vendredi 5 mars 2010

Etre UN, comme Dieu Trinité ! - Carême 2 - Jeudi - (Jr 17.5sv - Ps 1 - Lc 16.19sv)

Au lundi de la 1ère semaine de Carême, la lecture du chapitre 24ème de St Matthieu nous disait qu’au dernier jour, à la fin des temps, lors du jugement dernier, il n’y aura plus que deux catégories d’hommes.Ceux qui auront profité de tous les instants de leur vie à s’occuper des autres et qui s’apercevront avec surprise que tous les bienfaits qu’ils auront accomplis, Dieu les considèrera comme faits à Lui-même ;et, par ailleurs, ceux qui constateront avec la même surprise que leur indifférence à l’égard des autres a été une indifférence à Dieu lui-même.“Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens c’est à moi que vous l’avez fait. Entrez dans le Royaume…“.

Aujourd’hui, c’est le même enseignement qui nous est donné dans la parabole de Lazare et du mauvais riche. On est invité à méditer cet enseignement d’une manière personnelle et dans la perspective des comptes que nous aurons à rendre au jour éternel, comme l’on dit.

Notre passage ici-bas a pour vocation première de vivre comme créature faite à “l’image et à la ressemblance“ du Créateur. Or, Dieu nous révèle progressivement son vrai visage. De ce fait, une “morale“ en découle :
  • Soyez saints parce que je suis Saint … parfaits comme votre Père céleste est parfait
  • Aimez votre prochain non seulement comme vous-mêmes, mais“ je vous ai aimés“ jusqu’à verser mon sang pour vous et pour la multitude en rémission des péchés.
  • Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux.
Etre véritablement “à l’image de Dieu“, à “sa ressemblance”. De plus Jésus précisera : “Aimez-vous comme je vous ai aimés“, de sorte, priera-t-il, que vous soyez “comme le Père et moi, nous sommes UN“ !

Par le Christ, avec lui, en lui, Dieu ne nous révèle pas seulement qu’il est Un, et que nous appartenons à une religion monothéiste qui invite tous les hommes à se considérer comme frères. Il nous fait la confidence du “comment Il est UN“, pour que nous puissions accomplir le commandement nouveau qui caractérise la nouvelle alliance, qu'ils soient Un comme nous sommes UN“.

Comment Dieu est-il Un en trois personnes distinctes ? C’est un mystère qui nous éblouit comme la lumière du soleil qu’on ne peut regarder directement, mais qui illumine tout ce qui existe ici bas.

Les théologiens, secondés par la foi, ont fait marcher leur intelligence à pas de raison aussi loin que possible dans cet océan de lumière. Ils disent que ces trois personnes ne forment qu’une nature divine relations parce qu'elles ne sont que subsistantes les unes envers les autres…

C’est en devenant ainsi relation les uns envers les autres que nous devons marcher ici bas pour entrer dans le “Royaume“, la vraie “Terre Promise“ qui est le mystère même de Dieu-Trinité.

L’apprentissage se fait dans le quotidien de l’existence, lorsque nous profitons de toutes les occasions qui se présentent pour sortir de notre égocentrisme et nous préoccuper de bienveillance, de compréhension et d’accueil envers notre prochain. La question est de nous montrer en toute occasion le prochain de l’autre comme le dit Jésus à la fin de la parabole du bon samaritain. La question n’est plus celle du scribe : “Qui est mon prochain ; autrement dit : qui est-ce qui se fait proche de moi ?“. Mais la question est bien : “Comment se faire proche de tout homme ?“, surtout de celui se trouve en difficulté !

Il me semble que toute la Bible depuis le commencement converge vers cette réalité : la relation que j’entretiens avec le prochain révèle déjà la relation que j’ai avec Dieuet annonce celle qui sera mienne au sein des relations qu’entretiennent entre elles les trois Personnes divines, Père, Fils, Esprit-Saint !Voilà le “commandement nouveau“ sollicité par Notre Seigneur : “Aimez-vous comme je vous ai aimés“, “en étant UN, comme le Père et moi, nous sommes UN !“. Et ce commandement résume la Loi et les prophètes !

Ce commandement sera toujours, ici-bas, comme une “lutte“, une “lutte“ avec Dieu et une “lutte“ avec le prochain, tout à la fois…, comme cette “lutte“ de Jacob au bord du torrent du Yabbok lorsque Dieu change son nom en celui d’Israël qui veut dire : “tu as été fort contre Dieu et contre les hommes et tu l’as emporté !“. (Cf Gen 32).

Notre vie chrétienne comporte un double “affrontement“, une double “sortie de soi“ : une vers Dieu, l’autre vers le prochain.Soyons forts dans cette lutte qui consiste en ceci :

tu aimeras Dieu !
tu aimeras le prochain !


mercredi 3 mars 2010

La souffrante solitude du Christ ! - Carême 2 Mercredi – Jr 18,18-20 - Ps 30 - Mt 20,17-28

Le but principal du Carême est de nous faire rejoindre Jésus dans sa montée à Jérusalem. St Luc notera : “Il prit résolument la route de Jérusalem !“. En mot à mot, il est dit : il durcit sa face pour prendre la route de Jérusalem“. C’est une expression empruntée à Isaïe décrivant à l’avance le mystère pascal du Christ qui doit s’accomplir en la Ville Sainte : “Je n'ai pas soustrait ma face aux outrages et aux crachats. Le Seigneur va me venir en aide…, c'est pourquoi j'ai rendu mon visage dur comme la pierre, et je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, celui qui me justifie“. (Is. 50.5-8). Nous aussi, nous montons vers la “Cité Sainte, la Jérusalem d’En-haut“… Il nous faut suivre le Christ en son mystère de Pâques pour y parvenir… : “Venez, suivez-moi !“.

Les options messianiques que Jésus prend pour accomplir sa “Pâques“, nous les connaissons depuis le récit de la triple tentation au désert, cette rencontre avec Satan au début de sa vie. Nous aussi, nous rencontrons Satan avec ses tentations. Ne nous en étonnons pas ! Et continuons à marcher résolument vers Jérusalem…, vers Dieu !

Les options messianiques que Jésus prend et qui se sont formées durant les trente années de sa vie cachée dans les horizons de Nazareth, par la prière, la méditation de la vie et des écrits des prophètes sont très éloignées de la mentalité de son peuple à l’époque. Nous aussi nous sommes “dans le monde mais non du monde“ ! Sachons prendre les armes de la prière et de la Parole de Dieu !

Pour faire part de sa mission messianique, Jésus choisit quelques apôtres qu’il éduque et initie... C’est seulement au bout de quelques mois, que dans la région de Césarée de Philippe, au Nord du pays, il les révèle explicitement à ses apôtres après la “confession de Pierre“ (qui est déjà la fondation de l’Eglise) : “Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup…“.Mais Pierre est le premier scandalisé à cette pensée ! “A Dieu ne plaise, Seigneur, tout cela ne t’arrivera pas“. Il se fait rabrouer et même traiter de Satan qui, le premier, tenta de détourner Jésus de sa mission et de la manière de l’accomplir. Souvent nous sommes comme Pierre !

Alors, Moïse et Elie sur la montagne de la Transfiguration apparaissent pour confirmer que les options messianiques de Jésus sont celles qui correspondent au dessein de Dieu pour le salut du monde. Oui, toute l’Ecriture annonçait, annonce toujours le salut des hommes en la mort et la Résurrection de Jésus !

Et s’intensifie alors la montée de Jésus vers Jérusalem, en même temps que s’accroît l’incompréhension de ses apôtres les plus intimes. L’Evangile d’aujourd’hui est très révélateur de ce décalage, de cette incompréhension ! Ses apôtres discutent de la façon la plus mesquine qui soit sur lequel d’entre eux occupera la première place dans le royaume à venir qu’ils imaginent selon la mentalité courante de l’époque où on rêvait de triomphe sur l’occupant, de restauration de la gloire salomonienne, et d’une suprématie mondiale d’Israël sur le monde. Et nous-mêmes, ne rêvons-nous pas parfois d’une Eglise à la manière du monde ?

C’est la mère de Jacques et Jean qui se fait naïvement l’interprète des ambitions qu’elle a pour la carrière de ses deux garçons. Et cette demande se place juste immédiatement après que Jésus, pour la deuxième fois, ait formulé le tragique de sa destinée et parle de la coupe amère qu’il demandera à son Père de ne pas boire lors de son agonie à Gethsémani “Pouvez-vous boire à la coupe que je dois boire ?“. La question reste posée !

Vous le remarquerez : pour nous aider à rejoindre Jésus dans sa solitude incomprise, la liturgie du Carême fait souvent appel à Jérémie qui a eu, lui aussi, son Gethsémani, et qui nous fait part des souffrances qui ont jalonnées toute sa vie de prophète. Il nous les a confiées avec une sincérité qui nous aide à rejoindre Jésus dont il est une impressionnante préfiguration. L’incompréhension de ses compatriotes à Anatot, sa ville natale, ses échecs, la persécution officielle ou sournoise qu’il subit
  • quand il met en question les fausses sécurités que l’on cultive à l’époque…,
  • quand il critique le culte somptueux et formaliste du temple…,
  • quand on considère ce temple comme une sorte d’assurance tout-risques et une garantie d’échapper à toutes les menaces de catastrophes…
Aucun personnage de l’Ancien Testament ne peut mieux nous aider dans cet effort que nous sommes invités à faire durant le Carême pour rejoindre Jésus dans la solitude incomprise de sa montée à Jérusalem, dans son dialogue où il n’a plus pour interlocuteur que Dieu seul, afin de réaliser le dessein de salut pour le monde entier.

Si nous entrons parfois dans la solitude de notre condition de chrétien, sachons accompagner le Christ dans sa solitude qui se résoudra dans la “Communion glorieuse“ en Dieu avec tous ceux qu’il entraîne à sa suite ! “Venez, suivez-moi !“.
Lundi - Prière pénitentielle ! - Carême 2 - Dn 9, 4-10 - Ps 78 - Lc 6, 36-38

Une des caractéristiques du peuple de Dieu dans l’Ancien Testament, et qui le distingue des autres peuples, c’est qu’il reconnaît ses fautes, lorsque des catastrophes viennent le frapper et que les prophètes les leur interprètent comme des châtiments de Dieu.

On trouve chez ce peuple, plus que chez les autres, la loyauté que le prophète Nathan a trouvée chez David lorsqu’il est venu lui reprocher son adultère avec Bethsabée et le meurtre de son mari. La loyauté dans l’aveu et le repentir est magnifiquement exprimée dans le psaume “Miserere“ (50) que l’on a mis dans la bouche de David. Ce psaume traduit très bien cette disposition que l’on doit avoir à confesser ses fautes et à implorer le pardon.

La 1ère lecture tirée du livre de Daniel est une très belle liturgie pénitentielle qui est d’actualité en ce temps de Carême ! Le texte de Daniel est encore plus explicite quelques verset plus loin : “Ce n'est pas en raison de nos œuvres justes que nous répandons devant toi nos supplications, mais en raison de tes grandes miséricordes. Seigneur, écoute ! Seigneur, pardonne ! Seigneur, veille et agis ! Ne tarde point ! Par toi-même, mon Dieu ! Car ton nom est invoqué sur ta ville et ton peuple".

Daniel parle du fond de l’exil à Babylone, exil qui est la conséquence de l’infidélité à l’Alliance. Nous sommes tous, comme dit St Augustin, - nous qui sommes créés à “l’image et à la ressemblance de Dieu“ -, nous sommes tous des exilés dans les terres lointaines de la dissemblance ; et nous avons toujours à nous rappeler que dans le Christ nous avons revêtu l’homme nouveau qui va se renouvelant à l’image du Créateur.

Et après cette liturgie pénitentielle, nous avons à nous demander si nous vivons dans la morale chrétienne qui est une imitation des mœurs divines.

« Soyez saints parce que je suis Saint »
« Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait »
« Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux »

C’est ce que nous rappelle l’évangile d’aujourd’hui ! Concrètement cela se traduit par une attitude constructive d’accueil, de bienveillance, qui exclut le soupçon, la condamnation, la calomnie et la médisance.

Quand notre heure sera venue de comparaître devant Dieu, Il nous jugera en employant les mesures dont nous nous sommes servies nous-mêmes dans notre comportement envers les autres.

Si nous vivons dans cette logique des mœurs divines, nous apparaissons en opposition radicale aux comportements du monde où règnent la concurrence, la jalousie, le mépris des autres et la réjouissance malsaine que l’on prend souvent en contemplant ses idées et même ses fautes, toutes ces attitudes qui apparaissent un peu partout dans le monde (surtout en périodes électorales sous le couvert de la démocratie !). Partout règne la désinformation ! Partout, occasion nous est donnée de pratiquer la loyauté, la vérité et l’humble repentance dont nous entretient les lectures de ce jour.

Mais comment agir concrètement ? Je me permets de vous transmettre une réflexion de Bossuet avec son style “grand siècle“ :

“Ne faut-il pas user de condescendance ? N'est-ce pas une doctrine évangélique qu'il faut s'accommoder à l'infirmité humaine ? Il le faut, n'en doutez pas, chrétiens !

Mais voici l'esprit véritable de la condescendance chrétienne. Elle doit être dans la charité, et non pas dans la vérité ! Je veux dire : il faut que la charité compatisse, et non pas que la vérité se relâche. Il faut supporter l'infirmité, mais non pas l'excuser ni lui complaire ! Il faut imiter St Cyprien dont St Augustin a dit ces beaux mots : “que considérant les pécheurs, il les tolérait dans l'Eglise par la patience et la charité“ ; et voila la condescendance chrétienne. “Mais que tout ensemble il les reprenait par la force de la vérité“ ; et voilà la vigueur apostolique !“. (1).

Ne faut-il pas tendre à cet idéal : “Amour et Vérité se rencontrent !“ (Ps 85.11). Bien sûr ! Il faut remarquer d’ailleurs que l’on n’a jamais dit : “Vérité et Amour se rencontrent !“, mais bien “Amour et Vérité se rencontrent !“ … A chacun de conclure ! Pour ma part, je suis persuadé que la vérité ne se découvre qu’à l’intérieur de la charité ! (2)

  1. Bossuet : 3e sermon pour le dimanche de la passion - 3e point
  2. Claudel disait qu’il faut avoir tout en même temps “un cœur tendre“ et “une intelligence dure“ !

lundi 1 mars 2010

Véritable repentance et non hypocrisie ! - Carême 2 – Mardi - Is 1, 10... 20 - Ps 49 - Mt 23, 1-12

Pour Isaïe le contraire du blanc, ce n’est pas le noir mais le rouge ! « Si vos péchés sont comme l’écarlate, il deviendrait comme la neige. S’ils sont rouges comme le vermillon, ils deviendront blancs comme la laine ».

Nous sommes toujours dans le thème de la repentance, thème qui convient en ce temps de Carême ! Sous des images très différentes de celles qu’employait Ezéchiel Vendredi dernier, Isaïe nous montre la puissance de la conversion. - La repentance, si elle est loyale, peut nous faire naître à une vie complètement nouvelle. Le pardon de Dieu, toujours total et gratuit, équivaut à une nouvelle création, inaugure une alliance nouvelle, débute une histoire d’amour plus belle encore que celle des fiançailles originelles.

C’est le prophète Osée qui a bien souligné cet aspect : “Elle (l’épouse de Dieu : le peuple d’Israël) m'oubliait ! C'est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur. Là,…, elle répondra comme aux jours de sa jeunesse… - Je te fiancerai à moi pour toujours ; je te fiancerai dans la justice et dans le droit, dans la tendresse et la miséricorde ; je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu connaîtras le Seigneur Dieu ! Il adviendra, en ce jour-là, que je répondrai à l’attente des cieux et eux répondront à l’attente de la terre…“. (Os 2, 15b-25).
Cette Alliance renouvelée devient dans le Cantique des cantiques : “Mon bien aimé est à moi et je suis à lui“.

La seule condition qui est mise à ce renouvellement radical est la loyauté et la sincérité. Jésus, dans l’Evangile, dénonce tous les pièges qui peuvent nous empêcher de profiter des “re-créations“ que Dieu propose à ceux qui trouvent les chemins de la repentance.
Il s’agit toujours d’échapper à la comédie humaine. Il s’agit de se situer sous le regard de Dieu qui voit dans le secret et sonde les reins et les cœurs :
  • ne pas agir pour être remarqué des hommes,
  • ne pas exagérer l’importance des signes extérieurs,
  • ne pas briguer les premières places dans les synagogues, les repas, les réunions en général… etc.
Mais, nous le savons, l’orgueil, l’amour propre se fourrent partout. Or, écrivait Montaigne (qui n’était pas spécialement un spirituel, mais qui s’y entendait en “caractères“) : “On ne parle jamais de soi sans perte !“. Pascal avait déjà signalé : “Le moi est haïssable… Il a deux caractéristiques : il est injuste en soi en ce qu’il se fait le centre de tout ; et il est incommode aux autres en ce qu’il veut les asservir“. D’ailleurs, comme on l’a dit, la vanité et la sottise sont souvent des compagnes inséparables !

Une remarque pour terminer : “Ne donnez à personne le titre de Rabbi ; ne donnez à personne le nom de Père“ ! Et pourtant, bien des personnes me saluent en disant “mon Père“. Et quand je suis rentré au monastère, j’entendais parler du “Très Révérend Père Abbé“, du “Père Maître des novices“. Je ne sais pourquoi et depuis quand la tradition de l’Eglise a véhiculé ces habitudes qui atteignent le sommet de l’Eglise quand on parle du “Très Saint Père“, le pape !

S’il y a une personne qui a refusé de jouer au notable, de centrer les regards sur lui, c’est bien l’apôtre Paul. Cependant il se présente aux chrétiens de Corinthe comme un “père“ qui les a engendrés dans la foi (cf. I Co. 4.15) (1). Métaphores ? Sans doute ! Mais c’est toujours pour lui une occasion de renvoyer à un autre, le Christ qui seul agit. Lui, Paul, n’est que serviteur : “Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui fait croître“. Et le Christ seul nous a révélé le nom de Dieu : “Père“, de sorte que nous pouvons dire ensemble “notre Père … !“.

Le catéchisme de l’Eglise Universelle fait une mise au point à propos du “Notre Père“ : « Avant de faire nôtre ce premier élan de la Prière du Seigneur, il n’est pas inutile de purifier humblement notre cœur de certaines fausses images de “ce monde-ci“.

L’humilité nous fait reconnaître que “nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler“, c’est-à-dire “aux tout-petits“ (Mt 11,25-27).

La purification du cœur concerne les images paternelles ou maternelles, issues de notre histoire personnelle et culturelle, et qui influencent notre relation à Dieu. Or, Dieu notre Père transcende les catégories du monde créé…“.

Transposer sur Lui, ou contre Lui, nos idées en ce domaine serait fabriquer des idoles, à adorer ou à abattre.

Aussi, il faut bien le souligner, nous ne pouvons dire “Notre Père“ que dans le Fils et dans l’Esprit Saint, traversant toutes les images paternelles et maternelles issues de notre histoire personnelle et culturelle.

Ce texte du catéchisme offre une bonne occasion de revaloriser cette appellation de “Père“ qui est un peu trop banalisé dans le langage humain et ecclésiastique.
“Vous êtes tous frères !“. Ainsi, quand vous vous adressez à un prêtre en l’appelant “Père“, [ce qui est contestable, soit, mais pas plus contestable que d’avoir un comportement très familier avec lui sous prétexte de fraternité - ce qui n’est d’ailleurs pas admis en d’autres contextes sociaux -]…, ce n’est certes pas à l’homme que vous vous adressez, à ce frère qui est exactement comme vous…[et qui a certainement tel et tel défaut que vous n’avez pas (évidemment) et que vous savez faire remarquer], … mais vous devez, là, plutôt manifester votre foi dans le Christ dont il porte le caractère sacerdotal, lui qui peut dire en la place du Christ : “Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang“. Vous devez seulement manifester votre foi dans le Christ qui, dans son apparence d’homme, disait : “Qui me voit, voit le Père !“.

Le grand St Augustin disait un jour à ses chrétiens : “Avec vous et comme vous, je suis chrétien. Et pour vous, je suis évêque !“. Il se considérait d’abord comme chrétien, au même niveau que les autres : nous sommes tous frères ! Et ensuite, étant donné la vocation particulière à laquelle il avait répondu, il se considérait comme “serviteur“ des autres, chargé d’une responsabilité à l’égard des autres, comme “lieutenant de Dieu-Père“.

Et quelle responsabilité ! Alors si vous dites “mon Père“ à un prêtre, que ce soit avant tout une prière à son intention, lui qui devra rendre compte de la charge qui lui a été confiée !

(1) aux chrétiens de Thessalonique comme une mère qui nourrit ses enfants.