lundi 29 novembre 2010

Voeux !

Avent 1 Lundi - Vœux…

Nous sommes au 2ème jour du temps de l’Avent !
Nous sommes au 2ème jour d’une nouvelle année liturgique !

S’il m’était donné - désir invraisemblable - de choisir un jour qui scande nos années temporels d’ici-bas jusqu’au jour intemporel du Royaume de Dieu, “Jour du Seigneur“, je ne choisirai certes pas le 1er janvier, jour si insi-gnifiant… ! Peut-être choisirais-je le jour de mon baptême, ce jour où il me fut dit comme à Abraham : “Pars… !“ “Pars vers le pays que je te montrerai“, ou plus littéralement : “Pars pour toi !“ (“Lèke leka“). Pars pour ton bonheur si tu réponds librement aux indications que je te donnerai pour trouver le chemin vers le pays que je te ferai voir…“. - “Pars, va-t-en pour toi“. Dieu n’est pas “captatif“ ; il ne dit pas : “Viens ici que je te prenne pour t’accapa-rer !“ - Non ! Il dit : “Pars pour toi !… (“Lèke leka“). Va ton chemin, épanouis tout ce que j’ai mis en toi quand je t’ai créé à mon “image et ressemblance“ !

Jour de mon départ ! Mais jour trop personnel cependant ! Aussi, à défaut du jour de mon baptême, je choisirai - pour être davantage en communion avec tous mes frères qui cheminent vers le pays que Dieu fera voir -, je choisirais le premier jour de l’Avent, ce temps liturgique qui marque si fortement que Dieu est venu ; il est venu en Jésus Christ pour nous indiquer plus précisément le chemin du véritable bonheur - nous sommes si myopes spirituellement !-. Et parce qu’il est venu, il ne cesse de venir, il vient en ce moment même si nous l’accueillons. Et parce qu’il est venu, parce qu’il vient, il viendra ! Il viendra tous nous rassembler en sa gloire de Ressuscité !

C’est d’ailleurs en cela que consiste toute la spiritualité juive et chrétienne tout à la fois, spiritualité inscrite dans le tétragramme du “Nom divin“ révélé à Moïse. Ce “Nom“ est imprononçable, tant littéralement que par respect pour la grandeur de Dieu. En terre chrétienne, on l’a cependant transcrit - très improprement et incorrectement ; et c’est dommage ! - par le mot “Yahvé“ ! Le NOM vient probablement de la racine du verbe “être“ que l’on peut alors conjuguer à tous les temps : “Je suis“ ! Je suis avec toi, dit Dieu à Moïse, comme j’ai été avec toi, lors de la sortie d’Egypte. Et parce que j’ai été - et ce passé libérateur est indéniable -, je peux affirmer que je suis toujours avec toi. Et parce que j’ai été, que je suis, je serai toujours avec toi !

Aussi, en ce deuxième jour du temps de l’Avent - et c’est là où je voulais en venir -, je me permets de présenter à tous et à chacun, tous mes vœux de bonheur, de ce bonheur que Dieu nous réserve sur le chemin où il ne cesse d’être présent, de se “laisser voir“ afin de pouvoir parvenir au “pays de la vision“, afin de “voir“ un jour “Celui qui nous voit sans cesse“ ! (Toujours ce jeu de mots fréquent en hébreu sur le mot “voir“).

Ainsi, en ce deuxième jour de l’Avent, je souhaite à tous et chacun une “sainte Année“ : “Que le Béni vous bénisse !“ (souhait juif par excellence) - ; Que le Seigneur soit avec vous, en toutes circonstances ! “Que le Seigneur soit avec vous !“ - “DOMINUS VOBISCUM !“.

Et je dirais en pensant à tous ceux que je peux, que vous pouvez connaître :
- “Que Dieu soit avec toi en tout ce que tu fais !“ (Gen. 21.28)
- Avec les jeunes, je penserais au petit Samuel : “Samuel grandit. Le Seigneur était avec lui !“ ( I Sam. 3.19).
- Avec l’émigré, je penserais à Ismaël obligé de fuir avec sa mère: “Dieu fut avec lui ; il grandit et demeura avec lui au désert !“. (Gen. 21.20).
- Au contraire, ceux qui s’installent dans une maison comme Abraham , qu’ils entendent: “Ne crains rien, car je suis avec toi !“ (Gen 26.24). Alors “Le Seigneur entra et resta avec eux“ (Lc 24.29).
- A ceux qui partent pour une mission, le Seigneur dit comme à Moïse : “Je serai avec toi !“ (Ex 3.12). Comme il le répétera à tous les prophètes comme Jérémie (Jer. 1.8,19 ; 1520).
- Et à tous ceux qui restent dans la maison du Seigneur, il est dit : “Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi !“ (Lc 15.31).
- Et à tous ceux qui doivent prendre la parole ou chanter les louanges de Dieu : “Qui a doté l’homme d’une bouche ? … Je serai avec ta bouche ; et je t’indiquerai ce que tu dois dire“ (ou chanter) (Ex 4.11 sv)
- Et si vous voulez prier, pensez à Moïse : “Dieu descendit dans la nuée et il se tint là avec Moïse“ (Ex 34.5).
- Que vous soyez obligés de “batailler la vie“, il vous sera dit : “C’est Dieu qui marche avec toi ; c’est lui qui sera avec toi ; il ne délaissera pas“ (Dt 31.8). Et même si vous doutez de son aide comme Gédéon, vous serez salués comme lui avec encouragement : “Le Seigneur avec toi ! Vaillant guerrier !“ (Jg 6.9).
- Et à celui qui arrive au terme de son pèlerinage, que le Seigneur lui dise : “Aujourd’hui même, tu seras avec moi au paradis !“ (Lc 23.43).

Bref, puissiez-vous, en toutes circonstances, dire et chanter tout au long de l’année qui commence : “Je ne crains aucun mal, car, Seigneur, tu es avec moi“ (Ps 23.4).
Et moi je me permets de vous redire avec St Paul : “Que le Dieu d’amour et de paix soit avec vous !“ (2 Co. 13.11). “DOMINUS VOBISCUM !“.

samedi 27 novembre 2010

Jérusalem céleste

Samedi - 34 T.O. - Jérusalem céleste Apoc. 22.1-7

Nous arrivons à la fin de la lecture liturgique de l’Apocalypse, ce livre qui est un peu énigmatique pour nous.
Cependant vous reconnaîtrez facilement dans ce fleuve qui sort du trône divin et de l’arbre de Vie une réplique, une rénovation du jardin perdu décrit au livre de la Genèse. La guérison des païens, c’est-à-dire leur conversion est annoncée. Ainsi, le péché d’Adam est aboli et la mort due à sa faute a disparu. On peut voir encore dans le “fleuve de Vie“ (le thème de l’eau est riche en St Jean), l’eau qui sort du côté droit du Christ en croix. Comme l’eau sortie du côté droit du temple, selon Ezéchiel (ch.47) allait purifier la mer morte et redonner vie au désert lui-même, aux “ossements desséchés“, ainsi le “fleuve de Vie“ est capable de ressusciter les morts… C’est l’œuvre de l’Esprit Saint ; c’est Lui “l’eau vive“ !

Et cette vie à nouveau accordée permettra de “voir Dieu“ de “voir Celui qui nous voit sans cesse“, Lui qui n’a jamais quitté l’homme de son regard aimant. “Voir Dieu !“. C’est le but de notre pèlerinage terrestre. Tout au long de notre marche ici-bas, déjà nous percevons Dieu mais imparfaitement, comme à travers un miroir, dira St Paul (I Co. 13.12). Mais cette connaissance même imparfaite est déjà transfor-mante. Celle qui nous arrive par l’oreille, si on met en pratique ce que l’on a compris de la Parole de Dieu, nous rajeunit déjà à l’image de l’éternelle jeunesse de Dieu. Et quand cette connaissance imparfaite que l’on reçoit par les oreilles fera place à la connaissance parfaite - celle de la vision devenue possible depuis que le Verbe s’est fait chair -, alors le pouvoir de cette connaissance s’exercera au maximum ; et nous serons, comme disent les Pères de l’Eglise, “divinisés“ : “nous serons semblables à Lui, puisque nous le verrons tel qu’il est“ (I Jn 3.2).

Et je me permettrai de terminer avec quelque humour en vous proposant de relire avec moi cette finale de l’Apocalypse. Ainsi, à la question que l’on pose souvent : “Comment allez-vous ?“, vous répondrez avec moi : “Je vais - nous allons“, sans autre précision. Car nous ne sommes ici-bas que des vagabonds, des gens du voyage. Je pense d’ailleurs que tous les horizons ici-bas sont provisoires et que la terre elle-même n’est ronde que pour être ouverte partout à l’immensité de l’univers, à l’immensité de Dieu !
Oui, “nous allons… !“ ; et continuons à façonner déjà notre vrai “visage d’éternité“ qui recueillera, par la “vision“, nous l’espérons, la lumière de la vraie vie ! Oui vagabonds vers un avenir que Dieu offre, nous recevrons alors, d’une caresse de sa main aimante, jeunesse éternelle et inépuisable.

Pour cela, il nous faut suivre Jésus, même en traînant les pieds parfois. Vous le savez : c’est lui le prince des vagabonds. Car finalement, lui-même n’avait pas d’identité identifiable avec les mots et les cases de ce monde. Certes, les soldats qui l’ont arrêté un certain Jeudi soir devaient bien savoir à peu près quel était son gabarit et s’il pesait lourd quand on le tabassait. Mais son regard était insoutenable… Et le dimanche matin, impossible de le retenir. Et lui aussi disait : “Je vais… Je vais chez mon Père et votre Père !“. Et depuis lors, il ne cesse de disperser sa véritable identité sur le visage des affamés, des persécutés, des prisonniers, des malades… pour les siècles des siècles. Vaste famille de Celui qui est “Notre Père“, non pas en engendrant, mais en libérant. Car, disent les psaumes, notre Dieu est un “Dieu de délivrance“ !

Oui, je vais…, nous allons. Et je me dis avec espérance amusante : dans quelques années - elles passent si vite ici-bas -, si vous voulez encore me poser la question : “comment allez-vous ?“, je pourrai répondre, je l’espère bien, qu’on pourra trouver ma carte d’identité et mon bulletin de route au bureau des objets perdus dans la Jérusalem céleste. Casier : “vieux pèlerins“. Mais là, il n’y aura plus d’électricité, ni même de soleil, car Dieu sera toute Lumière… Les murailles elles-mêmes, nous prédit St Jean, serons de pierres précieuses… Je serai, vous serez fascinés. Et personne n’aura envie d’aller contrôler les papiers du “monde ancien“.

Aussi, donnons-nous rendez-vous chez la fiancée de Dieu, l’Eglise, pour les noces éternelles ! “Quelle joie quand on me dit : « Allons à la maison du Seigneur ! »“ (Ps 122.1)

vendredi 26 novembre 2010

Le Jugement

Vendredi - 34 T.O. - Le Jugement ! Apoc. 20

Il serait vain et présomptueux de vouloir éclairer la lecture d’aujourd’hui, si dense et imprégnée d’images diverses de l’A. T., et ce d’autant que la proclamation liturgique ne retient légitimement que quelques versets du chapitre 20ème.

Retenons l’essentiel. Le “Dragon“, celui que Jean a qualifié de “séducteur du monde “, de “Serpent“, “Diable“, bref de “Satan“ est précipité dans l’abîme, lieu des puissances démoniaques. Il est vaincu par l’“Agneau immolé“ toujours “debout“, par le mystère pascal de mort et de Vie du Christ, ce mystère qu’ont vécu nombre de martyrs dont le sang répandu étouffent leurs meurtriers eux-mêmes. - Et, désormais, avec le Christ en gloire, ces victimes siègent sur des trônes pour juger ! “Quand le Fils de l’homme siègera sur son trône de gloire, disait Jésus, vous siègerez vous aussi pour juger...“ (Mth 19.28). Et St Paul de renchérir : “Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde ?“ (I Co 6.2). Quelle responsabilité !!! Certes, ce jugement se fera d’après “les livres“ et surtout d’après “un autre livre : le Livre de Vie“ !

Quel sera donc ce jugement ? Il faut l’affirmer, le réaffirmer - tout le N. T. le répète - : Le Christ a versé son sang pour sauver tous les hommes, “pour la multitude“ ! Le salut ne dépend pas d’abord de nos œuvres. Le salut est un don gratuit de Dieu qui offre son Alliance avec l’homme. Ce n’est pas notre fidélité qui est première. C’est l’appel gratuit de Dieu. Il ne faut pas à mettre en parallèle deux situations possibles, le ciel et l’enfer, selon ce que nos actions auraient mérité. Non ! Ce serait du semi-pélagianisme tant combattu par St Augustin.
Si nous entrons au ciel, ce n’est pas parce que nous l’avons “gagné“ (“gagner son ciel !“ Quelle présomption !) ; Le ciel est d’abord le don de Dieu que nous accueillons ! Si nous allons en enfer, c’est parce que nous avons refusé ce don. Et cela, Dieu n’y peut rien. C’est nous-mêmes qui nous effaçons alors du “Livre de Vie“ par le choix de notre liberté ! Et en ce sens, le ciel, l’enfer, c’est en ce moment-même !

Nous sommes tentés de dire : Dieu est si miséricordieux qu’il nous accueillera quoi que nous fassions. Cela n’est pas vrai non plus, parce que précisément, Dieu nous aime ; et son amour ne veut pas nous imposer un bonheur non librement accepté. Notre dignité, c’est notre liberté. Et l’invocation de notre faiblesse ne change rien… !
Dans la Bible, la cause d’une condamnation, c’est l’“incirconcision“ de l’oreille qui rend “la nuque raide“, c’est l’attitude de l’homme qui se ferme librement à l’amour de Dieu, attitude à laquelle Dieu ne peut rien. La damnation n’est pas une vengeance de Dieu pour le mal accompli, n’est pas une sorte de justice distributive qui rétribue chacun selon le poids de ses œuvres. La damnation, c’est avant tout l’envers de l’Amour de Dieu qui est impuissant en face de la liberté humaine qu’il nous a donnée et qu’il ne peut que respecter.

Pour aider à entrer dans cette perspective, je prenais, naguère, une comparaison devant les enfants. Oh ! certes, vous n’êtes plus des enfants… Loin de moi de penser cela ! Mais comme nous sommes tous des “enfants de Dieu“, je me permets de reprendre cette comparaison. Il s’agit d’ailleurs du P. Maximilien Kolbe. Vous connaissez son histoire ; je ne vais pas la répéter comme je le faisais aux enfants. Mais connaissez-vous ce détail. Le Père avait remplacé un des dix condamnés à mourir peu à peu dans le blockhaus de la faim. Et le commandant du camp, - un sadique pervers à n’en pas douter -, venait voir comment ces malheureux se comportaient, privés qu’ils étaient de nourriture et de boisson. Et lorsqu’il rencontrait le regard du P. Kolbe qui était toujours un regard de bonté, rempli de l’amour de Dieu pour tout homme, il lui ordonnait de détourner son regard ; il ne pouvait le supporter. Et bien, je pense que la damnation c’est un peu ce regard d’amour de Dieu que l’on ne pourra pas supporter.

Notre lecture se termine sur cette grandiose image céleste : “J’ai vu descendre du ciel la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, toute prête, comme une fiancée parée pour son époux“. Avec les prophètes Osée (ch. 2), Ezéchiel (16), Isaïe (54)… avec tout le Cantique des Cantiques, reprenons l’image : nous sommes cette jeune fille que Dieu a vue dans sa nudité et qu’il a couvert de son manteau. Et quand cette jeune fille atteint l’âge où elle peut attirer les regards, Dieu lui a fait l’offre de son amour… Toute l’humanité et chacun de nous n’est que la croissance d’un pauvre “avorton“, dirait St Paul, qui n’est pas encore arrivé à l’âge d’un véritable amour…, l’Amour divin. Mais quand nous y arriverons, Dieu nous épousera… éternellement.

jeudi 25 novembre 2010

Babel ! Babylone ! ...

Jeudi - 34 T.O. - Babylone ! Apoc. 18.1….-19.


Notre vie est un combat ! L’Apocalypse ne fait que le souligner à chaque page. Il y a constamment cette lutte entre le Bien le Mal, entre la “Bête“ et l’Agneau immolé mais toujours debout.

Et pour illustrer notre lecture d’aujourd’hui, je vous conseillerai de parcourir toute la Bible. Et vous verrez cette lutte pour la vie illustrée par l’opposition entre deux cités, entre la Ville vers laquelle Dieu nous oriente dont lui seul est “l’architecte et le fondateur“ (Heb 10.11) et ces contre-façons éphémères que sont Babel, Ninive, Sodome, Babylone… etc, ces orgueilleuses constructions que l’humanité ne cesse d’élaborer et qui provoquent des retours au chaos !

Cette guerre permanente que fait la Babylone terrestre à la Cité céleste répond en partie à cette question lancinante que se pose l’homme : “Comment le monde de la beauté, de l’harmonie qui reflète l’harmonie de Dieu lui-même, comment ce monde créé en sept jours en en dix paroles a-t-il pu devenir non pas un monde lumineux, d’action de grâce, mais un monde de pollutions diverses, ce monde en lequel nous vivons, ce monde dont il nous faut sortir ! “Vous êtes de ce monde, disait Jésus ; mois je ne suis pas de ce monde !“ (Jn 8.23).

Aussi, l’ange qui annonce la chute de Babylone s’écrie (un passage non transcris dans le texte liturgique, mais peu importe) : “Sortez de cette cité, ô mon peuple, de peur de participer à ses péchés et de partager les fléaux qui lui sont destinés !“. Cette même invitation était déjà adressée
à Noé avant le déluge,
à Lot devant Sodome,
aux Hébreux en Egypte… … etc.
Les chrétiens sont dans le monde mais non de ce monde ! Il faut savoir que, parfois, l’iniquité est telle qu’elle entraîne sa propre destruction ! Il faut alors fuir pour éviter la contamination du péché et partager la destruction qui s’ensuit.

Oui, il y a deux cités qui se font la guerre ! Vous connaissez au moins le titre de l’ouvrage de St Augustin, “Les deux cités“ : deux amours ont fait deux cités.
Il y a l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi qui bâtit la Cité de Dieu ;
et il y a l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu qui bâtit Babel !

Et il faut ajouter que la frontière de ces deux cités passe souvent au milieu de notre propre cœur !!! L’Apocalypse et toute la Bible offrent les cartes que nous avons sans cesse à consulter tout au long de notre existence pour trouver la route, pour passer de Babel, de la Jérusalem d’ici bas qui est aussi l’Egypte, “là même où le Seigneur a été crucifié“ (Apoc. 11.8) à la Jérusalem céleste, à la Cité de Dieu !
“Toute la doctrine de l’Evangile, disait Bossuet dans son grand style, toute la discipline chrétienne, toute la perfection monastique est entièrement renfermée dans cette seule parole : “Egredere ! Sors“. La vie du chrétien est un long et infini voyage durant le cours duquel, quelque plaisir qui nous flatte, quelque compagnie qui nous divertisse, quelque ennui qui nous prenne, quelque fatigue qui nous accable, aussitôt que nous commençons à nous reposer, une voix s’élève d’en haut qui nous dit sans cesse et sans relâche : “Egredere ! Sors“, et nous ordonne de marcher plus outre !“ (Panégyrique St Benoît).

Marchons vers la Cité de Dieu ! Car nous savons que l’orgueil de Babylone-Egypte-Rome…, à cause de son orgueil (“Je trône en reine…“, disait-elle 18.7) sera, est déjà châtiée. Ce châtiment est présenté comme l’action de Dieu lui-même. Mais d’après le contexte, il résulte surtout du fait que Dieu abandonne les hommes à leur orgueil, leur égoïsme, leurs passions… La colère de Dieu n’est rien d’autre que de laisser jouer les forces destructrices dont son amour aurait voulu nous sauver.

Alors éclate déjà au ciel le triple “Alleluia“. Ce chant de louange et le seul endroit dans tout le Nouveau Testament où l’acclamation “Alleluia !“ est employée. Et sachons que nous sommes tous des invités en cette Cité céleste : “Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau !“.

mercredi 24 novembre 2010

Louange !

Mercredi - 34 T.O. - Louange au Dieu des victoires !
Apoc. 14. 14-19

Ce passage “fait mémoire“ de l’événement « pascal » que fut déjà la délivrance d’Egypte pour les Hébreux et leur passage à travers la mer rouge.

Après les calamités accomplis par les sept anges (7 : chiffre parfait, chiffre de la création !) qui rappellent les “plaies“ infligées par Moïse à l’Egypte, c’est le passage victorieux à travers la “mer de cristal“ (comme le passage à travers la mer rouge).
Les adorateurs de la “Bête“ vont connaître les tourments dans le feu éternel (14.10) comme les Egyptiens se noyèrent dans la mer.
Les martyrs qui ont traversé le feu de l’épreuve au prix de leur vie sont, finalement, les grands vainqueurs, comme Moïse et le peuple hébreu sauvés des eaux ! Et comme Moïse ils chantent la gloire de Dieu plus que leur délivrance. Ils chantent le cantique de Moïse et de l’Agneau immolé mais toujours debout !

Ils chantent la gloire de Dieu. Remarquons au passage que toute la spiritualité juive se concentre dans la “RECONNAISSANCE“, reconnaissance envers le Créateur, envers le “Dieu des victoires“. Le mot “Juif“ vient d’ailleurs du verbe qui veut dire “Louer“ !
Il faut savoir reconnaître les dons de Dieu - ne serait-ce que celui de la création -, reconnaître ses bienfaits tout au long des jours, reconnaître ses actions de salut et sans cesse rendre grâces, remercier, faire “eucharistie“. L’homme est un être “royal et sacerdotal“ tout à la fois : il prend possession de tout ce que Dieu lui donne et il en fait hommage à son divin Bienfaiteur. C’est ce que fit Moïse. C’est ce que font les martyrs qui deviennent vainqueurs de la “Bête“, c’est ce que nous devons faire jour après jour :
“Toute ma vie, je chanterai le Seigneur,
Le reste de mes jours je jouerai pour mon Dieu.
Que mon poème lui soit agréable !
Et que le Seigneur fasse ma joie !“ (Ps 104.33-35).

Oui, bénissons le Seigneur : “Par ta fidélité, Seigneur, chantait Moïse, tu guides ce peuple que tu as racheté ; tu le conduis par ta force vers ta sainte demeure“ (Ex. 15.13).

En un temps de grande épreuve, le livre de l’Apocalypse projette une lumière de foi sur la tragédie vécue par une Eglise persécutée. Dans un “langage-code“ pour échapper aux persécuteurs, ce livre campe les protagonistes d’un éternel combat : le Monde (mauvais) et l’Eglise ; c’est le combat de tous les temps entre l’Esprit du mal et le Dieu d’amour qui se poursuivra jusqu’au jour fixé !

C’est pourquoi l’Apocalypse est aujourd’hui encore une “lettre ouverte“ adressée aux martyrs de tous les temps. Et soyons solidaires, par notre fidélité, avec tous ceux qui sont amenés à sacrifier leur vie pour le “Nom du Seigneur“ : ils chantent déjà la gloire de Dieu ! Nous qui avons traversé les “eaux du baptême“, chantons avec eux…

mardi 23 novembre 2010

Combat !

Mardi - 34 T.O. - Combat ! Apoc. 14. 14-19

Avec le chapitre 14ème, commence la “finale“ de l’Apocalypse. Longuement, Jean a décrit par diverses images la lutte impitoyable qui se déroule au long de l’histoire entre la “Bête“ (Satan) et l’Agneau immolé mais debout qu’est le Christ, entre ceux qui l’accueillent et ceux qui le refusent.

C’est le “combat de Jacob“ qui se poursuit. Au lieu de son combat, Jacob devenu “Israël“ (= “Tu as été fort…“) donne le nom de “Penouel“ (= “face de Dieu“) ; Pour voir la face de Dieu, il y a obligatoirement un combat (1), ce même combat que le Christ a mené jusqu’à la croix, le combat dans l’amour de Dieu et des hommes ! (2)

Et l’Eglise sait qu’elle rejoint son Seigneur en passant par où il est passé ! Aussi, nous faut-il acquérir cette vertu que décrivent St Paul et l’Apocalypse : l’“upomonè“ : la constance-endurance, la faculté de “tenir le coup“ (3). Car viendra le temps de la vendange. C’est l’objet de notre lecture.

Précédemment (14.9sv), trois anges avaient annoncé le jugement divin avec l’écroulement de tous les totalitarismes, de toutes les idolâtries. C’est donc maintenant le temps de la vendange. Voici venir comme un “Fils d’homme“ (cf. Apoc. 1.13. Voir Daniel : 7.13-14), personnage mystérieux venant du ciel pour accomplir le dessein de Dieu.
La moisson, la vendange fait penser, bien sûr, à la fin du monde annoncée par Jésus lui-même : “La moisson, c’est la fin du monde“ (4). Ce passage de l’Apocalypse s’inspire du prophète Joël (ch. 4) qui juxtapose les images de la moisson et du pressoir pour exprimer le jugement de Dieu.

“Jette la faucille et moissonne ! Jette la faucille et vendange !“. Car voici qu’arrive le Royaume de Dieu en plénitude ! “Vendange, est-il demandé à ce Fils d’homme, la vigne de la terre !“. Dans la Bible, le peuple de Dieu est souvent comparé à une vigne (Ex. : Is. 5). Et Jésus a repris ce symbole pour se désigner comme “tête“ d’un nouveau peuple : “Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron“ (Jn 15.1).

Mais pourquoi cette expression : “Et il jeta la vendange dans la cuve de la colère de Dieu“ ? Et il est précisé après notre péricope : “On foula la cuve hors de la cité. Et de la cuve, il en sortit du sang qui monta jusqu’au mors des chevaux sur une étendue de 1600 coudées“.
L’image de la cuve provient du prophète Joël et surtout du prophète Isaïe (63.1-6) : “Qui est donc celui-ci qui vient d'Edom (5), avec du cramoisi sur ses habits… ? - Pourquoi y a-t-il du rouge à ton vêtement, pourquoi tes habits sont-ils comme ceux d'un fouleur au pressoir ? - La cuvée, je l'ai foulée seul ; personne n'était avec moi ; alors je les ai foulés, dans ma colère ; je le les ai talonnés, dans ma fureur ; leur jus a giclé sur mes habits et j'ai taché tous mes vêtements. Dans mon cœur, c'était jour de vengeance, année de rédemption …“. Ce texte sera encore utilisé par St Jean (19.13.15) pour signifier que c’est le Christ lui-même qui foule la cuve “hors de la cité“, ce qui rappelle le sang que le Christ a été répandu sur le pressoir de sa croix plantée au lieu dit “Le Golgotha“, hors des murs de Jérusalem (6).

Dans le cadre des réflexions de l’Apocalypse, le sang répandu est celui des martyrs ; “la vigne de la terre“ désigne ceux qui refusent d’adorer l’image de la Bête (du démon) au prix de leur vie (Cf.13.15), à l’exemple de leur Maître.
Le P. Feuillet a raison d’expliquer : “C’est par la vendange des martyrs que se prépare le vin de la colère divine ; et c’est en s’enivrant du sang des martyrs que les ennemis de Dieu et du Christ se condamnent eux-mêmes à boire la coupe de la colère divine“. …
Du sang, “il en sortit qui monta jusqu’au mors des chevaux sur une étendue de 1600 coudées“. Allusion, bien sûr, au passage de la mer rouge ! “Le bain de sang provoqué par la persécution est donc le moyen dont le Fils de l’homme se sert pour châtier les ennemis de Dieu, exactement comme lui-même a personnellement triomphé des puissances mauvaises par son sang répandu sur la croix“ (P. Feuillet). Mais c’est une colère d’amour qui va jusqu’au don de soi !

Dans ce “beau combat“, demandons tous cette vertu de l’endurance, la faculté de “tenir le coup“. Car vient le temps de la vendange pour le Royaume de Dieu !

(1) “le beau combat de la foi“ dira St Paul (I Tm 6.12 ; II Tm 4.12)

(2) On peut également lire tout le livre des psaumes à travers cette grille : La vie est un combat, une impitoyable guerre. Et pour ce combat, il y a deux ennemis : le “Révolté“ et l’“Innocent“. Chacun a son sentier de guerre : la route des ténèbres ou la route de la lumière.
Ces deux routes se partagent l’universalité du réel et elles coexistent dans le temps et dans l’espace où elles définissent la frontière de tous les combats. Et c’est sur cette ligne d’affrontement que s’inscrivent tous les déchirements de l’histoire. C’est toujours la guerre entre l’“Innocent“ et le “Révolté“ ! L’un refuse la voie de la lumière ; l’autre celle des ténèbres. L’un dit non à l’iniquité du monde ; l’autre à la pérennité de Dieu. Mais viendra le moment de la “plénitude des temps“ où Dieu enverra l’“Innocent“ par excellence, le Christ, Dieu et homme. Et ce sera, comme dit l’Apocalypse, le moment de la victoire, de “la vendange de Dieu“ !

(3) (Cf. Apoc 2.13 ; 3.11 ; et par contraste : 21.7-8)

(4) Mth 13.39. Cf. aussi la parabole de l’ivraie : Mth 13.36-43

(5) Le mot “Edom“ vient de la racine “rouge“

(6) A ce propos, il est intéressant de savoir qu’en hébreu le vin se dit parfois : “le sang de la grappe“. Il faut se rappeler ce détail quand on lit, par exemple, l’épisode des noces de Cana (de Jean également).

lundi 22 novembre 2010

Sainte Cécile

22 Novembre - Ste Cécile
Il faut franchement le reconnaître (malgré les travaux de M. de Rossi, ami de Dom Guéranger, des historiens modernes), nous ne savons pas grand-chose sur Ste Cécile, tant les légendes et la dévotion populaire ont brouillé les pistes de l’histoire !
Le culte de Ste Cécile s’est développé en deux endroits privilégiés qui auraient successivement abrité son corps : les catacombes de Calliste et la basilique du Transtevere.

1. Les catacombes. Après les travaux archéologiques des 19ème-20ème s., on peut conclure que la “crypte“ de Ste Cécile était en quelque sorte une partie des sépultures de la famille des “Caecilii“, grande famille romaine convertie au Christianisme. L’endroit qui devait abriter le corps de Ste Cécile était le plus important, le plus digne. C’est à peu près tout ce que l’on peut dire. La Sainte aurait vécu au 2ème-3ème siècle (contemporaine du pape Calliste… ?).

2. La basilique du Transtevere. Elle est l’une des “églises-titre“ attribuées désormais aux cardinaux. Le mot “Titre“ désigne dans l’antiquité chrétienne ce que nous appellerions “paroisse“. (1) - Le Transtevere était le quartier de la ville (très commerçant) situé sur la rive droite du Tibre. Les “Caecilli“, riches patriciens, y avait acquis, sans y demeurer, une propriété (2) ; ils - Cécile elle-même peut-être - en firent don à l’Eglise. Ce fut le “Titre Caecilia“.
Le culte des martyrs s’organisa à Rome à la fin du 3ème. Les auteurs ecclésiastiques (Damase, Ambroise, Prudence…) chantèrent leurs louanges. Mais on ne trouve nulle trace de “Sainte Cécile“. Ce n’est qu’au 5ème siècle que tout changea brusquement avec la parution d’une “Passion de Sainte Cécile“ qui jouit immédiatement d’une grande popularité.

3. “La Passion de Ste Cécile“
La jeune Cécile gardait toujours l’Evangile sur elle, conversant sans cesse avec le Christ. On lui avait donné comme fiancé Valérien. Le jour des noces, “pendant que jouait l’orgue, elle chantait dans son cœur pour le Seigneur seul : « Que mon cœur et mon corps restent immaculés pour que je ne sois pas confondue » (Ps 118.80). Durant la nuit, Cécile confie à Valérien son secret : un ange l’avait averti qu’il la gardait pour Dieu, corps et âme. Valérien vit cet ange et se convertit ! Bien plus, Cécile et Valérien convertirent le frère de celui-ci, Tiburce !
Dénoncés au préfet, Valérien et Tiburce furent emmenés au supplice. Mais ils trouvèrent le moyen de convertir leur bourreau. Finalement les trois hommes furent exécutés, ce qui provoqua la conversion de beaucoup. Cécile qui avait encouragé les trois martyrs fut à son tour arrêtée. Professant hardiment sa foi, elle fut emmenée dans sa “salle de bain“ pour être brûlée vive ; mais les flammes ne lui firent aucun mal. On envoya un soldat pour la décapiter. Celui-ci s’y reprit à trois fois sans y parvenir parfaitement. Perdant son sang, elle mourut en demandant de confier tous ses biens à l’Eglise.

Les critiques de ce récit sont sévères : c’est un récit imaginé qui emprunte des clichés hagiographiques courants (conversion, virginité, martyr…), afin de favoriser la dévotion, la fidélité, la foi… Et les historiens de conclure : Ste Cécile a fondé au 3ème siècle un “titre“ dans une maison lui appartenant, mais où elle n’habitait pas. Mourut-elle vierge ? Probable. Mourut-elle martyre ? Rien de certain. Si elle l’avait été, on l’aurait su au 3ème, 4ème siècles.
Ce qui et sûr, c’est qu’à partir du 5ème s., le culte de Ste Cécile, sous l’influence du récit de “La Passion“ ne fit que grandir. Au 6ème s. Cécile entre dans la liste des saints nommés durant la messe.
Par ailleurs, “la Passion“ disait que pendant ses noces, alors que l’orgue jouait, Cécile chantait dans son cœur une prière… (objet du 1er répons de Matines). Mais à la fin du Moyen-Age, on raccourcit ce répons pour en faire une antienne ; on supprima : “dans son cœur“. Alors on comprit que Cécile chantait en s’accompagnant elle-même sur l’orgue. C’est ainsi qu’elle devint “patronne des musiciens“ au 15ème s. seulement ! Ce patronage devait lui valoir une nouvelle popularité.

De tout cela que faut-il retenir ? L’essentiel. Fi de l’histoire qui, en bien des circonstances, ne peut être précise. La piété des fidèles, de l’Eglise, tout au long de son histoire, retient ce qui élève vers Dieu. La “Passion de Ste Cécile“ présente les vertus importantes, toujours d’actualité :
- la chasteté : être tout à Dieu, corps, esprit, âme. “Je voudrais vous voir..., disait St Paul…, ayant seulement souci des affaires du Seigneur“ (I Co 7.32). “Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, écrivait Ch. de Foucault, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour lui !“.
- le martyre : être martyr, c’est “témoigner“ jusqu’au prix de sa vie, s’il le faut. “Il y a des hommes, connus de Dieu seul, qui sont déjà pour lui des martyrs au témoignage de leur conscience, parce qu’ils sont prêts, si on le leur demande, à répandre leur sang pour le nom de Jésus Christ“ (Origène). - “Certains subissent le martyre une bonne fois par le glaive, disait encore Jean Tauler, d’autres connaissent le martyre qui les couronne de l’intérieur“. - Et puis, la vie monastique n’a-t-elle pas été comprise, après la période des grandes persécutions, comme le succédané du martyre ?
- Chanter ! Faire de toute sa vie un chant, une louange à Dieu. Personnellement, j’aime ce verset du psaume 118e : “Non je ne mourrai pas, je vivrai et je chanterai les merveilles du Seigneur !“

(1) L’emploi de ce mot “Titre“ témoigne d’une époque où l’Eglise - pas reconnue ou même persécutée - plaçait ses biens sous des noms de personnes privées qui détenaient légalement les “titres“ de propriété. Cette fiction juridique (qui ne trompait personne) amena l’usage de désigner les “titres“ sous le nom de leur propriétaire légal. Le pape Calliste joua un rôle important dans la fondation des premiers “titres“ (l’un d’eux portait son nom !). - L’usage encore actuel de cette dénomination est sans doute désuet. Mais il rappelle que, dans certains pays qui ne reconnaissent pas l’Eglise, voire la persécutent, ce procédé juridique existe encore !!! Occasion de prier pour ces Eglises plus ou moins rejetées !

(2) non pas seulement une “domus“ (une maison), mais une “insula“, immeuble de rapport (magasins, appartements, bains… Au 4ème siècle, il y avait au Transtevere, pour 150 “domus“, 4 405 “insulae“ et 86 bains.

dimanche 21 novembre 2010

Christ-Roi

Nous célébrons aujourd’hui la fête du Christ, Roi de l'univers. Cette fête nous met en face d'un mystère que nous n'aurons jamais fini de découvrir : le mystère de Celui qui est mort par amour pour nous sur une croix, comme vient de rappeler l’évangile.

Dans cet évangile, il est étonnant de voir la violence que la mort du Christ a provoquée.
- Les chefs ricanent : “II en a sauvé d'aubes, qu'il se sauve lui-même !”
- Les soldats se moquent : “Si tu es le roi, sauve-toi toi-même !”
- Et tous sous-entendent : comment reconnaître un roi en ce Jésus ?

Il est vrai qu'il n'avait plus rien d'un roi selon nos critères humains. Pour les hommes, le roi est celui qui s'impose par sa puissance, peut-être par la peur qu'il inspire, en tous les cas par les pouvoirs qu'il peut exercer. Mais cela n'a rien à voir avec ce Jésus qui meurt sur une croix dans la plus grande solitude.
Bien plus, la déchéance apparente de Jésus sur la croix déchaîne une violence encore plus grande que d'habitude, tant il est vrai qu’on ne supporte pas, inconsciemment et instinctivement, de voir un roi, un responsable sans défense. On ne peut respecter un roi, un responsable quelconque, qu'à condition qu'il soit à part, sinon on cherche à se venger sur lui de tous les pouvoirs, les prestiges qu'il a pu avoir et dont il n’a pas profité.
Oui, il n'est pas étonnant de voir, dans l’évangile, cette foule, déchaînée par la violence, venue voir ce prétendu roi mourir. C'est tout le péché de l'homme qui nous est révélé dans cette histoire, dans ces attitudes. Et nous quels sont nos réflexes en circonstances analogues ? Il est si facile de critiquer, condamner…

Pourtant, c'est vraiment là, sur la croix, que nous est révélée la royauté de Jésus. Oui, c'est sur la croix que nous est manifestée la toute-puissance de l'Amour de Dieu. Les hommes attendaient qu'il s'impose par la crainte, la force, mais Jésus a préféré nous faire pénétrer dans ce mystère de l'Amour qui renvoie chacun à la vérité sur soi-même.
Car la force royale de Jésus c'est de vouloir que l'homme soit libre, que l'homme marche librement à sa suite, et de l’aimer jusque dans cette liberté qui peut s’égarer. Jésus n'a pas voulu que nous soyons des esclaves acceptant de le suivre par peur, mais au contraire que notre choix soit libre, qu'il soit une réponse d'amour.
Et c’est là toute la question. Il y a en ce moment peut-être, dans le monde, au fond de quelque église, ou même dans une maison quelconque, ou encore au tournant d’une chemin désert, un pauvre homme, un pauvre, qui joint les mains au fond de sa misère, sans bien savoir ce qu’il dit ou sans rien dire, et qui remercie Dieu de l’avoir fait libre et donc capable d’aimer. Et il y a aussi peut-être, quelque part ailleurs, je ne sais où, un homme comblé, puissant, mais dont l’orgueil est contrarié par quelque incident mineur et qui crie son amertume et sa vengeance vers le ciel, pour n’être pas suffisamment reconnu en ce qu’il fait.
C'est bien ce qu'avait compris l'un des malfaiteurs près de Jésus sur la croix. Cet homme, juste avant de mourir, a perçu combien la mort de Jésus était le signe même de son amour pour les hommes, créés à l’image de Dieu, libres et donc capables d’aimer. Il a compris que la force de Jésus était dans sa capacité à donner librement sa vie par amour pour ses frères. C'est pourquoi cet homme dit à Jésus : “Souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne”.

Aujourd'hui encore, tout cela est peut-être difficile à accepter. Beaucoup de personnes disent : “Mais si Dieu existait, il n'y aurait plus de guerres, plus de violence, plus de détresse...”. Ces personnes pensent que Dieu doit supprimer tous les problèmes des hommes par puissance humaine ; et comme il ne le fait pas, c'est la preuve qu'il n'est pas tout-puissant, et donc qu'il n'est pas roi. Nous restons dans une logique humaine sans entrer dans la logique même de Dieu.

Pour les hommes, le roi est celui qui doit être le plus fort ; pour Jésus, être roi c'est aimer, c'est devenir le serviteur de tous, c'est donner sa vie pour ceux dont la liberté s’égarent, c'est pardonner toujours sans se décourager ; être roi, c'est vouloir le bonheur de l'autre avant le sien, en faisant découvrir cette grande capacité de la liberté, moteur de tout amour.

Pour entrer dans le Royaume de Dieu, il nous faut donc suivre le chemin de Jésus. Il faut que nous sortions de notre logique de pouvoir, d'argent, pour découvrir une autre logique : celle du Christ qui respecte en aimant et qui aime en respectant.

Il n'est pas facile dans notre monde d’avoir des responsabilités, d'exercer un pouvoir sur les autres. Nous le savons bien, car chacun de nous, un jour ou l'autre, a fait l'expérience de sa fragilité. Or le pouvoir fait souvent de l'homme un esclave, l'esclave d'une image, un homme seul, sans véritable ami, obligé de toujours correspondre à l'image que l'on attend de lui.

Jésus, aujourd'hui, nous invite à entrer dans son Royaume, à croire en la logique de l'Amour plus fort que tout, à devenir libre devant les pressions du monde...

Tout à l'heure, nous allons dire ensemble la prière du “Notre Père” et nous dirons : “que ton règne vienne”. Que notre prière de ce matin soit vraiment l'expression de notre désir le plus profond de voir advenir ce règne d’une véritable liberté au service d’un amour des uns et des autres pour plus de paix et de justice. Et nous dirons avec justesse : “Que ton Règne vienne, Seigneur Jésus”.

samedi 20 novembre 2010

Eglise persécutée

Samedi - 33 T.O. - L’Eglise persécutée ! Apoc. 11.4-12

Le texte du livre de l’Apocalypse - on ne le dira jamais assez - est pour nous un peu difficile car il fait tant d’allusions à la littérature biblique (si méconnue aujourd’hui !) ; il est bourré de références à l’Ancien Testament. Et particulièrement notre lecture d’aujourd’hui ! Aussi, je me garderai bien de faire une explication impossible en quelques lignes !

Sachons cependant qu’il est question dans notre texte de l’EGLISE, et de l’Eglise face à la persécution (précisée juste avant notre péricope). Or, même persécutée, l’Eglise (chacun de nous) doit transmettre le “petit Livre“ de l’Evangile (dont il était question hier).

Cette Eglise évangélisatrice est représentée par deux témoins (oliviers et candélabres) “qui se tiennent devant le Seigneur de la terre“. C’est une allusion au prophète Zacharie (4.3-14), au moment du retour d’exil - cet exil qui fut une grande persécution ! - au moment de la restructuration du peuple de Dieu.
[Ces deux témoins, chez Zacharie, représentent le pouvoir prophétique et le pouvoir royal (ou politique, car il n’y a plus de roi au temps de Zacharie), disons le pouvoir civil et religieux].
Un feu sort de leur bouche : La Parole de Dieu que transmet l’Eglise pour évangéliser est - de même que la Parole du Christ lui-même - comme un feu qui purifie les consciences, qui séparent ceux qui l’accueillent de ceux qui la rejettent
(comme le glaive qui sort de la bouche du Fils de l’homme : “je les combattrai avec le glaive de ma bouche“. Cf. Apoc. 1.16. 2.16).

Ces deux témoins ont, ici-bas, le pouvoir de fermer le ciel, comme Elie, ou de changer l’eau en sang, comme Moïse ! Moïse, Elie, ces deux grands témoins qui se trouvaient au côté du Christ lors de la Transfiguration, cette grandiose scène qui marque, surtout en St Luc, la détermination du Seigneur à accomplir son mystère pascal à Jérusalem ! Jérusalem qui, au moment de la mort du Christ en croix, peut être comparée à Sodome et Gomorrhe ou à l’Egypte, lieux hostiles à Dieu, lieux d’infidélité par excellence, lieux dont il faut absolument sortir (comme Lot, comme les Hébreux avec Moïse). “Vous êtes dans le monde, dira Notre Seigneur ; mais vous n’êtes pas du monde !“ (Jn 17.16).

Cependant, ces deux témoins, malgré les prodiges qu’ils accomplissent à l’exemple de Moïse et d’Elie, qu’ils accomplissent grâce à la Parole de Dieu (l’Evangile) dont ils sont les prophètes-évangélisateurs dans le monde entier, seront tués par la “Bête“ qui sort de l’abîme du mal. Leurs cadavres seront exposés durant trois jours et demi, ce qui réjouit les révoltés contre Dieu et donc contre l’Eglise. Mais après trois jours et demi, “un souffle de vie venant de Dieu les pénétra“. Ils se “remirent debout“ (comme l’Agneau immolé !) et furent enlevés au ciel.

Vous le comprenez : l’Eglise - notre Eglise -, représentés par ces deux grands témoins, subit continuellement la persécution, vit en état de passion. Elle est toujours comme crucifiée par la “Bête“. C’est dire que le sort de l’Eglise se calque sur celui de son fondateur. La Passion continuelle de l’Eglise, à travers ses martyrs (les Sts Pierre et Paul au moment de la rédaction de l’Apocalypse sont morts, martyrs !), vaut en horreur celle de Jésus. Pensons aujourd’hui tout spécialement aux martyrs en Irak ! Prions en communion avec eux ! Oui, l’Eglise doit vivre son Vendredi Saint, elle aussi, avant d’entrer dans la gloire du Ressuscité. Le Christ l’avait lui-même annoncé : “On vous livrera à la détresse, on vous tuera…“ (Mth. 24.9).

L’Eglise évangélise avec force, mais dans la faiblesse aussi, au prix du sang des nombreux martyrs. Cependant, leur sacrifice et leur mort deviennent pour eux une victoire : “Un souffle de vie venu de Dieu entra en eux, et ils se dressèrent !“. Cette scène rappelle bien sûr la vision des ossements desséchés que l’Esprit de Dieu ramène à la vie, d’après Ezéchiel (37). Jean l’affirme : la victoire pascale du Christ rejaillira sur l’Eglise : “Alors ils entendirent une grande voix venue du ciel, qui leur disait : « Montez ici ! ». Ils montèrent au ciel dans la nuée (“la nuée divine“ comme dans le livre de l’Exode) ; et leurs ennemis les contemplaient “ !

vendredi 19 novembre 2010

Evangéliser !

Vendredi - 33 T.O. - L’Evangile ! Apoc. 10. 8-11

Avec le chapitre 10ème de l’Apocalypse au style toujours un peu difficile pour nous tant l’apôtre Jean utilise les images d’apocalypse de l’Ancien Testament (Ezéchiel, Daniel…), nous entrons dans une autre vision que celle que l’apôtre nous avait décrite précédemment.

Ici, Jean nous fait entrevoir non plus “Dieu Sabbaoth“, Dieu Tout-Puissant (d’amour) sur son trône royal, mais un ange qui descend du ciel enveloppé d’une nuée (“la nuée divine“, comme durant l’Exode), comme le Fils de l’Homme décrit par le prophète Daniel.

Et ce grandiose personnage présente cependant un tout petit livre. Il est ouvert et non fermé comme le “Livre aux sept sceaux“ que seul l’Agneau immolé mais debout peut ouvrir. Ce petit livre ouvert est remis à Jean. – Si le “Livre aux sept sceaux“ pouvait représenter l’Ancien Testament que seul le Christ peut expliquer et donner sens (Cf. l’épisode des disciples d’Emmaüs), le petit livre semble bien être l’Evangile, la “Bonne Nouvelle“ de l’“Agneau immolé mais debout“ (le Christ immolé mais toujours vivant).
Ce livre est remis à l’apôtre ; il est remis à l’Eglise, à nous-mêmes, pour qu’il soit proclamé, divulgué… Et cet ange, porteur du petit livre et qui crie d’une voix forte, annonce la puissance de l’Evangile du Christ que l’Eglise (nous-mêmes) doit proclamer tout au long de son histoire, qu’elle doit porter “jusqu’aux extrémités du monde“ (Cf. Ac. 1.8 – Mth. 12.14).

Jean doit “manger“ le petit livre. C’est une scène d’investiture prophétique qui s’inspire d’une semblable dans l’Ancien Testament, l’investiture du prophète Ezéchiel (2.8 ; 3.4). L’Eglise représentée par Jean doit sans cesse se laisser imprégner par la douceur de la Parole du Christ pour accomplir sa difficile (parfois amère) mission : porter l’Evangile à tous les hommes, “prophétiser sur des peuples, des nations, des langues et des rois en grand nombre“. Cette mission n’est pas sans tribulations, sans difficultés parfois crucifiantes… Jésus lui-même avait averti : “Vous serez haïs de tous les païens à cause de mon Nom !“ (Mth 24.9).

Oui, la Parole de Dieu a pour nous la “douceur du miel“ ; elle est une force, dit St Paul (Rm 1.16). Elle nous enseigne, nous conduit, nous forme. “Pour moi, disait Ste Thérèse de Lisieux, je ne trouve rien dans les livres ; l’Evangile me suffit“.
Mais de la voir rejetée, repoussée, trahie, même par nos proches parfois, n’est pas sans souffrances diverses et sans conséquences pour nous en certaines circonstances professionnelles ou familiales ! En certains pays actuellement ! Oui, la Parole de l’Evangile proclamée n’est pas sans amertumes… Tant il est vrai qu’il n’y a pas d’apostolat sans souffrance unie à celle du Christ.

Et cela est vrai aussi pour tout contemplatif, toute contemplative. On voudrait crier parfois ce qui fait le secret de notre vie, la valeur de notre consécration silencieuse. Le moine doit, silencieusement, porter ce témoignage vivant : Jésus vaut la peine d’être écouté, aimé pour lui seul. Nous le savons que trop : un apostolat sans écoute de la Parole de Dieu (ce “petit livre“), sans prière se dégrade vite en activisme. Notre prière doit être l’âme de tout apostolat. Ste Thérèse de l’Enfant Jésus l’avait si bien compris qu’elle fut déclarée “patronne des missions“
“Un dominicain, disait Dom Guéranger, cessera un jour de prêcher ; un Jésuite d’enseigner. Le moine, lui, continuera à chanter“. Et nous le savons : son chant – le chant de toute sa vie – doit résonner “sur beaucoup de peuples, de nations, de langues et de rois !“.

jeudi 18 novembre 2010

Livre de Vie

Jeudi - 33 T.O. - Livre de Vie Apoc. 5.1-10

La grandiose liturgie céleste qu’évoquait déjà la lecture d’hier se poursuit…
Celui qui siège sur le trône tient en sa main toute-puissante (“sa main droite“) un livre écrit recto-verso. Là encore, c’est une allusion à la vision d’Ezéchiel (2.8-3.3), ce prophète qui était invité à “manger“ le “Livre de la Parole de Dieu“ afin qu’il puisse parfaitement accomplir sa mission de prophète. Il s’agit donc du Livre de la Parole de Dieu qui est “parfaite“, si complète qu’on ne peut y ajouter quoi que ce soit, le manuscrit étant utilisé et à l’intérieur et à l’extérieur !

Ce Livre divin contient certainement les décrets de Celui qui siège sur le trône ; il exprime la volonté de Dieu Tout-Puissant, volonté adressée aux quatre Vivants, c’est-à-dire au monde entier qu’ils symbolisent.
Mais pour l’heure, le livre est “scellé“. C’est sur cette réalité que l’on insiste. Personne ne peut le lire. C’est un drame, le drame de l’humanité qui ne peut déchiffrer le sens de son histoire, la direction de la vraie Vie. Avec Jean, toute l’humanité pleure, saisie d’angoisse : pourquoi, pour quoi vivre ? Pourquoi le mal ? Pourquoi la mort ? Pourquoi l’homme ? N’est-ce pas l’éternelle question ?

C’est alors qu’un des Anciens apporte consolation. Il annonce un grand Vainqueur, le Vainqueur des ténèbres, de la mort elle-même. Lui seul peut ouvrir le Livre de Vie. C’est le “Lion de Juda“ (Cf Gen 49.9 – Heb 7.14), le rejeton de David (Is 11.1). Il est Messie. Il est Christ. C’est le “Fils de l’Homme“ (Cf Daniel) qui peut ouvrir le livre de Vie. Lui seul “est chemin, vérité, vie“ (Jn 14.6).

Voilà ce qu’annonce l’Ancien. Mais, paradoxalement, Jean voit et devant le trône et devant les Vivants et les Anciens, un agneau immolé et cependant debout !
L’image du Christ-Agneau est fréquente dans l’Apocalypse. Elle rappelle l’agneau pascal (Ex.12.3-6) en même temps que le Serviteur souffrant chez Isaïe (53). C’est tout le mystère pascal qui est évoqué là ! C’est par sa mort et sa résurrection que le Christ nous obtient la Vie, la Vie même de Dieu. Depuis sa mort, le voile du temple est déchiré : “le Saint des Saints“ est “dévoilé“, accessible. L’Agneau immolé, mais debout, toujours vivant entre dans le temple éternel !
Et il nous entraîne vers le sanctuaire divin, vers le trône de Dieu, du Dieu qui donne vie, de sorte que chacun puisse dire : “Je marche devant le Seigneur, au pays des vivants !“ (Ps 116.9). – Il nous faut “suivre l’Agneau partout où il va !“, dira encore St Jean (14.4). C’est lui qui, désormais, possède “sept cornes“, c’est-à-dire la plénitude (7) de la puissance (corne) ; c’est lui qui possède sept yeux et sept Esprits, c’est-à- dire la plénitude (7) de la connaissance (yeux, Esprits).

Aussi, il peut recevoir le Livre ! Jean ne précise pas quel livre. Mais c’est sous-jacent : c’est le Livre de la Vie, la Vie qu’est Dieu lui-même, le livre du dessein dé l’amour divin pour tous les hommes, “afin qu’ils aient la Vie“.
On peut penser également au Livre par excellence qu’est toute la Bible, ce livre écrit au recto-verso, car il peut être lu selon l’histoire juive, mais surtout avec l’“Agneau immolé“ qui lui donne pleine signification : “Commençant par Moïse et les prophète, Jésus leur (aux disciples d’Emmaüs) expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait (Lc 24.27). Enfin - et c’est important pour chacun -, c’est le livre que Dieu ne cesse d’écrire : “De toute évidence, écrivait St Paul aux Corinthiens, vous êtes une lettre du Christ écrite non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs“ (2 Co. 3.3). Cette “lettre de vie“, de notre vie se trouve déjà dans le “Livre scellé“ que seul le Christ peut nous ouvrir !

Et quand ce livre de Vie va être ouvert, alors l’univers éclate en louange, toute la création glorifie Dieu par un cantique nouveau qui exprime que tout le créé et l’homme lui-même prennent sens dans le Christ : “par ton sang tu as racheté pour Dieu des hommes de toute race, langue, peuple et nation ; et tu en as fait pour notre Dieu un royaume de prêtres...“.

Que la “lettre“ de toute notre vie puisse correspondre de plus en plus au “Livre de Dieu“ que le Christ a dévoilé !

mercredi 17 novembre 2010

Liturgie céleste

Mercredi - 33 T.O. - Liturgie ! Apoc. 4.1-11

Apocalypse ! Dévoilement ! Le voile du temple étant déchiré à l’heure de sa mort, le Christ - tel le prêtre de l’Ancienne Alliance - entre définitivement dans le “Saint des Saints“ pour la plénière purification de tous les hommes ! Aussi, à sa suite, nous pouvons, sanctifiés par le sang du Christ, nous diriger déjà vers le trône de Dieu, pour voir Celui qui nous voit sans cesse !

“Une porte du ciel était ouverte“, dit St Jean. Une voix l’invite : “Monte !“. Jean est comme soulevé au-dessus de ce monde, soustrait au temps ! Monte pour voir “ce qui doit arriver !“. Cette formule employée plusieurs fois dans l’écrit évoque l’imminence et le caractère irrévocable du dessein d’amour de Dieu pour les hommes, dessein déjà réalisé dans le mystère pascal du Christ, mais dont la phase ultime doit être “dévoilée“ aux yeux de tous les hommes.

La vision de la gloire divine rapportée par Jean est pour nous surprenante, mais non pour Jean et ses lecteurs, car elle ne fait que reprendre celle d’Ezéchiel. Cependant, Jean précise : Dieu est sur un trône et il domine toute la création sortie de ses mains. De ce trône sortent éclairs et coups de tonnerre, comme au moment solennel de la première Alliance avec Moïse, au Sinaï. En face du trône, il y a une mer, non pas cet élément liquide et dangereux parce qu’il contenait, dans la pensée juive, les forces chaotiques du mal, mais cette “mer de verre“ qu’évoquait déjà Ezéchiel (1.22), éblouissante de lumière purificatrice qui sépare encore les créatures de leur Créateur !

On aperçoit déjà vingt-quatre “Anciens“, terme qui, chez St Jean, évoque toujours les responsables de Communautés, d’Eglises. Ils sont revêtus de vêtements à la blancheur baptismale et portent la couronne des vainqueurs de ce monde. Ils sont vingt-quatre… Et ils chantent ! Ils chantent comme les prêtres que David avait répartis en vingt-quatre groupes afin que la gloire du Seigneur soit toujours proclamée (Cf. 1 Chr. 24). Ils additionnent désormais les douze “chefs“ de l’Ancien Israël (prophètes) et les douze du Nouveau.

Les quatre Vivants dont il est question évoquent encore la vision d’Ezéchiel. Leur nombre signifie la création toute entière avec ses quatre éléments cosmiques (aux quatre points cardinaux) : lion, taureau, homme et aigle sont censés supporter le firmament (1) et il est dit que cette création ainsi représentée est “au milieu du trône et autour de lui“. Toute la création est devant Dieu.

Et tous chantent la gloire de Dieu, comme les Séraphins dans la vision d’Isaïe : “Saint, Saint, Saint, le Seigneur, le Tout-Puissant. Sa gloire remplit toute la terre“ (toute la création) (Is. 6.3). Et la suite immédiate de la louange n’est que le rappel de la déclaration divine transmise à Jean au début de son livre : “Je suis l’Alpha et l’Oméga, Celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant, le “Pantocratôr“, mot grec employé pour traduire : “Dieu Sabbaoth“, “Dieu des armées“ ! Mais sa puissance est celle de son amour qui tient tout en sa main.
Toute la création chante à Dieu :
- sa gloire
(“Kabod“ en hébreu = poids) : Dieu seul a du poids !
- son honneur : elle proclame la suprématie de Dieu,
- l’action de grâce : elle fait eucharistie !
Toute la création fait eucharistie. Elle accomplit ce qu’elle ne pouvait pas faire parfaitement dans sa condition historique, étant livrée au pouvoir du néant (Rm 8.20). La Rédemption (finale) inaugurée par le Christ n’est pas seulement le salut des hommes ; elle est en même temps à la gloire de Dieu Tout-Puissant.

Cette présentation de la louange céleste s’inspire certainement de la liturgie chrétienne. Jean projette dans sa vision une liturgie encore plus belle que celle vécue sur la terre. Cependant, notre liturgie doit nous aider à proclamer la sainteté de l’Amour créateur de Dieu. Et sachons aussi que l’Eucharistie est comme une anticipation de la Liturgie céleste et éternelle. Car “le Christ, dit Vatican II, prenant la nature humaine, a introduit dans notre exil terrestre l’hymne qui se chante éternellement dans les demeures célestes“

(1) Depuis St Irénée, on y voit également la figure des quatre évangélistes… Ce n’était sans doute pas la pensée de St Jean.

mardi 16 novembre 2010

Ste Gertrude

16 Novembre - Ste Gertrude

Ste Gertrude est l’un des grands noms de la “Mystique chrétienne“. Sa spiritualité très sensible, aux expressions scripturaires, aux accents très romantiques peut en rebuter bon nombre de ses lecteurs. Cependant elle témoigne d’une union extraordinaire au Christ que tous nous recherchons à travers les méandres de notre vie.

Elle naquit vers 1250, époque de grande foi mais encore socialement très dure ! Nous ne connaissons rien de ses parents. Mais, dès l’âge de cinq ans, elle fut offerte comme “oblate“ au monastère d’Helfta, en Saxe. C’était une coutume assez courante, en ce temps-là, qui permettait de donner à des enfants une “bonne éducation“ à la fois humaine et chrétienne.
De fait, la jeune enfant trouva dans le cloître non seulement une sécurité (recherchée) mais un climat qui lui convenait. La Liturgie, l’Office divin lui permettait, d’une part, d’apprendre le “langage de Dieu“ grâce à l’Ecriture Sainte et, d’autre part, d’acquérir une disposition à “écouter“ Dieu.
De plus, elle profita d’une formation littéraire assez poussée. L’une de ses compagnes, Mechtilde (Sainte, elle aussi), était très musicienne ; une autre brillait par son talent de calligraphe ; une troisième était une habile miniaturiste. Gertrude mordit avec un tel appétit aux études profanes qu’elle devait fortement se le reprocher après sa “conversion“.

Les temps étaient assez rudes et difficiles. Les Seigneurs se faisaient facilement la guerre ; l’insécurité régnait ; et les famines, plus ou moins fortes, sévissaient. Cependant son monastère prospéra sous la houlette d’une abbesse remarquable au point d’assumer deux fondations.
Dans ce milieu d’élite où le temps se partageait entre la “Sainte Liturgie“, riche et paisible, et les travaux intellectuels, manuels, Gertrude se formait sans inquiétude religieuse particulière. Faut-il penser : dans une certaine tiédeur spirituelle ? Elle écrira plus tard qu’alors “elle se souciait de son âme comme de l’intérieur de ses pieds !“. Pieuse exagération !

Elle conta elle-même comment le Christ l’avait convertie : “Je rends grâce à votre immense miséricorde, Seigneur, et à votre patience jusqu’à mes vingt-cinq ans“ durant lesquels j’ai vécu comme une païenne “jusqu’au moment où vous m’avez prévenue par un dégoût connaturel du mal et un plaisir du bien“. – “En la 25ème année de mon âge, en la fête de la Purification de Notre Dame, … vous, la Vérité, mon Dieu, plus serein que toute lumière, mais plus intérieur que tout secret, vous avez résolu de diluer la densité de mes ténèbres, commençant par calmer ce trouble qu’un mois auparavant vous aviez suscité en mon cœur. Par ce trouble, vous avez essayé de détruire la tour de ma vanité et de ma curiosité qu’avait bâtie mon orgueil“.
Le Christ lui apparaît. Il lui dit : “Je te sauverai et te libèrerai !“ Et c’est en recevant les stigmates du Christ qu’elle vécu intimement du Christ, en Lui, avec Lui, par Lui.
Dès lors, la vie de Gertrude fut un progrès permanent en Dieu, vers Dieu. Souvent souffrante, elle apprit la patience, l’humilité, la charité, étant au service de ses Sœurs, recevant multiples pèlerins… Elle mourut probablement le 16 Novembre 1302.

Ses œuvres sont des méditations sur la vie intérieure, sur la vie chrétienne et monastique : l’innocence baptismale, la conversion spirituelle, la consécration à Dieu, la louange et l’action de grâces…
Son style est très romantique : “Jusqu’à quand, jusqu’à quand, ô mon Bien-aimé, attendrai-je l’heure où je jouirai de vous, et de la contemplation de votre face digne d’amour ?“. - “De vous, mon âme a soif (Cf. Ps 41.3). Le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent, sans vous, ne sont pour moi qu’un hiver glacé…“. – “Oh ! Amour, Amour, quand allez-vous me délivrer de ce corps pour que je jouisse sans intermédiaire de l’aimé de mon cœur et que je reste avec lui à jamais ?“. Tous les thèmes d’un grand lyrisme sont là : la nature, l’amour, la mort. Son style a été comparé à celui de Lamartine.

Au-delà de ce style, retenons surtout que sa vie peut se résumer en ce mot du livre de Josué : “Vous aurez bien soin - car il y va de votre vie - d’aimer le Seigneur votre Dieu !“ (23.11). Ste Gertrude est une âme d’amour ! Sa piété se portait de préférence sur l’Incarnation, l’humanité du Christ, le Sacré-Cœur. Elle aima l’Eucharistie, la communion fréquente.
Aussi, nous pouvons prier très particulièrement Ste Gertrude de nous aider à contempler comme elle le Fils de Dieu qui s’est fait homme pour que les hommes deviennent fils de Dieu. Demandons-lui d’avoir sa grande dévotion envers l’Eucharistie !

Pour terminer, je vous transmets une de ses belles prières à l’intention des défunts : “Très doux Seigneur Jésus, je te prie de bien vouloir exaucer, par les mérites de ta très sainte vie, cette prière que je t’adresse pour les défunts de tous les temps, et spécialement ceux pour qui on ne prie jamais. Je te demande de suppléer à tout ce que ces âmes ont négligé dans l’exercice de tes louanges, de ton amour, de la reconnaissance, de la prière, des vertus et de toutes les autres bonnes œuvres qu’elles auraient pu accomplir et qu’elles n’ont point faites, ou qu’elles ont accomplies avec trop d’imperfection“.

lundi 15 novembre 2010

Apocalypse

Lundi - 33 T.O. - Apocalypse ! Apoc. 1

Nous commençons liturgiquement le livre de l’Apocalypse qui, pour beaucoup, apparaît obscur, abscons, alors que, paradoxalement, le mot “apocalupsis“ signifie : “retirer le voile“ !

Ce que St Jean veut certainement rappeler en commençant son livre par ce substantif, c’est que, lorsque le Christ meurt sur la croix, le voile du temple se déchire “de haut en bas“, le voile est retiré ! Les Synoptiques insistent grandement sur ce voile déchiré, et surtout la lettre aux Hébreux (Cf. Ch. 10) : Le véritable Grand Prêtre dont tous les prêtres de l’Ancienne Alliance n’étaient que la figure, “une fois pour toutes“, est entré dans le véritable “Saint des Saints“.
Non plus dans le temple fait de main d’homme, mais dans la demeure de Dieu !
Non plus avec le sang des boucs, mais par son propre sang.
Il a opéré la rédemption radicale ; non plus la purification de quelques descendants d’Abraham selon la chair, mais la purification radicale de toute l’humanité, à travers le temps et l’espace. Il a purifié nos consciences des œuvres mortes pour faire de toute notre vie une liturgie à la gloire de Dieu.

Et cette grandiose réalité - divine et humaine parce que accompli par le Fils de Dieu fait homme - est véhiculée par les sacrements de la Nouvelle Alliance à travers le temps et l’espace. Lorsqu’est célébré l’Eucharistie au Japon ou en un autre endroit du globe, (“Celui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui !“), lorsqu’est célébré l’Eucharistie ici même, ce qui s’est passé “une fois pour toutes“ - le voile du temple se déchirant - est rendu présent, de présence réelle, à travers le temps et l’espace. Nous n’en aurons jamais assez conscience pour entrer dès lors dans la vision de Jean : “L’Ange me dit : « Viens, je te montrerai la fiancée, l’épouse de l’Agneau (immolé). Il me montra la Cité Sainte, Jérusalem qui descendait du ciel d’auprès de Dieu ! »“ (Apoc. 21.9). Car le voile était déchiré - Apocalupsis“ ! -.

Et c’est dans le même sens que St Paul parle du voile que Moïse se mettait sur le visage après ses entretiens avec le Seigneur (Cf. Ex 34) : “Si le ministère de mort gravé en lettres sur la pierre a été d’une gloire telle que les Israelites ne pouvaient fixer le visage de Moïse à cause de la gloire - pourtant passagère - de ce visage, combien le ministère de l’Esprit (Saint) n’en aura-t-il pas plus encore ?“. Et il affirmait : “Lorsqu’on lit l’Ancien Testament, ce même voile demeure. Il n’est pas levé. C’est en Christ qu’il disparaît. C’est par la conversion au Seigneur que le voile tombe“ - Apocalupsis !-. Aussi, il précisait : “C’est lorsque nous contemplons et réfléchissons (St Paul emploie un verbe qui a ces deux sens) la gloire du Seigneur (ressuscité), que nous sommes transfigurés en cette même image, avec une gloire de plus en plus grande (litt. de gloire en gloire) par le Seigneur qui est Esprit“ (Cf. 2 Co. 3.17).

Et ce que l’Apôtre dit, il l’avait annoncé en précisant comme Jean le fera plusieurs fois, à sa manière : “Telle est l’assurance que nous avons, grâce au Christ, devant Dieu !“ (Cf. 2 Co. 3.4).
Il y a une vertu dont on ne parle pas beaucoup dans les manuels de morale, que les chrétiens ne cultivent peut-être pas suffisamment et qui, pourtant, apparaît comme une vertu cardinale, c’est l’“Assurance“ ! L’Assurance envers Dieu qui est devenu - le voile se déchirant - “Notre Père“ ! Et de ce fait, l’assurance de proclamer la “Bonne Nouvelle“ parce que, une fois pour toutes, le voile du temple est retiré pour que nous puissions voir de plus en plus Celui qui nous voit sans cesse - Apocalupsis ! -.

Pour retrouver les principaux textes, voir Blog : http://mgsol.blogspot.com/

dimanche 14 novembre 2010

Attente active

33e Dimanche 2010/C : L'Attente

Dimanche prochain, la fête du Christ-Roi évoquera le jour où le Christ, tout en tous, remettra le monde pacifié à son Père.
Et aujourd'hui, l'Evangile précise quel doit être le dynamisme de notre foi pour parvenir à ce jour glorieux et final, malgré les tentations de toutes sortes.

Et la première de toutes les tentations, n'est-ce pas la lassitude d'attendre ce magnifique Royaume promis par le Christ ? Depuis deux mille ans que l'Eglise attend, espère…, ne sommes-nous pas parfois fatigués d'espérer? C'est à cette lassitude du cœur que les textes d'aujourd'hui voudraient répondre.

Quand le temps se fait long et l'attente apparemment vaine, s'installe alors en notre cœur la "mélancolie", “cette ardeur retombée“ (Gide), cette “acédie“, sorte de dépression spirituelle que combattaient si fortement les Pères du désert et St Benoît lui-même. Le temps qui passe use les fidélités, rabote les enthousiasmes : nous en avons tous l'expérience.
Ce temps de découragement et d'apathie spirituelle est passé également sur les premières générations chrétiennes.
- Le Christ vient, disaient certains ; et bien laissons tout tomber et attendons patiemment. Il n’y a qu’à attendre !
- Le Christ vient, disaient d'autres, mais c'est bien long ; et nous sommes persécutés ; le monde est de plus en plus mauvais.
Aux premiers, Paul répond : Travaillez !
Aux seconds, Luc adresse une page d'Evangile : Témoignez !

Cette longue attente a engendré dans l'histoire de l'Eglise jusqu'à nous, deux attitudes, deux comportements.
- La première est une sorte d'installation patiente dans une sorte de piété qui n’est qu’un abandon passif à la volonté de Dieu, censée se faire toute seule. Oh certes ! On ne fait rien de mal, au contraire. Mais on laisse, on se laisse faire, si je puis dire !
- La seconde est plus active : Puisque Dieu se fait attendre, organisons le monde, avec ou sans lui. Et nous verrons bien.

Aujourd'hui encore, les uns écrivent et annoncent partout : “Jésus revient“. Mais le lieu de leur engagement n'est pas le monde, mais une sorte de repliement sur soi. Ce retour au “piétisme“ n'est pas nouveau. Il existait en Israël, au retour de l’exil, par exemple…
Les autres veulent écrire l'histoire du monde, remettant parfois à plus tard de savoir si ce monde sera, oui ou non, celui de Dieu. Et souvent, c'est plutôt celui de l'Homme-Dieu !

Aujourd'hui encore, Paul fait remarquer aux premiers son propre exemple : l'attente du Christ ne l'empêche pas de travailler. - Aux seconds, Luc demande de témoigner du Christ.

Et comme il convient de ne pas s'y tromper, il faut préciser que c'est en chacun de nous qu'il y a
- et celui qui aimerait attendre le monde de Dieu sans engagement véritable…
- et celui qui organise sa vie comme si cela ne concernait pas le retour du Christ.

Il faut donc, certes, attendre, mais attendre activement. Et comment cela ? Notre Seigneur nous le dit clairement : “Vous serez livrés, trahis, condamnés, détestés…, à cause de mon nom (et comme c’est d’actualité en certains pays !). Cela vous donnera l'occasion de porter témoignage“.

Voici l'attente active que le Christ attend de nous : que nous portions témoignage. Certes par la parole ; mais surtout, à l’intérieur de nos communautés, à l’intérieur de nos familles chrétiennes, en faisant exister les Béatitudes : Justice, Douceur, Pauvreté, Vérité, Liberté, tous ces différents noms de l'Amour qu’est Dieu. Il s'agit, nourris du Christ, de faire exister un monde qui soit le sien. Il s'agit d'enfanter un monde où l'homme puisse avoir déjà visage du Christ. N’est-ce pas la vocation de toute communauté chrétienne, de la famille chrétienne elle-même ?


Cette attente active aura alors comme deux dimensions :
- une prise de conscience de la présence du Christ.
- et notre collaboration à cette présence di­vine.

Quelle mère serait assez inattentive pour ne pas écouter l'enfant qui bouge en elle ? Quel serait ce chrétien qui pourrait ne pas porter attention au Christ qui bouge en lui et soulève ses pesanteurs ? Cette attention au Christ en nous, cette "veille" pour scruter les événements même minimes et discerner le Seigneur qui vient, c'est la prière. C’est cela d’abord prier : être attentif à la présence du Christ. “Le problème de la présence du Christ à l'homme ne se pose pas, disait Jean Paul II, naguère ; le problème, c'est celui de la présence de l'homme au Christ !

La seconde dimension, nécessaire à cette attente active, c'est de rejoindre le Christ perçu dans la prière, de le rejoindre à l'œuvre dans le monde, en nos frères, là où on se trouve. Si nous percevons, dans la prière que le Christ est en train de changer le monde pour qu'il devienne le sien, comment n'irions-nous pas travailler avec lui ? N’est-ce pas l’appel de notre évêque par l’élan missionnaire qu’il veut imprimer en chacun de nous : “Quo vadis ?“ Où vas-tu Seigneur pour que j’aille avec toi ?

En modelant, par nos pensées, nos décisions, notre mode de vie un monde de justice, de vérité, un monde de Béatitudes, c'est le Corps même du Christ que nous préparons pour ce retour.

L'action qui donne corps à la prière, la prière qui donne sens à l'action : voilà les deux urgentes nécessités de toute vie chrétienne qui attend en vérité, son Seigneur.

Naturellement, on entend : “Comment tenir et tenir encore dans l'espérance quand si peu de choses changent en nous et autour de nous ?“
“Mettez-vous bien dans la tête, nous dit le Christ, que vous n'avez pas à préparer votre défense. Moi-même, je vous inspirerai une sagesse et un langage“.

Voilà l'origine de la force de celui qui tente l'aventure de la prière comme de celui qui tente l'aventure de l'engagement - ou plutôt des deux à la fois - : la force nous vient du Christ lui-même.

Et si nous doutons de cet incessant mouvement entre prière et action, regardons ce que nous faisons en célébrant l'Eucharistie chaque dimanche ou même chaque jour :
- Nous nous reconnaissons pécheurs fatigués et ouvriers improductifs afin d’entendre la Parole divine qui sera efficace en nos cœurs purifiés.
- Alors, nous apportons le pain et le vin de nos travaux, des œuvres de toute l'humanité afin que nos actions, notre vie même acquièrent plus de vérité, plus de sainteté.
- Et, dans l'action de grâce pour tant de merveilles que Dieu fait par la main des hommes, il nous donne encore en nos mains ce que nos dons doivent signifier : le Christ ressuscité. Afin de porter témoignage !

Aussi est-t-il important de demander à Dieu d'être vigilants, de savoir demeurer dans la prière, de nous te­nir debout dans le témoignage et de savoir trouver notre joie dans la fidélité.

samedi 13 novembre 2010

Humilité !

Samedi - 32e T.O. Suffisance - Humilité ! III Jn 5-8

La troisième lettre de St Jean dont nous avons un passage aujourd’hui est très courte ! Certaines réflexions, remarques font certainement allusion à une crise - c’est pas nouveau ! - dans la Communauté à laquelle cette lettre est adressée : un certain Diotréphès, pour ses qualités à n’en pas douter, a été établi responsable de cette jeune Eglise ; mais, fort de l’autorité qui lui a été conférée, il veut, par orgueil certainement - et cela arrive parfois - tout régenter à sa façon : et ce qu’il faut faire et même, évidemment, ce qu’il faut penser ! Molière, un de nos classiques, avait très bien vu ce travers qui est de tous les temps :
“Certes, c'est une chose aussi qui scandalise,
De voir qu'un inconnu céans s'impatronise,
En vienne jusque−là que de se méconnaître,
De contrarier tout, et de faire le maître !“. (Le Tartuffe. Act 1)

Alors arrive ce qui doit arriver quand on se croit le centre du monde et la porte du paradis : ce Diotréphès va jusqu’à critiquer l’apôtre Jean, le disciple bien-aimé du Seigneur, le fondateur de cette Eglise ; il écarte certains membres de la Communauté - pourtant bien dévoués - et pactise plus ou moins - cela aussi est classique - avec des hérétiques, le dogme lui-même étant sa propriété.

L’apôtre Jean réagit et se promet surtout de réagir lorsqu’il pourra faire visite à cette Eglise. En attendant il remercie un membre de la Communauté, un certain Gaïus, qui est venu en aide aux envoyés de Jean - des missionnaires en quelques sortes - chargés de faire connaître le “Nom“ (de Jésus). Diotréphès n’a pas voulu les recevoir et a même chassé ceux qui leur venaient en aide.

Que faut-il retenir de ces circonstances que l’orgueil, la suffisance, la jalousie rendent non moins néfastes que ridicules. Le grand remède est certainement l’humilité à acquérir dans un regard de foi et de vérité : un regard vers Dieu qui est TOUT, et, en même temps, un regard sur soi qui n’est RIEN. Et c’est alors que l’on peut acquérir un regard de discernement et de charité sur l’autre, les autres.

Nous le savons, St Benoît y insiste fortement. Mais comme c’est difficile d’acquérir une véritable humilité, que l’on soit manant ou puissant !

Car à ce RIEN que chacun est devant Dieu, il lui est donné des responsabilités, ne serait-ce que celle, si importante, que recommande St Paul : “portez-vous les uns les autres !“. Nous sommes responsables de nos frères ; c’est notre “obédience“, quelle que soit charge que nous ayons reçue par ailleurs. En ce domaine, Guy de Larigaudie avait raison : “Il est plus beau de peler des pommes de terre par amour (de ses frères) que de construire des cathédrale (par vanité)“. L’important, c’est toujours notre regard de foi et de charité sur toutes choses et bien davantage sur nos frères. Que de vanités pernicieuses parfois même dans les plus petits dons que le Seigneur nous a accordés. Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus avait bien compris cela

Pour terminer avec un peu d’humour, je me permets de rapporter le propos d’un rabbin (Sim'ha Bunam) qui disait : “Chaque homme doit avoir deux poches et écrire sur deux bouts de papier. Sur le premier qu'il mettra dans une poche, il écrira l'exclamation d'Abraham : “Je ne suis que poussière et cendre“ (Gen 18/27). - Et sur l'autre qu'il mettra dans la seconde poche, il écrira : “C'est pour moi que le monde entier a été créé !“ (Talmud Babli, traité Berachot 6b). - Seulement, ajoutait-il, le problème c’est qu’il faut savoir ne pas confondre les deux poches ! Même, si je puis dire, quand on met toujours ses mains dans ses poches…, ce qui n’est pas d’ailleurs très poli…

vendredi 12 novembre 2010

Incarnation

Vendredi - 32e T.O. Incarnation II Jn 4-9

Nous avons comme lecture aujourd’hui un extrait de la 2ème lettre de St Jean, un court écrit adressé par l’Apôtre qui se nomme “l’Ancien“ à “la Dame élue et à ses enfants“, c’est-à-dire à une des Eglises d’Asie qui dépendait de lui.

En cette communauté, la foi des chrétiens est mise en danger par la présence d’“imposteurs“ qui rejettent l’Incarnation. Il est fort intéressant de se rendre compte comment l’Apôtre aborde la question : “Je t’en prie, Dame (Eglise), écrit St Jean, aimons-nous les uns les autres“… “car beaucoup d’imposteurs ne reconnaissent pas Jésus Christ venu dans la chair !“. Autrement dit, nier l’Incarnation, c’est abolir l’amour, car c’est méconnaître l’amour que Dieu a manifesté pour nous et qui constitue la source et le modèle de l’Amour envers le prochain. - St Jean semble dire : sans l’Incarnation du Fils de Dieu, il est pratiquement impossible d’aimer.
C’est d’ailleurs ce qu’il avait déjà dit plus explicitement dans sa première lettre : “Aimons-nous les uns les autres car l’Amour vient de Dieu… Qui n’aime pas n’a pas découvert Dieu puisque Dieu est Amour. Et voici comment s’est manifesté l’Amour de Dieu au milieu de nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui“ (I Jn 4.7-11).
L’important, c’est donc de reconnaître que Dieu-Amour s’est manifesté en son Fils fait homme pour que l’homme vive dans l’amour, pour que s’établisse dès maintenant et pour toujours le Règne divin de l’Amour : amour envers Dieu et de ce fait, amour envers nos frères.

Aussi, il n’est pas étonnant que l’“Imposteur“, l’“Anti-christ“ le “Menteur“ veuille s’attaquer fortement à cette réalité de l’Incarnation de Dieu-Amour parmi les hommes pour que les hommes demeurent dans la haine, le non-amour !

Et les arguments, la logique du “Menteur“ est aussi facile aujourd’hui qu’hier : l’Incarnation ! Voyons ! Dieu dans la chair ! Dieu dans l’homme ! Dieu qui se fait homme ! L’Illimité qui se fait limite ! L’Immortel qui se fait mortel ! l’Esprit qui se fait chair… ! Et quand on voit en nous et autour de nous ce qu’est le charnel, l’homme, le réalisme de l’Incarnation devient étonnant, scandaleux pour certains, folie pour d’autres, dirait St Paul. “Mais ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes !“ (I Cor. I.25). Cette folie, ce scandale étaient encore plus fort au temps des apôtres, tant pour les Juifs que pour les philosophes !

Aussi pour accéder à ce mystère qui nous est donné, qui nous permet d’aimer comme Dieu aime, il faut me semble-t-il, refaire, avec des variantes sans doute, le chemin de la foi des apôtres, car ce n’est pas l’intelligence seule qui peut accéder à cette Réalité : non seulement l’union de Dieu avec l’homme, mais Dieu qui se fait homme : ce Jésus, Dieu et homme tout à la fois.

Ce chemin de foi commence par l’éclatante lumière de Pâques, cette lumière qui a ébloui les apôtres depuis le jour de Pâques, cette lumière qui a ébloui Paul lui-même sur le chemin de Damas, cette lumière qui luit dans les ténèbres, dans nos ténèbres et qui peut nous illuminer !

Nous aussi, dans cette lumière qui nous est donnée jusqu’à l’intime de nous-mêmes, nous pouvons affirmer : Le Christ est vivant : le Christ - Dieu et homme - vient en nous, en chacun : Sa présence en nous - présence efficace - nous apprend que Dieu est Amour… Elle nous enseigne à aimer véritablement ! Telle est bien la vocation à laquelle nous sommes appelés !

Pour retrouver les principaux textes, voir Blog : http://mgsol.blogspot.com/

jeudi 11 novembre 2010

St Martin

St Martin – 11 Novembre.

Les Français ne songent plus - et c’est fort dommage - à saluer d’un même cœur et notre Patrie couronnée des lauriers trop sanglants de 1918 et le vieux Saint Gallo-romain du 4ème siècle qui a tant travaillé pour établir chez nous une civilisation avec l’étendard de la croix glorieuse du Christ.

Faut-il s’étendre sur la vie de St Martin, moine et évêque, modèle d’ascétisme et de zèle missionnaire, de prière dans la solitude et d’apostolat très actif ?
Nous le connaissons par son contemporain Sulpice Sévère et par St Grégoire de Tours qui vécut deux siècles plus tard. Il est certain que le premier se laissa aller à de faciles exagérations dont certains moines de Marmoutier n’hésitèrent pas déjà à l’accuser. Cependant, on peut légitimement attribuer à St Martin son rôle de père du monachisme en notre pays et d’évêque convertisseur de la Gaule.

Né en Hongrie actuelle – au hasard probablement d’une garnison de son père, militaire -, il rêvait, jeune encore, de vie monastique. Mais une loi l’obligea à s’enrôler. Il servit dans la garde impériale à cheval, avec parfois de charitables fantaisies, telle l’histoire du manteau partagé par son épée avec un pauvre.
Il vint à Poitiers attiré par le renom de St Hilaire. Mais ce grand évêque, trop ardent à exciter le clergé gaulois contre les Ariens, est exilé ! Martin retourne chez les siens et en profite pour convertir sa mère.
Avec l’appui de St Hilaire (en exil), il revient vers Tours et créa le premier monastère de nos contrées, à Ligugé. Ce fut le commencement d’une grande renommée au point que l’Eglise de Tours qui n’avait plus d’évêque depuis longtemps imagina d’enlever le moine de Ligugé. On le fit venir sous prétexte de guérir une malade. On le tenait, on le garda ; et le 31 juillet 371, il était ordonné évêque de la ville, de sorte qu’on a pu dire de lui : “Martin, soldat par force, évêque par devoir, moine par choix !“.
Singulière figure d’évêque cependant. Parmi les prélats gallo-romains d’allure souvent très mondaine, il avait un peu l’air d’un paysan du Danube. Il resta moine tant qu’il put et fonda près de sa ville épiscopale le monastère de Marmoutier, bientôt pépinière d’évêques et de prêtres réformateurs dont la Gaule avait besoin.

Je ne m’étends pas. Mais il fut un évêque très zélé parcourant villes et villages au-delà même de son diocèse, tant il était demandé.

On peut retenir quelques traits essentiels :
- Ce fut d’abord un homme de prière. On l’a dit joliment : “De même que les forgerons, au cours de leur travail, trouvent comme un délassement à frapper encore leur enclume, ainsi Martin, même quand il semblait faire autre chose, était en prière !“. Il s’acharnait contre tout amour propre, acceptant avec sérénité avanies et affronts, toujours humble, patient et détaché de toutes les vanités de ce monde. Il se cramponnait à son idéal monastique.
- Apôtre, il a cette foi ardente et impérieuse qui le pousse à travers nos campagnes. Il connaissait profondément la Bible, moins en spéculatif et écrivain comme son Maître St Hilaire, qu’en homme d’action pour éclairer et diriger pratiquement.
- Homme d’Eglise, il maintint avec dignité son indépendance devant César, sans intransigeance excessive. Surtout il eut cette vertu incomparable : la charité, la bonté ! Il disait devant une brebis tondue : “Elle a accompli le précepte de l’Evangile : elle avait deux tuniques ; elle en a donné une à celui qui n’en avait pas !“.

Demandons-lui d’intercéder pour la France qu’il a conquise au Christ, et de nous inspirer les actes de pénitence et de charité cordiale sans lesquels on n’est pas vraiment chrétien.

lundi 8 novembre 2010

Morale !

Lundi - 32e T.O. Morale ? ! Tite 1.1-9

Nous commençons aujourd’hui la lettre de St Paul adressée à Tite que l’apôtre désigne avec grande affection : “mon véritable enfant dans la foi qui nous est commune“. Nous ne savons pas grand-chose de ce disciple que l’apôtre présenta cependant à Jérusalem comme un témoin vivant de la liberté que Dieu prend en ne faisant aucune différence entre Juifs et païens. Aussi, dira Paul, on ne contraignit même pas Tite, mon compagnon, un Grec, à la circoncision“ (Gal. 2.3), afin, avait déclaré St Pierre, de ne pas “imposer à la nuque des disciples un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n’avons été capables de porter“ (Act. 15.10).

On retrouve Tite encore à l’occasion de la grande crise Corinthienne. Il avait été envoyé par St Paul qui avait discerné en lui les qualités d’un fin diplomate. Face à la tragique rupture entre l’Apôtre et la communauté de Corinthe, Tite, ferme et patient tout à la fois, avait certainement trouvé les mots et le comportement appropriés pour dénouer une situation particulièrement délicate.

Par la lettre qui lui est adressée (Cf 1.4) et par la seconde lettre à Timothée (2 Tm 4.10), nous savons qu’il alla en Crète et en Dalmatie pour l’organisation des nouvelles Communautés chrétiennes. C’est le temps où les “Grands Témoins“ que furent les apôtres disparaissent peu à peu (fin 1er siècle). C’est le temps où les Communautés, de plus en plus importantes, doivent non seulement s’organiser mais être de plus en plus attachées “à la Parole digne de foi qui est conforme à l’enseignement“ afin d’“exhorter à la sainte doctrine et de réfuter les contradicteurs“ qui ne manquent pas (le Démon est toujours habile pour les susciter !...)

Aussi, St Paul donne des consignes qui paraissent très morales. Pourtant l’apôtre s’en est toujours pris à une représentation fausse de l’économie du salut, suivant laquelle l’homme mériterait sa propre justification par l’observation de commandements ! Non, dira-t-il, l’homme est justifié gratuitement par le sacrifice du Christ (Cf. Rm 3.21-26 ; 4.4sv).

Alors, n’y aurait-il plus de morale ? Certes pas ! Mais l’idéal moral chez Paul est comme “transfiguré“ par la présence du Christ qui l’a réalisé dans sa vie. Pour Paul, il s’agit toujours de fixer son regard sur le Christ pour adopter des attitudes dignes de lui. Ce n’est pas tellement la référence à des textes interminablement interprétés par une casuistique de plus en plus subtile que l’on peut être sauvé. C’est en regardant le Christ, et, le regardant, en vivant ses mystères. La Loi n’est plus extérieure, mais intérieure : c’est “la Loi du Christ“ (Cf. Ga 6.2), cette “Loi“ qui est gravée dans les cœurs par l’Esprit Saint quand il y répand la charité (Cf Rm 5.5).

Le Christ n’est pas seulement un exemple que nous contemplons de l’extérieur. Le Christ est en nous, espérance de gloire : nous sommes incorporés au Christ et appelés à vivre les mystères du Christ. Tant que l’on n’a pas compris cela, il n’y a pas de morale véritablement chrétienne ; et on risque d’imposer, à nous-mêmes et aux autres, des règlements difficiles à suivre en manquant alors des énergies nécessaires qu’on ne trouve que dans le Christ “répandu et communiqué“ (C’est ainsi que Bossuet définissait l’Eglise !). C’est uniquement en “accueillant le Christ“ que nous sommes capables d’affronter les réalités de l’existence !

Et c’est dans cette perspective que St Paul peut alors énumérer des règles de conduite d’autant plus exigeantes qu’elles ont pour but la sainteté chrétienne. “La volonté de Dieu, c’est que vous viviez dans la sainteté !“ (I Thess 4.3), parce que vous avez le Christ en vous. La Loi - même ancienne - peut alors s’accomplir : “Soyez saints, parce que moi, je suis Saint !“ (Cf Lv 19.2).

samedi 6 novembre 2010

Charité

Samedi - 31e T.O. – Charité ! Phil. 4.10-19

Certains commentateurs font arrêter la lettre de Paul juste avant notre lecture d’aujourd’hui. Celle-ci constituerait un “court billet“ de remerciement envoyé aussitôt les dons que Paul a reçus de la part des Philippiens. Et la lettre que nous connaissons aurait suivi. Mais peu importe finalement.

En tous les cas, en notre passage, il n’est question en effet que de ce que Paul a reçu alors qu’il était dans le dénuement. L’Apôtre remercie avec délicatesse. Mais toujours il élève la réflexion : “Ce n’est pas que je recherche les dons. Car ce que je recherche, c’est le fruit qui s’accroît à votre actif“. - Ce n’est pas le matériel qui importe, mais bien davantage le résultat spirituel. Les dons qu’il reçoit représentent aux yeux de l’apôtre les bonnes dispositions de ceux qui les font, leur sens du sacrifice, leur amour efficace et donc les progrès qu’ils font pour acquérir “une bonne conduite dans le Christ“.

Un adage patristique énonce : “Tu vois ton frère, tu vois le Seigneur Dieu !“.
Un grand spirituel, Mgr Wladimir Ghika (1) écrivait : “Rien ne rend Dieu proche comme le prochain. Et qui voit Dieu lointain, le prochain ne sera jamais bien proche ; pour qui ne voit pas le prochain bien proche, Dieu restera toujours lointain !“.

Il voyait dans “la visite du pauvre“ (C’est le titre de l’un de ses livres) comme une liturgie.
“Double et mystérieuse liturgie
- du côté du pauvre voyant venir à lui le Christ sous les espèces du frère secourable… ;
- du côté du bienfaiteur voyant apparaître dans le pauvre le Christ souffrant sur lequel il se penche.
Et liturgie unique par cela même !
Car si le geste est de part et d’autre ce qu’il faut, il n’y a plus des deux côtés que le Christ rejoint dans deux êtres, à travers deux êtres, le Christ bienfaiteur venu vers le Christ souffrant pour se réintégrer (lui-même) dans le Christ victorieux, glorieux et bénissant…“.

Et il ajoutait, soulignant pour cela l’importance de l’Eucharistie : “Il faut, pour que la liturgie de la “visite du pauvre“ ait sa valeur et sa vie, que la liturgie de l’autel ait été préalablement vécue bien au fond de l’âme. La tâche de charité universelle et sans heure fixe n’est que la dilatation de la messe à la journée et au monde entier ; elle est comme un retentissement d’ondes concentriques autour du sacrifice et de la communion du matin…“.

Tant il est vrai que le véritable sacrifice, c’est l’amour manifesté aux autres hommes : “Car c’est l’amour qui me plaît, non le sacrifice“, disait Dieu par le prophète Osée (6.6), phrase reprise par Notre Seigneur lui-même : Math 9.13. (Cf. Amos 5.22-24).

“N’oubliez pas la bienfaisance et l’entraide communautaire, car ce sont de tels sacrifices qui plaisent à Dieu“, dira l’épître au Hébreux (13.16) qui soulignera encore : “N’oubliez pas l’hospitalité, car, grâce à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges“ (13.2) - c’est-à-dire : Dieu lui-même.

Retenons pour aujourd’hui, si vous le voulez bien, cette formule lapidaire de Mgr Ghika : “Qui se dépouille pour autrui se revêt du Christ“. Et “Plus on donne de son cœur, moins on s’appauvrit !“.


(1) Prince et prélat roumain, tué par les Allemands durant la dernière guerre, et qui, avant celle-ci, fréquentait l’Abbaye de la Source, à Paris. Il a écrit particulièrement “La visite des pauvres !“.

vendredi 5 novembre 2010

La croix !

Vendredi - 31e T.O. – Croix du Christ ! Phil. 3.17-4.1

La lettre de St Paul aux Ephésiens - dont la lecture a été interrompue par les fêtes liturgiques - semblait se terminer au chapitre 3ème. Et soudain, l’apôtre “repart“ pour un autre développement tout différent quant au contenu et au ton employé. Peut-être est-ce fusion de deux textes ? Peu importe d’ailleurs !

En tous les cas, Paul, ce grand “Ardent du Christ“, ne prend pas de gants, si je puis dire : “Prenez garde aux chiens !“ (termes forts, injurieux employés parfois pour désigner les païens débauchés, les renégats, les hérétiques) ; “prenez garde aux mauvais ouvriers ; prenez garde aux faux circoncis… !“.
Prenez garde ! “Beaucoup de gens vivent en ennemis de la croix du Christ !“. Nous apprenons ainsi quelle est la racine de l’erreur que Paul stigmatise et veut combattre énergiquement : le scandale de la croix ! Déjà ! Et c’est de tout temps !

Certes, il est louable de lutter contre toutes les formes de mal ; bien plus, c’est un devoir d’éradiquer le plus possible les causes du mal. Paul ne s’en privera pas ! Il se dépensera de mille manières pour soulager ses frères atteints dans leur chair, dans leur esprit, en tout leur être… Il organisera des quêtes pour l’Eglise de Jérusalem en grande difficulté. Et tout cela, à l’exemple du Christ lui-même qui a grandement lutté contre toutes les formes du mal.

Cependant, l’apôtre s’insurge : alors même que le mal est difficile à expliquer - mais là n’est pas le propos, même si Paul a son opinion sur la question -, alors même que le mal peut obscurcir l’œil de la foi, St Paul, lui, garde constamment son regard fixé sur le Christ, le Christ en gloire qui lui est apparu et qui cependant lui disait : “Saul, pourquoi me persécutes-tu ?“, me fais-tu souffrir ?

Et, d’un seul coup, St Paul a compris qu’ici-bas la vie à la suite du Christ est, si l’on peut dire, comme une tension entre deux saluts, ou, si l’on préfère, entre les deux phases d’un même salut :
- le salut qui nous a été accordé dans et par le signe de la croix du Christ, la souffrance par excellence -.
- et le salut commencé en nous, mais non encore totalement achevé : le parfait accomplissement de notre être, tel que Dieu l’a voulu au matin de notre création reprise en la résurrection du Christ !
Et ces deux saluts n’en font qu’un tellement ils sont inséparables, intimement liés dans le mystère pascal du Christ. Moi-même, dira l’apôtre, je n’estime pas avoir encore totalement saisi le Christ, comme le Christ m’a saisi. Mais je m’élance, tendu en avant pour répondre à l’appel du Christ“ (Cf 3.12-14).

Alors, répond St Paul, à ses détracteurs et adversaires : pourquoi renier la croix du Christ ? Pourquoi détourner son regard de la passion du Christ ? Parce que la souffrance est indigne d’un Dieu fait homme ? Soit ! Mais la souffrance n’est pas digne de l’homme non plus, pas plus que le péché n’est digne de l’homme ! Car, expliquera-t-il aux Romains, le péché est la principale cause du mal. Le péché est signe de haine, de refus de Dieu et des autres. Et Dieu est venu parmi les hommes pour faire de la faute elle-même une “inversion de valeur“, à cause du grand amour qu’il a manifesté jusque dans la souffrance, conséquence du péché !

Comprenez, dira-t-il plus tard, le vieil homme doit mourir sur la croix du Christ avec son péché (cause de tant de souffrances) pour vivre avec le Christ en gloire. Vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus Christ ! (Cf Rm 6.6-11).
Nous détournant du péché non sans souffrance souvent, nous faisons l’apprentissage, le noviciat de la vraie vie en Dieu. Alors, en ce contexte, l’impuissance à souffrir avec le Christ se confond avec l’impuissance à vivre avec le Christ. Pourtant, nous le savons, le Christ est ressuscité ! Il transformera nos corps humiliés à l’image de son corps glorieux !

Aussi, St Paul termine : “Tenez fermes, de cette façon, dans le Seigneur, mes bien-aimés“.