mercredi 8 septembre 2010

Nativité de Marie - 8 Septembre 2010

Il est difficile de parler de Marie, parce qu’il est toujours difficile de parler de sa mère ! Or, Marie est bien notre mère, puisque Jésus est bien notre frère, Fils de Dieu qui s’est fait réellement fils d’homme par Marie, pour que les fils des hommes deviennent fils de Dieu !
Louons aujourd’hui Marie dont nous fêtons la naissance, elle qui a su accueillir Jésus dans la foi avant de l’accueillir en son corps. St Augustin ne disait-il pas : “Si Marie a eu le privilège de recevoir Dieu en son corps, c’est qu’elle l’avait d’abord reçu en son cœur” !

Nous sommes parfois tentés de nous dire : la Sainte Vierge n'avait pas de mal à croire, elle! Sa foi était facile : elle avait reçu de l'ange Gabriel l'annonce de la naissance du Messie, son enfant : "Il sera grand, sera appelé Fils du Très-Haut... son règne n'aura pas de fin...". Ensuite, ce fut Noël, toute l'enfance et l'adolescence de Jésus, sa vie publique, ses miracles, etc... D'ailleurs, le privilège de son Immaculée conception ne la garantissait-elle pas de toute tentation contre la foi ?

Les choses ne sont pas si simples, car la vie et les événements se chargent bien souvent de tout compliquer et de tout obscurcir.
Jésus lui-même, tout en étant Fils de Dieu, a eu, comme tout homme, éveil et croissance, épreuves et approfondissements, hésitations et choix, nuit et lumière. "Tout Fils qu'il fut, il apprit...par ses souffrances" dit la Lettre aux Hébreux (5/8). Jésus fut un homme réel avec, en tant qu’homme, des heures de clarté et des moments de ténèbres.
Il en est de même de Notre Dame. Marie fut une femme réelle. Les privilèges qu'elle reçut de Dieu ne l'empêchèrent pas de connaître épreuves, hésitations, moments de ténèbres. Les plus grands mystiques n'ont-ils pas tous connu des périodes de "nuit obscure" ? L’évangile nous le dit : les privilèges de Marie (“Immaculée conception” - “Mère de Dieu”) ne l’empêchèrent pas d'être "troublée" : elle ne comprend pas tout de suite, elle cherche et finalement, c'est dans la foi qu'elle prononce son Fiat. "Bienheureuse celle qui a cru..." lui dira sa cousine Elisabeth.

Et par la suite, toute la vie de Marie fut un long "pèlerinage dans la foi", à travers les épreuves et les difficultés de la vie de son Fils jusqu’à la suprême épreuve du Calvaire ! Jésus agonise sur 1a croix, rejeté par tous : n'est-ce pas le démenti des paroles de l'ange de l'annonciation : "Il règnera pour toujours sur la maison de Jacob et son règne n'aura pas de fin" ?
Non, la foi de Marie ne fut pas facile. Croire, garder la foi, ce n'est pas forcément marcher en pleine lumière. C'est bien souvent être dans l'obscurité la plus complète, mais marcher quand même, prier quand même, rester debout quand même, avec cependant la certitude de la présence de Dieu. Marie, debout au pied de la croix, s'en remet totalement à Dieu, comme Jésus lui-même qui s'écrie : "Père, entre tes mains, je remets mon esprit".

Avec Marie, à la suite de Jésus, l'Eglise entière avance dans son pèlerinage de la foi, marchant depuis 2000 ans à travers tentations, tribu-lations, persécutions de toutes sortes, mais soutenue par la force de Dieu.

Et nous-mêmes, nous cheminons aussi dans la foi. Comme Marie, nous connaissons des périodes lumineuses: mais comme elle aussi, nous vivons des heures de ténèbres : c'est l'épreuve, la maladie, la tentation du découragement ; on crie vers Dieu : pas de réponse ; on tend la main vers lui, mais on ne trouve que le vide. "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Jésus a connu cela, et Marie aussi : c'est l'heure du silence de Dieu. Il s'agit alors de tenir, de rester debout, d'être fidèle quand même, de prier quand même, d'avancer quand même. La foi c'est garder confiance envers et contre tout (“espérant contre toute espérance“). Dieu fait silence, mais il est là, il n'a jamais été plus proche.

Comme dit St Paul : ici-bas, nous ne voyons les choses de Dieu que comme à travers un mauvais miroir ; mais le jour viendra, où nous verrons Dieu face à face ! Le pèlerinage de la foi, la Vierge Marie l'a terminé le jour de son assomption. Elle est donc pour nous un guide sur la route. Sur la croix, Jésus nous a confiés à elle en disant à l'apôtre Jean : "Voici ta mère", et en lui disant à elle : "Voici ton fils ".

Prions-la spécialement pour tous ceux qui cheminent plus souvent dans la nuit de la foi que dans la lumière. Avec eux, puissions-nous, chaque jour, relever le défi qui consiste à marcher sans tomber, sur les routes toujours anciennes et toujours nouvelles, et à toujours se relever si l'on est tombé.

lundi 6 septembre 2010

T.O. 23 - Lundi (I Co. 5.1vsv) - Les Amalgames !

St Paul est pratiquement en colère ! Il y a un cas d’inconduite grave et notoire en la communauté de Corinthe. Et personne ne réagit, semble-t-il, par peur ou par manque de discernement… En bon juif, il prend une image à partir de la liturgie juive : pour la pâque, les fidèles doivent éliminer tout vieux levain. Il veut signifier que les chrétiens doivent sans cesse se purifier de toute souillure pour célébrer la Pâque du Seigneur, afin de consommer dignement le nouveau pain sans levain : le Corps du Christ !
Oui, Paul est en colère. St Thomas d’Aquin distingue la colère antécédente et la colère conséquente. Par la première, on se laisse emporter ; ce n’est jamais bon, jamais constructif. Mais la colère conséquente peut être parfois très utile et constructive, à condition d’avoir respecté certaines étapes que signale N.S. par ailleurs : si ton frère vient à pécher, reprends-le seul à seul…, puis avec un ou deux témoins… puis avec la Communauté tout entière qui se sera mise en prière.

Oui, il faut parfois agir avec colère, cette colère conséquente… Les médecins disent qu’elle provoque de l’adrénaline qui donne un surcroît de force…! Je ne sais pas ! En tous les cas, il y a parfois des mises au point à faire !
On dira : et l’humilité dans tout cela ? L’humilité de consiste pas à toujours s’effacer, disparaître…, ce qui, souvent, serait une fuite. Jésus doux et humble de cœur dont l’un des derniers gestes fut de laver les pieds de ses apôtres, n’a pas trouver moyen de résoudre certains scandales sinon que par des fouets de corde (Cf. Jn 2.14 sv). L’humilité n’est pas le complexe d’infériorité. Ce n’est pas la même chose. Certains s’effacent, s’effacent… ; et une sorte de rancune, de ressentiment s’accumule, ce qui peut provoquer des explosions comme des volcans…

Oui, une attitude plus ou moins forte - une “colère paulinienne“ - est parfois nécessaire surtout en notre monde où l’on pratique si facilement l’amalgame (comme à Corinthe). L’amalgame consiste à décrire une situation, puis une autre odieuse celle-là ; et naturellement elles déteignent l’une sur l’autre. C’est un procédé très courant dans la publicité, le journalisme…
Aussi faut-il demander à l’Esprit Saint la lucidité et la liberté pour savoir dénoncer - avec force parfois - tout amalgame qui dénature la vérité.
Oui, demandons lucidité et liberté pour mieux discerner et distinguer :
- les doutes et les problèmes : mille problèmes ne font pas obligatoirement un doute, disait le Cal Newman.
- Il faut savoir réagir et distinguer : gaspillage et économie ; obéissance et flagornerie ou servilité ; responsabilité et autoritarisme, sacrifice et refoulement ; curiosité et sollicitude ; indifférence et détachement.
- Oui, il faut toujours analyser et mieux distinguer : joie et plaisir ; sincérité et vérité ; silence et mutisme ; Providence et fatalité ; foi et crédulité…, et que sais-je encore… Toutes confusions, amalgames qui peuvent entraîner parfois de graves déviations de toutes sortes et susciter une “colère paulinienne“ !
Pour terminer, je citerai trois amalgames courants qui troublent gravement parfois les relations fraternelles :
- l’agressivité et la force : ce sont souvent les êtres faibles qui sont agressifs, ceux qui ne sont pas bien “dans leur assiette“, comme on dit !
- l’habitude et la routine : l’habitude qui libère et la routine qui nous roulent dans des ornières interminables.
- et la dernière que je cite avec un peu d’humour : l’accusation et la correction fraternelle. N’oublions pas que Satan est qualifié de grand accusateur. Il y a des manières de présenter la vérité qui ne fait qu’enfoncer son frère qui ne la respecte pas. Certes, il faut savoir réagir et je sais que ce n’est pas facile. Dans sa Somme théologique, St Thomas demande s’il faut pratiquer la correction fraternelle même envers ses supérieurs. Il répond positivement. Dans la célèbre édition léonine, il est écrit, au crayon, dans la marge : “J’ai essayé ; ce n’est pas à faire !“. Ce lecteur (ou peut-être son supérieur) avait du confondre accusation et correction fraternelle.

Face à ceux qui pratiquent facilement l’amalgame, il est bon, parfois seulement, d’être en colère, mais d’une “colère conséquente“ !

Pour ma part, je vous quitte. En principe, c’est ma dernière Eucharistie en cette chapelle de la Visitation, eucharistie que je célèbre à toutes vos intentions. Je vous quitte, mais rassurez-vous : sans aucune colère. Et je me permets de vous dire comme St Paul à Milet (Act. 20.32) : par la prière, je vous remets à Dieu et à sa Parole, à cette Parole que je me suis efforcé de commenter, à cette Parole qui a puissance de bâtir (de bâtir ce qui a été commencé en cette chapelle) et de donner un héritage à tous les sanctifiés, - à tous les baptisés, à tous les chercheurs de Dieu qui fréquentent cette chapelle - ! Et puis, nous aurons l’occasion de nous revoir. En tous les cas, en mon nom et au nom des moniales du prieuré “La Paix Notre-Dame“, je vous invite à Flée après mon séjour en Terre Sainte où je ne manquerai pas de prier pour vous tous.

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dimanche 5 septembre 2010

23e T.O. C 2010

23e T.O. 10/C : L'amour de Dieu en nos coeurs d'homme
(Homélie adressée à la Communauté des religieuses des “l’Enfant-Jésus" du Mans)

Il y a des passages d'Évangile que l'on écoute avec facilité et plaisir. Les paroles de Jésus que nous fait entendre aujourd'hui St Luc font partie, elles, de celles qui nous paraissent difficiles à saisir. Que veut donc dire Jésus qui nous engage à “haïr” même parents, conjoint, enfants, à cause de lui ?

Certes, on fera remarquer avec justesse que la langue araméenne ignore les comparatifs. Et pour traduire cette forme de style, on employait souvent des termes opposés, contrastés : ne pas “aimer plus”, c’est “haïr”. Une bonne traduction, en ce cas, comme le fait notre texte liturgique, c’est l’emploi du verbe “préférer” qui supplée ainsi au comparatif inexistant en la langue de N.S.
Certes, ceci est à bien noter. Mais il n’empêche que le texte grec écrit par St Luc lui-même, très bon écrivain, a gardé le mot “haïr” alors que la langue grecque connaissait parfaitement le comparatif. Il y a donc, là, une consigne que N.S a voulue très forte, pour que notre évangéliste Luc maintienne le contraste des mots : “aimer” ou “haïr” !
C’est d’autant plus étonnant que Jésus rappellera l’actualité du commandement reçu par Moïse au Sinaï : “Honore ton père et ta mère“ ! (Ex 20 ; Dt. 5). Et il aura une grande tendresse pour sa mère en la confiant à son apôtre Jean à l’heure de son agonie sur la croix. Comment donc comprendre : “Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, son épouse (seul, Luc mentionne cette dernière !), il ne peut être mon disciple !

Bien sûr, on répondra - et légitimement - que Jésus appelle certains (religieux, religieuses…) à manifester cette radicalité pour mieux témoigner leur amour absolu de Dieu. Jésus se situerait là dans la ligne des grands prophètes, tel Eli (qu’il a rencontré lors de la récente Transfiguration), Eli qui exige cet idéal de son disciple Elisée, alors que celui-ci est occupé à labourer ses champs. Il répond : “Laisse-moi d’abord d’aller enterrer mon père !“. Jésus, lui, dira : “Laisse les morts enterrer les morts… Toi, annonce le Royaume de Dieu“ (Lc 9.57 sv). Autrement dit : l’urgent, c’est d’annoncer la Résurrection, la Vie ! Et non la mort ! Et c’est à cet épisode que Jésus fera encore allusion quand il dira : “Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière est impropre au Royaume de Dieu“, à la “Bonne Nouvelle“ de la Vie ! Oui, certains, certaines sont appelés à souligner cette hiérarchie de valeurs ; car avec Jésus, il y a désormais une “tête de pont“ par-delà l’absurdité de la mort elle-même ! Et n’est-il pas bon que certains, certaines en témoignent de façon assez radicale ?
Finalement Elisée, est-il dit, immolera ses bœufs, se servira de leurs harnais pour les faire cuire et donnera à manger à ses gens, ce qui annonce la multiplication des pains et donc notre Eucharistie, nourriture suffisante pour suivre radicalement Jésus, car “les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel des nids. Mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer la tête !“. La présence du Christ suffit à des consacrés ! Radicalité qu’exige Eli pour son disciple Elisée, radicalité que demande Jésus pour ses apôtres, pour des consacré(e)s.

C’est ce qu’avait compris St Paul, par exemple ; il nous parlait tpout au long de sa semaine passée, de la folie pour le Christ ! “Nous sommes fous à cause du Christ“ écrit-il aux Corinthiens. Oui, le “fou pour le Christ“ ne calcule pas ; il donne sans compter. Il donne tout et tout de suite. “A cause de lui, j’ai tout perdu“, jusqu’aux liens humains si naturels. Mais, ajoutera-t-il, cette folie est finalement suprême sagesse ! Et après les apôtres, après St Paul, les exemples sont nombreux ; sans faire d’énumération, pensons à tous les missionnaires qui parfois ont sacrifié jusqu’à leur vie pour l’amour de Dieu ; pensons à tous les fondateurs d’Ordres divers, à tous nos pères dans la foi…

Mais il nous faut encore réfléchir plus profondément. Car il est dit que Jésus est sur le chemin ; il marche résolument comme l’a déjà dit St Luc - “Il avait durci son visage vers Jérusalem“, cette ville que “Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom“ et où il doit accomplir son geste d’amour absolu pour Dieu et les hommes par son mystère pascal.
Il marche en tête puisqu’il doit se retourner pour s’adresser à ceux qui l'accompagnent et qui sont présentés de façon emphatique comme formant "de grandes foules". C'est que pour l'évangéliste, il n'est plus question seulement des apôtres de tous les temps qui répondent à un appel particulier, mais de tous les hommes et de toutes les femmes qui, au cours des siècles, attirés par le Christ, se sont mis à marcher à sa suite ; il s’agit de nous-mêmes, par conséquent. Regardant ces foules, nous regardant, il semble nous poser cette question : "Parmi ces volontaires, combien de velléitaires ? Combien me suivront jusqu'au bout ? Combien, devant les difficultés de la route, seront capables de faire face avec moi ?"
Ce matin, Jésus s’adresse à nous tous ; et il s’agit sans doute de comprendre que “préférer le Christ“ à nos proches nous amène non pas à les aimer moins et à les délaisser, mais à les aimer mieux. En effet, nous sommes tous pécheurs et le péché nous met dans l'incapacité d'aimer comme il faut, d’aimer comme Jésus aime - “aimez-vous comme je vous ai aimés !“ -. Car si le péché nous sépare de Dieu, il nous sépare aussi de nos frères. Nous ne savons pas aimer comme il faut, parce que notre égoïsme, notre amour propre, nos intérêts dénaturent nos amours humaines. Trop souvent, sous prétexte d'aimer les autres, c'est nous-mêmes que nous aimons.
Le Christ n'entend pas supprimer nos sentiments d’affection légitime. Il veut les purifier, les transformer, les sanctifier. Lui-même n'a pas exclu de son affection sa mère, sa parenté. Mais il a intégré ses affections dans le mouvement global d'amour qui le portait vers le Père. Un fleuve, pour aller vers la mer, n'exclut pas ses affluents ; au contraire, il s'en augmente ! A condition que tout le fond de notre cœur soit tendu vers Dieu comme le fleuve vers la mer, nos affections humaines s’en trouvent plus profondes et plus vraies.
La question est donc de savoir si les affections que nous donnons ne se perdent pas dans le périssable ou si celles que nous recevons n'abîment pas notre cœur. "Préférer le Christ", cela revient alors à dire qu'on choisit d'accueillir dans son cœur ce que le Christ accueille dans le sien. Dès lors, il faut "porter sa croix et marcher à la suite du Christ", c-à-d. accepter de vivre le mystère de mort et de résurrection du Christ, en s'arrachant à sa mauvaise manière d'aimer pour apprendre du Seigneur, par une transformation de soi-même, à aimer comme le Christ aime !
Et si les applications sont nombreuses, on peut dire que l'amour humain le plus fort est sans doute celui qui unit des époux. Et le Sacrement de mariage doit établir entre les époux un centre d'échange, le Christ lui-même, à partir duquel part la qualité de leurs échanges d'amour ; et ces échanges doivent leur permettre de mieux réaliser ce qu'est l'amour du Christ qu’ils doivent transmettre l’un à l’autre et réciproquement. Pour eux aussi, il y a une manière de vivre leur amour en "préférant" le Christ. Leur amour conjugal est appelé ainsi à devenir de plus en plus charité, grâce à l'amour du Christ en eux.

Et nous avons, dans la lettre de Paul à Philémon (2e lect.), un bel exemple de cette transformation dans nos relations, quand on préfère l’amour de Dieu, l’amour du Christ. Onésime, un esclave de Philémon, s'est enfui (Selon la loi romaine, il est passible de mort !). Il a rencontré Paul qui l'a initié à la foi. Paul l’a baptisé et le considère désormais comme son frère. Il écrit en ce sens à Philémon. Il lui demande de pardonner à Onésime et même de le libérer au nom d'une nouvelle relation qui doit désormais s'instaurer entre eux à cause de leur amour commun du Christ. Et avec un certain humour, Paul dit à Philémon : si Onésime (prénon qui signifie “utile“)… si cet “Utile“ t’a été utile jadis en tant qu’esclave, il est désormais beaucoup plus utile à toi comme à moi, à cause de l’amour du Christ en nous. Peut-être que cet esclave n’a été séparé de toi que pour t’être plus utile pour l’éternité…

Je conclue : l’amour humain, l’amitié sont de merveilleuses réalités ; mais, pour nous chrétiens, elles doivent laisser transparaître l'amour de Dieu, être le reflet aussi bien de l’Amour qui unit le Père au Fils que de celui qui a uni Jésus à Marie. Malheureusement, ces réalités (nos amours humaines) peuvent être aussi l’occasion d’enfermement sur une satisfaction très égoïste, voire exclusion ou ignorance de nos autres frères en humanité. A tous ses disciples - à vous et moi aujourd'hui - Jésus dit : ne vous satisfaites pas de la facilité des sentiments naturels. Poussez toujours plus loin l'amour dont l'Esprit de Dieu vous rend capables. Comme moi qui suis sorti du Père et qui ai su faire le choix de l'amour des hommes au détriment d'une vie familiale paisible, apprenez à aimer comme j’ai aimé.
Au fond, l'évangile d'aujourd'hui nous invite à faire cette prière : «Seigneur, unifie mon cœur, de sorte que nous mettions en ton cœur tous ceux que nous aimons. Ainsi, nos affections ne seront pas diminuées ou rabaissées par notre amour propre, mais grandies à la dimension de ton amour divin.»

samedi 4 septembre 2010

La vie est un combat

T.O. 22 - Samedi - la vie est un combat - (I Co. 4.9sv – Luc 6.1sv)

Sur un fond de grande ironie que Paul emploie pour confondre certains Corinthiens qui, par orgueil, s’opposent à lui, s’opposent à ses disciples et veulent eux-mêmes conduire la jeune Communauté chrétienne (c’est toujours d’actualité, me semble-t-il), l’apôtre, finalement, souligne l’essentiel de notre condition de croyant, de chrétien.
Notre attachement au Christ, semble-t-il dire, notre foi conduit immanquablement à un affrontement, à une lutte qui est folie aux yeux des hommes et qui pourtant est sagesse dans le Christ, sagesse de Dieu.
Oui, toute vie chrétienne authentique est un affrontement, une lutte et contre Dieu et contre les hommes.
C’était déjà toute la spiritualité de l’Ancien Testament (n’oublions pas que Paul était “pharisien, fils de pharisien“ : il connaît bien toute la pédagogie de Dieu à travers l’histoire de son peuple). Une spiritualité d’affrontement qui se résume en ce prénom que Dieu donne à Jacob, l’un des “Pères“ du peuple juif, après sa lutte avec le personnage mystérieux au gué du Yabboq (cf. Gen 32) : “On ne t’appellera plus Jacob (mot qui veut dire : “Le Tortueux“, car il est vrai qu’il avait été maître en “coups tordus“, celui-là !), mais “Israël“, car tu as été fort et contre Dieu et contre les hommes ; et tu l’as emporté !“. Aussi Jacob nommera le lieu : “Penouël“ [“Penou“(face) ; “El“ (Dieu) ] , car, dit-il, “j’ai vu la face de Dieu“.
Pour voir la face de Dieu, pour voir Dieu, il y a obligatoirement un combat que St Paul décrit par ailleurs, de diverses façons, en prenant cette image, par exemple : Si l’homme extérieur en nous va vers sa ruine par divers échecs (et nous l’expérimentons tous les jours), l’homme intérieur en nous se renouvelle pour parvenir à voir Dieu, à voir la face de Dieu. C’est un combat en nous-mêmes !
Et ce premier combat en nous (comme Jacob avec son mystérieux personnage) conduit obligatoirement à un second combat : Jacob, après sa lutte nocturne devra affronter son frère Esaü dont il redoute (légitimement !) la rancune. Et il l’emportera non plus avec l’habileté malicieuse qui lui était naturelle (l’habileté de certains Corinthiens, orgueilleux - et nous sommes parfois des malicieux !), mais par un surcroît de bienveillance, d’amour : “J’ai affronté ta présence, dira Jacob à son frère Esaü, comme on affronte celle de Dieu ; et tu mas bien reçu !“. Autrement dit, il a été fort dans l’amour ; et il l’a emporté ! Notre Seigneur dira : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu ; tu aimeras ton prochain !“
C’est le combat dans l’Amour, cet amour qui est folie aux yeux des hommes et qui, pourtant, est la force même de Dieu en nous. Aussi, Paul pourra dire : “J’ai combattu le beau combat“ (II Tm 4.12), “le beau combat de la foi“ (I Tm 6.12).
Oui, notre religion n’est pas une “religion d’évasion“. C’est une religion d’affrontement. Dieu nous attend toujours dans des situations, circonstances parfois impossibles, face à Dieu lui-même ou face à nos frères ! Mais si nous allons chercher la force là où elle se trouve - en Dieu -, tout est possible. Il ne faut surtout pas nous berner d’illusions (trop humaines : “sagesse humaine qui est folie devant Dieu“ !) ; il faut savoir que le disciple n’est pas plus grand que le Maître. On sait par avance que l’Eglise rejoint toujours le Christ en passant par où il est passé :
- Si la vie de Jésus fut un combat entre la Lumière et les ténèbres (comme au premier matin de la Création), combat qu’il a mené jusqu’au paroxysme de la croix,
- si la Résurrection vient sur le fond d’un Vendredi Saint …
........* qui a vu les ténèbres recouvrir toute la terre,
........* qui permettait de penser qu’il n’y avait plus rien à attendre
..............° ni apparemment de Dieu qui “a laissé faire“…
..............° ni des hommes qui ont “laissé faire“,
nous sommes cependant certains de la VICTOIRE (“Notre Dieu est un “Dieu de délivrance“, disent les psaumes qui décrivent si bien ce combat qui est nôtre !).

Oui, l’Eglise sait qu’elle rejoint son époux en passant par où il est passé. Aussi sommes-nous appelés à une vertu fondamentale : non pas la résignation, mais la patience qui nous aide à “tenir le coup“ en sachant que notre Dieu est un Dieu de délivrance et qu’il sortira de son silence comme le Christ est sorti de son tombeau au radieux matin de Pâques. Cette vertu, dans l’Apocalypse, c’est l’“upomonè“, la faculté de “tenir le coup“, de “tenir bon face aux manœuvres du diable“ (Eph. 6.11), comme Paul face aux manœuvres de certains Corinthiens.
“J’ai tenu bon !“, affirmera St Paul. Et il nous dit aujourd’hui : “Il faut que par la foi vous teniez solides et fermes (Col 1.18) pour mener le “beau combat de la foi“ avec Dieu lui-même et avec vos frères.

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mercredi 1 septembre 2010

NotreDame du Chêne 1er Sep

1er Sept. 10 - N-D. du Chêne

On imagine volontiers Marie allant de Dieu aux hommes dans un mouvement de va-et-vient incessant, comme une distributrice des grâces divines. Ce n’est pas faux. Ce n'est certes pas une erreur de l'imaginer penchée vers nous, les bras largement ouverts, les mains ruisselantes des grâces divines. C'est ainsi que Ste Catherine Labouré vit Notre Dame lorsqu'elle reçut d'Elle, rue du Bac à Paris, le modèle de la "médaille miraculeuse". Car Marie distribue bien aux hommes les grâces divines. Bien sûr, Dieu aurait pu se passer d'Elle, comme il aurait pu ne pas créer l'univers. Mais il a voulu venir à nous, dans le monde, par Elle. Et il ne cesse de vouloir venir à nous, à chacun d'entre nous, par Elle. Si Dieu s'est fait homme par Marie, il ne cesse de vouloir habiter le cœur de l'homme par Marie, par celle qu'il s'est choisie comme instrument créé pour venir "habiter parmi les hommes" et réaliser son œuvre de Rédemption. En quelque sorte, Marie est en exercice de maternité constante. "Par l'Esprit-Saint, le Christ a pris chair de la Vierge Marie" et ne cesse dès lors de naître dans le cœur des hommes, par Marie.

Mais sa médiation est encore plus belle ! Au ciel, toujours sous l’action d’amour de l’Esprit- Saint - “L’esprit Saint viendra sur toi“ (Lc 1.35) - Marie est entièrement tourné et vers le Père et vers le Fils. Marie est entièrement tournée et reste tournée vers Dieu. Et c'est en Lui - uniquement - qu'elle nous voit, en Lui qu'elle nous aime. Marie va aux hommes en Dieu sans un seul instant détourner de Lui son regard. Elle est, pour employer une image, le firmament qui se laisse envahir par le soleil pour la plus grande joie de la terre. - En Dieu, elle nous voit avec toutes nos misères et nous aime d'un amour qu'elle reçoit de Lui, d'un amour divin qui est la source permanente de notre vie. Connaissance beaucoup plus pénétrante que toutes les autres qui se laissent si facilement tromper par les apparences.

Ainsi, lorsque nous disons : "Le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes", elle regarde, elle contemple Dieu qui l'inonde éternellement de ses bénédictions. Et au fur et à mesure que montent vers elle nos pauvres "Je vous salue Marie", si péniblement égrenés, Marie les métamorphose en hymnes à Dieu, en doxologies trinitaires. Immanquablement, une magie s'opère : nous disons : "Marie" ; et elle, elle dit : "Dieu". Et Dieu veut bien entendre alors comme venant de nous ce qu'elle dit à notre place.
Marie est sans cesse tournée vers Dieu pour qu'à travers elle Dieu nous entende, nous protège et nous exauce. - Jésus nous a dit en parlant des anges qui veillent sur nous ("anges-gardiens") qu'"ils voient sans cesse la face du Père qui est dans les cieux" ! Si les anges à qui Dieu confie le cheminement des hommes sur terre gardent leur regard fixé sur Dieu, que dire alors de Marie ? Elle voit Dieu, Elle se nourrit de Dieu, Elle est toute ruisselante de Dieu. Et elle nous porte dans ce "face à face" éternel pour que, dès ici-bas, chacune de nos âmes en soit imprégnée, comme une mère sait transmettre à son enfant tout ce qu'elle a.
Au ciel, elle ne cesse de répéter son "fiat", son "Amen". Et dans son "Amen" résonnent tous nos "amen" qui de la terre montent vers Dieu et qu'elle ne cesse de présenter dans le sien. - Quel réconfort que d'être dans la certitude de trouver grâce auprès de Dieu par l'intermédiaire de Celle dont il est dit : "Tu as trouvé grâce auprès de Dieu". Ainsi avec Marie, par elle, en elle nous pénétrons, d'une manière certaine, dans le mystère de notre configuration au Christ : dépendants de sa Mère, abandonnés à elle, nous devenons comme Lui. Soyons donc totalement à Marie, car Marie, elle, est au Christ, à Dieu.
Voilà pourquoi cesser d'adhérer à Marie, c'est cesser de vivre spirituellement. Il est dit des Rois Mages : "Ils trouvèrent l'Enfant avec Marie sa Mère". On ne trouve pas Jésus sinon dans les bras de Marie. Sans elle, nous ne pouvons ni le connaître ni l'aimer. Aussi nous est-il dit comme à Joseph : "Ne crains pas de prendre chez toi Marie". Ces mots lui ont été dits pour éclairer son angoisse et la dissiper. A l'heure de nos malheurs, de nos troubles, accueillons ce conseil, ce secret de vie, car s'ouvrir à Marie, c'est s'ouvrir à son Fils ; s'unir à elle, c'est s'unir à Lui. Il nous est donc répété avec douceur à chacun d'entre nous : "Ne crains pas de prendre chez toi Marie".