samedi 27 février 2010

Le Pardon ! - Carême 1 Vendredi – (Ez 18, 21-28 - Ps 129 - Mt 5, 20-26)

Dans la justice humaine, quand un homme a commis une faute, un délit, on note tout dans un casier judiciaire ; et même quand la peine encourue pour la faute a été purgée, le dossier reste et ne bouge pas. Le coupable a pu s’amender, se réintégrer dans la société, devenir un bienfaiteur, le casier judiciaire reste indélébile. Le temps qui s’écoule ne change rien à la fiche où sa culpabilité reste décrite.

Ezéchiel nous affirme que les voies de Dieu sont différentes. Dieu n’a qu’un but : la vie du pécheur ! Et, s’il se repend loyalement, tout est effacé. Dieu ne se souvient plus de rien. Ezéchiel est totalement dans la ligne du prophète Osée qui affirme que le pardon est une véritable“ re-création“, que le pardon de Dieu peut être à l’origine d’une alliance, d’un amour plus beau que celui des origines, que celui des fiançailles.

“Le pardon que nous recevons au baptême est si plein et si entier, qu’il ne nous reste absolument rien à effacer, soit de la faute originelle, soit des fautes commises par notre volonté propre, ni aucune peine à subir pour les expier“, dit le catéchisme de l’Eglise catholique de 1992 (§ 978).

Le sacrement de pénitence, pour ceux qui sont tombés après le baptême, opère la même réconciliation totale avec Dieu et avec l’Eglise….
  • § 982 : “Il n’y a aucune faute, aussi grave soit-elle, que la Sainte Eglise, qui a reçu les clefs du Royaume des cieux ne puisse remettre. Il n’est personne, si méchant et si coupable qu’il soit, qui ne doive espérer avec assurance son pardon, pourvu que son repentir soit sincère“…
  • § 983 : “La catéchèse s’efforcera d’éveiller et de nourrir chez les fidèles la foi en la grandeur incomparable du don que le Christ ressuscité a fait à son Eglise : la mission et le pouvoir de pardonner véritablement les péchés, par le ministère des apôtres et de leurs successeurs“.

C’est tout à fait dans la ligne de l’enseignement du saint Curé d’Ars dont nous avons accueilli les reliques :
  • “Le plus grand plaisir de Dieu et de nous pardonner !“
  • “Nos fautes sont des grains de sable à côté de la grande montagne des miséricordes de Dieu !“.
  • “Ce n’est pas le pécheur qui revient à Dieu pour lui demander pardon ; mais c’est Dieu lui-même qui court après le pécheur et qui le fait revenir à lui !“.

Par le sacrement de réconciliation, Jésus accomplit cette nouvelle alliance que les prophètes avaient entrevue. Il devient l’agneau qui porte le péché du monde !

Cependant, il faut souligner que l’’Evangile nous montre ce que la prise de conscience du don et du pardon de Dieu pour chacun de nous doit avoir pour conséquence : nous devons être pour les autres ce que Dieu est pour nous ; nous comporter avec les autres avec la même gratuité que Dieu a manifestée pour nous ! Nous avons tous des sentiments de culpabilité qui continuent à traîner au fond de notre conscience, mais souvent ils sont mal placés. Le meilleur moyen de les exorciser est de nous comporter pour le prochain comme Dieu s’est comporté avec nous.

Mt 5, 23-24 :“Lorsque tu vas présenter ton offrande à l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande”.

Le Saint Curé d’Ars disait de façon assez catégorique : “Le Bon Dieu ne pardonnera qu’à ceux qui auront pardonné : c’est la loi !“.

Je crois que nous avons tous un effort à faire pour rétablir la hiérarchie des valeurs. Les meilleurs auteurs spirituels disent que le meilleur moyen de se débarrasser des scrupules et de nous faire pardonner les fautes que nous commettons tout au long de notre existence, est d’adopter pour les autres le comportement de bienveillance, d’accueil, et de gratuité de Dieu à notre égard, de faire pour eux ce que Dieu a fait pour nous.

Ceux qui pardonnent véritablement sont souvent des êtres qui ont été eux-mêmes blessés. Mais, plutôt que d’étendre la contagion du mal qu’on leur a fait, ils l’arrêtent à eux-mêmes ! Ils en épuisent le venin. Au lieu de garder des poings serrés prêts au pugilat, ils ouvrent les mains pour toute générosité. Et la bonté finit par submerger la souffrance et la rancune.

Cette “transmutation“ qui s’accomplit souvent dans le secret est l’acte à la fois le plus humain et le plus divin…, le plus rédempteur ! Ceux qui pardonnent, non seulement transfigurent leurs propres blessures grâce au rayon divin du soleil de Pâques, mais contribuent à guérir la plaie qui court toujours sur le visage de l’humanité et qui la défigure depuis les origines : la violence !

Lamek avait dit aux origines de l’histoire : vengez-vous 77 fois ! (Gen 4.24).

Jésus dira : pardonnez 70 fois 7 fois ! (Mth 18.22).

jeudi 25 février 2010

Prier… avec Marie ! - Carême 1 – Jeudi - (Est 14, 1... 14 - Ps 137 - Mt 7, 7-12)

Les lectures d’aujourd’hui sont centrées sur la prière de demande, son importance, son efficacité.

Dieu sait ce qu’il y en nous. Il “sonde les reins et les cœurs“ (Ps 7.10). Rien ne lui est caché. Il sait ce dont nous avons besoin avant même que nous le lui demandions (Cf. Mth 6.8). Et pourtant il veut que, sans multiplier les paroles inutiles comme le font les païens (Cf. Mth 6.7), nous formulions nos demandes dans la prière. C’est le meilleur moyen de prendre conscience de notre condition de créature et de notre entière dépendance envers Lui à qui nous “devons tout“ (2 Co. 5.18), notre être et notre avoir.

C’est ce sentiment que notre propre respiration doit manifester : à chaque seconde, nous aspirons un souffle de vie qui vient de Dieu ; à chaque seconde, nous expirons ce souffle de vie comme une louange envers Celui qui nous le donne. Viendra un moment où nous rendrons notre dernier souffle au Dieu Créateur, mais dans la certitude que Dieu à qui nous remettrons ce dernier souffle pourra nous le rendre… éternellement dans le Souffle de son Esprit d’Amour - qui déjà habite en nous depuis notre baptême -, ce Souffle de Vie en la Sainte Trinité elle-même ! Rm 8,11 : « Et si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. »

Et Jésus, comme à plaisir, pour nous faire comprendre ce qu’il veut nous dire, prend ses exemples, ses paraboles, dans notre comportement ordinaire même s’il n’est pas toujours conforme à la morale. Je pense particulièrement à la parabole du débiteur qui se débrouille au moment de rendre des comptes de son administration : il nous invite à nous inspirer de son habileté pour faire le bien. Les fils de lumière devraient s’inspirer pour faire le bien de l’habileté que déploient les fils du mal pour se débrouiller à leur manière.

De même, Jésus nous dit aujourd’hui à propos de la prière : « si vous, tout mauvais que vous êtes, vous savez trouver de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui le lui demandent ».

Le texte de la lecture ne fait pas partie de la Bible hébraïque (du texte de la “Méguillot Esther“). Il vient du texte grec de la Bible des Septante composée au 3ème siècle, à Alexandrie, au temps des Ptolémée, à l’usage des Juifs qui ne savaient plus très bien l’hébreu. La Septante n’est pas une simple traduction ; il y a aussi des rajouts dont la “prière d’Esther“. Mais peu importe. La tradition chrétienne, elle, a retenu cette belle prière.

Le livre d’Esther est devenu une sorte d’Apocalypse illustrant la victoire finale du bien sur le mal. Et parce que le livre d’Esther, dans la perspective chrétienne, marque la “victoire de la femme“ annoncée par le livre de la Genèse (3.15) et illustrée tout au long de l’histoire biblique (1), notre lecture oriente la pensée vers la dévotion en Marie, Mère de Dieu, médiatrice dont l’intercession a une puissance irrésistible sur le Christ dont elle est la mère. C’est une occasion de raviver notre piété envers Notre Dame qui ne ternit en rien la pureté de la foi en l’intercession unique du Christ dans l’Esprit Saint.

A ce propos, je me permets de lire, en conclusion, un passage du Concile Vatican II (Lumen Gentium n° 62) : “Après son Assomption au ciel, son rôle (le rôle de Marie, mère du Christ), dans le salut (des hommes) ne s'interrompt pas : par son intercession répétée, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel. Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n'est pas achevé, ou qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu'à ce qu'ils parviennent à la patrie bienheureuse.
C'est pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans l'Eglise sous les titres d'avocate, d'auxiliatrice, de secourable, de médiatrice, tout cela cependant entendu de telle sorte que nulle dérogation, nulle addition n'en résulte quant à la dignité et à l'efficacité de l'unique Médiateur, le Christ.

Aussi, adressons-nous souvent à Marie, le femme par excellence ! Elle est Mère, Mère du Christ et, de ce fait, notre Mère. Comme une mère, elle sait parfaitement nous obtenir les secours dont nous avons besoin. Sa prière sera encore beaucoup plus efficace que celle d’Esther si magnifique pourtant : “Sainte Marie, priez pour nous…“.

  1. Judith, Déborah… la femme de Shunem, Ruth la Moabite que Matthieu place dans sa “généalogie… et bien d’autres…

mercredi 24 février 2010

Jonas – “signe de Jonas“ ! - Carême 1 – Mercredi - Jon 3, 1-10 - Ps 50 - Lc 11, 29-32

Jonas ! On le connaît surtout par l’histoire de la baleine… qui avale Jonas ! En fait, dans le texte, il n’est pas question de baleine (qui a une grande gueule mais un tout petit gosier !) mais d’un gros poisson ! - Plus sérieusement, quand on parle de Jonas, il faut distinguer trois aspects : il y a le “Jonas historique“, le “livre de Jonas“ et, dans l’Evangile, le “signe de Jonas“.

Le Jonas historique a droit à quelques lignes dans le 2ème livre des Rois : “En la quinzième année d'Amasias, Jéroboam fils de Joas devint roi d'Israël à Samarie ; il régna 41 ans. Il fit ce qui déplaît à Dieu... C'est lui qui recouvra le territoire d'Israël, depuis l'Entrée de Hamat jusqu'à la mer de la Araba, selon ce que le Seigneur, Dieu d'Israël, avait dit par le ministère de son serviteur, le prophète Jonas fils d'Amittaï, qui était de Gat-Hépher. » (2 R 14,23-25).

Ce passage est curieux : Jéroboam II (783-743 : 41 ans !) fut un mécréant. Et pourtant, bien qu’il fût pécheur, il recouvra le territoire du Nord jusqu’au sud. C’est très curieux ! C’est le problème de la rétribution qui est mis en cause : voilà un “méchant“ qui est récompensé, et cela “par l’intermédiaire du prophète Jonas ! On ne sait pas grand-chose de plus. C’est étrange ! Il prédit à ce mécréant qu’il sera récompensé ! Un comble !

A un deuxième niveau de pensée, on a le livre de Jonas. On situe sa rédaction au temps du retour de l’exil de Babylone. A cette époque, sous l’inspiration d’Esdras et de Néhémie, le peuple élu développait une forte tendance à se renfermer sur lui-même par peur de perdre son identité. Et cette tendance tournait au particularisme : on oubliait la vocation universaliste du peuple élu ! - Alors arrive un auteur plein d’humour qui s’empare du personnage de Jonas et compose le “livre de Jonas“ où il montre que les païens, - de l’Ouest comme les marins du bateau où Jonas s’embarque à Jaffa pour à Tharsis, ou de l’Est comme les Ninivites -, valent aussi bien que ses compatriotes puisqu’ils sont capables, eux aussi, de se convertir au Dieu Vivant ! L’auteur utilise le “style anthologique“, de comparaison (1) : les païens, même s’ils vivent en mécréants comme Jéroboam II au temps du prophète Jonas, sont capables de se convertir ! Il veut montrer que le Dieu d’Israël, “lent à la colère et plein d’amour“ est un Dieu de miséricorde qui appelle des païens à se convertir (même si cela ne “marche“ pas toujours, comme pour Jéroboam II).

En tous les cas, il est intéressant de remarquer au passage que Dieu peut inspirer des courants de pensées apparemment antagonistes (“repliement“ et “ouverture“). On les croit totalement opposés, parallèles. En fait, ils sont assez convergents. Et ils se réuniront à un niveau où notre intelligence n’arrive pas encore ! Toujours le problème des “intégristes“ et des “progressistes“, alors qu’il s’agit d’être tous des “progressants”. - A l’époque où Esdras et Néhémie, prophètes inspirés, ont une politique de préservation (de repliement), Dieu suscite aussi cet auteur du livre de Jonas qui montre que même aux païens, Dieu envoie un seul prophète, un tout petit prophète ! Et les païens se convertissent, tandis que le peuple, à cette époque-là, a encore des progrès à faire. On beaucoup de leçons à apprendre sur ce sujet ! On est tous aux prises avec des courants antagonistes. Sachons surtout être des “progressants“ sous l’action de l’Esprit Saint !

Et il y a le “signe de Jonas“. Et St Luc, justement, dans l’Evangile centre notre attention sur le principal : la conversion des païens, alors que les juifs, disons plutôt les dirigeants du peuple juif à son époque, se montrent sceptiques envers le messianisme de Jésus. Rappelons-nous : après la multiplication des pains, les Pharisiens et les Sadducéens lui demandent de leur montrer un signe venant du ciel. Et Jésus répond : “Au crépuscule vous dites : Il va faire beau temps, car le ciel est rouge feu ; et à l’aurore : Mauvais temps aujourd’hui, car le ciel est d’un rouge sombre. Ainsi, le visage du ciel, vous savez l’interpréter, et pour les signes des temps vous n’en êtes pas capables ! Génération mauvaise et adultère ! Elle réclame un signe ; et de signe, il ne lui sera donné que le “signe de Jonas“. Et les laissant, il s’en alla“. (Mt 16,1-4). Le “signe de Jonas, ce sont les païens qui se convertissent ; et ils viennent du nord, du sud, de l’ouest ou de l’est ! St Luc le montrera fortement dans les Actes des apôtres ! (2)

Comme conclusion, je dirais : si la liturgie d’aujourd’hui n’a retenu que l’idée de conversion, c’est qu’elle nous concerne tous ! Surtout en ce temps de Carême. Dieu qui nous appelle au repentir nous dit encore que lui aussi peut se repentir en pardonnant nos infidélités, nos froideurs et en nous accueillant comme le père de la parabole accueillait son enfant prodigue à son retour.

  1. Le P. Laurentin a bien expliqué dans son livre sur St Luc ce qu’est le “style anthologique“. Il prend une lettre de Mme de Sévigné. Et on ne comprend pas ce qu’elle veut dire. On tourne la page ; et on trouve deux colonnes : la lettre de Mme de Sévigné et une fable de La Fontaine. Alors quand on voit ce à quoi Mme de Sévigné fait allusion, on comprend tout de suite ce qu’elle a voulu dire. Dans la Bible, il y a beaucoup de livres écrits ainsi : on passe à côté de ce qu’on a voulu dire si on ne connaît pas certains textes supposés connus. Et justement, le livre de Jonas est truffé de textes supposés connus.
  2. Et à propos du salut de tous les hommes quel qu’ils soient, quand on parle de Jonas, on pense surtout à la baleine ou au grand poisson. Aussi, l’iconographie chrétienne s’est beaucoup inspirée de la disparition de Jonas dans le ventre du poisson, comme un symbole de la mort et de la résurrection du Christ. St Matthieu le note : « De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant trois jours et trois nuits, de même le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits. » (12,40). Oui, le Christ, par son mystère pascal, a voulu sauver tous les hommes ! St Paul l’affirmera fermement !

mardi 23 février 2010

La Parole de Dieu ! - Carême 1 – Mardi - (Is 55,10-11 - Ps 33 - Mt 6,7-15)

La lecture nous présente un des plus beaux textes du prophète Isaïe où il nous parle de la fécondité de la Parole de Dieu. Il faudrait lire tout le ch. 55ème dont notre texte ne nous offre que quelques versets.

Hier, la lecture du Lévitique nous rappelait que nous sommes héritiers du peuple Elu, intégrés dans ce que St Paul appelle “l’Israël de Dieu“.

Aujourd’hui, nous sommes invités à méditer sur ce qui a créé le peuple élu et qui le maintient dans l’existence : la PAROLE de Dieu qu’il faut écouter chaque jour et dont il faut se laisser féconder pour vivre selon ses voies, ses pensées qui ne sont pas celles du monde ! Tous les jours le “psaume invitatoire“ (95ème) qui commence la liturgie des heures nous fait réciter cette invitation : « Aujourd’hui, si vous écoutez ma voix !». Et comme tout bon Juif, Jésus connaissait par cœur la célèbre prière :

« Écoute, Israël : Yahvé notre Dieu est le seul Dieu. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. Que ces paroles que je te dicte aujourd'hui restent dans ton cœur ! Tu les répéteras à tes fils, tu les leur diras aussi bien assis dans ta maison que marchant sur la route, couché aussi bien que debout... ». (Dt 6,4-9).

Il y a un texte qu’il faut retenir également. C’est après l’une des révoltes du peuple hébreu dans le désert. Moïse dit au peuple : "Si tu écoutes bien la voix du Seigneur ton Dieu et fais ce qui est droit à ses yeux, si tu prêtes l'oreille à ses commandements et observes toutes ses lois, tous les maux que j'ai infligés à l'Égypte, je ne te les infligerai pas, car je suis le Seigneur, celui qui te guérit".

J’ai peut-être eu déjà l’occasion de vous le dire (et veuillez me pardonner si je me répète. Si c’est le cas, c’est que je commence à vieillir sérieusement !) : Dans la Bible, le contraire de prêter l’oreille, d’écouter, c’est “avoir la nuque raide“ ! Cette attitude me fait penser également à une sculpture de l’une de nos cathédrales (je ne me souviens plus laquelle) où l’attitude de celui qui ne veut pas écouter est représentée par un aspic qui se colle une oreille contre terre et se bouche l’autre avec sa queue !

“Tendre l’oreille“ ou “avoir la nuque raide“ ! L’oreille (spirituelle surtout), est extrêmement importante ! Les rabbins font remarquer - (et nous trouvons cela aussi dans Aristote -“De natura rerum“ -) que nous avons deux oreilles et une seule bouche. On pourrait en tirer bien des conclusions. En tous les cas, on devrait écouter beaucoup plus que parler ! Et puis, remarquons encore que la bouche peut être fermée deux fois : une fois avec les dents et une fois avec les lèvres. Mais on ne peut pas fermer les oreilles ! Chez le prophète Isaïe, l’oreille semble plus importante que la bouche : “Le Seigneur Dieu m'a donné une langue de disciple pour que je sache apporter à l'épuisé une parole de réconfort. Il éveille chaque matin, il éveille mon oreille pour que j'écoute comme un disciple. Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille, et moi je n'ai pas résisté, je ne me suis pas dérobé“. (50.4).

On devrait donc écouter plus que l’on ne parle. Si du temps qu’on passe à discuter des problèmes divers…, on en consacrait une bonne part à écouter le Seigneur qui nous parle de manières diverses ! Le document qui est au début de la “Liturgie des heures“ conseille : quel que soit le sujet pour lequel on se réunit, on devrait, quand on est chrétien, commencer par l’écoute de la Parole : la prière !

Et puis, dans le texte de l’Exode, il y a cette petite phrase importante à propos de la Parole de Dieu : “Car je suis le Seigneur, celui qui te guérit !“. “Qui guérit“ : “Rophèka“, mot qui vient de “Rapha“. Dans le livre de Tobie, Dieu se manifeste sous les apparences d’un ange qui s’appelle “Raphaël“ : “Dieu soigne !“.

Jésus, lui, a fait nombre de miracles. Et particulièrement il a guéri des aveugles et des sourds.

Demandons-lui, tous les jours, que la Parole de Dieu qui entre par les oreilles descende jusqu’au fond de nous-mêmes, jusqu’à notre cœur - le cœur dans la Bible, ce n’est pas simplement la sensibilité, c’est la “faculté de projet“ - et qu’elle entraîne comme un rebondissement de tout notre être pour accomplir la volonté de Dieu, dans une action de grâces continuel !

A ce sujet, je me permets de vous transmettre l’oraison de ma profession religieuse en un jour de fête de Notre Dame, celle qui a accueilli merveilleusement le “Verbe de Dieu“ :

“Qu’à ton Verbe, Seigneur,
l’Esprit-Saint ouvre l’oreille et le cœur de ton serviteur,
et qu’il le conduise jusqu’à Toi
par cette voie ornée de ses splendeurs (Marie), par laquelle ton Fils Unique descendit jusqu’à nous“ !

lundi 22 février 2010

Dieu, le Saint, le Séparé… et le Miséricordieux ! - Carême 1 – Lundi - Lv 19, 1-2.11-18 - Ps 18 - Mt 25, 31-46

Le chapitre 19ème est central dans le livre du Lévitique. C’est sur lui que se fonde l’idéal de la vie morale dont nous sommes héritiers et qui consiste à adopter les mœurs mêmes de Dieu : “Soyez saints, car moi le Seigneur votre Dieu, je suis saint”

La première signification du mot saint, c’est “séparé“. Dieu est “trois Saint“, c’est-à-dire le complètement “Autre“, totalement différent de tout le créé. “À qui me comparerez-vous, dont je sois l'égal ? dit le Saint“. (Is 40.25) “À qui voulez-vous m'assimiler et m'identifier, à qui me comparer, à qui suis-je semblable ?“. (Is 46.5). Et il est vrai qu’on ne peut dire quelque chose de Dieu qu’en maniant très prudemment l’analogie à partir de sa création, en évitant non seulement l’idolâtrie mais l’anthropomorphisme. On connaît Dieu également par ses interventions dans l’histoire, par ses délivrances qui font chanter, comme a chanté Moïse après le passage de la Mer Rouge : “Qui est comme toi parmi les dieux, Seigneur ? Qui est comme toi illustre en sainteté, redoutable en exploits, artisan de merveilles ?“

« Qui est comme toi » ? C’est une réflexion permanente à travers la Bible !

Ce Dieu saint, ce Dieu unique et séparé, s’est choisi un peuple qui en obéissant à ses lois reflète ses attributs. Et justement, le premier de ses attributs, c’est la “sainteté“, la “séparation“. Ce sera donc la caractéristique première d’un peuple que Dieu a choisi, élu, avec qui il a contracté une alliance.

A l’époque de la rédaction du Lévitique, l’accent est mis sur la séparation. Les Cananéens qui peuplent la Terre promise où le peuple d’Israël vient d’entrer, ont des mœurs souvent abominables. On sacrifie des enfants, les perversions sexuelles sont répandues, le mensonge et la violence règnent. On peut d’ailleurs facilement s’en faire une idée en regardant le monde actuel. Et Jésus dira explicitement qu’il ne faut pas aimer ce monde où règne toujours la convoitise, l’égoïsme et une idolâtrie qui, pour être moins grossière que dans l’antiquité, est tout aussi présente, plus dangereuse encore par son raffinement et son élégance. La morale chrétienne comporte bien des ruptures et des séparations par rapport au monde : « Si le monde vous hait, sachez que moi, il m'a pris en haine avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait son bien ; mais parce que vous n'êtes pas du monde, puisque mon choix vous a tirés du monde, pour cette raison, le monde vous hait. » (Jn 15, 18-19). Il faut s’en souvenir en ce temps de Carême !

Pourtant, pourtant…, l’idée de séparation qui était la vertu principale du croyant, au départ, devient peu à peu secondaire. Lors de la vocation de Matthieu, us scandalise les gens de son entourage en se mêlant aux publicains et aux pécheurst comment répond-il aux reproches des pharisiens ? En leur rétorquant ; «Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux ! ».Le principe de base « Soyez saints parce que je suis saint » devient : « soyez miséricordieux comme votre père céleste est miséricordieux ». L’accent n’est plus mis sur la séparation mais sur l’accueil, la rencontre, un apriori de bienveillance. Le Sauveur n’est pas venu pour les justes mais pour les pécheurs. Ceux qui se croient justes et se considèrent comme une élite dans la pratique des observances, une pratique souvent alourdie par les casuistiques minutieuses, se voient condamnés.

Quant à l’Evangile de St Matthieu que l’on vient d’entendre, il laisse à penser qu’au jour du jugement dernier il n’y aura plus que deux catégories de gens.
  • Ceux qui au cours de leur vie ont profité de toutes les occasions de pratiquer la bienfaisance et la charité pour sortir de leur égoïsme et
  • ceux qui pratiquent l’égocentrisme.

On dirait que la séparation n’existe plus qu’entre ces deux catégories de gens. Les portes du Royaume s’ouvrirent sur ceux qui, sans même s’en rendre compte, ont fait du bien à Dieu lui-même, en s’occupant des plus pauvres, des démunis. Le Roi dira : « Amen, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à Moi que vous l’avez fait ». On a l’impression que tous les problèmes d’œcuménisme, de désunion, de réunions idéologiques, auront disparu. Tous ceux qui ont pratiqué la miséricorde et la compassion entrent dans le Royaume, comme si tous les autres problèmes s’étaient évanouis.

Oui, vous n’êtes pas du monde ! Vous êtes “séparés“ ! Vous devez être “saint“ comme votre Père céleste est “Saint“. Mais notre Père céleste est miséricordieux !

C’est un grand sujet de méditation en ce temps de carême !

vendredi 19 février 2010

Le jeûne véritable ! - Vendredi après Cendres. - Is 58, 1-9a - Ps 50 - Mt 9, 14-15

Dans le bref Evangile d’aujourd’hui, Jésus remet en place ceux qui se scandalisent de voir que certains ne pratiquent pas les observances que l’on faisait de son temps. Il leur reproche de se mêler de ce qui ne les regarde pas ! Et puis, comme le dit si bien Qohélet, il y a un temps pour tout.

(cf. Qo 3 : “un temps pour planter et un temps pour arracher ; un temps pour pleurer et un temps pour rire ; un temps pour sa lamenter et un temps pour danser etc…)

N’oublions pas également cet enseignement parallèle de Notre Seigneur : "Deux hommes montèrent au Temple pour prier ; l'un était Pharisien et l'autre publicain. Le Pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : "Mon Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou bien encore comme ce publicain ; je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que j'acquiers". Le publicain, se tenant à distance, n'osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine, en disant : "Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis !". Je vous le dis : ce dernier descendit chez lui justifié, l'autre non !". (Lc 18, 10 -14)

Avec une lucidité que pourraient envier un nouveau Marx ou certains spécialistes en psychologie moderne, Jésus montre que, de fait, la pratique religieuse peut devenir “l’opium du peuple“ ou, quand elle n’est que pur formalisme, un moyen de rassurer la conscience en évitant de la promener dans des fautes beaucoup plus graves qu’on commet envers Dieu et dans nos relations avec les autres.

"Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui acquittez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, après avoir négligé les points les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et la bonne foi ; c'est ceci qu'il fallait pratiquer, sans négliger cela" (Mt 23.23).

Ce n’est pas un hasard que l’Evangile d’aujourd’hui a été choisi en ce début de Carême pour nous mettre en garde contre le formalisme que peut révéler l’observance religieuse.

A certaines époques on a mis tellement l’accent sur ces observances extérieures que cela a provoqué parfois chez les chrétiens un besoin de défoulements ; et on n’avait pas trouvé de meilleur moyen de réagir contre cette exagération formaliste qu’en faisant précéder le Carême par le carnaval (“Carne vale“ : Porte-toi bien avec de la viande aujourd’hui, car demain, jour des Cendres, ce sera trop tard !). Résultat : désormais, dans le monde, on parle davantage de carnaval que de Carême. Et se déchaînent ripaille, lubricité, bouffonnerie… ; et les agences de Tourisme font fortune proposant mille et mille défoulements…

Quelques siècles avant Jésus, le prophète Isaïe avait réagi contre le formalisme religieux d’une manière qui pourrait être actualisée afin de dénoncer de manière encore plus percutante certaines situations en lesquelles nous sommes plongés.

Il est bon de jeûner, disait Isaïe, et même d’en faire une pratique collective ! Mais que cela ne serve pas de paravent derrière lequel on continue à pratiquer ou seulement tolérer injustices et violences.

Quel est le jeûne qui plaît à Dieu ?, demande toujours ce prophète qui était issu pourtant d’une noble famille. Certainement pas celui qui nous éviterait de faire les vraies réformes, celles qui rétablissent l’harmonie et la paix. « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés Fils de Dieu !», dira Notre Seigneur. On pointe du doigt parfois les méfaits de la mondialisation dont on parle beaucoup actuellement. Et c’est vrai qu’elle entraîne souvent de terribles injustices. On ferme parfois des usines pour de simples motifs d’intérêts économiques, pour les “délocaliser“, comme on dit, afin de trouver de la main d’œuvre moins chère en des pays où on accélère la production en surmenant des travailleurs - et parfois des enfants - réduits plus ou moins en esclavage. Et sans y penser, on profite des produits “à bon marché“ qui en résultent ! Mais ce que l’on fait au plan mondial, on le fait, à échelle réduite, dans nos relations familiales, sociales… Tout est si facilement subordonné aux intérêts égoïstes.…

Quel est donc le jeûne qui plaît à Dieu ? Une grande question pour un chrétien ! Pas toujours facile à discerner et à résoudre ! « N'est-ce pas plutôt ceci, le jeûne que je préfère, répondait Isaïe : défaire les chaînes injustes, renvoyer libres les opprimés, et briser tous les jougs ? N'est-ce pas partager ton pain avec l'affamé, héberger chez toi le pauvre sans abri ; ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair ? » (Is 58.6-7).

Grande question dont on ne peut se désintéresser en ce temps de carême !.

mercredi 17 février 2010

Le Désert ! - Mercredi des Cendres.

Le Carême : une période de quarante jours !

A l’exemple du Christ : “Jésus, rempli d’Esprit Saint, revint du Jourdain et il était dans le désert, conduit par l’Esprit, pendant quarante jours“ (Lc 4.1).

Bien sûr, le chiffre “quarante“ (années d’une génération pour les Anciens) désigne une période assez longue dont on ne connaît pas la durée exacte (Cf. Gn. 7.4 - Ex. 24.18). Ici, cette période évoque sans doute le temps que Moïse passa sur la Montagne (Ex. 34.28 – Dt. 9.9,18) ; elle symbolise probablement les quarante années qu’Israël passa dans le désert (Nb. 14.34) auxquelles se rapportaient déjà les quarante jours de marche d’Elie (I Rois 19.8).

Ainsi, de même, nous sommes invités et même “poussés“ par l’Esprit au désert pour mieux nous retrouver sous le regard de Dieu. Le désert est à géométrie variable ; mais c’est toujours le lieu où l’on désire retrouver Dieu mille fois mieux qu’au milieu des distractions du monde dans lequel nous sommes si facilement plongés. Il est bon de nous retrouver nous-mêmes dans la loyauté sous le regard du Seigneur !

Nous sommes invités ; nous sommes “poussés“ par l’Esprit… ! A nous de répondre. Dieu ne veut pas abolir notre liberté qu’il a lui-même créée et dont il est plus jaloux que nous ! Il nous invite au désert pour retrouver au contraire une liberté bien souvent entravée par nos convoitises, pour retrouver cette limpidité du regard qui vient de la pureté du cœur, qui aspire alors à tout unifier, à recentrer toutes nos activités dans le PRINCIPAL. Si on obéit à cette sollicitation, c’est pour expérimenter cette parole de David après sa faute : “Tu aimes, Seigneur, la vérité au fond de l’être“ !

Le prophète Osée présente Dieu comme un époux jaloux, éperdument amoureux : il ne se résigne pas à ce que nous perdions le bonheur que Lui seul peut nous donner : “C’est pourquoi, je vais la séduire ; je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur“ (Os 2.16).

Il y a, en hébreu, un jeu de mots bien connu et significatif : “au désert, je parlerai !“ (“midbar dibarti“) : C’est le désert qui est le lieu idéal pour écouter la voix de Dieu. La Parole de Dieu ne résonne pas toujours dans les éclairs et le tonnerre comme au temps de Moïse, encore moins dans les lieux aux milles distractions… comme l’Egypte(le monde !). La voix de Dieu se fait davantage entendre, comme au temps du prophète Elie, dans un “souffle doux et léger“. Il faudrait même traduire : “dans l’éclatement d’un silence“ ou “dans une poussière de silence“. Oui, le silence du désert est nécessaire pour discerner la voix du Seigneur. A chacun de trouver ce désert où l’Esprit nous pousse à entrer.

Dans cette phrase d’Osée, il y a même un mot très impressionnant : “Je vais la séduire !“ Dieu veut nous séduire ! Et le verbe, dans la Bible - que nul n’en soit choqué ! - est employé quand on parle d’une jeune fille qui a été entraînée à l’écart pour s’unir à elle… C’est ce verbe qui est ainsi employé dans l’histoire de Dalila que les Philistins chargent de “séduire“ Samson pour le dépouiller de sa force. Ce verbe “séduire“ est encore employé quand Dieu s’en prend à un prophète qui renâcle devant la mission dont il a été chargé !

Tu m'as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire ; tu m'as maîtrisé, tu as été le plus fort.

Je suis prétexte continuel à la moquerie, je suis la fable de tout le monde. Chaque fois que j'ai à parler, je dois crier et proclamer : "Violence et dévastation !". La parole du Seigneur a été pour moi source d'opprobre et de moquerie tout le jour !

Alors je me disais : Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son Nom ; mais c'était en mon cœur comme un feu dévorant, enfermé dans mes os. Je m'épuisais à le contenir, mais je n'ai pas pu“. (Jer. 20.7-9)

Ainsi - ne nous en étonnons pas ! - l’amour que Dieu a pour nous emploie parfois la manière forte ! “Si tu savais le don de Dieu !“.

Aujourd’hui, laissons-nous conduire au désert. Quelle que soit la méthode employée par Dieu, c’est celle qui convient le mieux, car c’est lui qui nous connaît et nous aime le plus ! Il sait comment s’y prendre envers chacun de nous sans nous tenter au-dessus de nos forces. Sachons-nous nous abandonner à sa providence aimante et miséricordieuse !

lundi 15 février 2010

Incompréhension ! - 6 T.O p. Lundi – (Mc 8)

Je vous propose de lire, de méditer chez vous tout le chapitre 8ème de St Marc qui va être interrompu, pour nous, par le “temps du Carême“ !

Notre récit se situe juste après la multiplication des pains ! Normalement, pour un Juif qui se souvient de la manne, du désert, de Moïse, de la pérégrination du peuple dans le désert, etc…, Jésus apparaît là comme le vrai Moïse que Moïse lui-même a prédit (Cf. Dt. 28). Or, c’est à ce moment-là que les pharisiens - comme par hasard ! – “sortent“, discutent avec Jésus. Mais ils n’admettent pas la signification de la multiplication des pains ! Eux qui auraient du comprendre, ils demandent un autre “signe“ !

Jésus, énervé de leur opposition systématique, s’écrie : "… Il ne sera pas donné de signe à cette génération." – “Et les laissant là, il s'embarqua de nouveau et partit pour l'autre rive“. Autrement dit, Il les “plaque“ sèchement, comme on dit vulgairement !

C’est alors que dans le récit, il y a un événement un peu curieux mais fort intéressant (8.14sv) : les disciples avaient oublié de prendre des pains ! Or Jésus, lui, leur faisait cette recommandation : "Ouvrez l'œil, gardez-vous du levain des Pharisiens !". Mais eux de faire encore cette réflexion : ils n'ont pas de pains ! Ce qui “énerve“ Jésus : "Pourquoi faire cette réflexion, que vous n'avez pas de pains ? Vous ne comprenez pas encore ? Avez-vous donc l'esprit bouché, des yeux pour ne point voir et des oreilles pour ne point entendre ?" – Et il leur donne à nouveau une explication de la multiplication des pains !

Cette scène montre que Jésus a bien connu la condition humaine… toute entière ! Quand on a fortement discuté avec quelqu’un, après l’entrevue, les arguments continuent à tourner dans la tête… ! Ainsi, Jésus, après l’affrontement avec les pharisiens, pense avoir quelque réconfort auprès de ses apôtres qui, eux aussi, auraient dû comprendre. Et voilà que Jésus se retrouvant dans la barque avec eux, ceux-ci s’aperçoivent qu’“ils avaient oublié de prendre des pains” : “Ils n’avaient qu’un seul pain avec eux dans la barque”. Alors que Jésus, pensant toujours à la discussion avec les pharisiens, leur dit : “Ouvrez l'œil et gardez-vous du levain des Pharisiens”. Alors, les disciples se regardent et constatent qu’ils ont bien oublié le “pique-nique” !

Méprise ! Il y a deux registres de pensées : Jésus préoccupé de la signification de la multiplication des pains qui a provoqué la réaction négative des pharisiens … ; et registre de pensées des apôtres qui en restent, eux, au pain matériel… !

“Ne comprenez-vous donc pas ?” - On sent combien Jésus se sent incompris non seulement de ceux qui ne sont pas d’accord avec lui, non seulement de sa famille, de ses proches… mais aussi de ses apôtres. Jésus s’enfonce et s’enfoncera de plus en plus dans la solitude de sa mission messianique.

La pensée de Jésus évolue toujours dans la dimension verticale de signification. Le signifié est pour lui plus important que le signifiant : il y a le vent et l’Esprit ; l’eau et l’eau vive ; le vin et le sang ; les noces et l’Alliance… Ici, c’est la même ambiguïté. Les apôtres raisonnent au plan horizontal : l’eau, c’est H2O ; ça sert à laver, à boire. Mais la signification de l’eau ?… Or Jésus pense dans la dimension de la signification. Le levain des pharisiens, c’est cette doctrine qui empêche les spontanéités spirituelle de jaillir, qui bouche l’intelligence, qui empêche… ! Jésus parle très cruellement, à d’autres endroits, de ceux qui ont pris la clef de la science, qui empêchent les autres d’entrer et qui ne sont pas entrer eux-mêmes. C’est terrible, cela !

Alors dans St Marc - il est le seul à le rappeler -, à Bethsaïde, il y a la guérison d’un aveugle. Dans l’évangile, il y a beaucoup de guérison d’aveugles. Ce sont les aveugles qui ne voyaient pas clair et qui se mettent à voir clair. Leur l’intelligence accède à la compréhension du dessein de Dieu, à la folie de Dieu qui est plus sage que la sagesse des hommes.

Nous avons tous besoin d’un tel miracle. Nous sommes tous “bouchés”. Nous avons des yeux pour ne pas voir…, des oreilles pour ne pas entendre… !

En St Jean, Jésus avait dit : “Ma chair est une vraie nourriture… !”. On trouve ce langage trop dur. Et beaucoup s’en vont… Jésus dit alors aux Douze : "Voulez-vous partir, vous aussi ?". Simon-Pierre lui répondit : "Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu".

Nous sommes là comme au sommet de la manifestation de Jésus… La multiplication des pains, c’est le “GESTE“ de Jésus, par excellence, en lequel il se met tout entier, Geste qu’il nous a laissé en mémorial, Geste auquel on le reconnut après sa résurrection.

Et quand on est prêtre, chrétien, on ne se lasse pas de faire ce Geste en la personne du Christ, en offrant le sacrifice eucharistique. Parce que c’est toute la condition humaine, royale et sacerdotale, qui est comme restaurée. Comme c’est consolant, en notre vie, de pouvoir faire un geste auquel déjà il ne manque rien : “Par lui, en lui, avec lui… dans l’Esprit Saint, tout honneur et toute gloire” !

vendredi 12 février 2010

Les miracles de Jésus ! (Mc 7.31 sv) - 5 T.O p. Vendredi

Récit d’un miracle !

Les miracles sont nombreux dans l’Evangile. Même s’ils apparaissent toujours très discrets, ils occupent matériellement une place considérable. Il y a les miracles sur l’homme, des guérisons comme celui d’aujourd’hui. Et il y a les miracles sur la nature : l’eau changée en vin (cf. hier), tempête apaisée, etc…

Certains (et parfois des chrétiens eux-mêmes) contestent plus ou moins la réalité historique des miracles. On n’aime pas beaucoup le “merveilleux“ en notre temps, même si, paradoxalement, on le recherche pour obtenir une faveur du Seigneur !… Mais généralement, les miracles paraissent gênants. Et pourtant il y en a toujours eu. Des saints - comme le Curé d’Ars - en ont fait. C’est indéniable !

Ceux de Jésus font partie de la trame même de l’Evangile : ils appartiennent à la substance même de l’Evangile, ils en sont inséparables. Si on enlève les miracles de l’Evangile, tout devient inexplicable. Toute l’activité de Jésus, son enseignement, ses controverses avec les Juifs - qui d’ailleurs ne nient jamais les miracles -, les missions qu’il donne supposent la réalité des miracles. Ils sont inséparables de la mission du Christ Jésus.

Mais pourquoi tous ces miracles ?

Quelle est leur signification ?
  1. Ils garantissent et authentiquent la mission de Jésus ! Ils donnent foi à sa Parole. Les miracles sont, en quelque sorte, les lettres de créance du Christ comme envoyé de Dieu : ils confirment sa parole et en attestent la vérité.

    Notre Seigneur lui-même présente ainsi ses miracles. Rappelons-nous sa réponse à la question des envoyés de Jean Baptiste qui se tourmentait dans la solitude de sa prison : “Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?“. La question ne peut pas être plus précise : “Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris et les sourds entendent. Les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres“ (Mth 11.4-5). – C’est une citation du prophète Isaïe que le Christ s’approprie parce qu’il est le Messie attendu. – Il dit aussi d’après St Jean : “Les œuvres que je fais (les miracles) au nom de mon Père me rendent témoignage“ (Jn 10.25). Donc les miracles attestent, garantissent la mission de Jésus. Mais il faut aller plus loin.
  2. Les miracles ne sont pas seulement un appui extérieur à la mission du Seigneur, à son enseignement. Ils sont eux-mêmes une révélation, un langage surnaturel, une parole de salut qui s’adressent à nous et que nous devons recevoir avec une grande attention.

Ils sont des “signes“ comme les appelle St Jean l’évangéliste. Ils nous font signe. Oui, Dieu, par eux, nous fait signe.

Un signe n’a pas sa fin en lui-même. Il est pour autre chose. Le drapeau national, par exemple, en soit, ce n’est qu’un morceau d’étoffe. Mais il représente autre chose : une nation, une patrie.

Les miracles sont des signes ; et ils ont pour but de nous révéler quelque chose. Ils nous révèlent l’Amour que Dieu a pour nous. Ce sont des gestes d’amour du Christ nous révélant que sa mission divine est une mission de miséricorde et de pardon.

En effet, les maladies, les souffrances, la mort sont les stigmates du péché, les suites du péché. Tout le désordre du monde a sa cause plus ou moins proche dans le péché.

Par ses miracles, Jésus fait reculer les maladies, l’hostilité de la nature envers l’homme et la mort elle-même. “Dieu seul a les issues de la mort“ ! Dieu dans le Christ l’a suffisamment prouvé par le “miracle“ suprême que fut sa résurrection !

Par ses miracles, Jésus réalise, d’une manière commençante, le “Royaume de Dieu“. Il exprime en actes concrets cette “Bonne Nouvelle“ : le salut, le pardon, la miséricorde, l’amour même de Dieu à notre égard. La guérison du corps est le symbole, l’instrument de la guérison de l’âme.

Ils sentent bien cela les miraculés de Lourdes ! Ils ont été guéris et ils reviennent chez eux tout joyeux avec la santé ; mais surtout ils ont reçu une lumière qui éclairera toute leur vie : ils ont rencontré Dieu !

Les miracles de Jésus entraînent nécessairement un jugement. Certains les acceptent avec foi. D’autres refusent de croire. “A la vue des signes qu’il accomplissait, beaucoup crurent en lui“. Beaucoup ! Donc pas tous !

Ici, après la guérison du sourd, nous entendons la foule s’écrier : “Tout ce qu’il fait est admirable !“. C’est le cri qui traverse toute la Bible à propos du “Dieu d’Israël“ qui est une “Dieu de délivrance“, de toutes les délivrances. Ayons, nous aussi, cette foi et cette admiration pour les œuvres de Dieu !
Notre Dame de Lourdes ! - (Jn 2.1-11) - 5 T.O p. Jeudi

Pourquoi l’évangile des “noces de Cana“ a été choisi en la fête de Notre Dame de Lourdes, en cette “Journée des malades“ qui, humainement parlant, ne sont pas toujours “à la noce“ ! Essayons de déchiffrer.

Dieu, sans cesse - toute la Bible l’affirme - ne cherche qu’à faire alliance avec l’homme ! Ce thème de l’Alliance est fondamental ! C’est surtout le prophète Osée (mais pas uniquement) qui a déchiffré le mystère de l’union de Dieu avec l’homme à partir de la vie conjugale qui, semble-t-il, n’a pas été pour lui très heureuse. Et justement, il n’a pas trouvé meilleure comparaison que l’amour de l’homme et de la femme, malgré tous les “avatars“ que cet amour peut véhiculer, pour signifier l’Alliance indéfectible de Dieu avec l’homme. Malgré les infidélités de son épouse - c’est-à-dire du peuple de Dieu comme de nous-mêmes -, non seulement il lui reste fidèle, mais il la conduit au désert afin de mieux la séduire (le mot hébreu est très fort), afin de mieux lui parler “cœur à cœur“ (1). Comme au temps de sa jeunesse, au temps des premiers amours ! (Cf Osée 2.16 sv ; cf Jér. 4.24).

Comme au temps où elle monta du pays d’Egypte“, dit le texte, du pays de sa déchéance, l’épouse devenant là clairement le peuple de Dieu. En ce temps-là, le peuple avait vraiment cru en Dieu-Amour, un “Dieu de délivrance“ : “Israël - car c’est bien lui l’épouse - vit avec quelle main puissante le Seigneur avait agi contre l’Egypte. Le peuple craignit le Seigneur et mit sa foi dans le Seigneur et en Moïse son serviteur !“ (Ex 14.31).

Et par cette précision, nous sommes projetés aux noces de Cana : “Jésus - Dieu fait homme - manifesta sa gloire (sa puissance) ; et ses disciples crurent en lui !“. Le rapprochement est d’évidence : le premier signe par lequel Jésus manifeste sa puissance divine et qui entraîne ses disciples à croire en lui est semblable au signe de puissance de Dieu, lors de la sortie d’Egypte, qui permit au peuple de croire en lui et de faire alliance avec lui !

A Cana, Jésus n’a pas fait un “tour de passe-passe“ par simple amabilité! Il pensait dans les dimensions verticale et horizontale tout à la fois. Jésus n’était pas un distrait. Tout pour lui a une signification. Et pour lui, le signifié est encore plus important que le signifiant. Jésus est invité à des noces ! Mais il ne peut pas ne pas penser à l’Alliance, cette alliance qui est au cœur de sa mission, l’Alliance de Dieu avec l’homme. D’ailleurs, pour Jean, c’est après ce “premier“ signe, que Jésus dit à de simples pêcheurs du lac : “Venez à ma suite ; je vous ferai pêcheurs d’hommes !“.

Et, dans l’A.T., il n’y a pas d’alliance sans sacrifice, le sang étant symbole de vie, d’un contrat de vie. Après la sortie d’Egypte, il en fut ainsi au Sinaï, la montagne de l’Alliance : “Moïse prit le livre de l’Alliance et en fit lecture “. Puis il prit le sang des victimes et en aspergea le peuple...“. “Les fils d’Israël contemplèrent Dieu (2) ; ils mangèrent et burent !“. (Ex 24). C’est tout le langage de l’Alliance : “Le livre de l’Alliance“ ; “le sang de l’Alliance“ ; “le repas de l’Alliance“ ! Il en sera ainsi sur la route d’Emmaüs : les disciples passeront de la liturgie de la Parole à la liturgie de la table pour découvrir l’Alliance : Jésus, ayant versé son sang pour l’ALLIANCE, se rend divinement présent parmi eux. Et c’est tout le sens de nos Eucharisties : Parole de Dieu, Sacrifice du Christ qui se laisse contempler comme Dieu !

Et, à Cana, Marie dit : “Ils n’ont plus de vin !“. Il faut savoir que le mot “vin“ se dit parfois en hébreu : “le sang de la grappe !“. Aussi Jésus répond : “Mon heure n’est pas encore venue !“. La pensée de Jésus évolue des noces d’un village aux noces de l’éternelle Alliance, du vin de la noce au sang de l’Alliance, quand “son heure sera venue“ ! Il y a là une inclusion voulue : Le “premier“ signe de Cana devient “l’unique“ signe d’Alliance éternelle. C’est d’une densité de signification telle que tout l’évangile de St Jean - qui est au sommet de le pensée néo-testamentaire - est inclus entre les “noces de Cana“ et les “noces de la Croix“ !

Et la mère de Jésus était à Cana, comme elle sera présente au pied de la croix, au moment des noces de la nouvelle Alliance. Il ne s’agit plus de donner du vin pour la gaieté d’une noce de village. Il s’agit, pour Jésus, de verser son sang pour la consommation des noces de la nouvelle et éternelle Alliance. Le premier signe d’alliance fut le sang d’un agneau au moment de la sortie d’Egypte. Le premier des signes de Jésus fut celui du “sang de la grappe“ qui annonçait son sang qu’il allait verser pour les noces éternelles…

Et la mère de Jésus était là. Notre Dame des douleurs avant d’être Notre Dame de l’Assomption dans la gloire de son divin Fils ! Et elle devient la mère des croyants : “Femme, voici ton fils“, lui dit Jésus en désignant Jean. Elle devient la mère de tous les souffrants pour les conduire au Royaume de Dieu, la mère principalement de tous ceux - les malades - qui participent de façon si visible au mystère pascal du Christ : mystère de mort et de vie. Marie - Notre Dame de Lourdes - se penche avec un amour maternel sur ceux qu’elle voit sur la croix de son Fils !

»Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance, dit Claudel. Il n’est même pas venu l’expliquer. Il est venu la remplir de sa présence !“. La croix du chrétien et la croix du Christ forment une même croix ! Incapable de souffrir maintenant, le Christ souffre en nous de nos souffrances faites siennes ! “Qu’il nous faut du temps pour nous apercevoir que nous sommes nés crucifiés !“, disait Mauriac. Mais sachons bien que là où se trouve la croix, la résurrection n’est pas loin !

  1. Il y a un jeu de mots en hébreu : “au désert, je parlerai“: “midbar, dibarti“.
  2. Ce n’est pas ainsi qu’a compris la massore : Contempler Dieu, ici-bas, ce n’est pas possible. Alors on a transcris par le passif : “ils furent vus du Seigneur !“ !

mercredi 10 février 2010

Mercredi – Ste Scholastique ! - 5 T.O p. -

Je ne peux m’empêcher de dire “un mot“ aujourd’hui sur Ste Scholastique, sœur de St Benoît, qui est si vénérée en notre diocèse, en la ville du Mans. Notre chapelle de la Visitation est marquée, à l’extérieur, sur le transept Ouest, d’une statue de la Sainte avec une inscription de reconnaissance en date de 1944, au moment de la libération.

Benoît et Scholastique étaient jumeaux ; leur naissance coûta la vie à leur mère. Leur père, noble de la région de Norcia (Nord-est de Rome, en Ombrie) poursuivit leur éducation… Puis, Scolastique, assez douée (son nom signifie “écolière“) fut confiée à des religieuses comme oblate - ce qui était alors courant -, tandis que Benoît alla à Rome étudier les “Belles Lettres“.

Le frère et la sœur s’aimaient d’un grand amour fraternel ; mais tous deux aimaient Dieu par-dessus tout. Et on peut supposer, avec Mabillon, qu’après la mort de leur père, Scholastique s’établit près de son frère au pied du Mon Cassin, non loin du monastère qu’il avait fondé. Ils ne se voyaient qu’une fois par an ! La rencontre avait lieu dans une petite maison à mi-chemin de leurs lieux de résidence. La journée était consacrée à la prière et à des échanges spirituels.

St Grégoire le Grand - dans ses “Dialogues“ - raconte dans le “style merveilleux“ habituel à l’époque, le dernier entretien du frère et de la sœur. Et s’il faut faire la part de l’exagération dû à ce style, on devine combien Benoît et Scholastique étaient épris de l’Amour de Dieu !

Je ne peux m’empêcher de citer de grand pape : “ Comme l’heure s’avançait dans leurs pieux entretiens, la sainte femme adressa à son frère cette demande : « Je vous prie de ne pas me quitter cette nuit afin que nous puissions parler jusqu’au matin des joies du paradis ». Benoît lui répondit : « Que dites-vous là, ma sœur ! Je ne puis à aucun prix rester hors du monastère ».

Le ciel était alors si pur qu’il n’y avait pas dans l’air l’apparence d’un nuage. La pieuse vierge, en entendant le refus de son frère, posa sur la table ses mains entrelacées et y cacha son visage pour prier le Seigneur tout-puissant. A l’instant où elle releva la tête, il y eut un tel éclat d’éclairs et de tonnerre, un tel déluge de pluie que le vénérable Benoît et les frères qui l’avaient accompagné n’auraient jamais pu franchir le seuil du lieu où ils se trouvaient. C’est que la sainte femme, en inclinant la tête dans ses mains, avait répandu sur la table des ruisseaux de larmes qui avait changé en pluie la sérénité du ciel. L’orage suivit de près cette prière et il y eut un tel rapport entre cette prière et cette tempête que le tonnerre gronda au moment même où elle leva la tête et que la pluie tomba au même instant.

L’homme de Dieu vit bien qu’il ne pouvait retourner à son monastère. Il s’en plaignit avec tristesse en disant : « Que le Dieu tout-puissant vous pardonne ma sœur ; qu’avez-vous fait ? ». Elle répondit : « Je vous ai prié et vous n’avez pas voulu m’écouter ; j’ai prié mon Seigneur, et il m’a exaucée. Maintenant, sortez si vous le pouvez ». Mais il ne pouvait quitter la maison ; il avait refusé d’y rester, et il resta malgré lui. Ils veillèrent alors toute la nuit, se rassasiant des saintes paroles qu’ils se disaient l’un à l’autre sur la vie spirituelle.

A la volonté de Benoît, conclut St Grégoire, s’opposa un miracle que le cœur d’une femme obtint de la toute-puissance de Dieu.

Au matin du jour suivant, Benoît et Scholastique se quittèrent pour ne plus se revoir en cette vie. Trois jours plus tard (10 fév. 543), Benoît, étant à la fenêtre de sa cellule, eut une vision où lui parût l’âme de sa sœur entrant dans le ciel sous la forme d’une colombe… Il envoya chercher le corps de Scholastique pour l’apporter à son monastère et il le déposa dans le tombeau qu’il avait préparé pour lui-même, afin que la mort ne séparât point ceux dont les âmes avaient toujours été unies en Dieu“.

La ruine du Mont-Cassin (par les Lombards), prédite par St Benoît, eut lieu, d’après Mabillon, vers 580, du vivant de St Grégoire le Grand ; les moines se réfugièrent à Rome, abandonnant sous les ruines les corps de leurs saints fondateurs. AU 7ème siècle, des moines d’Orléans et du Mans conçurent et exécutèrent le dessein d’enlever du Mont-Cassin les corps de St Benoît et de Ste Scholastique, les apportant en France… Mais un courant d’opinion prétend que les corps restèrent en Italie… Je passe sous silences l’histoire compliquée des reliques… et pourquoi Ste Scholastique est tant vénérée en notre ville depuis le 7ème siècle… Il faut se référer aux historiens !

Je conclurai simplement à propos de ce nous raconte St Grégoire le Grand, façon naïve et spirituelle, à propos de la dernière rencontre de Benoît avec sa sœur : “Ceux qui n’échangent rien ne deviennent rien“, a-t-on dit (Saint-Exupéry). C’est vrai. Mais l’échange la plus précieuse - sans bavardages inutiles - se fait dans la Communion en Dieu ! Et cet échange conduit alors inévitablement à une union des cœurs qui déjà ici-bas se moque des frontières du temps et de l’espace…
Notre vie, un pèlerinage ! - 5 T.O p. Mardi – (I Rois 8.22 sv – Ps 83)

Je me permets de vous engager à lire, relire, méditer cette belle prière du roi Salomon, lors de la Dédicace du temple de Jérusalem :
  • “Seigneur, il n’y a pas d’autre Dieu que Toi !“. Le Dieu révélé par Jésus Christ, Dieu fait homme, il n’y en a pas d’autre !
  • “Toi qui gardes ton Alliance et ton Amour à tes serviteurs !“ Cet Amour d’Alliance manifesté par le Christ dans son mystère pascal : “Il n’y a pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ses amis…“.
  • “Quand ils marchent devant toi de tout leur cœur…“. Nous sommes en marche vers Dieu pour voir Celui qui nous voit sans cesse !

Notre vie est un pèlerinage vers la Cité dont Dieu est “l’Architecte et le constructeur“, comme dit la lettre aux Hébreux. Bossuet a bien exprimé cela : “Toute la doctrine de l’Evangile, toute la discipline chrétienne est entièrement renfermée dans cette seule parole : “Egredere“ - “Sors“. La vie du chrétien est un long et infini voyage, durant le cours duquel, quelque plaisir qui nous flatte, quelque compagnie qui nous divertisse, quelque ennui qui nous prenne, quelque fatigue qui nous accable, aussitôt que nous commençons à nous reposer, une voix s’élève d’en haut qui nous dit sans cesse et sans relâche : “Egredere“ - “Sors“ et nous ordonne de marcher plus outre. Telle est la vie chrétienne !“ (Panégyrique de Sr Benoît).

Et, à ce propos, je vous suggère également de méditer le psaume 83ème dont nous avons entendu quelques extraits. C’est, par excellence, le psaume du pèlerin en marche vers le sanctuaire éternel du Seigneur.
  • "Que tes demeures sont désirables !" - "Désirables" : c'est le dynamisme affectif de l'homme, le dynamisme le plus puissant au fond de lui-même, qui peut le faire chanter, louer, danser… (comme David devant l’Arche) !.
  • “Mon âme soupire et languit après les parvis du Seigneur,mon cœur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant“.Pas seulement l'âme, pas seulement l’esprit, pas seulement la sensibilité, mais tout mon être : âme, esprit corps ensemble.
  • L’oiseau même a trouvé une maison et l'hirondelle un nid pour elle, où elle pose ses petits : tes autels, Seigneur, mon Roi et mon Dieu ! Heureux les habitants de ta Maison, ils te louent sans cesse."Heureux les habitants de ta maison !". "Heureux", dans la Bible, n'est pas un mot creux. C'est un pluriel de plénitude. C'est comme cela que Jésus commence la charte du Christianisme sur la montagne des Béatitudes.… … Le premier psaume commence par "Heureux"… "Heureux l'homme…"
  • - Heureux les hommes dont la force est en toi, qui gardent au cœur tes montées. "Qui gardent au cœur les montées…" : Ceux qui se mettent en route, qui sont en pèlerinage, qui se rassemblent.
  • Ils marchent de hauteur en hauteur, Dieu leur apparaît en Sion. En fait, on descend quand on arrive vers le temple de Salomon. Mais le mot hébreu peut se traduire : "de murailles en murailles" ou "de vertus en vertus". Dieu nous fait toujours monter vers lui !
    Alors, Dieu leur apparaît en Sion. - Ce n'est pas comme cela que la Tradition juive comprend : "Voir Dieu" Non ! Les Juifs ont corrigé par le passif tout en gardant le complément d'objet direct : "Quand irais-je et serais-je vu la face de Dieu ?". C'est le pèlerin qui comparaît devant Dieu ! Mais c'est déjà tellement bouleversant que c'est comme si, déjà, il voyait Dieu.

Seigneur Dieu, écoute ma prière. Mieux vaut un jour en tes parvis que mille à ma guise, rester au seuil dans la Maison de mon Dieu qu'habiter la tente de l'impie. Car le Seigneur ne refuse pas le bonheur à ceux qui marchent sans reproche.Seigneur, heureux qui se fie en toi !

Ce langage est le langage des pèlerinages. Il nous convient ! On marche pour faire un jour l'expérience bouleversante de la rencontre : voir celui qui nous voit. D’ailleurs, dans la Tradition juive (Mishna et Talmud), on appelle "pèlerinage" : la "rééya" qui vient du mot "Raa" : "Voir". Nous voyons déjà, dira St Paul, même si c’est à travers un mauvais miroir ! Nous qui sommes créés "à l'image et ressemblance" de Dieu, nous sommes faits pour être en voyage vers Dieu.

Le plus grand danger pour un être humain, c'est de s'installer, de renoncer à l'aventure du Bonheur. Ceux qui sont à l'image de Dieu sont en voyage vers Dieu. On se met en pèlerinage pour déjà faire une expérience qui anticipe sur celle que nous ferons lorsque, au terme de notre existence, nous verrons Dieu comme il nous voit présentement. Et cette expérience ici-bas est déjà une connaissance. Celle qui nous arrive imparfaitement par l'oreille, si on met en pratique ce que l'on a compris de la Parole de Dieu, nous rajeunit déjà à l'image de l'éternelle jeunesse de Dieu. Et quand cette connaissance imparfaite que l'on a par les oreilles fera place à la connaissance parfaite que l'on aura par la vision, le pouvoir transformant de la connaissance s'exercera au maximum et nous serons, comme disent les Pères de l'Eglise, "divinisés" ("omoioi autô esometha" : "nous serons semblables à lui" - I Jean 3,2). Telle est notre vocation, notre destinée !

lundi 8 février 2010

Le temple, l’Arche d’Alliance, la Nuée ! - 5 T.O p. Lundi (I Rois 8.1-13)

Finalement, c’est Salomon qui construit une belle Demeure pour Dieu, un temple comme l’avait désiré David ! Un temple pour abriter l’Arche d’Alliance contenant principalement les Tables de la Loi, cette Loi que Dieu avait transmise à Moïse comme signe de sa présence au milieu de son Peuple. Mais comme on ne peut pas voir Dieu face à face ici-bas, cette présence de Dieu était comme voilée : “Quand les prêtres sortirent du sanctuaire, la nuée remplit le temple du Seigneur.
  • C’est la même nuée qui était apparue lorsque Moïse monta sur la montagne du Sinaï : “Alors la nuée couvrit la montagne ; et la gloire du Seigneur demeura sur la montagne !“. (Ex 24.13-16).
  • C’est encore la même nuée qui guidait le peuple à travers le désert vers la Terre promise (Ex 40.36). La présence de Dieu conduisait le Peuple. Etc…

Et nous pouvons facilement transposer :
  • L’Ange dit à Marie : “L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut (la gloire de Dieu) te couvrira de son ombre (de sa nuée)“ (Lc 1.35).
  • Jésus remontant du Jourdain après son baptême, “vit les cieux (la nuée) se déchirer ; et l’Esprit, comme une colombe, descendre sur lui“ (Mth 3.16).
  • Et à la Transfiguration : “Une nuée vint les (les apôtres) recouvrir ; et de la nuée, une voix : “Celui-ci est mon Fils bien-aimée. Ecoutez-le“ (Mc 9.7).
  • Et Jésus annoncera : “On verra le Fils de l’homme venir, entouré de nuées, dans la plénitude de la puissance et dans la gloire“ (Mc 13.25).

Et on peut dire que la gloire de la présence divine nous a été donnée lors de notre baptême. Mais cette présence est encore voilée. Et pourtant bien réelle ! Un jour, elle nous sera pleinement dévoilée ! “Personne n’a jamais vu le Père ; le Fils Unique nous l’a dévoilé !“ (Jn 1.18).

Salomon construit donc un temple pour abriter l’Arche, signe d’union de Dieu avec son peuple, signe de la structuration du peuple élu autour du Dieu Unique ! Dernière étape du transfert de l’Arche à Jérusalem, lieu que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom (Cf Dt 11.5 ; 12.11).

Pour y faire habiter son Nom !“. Expression habituelle qui manifeste la présence de Dieu ! Car on ne peut enfermer Dieu lui-même dans un lieu (On ne peut le mettre en boite !).

Et Dieu lui-même avait indiqué la manière de construire l’Arche avec un luxe de détails étonnant. Tous les éléments divers doivent être d’un seul tenant (“erad“ = unique) : assemblés l’un à l’autre… La création, aux origines, reflétait l’harmonie de l’unité divine. Ici, la Demeure (l’Arche) est tellement bien faite qu’elle est “d’un seul tenant“, reflétant l’unité de Dieu : “Ecoute, Israël…, le Seigneur est l’Unique !“.

Dans le N.T., Dieu ne nous révèle pas seulement qu’il “UN“, mais comment il est “UN“ dans le mystère trinitaire (cf Jn 17.22). Quand Jésus dit : « Qu’ils soient “UN“ comme nous sommes “UN“ », ce n’est pas une vague comparaison ; c’est le mystère même de ces relations divines qui viennent nous envelopper pour que nos relations humaines soient prises dans la charité même de Dieu, dans la Vie de Dieu-Trinité. Nous sommes appelés à former un Temple “d’un seul tenant“ reflétant le “comment“ de l’Unité divine qui nous est révélé par le Christ : “C’est en lui que vous êtes ensemble intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit“ (Eph. 2.22 ). Aussi : “appliquez-vous à conserver l’unité de l’Esprit par ce lien qu’est la paix“ (4.3). Toute atteinte à l’unité est grave. Portons comme une angoisse toutes ces divisions entre chrétiens…

Et si l’Arche fut construire, avec un luxe de détails, selon le modèle vu sur la montagne de l’Alliance, c’est que Dieu révèle aussi comment l’adorer : la créativité dans la liturgie doit s’exercer… Mais il faut faire attention : on n’adore pas Dieu n’importe comment, sinon on risque de verser dans l’idolâtrie. L’idolâtrie, ce n’est pas seulement adorer des idoles (veau d’or), mais c’est peut-être aussi adorer Dieu d’une manière qu’il n’a pas demandée, d’une manière trop humaine. Salomon le savait. Dieu lui avait dit : fais-moi un sanctuaire pour que j’habite parmi mon peuple, mais non pas pour que j’habite dedans !


On n’enferme pas Dieu dans un temple fait de main d’homme ! On n’enferme pas Dieu, non plus, dans une idée. Notre Dieu n’est pas le Dieu des philosophes !

On ne met pas Dieu en cage pour le faire chanter, si beau que soit le chant ! Car tout peut devenir objet d’idolâtrie, mêmes les cérémonies qui sont pourtant établies pour éviter l’idolâtrie. Cela se fait à partir du moment où ces cérémonies deviennent des fins en elles-mêmes alors qu’elles sont destinées à être des moyens pour se tourner vers Dieu ! Comme disait le P. Congar : “les ‘quo’ deviennent alors des ‘quod’”. (Les “quo”, c’est-à-dire “les moyens ” deviennent des “choses en soi”). Et plus l’idole est noble, plus elle peut être dangereuse. Et notre aventure d’homme destinée à être “à l’image de Dieu”, en voyage vers Dieu, - pour voir Celui qui nous voit sans cesse - risque d’être contrariée, voire interrompue.

D’ailleurs il est tellement vrai qu’on n’enferme pas Dieu en son temple, c’est que, d’après Ezéchiel, la gloire de Dieu quittera le temple au moment de l’exil comme si Dieu voulait aller vivre avec son peuple exilé. Et la gloire de Dieu reviendra au moment du retour de son peuple ! … …

vendredi 5 février 2010

Prier, Louer ! - 4 T.O p. Vendredi - (Sirac 47.2sv)

Dans les portraits de famille que trace Sirac, le Sage - un écrivain non reconnu par la Tradition juive ; c’est un “apocryphe“ -, il y a, bien évidemment, l’éloge de David, le roi “choisi par Dieu“. Notre lecture est une belle synthèse de la vie de ce grand roi !

“Il fut choisi pour le sacrifice de communion“. Le texte hébreu précise : “pour un sacrifice de paix“ ! Enfant, “il joua avec le lion et les chevreaux“ : un signe d’une belle harmonie, d’une paix dans la nature. David est la figure prophétique du Messie de paix qu’annoncera le prophète Isaïe : “Le veau et le lionceau seront nourris ensemble… ; le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ; sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main…“. C’est la paix du paradis retrouvé…, cette paix que devra rétablir un des rejetons du fils de Jessé : le Christ !

Et si David fit de nombreuses guerres - contre Goliath et les Philistins, les Ammonites, les Madianites et autre peuplades…, ce n’était que pour établir une paix durable qui permit à son fils Salomon de régner avec grandeur et magnificence, d’annoncer ainsi le Royaume de Dieu.

Mais notre texte souligne un trait marquant du caractère de David, de sa physionomie spirituelle : “Dans toutes ses actions, il célébra le Saint, le Très-Haut… Il chanta des hymnes et aima son Créateur. Il donna de l’éclat aux solennités…“, et cela dès la prière du matin. Nulle part ailleurs, on ne trouve une telle insistance sur cette facilité qu’avait David à louer Dieu.

Certes le livre de Samuel et celui des Chroniques gardent le souvenir d’un jeune roi qui dansait joyeusement et même avec frénésie devant l’arche de Dieu quand celui-ci fut ramené avec grand éclat à Jérusalem. Ce fut l’occasion de cérémonies grandioses. Mais si David peut être considéré comme un “Maître en spiritualité“, c’est qu’il ne cessait pas de prier… ! ! Non seulement il faisait des “prières de vie“, mais surtout il faisait de sa vie une “vie de prière“ !

Bien sûr, il faut des moments où l’on s’arrête pour penser à Dieu seul ! C’est un moyen de “confesser“ son existence, d’être comme l’eau tranquille du lac face au soleil, totalement transparente pour en recevoir une énergie toujours nouvelle.

Mais ceci dit, il faut aussi et surtout intégrer toute son existence dans la prière, faire de toute sa vie une prière.

En ce domaine, David est un exemple. Je trouve qu'on ne donne pas assez d'importance aux titres des psaumes qui lui sont attribués (faussement, sans doute, mais peu importe ! ) :
  • “De David quand il fuyait devant son fils Absalom“ (3)
  • “De David quand le Seigneur le délivra de Saül“ (18)
  • “De David pour la dédicace de sa maison (30)
  • “De David quand il se déprécia aux yeux d’Abimélek qui le chassa“ (34)
  • “De David, après sa faute“ (50 : Miserere)
  • “De David quand les Philistins se saisirent de Gath“ (56)
  • “De David quand il était dans le désert de Juda“ (63)
  • "De David quand il coupa le manteau de Saül…"
  • etc.

Il priait tout le temps! Il ne faut pas attendre d'avoir une disposition parfaite pour commencer à prier, sinon on risque de ne jamais prier. Il faut, certes, des moments privilégiés. Mais il faut prier en toutes circonstances… La première des dispositions pour une bonne spiritualité, pour prier, c'est de toujours, en toutes circonstances, laisser la vérité de Dieu balayer le fond de son cœur. - "Tu aimes, Seigneur, la vérité au fond de l'être", disait David (Ps. 50.8)) - C’est indispensable pour la prière. Cette première disposition empêche d’être un “Tartuffe“ devant Dieu. Même après sa faute, David pria, en laissant “la Vérité de Dieu balayer le fond de son cœur“.

Oui, à propos de la prière, David est un grand Maître en spiritualité. Si tous les psaumes sont attribués en bloc à David, c'est parce que les psaumes, c'est toute la Bible sous forme de prière. Et quand on fait le parallèle entre son histoire et l'Histoire Sainte - celle du peuple élu et celle aussi des Saints -, on s'approprie le langage des psaumes. Et avec David, on prie sans cesse, en toute circonstance. On prie non seulement quand on peut prendre la position parfaite (s’il y en a une !?), mais dans tous les instants de l'existence telle qu'elle se présente… Comme David, on laisse toute sa personne être interpellée par Dieu. On laisse la lumière de Dieu balayer le fond de son cœur, en tout instant. Er même après une faute, dans une prière de repentance véritable qui est bien autre chose qu'une culpabilité morbide, on rebondit dans l'existence… avec le Seigneur !

Oui, la première condition d’une “vie de prière“, c’est d’être ouvert à la vérité de Dieu sur nous-mêmes, en reconnaissant, avec grande humilité, que Dieu prend les hommes “tels qu'ils sont et là où ils en sont“. C’est en ce sens que St Paul disait : “Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu“. (I Co. 10.31). Priez sans cesse, rendez grâce en toute circonstance, car c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus“ (I Thess 5.16).

jeudi 4 février 2010

Le Saint Curé d’Ars - 4 T.O p. Jeudi

Ce soir nous aurons une Eucharistie présidée par notre évêque à l’occasion de la présence en notre chapelle des reliques du Saint Curé d’Ars. Il nous parlera avec son cœur de cette grande figure de sainteté ! Aussi, ce matin je ne ferai que reprendre quelques réflexions du pape Jean-Paul II à propos du “saint Curé“, dans sa lettre aux prêtres, le Jeudi Saint 1986.

Nous désirons tous remercier le Christ, le Prince des pasteurs, pour ce modèle extraordinaire de vie et de service sacerdotal... Nous avons plus que jamais besoin de son témoignage, de son intercession, pour affronter les situations de notre temps où, malgré un certain nombre de signes d'espérance, l'évangélisation est contrariée
  • par une laïcisation croissante,
  • où l'on néglige l'ascèse surnaturelle,
  • où beaucoup perdent de vue les perspectives du Royaume de Dieu…

… Par sa vie et par son action, le Curé d’Ars a constitué, pour la société de son temps, comme un grand défi évangélique qui a porté des fruits étonnants de conversion. Ne doutons pas qu'il présente aujourd'hui encore pour nous ce grand défi évangélique. Je vous invite donc à méditer … sur sa vie, son exemple…

La profondeur de son amour pour le Christ et pour les âmes

Le secret de sa générosité se trouve dans son amour de Dieu, vécu sans mesure, en constante réponse à l'amour manifesté dans le Christ crucifié. Il fonde là son désir de tout faire pour sauver les âmes rachetées par le Christ à un si grand prix et les ramener à l'amour de Dieu. Retenons une de ces phrases lapidaires dont il avait le secret : « Le sacerdoce, c'est l'amour du Coeur de Jésus ». Il revenait toujours à cet amour : « Ö mon Dieu, j'aime mieux mourir en vous aimant que de vivre un seul instant sans vous aimer ».

Les activités apostoliques orientées vers l’essentiel

Jean-Marie Vianney se consacrait essentiellement à l'enseignement de la foi, à la purification des consciences, et ces deux ministères convergeaient vers l'Eucharistie. Ne faut-il pas voir là, aujourd'hui encore, les trois pôles du service pastoral du prêtre ?

D'autres approches apostoliques, suivant les circonstances, sont aussi nécessaires : (par exemple) …le témoignage de charité, de justice etc…

Le Curé d’Ars lui-même s'ingénia à prendre des initiatives adaptées à son temps. Cependant, toutes ses activités sacerdotales étaient centrées sur l'Eucharistie, la catéchèse et le sacrement de la Réconciliation.

Le Sacrement de la Réconciliation

C'est sans aucun doute son inlassable dévouement au sacrement de pénitence qui a révélé le charisme principal du Curé d’Ars et fait à juste titre sa renommée. Il est bon qu'un tel exemple nous entraîne aujourd'hui à redonner au ministère de la réconciliation toute la place qui lui revient.

Le Curé d’Ars veillait d'abord à former les fidèles au désir du repentir. Il soulignait la beauté du pardon de Dieu. … Il souffrait lui-même des péchés accusés et plus encore du manque de repentir : « Je pleure de ce que vous ne pleurez pas ». …

L’Eucharistie : sacrifice, communion, adoration

L'Eucharistie était bien au centre de sa vie spirituelle et de sa pastorale. Il disait : « Toutes les bonnes oeuvres réunies n'équivalent pas au sacrifice de la messe, parce qu'elles sont les oeuvres des hommes et la sainte messe est l'oeuvre de Dieu »

C'est là qu'est rendu présent le sacrifice du Calvaire pour la rédemption du monde. « La sainte communion et le saint sacrifice de la messe sont les deux actes les plus efficaces pour obtenir le changement des cœurs ». Aussi la messe était-elle pour Jean-Marie Vianney la grande joie et le réconfort de sa vie de prêtre. De façon réaliste, il observait : « La cause du relâchement du prêtre, c'est qu'on ne fait pas attention à la messe ! »

Le Curé d’Ars était particulièrement saisi par la permanence de la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. Devant le tabernacle, il passait de longues heures d'adoration, avant le lever du jour, ou le soir ; c'est vers lui qu'il se tournait … en disant avec émotion : « Il est là ! ».

La prédication et les catéchismes

Le Curé d’Ars tenait encore à ne négliger en rien le ministère de la Parole, absolument nécessaire pour prédisposer à la foi et à la conversion. Il allait jusqu'à dire : « Notre Seigneur, qui est la vérité même, ne fait pas moins de cas de sa Parole que de son Corps !».

On sait le temps qu'il consacrait, dans les débuts surtout, à composer laborieusement ses prédications du dimanche… Ses catéchismes aux enfants constituaient aussi une partie importante de son ministère, et les adultes se joignaient volontiers aux enfants pour profiter de ce témoignage hors pair, jailli du coeur.

« Le prêtre doit toujours être prêt à répondre aux besoins des âmes », disait le Curé d’Ars. « Il n'est pas pour lui, Il est pour vous ! »

mercredi 3 février 2010

Le facteur de Dieu ! - 4 T.O p. Mercredi - (Mc 1.6sv)

J’ai déjà, il me semble, parlé de la seconde faute de David : oublier que Dieu seul est roi, qu’il n’en est que le lieutenant. C’est toujours le même problème : l’homme est bien le roi de la création ; mais il oublie d’en être le prêtre : tout ramener à Dieu dans un élan de reconnaissance, de bénédiction. “Que le Béni nous bénissent !“. Nous oublions si facilement cette prière qui sollicite une fécondité divine à tout ce que nous pouvons accomplir !

Aussi, je m’attacherai à l’évangile…, et avec un peu d’humour ! On m’a raconté - ou j’ai lu, je ne sais plus - : c’était aux temps des prêtres-ouvriers ! Dans un gros bourg de l'Ouest, l'un d’eux était facteur. Un jour, il célébrait un enterrement. A la sortie du cimetière, un ancien murmura à l'un de ses amis : “C'est incroyable ! Les prêtres ne veulent plus rien faire ! Voilà maintenant qu'ils font enterrer les morts par le facteur !” L'interlocuteur répliqua : “Mais c'est un prêtre... !” – “Allons donc ! C'est le facteur, il vient me porter le journal tous les matins ; et d'ailleurs il est très gentil...”.

Jésus n'était pas facteur, il était charpentier. Le mot grec que l'on traduit par “charpentier” a un sens plus large : il désigne l'ouvrier qui travaille le bois, la pierre ou le métal ; en fait il s'agissait souvent de “construction de maison”. Peu importe !

Et voilà le maçon qui prend la parole dans la synagogue ! C’est incroyable ! Il n'avait pas fait d'études particulières, il n'avait pas été formé par quelque grand maître. Comme le curé d’Ars dont on accueille les reliques ! “D'où cela lui vient-il ?” Ses paroles sont empreintes de sagesse, on dit même qu'il a fait des miracles ! Mais c'est tout de même le maçon, on connaît la famille, ce sont des gens comme tout le monde !

Ainsi, on se hâte de ramener Jésus à l'humanité commune. Ce que certains faisaient aussi pour le Curé d’Ars ! On regarde vers les siens, vers le passé, plutôt que de se laisser “interpeller” par une parole, un événement, par le surgissement d'un possible avenir tout neuf !

L'évangile nous dit que Jésus ne put accomplir “aucun miracle” dans son village et qu’il s'étonna de leur manque de foi”. Il dit : “Un prophète n'est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison”.

A Nazareth, Jésus n'était que le maçon, le camarade, le cousin. Il ne lui était pas permis d'être autre chose. Il était réduit à sa situation professionnelle, à son rôle social, à sa place dans la famille. Que de fois les êtres sont emprisonnés par une étiquette, une épithète, une réputation. Ce “pauvre curé d’Ars“ pouvait-il avoir une capacité hors du commun ?

Pour que Jésus puisse être autre chose que le gars du bâtiment ou le fils de Marie, il aurait fallu le regarder, et attendre de lui quelque chose d'unique : avoir “foi” en lui ! C’est classique, n’est-ce pas ?

Or, Jésus vient toujours étonner les siens, et les déranger. On veut souvent l'enfermer dans des formules, des programmes ou dans un merveilleux que l’on imagine. Or, pour lui, faire des miracles, c’est toujours pour bouleverser la vie, faire un retournement, une “conversion” des cœurs. Et cela de mille manières, souvent très discrètes.

Un autre saint - du 18ème siècle -, le Père de Caussade, écrivait : “Le Christ se présente à nous sous un déguisement : les uns ne Le reconnaissent pas, les autres sont d'autant plus prévenants que le déguisement est plus minable”. Quels sont les déguisements de Jésus ? Oh, ce n’est pas toujours celui du facteur, mais plutôt un événement qui nous surprend, un visage qui lève vers nous son attente, un de ces petits “riens” qui font la trame de la vie et que l’on remarque soudainement... A chacun de percer les “déguisements” de Jésus. N’avait-il pas pris le déguisement du “pauvre curé d’Ars, apparemment si minable ?

A chacun de reconnaître les envoyés du Seigneur. Car à beaucoup - à nous -, Jésus dit comme à Ezéchiel : “Fils d’homme, je t’envoie…”, que l‘on soit facteur ou non ! Et n’allez pas chercher très loin : ce peut être - ce doit être d’ailleurs - un mari pour son épouse et réciproquement. Ce peut être, soudainement, un ami, un compagnon de travail. Oh, bien sûr, tous ceux-là, comme Paul, comme chacun de nous, ils portent en eux une écharde qui les rend faibles. Mais malgré cette faiblesse, ils portent en eux un trésor : le Christ qui vient à nous. Oui, disait encore St Paul, nous sommes comme des poteries fragiles qui portons un trésor en nous-mêmes.

En sommes-nous conscients ? Car Dieu nous envoie beaucoup de messages tout au long de nos jours. Mais, souvent, nous les enfermons dans un cadre trop insignifiant. Comme les gens de Nazareth, nous n’avons plus l’oreille attentive. Et si, durant ces jours de visite du curé d’Ars, nous étions plus attentifs aux divers déguisements que Dieu prend pour nous adresser sa Parole ?

Je ne sais si aujourd’hui, il y a beaucoup de facteurs qui soient prêtres ! Ce que je sais, c‘est que nous sommes tous appelé à transmettre les messages et les lettres que le Seigneur veut adresser à chacun de nous. Le Saint Curé d’Ars avait bien compris cela !

mardi 2 février 2010

Présentation du Seigneur au temple ! – 2 Février

Sommes-nous prêts à redonner à Dieu tout ce qu’il nous a donné le premier ? Tout ce que nous sommes, tout ce que nous avons ?

Aujourd’hui, en cette fête de la Présentation de Jésus au temple, Marie est notre modèle, elle nous montre la seule attitude qui soit véritablement chrétienne : elle tient dans ses mains un petit enfant, le sien, chair de sa chair, corps de son corps. Et que fait-elle de son enfant ?

Elle le redonne à Dieu,

elle le donne aux hommes en la personne du vieillard Syméon !

Oui, Marie, vient d’abord “rendre grâce“ ! Elle exprime ce sentiment qui et le fondement de l’âme juive. “Rendre grâce“ est même inscrit dans la signification du mot “Juif“ (Yehudim). Un “Juif“ (et donc un chrétien) ne cesse de rendre grâce. Certes, il est conscient d’être le “roi de la création“. Mais il en est aussi le prêtre : il ne cesse de retourner à Dieu tout ce que Dieu lui a donné, dans un grand sentiment de reconnaissance !
  • “Tu diras ce jour-là : « Je te rends grâce, Seigneur »“ (Ex 12.1).
  • “J’exulte de tout mon cœur et je rends grâce à Dieu de tout mon cœur en chantant…“ (Ps 28.7).
  • “Rendez grâce au Seigneur, car il est bon !“ (Dn 3.39).
  • “Que les peuples te rendent grâce, Seigneur, tous ensemble !“ (Ps 67).
  • “En tout temps, à tout sujet, rendez grâce à Dieu !“ (Eph 5.20).

On pourrait multiplier les citations…

Oui, Marie et Joseph, conscient que Dieu est toujours premier viennent au temple ! Geste de reconnaissance dans tous les sens du mot : action de grâce, merci, magnificat. Mais geste encore de dépossession de soi. Marie le comprendra de plus en plus… : “Cet enfant n’est pas à moi, semble-t-elle dire, il est à toi, Seigneur. Je le reconnais : Tu es son Père”. C’est une reconnaissance de paternité divine et un renouvellement de sa propre consécration au jour de l’Annonciation : “Je suis la servante du Seigneur”.

Comme Abraham autrefois pour Isaac, Marie sacrifie son Fils entre les mains de Dieu. Mais il n’est plus question de l’immoler comme une victime, mais de l’offrir. Sacrifier ce n’est pas d’abord détruire, c’est “faire sacré“, consacrer. Marie, en présentant son enfant, pouvait prier ainsi : “Que ton Nom de Père soit sanctifié“, c’est-à-dire reconnu comme saint, souverain, premier. – Que le Nom de mon Fils qui est ton Fils soit sanctifié, c’est-à-dire que cet enfant soit reconnu par moi, et ensuite par tous les hommes comme étant en relation étroite, exceptionnelle avec toi, son Père. C’est ton Fils Unique, le Saint de Dieu qu’il faut sans cesse “écouter“ !

Comme ils ont raison les parents chrétiens de s’empresser, dans la mesure de leur foi, de porter à l’Eglise, Temple de Dieu, leur enfant, pour le présenter à Dieu, notre Père, pour le “sacrifier”, le sanctifier, le consacrer ! Il portera désormais, lui aussi, grâce au Christ, Frère aîné, le nom de “fils de Dieu”. Ce baptême des petits enfants n’empêche pas une série de renouvellements conscients, personnels au cours des divers âges de la vie ! Ce n’est qu’à douze ans que Jésus lui-même parlera de son Père pour la première fois dans l’Evangile : “Je dois être aux affaires de mon Père !”.

Et, plus encore, pour Marie, il ne s’agit pas seulement de redonner son enfant à Dieu ; elle va jusqu’à le donner aux hommes. Elle est tout le contraire d’une mère possessive. Elle remet l’enfant entre les mains du vieillard Siméon qui, inspiré par l’Esprit Saint, comprend la portée de ce geste : “Mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les nations…” – “Maintenant tu peux laisser mourir en paix ton serviteur”. Cet enfant lui donne envie de mourir ! C’est déjà le mystère pascal : la mort est vaincue, puisqu’elle ne fait plus peur en quelque sorte… Vraiment, cet enfant, parce qu’il est “redonné” à Dieu, reconnu Fils de Dieu, est le Sauveur, Sauveur d’Israël, Sauveur de tous les hommes ! Car il a cette puissance divine qui lui permet d’avoir “les issues de la mort elle-même“, de toute mort !

Avec Marie, prenons le temps, nous aussi :
  • de remercier Dieu pour tout ce que nous avons et pour tout ce que nous sommes, d’offrir à Dieu tout ce que nous avons reçu de lui.
  • de l’offrir également à tous ceux avec qui nous vivons… ?

Mais comment faire ? Une réflexion seulement. En Orient, cette fête de la Présentation est appelée “Fête de la Rencontre” ! Dieu rencontre les hommes !

Il suffit d’être attentif, de se savoir sans cesse sur la trajectoire de Dieu qui passe…
  • Syméon n’avait pas prévu de rencontrer le Messie sous une forme aussi inattendue. Et Anne non plus ! Mais Dieu passait…
  • Et tous ces pêcheurs du lac de Tibériade s’attendaient-ils au passage de Dieu près du rivage ?
  • Et Nathanaël… ? Et Zachée…

Là encore on peut multiplier les exemples. La petite Bernadette qui allait ramasser du bois près d’une grotte à Lourdes…, s’attendait-elle… ?

Et tous, simple chrétien ou prêtre, évêque..., n’avons-nous pas perçu, comme dans le souffle d’une brise légère parfois (dans “l’éclatement d’un silence“, dit le texte à propos du prophète Elie) le passage de Dieu qui invitait à le rencontrer…, le rencontrer vraiment ?

Mais quel est donc le facteur de cette rencontre ? Comme à l'annonciation, à la visitation, à la Pentecôte et en bien d'autres circonstances, comme en nos rencontres avec Dieu, le principal acteur est l'Esprit Saint. “Poussé par l’Esprit Saint, dit le texte, Syméon vint au temple…“. Oui, l'Esprit-Saint est le merveilleux secret de cette rencontre comme il est l'unique secret de toute rencontre sur la terre, rencontre entre Dieu et chacun, et de ce fait, rencontre profonde entre les hommes ! Syméon aurait pu ne pas obéir à cette sollicitation… … de l’Esprit Saint !

Vraiment, l'Esprit Saint est le don par excellence et Jésus n'est venu sur terre que pour nous le donner : "Il vous est bon que je m'en aille ; sans cela l’Esprit ne pourrait venir" (Jn 16/7). Il est l'âme de l'Eglise, la source de toute véritable vie, de toute joie, de toute harmonie.

Ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits (pressés, poussés) par l’Esprit Saint“ (Rom 8.14), dit St Paul. Plus nous croirons possible la présence amoureuse de l'Esprit Saint en nos rencontres les plus familières, en nos actions les plus habituelles, plus Dieu pourra réaliser pour nous la splendeur si cachée et si réelle de cette rencontre que l’Evangile nous présente aujourd'hui.