonstance difficile fait tout s’écrouler ! Alors, on s’aperçoit qu’on “se met le doigt dans l’œil“ parce qu’on ne les pratique pas finalement. Et on n’en finit pas de se reprocher de n’être pas ce qu’on devrait être. Si on ne s’empoissonne pas soi-même, on empoisonne toute l’atmosphère. Au lieu d’utiliser toutes ses énergies à progresser humblement - “marche humblement avec ton Dieu“ - on les emploie contre soi-même par un incessant sentiment de culpabilité. On se stérilise en confondant sentiment de culpabilité qui est un regard (morbide) sur soi-même et repentir qui est un regard quêtant l’amour de l’offensé…, de Dieu. C’est différent ! Quand on ne s’aime pas soi-même “tel que l’on est et là où on en est“, on n’aime pas non plus les autres. C’est une maladie terrible !

Or, Dieu, lui, à l’inverse de l’homme lui-même, regarde toujours les hommes faits “de chair et de sang“, “tels qu’ils sont et là où ils en sont“. Il ne faut surtout pas croire que les hommes qui sont encore dans une logique d’affrontement telle qu’on la trouve décrite dans la Bible, Dieu ne les aime pas ! Le Christ, lors de son baptême, est descendu dans le Jourdain, au plus bas du globe ; dans “nos enfers“ comme l’on dit. Car Dieu “l’a, pour nous, identifié au péché, afin que par lui, nous devenions justice de Dieu !“ (2 Cor 5.21). Dieu aime les hommes tels qu’ils sont, même s’ils se font la guerre !

Un missionnaire qui avait vécu au Viêt-Nam et qui avait traversé mille conflits et atrocités disait : pourquoi n’ai-je pas lu tous ces récits “sauvages“ de la Bible quand j’étais dans ces situations terribles. J’aurais compris que Dieu était là… même dans ces combats… ; non pas, bien sûr pour les approuver..., mais il était là, avec nous, pour nous aider à progresser vers la paix, vers l’Evangile. - Et cet autre missionnaire qui disait qu’il ne fallait surtout pas supprimer des psaumes tous ces versets qui appellent à la vengeance… Car, dans cette pédagogie divine, c’est prendre en compte, en notre prière, tous ceux qui appellent à la vengeance contre toutes formes d’injustice affreuse. C’est une occasion de crier avec eux pour que Dieu les amène peu à peu de la vengeance à l’amour.

Voilà la pédagogie de Dieu à travers toute la Bible ! D’ailleurs, regardez un enfant. Il est d’abord égocentrique. C’est normal. S’il n’arrive pas à s’aimer lui-même “tel qu’il est“, il ne pourra pas aimer les autres. En grandissant, sa personnalité prend de la consistance : il devient accueillant, capable d’intégration. Et à l’âge adulte, il sera capable de relation.

Pour le peuple de Dieu (pour nous), il y a une croissance analogue. Le peuple élu, pour garder son identité, n’a pas eu d’autres moyens que de pratiquer l’anathème vis-à-vis des populations environnantes. Et puis au fur et à mesure qu’il grandit, il devient capable d’intégration, d’accueil. - Et, “à la plénitude des temps, St Paul partira pour répondre à l’attente des “îles lointaines“ : “Tout est à vous ; mais vous, vous êtes au Christ. Et le Christ est à Dieu !“. Une puissance d’intégration, de tout “récapituler“ dans le Christ, en Dieu ! De l’égocentrisme à l’“œcuménisme“, si je puis dire ! Voilà la pédagogie de Dieu à notre égard, lui qui fait “pleuvoir la pluie sur les bons comme sur les méchants !“.

Oui, on a du mal à lire ces récits “sauvages“ ! Mais c’est pour constater que beaucoup actuellement sont encore dans une logique d’affrontement…, et qu’ils ont besoin d’être interpellés par Dieu, comme par des électrochocs si je puis dire, non pour stagner dans des situations anachroniques, mais pour mieux prendre la route vers la perfection évangélique : “aimer vos ennemis !“. Il faut comprendre cette pédagogie divine à notre égard également ! (Le sacrement de réconciliation est fait pour cela !)

Alors comme il sera dit comme dans le livre des Juges : “Le pays se reposa de la guerre !“ (11.23).

vendredi 15 janvier 2010

Le Fils de l’homme a le pouvoir - T.O. 1.p. Vendredi - (Mc 2..1sv)

Marc - plus que Matthieu - raconte ce miracle du paralytique avec simplicité et force détails. On sent derrière lui St Pierre qui a vu, retenu ce qui s’est passé chez lui, probablement, à Capharnaüm !

D’abord il est dit que Jésus “annonçait la Parole de Dieu“! On peut dire que Jésus s’annonce lui-même ! Il se dit lui-même… ! St Jean dira plus tard : “Jésus est la Parole, le Verbe fait chair, la Parole venue chez les hommes !“. Aussi cette expression deviendra-t-elle classique pour désigner toute prédication ! Tout chrétien doit “proclamer la Parole“, non pas une doctrine quelconque, mais la Parole de Dieu, c’est-à-dire Dieu lui-même, le “Fils de l’homme“ comme se désigne Jésus lui-même ! Quelle mission !

Ce titre de “Fils de l’homme“, un peu obscur pour nous mais très biblique, revient souvent dans les Evangiles.
  • Il désigne d’abord l’homme, sous son aspect fragile, souffrant, mortel… !
  • Mais dans l’A.T., ce titre évoque un être mystérieux, à la fois terrestre et céleste, sauveur de sa communauté persécutée. Il est déjà comme la manifestation humaine de la Gloire de Dieu, Juge souverain et triomphant …des puissances du mal…

Aussi, Jésus emploie-t-il à dessein ce titre rare et mystérieux, mais moins explosif, dans le contexte politique et religieux de son temps, que ceux de “messie“, “roi“ ou “Fils de David“ ! Par contre, il traduit beaucoup mieux les caractéristiques de la mission de Jésus :
  • Le Christ est bien un homme ; il est bien cet homme que le prophète Isaïe a décrit comme un “Serviteur“ persécuté, soumis à la souffrance.
  • Le Christ est bien en même temps cet être mystérieux, juge souverain, qui rétablit toutes choses dans l’ordre voulu par Dieu au matin de la création.

Aussi, c’est bien comme “fils d’homme“ que Jésus est venu jusqu’à l’homme avec sa misère, - celle de ce paralytique comme celle de tout homme - avec cette souffrance qu’il supportera un jour jusqu’à la mort…

Mais c’est aussi comme “Fils d’homme“ que Jésus dit au malade : “Tes péchés sont remis !“. Parce qu’il est homme, mais un homme qui a puissance divine sur le mal, il peut pardonner les péchés.

Ainsi le titre de “Fils d’homme“ sur les lèvres de Jésus se charge déjà des données du mystère pascal : la gloire, la guérison, notre sanctification sont les fruits de sa passion, de cette aptitude du Christ-Dieu à porter les souffrances de l’homme : “Qu’est-ce qui est le plus facile ? De dire : ’Tes péchés sont pardonné’ ? Ou bien : ’Lève-toi, prends ton grabat et marche !’. Pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir de pardonner les péchés, je te l’ordonne - dit-il au paralysé -, lève toi et rentre chez toi !“.

Par ce titre au nom duquel il agit, Jésus nous indique sans détour une des grandes causes de la souffrance humaine : le péché dont le pardon est nécessaire pour que puisse être opérée la guérison demandée, signe d’une guérison plus profonde, celle de l’âme.

Pour notre monde qui, dit-on, a perdu le sens du péché, l’évangile d’aujourd’hui révèle une conception de la vie à peine pensable : le péché en occupe le centre ! C’est lui qui explique, en grande part, la souffrance de l’homme. Alors qu’on lui demande une guérison, Jésus répond : “Tes péchés sont pardonnés“, tant il est vrai que dans l’état originel, si je puis dire, le corps était soumis à l’âme parce que l’âme était soumise à Dieu !

Mais le pardon qui remet en relation avec Dieu est inaccessible à l’homme : “Dieu seul peut pardonner !“. C’est pourquoi, le Christ, ce “Fils de l’homme“ (Dieu et homme à la fois) a pris sur lui les souffrances de l’homme afin qu’en les surmontant au matin de Pâques, il démontre par là qu’il peut supprimer leur cause : le péché : “Voici l’Agneau de Dieu (immolé, le Serviteur souffrant d’Isaïe)… qui efface les péchés du monde“ !

Tous étaient stupéfaits, rapporte Marc : “Nous n’avons jamais rien vu de pareil“. Car beaucoup comprennent l’évidence : il n’y a que Dieu qui peut agir ainsi à travers Jésus ! Et plusieurs se mettent à suivre Jésus ! Qui sont-ils ? St Marc (Pierre) nous le dit quelques versets plus loin : “Alors que Jésus était à table à la maison (de Pierre, de Lévi ?), beaucoup de pécheurs se trouvaient à table avec lui, car beaucoup de monde le suivait“ (v/15).

La communauté de table est lourde de signification pour un oriental ; pour un chrétien, elle est porteuse d’un sens encore plus riche : Jésus a si bien réalisé sa mission de pardon que les pécheurs - et nous en sommes - peuvent non seulement partager le repas avec lui, mais communier profondément à lui, … à Dieu ! (sens de notre Eucharistie).

Mais il y a une condition : la Foi ! Plusieurs refusent le pardon, refusent de s’approcher de la table sainte. Pourquoi ? Ils savent pourtant que le Christ accueille quiconque. Mais ils savent également que Jésus est venu faire “passer“ l’homme devant son destin, devant les difficultés et les souffrances de la vie, à l’homme devant Dieu !

Passage difficile. Passage pascal avec le Christ ! Certains refusent, s’enferment dans leur monde…. D’autres acceptent : on les retrouve en communauté de table avec Jésus !

jeudi 14 janvier 2010

Jésus “irrité“ ! - T.O. 1.p. Jeudi – (Mc 1..40sv)

On m’a appris qu’il y a une règle d’or dans la lecture de la Bible : les versions les plus difficiles sont souvent les plus authentiques. St Marc en donne un exemple. J’ai lu : “Un lépreux tombe à genoux devant Jésus et le supplie… Pris de pitié, Jésus étend la main…”. Or des manuscrits, nombreux et plus anciens rapportent : “Jésus, non pas “pris de pitié”, mais “irrité”, (en colère). Difficile à comprendre ! Et plus loin : une fois le lépreux guéri, Jésus le rudoie ; il est encore irrité ! Décidément ! Jésus se fâche contre un lépreux qui demande sa guérison ; Il l’exauce ; et, à nouveau, irrité, il le chasse. Comment comprendre ? Je risque une explication. Car ce lépreux ressemble comme un frère à bien des gens …à nous-mêmes !

Réfléchissons : Jésus se présente comme celui qui vient apporter la “Bonne Nouvelle” de Dieu. Et il s'impatiente devant la lenteur des foules et même des disciples… De fait, on vient à lui surtout parce qu'il opère des miracles. La première journée de prédication de Jésus est significative : Jésus enseigne, certes ; mais ce qui frappe surtout ce sont les guérisons qu'il opère. Et naturellement, elles suscitent une grande attente : Tout le monde le cherche ! Mais Jésus se dérobe. Il se réfugie dans un lieu désert et là il prie. Quand les disciples le découvrent, il insiste sur sa mission spécifique : "Allons ailleurs dans les bourgs voisins, pour que j'y proclame aussi la “Bonne Nouvelle“ car c'est pour cela que je suis sorti." (1.35sv). C'est à ce moment-là que se situe la rencontre du lépreux. - Il est très bien ce lépreux : il croit en Jésus : "Si tu le veux, tu peux me purifier." On ne voit pas tout de suite pourquoi une telle confiance irrite Jésus. Répondant mot pour mot, et brusquement, Jésus lui dit : "Je le veux, sois purifié". Et immédiatement, la colère revient : "S'irritant contre lui, Jésus le chassa aussitôt".

Jésus a le sentiment d'une “embrouille” : il est venu apporter la “Bonne Nouvelle“ ; et les gens ne retiennent que son pouvoir de guérisseur. Il est venu parler de Dieu-Père ; et l'on attend ses miracles. C'est ce reproche qu'il formulera un jour : "Vous me cherchez parce que vous avez mangé des pains…" (Jn 6/26). Il y a comme un malentendu ; et l'essentiel de la mission de Jésus est négligé. Pourtant, Jésus continuera à prodiguer guérisons, miracles.

L'efficacité de ces miracles n'est pourtant pas évidente. Il suffit de se souvenir d'une autre affaire, celle de dix lépreux. Jésus agit avec eux comme avec le lépreux de Capharnaüm : il leur enjoint d'aller se montrer au prêtre, à Jérusalem. Pendant leur voyage, ils sont guéris. Un seul sur les dix, un Samaritain, a compris le sens du miracle et reconnu l'action de Dieu dans le geste de Jésus. Il revient rendre gloire à Dieu. Cet épisode aide à comprendre l’irritation de Jésus par rapport au lépreux de Capharnaüm. Jésus se rend compte que la guérison n'entraînera peut être pas la conversion. Il sait même le pourcentage de réussite : un sur dix.

Les gestes de Jésus, l'Eglise s’efforce de les accomplir principalement par les sacrements. Mais, il faut le savoir, les problèmes que Jésus a rencontrés, l'Eglise les rencontre. Ce qui irritait Jésus nous irrite. On demande facilement des actes de guérisons, mais recherche-t-on à approfondir la “Bonne Nouvelle” du Christ ? C’est si évident, parfois ! Le pourcentage de ceux qui veulent entendre la “Bonne Nouvelle” du Christ n'a peut être guère évolué depuis Jésus ! Le problème est resté le même : ceux qui réclament un signe (un sacrement) ne vont pas tous s’attacher pour autant au message du Christ !

Ainsi, l’irritation de Jésus s'explique. Nos irritations aussi. Mais la pratique de Jésus n'a pas pour autant été modifiée. Il a continué de faire les gestes de guérison, de compassion et de réinsertion. Aider, par exemple, une personne en grande difficulté ne va pas rétablir la justice dans le monde ni réformer la société mais peut lui montrer que Dieu et ses amis savent l’accueillir. Accomplir modestement de petits gestes qui empêchent les autres de souffrir est parfois le seul témoignage à notre portée. Célébrer la naissance, l'amour, la mort peut devenir un signe de l'amour de Dieu, pour ceux qui peuvent l'entendre, comme le lépreux samaritain. Ne méprisons pas ces modestes signes, même s'ils ne convertissent pas toujours. Beaucoup en ont besoin. Simplement, il faut savoir, dire, montrer que, pour ceux qui le veulent, Jésus apporte autre chose : nous mener jusqu'au Père.

Et nous-mêmes, avons-nous compris ? Car - une remarque -, même dans une conversion, il y a, en un premier temps, enthousiasme pour le Christ qui libère, sauve… Justes sentiments, mais sont-ils solides ? Vient un second temps où il s'agit de découvrir qui est Jésus, vraiment ! Oui, après l'éblouissement, vient le temps de l’approfondissement. Jésus dira : “J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous n'avez pas encore la force de les porter” (Jn 16, 12). Ce n'est pas un reproche. Non, mais Jésus le sait : il faut du temps pour que notre foi trouve sa force, sa vigueur et puisse aller plus avant dans la découverte du mystère de Dieu.

Aussi, Jésus reste discret à notre égard. Il aime attendre pour en dire davantage. Trop de lumière nous aveuglerait. Certes, il veut se révéler à nous tous dans sa splendeur ; mais nos intelligences, sensibilités, volontés, notre manière de vivre avec les autres… tout cela doit s'acclimater aux mœurs de Dieu. Il y faut, avec l’aide de l’Esprit, du temps, du vrai silence.. et surtout de la prière !

mercredi 13 janvier 2010

L’homme “ordinaire“ qui “écoute ! - T.O. 1p. Mercredi – (I Sam 3.1.1sv)

Après les grandes festivités - Noël, Sainte Famille, Epiphanie, Baptême de N.-S. -, préparées par les merveilleuses semaines de l’Avent, nous “retombons“, si je puis dire, dans le temps “ordinaire“ : nous sommes au Mercredi de la première semaine du “temps ordinaire“ ! J’avoue ne pas aimer l’expression, avec ce mot “ordinaire“ dont le sens commun en français est assez péjoratif ! On dit facilement d’une personne apparemment sans grand “relief“ : “Oh ! vous savez ; c’est quelqu’un d’ordinaire !“ - Je ne vous ferai certainement pas cette injure ! Et je pense légitimement que vous êtes tous des personnes extraordinaires !

Finalement, il y a beaucoup de gens extraordinaires - le Seigneur disant à chacun d’entre nous : “Tu as du prix à mes yeux !“ (Is 43.4) -. Si bien que paradoxalement il n’est pas facile désormais de trouver un homme, une femme “ordinaires“, c’est-à-dire, selon l’étymologie, capables de “mettre de l’ordre“ ! Aussi est-il très difficile aujourd’hui de trouver des “supérieurs“ susceptibles justement de mettre choses, événements et même personnes en “bon ordre“, de tout mettre à sa juste place ! En droit romain, ecclésial, on appelle l’évêque : “Ordinarius loci“, l’Ordinaire du lieu“ ! Trouver une telle personne “ordinaire“, c’est finalement assez extraordinaire ! Aussi, sommes-nous sollicités, au cours de l’Eucharistie, à prier pour notre évêque, l’“Ordinaire du lieu“ qui doit, de façon extraordinaire, tout “ordonner“ vers Dieu, vers le Seigneur. Tâche ordinaire, mais mission extraordinaire !

Et bien, la Liturgie, en sage pédagogue, nous ménage de longs temps “ordinaires“ au cours de l’année afin que nous puissions tranquillement ordonner toute notre vie à la lumière des moments extraordinaires qui nous permettent de célébrer les grands mystères de notre foi, tel celui de l’Incarnation du Fils de Dieu - Dieu parmi nous, chez nous, en nous - ! Nous devons “apprivoiser“, si je puis dire, cet événement extraordinaire pour en faire l’ordinaire de notre vie, de chacune de nos journées : ordonner toute nos activités en la présence de Dieu, de sorte que nous puissions, de façon tout ordinaire, entrer comme naturellement en la VIE même de Dieu, au jour éternel !

Et pour un tel objectif si extraordinaire à atteindre de façon ordinaire en faisant “bon ordre“, “dans les jours où nous sommes“, la Liturgie nous donne un conseil à travers ce prêtre Eli qui s’adresse au petite Samuel : “Tu diras : ’Parle, Seigneur, ton serviteur écoute !’“

Dieu a parlé ; il parle toujours. Il parle surtout en son Fils, “Verbe de Dieu“ ! Il nous faut donc ECOUTER, écouter sans cesse ! Notre entrée en la VIE de Dieu s’obtient par la foi. Or la foi ne nait pas de la lecture, ni de la réflexion, ni de la discussion, encore moins de la contestation ; elle vient de la Parole entendue. “La foi, dit St Paul, vient de la prédication ; et la prédication, c’est l’annonce de la Parole du Christ“ (Rm 10.17).

On m’a présenté un jour l’image d’une sculpture intitulée : “l’homme qui écoute“. Le visage levé vers le haut, les mains en pavillon derrière les oreilles, les coudes rapprochés, la tête, les bras, les mains, l’oreille s’unifiaient dans une attitude d’écoute intense. L’homme ainsi représenté était “tout oreille“ : de toutes les fibres de son être il écoutait la voix qui venait d’en-haut…, de Dieu, et elle seule ! Sans paroles, cet homme criait à celui qui le regardait : “N’écoute plus ni toi-même, ni le monde, écoute Dieu ! Ne regarde ni toi-même, ni le monde visible ; regarde le Dieu invisible, afin de te laisser transformer à son image toujours plus rayonnante :
  • “Ceux qui ont regardé vers lui sont radieux“ (Ps 34.6).
  • “Notre objectif n’est pas ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel !“ (2 Co 4.18).

Aussi n’est-il pas étonnant qu’à ceux qui désirent se consacrer à l’“Œuvre de Dieu“, St Benoît commence son conseil : “Ecoute, ô mon fils… ; tends l’oreille de ton cœur !“. Il reprenait ce que St Luc demandait : “avoir un cœur noble et généreux (kalosagathos) qui écoute“, reprenant ainsi la prière de Salomon : “Donne à ton Serviteur un cœur qui écoute pour savoir gouverner ton peuple“ (1 Rois 4.9) (Voilà bien un “Ordinaire du lieu !“).

Toute la Bible se résume en cette attitude d’écoute :
  • “Shéma, Israël“ - “Ecoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur !“ (Dt 6.4).
  • Et, dans le Nouveau Testament, la seule fois où Dieu le Père se fait entendre, c’est pour nous dire à propos de Jésus :
  • “Celui-ci est mon Fils bien-aimé… Ecoutez-le !“ (Mc 9.7 et //). Aussi Notre Seigneur commença-t-il sa prédication par la parabole du semeur, en disant : “Ecoutez !“ (Mc 4.3). Et souvent, il concluait ses discours par : “Entende qui a des oreilles pour entendre !“ (Mc 4.9).

L’homme “ordinaire“ qui peut parvenir à atteindre l’“extraordinaire“, la Vie même de Dieu, est celui qui suit le conseil de Jérémie : “Terre, terre, terre, écoute la parole du Seigneur !“ (22.29) ;

Oui, Seigneur, “ta parole est un flambeau sur mes pas, une lumière sur ma route !“ (Ps 119.105).

[N’est-ce pas notre première attitude pour venir ici adorer le Seigneur?]

mardi 12 janvier 2010

Le Démon - T.O. 1.p. Mardi – (Mc 1.21sv)

En nous décrivant la première journée de la vie publique de Jésus, St Marc veut nous donner une "journée-type" du Maître. Et sur son épaule, nous apercevons Pierre qui se souvient et qui revoit dans le détail.

Tout commence par un enseignement en la synagogue. Mais Pierre - à travers Marc - est un visuel : il ne rapporte pas ici ce que dit Jésus ; il retient simplement que tous "étaient frappés de son enseignement" ; et il lui tarde de nous plonger en pleine foule orientale : il y a de l'ambiance, de la couleur, des cris, du mouvement. Soudain, c'est la guérison d'un possédé! Alors, éclatent admiration, étonnement, bousculade. "L'esprit impur secoua l'homme avec violence et il sortit de lui en poussant un grand cri".

Ainsi, dès cette première heure, nous savons de quoi sera faite l'évangélisation. Elle comprendra un double élément : paroles et signes, enseignement et miracles. Déjà, nous devinons que les préférences de Marc - ou de Pierre - iront aux miracles tandis que Matthieu recueillera les enseignements pour les organiser en discours. Peu importe, puisqu'en hébreu "parole de Dieu" veut aussi bien dire "action de Dieu" : lors de la création, Dieu dit et cela fut. Dieu, en Jésus-Christ, se manifeste aussi bien par sa parole que par son action. Méditons ce premier acte de Jésus d'après Marc.

C'est à dessein que Marc présente comme premier miracle de Jésus une expulsion du Démon. Car Jésus n'est pas un simple médecin qui, pris de pitié devant les misères humaines, s'efforce, à tout moment, de les supprimer, de les amoindrir. Il le fait, certes. Mais son action va au-delà : quand il déclare que le Règne de Dieu est arrivé avec lui, il veut en même temps signifier qu'est arrivé aussi la fin d'un autre règne, celui de Sa¬tan.

Et pour lui, Satan est un être personnel et spirituel, intelligent et pervers. Il fait partie de ces puissances sur lesquelles l’homme n'a pas de pouvoir direct, car elles lui sont insaisissables. - C'est un esprit "impur", dit St Marc ; ce mot désigne chez lui tout ce qui est inapte à la moindre relation avec Dieu qui est "pur", qui est "saint" ! Il est le symbole de tout ce qui, dans l'homme, en chacun de nous, est en opposition radicale à Dieu.

Et St Marc décrira plus loin avec un luxe de détails effrayants un épisode de cette emprise de Satan sur l'homme, avec la guérison du démoniaque de la Décapole dans les falaises sauvages qui surplombent, à l'est, le lac de Génésareth. Il est clair que dans cet homme tourmenté par une légion de démons, il voit, comme dans un miroir, l'humanité aliénée par Satan. Il voit notre monde où ces démons sont toujours à l'œuvre. Ils se manifestent sans doute autrement aujourd'hui, à travers l'argent, la drogue, la mode, le jeu, l'impureté, la suffisance, l'injustice - voire: la foi morte et la pratique routinière.

Les démons n'ont jamais cessé de vouloir le mal ; ils s’emploient toujours à nuire aux hommes, à travers lesquels ils cherchent à atteindre Dieu lui-même. Et toujours, St Marc pensera à ce combat incessant des forces du mal contre Dieu, des fils de ténèbres contre les fils de la lumière.

C'est pourquoi il nous présente ce premier miracle de Jésus, comme première victoire du Fils de Dieu venant libérer l'homme de l'emprise des forces du mal, prélude à la victoire finale sur le Golgotha. Les hommes peuvent désormais espérer : ils ont un Sauveur qui peut dire avec force et autorité : “Hors de cet homme “. St Marc a bien écrit pour nous!

De ce premier affrontement entre le Christ et le Démon, il nous faut d'abord souligner l'existence de celui-ci. Je sais que ce n'est pas "très à la mode" de l'affirmer. Pourtant il n'est pas bon de le reléguer - en souriant - parmi les mythes. Et l'Eglise, docile à l'Evangile, fait de l'existence du Démon une affirmation de foi. Le mal n'est pas une abstraction à l'usage d'intellectuels. Il a une réalité personnelle. Sans voir le Dé¬mon partout et sachant que la faiblesse humaine suffit à expliquer bien des choses malheureuses, n'oublions pas, afin de nous en protéger, que le Démon, ouvertement ou insidieusement, combat l'Evangile, combat le Christ, combat Dieu !

Remarquons encore que, d'après cet épisode, Satan se manifeste avant que Jésus lui ait enjoint de s'en aller. Jésus sait que le Dé¬mon est là. Mais il se préoccupe avant tout des hommes, les enseignant, leur apportant la vérité, le bien… C'est le Dé¬mon qui ne supporte pas la présence du Christ ! Aussi, en nous souvenant de ce qui advint à tous les disciples du Seigneur depuis toujours, on peut dire que le véritable ami du Christ a, aujourd'hui encore, le don d'indisposer les puissances du mal. Il doit le savoir. Mais il ne doit se préoccuper que de transmettre le message évangélique, s'attendant à ce que le Démon intervienne - d'une façon plus ou moins obscure - à l'encontre de son action. Son unique souci ne sera que de communiquer le Christ, le "Saint de Dieu" qui vaincu le Démon.

Aussi, il nous faut surtout participer à l'émerveillement de tous ces gens qui ont été témoins du premier miracle de Jésus d'après St Marc. Ils ont vu le miracle, certes ; mais ils ont surtout accueilli la parole de Jésus ; et ils s'exclament: "Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité. Il commande même aux esprits mauvais ; et ils lui obéissent !". Le miracle n'est là que pour aider à accueillir la Parole de Dieu !

Que la parole de Jésus soit toujours pour nous un enseignement nouveau ! Que cet enseignement ne nous lasse jamais, mais qu'il nous émerveille, nous paraisse toujours actuel et capable de transformer notre vie.

lundi 11 janvier 2010

C’est urgent ! - T.O. 1.p. – Lundi - (Mc 1.14sv)

Vous l’avez sans doute remarqué : quelle rapidité dans ce récit de l’évangile ! Jésus dit : “suivez-moi” ; et aussitôt, Simon et à André le suivent. Même scénario pour Jacques et Jean. Pour du rapide, c'est du rapide ! Si l'on s'en tenait à la lettre du récit, on pourrait croire à un recrutement d'urgence, pire à un embrigadement ! Fait-il croire que les appels de Dieu ne souffrent aucun délai, aucune hésitation, aucune réflexion, comme si la liberté de l'homme était tout à coup annulée. Pas de discussion, il faut exécuter ! Jésus exerçait-il une telle fascination que ses disciples devaient renoncer d'emblée à leur liberté, pour le suivre aveuglément, jusqu'au bout ?

Certes pas ! Ce serait faire dire à l'Évangile le contraire de l'Évangile ! Jésus n'est pas venu voler la liberté de l'homme mais la faire exister !

Mais comment comprendre ce texte ? Comme tous les textes de l'Evangile qui ne sont pas des reportages. L’Evangile n'est pas un chapitre d'histoire au sens strict. C'est une catéchèse, un enseignement. Que s'est-il passé exactement ce jour-là ? Peu importe finalement. Mais on sait très bien ce que Marc a voulu enseigner. Il veut nous dire deux choses :
  • l'importance du MESSAGE et
  • l'importance des MESSAGERS

L'importance du MESSAGE ! Le message de Jésus, il faut l'entendre, c'est une urgence pour nous, pour le monde. Il faut se mettre “aussitôt” en route. Urgence !

Ce mot-là “aussitôt” qui semblait faire difficulté, c'est justement la pointe de l'enseignement de Marc. L'Évangile de Jésus vaut la peine qu'on lui donne “aussitôt” priorité. Marc veut sans doute dénoncer la lenteur, les hésitations et même les refus des Juifs à se convertir. Bien plus, écrivant quelques soixante ans après la résurrection de Jésus, veut-il aussi dénoncer notre propre lenteur à prendre au sérieux ce que dit Jésus. C’est comme s’il disait comme un professeur à ses élèves : mais écoutez donc ! C’est important ! C’est urgent !

Et puis, jouant sur les mots avec ces pêcheurs du lac, Jésus leur avait dit : “Vous serez pêcheurs d'hommes !”. L'image est forte, à condition de bien en comprendre : Jésus ne demande pas à ses disciples de ramener les hommes à eux comme le pécheur ramène les poissons qui se laissent prendre au filet et qui, de ce fait, vont crever. Il ne s’agit pas de mourir ! Mais la mer était pour les Juifs le lieu symbolique où résidaient, sévissaient toutes les puissances, les forces du mal. Ils avaient peur de la mer où séjournaient tous les êtres maléfiques. Aussi la pêche dont il s'agit a pour but de soustraire les hommes aux forces mauvaises, de les libérer du mal. (“Délivrez-nous de tout mal…”)

Et qui oserait dire que ce n'est pas là une urgence ? Qui oserait dire : “Les puissances du mal, on ne connaît pas !”. Les marées de violence, les flots de la misère, etc.… qui ne connaît pas ? Jésus veut libérer l’homme ! Et c'est urgent ! C’'est urgent de se mettre à l'écoute de Jésus qui parle de paix, de justice, de réconciliation, de tolérance, de respect, de la dignité de tout homme, quel qu’il soit C'est une urgence pour le monde, pour chacun de nous... Jésus propose un chemin de vie, de bonheur. C’est urgent de l’emprunter : “Venez à ma suite !”.

De plus, dire l’importance du Message, c’est dire aussi l'importance des MESSAGERS. Les messagers doivent être à la hauteur du message qu'ils transmettent. Jésus dit à ses disciples : “Vous êtes pêcheurs du lac, et de bons pêcheurs professionnels ! Et bien, ce que vous savez si bien faire dans votre métier, faites-le aussi bien pour annoncer l'Évangile... avec même sérieux, même compétence. Pour le Royaume de Dieu, ne soyez dilettantes, ni amateurs. Ce n'est pas la seule fois que Jésus le demande à ses disciples. “Celui qui a mis les mains à la charrue, qu'il ne regarde pas en arrière”. – “Malheur à celui qui gâche le talent reçu”. Il faut que les disciples soient aussi avisés dans les affaires du Royaume que les hommes de ce monde dans l'exercice de leur métier.

Acceptons aujourd’hui la réflexion ! Jeunes ou plus anciens, on se donne souvent du temps, on acquiert compétence en tel ou tel domaine professionnel ou autre ; on se donne du temps (légitimement) pour ses loisirs. Mais l’Evangile nous questionne aujourd’hui : Savez-vous donner du temps, acquérir compétence pour l’annonce de l’évangile ? C’est d’une grande urgence, nous dit St Marc !

Oui, St Marc nous enseigne aujourd’hui avec la simplicité de St Pierre, son Maître : Ecoutez, dit-il, le Message de Jésus ! C’est un Message de libération - et l’homme en a besoin - ; c’est un Message qui mérite d’être cherché, trouvé, vécu et aussi annoncé ! “Le temps presse”, dira St Paul par ailleurs. C’est urgent !

vendredi 8 janvier 2010

“Il est venu….par l’eau !“ - Vendredi après l’Epiphanie - (I Jn. 5.13sv – Lc 5.12 sv)

St Jean est plus difficile à comprendre qu'on ne le croit, tellement il veut dire moult choses à la fois!

“Qui est vainqueur du monde ? N’est-ce pas celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?“Autrement dit, notre victoire, c’est la victoire du Christ si nous avons foi en lui, la foi en celui qui a dit : “Je vous ai dit tout cela pour qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous aurez à souffrir. Mais prenez courage ! J’ai vaincu le monde !“ (Jn 16.33). Notre foi est donc une force qui vient de Jésus pour vaincre toutes les forces du mal. Elle est une participation à la victoire du Christ ! Et Jean d’expliquer :
  • “Il est venu !“. D’abord, notre foi porte sur des faits, des faits de l’histoire humaine de Jésus. La foi n’est pas une élucubration intellectuelle ! C’est à travers des faits - l’Incarnation du Fils de Dieu dans toutes les dimensions humaines - que nous reconnaissons l’Amour de Dieu qui donne victoire avec Jésus ! Oui, Jésus “est venu“, dit St Jean. L’Apôtre, d’abord disciple de Jean-Baptiste, se rappelle bien la question que celui-ci, prisonnier, avait envoyé à Jésus : “Es-tu celui qui doit venir ?“. Oui ! C’est bien lui qui répond à toutes les promesses divines données au peuple élu. En Jésus Dieu “est venu !“.

  • “Il est venu par l’eau“. Il s’agit ici, bien sûr, du baptême de Jésus dans le Jourdain, tel que Jean-Baptiste l’a sans doute expliqué à son disciple Jean avant de l’envoyer à Jésus (1).

Il semble que Jean-Baptiste avait beaucoup médité l’Ecriture, Isaïe en particulier. De cette fermentation de la Parole de Dieu en sa mémoire était née en lui une conviction inspirée : le Messie serait celui sur qui reposerait l’Esprit de Dieu, selon Isaïe. Et lui, Jean-Baptiste était chargé - c’était sa mission, sa vocation - de le désigner.

Ce fut donc son témoignage : “J’ai vu l’Esprit descendre du ciel et demeurer sur lui !“ (Jn 1.32). St Jean l’Evangéliste se souvient bien du témoignage de son premier Maître, faisant référence au prophète Isaïe : “Sur lui reposera l’Esprit de Dieu !“ (Is 11.2). - “Voici mon Serviteur... J’ai mis mon Esprit sur lui !“ (Is. 42.1). Ce Serviteur, Jean-Baptiste l’avait nommé “Agneau“(en araméen, les deux mots se ressemblent !) : “Voici l’Agneau de Dieu (le Serviteur de Dieu) qui enlève le péché du monde (Jn 1.29 ; Cf. Is 53.4-7).

Par cette formule - “Il est venu par l’eau“ - Jean Baptiste désignait Jésus encore comme l’auteur d’un baptême plus efficace et important que le sien : un baptême dans l’Esprit qui enlève le péché du monde. Ce fut certainement le témoignage de Jean-Baptiste : “Je vous baptise dans de l'eau en vue du repentir ; mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi… ; lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu…“. (Mth 3.11). Et Jean, l’Apôtre, l’avait bien compris, lui qui écrira : “Le dernier jour de la fête, Jésus s'écria : "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et que boive celui qui croit en moi ! Comme l’a dit l'Écriture: ’De son sein couleront des fleuves d'eau vive’. Il parlait de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui“. (Jn 7.37)

En même temps, Jean-Baptiste perçoit qui sera Jésus. Il est le Messie, le “Serviteur de Dieu“ (Agneau de Dieu) annoncé par Isaïe (Is.42) : il ne criera pas ; il ne rompra pas le roseau froissé, n’éteindra pas la flamme vacillante ; il apportera le droit et la justice (celle qui “ajuste“ à Dieu) ; il ouvrira les yeux des aveugles… etc. Bref, il apportera la “Bonne Nouvelle“ : “Le Seigneur m'a donné une langue de disciple pour que je sache apporter à l'épuisé une parole de réconfort. Il éveille chaque matin mon oreille pour que j'écoute comme un disciple“. (Is. 50.4-5). Et oui ! L’homme-Jésus à l’écoute profonde de la Parole de Dieu ; l’homme-Jésus, disciple du Verbe qu’il est en personne, afin d’être celui qui porte la Parole de Dieu aux hommes, la “Bonne Nouvelle“, l’Evangile ! Jésus pleinement Dieu - Verbe de Dieu ! - et pleinement homme - qui transmet la Parole de Dieu - !

Enfin, ce Serviteur qui porte la Parole de Dieu - qui l’écoute d’abord et qui la porte dans la douceur et l’humilité -, ce Serviteur est méconnu. Dieu seul sait ce qu’il fait : “Moi, je disais : "C'est en vain que j'ai peiné ; pour rien, pour du vent j'ai usé mes forces !". …. Et maintenant le Seigneur a parlé. Je serai glorifié aux yeux du Seigneur... Il a dit : "Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre". (Is 49.4sv).

La vocation du “Serviteur de Dieu“ apparaît donc comme une vocation de prédicateur dans la douceur et l’humilité. Ce n’est certes pas une vocation à la gloire, celle du monde ! C’est ce que rappellera Jésus lui-même à Jean-Baptiste emprisonné qui a peut-être (comme nous souvent) la tentation d’une reconnaissance mondaine pour Jésus : "Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés… et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ; et heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi !".

“Il est venu par l’eau !“ Mais encore “il est venu par le sang !“. Nous sommes, là, à l’autre bout de l’évangile. Nous sommes au Calvaire. Cette fois, ce “Serviteur“ est bien l’“Agneau“ annoncé encore par Isaïe : “Maltraité, il s'humiliait, il n'ouvrait pas la bouche, comme l'agneau qui se laisse mener à l'abattoir“ (Is. 53.7)… …(Cf. : Is 50.5-6)

Le Fils de Dieu est bien venu. Il est venu par l’eau et par le sang !

  1. Le Jourdain, dans la tradition biblique, était déjà symbole de toutes les purifications (Naaman), de toutes les délivrances et victoires.

jeudi 7 janvier 2010

Nous et…les autres ! - Jeudi après l’Epiphanie - (Lc 4.14 sv)

Aujourd’hui, c’est au tour de St Luc de nous parler d’Epiphanie, de la “manifestation“ de Jésus de Nazareth, lors de son passage de la vie cachée à la vie publique. Il le fait à sa manière. Ainsi, nous sommes, jour après jour, en ce temps de l’Epiphanie, invités à admirer la convergence des Evangélistes sur l’essentiel du message chrétien, en même temps que les différences extrêmement grandes entre leur style, leurs angles de vue, le public auquel ils s’adressent.

Il y a quelques jours, St Matthieu, le “Bon scribe“, dans le prologue de son Evangile, à la charnière de l’Ancien et du Nouveau Testament, tirant “de son trésor de l’ancien et du nouveau“ (Mth 13.51. Cf. Cant 7.14), nous montrait la gentilité, en la personne des mages ; ils ignoraient tout des Ecritures, mais arrivaient finalement à la crèche de Bethléem, à la différence des scribes qui connaissaient les Ecritures par cœur, mais ne se dérangèrent pas !

C’est le drame que reflète tout le Nouveau Testament en général ! Comment cela se fait-il que le Peuple élu, préparé par Dieu par une pédagogie toute spéciale, est absent quand s’accomplissent les promesses ? Alors que, paradoxalement, la Gentilité, les païens, ces “adorateurs d’étoiles“ (les “Akoum“, comme on disait) viennent se prosterner devant le Messie !

C’est ce même drame dont nous entretient aujourd’hui St Luc à la Synagogue de Nazareth (Lc 4.14sv).

C’était le jour du Shabbat. Jésus se rend à la Synagogue selon son habitude. On lui confie la lecture du jour, tirée du prophète Isaïe. Le commentaire qu’il fait ensuite suscite l’admiration de l’entourage : “Et tous lui rendaient témoignage et étaient en admiration devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche“.

Ensuite, brusquement, surgit le scandale de la simplicité. On lui reprochera de ne pas avoir fait à Nazareth les miracles qu’il a faits à Capharnaüm.

[N.B. St Luc, lui, n’a pourtant pas encore parlé de capharnaüm ! Selon un procédé courant, Luc fait un tableau où, comme dans une préface, il résume le drame qu’il va développer dans la suite de son livre].

Alors, comme dans St Matthieu, Jésus parlera des païens qui viennent à la foi, alors que ses compatriotes se bloquent dans un refus. Les païens viennent de l’Ouest comme la veuve de Sarepta au temps du prophète Elie. Les païens viennent aussi de l’Est, comme Naaman, le Syrien qui fut guéri de sa lèpre au temps du prophète Elisée. Ces deux allusions aux païens qui viennent à la foi mettent les gens de la Synagogue en fureur à tel point qu’on veut le précipiter du haut d’un escarpement de la colline. Mais lui, “passant au milieu d’eux, allait son chemin“… Il descendit à Capharnaüm, au bord de la “via maris“, qui devient comme en St Matthieu le centre de sa prédication.

Comme vous le savez, St Luc est aussi l’auteur des “Actes des Apôtres“. Et on ne peut s’empêcher de rapprocher la scène que nous venons d’entendre de la scène qui nous est racontée à Jérusalem lors de l’arrestation de Paul (ch. 22ème). Accusé d’avoir introduit un païen, un certain Trophime d’Ephèse, dans la partie du temple réservée aux seuls Juifs, il échappe à la foule qui veut le lyncher. Il obtient de parler à la foule, étonnée de l’entendre s’exprimer en bon hébreu. Il se vante de sa culture judaïque acquise aux pieds de Gamaliel. On l’écoute avec une attention admirative, comme on avait écouté Jésus de Nazareth. Mais quand il en vient à parler après un long discours, de la mission qu’il a reçue d’annoncer l’Evangile aux païens, l’atmosphère change du tout au tout, comme à Nazareth lorsque Jésus parle de Naaman, le Syrien et de la veuve de Sarepta.

Actes 22. 17sv : "De retour à Jérusalem, il m'est arrivé, un jour que je priais dans le Temple, de tomber en extase. Je vis le Seigneur, qui me dit : "Hâte-toi, sors vite de Jérusalem, car ils n'accueilleront pas ton témoignage à mon sujet". - "Seigneur, répondis-je, ils savent pourtant bien que, de synagogue en synagogue, je faisais jeter en prison et battre de verges ceux qui croient en toi ; et quand on répandait le sang d'Étienne, ton témoin, j'étais là, moi aussi, d'accord avec ceux qui le tuaient, et je gardais leurs vêtements". Il me dit alors : "Va ; c'est au loin, vers les païens, que moi, je veux t'envoyer". Jusque-là on l'écoutait. Mais à ces mots, on se mit à crier : "Ôtez de la terre un pareil individu ! Il n'est pas digne de vivre !". On vociférait, on jetait ses vêtements, on lançait de la poussière en l'air".

Le récit de St Luc, aujourd’hui, s’arrête au v.22. J’ai cru bon, cependant, de le prolonger car le problème, même s’il est différent aujourd’hui, est, en Israël, plus actuel que jamais ! Et - de plus - ce grave problème n’est-il pas parfois “transféré“ aussi chez nous ? Entre nous, “chrétiens“ et … “les autres“ ? L’ostracisme est toujours d’actualité ! Hélas ! Pourtant, toute la Bible le crie : Dieu aime tout homme sans distinction !

mardi 5 janvier 2010

La prédication de Jésus ! - Mardi après l’Epiphanie - (2) (Mc 6.34 sv)

Toujours dans le contexte de l’Epiphanie, de la “manifestation“ que fait Jésus de sa personnalité messianique accomplissant les Ecritures, la liturgie nous fait relire en St Marc la multiplication des pains. C’est en effet dans le signe de la multiplication des pains, dans la discrétion même de ce signe, que Jésus révèle au maximum son mystère de Verbe Incarné !

Jésus a séduit les foules par ses paroles ; elles s’écriaient en l’écoutant : “Jamais homme n’a parlé comme cet homme. Il ne parle pas comme les scribes, mais avec autorité !“. On m’a dit que sous cette expression banale “avec autorité“, il y avait l’expression par laquelle on désignait les paroles que Dieu adressait au peuple non par l’intermédiaire de Moïse, mais directement. C’est une allusion à un passage de l’Exode (1).

C’est le même Dieu qui parle au bord du lac, sur la montagne des Béatitudes, mais non plus dans les éclairs et le tonnerre, comme il le fit dans les étapes antérieures de sa pédagogie divine envers le peuple élu. Déjà avec Elie à l’Horeb (2), il y a une progression.

Jésus ne parlait pas que par ses discours et ses paraboles ; il parlait par tout son comportement, étant le “Verbe Incarné“ en qui habite la plénitude de la divinité. Ses silence, ses regards, ses colères, ses gestes de compassion, tout son comportement était “révélation de son mystère“ !

Mais de tous les gestes, il y en avait un auquel il attribuait une valeur privilégiée : la fraction du pain. Il prenait du pain, il le levait en signe d’action de grâce, exprimant ainsi l’identité du peuple Juif auquel il appartenait : le “Peuple de l’action de grâces“. Et ensuite il le rompait et le distribuait aux foules par le ministère des apôtres. St Marc et St Matthieu nous parlent de deux multiplications des pains. St Luc et St Jean n’en citent qu’une ! Mais le geste devait lui être très familier. Et après sa résurrection, lorsque les disciples ne sont pas encore habitués à percevoir sa présence plus réelle que jamais, on le reconnaît à la “fraction du pain“, et pas seulement sur la route d’Emmaüs !

C’est ce geste qu’il nous a laissé “en mémorial“. Les premiers chrétiens le pratiquaient à Jérusalem avant que le temple soit détruit en 70. Ensuite, ils comprirent qu’il y avait dans ce geste tout simple une richesse infiniment plus grande que dans les cérémonies sacrificielles les plus fastueuses du temple disparu.

Ce geste, nous le pratiquons quotidiennement sans pouvoir nous y habituer. L’Eglise s’est battue à longueur de siècles contre ceux qui portaient atteinte à la réalité de la présence réelle, en la réduisant à un vague symbolisme !

Ce geste tout simple est un geste auquel déjà il ne manque rien. Le pain que le prêtre, en la personne du Christ, élève vers le ciel, c’est l’Univers qui retrouve son équilibre, dans la convergence de sa complexité, vers l’Unité du Créateur. Le vin devenu le sang rédempteur permet ce retour universel de la création vers le Créateur…

Henri Suso, un mystique rhénan du 13ème siècle, disciple de Maître Eckhart, exprimait ainsi ce qu’il ressentait en célébrant l’Eucharistie : “Je contemplais, en esprit, tout mon être, mon âme, mon corps, mes forces et mes puissances, et autour de moi toutes les créatures dont le Tout-Puissant a peuplé le ciel, la terre… et les anges du ciel, les bêtes des forêts, les habitants des eaux, les plantes de la terre, le sable de la mer, les atomes qui volent dans l’air aux rayons du soleil, les flocons de neiges, les gouttes de la pluie et les perles de la rosée. Je pensais que jusqu’aux extrémités les plus reculées du monde, toutes les créatures obéissent à Dieu et contribuent autant qu’elles peuvent à cette mystérieuse harmonie qui s’élève sans cesse pour louer et bénir le Créateur. Je me figurais alors être au milieu de ce concert comme un maitre de chapelle ; j’appliquais toutes mes facultés à marquer la mesure ; j’invitais, par les mouvements les plus vifs de mon cœur, les plus intimes de mon âme, à chanter joyeusement avec moi : “Sursum Corda !“ - “Habemus ad Dominum !“ - ‘“Gratias agamus Domino Deo nostro !“. (“Elevons notre cœur - Nous le tournons vers le Seigneur - Rendons grâce au Seigneur notre Dieu !“).
  1. Ex. 20.18sv : “Tout le peuple, voyant ces coups de tonnerre (litt. : ’voyant les voix et les éclairs…’), ces lueurs… et la montagne fumante, eut peur et se tint à distance. Ils dirent à Moïse : "Parle-nous, toi, et nous t'écouterons ; mais que Dieu ne nous parle pas, car alors c'est la mort". Moïse dit au peuple : "Ne craignez pas. C'est pour vous mettre à l'épreuve que Dieu est venu, pour que sa crainte vous demeure présente et que vous ne péchiez pas". Le peuple se tint à distance et Moïse s'approcha de la nuée obscure où était Dieu. Le Seigneur dit à Moïse : "Tu parleras ainsi aux Israélites : Vous avez vu vous-mêmes comment je vous ai parlé du haut du ciel…“.
  2. I Rois 10.9sv : Elie “entra dans la grotte... La parole de Dieu lui fut adressée : "Que fais-tu ici, Élie ?". Il répondit : "Je suis rempli d'un zèle jaloux pour le Seigneur Dieu, parce que les Israélites ont abandonné ton alliance... Je suis resté moi seul ; et ils cherchent à m’ôter la vie". Le Seigneur lui fut dit : "Sors et tiens-toi dans la montagne devant le Seigneur". Et voici que Dieu passa. Il y eut un grand ouragan…, mais Dieu n'était pas dans l'ouragan ; et après l'ouragan un tremblement de terre, mais Dieu n'était pas dans le tremblement de terre ; et après le tremblement de terre un feu, mais Dieu n'était pas dans le feu ; et après le feu, le bruit d'une brise légère“. (Littér. : “dans l’éclatement d’un silence“ ou “dans une poussière de silence !“).

lundi 4 janvier 2010

La Prédication de Jésus - Lundi après l’Epiphanie - (I Jn. 3.22sv – Mth sv)

Dans le contexte de l’Epiphanie, St Matthieu nous parle de cet Epiphanie que fut l’entrée de Jésus dans sa vie publique et sa première prédication.

Pourquoi Jésus quitte-t-il Nazareth pour aller faire de Capharnaüm le centre de sa prédication ? On peut voir en cela trois raisons :
  • La première est qu’il n’est pas très bien vu à Nazareth comme il le dit lui-même : “Un prophète n’est jamais très bien vu en son propre pays !“. Allusion peut-être à Jérémie et à son milieu d’Anathoth où il était rejeté ! (Cf. Jr. 11.18sv)
  • La deuxième raison est peut-être simplement topographique. Nazareth est en dehors des routes. C’est seulement au Moyen-Age que les Croisés ont fait converger les routes vers les “Lieux Saints“ qu’ils vénéraient, vers Nazareth perdu dans les collines. Certes, Jésus n’a pas fait de “propagande“ au sens moderne du mot ; mais il voulait donner un minimum de retentissement à son enseignement. Aussi fallait-il qu’il se rapproche des grandes voies de communication que commandent le relief et la topographie : Capharnaüm était une étape sur la célèbre “via maris“ qui reliait l’Egypte et les empires qui se succédaient en Mésopotamie. Leçon apostolique : c’est là où se trouvent les hommes qu’il nous faut, nous aussi, annoncer la “Bonne Nouvelle“ !
  • On peut distinguer aussi une troisième raison à ce passage de Nazareth à Capharnaüm : Capharnaüm était près de la frontière qui séparait les états d’Hérode Antipas et ceux de son frère Philippe. Jésus n’a jamais injurié personne ; il a cependant traité Hérode de “renard“ : “Des Pharisiens lui dirent : "Pars et va-t-en d'ici ; car Hérode veut te tuer". Il leur dit : "Allez dire à ce renard : Voici que je chasse des démons et accomplis des guérisons aujourd'hui et demain, et le troisième jour je suis consommé ! Mais aujourd'hui, demain et le jour suivant, je dois poursuivre ma route, car il ne convient pas qu'un prophète périsse hors de Jérusalem“. (Luc 13.32).

De fait, après une période d’enthousiasme des foules, après la multiplication des pains, Jésus s’isolera avec ses apôtres dans les états de Philippe, jusqu’au pied de l’Hermon, à Césarée de Philippe, en cette région où l’Eglise sera fondée sur la confession de Pierre. Retraite-Prédication ; Prédication-retraite : ce sont les deux phases de tout apostolat !

Mais ce qu’il est important de remarquer, c’est cette orchestration que St Matthieu va chercher dans le langage traditionnel des délivrances, pour montrer l’importance de cette Epiphanie qu’est l’entrée dans la vie publique de Jésus par sa prédication.

Cette prédication, il l’a situe dans un langage qui est né lors des grandes victoires qui ont permis la réunification des tribus du Nord et du Sud, par delà cette plaine d’Esdrelon qui faisait partie des horizons habituels de la vie cachée de Jésus. Les Hébreux, bons soldats dans la montagne lors de la conquête, n’osaient pas s’aventurer dans la grande plaine d’Esdrelon qui sépare la Samarie de la Galilée. Cette plaine, lors du partage, avait été attribuée à la tribu “Issachar“, laquelle ne s’était jamais sentie chez elle en cette plaine ! (1) : Issachar voyait arriver des déserts de l’Est des pillards madianites qui dévastaient tout sur leur passage et allaient ravager les récoltes jusqu’à la plaine côtière. En sens inverse, les Philistins, installés sur la côte, inspiraient des craintes semblables. Par surcroît, les Cananéens, restés dans le pays, avaient, comme les Egyptiens, des chars et des chevaux que les fantassins Israélites n’osaient affronter. Deux batailles épiques réussirent à vaincre tous ces obstacles : contre Madian, au temps de Gédéon. Et contre Sisera au temps de la prophétesse Déborah. (2)

Matthieu insère la prédication de Jésus dans le langage des délivrances qui jaillit de ces deux batailles épiques, langage que reprend le prophète Isaïe en le rattachant aux grandes délivrances initiales de la sortie d’Egypte : “Ayant appris que Jean avait été livré, il se retira en Galilée et, laissant Nazareth, vint s'établir à Capharnaüm, au bord de la mer, sur les confins de Zabulon et de Nephtali, pour que s'accomplît l'oracle d'Isaïe le prophète : « Terre de Zabulon et terre de Nephtali, Route de la mer, Pays de Transjordanie, Galilée des nations ! Le peuple qui demeurait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; sur ceux qui demeuraient dans la région sombre de la mort, une lumière s'est levée ». Dès lors Jésus se mit à prêcher et à dire : "Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche". (Mth 4.12-17).

Mais avec le temps, la notion de “délivrance“ s’est purifiée, spiritualisée. La lumière qui jaillit de la prédication de Jésus n’est plus celle qui sortit des cruches cassées de Gédéon qui avait mis en fuite la multitude des Madianites. C’est la lumière de la Parole de Dieu fait chair pour demeurer parmi nous et éclairer toutes les nuits de l’existence présente avant que nous arrivions dans l’Eternité glorieuse. Dès le début, LA PREDICATION DE JESUS EST UNE PREDICATION DE DELIVRANCE ! En profitons-nous ?

  1. Le nom signifie d’ailleurs : “homme de peine, corvéable à merci“.
  2. Pour bien comprendre, il faut lire les récits (sauvages !) de ces deux batailles célèbres, surtout celle menée par Gédéon : Jug. ch. 7. Et Déborah : Jug. ch. 4.