vendredi 30 avril 2010

Pâques 4 Jeudi - La Résurrection !

“Nous vous annonçons la “Bonne Nouvelle“ : la promesse faite à nos pères“. Oui, la promesse faite à nos pères, “Dieu l’a accomplie en notre faveur, à nous, leurs enfants : il a ressuscité Jésus !“.

La promesse faite à nos père !“. St Paul dans son discours à la synagogue d’Antioche, proclame ce qui lui tient le plus à cœur : “Si le Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide, et vide aussi votre foi“ (I Co 15.14). Et cette résurrection du Christ est l’accomplissement des expériences de résurrection faites tout au long de l’histoire du peuple élu. Dieu - le Dieu Unique – “est pour nous, résume le psaume 68ème (v/21), le Dieu des victoires ; et les portes de la mort sont à Dieu le Seigneur !“.

Ce peuple qui avait reçue les promesses faites à Abraham : “ta descendance sera aussi nombreuses que les grains de sables sur le rivage de la mer“, qui avait reçu les promesses faites à David :  “ta maison et ta royauté seront à jamais stables, ton trône à jamais affermi“, qui avait pourtant été affronté à ces grosses bête apocalyptiques qu’étaient les empires assyrien, babylonien, mède, perse, grec, romain, etc… avait, à chaque fois, fait  l’expérience d’un “Dieu de victoires“ qui mène “par delà la mort !“, d’un Dieu qui “a les issues de la mort“.

On peut se souvenir d’un exemple. Au début du 8ème siècle, l’Assyrie, après s’être emparé de tous les Royaumes avoisinants, arrive près de Jérusalem. La ville est vouée à l’anéantissement. Tout le peuple tremble ; On va consulter le prophète Isaïe. C’est un homme enraciné en Dieu qui, dans une calme attitude, invite à mettre sa confiance en ce “Dieu qui a les issues de la mort“. Et c’est la délivrance miraculeuse, inexplicable, une délivrance semblable à celle qui s’était passée lorsque le peuple avait échappé à l’esclavage d’Egypte. Et il y a toute une série de psaumes (Ex. 48ème) qui célèbrent cette résurrection, qui célèbrent ce “Dieu qui nous conduit par-delà la mort“. 

Certes, il y eut, à la fin du 6ème siècle, la déportation à Babylone. Cependant quarante après, alors qu’il n’était plus que “ossements desséchés“ (vision d’Ezéchiel), le peuple va, contre toute espérance, connaître une véritable résurrection d’entre les morts. Et il revient à Jérusalem…

Et c’est un faux problème que de se demander quand est-ce que la certitude de la Résurrection d’entre les morts est apparue du plan collectif au plan personnel. Parce qu’un Juif pense de façon indissociable l’histoire de son peuple et son histoire personnelle. Aussi, Job pourra s’écrier : “Je sais bien, moi, que mon rédempteur est vivant ; il surgira de la poussière. Et après qu’on aura détruit cette peau qui est mienne, c’est bien dans ma chair que je contemplerai Dieu. C’est moi qui le contemplerai, oui, moi ! Mon cœur en brûle au fond de moi !“ (19.25). Et le psalmiste de s’écrier : “Non, je ne mourrai pas ; je vivrai et je chanterai les œuvres de Dieu !“ (V/17).

Et l’une des prières que récitait Jésus comportait cette formule : “Béni soit le Seigneur, roi du monde, qui ressuscite les morts !“. Cette résurrection d’entre les morts, ce n’est pas une idée, une spéculation. C’est une certitude de foi qui est née dans le réalisme de l’histoire, de par l’expérience que l’on a fait d’un “Dieu qui a les issues de la mort !“.

Aussi, la résurrection du Christ ne fait que confirmer cette foi ; elle est l’accomplissement des promesses de vie… faites aux patriarches et prophètes. St Paul ne fait que reprendre cet argument, lors de son procès à Césarée. Il est amené à comparaître devant le roi Agrippa. Un païen prépare les minutes du procès. Et il y a cette phrase extraordinaire du procurateur Festus : “Les Juifs avaient seulement avec lui (Paul) je ne sais quelles contestations touchant leur religion à eux et touchant un certain Jésus, qui est mort, et que Paul affirme être en vie“. (25:19).

Toute la question est là ! Savoir si Jésus, oui ou non, est ressuscité ! Et un Juif est plus capable de comprendre qu’un païen. Parce que pour un païen, la résurrection des morts est incompréhensible ! Une idée de survie, peut-être. Mais la résurrection des morts est une idée juive. Paul se présente ici comme spécifiquement Juif dans cette défense de la résurrection des morts.

Alors, il dit à Agrippa : toi, Juif, “tu es au courant de toutes les coutumes et controverses des Juifs. Aussi, je te prie de m'écouter avec patience … C'est pour cette espérance (en la résurrection), ô roi, que je suis mis en accusation par les Juifs.  Pourquoi juge-t-on incroyable parmi vous que Dieu ressuscite les morts ? …  Aussi les Prophètes et Moïse avaient annoncé que le Christ souffrirait et que, ressuscité le premier d'entre les morts, il annoncerait la lumière au peuple et aux nations païennes."

“Crois-tu aux prophètes, roi Agrippa? Je sais que tu y crois." Et le roi Agrippa de répondre à Paul : "Encore un peu et, par tes raisons, tu vas faire de moi un chrétien !"

C’est alors que nous pouvons mieux comprendre les paroles de Jésus : “Ne soyez donc pas bouleversés. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi… Car je pars vous préparer une place. Et quand je serai parti vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi. Et là où je suis, vous serez, vous aussi !“.

jeudi 29 avril 2010

Pâques 4 Jeudi -   Ste Catherine de Sienne

Catherine de Sienne est une si extraordinaire figure qu’il est difficile de parler d’elle en quelques minutes. Quelques repères cependant :

Elle naquit en 1347. Son père Giacomo était un modeste teinturier ; sa mère, nommée Lapa, eût 25 enfants !!! Catherine fut la dernière (avec un jumeau mort à sa naissance). Ces nombreuses maternités ne l’empêchèrent pas de vivre jusqu’à un âge avancé si bien qu’elle répétait : “Mon Dieu ! Ce n’est pas possible ! Je dois avoir l’âme chevillée au corps !“.

Catherine eut en partage l’énergie de sa mère, la piété et la douceur de son père.

A six ans, elle eut une première vision en laquelle Jésus l’invitait à le suivre. A sept ans, elle se promit à Jésus pour être “sa fiancée“ ! Ce fut l’occasion de ses premières privations et de ses visites prolongée à l’église.

A douze ans, la famille songea à la marier. Ce fut une lutte épouvantable entre la mère principalement et elle-même si déterminée en son dessein de vivre pour le Christ. Son père finit par comprendre que Dieu l’appelait. Et elle devint tertiaire de l’Ordre de Saint Dominique. C’est en ces moments de souffrances, que le Christ lui apparut sur la croix : “Bon et doux Jésus lui dit-elle, où étiez-vous tandis que mon âme était en proie à de tels tourments ?“ - “J’étais dans ton cœur, Catherine, car je ne m’éloigne jamais que de ceux qui, les premiers, s’éloignent de moi… J’étais dans ton cœur de même que j’étais sur la croix, souffrant et cependant heureux…“.

Durant trois années, le Christ lui apparut souvent, la formant à une grande union avec lui. Et finalement, en une vision, le Christ lui passa au doigt un anneau d’or, en signe de “noces mystiques“. Mais il lui dévoila qu’elle devait vivre parmi les hommes pour y répandre le feu de son amour.

Ce fut une nouvelle vie, une vie de grandes actions :
  • Elle se dépensa d’abord auprès des pauvres, des malades, de ses proches, témoignant fortement de l’amour de Dieu pour chacun.
  • Mais la grande plaie de l’Italie, à cette époque, était la haine héréditaire qui divisaient les familles. Catherine fut l’ange de la réconciliation : “La haine du prochain, écrivait-elle, est une offense contre Dieu, une atteinte à la vérité, une ruine pour celui qui la nourrit… !“. Son action bienfaisante pour la paix était telle qu’elle était appelée en bien des villes de l’Italie !
  • Une lettre qu’elle écrivit vers 1372 au légat du pape en Italie (les papes étaient à Avignon) ouvrit l’ère de son action politique dans l’Eglise. Elle y exposait un triple but :

    • réformer les scandales que donnaient les ministres de l’Eglise plongés dans la simonie, le luxe et la débauche.
    • rétablir le Saint-Siège à Rome devenue une solitude dévastée,
    • organiser une croisade contre les infidèles.

Elle écrivait au “doux Christ de la terre“ (ainsi nommait-elle le pape) Grégoire XI d’être moins attentif à sa famille et plus vigoureux pour le gouvernement de l’Eglise. Aussi, il organisa une croisade contre les rébellions politiques et religieuses qui sévissaient principalement en Toscane.

En 1376, elle était à Avignon. Son influence portait ombrage aux prélats de la cour pontificale ; certains vinrent l’examiner pour la confondre ; mais ils se retirèrent ravis de son intelligence, de sa sagesse et de ses vertus.

Grégoire XI lui demanda un jour quelle était la volonté de Dieu. Elle répondit avec douceur : “Qui connaît mieux la volonté de Dieu que votre Sainteté ? Vous vous êtes engagé par vœu à retourner à Rome !“. Le pape fut fort surpris : personne ne connaissait ce vœu qu’il avait fait en secret. C’est ainsi qu’il prit la résolution de quitter Avignon pour revenir à Rome.

Enfin, les lettres de Catherine montrent que n’ayant pu empêcher le schisme (le “Grand schisme“ (1378-1417), elle le combattit courageusement. Elle se rendit à Rome elle-même parce que le nouveau pape, Clément VII, voulait l’avoir près de lui. Dans une maison de la rue “Santa Chiara“, elle forma une petite communauté qui vivait d’aumônes dans la retraite et la prière, ce qui ne l’empêcha pas d’avoir une activité prodigieuse au service de l’Eglise, dans une situation très difficile. “Pour moi, écrivait-elle au pape, je ne cesserai jamais d’agir tant que Dieu m’en donnera la grâce. Je veux terminer ma vie pour vous et pour la Sainte Eglise, dans les larmes et les veilles, dans une fidèle, humble et persévérante prière“. Elle mourut avant que la paix soit revenu dans l’Eglise..

Le surnaturel apparut sans cesse dans cette existence de trente-trois ans à peine. “Ne pense qu’à moi, lui avait dit un jour Jésus ; si tu le fais, je penserai sans cesse à toi !“. Elle participait sans cesse à la passion du Christ (stigmates, etc…). Elle avait une très grande dévotion envers la Sainte Eucharistie. Sa doctrine mystique peut se résumer en deux mots : Amour et patience. Ses dernières paroles furent celles de Jésus rapportées par St Jean : “Aimez-vous les uns les autres“.

Elle est la sainte protectrice des journalistes et des médias (Internet inclus !), ainsi que de tous les métiers de la communication, en raison de son œuvre pour la papauté. Il et bon de la prier en ce sens !

mercredi 28 avril 2010

Dédicace de la Cathédrale - I Cor 3.9sv -  Jn 2.13sv

Lorsque le roi David s'est enfin installé à Jérusalem, il se bâtit un palais. Ensuite il pense à Dieu : "Seigneur, je voudrais t'édifier une maison". (Cf. II Sam. 7). Finie la vie nomade, sous la tente, dans le désert, au hasard des étapes provisoires ! David veut installer la présence de Dieu à Jérusalem ! Un temple en dur, des pierres de taille, de l'or, de l'argent, de l'ivoire : Dieu sera ainsi pour toujours avec nous, pense-t-il !

La réponse de Dieu peut surprendre. Il n'est pas pressé d'habiter dans une demeure définitive. Et puis, dit-il à David : "N’inverse pas les rôles, c’est moi qui vais te bâtir une maison“, une maison-dynastie (même jeu de mots en hébreu). “Tu auras un descendant sur ton trône. Je serai son Père et il sera mon fils". Autrement dit, pour l'homme, il ne s'agit pas seulement de construire pour Dieu une maison de pierres… - Certes, ce n'est pas défendu !  Et Dieu permettra à Salomon de le faire ! - Mais ce qu'il faut surtout retenir : c'est Dieu qui bâtit une maison pour les hommes. “Si le Seigneur ne bâtit la maison, vain est le travail des ouvriers“, dit le psaume. Et la grande tentation consistera toujours à inverser les rôles.

Certes, encore une fois, c'est louable de construire un temple à Dieu ! Et Jésus lui-même appellera le temple : "la maison de mon Père" !

Mais le temple, une église… ne sont que des signes, signes de l'alliance de Dieu avec l'homme, de l'habitation que Dieu désire se construire lui-même en tout homme. C'est Dieu qui veut construire une maison en l'homme. Et lorsque l'homme veut prendre orgueilleusement la place de Dieu, alors Dieu se fâche en quelque sorte ; et il nous redit par Jésus : ce temple que vous, vous voulez construire indépendamment de moi, "ce temple sera détruit", "il n'en restera pas pierre sur pierre".

Cependant, il ajoute tout aussitôt, car Dieu ne se renie jamais : "en trois jours je le relèverai". Jésus nous redit par ces paroles : le vrai temple de Dieu, c'est moi. Et il est toujours en construction : "Mon Père travaille toujours ; et moi aussi, je travaille".

Et comme en écho, Paul dit aux Corinthiens : "le temple de Dieu, c'est vous"!

Retenons bien ces deux paroles qui font choc :
  • le temple de Dieu, c'est moi, dit Jésus;
  • le temple de Dieu, c'est vous, nous dit Paul.

Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que depuis Jésus, il y a un changement fondamental : désormais le lieu où Dieu habite ce n'est pas une construction de bois ou de pierre, le lieu où Dieu habite, depuis l’Incarnation, c'est l'homme.

Jésus, nous dit Jean, parlait du temple de son Corps. Oui, Jésus est la rencontre parfaite, l'alliance personnifiée entre Dieu et l'humanité. En lui, Jésus, la divinité habite corporellement. Depuis l'incarnation, à Noël, Dieu a pris corps parmi les hommes. Dieu n'habite pas des temples construits par l'homme ; mais, en Jésus, Dieu est présent parmi nous ; et dans l'Eucharistie il nous a laissé le signe efficace de sa présence. Lorsque nous sommes rassemblés en son nom, comme maintenant, il est présent au milieu de nous. Dieu n'est pas lié à un lieu précis. Le vrai temple de Dieu, c'est Jésus ressuscité, toujours vivant.

Et Paul ajoute comme en écho : "le temple de Dieu, c'est vous, et ce temple est sacré". Oui, depuis notre baptême, nous sommes incorporés au Christ ; avec le Christ ressuscité, nous sommes le temple de Dieu et l'Esprit de Dieu habite en nous. Nous sommes pour ainsi dire "consacrés à Dieu", nous ne nous appartenons plus, nous appartenons au Seigneur ! Et à chaque communion nous recevons en nous le Corps ressuscité de Jésus, devenant ainsi comme des tabernacles vivants : "vous êtes le temple de Dieu"...

Cela est vrai pour chacun d'entre nous, mais cela est vrai aussi pour tous, ensemble, communautairement : vous êtes la maison que Dieu construit : l’Eglise, sacrement de la présence de Dieu (malgré les défauts de ses membres) !

Retenons : le vrai temple de Dieu, c'est le corps de Jésus ressuscité ; Et Jésus veut étendre cette grâce à toute l'humanité. Toute l'humanité doit devenir le corps "mystique" du Christ, le Temple de Dieu. Jésus-Christ est la tête de ce Corps et nous en sommes les membres. Et le projet de Dieu c'est que peu à peu toute l'humanité devienne Corps du Christ, Temple de l'Esprit… ; Par pure grâce, par pur amour… Car “Dieu est Amour !“.

En célébrant l'Eucharistie, nous offrons le sacrifice de Jésus par lequel il veut rassembler tous les hommes en lui. L'Eucharistie fait l'Eglise, fait le "Corps du Christ", pour que l'humanité réconciliée devienne Temple de Dieu.

lundi 26 avril 2010

Pâques 4 Lundi - Vocation

Hier, c’était la “Journée de prière pour les vocations“ ! Et il m’a semblé bon, aujourd’hui, de rappeler cette invitation en ce lieu de prière et d’adoration !

Car le mot “vocation” qualifie la relation que chacun de nous - chacun - doit entretenir avec Dieu. Chaque vie est une vocation, disait Paul VI. Le Concile Vatican II l’a rappelé : “L’aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec Dieu. Car si l’homme existe, c’est que Dieu l’a créé par amour ; et l’homme ne vit pleinement que s'il reconnaît librement cet amour et s'abandonne à son Créateur”.

C'est sur ce dialogue d'amour avec Dieu que se fond toute vocation, que se trouve le sens profond de notre existence, non seulement un sens ultime au-delà de notre passage sur terre, mais un sens à toutes nos actions. Car à la vocation de l’homme de répondre à l’amour de Dieu doivent correspondre toutes nos attitudes principalement envers nos frères, les hommes, également aimés de Dieu.

Ainsi à l'origine de chacune de nos vocations, il y a cette conscience d’un “Dieu avec nous” et qui nous aime. Nous ne sommes pas seuls à construire notre vie, à travailler, entreprendre, communiquer : Dieu chemine avec nous ! Toute la Bible le dit : “Marche avec ton Dieu - Marche devant ton Dieu“ ! Les Actes des Apôtres nous l’enseignent fortement ! Et le Christ, Dieu fait homme, l’a grandement manifesté. L’Evangile le rappelle : Dieu est venu sur terre pour des noces, et “quelles noces !, demandait St Augustin. Les noces de Dieu avec chacun d’entre nous ! Y pensons-nous ?

Cependant cette lecture chrétienne de l'existence est moins comprise aujourd’hui en notre Occident où Dieu est plus ou moins écarté de la vie quotidienne. Voilà pourquoi Jean-Paul II - et Benoit XVI à sa suite  - appellent chacun à “ré-évangéliser la vie”, sa vie. Oui, l’Eglise a besoin d'hommes, de femmes qui montrent la fécondité d'une existence trouvant sa source en Dieu, en la communion avec le Christ et avec l'Eglise. Il est donc nécessaire que chacun découvre sa vocation personnelle et y réponde avec générosité.

Certes, le but d’une “journée de prière pour les Vocations“ est d'attirer l'attention sur la nécessité et l'urgence de ministres ordonnés et des personnes consacrées ! On a besoin de ministres ordonnés qui sont, dit encore le Concile Vatican II, “une garantie permanente de la présence sacramentelle du Christ Rédempteur”.  - On a besoin d'hommes et de femmes qui, grâce à leur témoignage maintiennent “vive chez les baptisés la conscience de l’amour de Dieu pour tout homme, de cet amour qui donne sens et beauté à la réponse exclusive que certains et certaines lui rendent par toute leur vie consacrée.

Aussi, prions pour les jeunes : qu’ils puissent rencontrer le Christ “voie, vérité, vie”.

Prions pour les prêtres… Qu’ils n’aient jamais ce découragement qui fut, un temps, celui d’Abraham : “O Dieu, vois, je m’en vais sans enfant !”. Il y a des fils selon la chair, et des fils selon l’Esprit.

Prions pour les religieux, religieuses et toutes personnes consacrées, appelés à témoigner que notre seule espérance est dans le Christ. Qu’ils proclament que leur existence a trouvé un sens profond et joyeux…

Prions pour les parents et tous les éducateurs. Qu’ils puissent faire résonner dans le cœur des plus jeunes, parfois saisi par la peur de l’avenir, la joie libératrice que donne l’amour de Dieu.

La mission est un défi en notre temps, dit-on. C’est vrai ! Et nous éprouvons parfois lassitudes, voire échecs ; nous nous heurtons à l'indifférence...   On pense que le manque de prêtres va de plus en plus se faire sentir chez nous. Mais il faut surtout se dire avec force et foi : l’Eglise du Christ sera demain comme elle a été hier ; elle sera toujours là comme signe (sacrement) de l’Alliance éternelle entre Dieu et l’homme. Avec des prêtres, religieux, religieuses, en moins grand nombre peut-être, mais avec plus de baptisés qui veulent être l’instrument de la “vengeance” d’amour de notre Dieu, selon l’expression du prophète Isaïe !

Aussi, puissions-nous tous nous sentir appelés, même les faibles… et peut-être d’abord ceux-là. Je pense à ceux qui sont marqués par le grand âge ou la maladie. L’Eglise leur confie le ministère de la prière, … avec Marie … Ils font partie d’un monastère invisible, la plupart du temps ; mais leur mission est si importante.

Que tout baptisé se sente responsable pour transmettre cet amour de Dieu. Et si chacun se sent responsable et que, d’une manière ou une autre, il éprouve le besoin de dire lui aussi : “Je suis le serviteur, la servante du Seigneur”, alors Dieu suscitera des prêtres, religieux et religieuses. Car à notre prière, Dieu ne cesse de répondre : “Qui enverrai-je ?”.

 

vendredi 23 avril 2010

Pâques 3 Vendredi – St Luc, historien ! - Ac 9, 1-20 - Ps 116 - Jn 6, 52-59

On dit souvent que St Luc est, de tous les évangélistes, celui qui se rapproche le plus de l’idée qu’on se fait, à l’époque moderne, de l’historien. De l’historien de qui on peut attendre une reproduction chronologique et topographique aussi fidèle que possible des évènements qu’il rapporte. Et c’est vrai en quelque sorte ; il suffit de se rappeler le prologue de son évangile où il expose ses intentions : « Après m’être informé exactement de tout depuis les origines, j’ai décidé d’en écrire pour toi l’exposé suivi, pour que tu te rendes bien compte de la sûreté des enseignements que tu as reçus, excellent Théophile ».(Lc 1,3-4).

Le but de St Luc est, tout en respectant l’exactitude des informations qu’il a collectionnées, d’en faire un exposé suivi. Et cet exposé suivi, il le fait avec le talent du médecin et de l’artiste, préoccupé avant tout de dégager, en l’occurrence dans le récit des Actes,  les lignes de forces des origines du christianisme :
  • De Jérusalem, l’Evangile se propage aux alentours, à la suite de la dispersion provoquée par la prédication et le martyre d’Etienne. Au chapitre 8ème, Luc note simplement la présence de Saul qui gardait les manteaux de ceux qui lapidaient Etienne et l ‘acharnement qu’il mettait à étouffer la prédication.
  • Mais, il lui paraît encore prématuré de concentrer l’attention de son lecteur sur celui qui va jouer le rôle principal dans l’expansion universelle de la “Bonne Nouvelle“. Il juge opportun d’ouvrir une parenthèse sur la propagation de l’Evangile par le diacre Philippe, aux environs immédiats de Jérusalem, comme nous l’avons vu les jours précédents, en Samarie et sur la route de Gaza.
  • Cette parenthèse se ferme aujourd’hui et l’attention se concentre sur Paul de Tarse et sa conversion sur la route de Damas.

Cet évènement capital dans l’histoire de l’Eglise est relaté trois fois par St Luc. Il en reparle aux chapitres 22ème et 26ème. Il y a grand intérêt à confronter les trois récits entre eux ; concordants pour le fond, ils nous montrent aussi des divergences de détails qui s’expliquent par la  différence des genres littéraires, les deux autres relations faisant partie de discours de Paul lui-même. Et il faut les confronter encore avec ce que St Paul dit de lui-même dans l’épître aux Galates….

Il est bon de laisser aux spécialistes le soin de faire de l’histoire au sens moderne du mot et de dénouer les contradictions apparentes qui émergent du rapprochement de ces textes !

Pour nous, simples chrétiens, mais lecteurs de la Parole de Dieu, lecteurs des “Actes des Apôtres“, il vaut mieux consacrer son temps à admirer le talent avec lequel St Luc, à travers la complexité des événements, montre la progression de la prédication évangélique telle qu’il l’a perçoit quand il fait son enquête et procède à sa rédaction : DIEU SE REVELE A TRAVERS TOUTE L’HISTOIRE !  Et il le fait avec le recul du temps qui lui a permis de dégager les lignes de force des évènements en même temps que leur signification providentielle à la lumière de toute l’histoire du peuple élu, à la lumière des Ecritures, comme Jésus avait appris à le faire aux disciples sur la route d’Emmaüs. St Luc avait bien retenu la leçon : “Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait“. C’est surtout ce talent “spirituel“ qu’il faut admirer chez St Luc, sans oublier celui de bon historien !

[ Cette réflexion est d’ailleurs valable pour tous les récits de la Bible où les auteurs inspirés ont pour principal souci de nous rapporter la signification providentielle des évènements qu’ils ont perçue avec le recul du temps, et cela avec l’aide de l’Esprit Saint qui mène vers la Vérité tout entière. Je pense que cette réflexion est plus actuelle que jamais  pour pouvoir lire la Bible sans trop s’embarrasser de questions trop scientifiques… soulevées par certains spécialistes qui mettent en avant certaines contradictions là où l’Esprit Saint a mis subtilement de l’harmonie pour dégager la signification, à travers les événements, du dessein d’amour de Dieu à notre égard.]

C’est cet art du narrateur qu’est Luc que nous sommes invités à admirer quand on lit son Evangile et les Actes des Apôtres, bien plus encore que la fidélité qu’il se soucie de garder à l’égard des faits qu’il rapporte.

- Aussitôt après avoir raconté la conversion de Saul de Tarses sur la route de Damas, Luc le mettra encore entre parenthèses pour rappeler que, dans l’Eglise qui se construit, c’est toujours et d’abord Pierre qui est le chef de l’Eglise ; et il parlera avec un art consommé de cette seconde Pentecôte qui a eu lieu pour les païens à Césarée Maritime avec la conversion du centurion Corneille.

Retenons surtout de la lecture d’aujourd’hui que Paul de Tarses a véritablement rencontré la personne du Christ ressuscité. C’est de la réalité de cette rencontre qu’il tirera l’assurance et la force dans l’affirmation de sa qualité d’apôtre.

Saul, pourquoi Me persécutes-tu ?

C’est souvent dans notre faiblesse, voire dans nos fautes que nous rencontrons la force du Ressuscité !

jeudi 22 avril 2010

Pâques 3 Jeudi – Philippe, diacre - Ac 8, 26-40 - Ps 65 - Jn 6, 44-51

Comme l’indique la dernière phrase de la lecture d’aujourd’hui, Philippe, le diacre que nous avons rencontré hier en Samarie, habite Césarée Maritime. St Paul, lors de sa dernière montée à Jérusalem, profitera de son hospitalité : « Nous nous rendîmes de Tyr… à Césarée. Descendus chez Philippe l'évangéliste, qui était un des Sept, nous demeurâmes chez lui. Il avait quatre filles vierges qui prophétisaient. »   (Ac 21,7-9).

Quatre filles prophétesses !!! Bigre ! Je me dis (malicieusement) que ça ne devait pas être drôle tous les jours ! Aussi, on trouve Philippe beaucoup plus sur les chemins que dans son foyer familial. Peut-être se distrayait-il de l’ambiance familiale en prenant souvent la route ! En tous les cas, il inaugure ainsi  l’apostolat en auto-stop ! Il devrait être le patron des auto-stoppeurs !

Le voilà donc d’après notre lecture descendant de Jérusalem en direction de Gaza : un nouvel élargissement se produit donc dans la prédication de la “Bonne Nouvelle“. Et il rencontre le fonctionnaire de la reine Candace d’Ethiopie qui n’est pas seulement un étranger, mais aussi un eunuque.

Il faut se rappeler ici un texte d’Isaïe qui dit que, normalement, l’étranger et l’eunuque sont étrangers au peuple de Dieu. L’étranger, parce qu’il n’a pas de racines dans le peuple élu, l’eunuque parce qu’il n’a pas d’avenir dans le peuple élu. Isaïe les rassemble dans un passage que St Luc a certainement en tête lorsqu’il écrit : « Que le fils de l'étranger, qui s'est attaché au Seigneur, ne dise pas : " Sûrement Dieu va m'exclure de son peuple !".  Que l'eunuque ne dise pas : "Voici, je suis un arbre sec". Car ainsi parle le Seigneur aux eunuques, fermement attachés à mon alliance : Je leur donnerai dans ma maison … un monument et un nom meilleurs que des fils et des filles …. Quant aux fils d'étrangers, attachés à Dieu pour le servir, …,, je les mènerai à ma sainte montagne, je les comblerai de joie dans ma maison de prière. Car ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples. » (Is 56,3-7).

Et ainsi le fonctionnaire, attaché au Seigneur, ne perdait pas son temps sur la route. Assis dans son char, il lisait le prophète Isaïe. Et Philippe entend !  Car lire la Bible tout bas pour la comprendre, ce n’est pas normal ! Il faut que le corps - les lèvres du moins - se mettent de la partie. Le P. Marcel Jousse (sarthois) parlait de la “manducation de la Parole de Dieu !“.  Il faut, au minimum, que la Parole de Dieu se murmure : “Heureux ceux qui murmurent la Parole de Dieu !“, dit le psaume 1er.

Philippe, poussé par l’Esprit se rapproche en courant et il entend l’eunuque qui lit tout haut. - “Comprends-tu ce que tu lis ?“.  - “Comment le pourrais-je si personne ne me guide ?“. L’eunuque n’est pas ce qu’on appellerait aujourd’hui un « fondamentaliste » !

Le texte qu’il lisait fait partie des chapitres consacrés par Isaïe au “Serviteur“, ce texte que nous lisons le vendredi saint :  « Maltraité, il s'humiliait, il n'ouvrait pas la bouche, comme l'agneau qui se laisse mener à l'abattoir … ... ». (Is 53,7-8).

Philippe nous donne alors un modèle de catéchèse baptismale : “à partir de ce passage de l’Ecriture, il lui annonça la Bonne Nouvelle de Jésus“. Un modèle de lecture chrétienne de la Bible. Etant chrétien, il faut faire une lecture chrétienne de la Bible à la lumière de Celui qui accomplit les Ecritures. C’est ainsi que les Apôtres ont relu toute la Bible. A la lumière de la Résurrection de Jésus, ils se sont rappelé tout ce qu’ils avaient vécu avec lui et en ont pénétré toute la signification. Ensuite, relisant toutes les Ecritures, ils ont découvert que tout convergeait vers cet Evénement qui accomplit les Ecritures, comme l’accord final dans une symphonie, annonçant, préparant, préfigurant même mystérieusement ce qui se passerait à l’époque des accomplissements… Puisse le Seigneur nous donner cette même faculté !

Les formalités préparatoires au baptême étaient, au temps de Philippe, moins compliquées que de nos jours. Il s’arrête avec l’Eunuque  au premier point d’eau. C’était un lieu saint à l’époque byzantine. On le situait sur la route d’Hébron ; c’était à une époque où les pèlerins attachaient de l’importance aux lieux saints de l’Ancien Testament qu’ils connaissaient aussi bien que ceux du Nouveau, alors qu’ils n’avaient pas encore la “Bible de poche“ !

Philippe disparaît comme il est apparu… On le signale à Azoth, retournant à Césarée où il retrouve sa famille et ses quatre filles… !

L’évangile d’aujourd’hui est tiré du discours sur le Pain de vie, que Jésus prononça dans la synagogue de Capharnaüm après la multiplication des pains. Il faut se nourrir de la “Volonté de Dieu“, de ce qui “sort de la bouche de Dieu“, comme on se nourrit de pain. Mais cette nourriture donne une vie qui n’est plus soumise à la mort : “« Je suis le pain vivant, descendu du ciel.  Qui mangera de ce pain vivra à jamais.  Et même, le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde !» "  (Jn 6,51).

mercredi 21 avril 2010

Pâques 3 Mercredi – Le Simonisme - Ac 8, 1b-8 - Ps 65 - Jn 6, 35-40

Le jour même de la lapidation d’Etienne, une violente persécution se déclenche contre l’Eglise de Jérusalem. Persécution dont Saul de Tarses se montre un des participants les plus actifs et les violents.

Cette première persécution a pour effet de disperser les chrétiens et, par le fait même, de propager la “Bonne Nouvelle“, cet Evangile qu’il est impossible de ne pas partager.

Les premiers bénéficiaires de cette évangélisation hors de Jérusalem sont, on peut s’en étonner, ce sont les Samaritains dont la réputation était si mauvaise à l’époque qu’on évitait de traverser leur région quand on voyageait de Judée en Galilée. On se rouve dans la logique de Jésus qui scandalisait ses contemporains en luttant contre les préjugés qu’ils entretenaient avec ces Samaritains. Rappelons-nous la parabole du bon Samaritain, l’entretien avec la Samaritaine au puits de Jacob, l’épisode des dix lépreux qu’il guérit et dont le seul à manifester de la reconnaissance est, comme par hasard, un Samaritain. 

L’évangélisation de la Samarie est attribuée au diacre Philippe, qu’il ne faut pas confondre avec l’apôtre Philippe qui amène Nathanaël à Jésus. Le texte précise que les Apôtres, eux, sont restés à Jérusalem, tandis que s’opérait cette première dispersion.

Philippe est comme Etienne, l’un des sept diacres. Comme Etienne, il ne se contente pas de décharger les Apôtres du service des tables pour que ceux-ci puissent mieux se consacrer à la prière et au service de la Parole ; Comme Etienne, il a “la langue bien pendue“ et ne se prive pas de prêcher l’Evangile. On le rencontrera demain sur la route de Gaza, alors qu’il baptise l’eunuque de la reine Candace, après une belle catéchèse baptismale qui peut servir de modèle encore aujourd’hui.

Si vous poursuivez la lecture de notre texte d’aujourd’hui, vous verrez que Philippe doit lutter, parmi les déséquilibrés - ou possédés - auxquels il a affaire, contre un certain Simon, “Simon le Magicien“.

Cet homme voit son prestige - et en même temps son chiffre d’affaire - baisser à cause  de Philippe qui provoque dans la foule, par sa prédication et ses guérisons, des merveilles qui impressionnent les foules beaucoup mieux que lui-même ne réussissait à le faire par ses sortilèges. Beaucoup de conversions se manifestent ; et Philippe baptise un grand nombre de personnes !

Alors, Simon lui-même se laisse convaincre et se fait baptiser. Les Apôtres viennent de Jérusalem confirmer le travail d’évangélisation de Philippe. Le texte dit qu’ils descendirent de Jérusalem. On ne peut que descendre de Jérusalem même quand la route monte pour la quitter. Seuls les Apôtres, en imposant les mains, donne l’Esprit-Saint à ceux qui ont accueilli la “Bonne Nouvelle“ apportée par Philippe et les premiers Evangélistes.

Simon est alors dans une grande admiration en voyant les Apôtres faire plus encore que Philippe. Mais son vrai personnage se dévoile. C’est un homme vénal et, en toute candeur, il propose de l’argent aux Apôtres afin de posséder, lui aussi et comme eux, le pouvoir de conférer l’Esprit Saint. « Donnez-moi ce pouvoir à moi aussi : que celui à qui j’imposerai les mains reçoive l’Esprit Saint ». Cela provoque chez Pierre une indignation qui s’exprime avec une éloquence peu commune : « Pierre lui répliqua : "Périsse ton argent, et toi avec lui, pour avoir cru que tu pouvais acheter, avec ton argent, le don de Dieu ! Il n'y a pour toi ni part ni héritage dans ce qui se passe ici, car ton cœur n'est pas droit devant Dieu. Repens-toi donc de ton mauvais dessein et prie le Seigneur : peut-être cette pensée de ton cœur te sera-t-elle pardonnée ;  car tu es, je le vois, dans l'amertume du fiel et les liens de l'iniquité".  Simon répondit : "Intercédez vous-mêmes pour moi auprès du Seigneur, afin que rien ne m'arrive de ce que vous venez de dire". » (Ac 8,20-24).

Je crois qu’il serait dommage de ne pas ainsi compléter la lecture d’aujourd’hui. Je ne sais ce qu’est devenu ce “Simon le Magicien“ ! Mais on peut dire que son mauvais esprit s’est longtemps maintenu : un des péchés dont l’Eglise a eu (et a toujours) le plus de mal à combattre tout au long des siècles de son histoire est le péché de simonisme. Il consiste à vendre contre argent comptant, les pouvoirs reçus gratuitement. Jésus avait dit clairement : «vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement». Le simonisme est un des péchés qui se déguise le plus facilement et qui donne, aujourd’hui encore, beaucoup d’urticaire à la conscience de beaucoup.

Et chacun de nous doit se rappeler : Dieu nous donne gratuitement ; donnons, nous aussi, gratuitement ce que nous avons reçu ! A l’exemple du Christ qui nous a tout donné, jusqu’à sa vie… Mais Dieu l’a ressuscité pour que nous vivions de sa vie divine !

mardi 20 avril 2010

Pâques 3 Mardi – Etienne - Ac 7, 51 à 8, 1a - Ps 30 - Jn 6,30-35

La lecture nous propose les derniers versets du discours d’Etienne devant le Sanhédrin. Ce discours qui demanderait à être lu en entier occupe cinquante versets de plus au chapitre sept du livre des Actes.

Ce qui est à remarquer c’est qu’Etienne repasse toute l’histoire du peuple élu :
  • l’appel de Dieu à Abraham qui quitte la Mésopotamie, la promesse du don de la terre de Canaan où il ne séjournera qu’en étranger, l’Alliance avec le signe de la circoncision ;
  • le drame de Joseph vendu par ses frères et grâce auquel le peuple se développe en Egypte après la réconciliation.
  • le déconvenue de Pharaon pris à son propre piège : il avait ordonné de jeter les enfants nouveau-nés dans le Nil ; et c’est Moïse, sauvé des eaux, élevé par sa propre fille et instruit de toute la sagesse des égyptiens, qui fut l’instrument de la grande libération.
  • Dans désert du buisson ardent, il reçoit du Dieu de ses pères (Abraham, etc) cette mission extraordinaire : conduire le peuple à faire l’expérience du Dieu vivant, à faire alliance avec lui au SinaÏ.
  • Et puis, il y a l’expérience du désert durant quarante ans où Moïse rencontre moult difficultés de la part de son peuple : réticences, lamentations, infidélités…

Ce qui est à remarquer c’est qu’Etienne met en relief les aspects négatifs du comportement du peuple élu. Il veut y voir les préludes et les préfigurations de l’opposition que rencontrera Jésus, le vrai Moïse. C’est alors que la situation s’aggrave : « A ces mots, leurs cœurs frémissaient de rage et ils grinçaient des dents contre Etienne ».

Les versets qu’a conservés la liturgie d’aujourd’hui commencent ici. Etienne y est décrit comme transfiguré par la vision de la gloire de Dieu. On le pousse hors de la ville et on le lapide. Les Grecs vénèrent l’endroit de ce premier martyre du côté de Gethsémani, sur le pont qui traverse la route du Cédron. Les Latins ont repris une tradition byzantine qui situe l’événement au nord de la porte de Damas, là où le Père Lagrange a fondé l’Ecole Biblique et Archéologique française, sur les ruines d’une basilique que construisit l’impératrice Eudoxie. C’est pourquoi, le couvent des Dominicains s’appelle “Saint Etienne“.

Etienne, comme Jésus, meurt en demandant à Dieu le pardon pour ses persécuteurs. La mention de la présence de Saul de Tarse n’est pas là par hasard. La mort des martyrs est une semence de chrétiens. Qui dira la part qu’a joué le martyre d’Etienne sur la conversion de Saul et son rôle dans l’expansion universelle du message de l’Evangile ?

Prions St Etienne :
  • il fait mémoire : il ramasse tout le passé, l’actualise en sa vie, en la vie du monde et en dégage un élan d’avenir… vers Dieu, ce que rappelle toute Eucharistie.
  • Il fait “profession de foi“ au Christ qu’il voit déjà dans la gloire divine.
  • Il témoigne du Christ jusqu’au martyre.

L’Evangile nous invite à continuer la méditation commencée hier. Ce que signifie le pain pour Jésus - nous l’avons entendu déjà hier et nous l’entendrons plus explicitement demain -, c’est “faire La volonté de Dieu“ : “Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde… Je suis le pain de la vie… Et je ne suis pas descendu du ciel pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m’a envoyé !“. L’épitre au Hébreux fera dire au Christ : « Tu n'as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les péchés. Alors j'ai dit : Voici, je viens pour faire, ô Dieu, ta volonté. » (He 10,6-7) Le chrétien, lui aussi, doit faire la volonté du Père dont il faut se “nourrir“ jour après jour en la déchiffrant dans les événements qui sont nôtres et en lesquels la Providence n’est jamais absente!

Ce qu’il y a de nouveau dans notre évangile d’aujourd’hui, c’est, si je puis dire, la “déclaration d’identité“ de Jésus : “C’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Le vrai pain, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie… Moi, je suis le pain de la vie… !“. “Je suis“ , ce “Je suis“ que répétera Jésus à l’approche de sa passion - : “Je suis“, le nom même de Dieu donné à Moïse au Sinaï.

Avec la lecture et l’évangile conjointement, on peut dire que toutes les réalités de l’Ancien Testament (de l’histoire) viennent se ramasser en la personne du Verbe Incarné pour y trouver une plénitude de signification avant d’aller se répercuter dans le monde entier jusqu’à nous.

Jésus n’a pas seulement fait des discours sur la volonté de Dieu. Il l’a traduit par tout son comportement de Verbe incarné. Et il nous donne la possibilité non pas seulement de l’imiter comme on imite un héros que l’on admire ; mais il vient vivre cette vérité mystérieusement en chacun de nous, selon la phrase mystérieuse de St Paul : « je complète encore dans ma chair, ce qui manque aux épreuves du Christ » - « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ! ».

lundi 19 avril 2010

Pâques 3 Lundi - Ac 6, 8-15  - Ps 118 - Jn 6, 22-29

Dans la lecture, la liturgie centre notre attention sur le premier des diacres dont l’institution nous a été racontée précédemment.

D’après le récit, on devine que les conversions au Christ ressuscité, avec la prédication des apôtres, ont touché toutes les catégories raciales, sociales, politiques et religieuses. Aussi, on distingue dans l’Eglise primitive des distinctions, voire des divisions. Il y a d’une part les « Hellénistes » : des juifs qui avaient vécu hors de Palestine et disposaient à Jérusalem de synagogues particulières où la Bible se lisait en grec. Avec la langue grecque, ils adoptaient assez naturellement certaines manières de penser et de vivre que réprouvaient les juifs autochtones, les « Hébreux » qui parlaient l’araméen, mais avaient maintenu dans leurs synagogues l’usage de lire la Bible en hébreu.

L’initiative des missions partira du premier groupe, les « Hellénistes ».  Mais, en attendant, il y a quelques tensions à propos d’intendance, semble-t-il : “Les Hellénistes se mirent à récriminer contre les Hébreux parce que leurs veuves étaient oubliées dans le service quotidien“. Cette récrimination  sur un point matériel devait très probablement correspondre à des tensions internes plus importantes. Quoi qu’il en soit, elle fut l’occasion de l’Institution des diacres. Les premiers furent au nombre de sept sur lesquels on impose les mains. Ils portent tous des noms grecs : Etienne, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas, et Nicolas. Ce dernier, Nicolas, n’est même pas juif de naissance, c’est un prosélyte, un de ces prosélytes  qui ont complètement accepté la religion juive, accepté la circoncision, et sont devenus membres du “Peuple élu“. Ils se distinguent en cela d’une 3ème catégorie de gens qu’on appelle les “Craignant Dieu“ qui sympathisent avec le judaïsme et fréquentent les synagogues, mais ne vont pas jusqu’à la circoncision et la pratique rituelle de la loi.

Il est important de bien situer ces trois catégories de gens pour bien suivre les premières péripéties de l’Eglise primitive dans son élan universel des missions. Et n’en est-il pas toujours ainsi aujourd’hui ???

Avec Etienne, on est au point de départ de cette éclosion universaliste. La discussion à laquelle nous assistons aujourd’hui se place à la synagogue des « affranchis ». On pense que ce sont des descendants de juifs emmenés à Rome par Pompée en 63 Av. J.C. et vendus comme esclaves ; beaucoup avaient ensuite été affranchis. Ils constituaient à Rome une colonie prospère et influente. Rien d’étonnant qu’ils aient eu leur synagogue à Jérusalem.

La dispute qui aboutira à la lapidation d’Etienne se fait à la “Synagogue des Affranchis“, dans le milieu helléniste. Saul de Tarses devait se trouver là, lui qui gardera les vêtements de ceux qui lapidèrent Etienne. L’apôtre des Gentils doit peut-être sa vocation en partie au martyr d’Etienne, s’il est vrai que “le sang des martyrs est une semence de chrétiens“.

Dans la synagogue, la discussion se transforme en émeute. Etienne est accusé de blasphème et traîné par le peuple, les anciens et les scribes, devant le Grand Conseil où commence un procès avec des accusations très semblables à celles qui furent portées contre Jésus, au sujet du Temple et de la Loi.

Etienne apparaît comme un personnage, assez fougueux et intrépide sans doute, mais exceptionnel. Il fait partie de ceux que l’on a chargés des besognes d’intendance - les diacres -. Cependant, par la suite, il se montrera cultivé et capable d’éloquence.

L’Evangile nous invite à entrer dans la compréhension de ce que Jésus appelle le pain. Lors de sa première tentation, il avait répondu à Satan : « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de ce qui sort de la bouche de Dieu. » A Samarie, quand les apôtres reviennent le retrouver au bord du puits, en rapportant des provisions, et l’invitent à manger, Jésus dit « j’ai une nourriture que vous ne connaissez pas, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Le pain pour Jésus, c’est d’abord la Volonté de Dieu telle qu’elle se manifeste au long de l’existence. Chercher toujours à faire la volonté de Dieu !

Pour comprendre l’expression « ce qui sort de la bouche de Dieu », il faut se reporter à ce qui est dit dans le livre des Nombres : « Le jour où l'on avait dressé la Demeure, la Nuée avait couvert la Demeure. Lorsque la Nuée s'élevait au-dessus de la Tente, alors les Israélites levaient le camp. Les Israélites partaient sur l'ordre du Seigneur et sur son ordreils campaient… Ils campaient sur l'ordre de Dieu et partaient sur l'ordre de Dieu. Sur l'ordre de Dieu ils campaient, et sur l'ordre de Dieu ils partaient. Ils rendaient leur culte à Yahvé, suivant les ordres de Dieu transmis par Moïse. » (Nb 9,15-23).

“Sur l’ordre de Dieu“ ! En hébreux : “sur la bouche de Dieu“ (Al pi adonaï), et cela par l’intermédiaire de Moïse. On pourrait dire que Moïse parlait sur la bouche de Dieu. Expression que l’on peut facilement transposer : quant Pierre parle - ou l’un de ses successeurs - n’est-ce pas sur la bouche de Dieu qu’il parle ? Manger le “Pain de Dieu“, n’est-ce pas chercher à obéir aux ordres de Dieu transmis par Celui que Dieu a envoyé dans le monde, Jésus, et par ceux qui ont reçu mission de parler “sur la bouche de Dieu“ ?

vendredi 16 avril 2010

Pâques 2 Vendredi  - Gamaliel ! - Ac 5, 34-42 - Ps 26 - Jn 6, 1-15

Gamaliel dont il est question dans la lecture, on peut, il faut  l’invoquer ! Actuellement,  il est vénéré par les chrétiens, depuis l’époque byzantine, à Beit Gémal (sud ouest de Jérusalem) où les Pères salésiens ont une école d’agriculture et où les sœurs de Bethléem ont construit un monastère où elles vivent une règle inspirée de celle des chartreux.

Les Actes des Apôtres sont toujours très riches de renseignements historiques : Ce Gamaliel est fort probablement le même Gamaliel, qui fut le maître de Saul de Tarses quand il était étudiant à Jérusalem dans sa jeunesse, ainsi qu’il le dit lui-même, après son arrestation à Jérusalem au retour de ses grands voyages missionnaires : "Je suis Juif.  Né à Tarse en Cilicie, j'ai cependant été élevé ici dans cette ville, et c'est aux pieds de Gamaliel que j'ai été formé à l'exacte observance de la Loi de nos pères, et j'étais rempli du zèle de Dieu, comme vous l'êtes tous aujourd'hui". (Act 22.3).

À peu près dans tous les discours de la prédication apostolique, on distingue, comme on l’a remarqué, le peuple juif et les autorités du peuple juif. L’hostilité qui s’oppose à la prédication de l’Evangile vient, en premier lieu, des Sadducéens qui font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher la “séduction“ qu’opérait Jésus et ensuite les Apôtres sur le peuple.

Gamaliel comme Nicodème sont du parti des pharisiens qui ne sont pas d’accord avec les Sadducéens. On voit de plus en plus clairement quels sont ceux qui ont joué un rôle de premier plan dans le procès de Jésus, les partisans, comme Caïphe, de la « real politik » (une exigence toujours d’actualité !!!) : « L'un d'entre eux, Caïphe, étant grand prêtre cette année-là, dit : " Vous n'y entendez rien. Vous ne songez même pas qu'il est de votre intérêt qu'un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière." (Jn 11,49-50).

Ce sont eux qui ont forcé la main de Pilate, le gouverneur, en faisant passer Jésus pour un agitateur, comme il y en avait beaucoup à l’époque. Ce sont eux qui ont manipulé la foule en lui faisant réclamer Barrabas et en arrivant à lui faire dire : « Nous n’avons pas d’autre roi que César ».

Gamaliel, dans la lecture d’aujourd’hui, met en garde contre cet amalgame qui a provoqué la crucifixion de Jésus. Dans un réalisme plein de santé humaine et spirituelle, il réussit à convaincre le Grand Conseil de soumettre les choses à l’épreuve du temps. Si Jésus n’était qu’un vulgaire agitateur, il ne laisserait qu’un souvenir éphémère et ses partisans disparaîtront sans qu’on ait besoin de dramatiser et d’utiliser la force. C’était un sage, secrètement admirateur de Jésus, certainement. (Il y a en a toujours !). Et on peut l’invoquer pour qu’il nous donne lumière et sagesse.

Les Apôtres sont fouettés avant d’être, de nouveau, relâchés. Ils considèrent cette flagellation comme une occasion de ressembler un peu plus à Jésus lui-même. Ils y trouvent des énergies nouvelles pour la prédication de l’Evangile. Cette attitude est pour nous un exemple également. Sachons placer nos souffrances - et surtout celles que nous pouvons ressentir en tant que chrétiens - en celles du Christ Rédempteur !

L’Evangile d’aujourd’hui nous raconte de nouveau la multiplication des pains. Cet épisode est rappelé en ce temps pascal pour signifier que ce geste de la fraction du pain fut celui grâce auquel on reconnaît Jésus après sa résurrection, et pas seulement sur la route d’Emmaüs…

Cette “fraction du pain“ était un des gestes que Jésus avait l’habitude de faire tout au cours de son ministère public. C’est ce geste qui initia, peu à peu, les croyants à ce qui deviendra l’eucharistie, le GESTE par excellence, signe de sa présence. Ce geste occupait d’ailleurs une place importante parmi les bénédictions qui jalonnent toute la vie juive.

La liturgie de la messe a adopté ce geste de la bénédiction du pain et du vin à l’offertoire : “Tu es béni, Dieu de l’Univers…“. Bénir Dieu, le louer, le remercier… !  C’est le geste de louange, d’action de grâce par excellence : On loue Dieu pour  tout ce qu’il nous donne. On oublie un peu trop cette dimension spirituelle de la simple louange.

Et comment mieux louer Dieu que par ce DON DE LUI-MEME qu’il nous fait en Jésus Christ ? En avons-nous conscience ?

jeudi 15 avril 2010

Pâques 2 Jeudi - Le témoignage ! - Ac 5,27-33 - Ps 33 - Jn 3,31-36

Au fur et à mesure que le temps s’écoule, nous voyons se préciser, dans le livre des Actes des Apôtres, quels sont les vrais responsables, ceux qui mettent obstacle à la prédication de l’Evangile. Ce sont les mêmes, qui ont joué un rôle de premier plan dans le procès de Jésus. Ils s’en prennent maintenant aux apôtres qui proclament l’Evangile à Jérusalem, alors que le Grand Conseil et le grand prêtre leur ont interdit de prêcher, après avoir été obligés de les relâcher par peur du peuple qui est de plus en plus séduit par la « Bonne Nouvelle ».

St Luc nous montre avec lucidité les grandes lignes d’un développement historique que certains spécialistes de la science historico-critique essayent de nier en multipliant des détails apparemment contradictoires mais qui s’harmonisent admirablement dans la rédaction de St Luc, qui voit clairement, avec le recul du temps, la progression des choses.

La prédication des apôtres devient de plus en plus percutante au fur et à mesure que l’opposition se précise. Il faut, répondent-ils, obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Ils invoquent le “Dieu de nos pères“ comme Celui qui a ressuscité Jésus, affirmant ainsi la continuité du dessein de Dieu qui se continue à travers la crise dont sont responsables les autorités du peuple.

Nous avons, là, en filigrane le verset du psaume : « La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête de l'angle ; c'est là l'œuvre du Seigneur ; ce fut merveille à nos yeux. » (Ps 118,22-23).

Une sorte d’alchimie dont Dieu seul a le secret, comme dans l’histoire de Joseph chez le Pharaon, a transformé le mal en bien : « Dieu, par sa puissance, a élevé le Christ, faisant de lui le chef, le Sauveur, pour apporter à Israël la conversion et le pardon des péchés ».

On voit naître et se préciser dans la lecture d’aujourd’hui, la première et la source de toutes les spiritualités chrétiennes : Le Témoignage. En grec, le mot « témoin » se dit “marturos“ (d’où est venu le mot “martyre“).

Toutes les spiritualités qui sont nées au cours de l’histoire s’enracinent dans cette spiritualité première inscrite, par le baptême, au plus profond de l’être de tous les croyants, comme un caractère indélébile : être témoins ! Nous sommes des témoins toujours en recherche de l’occasion d’affermir notre foi par la parole et par notre vie. Par la parole, ce n’est pas toujours possible ; par la vie ce l’est toujours, car “nous avons revêtu l’homme nouveau  qui va se renouvelant à l’image du Créateur“.

N’oublions pas, à la fin de la lecture, la mention de l’Esprit Saint sans lequel le témoignage est impossible, qu’il s’agisse de la Parole ou qu’il s’agisse de toute la vie.

L’Esprit caractérise la nouvelle Alliance prédite par les prophètes,
  • l’Esprit qui inscrit la loi dans leur cœur selon Jérémie,
  • l’Esprit qui ressuscite les ossements desséchés dans Ezéchiel,
  • l’Esprit dont parle Jésus patiemment dans l’entretien avec Nicodème, ce maître en Israël, qui paraît ignorer l’enseignement des prophètes,
  • l’Esprit qui a transformé les apôtres et les a rendus témoins intrépides.

L’Esprit de Dieu donne sans compter à ceux qui ouvrent leur cœur au terme de cette pédagogie divine qui aboutit à la nouvelle Alliance réalisée en Jésus Christ par son “élévation“, sa mort et sa résurrection, par ce fleuve de vie qui s’écoule de son côté ouvert.

« Alors je vous prendrai parmi les nations, je vous rassemblerai de tous les pays étrangers et je vous ramènerai vers votre sol. Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai. Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j'ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes ». Ez 36,24-27
 

mercredi 14 avril 2010

Pâques 2 Mercredi - La Lumière du Christ. - Ac 5, 17-26 - Jn 3, 16-21

La lecture, tirée des Actes des Apôtres, fait ressentir mieux que jamais le rôle principal et décisif qu’ont joué les Sadducéens dans l’opposition que la prédication de l’Evangile a rencontrée aux origines.

Mais la parole de Dieu ne peut être enchaînée ! La “séduction“ de Jésus et des apôtres n’a pas encore cessé de jouer sur le peuple Juif, ce peuple que les Sadducéens redoutent. Ils le redoutent tellement au point qu’ils renoncent à arrêter à nouveau les apôtres par peur de ce peuple qui, est-il dit, serait capable de lapider ceux qui veulent neutraliser l’assurance et l’intrépidité de ceux qui, à peine sortis de prison, se sont remis à prêcher au milieu de Temple !Cette remarque est importante sur le plan historique. Ce n’est qu’à une époque plus tardive que le peuple Juif dans son ensemble, manipulé par les autorités responsables, deviendra hostile à l’Evangile et que se fera malheureusement cet amalgame entre “Juifs“ et “ennemis de l’Evangile. Amalgame qui a causé tant de mal dans l’histoire de l’Eglise et contre lequel le Concile et les derniers Papes nous invitent à lutter…

L’Evangile, lui, nous invite à nous juger nous-mêmes en nous remettant sans cesse sous le projecteur de la lumière du Christ.

Le meilleur service que l’on puisse rendre aux autres est d’être nous-mêmes dans ce que nous avons de meilleur. Et ce “meilleur“ authentique de nous-mêmes n’apparaît que dans la loyauté d’un examen de conscience qui réussit à vaincre le réflexe que nous avons tous de fuir la lumière par attachement à ce qu’il y a de mauvais en nous et que la lumière démasque ! Il faut toujours en revenir à ces paroles extraordinaires de Jean :

« Et le jugement, le voici : quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. En effet, tout homme qui fait le mal déteste la lumière : Il ne vient pas à la lumière de peur que ses œuvres ne démasquées  ; mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière afin que ses œuvres soient reconnues comme des œuvres de Dieu. »  (Jn 3,19-21).

Au fond, c’est sans doute cela le véritable examen de conscience : une nécessité de se juger soi-même, à la lumière du Christ, pour que s’opère, pour notre plus grand bien personnel et pour le plus grand bien de tous, la décantation du mal et du bien. Chacun de nous sait bien de quelles impasses il a peut être un jour été tiré, ou dont il ose espérer être aujourd’hui libéré…, de quelle aliénation il demande d’être délié…, de quels mensonges il aimerait se sortir.

Ces libérations, grâce auxquelles nous pouvons vivre à nouveau véritablement, sont fruits de la miséricorde, cette MISERICORDE que nous avons célébrée dimanche dernier, en ce “Dimanche de la Miséricorde“ institué par le pape Jean-Paul II, en réponse aux demandes du Christ dans les révélations privées à Sainte Faustine Kowalsaka qu'il a canonisée le 30 avril 2000.

LA MISERICORDE ! Celle de Dieu, bien sûr ! Celle aussi de nos frères, chaque fois que leurs regards et leurs paroles fraternels sont comme des prières d’une espérance plus grande que celle de notre propre cœur, sont comme la promesse d’avoir toujours des compagnons pour marcher ensemble sur le CHEMIN DE LA VIE, cette VIE D’AMOUR EN DIEU !

Il doit y avoir, dans l’idéal chrétien, une harmonie entre “miséricorde divine“ et “miséricorde fraternelle“, pour mieux nous soumettre au “jugement“  qu’est la lumière salvifique du Christ. Car Jésus a dit lui-même qu’il n’était pas venu pour “juger“ mais pour “sauver“.

Aussi, une grande place est donnée dans la morale chrétienne à ce qu’on appelle la “correction fraternelle“. St Thomas d’Aquin (après St Benoît) va jusqu’à dire qu’elle doit s’exercer même de l’inférieur au supérieur ; mais elle doit toujours se faire dans la miséricorde, la compassion, la bienveillance, dans un langage constructif, en choisissant le bon moment et pour que règne déjà dans nos communautés l’harmonie du Royaume de Dieu. Et dites-moi, la première communauté voulue dès le commencement par le Créateur n’est-elle pas la “communauté conjugale“, la “communauté familiale“, cette “Eglise domestique“ comme on dit ?

mardi 13 avril 2010

Pâques 2 Mardi - Retour vers Dieu et vie apostolique ! - Ac 4,32-37 - Ps 92 - Jn 3, 7-15

La première semaine de Pâques nous rappelait surtout la puissance de la prédication de l’Evangile. Rien ne peut empêcher la propagation de la “Bonne Nouvelle“ de la Résurrection. Et à la lumière fulgurante de cet événement, le plus important de l’histoire du monde, nous sommes appelés à relire toutes les Ecritures comme le Christ nous apprend à le faire sur la route d’Emmaüs ; et ce dans toute communauté chrétienne où Lui-même rend sa Présence réelle par la fraction du Pain.

La seconde semaine s’ouvre (lecture) sur les effets qu’opèrent sur les croyants l’accueil de cette prédication, effets qui pourraient avoir sur le monde une puissance de transformation extraordinaire… Le monde est toujours, comme au temps de la vocation d’Abraham, notre père dans la foi, une tour de Babel qui se désintéresse du Créateur et prétend s’élever jusqu’au ciel par la seule force orgueilleuse de ses pauvres moyens humains. Or, en fait, le monde retourne ainsi  à la multiplicité désordonnée du chaos primitif. Les hommes ne s’entendent plus…

Aussi, la résurrection du Christ se présente comme la réalisation des promesses faites à Abraham. Les croyants reprennent la route vers le Créateur. Par le fait même, se recrée la convergence des énergies dans l’harmonie. Et voilà qu’apparaît dans le monde, toujours en proie à la désagrégation, une communauté où règne l’amour dans un élan d’action de grâces, l’élan eucharistique.

Ainsi, St Luc nous donne aujourd’hui un tableau idyllique de cette première communauté de croyants qui adhèrent par la foi à la prédication des apôtres et font naître dans le monde une attirance, une séduction plus forte encore que celle opérée par l’intrépide prédication des Apôtres.

Ce tableau idyllique n’est pas à considérer comme une réalisation appartenant au passé et vers laquelle on se retourne avec nostalgie, mais comme un idéal à poursuivre inlassablement selon la grande loi biblique de la mémoire, qui est une faculté de l’avenir et non du passé. On ne se retourne, autrement dit vers le passé que pour mieux reprendre son élan vers l’avenir. C’est cela “faire mémoire“ !

« Les commencements, » a écrit Jean Guitton, « sont toujours riches de signification, contenant en germes ce qui va se développer par la suite…. C’est en effet un des caractères de la conduite de Dieu sur l’histoire de ramasser en de certains moments critiques ou en de certains êtres privilégiés, ce qui doit par la suite, se développer longuement, se déployer et s’expliciter. Ainsi l’homme inquiet, asservi à l’écoulement du temps, peut jouir de ce qui n’est pas encore » (La Vierge Marie p. 220).

Faut-il rappeler que, dans le langage traditionnel, l’expression « vie apostolique » désigne moins la prédication de la Bonne Nouvelle que le mode de vie qu’adoptent normalement les croyants qui accueillent  cet Evangile et la mettent en pratique, provoquant ainsi dans le monde comme une Epiphanie (une manifestation) du mystère trinitaire où chaque Personne divine n’existe que comme relation subsistante envers l’autre. Et dire que nos pauvres relations humaines, ici-bas, doivent, au jour éternel, s’intégrer, par don de l’Amour divin, dans ces Relations d’amour que sont les Personnes divines entre elles ! ! !

L’Eglise tout entière est appelée à cette vie apostolique.  Aussi, les fautes contre l’Unité doivent être les premières à effacer quand nous venons présenter notre offrande devant Dieu. Et cette vie apostolique est celle qu’ont choisi d’essayer de vivre, dans l’absolu, ceux qui ont fait les vœux religieux. (C’est dans cette pensée qu’il faut comprendre la “consécration religieuse“).

Aussi, la liturgie d’aujourd’hui est un rappel de l’harmonie qui doit régner entre nous dans la bienveillance, l’accueil, la charité inventive et la joie, le souci de l’autre.

Dans l’Evangile, le reproche que Jésus fait à Nicodème est terrible, ce reproche qui pourrait parfois s’adresser à nous principalement, les prêtres du Seigneur : « tu es maître en Israël et tu ignores ces choses » ! Je ne reviens pas sur ce que nous avons déjà médité hier sur la progression, dans l’Histoire Sainte, d’une prise de conscience de la nécessité d’une nouvelle alliance dont parlaient les plus grands prophètes (Jérémie, Ezéchiel, Isaïe), de cette nouvelle alliance qui est rien moins qu’une nouvelle création.« Dieu, crée en moi un cœur pur, restaure en ma poitrine un esprit ferme !». (Ps 51,12).

lundi 12 avril 2010

Pâques 2 Lundi   -   Renaître de l’eau et de l’Esprit. - Ac 4, 23-31 - Ps 2 - Jn 3, 1-8

Nicodème, comme Nathanaël, est versé, semble-t-il, dans la connaissance des Ecritures, mais leurs rencontres respectives avec Jésus sont radicalement différentes.

Tandis que Nathanaël, dès la première rencontre, au grand jour, éclate d’enthousiasme (: " Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d'Israël". Jn 1,19), Nicodème, au contraire, timidement, la nuit, essaie par des compliments d’entamer une conversation que Jésus interrompt brusquement en lui rappelant, sans transition, l’enseignement des prophètes (Jérémie, Ezéchiel et les disciples d’Isaïe) sur la nécessité d’une nouvelle naissance. Langage repris dans le psaume 51 qu’on a mis dans la bouche de David, après qu’il ait avoué sa culpabilité dans l’adultère et l’assassinat d’Uri, le mari de Bethsabée : « Vois : mauvais je suis né, pécheur ma mère m'a conçu...Lave-moi, je serai blanc plus que neige… qu'ils dansent, les os que tu broyas! Toutes mes fautes, efface-les. Dieu, crée pour moi un cœur pur, restaure en ma poitrine un esprit ferme ». (Ps 51, 7-12)

Jésus fait appel à ce que ce notable d’Israël, ce pharisien lettré, devrait savoir de cette prise de conscience qu’a faite progressivement le peuple élu au cours de son histoire, en particulier lors de l’exil à Babylone : lorsqu’il n’était plus qu’ «ossements desséchés », il sentait bien la nécessité pour survivre, d’une Alliance nouvelle qui ne serait rien moins qu’une nouvelle création, une nouvelle naissance, naissance de l’eau et de l’Esprit comme dans la vision d’Ezéchiel :
  • « Le Seigneur me dit : "Prophétise à l'esprit, prophétise, fils d'homme.  Tu diras à l'esprit : ainsi parle le Seigneur Dieu.  Viens des quatre vents, esprit, souffle sur ces morts, et qu'ils vivent." ». ( Ez 37,9)
  • « Il me dit encore : " Cette eau (qui sort du temple) descend dans la Araba et se dirige vers la mer; elle se déverse dans la mer (morte) en sorte que ses eaux deviennent saines. Partout où passera le torrent, tout être vivant qui y fourmille vivra. Car là où cette eau pénètre, elle assainit, et la vie se développe partout où va le torrent ».(Ez 47,8-9).

On retrouve Nicodème ensuite, prenant courageusement la défense de Jésus dans le Temple, lors de discussions violentes pendant la fête des Tentes :

« Nicodème, l'un d'entre eux, celui qui était venu trouver Jésus précédemment, leur dit : " Notre Loi juge-t-elle un homme sans d'abord l'entendre et savoir ce qu'il fait !" » (Jn 7,50-51). 

On le retrouve surtout, à la fin, au pied de la croix :

« Nicodème - celui qui précédemment était venu, de nuit, trouver Jésus - vint aussi, apportant un mélange de myrrhe et d'aloès, d'environ cent livres. » (Jn 19,39).

Il contemple, comme le disciple bien aimé et la Vierge Marie, le corps du transpercé, élevé en signe de salut, comme le serpent d’airain pour les Hébreux dans le désert (évoqué lors de la première rencontre de Jésus avec lui). Le corps transpercé qui est, lors de la résurrection, le Temple au plein sens du mot, d’où s’écoule un fleuve de résurrection plus efficace que celui qui ressuscite la Mer Morte dans la vision d’Ezéchiel.

« J’ai vu l’eau vive jaillissant du cœur du Christ, Alleluia !
Tous ceux que lave cette eau seront sauvés, Alleluia ! »
, avons-nous chanté à  Pâques

Nicodème fait contraste, malgré sa lenteur à venir à la foi, avec les chefs des prêtres et les anciens. Mais avec lui, nous sommes tous invités à regarder le vrai serpent d’airain, le Christ élevé en Croix, mort et ressuscité, devenu le Temple au sens plénier, d’où découle le fleuve régénérateur des sacrements, qui fait parvenir jusqu’à chacun de nous la réalité de ce qu’ils signifient.

Voilà la renaissance. Et, affirmons-le, ceux qui, comme Marie, Jean et Nicodème, sont les plus près de la croix sont aussi les premiers appelés et les premiers bénéficiaires de la rédemption en regardant avec foi « Celui qui a été transpercé »
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vendredi 9 avril 2010

Jeudi de Pâques   -   Reconnaître le Ressuscité ! - Ac.  4, 1-12 - Ps 117 - Jn 21, 1-14

L’Octave de Pâques, disons, comme le fait la liturgie, l’Aujourd’hui de Pâques, se termine. On dirait que l’Evangile que nous venons d’entendre a été choisi pour nous préparer à reprendre la vie ordinaire, sans pour autant quitter la présence permanente et réelle du Christ ressuscité.

« Je m’en vais à la pêche », dit St Pierre qui reprend son métier habituel (comme nous-mêmes, souvent).

On peut s’étonner de trouver, parmi les compagnons qui s’embarquent avec lui, Nathanaël dont on apprend qu’il est “de Cana en Galilée“ et qui n’est pas pêcheur du lac comme les fils de Zébédée, les associés de Pierre. C’est plutôt un intellectuel, dirions-nous.

Nathanël apparaît lors des premières “rencontres“ de Jésus.. Certains pensent que St Jean voit en lui, le type du théologien. Il est amené à Jésus par son ami Philippe de Bethsaïde : « Jésus vit Nathanaël venir vers lui et il dit de lui : "Voici vraiment un Israélite sans détour". Nathanaël lui dit : "D'où me connais-tu  ?" Jésus lui répondit : "Avant que Philippe t'appelât, quand tu étais sous le figuier (1), je t'ai vu". Nathanaël reprit : "Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d'Israël". Jésus lui répondit : "Parce que je t'ai dit : "Je t'ai vu sous le figuier", tu crois ! Tu verras mieux encore". Et il lui dit : "En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l'homme".  (Jn 1,45).

Le vrai Israélite (et donc le chrétien) en qui il n’y a pas de détour, est appelé, comme son ancêtre Jacob-Israël (2), à voir l’échelle - reliant ciel et terre - partout plantée…, pas seulement à Béthel, mais dans le pointillé de l’existence. En voyant cette échelle partout plantée, on devient capable de donner signification - humaine et divine tout à la fois - aux choses et aux évènements les plus banals, comme une noce de village à Cana (d’où est originaire Nathanaël). Ce premier des signes de Jésus ne fut-il pas le plus riche de signification ? Quand l’heure sera venue, il ne s’agira plus de donner du vin (qui se dit parfois en hébreu : “sans de la grappe“) pour la gaîté d’une noce de village, mais de verser le “sang de sa vie“ pour la consommation des noces de la nouvelle et éternelle Alliance.

Ainsi, après Pâques, est-on invité à passer de la grande festivité annuelle de Pâques à la vie très ordinaire (“je vais  à la pêche“) où la présence du Christ, bien réelle et permanente, n’est pas toujours immédiatement perceptible. Nathanaël, ce “vrai Israëlite“ qui est dans la barque de Pierre, est un bon guide. Il faut l’invoquer !

Thomas  - du coup, ce n’est pas un intellectuel ! - fait aussi parti de la bande qui s’embarque, comme pour nous accompagner dans nos interrogations sur la présence réelle et permanente du Christ ressuscité. « Et voici que je suis avec vous, pour toujours jusqu’à la fin du monde !». (Mt 28,20)

Et puis, il faut le remarquer, comme sur la route d’Emmaüs, comme dans le jardin où Marie Madeleine croit rencontrer le gardien, la présence de Jésus est si discrète qu’on risque de l’oublier. Ici, après la nuit de pêche infructueuse, le premier à reconnaître Jésus dans la personne qui interpelle depuis le rivage est le disciple bien aimé. « Alors le disciple que Jésus aimait dit à Pierre ; c’est le Seigneur ! » (Jn 21,7). C’est toujours l’amour qui discerne le mieux !

Mais les disciples semblent n’avoir pas encore vraiment reconnu la personnalité mystérieuse de l’inconnu du rivage quand ils débarquent. On remarque simplement que Jésus a préparé un déjeuner : « en débarquant sur le rivage, ils voient un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain ».Il y avait 153 gros poissons dans le filet qu’on amène et qui ne se déchire pas. Des connaisseurs disent que d’après les naturalistes de l’Antiquité, il y avait 153 espèces de poissons connus à l’époque. Rappelons-nous que les pêcheurs du lac vont recevoir mission de devenir pêcheurs d’hommes dans le monde entier : "Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde".(Mth 28.19).

Remarquons encore : comme sur la route d’Emmaüs, on ne reconnaît Jésus qu’à la fraction du pain !
  1. Explication la plus simple : Par temps chaud, on se donnait rendez-vous facilement sous un arbre ; et pour les scribes, sous un figuier dont les feuilles épaisses donnaient davantage de fraîcheur !
  2. Jacob - avant que Dieu ne lui donne le nom d’“Israël“ (Gen. 32.29) - avait joué pas de “tours“, de “coups tordus“… à son frère Esaü, à son beau-père, etc… Il portait bien le nom de “Jacob“ qui peut se traduire par “le tortueux“ ! Il “se convertit“ en quelque sorte lors de son combat avec l’Ange ; il devient “Israël“ : fort et vrai  dans ses relations avec Dieu et avec les hommes !

jeudi 8 avril 2010

Jeudi de Pâques - Juifs et chrétiens - Ac 3, 11-26 - Ps 8 - Lc 24, 35-38

Ceux qui pratiquent le dialogue judéo-chrétien entendent souvent les juifs souhaiter que l’on modifie les textes du Nouveau Testament qui parlent souvent des juifs de manière péjorative. Je crois qu’une lecture plus attentive des textes amènerait simplement les chrétiens à distinguer, dans les traductions, la masse du peuple juif et les dirigeants du peuple qui jouèrent un rôle de premier plan dans le procès de Jésus, en forçant la main du gouverneur romain. C’est ce que font d’ailleurs beaucoup de nos meilleurs traducteurs.

La lecture d’aujourd’hui est une bonne occasion de réfléchir sur l’opportunité de la distinction. C’est la masse du peuple qui court écouter Pierre parler, après la guérison de l’infirme de la Belle Porte. Pierre parle à Israël et invoque le “Dieu de nos pères“ dont Jésus est le serviteur, au sens où l’entendait Isaïe. La livraison de Jésus à Pilate a l’air, il est vrai, d’être imputée à tout le peuple. Mais il faut remarquer que St Luc écrit les “Actes des Apôtres“ assez tardivement, à une époque où l’influence des chefs juifs s’est très vite exercée sur la collectivité pour l’entraîner à une opposition contre les chrétiens. L’amalgame entre “responsables juifs“ et la collectivité semble s’établir ! Pourtant si on continue la lecture, il est dit : « D’ailleurs frères, je sais bien que vous avez agi dans l’ignorance, vous et vos chefs ». Et il est bien dit que la proclamation de la Bonne Nouvelle de la Résurrection retentit d’abord aux oreilles du peuple élu. Aussi la lecture d’aujourd’hui se termine par cette phrase : « C’est pour vous d’abord que Dieu a fait se lever (a ressuscité) son Serviteur, et il l’a envoyé vous bénir, en détournant chacun de vous de ses actions mauvaises ». Le peuple d’Israël est donc bien concerné !

Mais avant cette finale, vient ce fameux texte du ch. 18 du Deutéronome qui invite à la méfiance entre les faux prophètes qui ont toujours existé : « Le Seigneur Dieu me dit (à Moïse) : "Je leur susciterai, du milieu de leurs frères, un prophète semblable à toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai.  Si un homme n'écoute pas mes paroles que ce prophète aura prononcées en mon nom, alors c'est moi-même qui en demanderai compte à cet homme. Mais si un prophète a l'audace de dire en mon nom une parole que je n'ai pas ordonné de dire, et s'il parle au nom d'autres dieux, ce prophète mourra".  Peut-être vas-tu dire en ton cœur : "Comment saurons-nous que cette parole, le Seigneur ne l'a pas dite ?" » (Dt 18,15-21).

La conduite des chrétiens au cours des siècles, notre conduite, aujourd’hui encore, n’a-t-elle pas été pour beaucoup dans le fait que les juifs et même leurs autorités responsables, n’ont pas considéré Jésus comme l’Envoyé promis par Moïse dans une promesse solennellement entérinée par Dieu lui-même. Ne sommes-nous pas parfois responsables de cette interrogation : "Comment saurons-nous que cette parole, le Seigneur ne l'a pas dite ?". Ou l’a dite ?

Le Concile Vatican II nous invite à considérer ce problème d’Israël comme faisant partie intégrante du mystère de l’Eglise, un problème qui se pose à l’intérieur même de l’“Israël de Dieu“ qui marche vers le rétablissement (la restauration) (1) de toutes choses et donc du peuple élu, Israël. « Il a fait que Jésus demeure au ciel jusqu’à l’époque où tout sera rétabli, comme Dieu l’avait annoncé autrefois par la voix de ses saints prophètes ». (Ac 3,21).

Avec l’Evangile d’aujourd’hui, on peut penser qu’au temps des premières apparitions, les  disciples n’étaient pas fiers de leur comportement pendant la passion : leur sommeil à Gethsémani, leur fuite, le triple reniement de leur chef… etc.… Aussi, le premier mot que Jésus ressuscité leur adresse, comme dans St Jean, c’est : « La Paix soit avec vous » (2). On pense à Joseph pardonnant à ses frères ; et Jésus leur pardonne d’un pardon d’une telle gratuité qu’ils ont du mal à y croire.  Ne sommes-nous pas parfois en ce cas ?

St Luc éprouve ensuite le besoin d’insister, comme le fera l’Eglise dans son Credo, sur la “résurrection de la chair“ : “Jésus leur dit : « Pourquoi des doutes montent-ils en votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds ; c'est bien moi ! Palpez-moi et rendez-vous compte qu'un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai »“. Et Jésus mange avec eux ! Là encore, ne sommes-nous pas comme les apôtres qui doutaient ?

Enfin, Jésus répète ce qu’il a dit à Cléophas et à son compagnon sur la route d’Emmaüs : “Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures,  et il leur dit : Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d'entre les morts le troisième jour, et qu'en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. De cela vous êtes témoins“.  Nous voilà invités aujourd’hui, une fois de plus, à une lecture chrétienne de la Bible à la lumière de l’Esprit qui mène vers la Vérité tout entière, qui donne de comprendre ce que nous sommes capables de porter à la lumière du Christ Ressuscité qui « ouvre l’esprit à l’intelligence des Ecritures ».

  1. Le terme qu’emploie Luc, “apocatastasis“, - un hapax - a été interprété de façon  parfois ambiguë. Il s’agit non pas tellement d’une “restauration“ après un anéantissement de tout le cosmos (selon une pensée grecque), mais d’un “rétablissement“ du dessein de Dieu annoncé par tous les prophètes.
  2. Il est un peu dommage que le texte liturgique n’a pas retenu cette salutation de Notre Seigneur

mercredi 7 avril 2010

Mercredi de Pâques - La résurrection  et notre guérison !  - Ac 3, 1-10 - Ps 104 - Lc 24, 13-35

La guérison de l’infirme se fait à l’entrée du temple, hors du temple. Il faut se rappeler que les infirmes n’entraient pas dans le temple d’après une loi qu’on trouve dans le Lévitique :  « aucun homme ne doit s'approcher s'il a une infirmité, que ce soit un aveugle ou un boiteux, un homme défiguré ou déformé » (Lv 21,18).

Les aveugles et les boiteux sont particulièrement visés. Pour comprendre cette disposition, il faut se rappeler le récit de la prise de Jérusalem par David, racontée dans le 2ème livre de Samuel : « David avec ses gens marcha sur Jérusalem contre les Jébuséens qui habitaient le pays, et ceux-ci dirent à David : "Tu n'entreras pas ici ! Les aveugles et les boiteux t'en écarteront" ; c’était pour dire : "David n'entrera pas ici". Mais David s'empara de la forteresse de Sion - c'est la Cité de David -. » Aussi le texte ajoute : « Quant aux boiteux et aux aveugles, David les hait en son âme.  C'est pourquoi on dit : Aveugle et boiteux n'entreront pas au Temple. » ( 2 Sam. 5,6-8).

Jésus, lui, contrevient à cette loi, la contredit : « Il y eut aussi des aveugles et des boiteux qui s'approchèrent de lui dans le Temple, et il  les guérit… ;  les grands prêtres et les scribes furent indignés » (Mt 21,14.15b).

Quant à St Jean, il a retenu, parmi les 7 signes qui composent son Evangile, deux miracles opérés dans les deux piscines qui se trouvent l’une au nord et l’autre au sud du temple. Le boiteux de Bethesda et l’aveugle-né de Siloé, une fois guéris, entrent dans le temple qui leur était interdit tant qu’ils étaient atteints par leur infirmité.

Aussi, le miracle, que nous rapporte la lecture, s’inscrit en cette “iconographie“ première de Jérusalem ; et il serait dommage de ne pas rappeler, à cette occasion, la mutation essentielle qui s’opère dans le passage qui se fait de l’Ancien au Nouveau Testament ! Dans l’Ancien Testament, les maladies et les infirmités sont un handicap dans le rapport avec Dieu. Dans le Nouveau Testament, elles sont assumées par le Christ qui est venu guérir nos infirmités comme nos péchés ; et les miracles préfigurent la restauration totale de notre humanité pour entrer dans le “Nouveau Temple“, dans le “Royaume de Dieu“.

Le paralytique guéri par Pierre entre dans le temple en franchissant la Belle Porte : « d'un bond il fut debout, et il marchait.  Il entra avec eux dans le Temple, il marchait, bondissait et louait Dieu ! ».

L’Evangile rapporte l’épisode de la rencontre de Jésus avec deux de ses disciples sur la route d’Emmaüs. Le célèbre Renan disait que ce texte est le plus beau morceau de littérature qui n’ait jamais été écrit.

La présence de Jésus ressuscité est plus réelle que jamais, mais elle n’est plus perceptible immédiatement comme elle l’était auparavant. On a déjà vu cela avec l’Evangile d’hier, en parlant de Marie Madeleine qui croit d’abord voir le gardien du jardin.

Aussi, Cléophas et son compagnon partagent la mentalité courante du judaïsme de l’époque qui attend un Messie bien visible en restaurant la Royauté davidique et en chassant l’occupant romain. Jésus chemine un certain temps avec eux et leur donne l’occasion d’exprimer leur déception et leur scepticisme vis à vis du témoignage des femmes qu’ils considèrent comme des racontars de pure imagination. C’est une bonne chose de laisser ses interlocuteurs exprimer leurs déceptions et prendre, par le fait même, un certain recul par rapport à leurs idées toutes faites. Prendre son temps, c’est la meilleure manière de préparer celui qui va écouter LA PAROLE à accueillir le message qui lui est destiné et à comprendre ainsi le dessein de Dieu à travers toute l’histoire : « Alors il leur dit : "O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ?".  Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait ». (Lc 24,25-27).

On emploie assez souvent aujourd’hui le mot savant de “herméneutique“. Ce mot vient tout simplement du verbe grec  “diermèneuô“ : interpréter, expliquer. Il est bon aujourd’hui de rappeler l’origine de cette pratique et surtout des effets qu’elle produit : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et qu’il nous faisait comprendre les Ecritures ». Quand on lit la Bible, l’Evangile, laissons le Christ entrer en notre cœur. C’est surtout lui qui expliquera…, bien plus que tous les manuels et livres si utiles soient-ils ! Surtout quand on sait que la “liturgie de la Parole“ est liée indissociablement à la “liturgie de la fraction du Pain“ : “Ils le reconnurent à la fraction du pain“.

mardi 6 avril 2010

Mardi de Pâques   -    Proclamation de la résurrection  - Ac 2, 36-41 - Ps 32 - Jn 20, 11-18

Après la fête de Pâques, la réforme liturgique a mis à la première place, la première prédication, LA PROCLAMATION, le Kérygme (comme l’on dit), que fit Pierre, transformé par l’Esprit Saint, au matin de la Pentecôte. Il faut voir là une invitation à retrouver, au point de départ de l’enseignement du christianisme, la proclamation de la résurrection du Christ. « Si le Christ n’est pas ressuscité », dit St Paul, « nous sommes les plus malheureux des hommes, et notre foi est vaine ». Autrefois, on se saluait, le jour de Pâques, par ce dialogue : “Le Christ est ressuscité !“ - Et la réponse : “Oui, il est vraiment ressuscité !“.

Lue en entier, cette première prédication est une invitation à relire toutes les Ecritures, rétrospectivement, à la lumière fulgurante de la résurrection du Christ, comme nous le fait faire la liturgie, à longueur d’année, pour démontrer que toute l’histoire sainte, qui est notre histoire, qui est l’histoire de l’humanité tout entière, converge vers cet événement, le plus important qui ait jamais eu lieu : la victoire du Christ sur la mort au matin de Pâques. - Tout converge vers cette libération fondamentale de nos aliénations les plus graves, celles du péché et de la mort elle-même ; tout prépare cet événement, l’annonce et le préfigure. C’est l’aboutissement du dessein du « Dieu des délivrances qui a les issues de la mort ». Pâques, c’est “l’accomplissement du temps“, comme dit St Paul. Nous vivons à Pâques l’Exode, au plein sens du mot, cet exode dont s’entretenaient Moïse et Elie (représentant la Loi et les Prophètes,) avec Jésus, sur la Montagne de la Transfiguration.

Dans cette première prédication, Pierre se fonde surtout sur les psaumes, qui résument toute la Bible sous forme de prières. Il faudrait prendre le temps de lire en son entier cette prédication première, qui nous initie à une lecture chrétienne de la Bible. Pour nous Chrétiens, il ne doit pas y en avoir d’autre. Il faut lire la Bible et toute notre vie à la lumière de la Résurrection. Pour des raisons pastorales, le texte a été abrégé, et nous n’avons aujourd’hui, dans notre lecture, que quelques versets de conclusion de cette prédication première et primordiale.

Les auditeurs ont le cœur transpercé : “d'entendre cela, ils eurent le cœur transpercé“ (v/37) (ce qui n’est pas toujours le cas lorsqu’on entend un “sermon“ ordinaire, comme le mien souvent !). L’appel à la repentance pour la rémission des péchés et la réception de l’Esprit Saint s’adressent à l’universalité des hommes, à ceux qui sont près (les enfants d’Israël) et à ceux qui sont loin, tous les hommes, ce qui se fera par la prédication de Paul adressée aux “îles les plus lointaines“.

Avec cette prédication première s’ouvre la deuxième étape de l’histoire du monde. Tandis que l’Ancien Testament se contractait progressivement pour se ramasser dans la passion et le résurrection du Christ, la porte s’ouvre maintenant sur ce que St Paul appelle la récapitulation universelle du monde entier dans le Christ, par l’incorporation au Christ que procure le baptême. « Eux donc, accueillant sa parole, se font baptiser. Il s’adjoignit environ 3000 âmes »

Après la résurrection, la présence du Christ, plus réelle que jamais, n’est plus perceptible immédiatement par les sens comme auparavant. Marie Madeleine croit voir le jardinier. Elle ne le reconnaît qu’une fois interpellée par son nom.

“Je monte vers mon Père“. Ce mot de « vers » (“pros“) est le mot qu’on trouve au début de l’Evangile de Jean. « Au commencement était le Verbe. Le Verbe était tout élan vers Dieu »  (“pros theon“). Cet élan éternel du Fils vers le Père se transforme en passage ici bas. Le Christ passe au plus profond de la terre et de la détresse humaine pour la rencontrer, la saisir et l’emporter, après se l’être incorporée, vers son Père devenu notre Père, vers son Dieu devenu notre Dieu.