lundi 28 juin 2010

28 Juin – St Irénée, évêque de Lyon

Le 2 Juin, nous fêtions les martyrs de Lyon, exécutés en 177, dont la jeune Blandine, si admirable de courage, et le vieillard Pothin, premier évêque de Lyon, premier missionnaire en notre pays - il venait de Phrygie -. C’est pourquoi l’évêque de Lyon porte, encore actuellement, le titre de “Primat des Gaules“, en souvenir de ce premier évêque à qui nous devons notre évangélisation.

Irénée lui succéda. Lui aussi était né en Asie Mineure, peut-être à Smyrne. En tous les cas, dès sa jeunesse, il avait connu Polycarpe, évêque de cette ville, qui, lui-même, avait été le disciple de St Jean. Aussi, son esprit, formé à l’admiration des “témoins du Verbe de Vie“, avait reçu, à un haut degré, le culte de la tradition apostolique. Cet attachement à la tradition apostolique est toujours le garant d’une véritable pensée chrétienne, théologique… ! Aujourd’hui encore !

Or, quand Irénée arrive à Lyon, des courants hétéroclites, hétérodoxes parcourent déjà les diverses communautés chrétiennes.

Tel le “Montanisme“ : mouvement charismatique qui supprime toute hiérarchie - même apostolique - donnant beaucoup d’importance aux femmes et qui, surtout, annonçait un “Nouvel Age“, celui de l’Esprit Saint dont un certain Montan était l’organe - bien sûr ! -. Rien de nouveau sous le soleil !

Il y avait également beaucoup de courants “gnostiques“ (mot qui vient de “gnose“ qui, en grec, veut dire : connaissance). Ils prétendaient offrir à une certaine élite seulement - évidemment - des connaissances supérieures sur Dieu et surtout sur l’Incarnation, conçue comme un système complexe de la “descente“ de Dieu parmi les hommes. D’après ces courants, cette “descente de Dieu“ s’était opérée grâce à des émanations d’êtres intermédiaires (les “éons“) dont les accouplements étranges faisaient revivre les anciennes théogonies mythologiques. Encore là, rien de nouveau sous le soleil !

Irénée combattit tous ces mouvements hérétiques, principalement dans son ouvrage bien connu : “Adversus haereses“.
  • Il réfute dans une langue grecque qu’il qualifie d’imparfaite afin de mieux se faire comprendre des Celtes : “dans notre action auprès d’eux, dit-il, nous usons souvent de la langue barbare“. Autrement dit, Irénée sait s’adapter ! Il sait déjà pratiquer l’inculturation, comme on dit aujourd’hui !
  • Pour convaincre ses lecteurs, auditeurs, Irénée ne manie aucunement les invectives (comme d’autres le faisaient à cette époque), ni même l’ironie - ce qui lui aurait été facile -. Il cherche toujours à convaincre avec respect. Il conçoit sa prédication comme une mission de paix, comme l’indique le nom qu’il porte et dont il a conscience : Irénée dérive du mot grec qui veut dire : “Paix“ ! Il sera toujours un agent de liaison, d’union, de paix. “De toute notre âme, écrit-il, nous leur tendons la main et nous ne nous lassons pas de la faire !“. Bel exemple de dialogue !
  • Sa pensée est toujours très simple, claire tout en restant profonde : “Le Verbe de Dieu, écrit-il, poussé par l’immense amour qu’il nous portait, s’est fait ce que nous sommes afin de nous faire ce qu’il est lui-même !“. C’est concis, clair et facile à retenir. Bel exemple du savoir de transmettre.
  • Il se réfère toujours à la doctrine des apôtres. C’est l’un de ses arguments principaux. Il ne cache pas son attachement à l’Eglise de Rome, parce que fondée par les “colonnes de l’Eglise“, Pierre et Paul. Bel exemple encore d’un attachement à l’Eglise du Christ ! Il précisait d’ailleurs que “la vraie théologie chrétienne nait de l’écoute et de la réflexion sur la Parole de Dieu suivant l’enseignement de la foi de l’Eglise“. Autrement dit : Ecritures et Tradition“, comme on dit aujourd’hui.
  • Ecrivain, missionnaire, prédicateur…, il tenait avant tout à sauvegarder la charité, la tolérance. Il conseille même au pape (Victor) de ne point excommunier facilement ceux qui s’écartent de la Doctrine, car, disait-il, “il n’y a pas de Dieu sans bonté !“. Beau rappel de la miséricorde de Dieu !

Est-il mort martyr ? Historiquement, on ne peut l’affirmer avec précision. Cependant, l’Eglise, suivant les indications du martyrologe hiéronymien (4ème siècle), de St Jérôme et de St Grégoire de Tours, le pense et l’affirme.

Enfin, on peut remarquer que St Irénée est cité bien des fois dans les textes du Concile Vatican II, surtout à propos de Marie, la Mère de Jésus. Il écrivait clairement :
  • “Comme vraie mère, Marie garantit que Dieu a tout assumé de nous jusqu’à devenir "Fils de l’homme" ; donc nous sommes entièrement assumés et entièrement sauvés.
  • Comme Vierge divinement féconde, Marie garantit que c’est Dieu qui est né d’elle, et qu’ensuite il sauve vraiment : avec sa puissance divine“.
    (Adv. haer. V, 19,1)

Prions St Irénée, théologien, missionnaire, pasteur…pour notre Eglise du Mans, pour l’Eglise Universelle !

vendredi 25 juin 2010

T.O. 12 - Vendredi - Le lépreux, l’“Intouchable !“ (II Rois 25.1sv – Mth 8.1sv)

Un prédicateur, jadis, au moment d'aborder une page d'Évangile, avait coutume - et cela faisait sourire - de dire : “Attention mystère !”. Aujourd’hui, en écoutant le récit de la guérison du lépreux, disons ensemble :. “Attention mystère !”. Oui, il nous faut entrer respectueusement dans le “mystère” d’un Dieu qui se fait toujours proche de l’homme. Lorsque Jésus guérit le lépreux, il lui demande de garder le secret. C'est sûrement parce que Jésus craignait que beaucoup n’interprètent mal son geste. Mais encore, c'est sûrement parce qu'au-delà des apparences, ce geste cache un secret... un “mystère”... “Attention, mystère”, c’est-à-dire : présence de Dieu à toujours découvrir. Lorsque Jésus, HIER, a guéri le lépreux ; quel secret voulait-il révéler ? Lorsque les chrétiens, AUJOURD'HUI, lisent ce récit, quel secret ont-ils à découvrir ?

HIER, au temps de Jésus, les lépreux étaient des “intouchables”. Totalement exclus de la vie commune, on les tient à distance. Tellement à distance qu'ils doivent, les pauvres, agiter une clochette et crier “impur… impur…”, pour que personne ne les croise par distraction, par hasard. Ceci, pour éviter la contagion, bien sûr, mais surtout - et la transposition est facile - pour préserver une conception trop humaine de pureté spirituelle. Les lépreux, croyait-on, étaient maudits de Dieu, punis par Dieu, la lèpre étant considérée comme le châtiment de leur péché. Explication toujours actuelle !

Ils étaient donc doublement impurs et, de ce fait, en somme, on croyait que c'était plaire à Dieu que de les mépriser, de les exclure. Ils étaient à distance des hommes parce qu'on les disait à distance de Dieu.

Jésus, lui, contredit tout cela. Et c'est cela la “Bonne Nouvelle” ! Avec Jésus, le lépreux oublie qu'il faut rester à distance. Celui qui humainement est tenu à distance vient vers Jésus et lui dit des choses qu'on ne peut dire qu'à Dieu : “Sï tu veux, tu peux me guérir”. Regardons bien la scène. Ne regardons pas le regard horrifié des témoins. Regardons surtout Jésus ! Qu’ose-t-il faire ? Il étend la main et - chose incroyable - il touche : il touche un intouchable !… Le secret (mystère) que Jésus révèle ce jour-là est clair.

Pour Dieu, il n'y a pas d'intouchables, d'inguérissables, d'impardonnables. Il n'y a pas de lépreux qu'il ne veuille guérir. “Le Fils de l’Homme est venu pour sauver ce qui était perdu”. Tel est le secret (mystère) que Jésus nous révèle par ce geste. Et il est de taille ! Cet évangile ne révèle pas le tour de force d'un guérisseur, il révèle le visage inoubliable d'un Dieu qui se fait proche de l’homme.

C'était HIER ! Mais “attention, mystère !”. AUJOURD'HUI, lorsque nous lisons cet Évangile, quel secret avons-nous à découvrir ? - Les lépreux, aujourd'hui, qui sont-ils ?... Certes, impossible d'oublier les 10-12 millions de lépreux à travers le monde. Mais, ce n'est peut-être pas dans cette direction que l'Évangile nous conduit. Les intouchables..., ceux que l'on tient à distance… qui sont-ils ?... Nos lépreux à nous, où sont-ils ?

Ils ne sont pas loin… Je ne connais aucune famille, aucun groupe qui n'ait ses lépreux. Les drames ont des allures différentes, mais ils ont tous en commun ce risque de mise à distance, comme autrefois pour les lépreux. C'est ce couple qui se sépare… C'est ce garçon, cette fille qui semble s’égarer… Parfois, c'est celui qui a été plus qu'indélicat lors d'un héritage. Oui, ne sont-ils pas nombreux ceux à qui l’on a dit un jour : “Tu ne franchiras plus la porte de ma maison” ? - Et puis, nos lépreux ne sont pas seulement des personnes individuelles, mais aussi des groupes : certains malades, des étrangers…, ou plus simplement ceux qui ne pensent pas comme nous !

Oui, tous ces lépreux, il n’y a pas trop de difficulté à les Identifier. Il y a grande difficulté à les aimer !

Et puis un dernier mot pour finir cet inventaire… Le lépreux, Il est parfois en nous. Je veux dire que chacun de nous a bien sa lèpre qui le défigure, lui fait honte et dont il désespère. - Ma vie est trop en désordre. Dieu ne peut plus m'aimer… - Un jour, j'ai consenti un geste irréparable.

Et c’est à ce moment qu’il faut parler et reparler de cette “Bonne Nouvelle” entendue aujourd'hui :
  • Pour Dieu, il n'y a pas de geste irréparable,
  • Pour Dieu, il n'y a pas de lèpre qu'il ne veuille guérir.

Jésus touche tout lépreux. C'est une main d'homme qui le touche ; et c’est Dieu qui le touche pour le guérir ! Oui, Jésus approche, il va venir sur cet autel vers nous. Fidèle à sa parole, il y vient tout entier, corps, âme, divinité, avec toute sa vie donnée pour nous, de sa naissance à sa mort et sa résurrection. Nous le recevrons dans notre main, qui deviendra un instant le trône de Dieu. Nous le toucherons et il se laissera toucher.

Bien plus, l’Eucharistie est plus qu'un toucher ! Jésus vient en nous, il se fait notre nourriture, et tandis que notre corps assimile l'apparence du pain sous laquelle il se rend présent, c'est Lui qui nous assimile. Ce n'est pas nous qui réduisons Jésus à notre mesure charnelle, c'est lui qui nous agrandit à la sienne, qui nous divinise !…

Accueillons ce toucher profond du Seigneur : ce toucher transformant et sauveur. Accueillons cette “Bonne Nouvelle”… Et n’oublions pas d’en parler, d’en reparler, de la reprendre… avec grande joie et grand respect : “Attention, mystère !”, mystère d’un Dieu proche de l’homme !

lundi 21 juin 2010

21 Juin - St Louis de Gonzague

Il est bon, de temps à autre, de parcourir la vie des Saints, c’est-à-dire de ceux qui se sont sanctifiés dans le Christ, dans son mystère pascal que nous célébrons dans l’Eucharistie, même si, parfois, ils ne peuvent être des modèles de vie à suivre totalement, tant leurs particularités, leur originalité, leurs ascèses… ne paraissent pas compatibles avec notre genre de vie… “Admirandus, non imitandus“, comme on dit en latin. Ils sont admirables, mais pas toujours imitables ! Dom Delatte, un abbé de Solesmes, disait que la sainteté de certains est comme « prismatisée », c’est-à-dire qu’elle reflète fortement une couleur particulière de l’arc-en-ciel de la sainteté divine, tel St Vincent de Paul, Mère Térésa, ces amoureux fous du Christ dans les pauvres. La plupart, disait-il, affichent une sainteté « blanche », ne révélant aucune particularité de sainteté. Comme disait Péguy à propos de mon saint patron - excusez-moi ! - : on ne sait pas très bien ce qu’a fait St Marcel. Mais ce fut un saint et même un grand saint ; et cela suffit !

Quoi qu’il en soit, tous les saints - particuliers ou non - nous indiquent en tous les cas le but de notre pèlerinage ici-bas : participer à la Vie même de Dieu qui est Amour ! La liturgie nous présente donc aujourd’hui St Louis de Gonzague. Et, du coup, bien des aspects de sa sainteté seraient “à admirer et à imiter“. Toute sa vie fut une ascension progressive vers Dieu, ce à quoi tout baptisé doit tendre.

Il a vécu au 16ème siècle, issu de pieux parents, descendants eux-mêmes de familles illustres qui avaient donné à l’Eglise nombre d’évêques, de cardinaux et même de papes.

Il naquit près de Mantoue (nord de l’Italie) en 1568 dans des conditions si difficiles qu’il fut baptisé aussitôt né. Très tôt, il manifesta une très grande piété. Facilement il s’éclipsait de son entourage ; et on le retrouvait en quelque coin, à genoux, les mains jointes. Puisse-t-il nous transmettre ce goût de la prière à l’exemple du Christ qui s’éloignait souvent pour prier son Père dans la solitude. Comment celui qui ne prie jamais peut-il témoigner de Dieu ?

Cependant, son père le destinait à la carrière militaire ; il y prit goût quelque peu… au point qu’il s’en repentit fortement par la suite, avec une honte extrême.

Puis, il fut envoyé à Florence alors si prospère dans les arts, les études… et le commerce, sous le règne des Médicis. C’est à ce moment, encore jeune, qu’il entreprit une lutte acharnée contre les défauts qu’il s’était découvert, principalement ses accès de colère dus à son impatience naturelle. Puisse-t-il nous aider à lutter nous-mêmes contre certaines de nos défaillances !

C’est encore à ce moment-là qu’il découvrit la place privilégiée de la Vierge Marie pour laquelle il eut une très grande dévotion. Puisse-t-il nous aider à redécouvrir le rôle si important de Marie, Mère de Jésus, Mère de l’Eglise, pour notre propre sanctification.

Il lit beaucoup, s’adonne complètement, malgré les mortifications qu’il s’impose, aux études (il lit Plutarque, Sénèque…) sans oublier la prière, la méditation de l’Evangile. Cependant, sans guide spirituel (St Charles Borromée), il aurait facilement sombrer dans un faux mysticisme ; mais sa prière continuelle était : “Dirige-moi, mon Dieu !“.

Après les oppositions de son père qu’il respectait, mais qu’il sut convaincre, il entra, à Rome, en la compagnie de Jésus.

Il fut envoyé en mission, comme prédicateur, missionnaire (Milan surtout)…, il revint à Rome, où, malade pour avoir soigné ses frères atteints de la peste, affaibli par ses privations diverses, il meurt, à l’âge seulement de vingt-trois ans, le 20 Juin 1591.

Retenons seulement, comme florilège, ces deux réflexions qui marquent son amour et envers Dieu et envers le prochain :
  • “O Dieu, je voudrais vous avoir aimé avec toute la ferveur que mérite votre souveraine majesté. Je suis fâché que les chrétiens soient si ingrats envers vous !“.
  • “Qui ne pèche pas dans ses paroles est un homme parfait !“.

J'aime bien aussi la réponse qu’il fit à la question qu’on lui posa, alors qu'il était encore enfant et qu'il jouait : "si vous deviez mourir dans une heure que feriez vous ?" Il répondit : "je continuerais à jouer !". Bel exemple de confiance.

vendredi 18 juin 2010

T.O. 11 Vendredi - Vers la “Nouvelle Alliance“ ! - (II Rois 11.1sv ; Mth 6.19sv)

Vous connaissez le contexte à la fois politique et religieux du Royaume du Nord, aux 9ème- 8ème siècles avant la prise de Samarie (722). Période de grandes instabilités politiques dues, en grande part, à une instabilité de la fidélité au Dieu de l’Alliance (C’est toujours d’actualité !). C’est l’époque d’Elie, puis d’Elisée qui réagissent contre l’invasion des cultes étrangers introduits surtout par la reine Jézabel. C’est dans ce même contexte qu’il faut écouter notre lecture de ce jour : l’éviction de l’impie Athalie (fille de Jézabel) que nous, Français, nous connaissons par Racine. Même si, précédemment, le roi Jéhu, par toutes sortes d’intrigues et de meurtres (moyens peu “orthodoxes“ !), avait combattu, le culte de Baal, restaient des partisans de ce culte regroupés autour d’Athalie qui, finalement, périt lamentablement. (Cf. notre lecture). Alors le peuple revit !

On peut, encore une fois, retenir de cet épisode ce qu’on a eu l’occasion de souligner : Si le peuple garde l’identité qu’il a trouvée dans le désert, s’il conserve l’Alliance avec Dieu, il n’a aucune raison de craindre. La fidélité au Dieu de l’Alliance est le secret de sa réussite ! S’il est infidèle, la terre elle-même, cette terre promise et donnée par Dieu, devient une terre qui “vomit“ ses habitants ! C’est le chaos ! Car l’Alliance avec Dieu se présente d’abord comme une sorte de contrat : “Si vous accomplissez la Loi, alors, dit Dieu, j’accomplirai les promesses de l’Alliance !“. Sinon le Seigneur est irrité et il permet les conséquences des infidélités qu’il pardonne toujours pourtant. Et ce sera l’invasion des rois assyriens, et, plus tard, babyloniens.

A ce sujet, on peut faire une réflexion importante : certes, Dieu est miséricordieux ! Il pardonne toujours. Il pardonne nos fautes. Mais il ne peut pas supprimer - sauf miracle ! - les conséquences de nos actes mauvais. Si un enfant, par désobéissance, utilise un couteau dont l’usage lui est interdit et se blesse, sa maman peut pardonner sa désobéissance ; mais elle ne peut ôter la conséquence de sa désobéissance : la blessure ! Elle ne peut s’employer qu’à la soigner…, ce qui peut prendre du temps ! - Pour nous, quand la blessure est purement spirituelle, elle peut être soignée par un accroissement de charité, de pénitence… etc. (C’est le sens des indulgences, pas toujours comprises !). Quand la blessure comporte un aspect visible (un vol, par exemple), il faut s’employer à guérir la blessure par une “réparation“ (rendre l’objet volé…, compenser), ce qui peut prendre du temps… Soyons attentifs à cette évidence : nos actes (même pardonnés et par Dieu - c’est évident - et parfois par les hommes) nous “suivent“ toujours…, et parfois très lourdement. C’est logique.

Cependant, la logique divine est encore celle-ci démontrée en Jésus Christ : du mal (conséquence de nos fautes), Dieu peut en faire du bien ! Et même un bien suprême ! Certes, le peuple de Dieu, le peuple de l’Alliance, sera déporté, en Assyrie, à Babylone…, conséquence de ses infidélités diverses. Alors il “crie“ vers Dieu. Et Dieu promet une délivrance, lui annonce surtout une “Nouvelle Alliance“, une alliance “perpétuelle“ (annoncée par les prophètes, tels Isaïe, Jérémie, Ezéchiel)

Car Dieu, lui, malgré notre déchéance, reste fidèle ! “Si nous sommes infidèles, lui, dit St Paul, demeure fidèle !“ (2 Tim 2.13), une fidélité divine déjà expérimentée, justement, tout au long de l’histoire. On est sûr de la fidélité de Dieu ! Pourquoi ? Pourquoi Dieu reste-t-il fidèle, alors que nous sommes souvent infidèles ? “Parce qu’il ne peut se renier lui-même“, ajoutera St Paul ! Il ne peut que respecter, dit la Bible, son grand Nom qui risque d’être profané parmi les nations qui vont se moquer de lui s’il ne réalise pas, malgré tout, les promesses qu’il a faites. - Mais à travers ce motif, on devine que Dieu reste fidèle surtout parce que lui est Amour ! Il reste fidèle par un amour purement gratuit, un amour qu’il veut renouveler, de telle sorte qu’après les infidélités et les repentirs, il y ait des épousailles encore plus belles que les fiançailles originelles (Cf. le prophète Osée), un amour qui va présider à une “Nouvelle Alliance“ qui ne sera rien moins qu’une nouvelle création.

Nous le savons, désormais : cette “Nouvelle Alliance“ sera établie par le Christ qui, lors de son baptême, descend dans le Jourdain (Yarden = descendre), dans ce fleuve qui descend jusqu’à la mer morte, symbole du péché du monde. En “descendant“, il prend sur lui toutes nos infidélités et remonte vers le temple qu’il restaure en son propre Corps ressuscité et glorifié. “Lui, de condition divine, s’est dépouillé, devenant semblable aux hommes… C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout Nom“ (Cf. Phil. 2.6 sv).

En lui, nous sommes déjà “re-créés“. Il est le Grand Prêtre (“Pontifex“, celui qui fait le “pont“ entre Dieu et les hommes), étant désormais le garant d’une nouvelle Alliance (Cf. Heb. 7.22 ; 8.7sv) scellée par son sang (Heb. 8.15 sv), instaurée par pur Amour divin, précisera St Jean (Cf. I Jean).

Cette “Nouvelle Alliance“ réalisée une fois pour toutes (Cf. Heb 9.25) est ré-actualisée par chaque Eucharistie. Ayons foi en ce mystère d’Amour - “Il est grand le mystère de la foi ! -“. Malgré nos infidélités, Jésus nous redit aujourd’hui : “Celui qui croit en moi, même s’il meurt (par son péché), vivra !“ (Jn 11.25).

mercredi 16 juin 2010

T.O. 11 Mercredi - Prophétisme ; charisme et grâce ! - (II Rois 2.1sv ; Mth 6.1sv)

Pour bien comprendre la lecture d’aujourd’hui, il faudrait relire toute la “geste“ d’Elie et d’Elisée qui s’inscrit dans tout un courant - disons - de “prophétisme charismatique“ qui commence surtout avec Samuel (et l’institution de la royauté). Elie et surtout Elisée faisaient partie de ces groupes de croyants qui vivaient en ascètes près du Jourdain dans des espèces de “bicoques“ construites sommairement. (Cf. Amos 7.10sv). Ce sont les “précurseurs“ de notre Jean-Baptiste ! Quand l’Esprit s’emparaient d’eux, ils entraient en transe, en délire, disons plus aimablement en effervescence !

Ce genre de “prophétisme charismatique“ n’était pas toujours apprécié. Il rappelait certaines pratiques païennes de divinisation, de magies noires (Il en est toujours ainsi !). Du moins, on avait tendance à attribuer ce genre de manifestations à un tempérament spécial - je ne dis pas de déséquilibré, mais qui soulignait une vulnérabilité particulière -. Cependant, quand l’Esprit de Dieu fondait sur des personnes avec mission de sauver le peuple (tel Sanson, Saül…) ou pour répandre les bienfaits divins, tout le monde s’enthousiasmait, même si certains signes déroutaient, voire effrayaient.

Mais ce qui est caractéristique du don de l’esprit prophétique dans l’A. T, c’est qu’il est individuel. Nous le voyons dans notre lecture : Elie n’est pas en capacité de transmettre son “esprit“ à son disciple Elisée. Si vous lisez d’ailleurs le passage en son entier, vous verrez qu’Elie essaie, à plusieurs reprises, de “semer“ son disciple pour ne pas être importuné avant d’être emporté par un “tourbillon“, mot presque technique qui veut exprimer l’ineffable ! Et Elisée, témoin de cet “ineffable“ de s’écrier : “Char d’Israël et ses cavaliers !“, en déchirant ses vêtements en signe de deuil. Car Elisée est loin de penser : “Quelle chance, je suis maintenant l’héritier d’Elie !“. Au contraire, l’expression “Char d’Israël et ses cavaliers“ signifie que la divine “force de frappe“, si je puis dire, qui maintenait le peuple en vie face à tous ses adversaires, s’éloigne avec Elie. C’est un cri de désespérance : que va-t-on devenir ? Elisée reçoit cependant la réponse : avec le manteau d’Elie, il frappe les eaux du Jourdain qui s’ouvrent comme avec Moïse, Josué, Elie ! Alors il s’écrit : “(Où est) le Seigneur, le Dieu d’Elie !“. D’après le texte, on n’est pas certain de “où est ?“… le Seigneur… ? C’est une forme plus exclamative qu’interrogative : “Le Dieu d’Elie est toujours là !“. Finalement, le signe qu’Elisée reçoit l’esprit de son maître - ce qui n’était pas habituel -, c’est que Dieu est toujours là !

La caractéristique du passage de l’Ancienne Alliance à la Nouvelle, ce sera, justement, la possibilité de transmettre l’Esprit de Dieu (sens de la confirmation). Cette transmission est à la fois individuel et collectif - disons ecclésial -. Ces deux dimensions ne doivent jamais être dissociées. C’est pour nous un critère essentiel. Si un membre du Corps du Christ reçoit un don (l’un de ceux qu’énumère St Paul. Cf. lettres aux Romains, Corinthiens) : enseigner, exhorter, servir, présider…), ce doit être toujours au bénéfice du Corps entier!

Cela est important, car à la suite de ce texte (et d’autres), à l’occasion du “prophétisme charismatique“, je me fais souvent cette réflexion :
  • D’une part, il y a l’Eglise - Corps du Christ, ne l’oublions surtout pas ! - ; il y a l’Eglise visible, l’Eglise-Institution qui n’est pas toujours comprise - soit ! -, qui, par un enseignement cohérent, peut paraître rigide - soit ! -, qui n’a pas toujours l’art de communiquer - soit encore ! -, mais qui nous transmet tout un extraordinaire patrimoine intellectuel, spirituel, divin que l’on peut être fier - avec humilité certes ! - de recevoir… et de profiter… !
  • Et, d’autre part, il y a toute une floraison de mouvements appelés “charismatiques“, grands ou petits, composés parfois de personnes plus ou moins originales, voire marginales. Et on est parfois un peu perplexe devant leur langage particulier, leur comportement affectif un peu étrange, leurs attitudes parfois provocantes sinon agressives. Mais, en même temps, on est interloqué parce qu’ils font des choses auxquelles les chrétiens, globalement, semblent avoir renoncé… Ils récupèrent les irrécupérables…, ils redonnent espoir aux désespérés…, relèvent les affligés, délivrent les enchaînés, etc. Et c’est bien, très bien !

Il faut cependant bien distinguer ; et l’Eglise - dans sa sagesse - l’a fait depuis le 4ème siècle (à propos du donatisme).

* Il y a des dons, des grâces que Dieu donne gratuitement (“gratia gratis data“). Et ces dons sont accordés pour sanctifier, aider, soutenir…, etc. ; mais ceux qui les possèdent n’en sont pas pour autant sanctifiés eux-mêmes ! (Il faut le savoir !). Tels sont les dons des langues, des miracles, des prophéties, etc.
* Et il y a “le Don“, “la Grâce“ qui nous rend “agréables“ à Dieu (“gratia gratum faciens“), la “grâce sanctifiante“, qui nous rend peu à peu saints.

Et il ne faut pas juger de son “état de grâce“, comme on dit, d’après les charismes que l’on peut avoir reçus. Avoir des “dons particuliers“ (don d’enseigner par exemple) ne veut pas dire qu’on est en accord avec Dieu, qu’on a une vie de sainteté… Il ne faut pas se leurrer soi-même.

Il suffit d’ailleurs de relire l’“hymne à la charité“ de St Paul : Quand je parlerais les langues des hommes et des anges…., quand je connaîtrais tout les mystères, quand j’aurais une foi à transporter les montagnes… etc…, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert à rien, je ne suis rien…

Alors, la charité, qu’est-ce que c’est ? Elle est indéfinissable. On peut l’appeler “grâce sanctifiante. Mais comme Dieu ne donne pas son Nom dans la Bible, les théologiens ont beaucoup de mal à la cerner. C’est quelque chose de divin en nous ! On ne peut la décrire. On rencontre seulement des hommes et des femmes qui ont la charité. Et c’est merveilleux ! Car dans la mesure où nous avons la charité, nous sommes déjà dans la Vie éternelle !

Retenons : La charité c’est ce sans quoi tout le reste n’est rien !

lundi 14 juin 2010

T.O. 11 Lundi – Vraies leçons de morale ! - (I Rois 21.1sv ; Mth 5.38-42)

La liturgie nous fait lire aujourd’hui et demain un récit assez épouvantable… ; enfin, ce n’est pas un conte à la manière de Mme de Ségur. Le contexte historique lui-même contient de multiples scandales politiques assortis de meurtres : tandis que le royaume de Juda, au sud, est assez stable, on assiste, au Royaume du Nord, à une succession d’usurpateurs ; c’est très sauvage ! Et le point culminant de ces horribles méfaits arrive avec la dynastie d’Omri et d’Achab (1).

Vous avez entendu le récit : Achab, jaloux, envieux désire le champ de Naboth qui refuse de le lui vendre. Alors, “ le roi, est-il dit, se couche sur son lit, détourne son visage et ne veut pas manger !“. C’est encore et toujours, plus ou moins, le symptôme d’une mauvaise humeur !

C’est à ce moment qu’entre en scène la reine Jézabel, son épouse ; elle était fille du roi de Tyr, une phénicienne qui avait une hiérarchie de valeurs de vie bien différente que celle enseignée par Dieu à son peuple ! De plus, elle avait introduit à la cour le culte du dieu Baal !

“Tu fais un joli roi !“ dit-elle à son mari, “Moi, je vais te donner la vigne de Naboth !“. Elle ne savait pas sans doute ce que devait être un roi selon le cœur du Seigneur. Vous pourrez, pour le savoir, vous reporter au chapitre 17ème du Deutéronome. Voici quelques caractéristiques :
  • Le roi ne pourra être un étranger ! Cela se comprend. Mais dans le cas d’Achab, on peut se demander si c’est lui qui gouvernait ou sa femme, une “maîtresse-femme“, n’en doutons pas !
  • Il ne devra pas multiplier le nombre de ses femmes, ce qui pourrait égarer son cœur ! Je ne fais aucun commentaire !
  • Il n’accumulera ni or ni argent.
  • Il lira la loi du Seigneur qu’il aura lui-même copiée.

Au fond, le roi n’a pour raison d’être que de faire régner la justice et la loi… Er s’il contredit à la loi, surgit alors un prophète… comme Elie.

Oui, Achab n’est pas un bon roi ! Il laisse faire sa femme, Jézabel, mettre à mort, par un inique procès (cela aussi arrive de nos jours !) Naboth ; elle s’empare alors de son terrain pour le remettre à Achab.

C’est ainsi qu’Elie surgit et dit à Achab : “Tu as assassiné ; et de plus, tu usurpes… Aussi, à l’endroit où les chiens ont lapé le sang de Naboth, les chiens laperont ton sang à toi aussi !“. Et il annonce un semblable châtiment à Jézabel. L’accomplissement de ces prophéties, vous pourrez la lire au second livre des Rois (ch. 9). C’est un bain de sang que vous n’approuverez pas, bien sûr ! Et pourtant !

Et pourtant, ces récits me semblent très instructifs. Ils montrent l’attitude de Dieu, du Dieu Unique, du Dieu vivant aux prises avec les hommes faits de chair et de sang (et nous le sommes encore !). A mon avis, ces récits valent tous les manuels de morale ! Voir de telles situations… et se rendre compte de leurs dénouements…, c’est, me semble-t-il, plus précieux que tous les traités abstraits de morale qui donnent des principes précieux, certes, mais que personne ne lit (sauf les professeurs !).

On considère ces actes que commettent les hommes (aujourd’hui encore) et les conséquences qu’ils entraînent ; et alors on enrichit notre mémoire de tous ces récits pour éduquer ce que l’on appelle - dans la morale de la Somme théologique de St Thomas d’Aquin - la vertu de prudence qui est à la charnière des vertus intellectuelles et des vertus morales : La prudence est une lumière qui nous est donnée pour que notre liberté s’exerce dans une pleine lucidité !

Ces récits sauvages sont donc destinés finalement à nous guérir par avance. Ce sont comme des électrochocs qui obligent à entrer dans la pensée de Dieu… Ils nous amènent à une morale compréhensible par tout un chacun.

C’est ainsi qu’il ne faut pas avoir peur de certains récits sauvages que l’on trouve parfois dans la Bible ; ils nous font mieux comprendre alors les recommandations que Notre Seigneur nous donne dans l’évangile d’aujourd’hui : “Vous avez appris qu’il a été dit : « œil pour œil »… Et bien moi, je vous dis…“. Et Jésus nous a montré jusqu’où une vraie morale - une morale d’amour - peut conduire : sur une croix qui devient glorieuse le jour de Pâques.

Remarque : Dans cette perspective, je me permets une réflexion. Il est vrai que dans certains psaumes (formules de prière de toute l’Eglise !), on trouve des versets très durs, très vindicatifs. Certains veulent les supprimer comme indignes d’être prononcés par la bouche d’un priant ! Mais ces cris d’angoisse humaine et même de révolte, qui ne les reprendra pour les retourner en expression de cris de prière, de supplication vers celui qui a dit : “Mon Dieu ! Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?“, sinon le priant au nom de toute l’Eglise, au nom de toute l’humanité ?

(1) D’ailleurs, la capitale du Royaume du Nord change de lieu à chaque nouveau roi, ou presque. Après Sichem, ce fut Tirça un peu plus au nord, ensuite Samarie, avec une capitale secondaire : Yzréël, en bordure des monts de Samarie, en la plaine qui porte son nom (qu’on appellera aussi : Esdrelon). C’est une plaine très fertile : le nom d’“Yzréël“ veut dire : “Dieu sème“ ! Et c’est surtout en cette plaine que Dieu “sèmera“, si je puis dire, par bien des événements (comme celui d’aujourd’hui), pour éduquer son peuple !

mercredi 9 juin 2010

T.O. 10 Mercredi – Intégrité et intégration ! - (I Rois 18.20-39 ; Mth 5.17-19)

La lecture de Lundi nous a appris qu’avant d’envoyer son prophète parler et agir en son Nom, Dieu l’avait préparé par une assez longue retraite. “Va-t-en, lui avait-il dit, Dirige-toi vers l’ouest, et cache-toi au terrent de Kerrit qui est à l’est du Jourdain !“. Et là, dans la solitude, la dépendance, la pauvreté, Elie, comme naguère le peuple dans le désert, avait fait l’expérience de la “Rencontre“ avec Dieu !

Et aujourd’hui, on le trouve sur la montagne du Carmel, avec son peuple qui vit difficilement une dualité entre sa fidélité au Dieu Unique et l’attirance vers d’autre dieux - Baal, en particulier -, ces dieux qu’avait introduit en Terre Sainte la reine Jézabel, épouse du roi Achaz, fille d’un roi phénicien. Les phéniciens étaient alors très prospères. Etant de bons navigateurs - contrairement aux Hébreux -, ils maîtrisaient une grande partie du commerce dans tout le bassin méditerranéen. Leurs dieux, pensait-on alors, leur étaient propices et bienfaisants ! N’était-il pas sage alors de s’attirer leur protection ?

C’est alors qu’arrive Elie qui dit au peuple de façon péremptoire : “Combien de temps boiterez-vous des deux pieds ? (Le mot-à-mot est plus incisif : “jusqu’à quand sauterez-vous sur deux béquilles ?“). Si le Seigneur est Dieu, suivez-le ; si c’est Baal, suivez-le“. Et il organise une sorte de confrontation - c’est notre lecture ! -. C’est un fougueux, Elie : avec magnanimité railleuse, il donne à ses adversaires l’avantage de commencer : tirez donc les premiers, Messieurs les Phéniciens ! C’est un intrépide, Elie : avec ironie mordante, il attaque : criez plus fort, car que votre dieu a peut-être des soucis d’affaires… ou dort-il ! Chaque phrase est un “pavé“ lancé contre la religion phénicienne : - “Soucis d’affaires“, ils connaissent cela ces commerçants ! - L’absence pour raison de voyage, ils connaissent encore, ces navigateurs ! - Votre dieu dort, il va se réveiller ! C’est le mythe d’Adonis qu’ils vénéraient, ce dieu naturiste qui dort en hiver et se réveille au printemps.
Bref, c’est comme un combat à mort que mène Elie qui triomphera en manifestant la véracité du Dieu d’Israël. Il sort vainqueur du combat, mais pas n’importe comment ! Notre texte liturgique, par délicatesse et, disons, pudeur sans doute, s’arrête juste avant le dénouement final : “Elie dit au peuple : « Saisissez les prophètes de Baal ; que pas un n’échappe. Elie les fit descendre près du torrent de Qishôn ; et là, il les égorgea !“.

Bigre !, diront certains. Elle est amorale, cette histoire… et archaïque ! Certes, aujourd’hui, l’attitude d’Elie n’est pas très normative pour pratiquer l’œcuménisme avec nos frères hérétiques ou les tenants d’autres religions. Il faut quand même, de nos jours, savoir échanger, dialoguer…, s’ouvrir comme on dit ! Et nous avons le souvenir du Pape Jean-Paul II à Assise !

Cependant, nous sommes là, dans la Bible, au début d’une progression dont les étapes se télescopent parfois dans notre propre cœur. Je m’explique : en arrivant en Terre Sainte, le peuple de Dieu a facilement pratiqué l’anathème, n’ayant pas d’autres moyens de garder sa consistance personnelle de “Peuple de Dieu“ face à l’abomination des cultes idolâtriques qu’il rencontrait. Et puis, au fur et à mesure qu’il grandit, se développe, il trouve de la consistance dans sa personnalité humaine et spirituelle : il devient capable, de plus en plus, d’accueillir… On voit cela, par exemple, dans le livre de Jonas, livre le plus universaliste qui soit…, chez Zacharie aussi…

Et cette progression aboutira à St Paul qui partira répondre, lui, à l’attente des “îles lointaines“ (Cf. Si 47.16), des païens, en disant : “Tout est vous, mais vous, vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu !“. Et nous devons découvrir nous-mêmes, chrétiens, qu’il y a une telle force d’intégration dans le Christ que le chrétien ne doit avoir aucune pusillanimité devant tout ce qui lui est proposé au nom de l’art, de la science, de la psychanalyse, de tout ce que vous voudrez… Mais encore faut-il acquérir une personnalité capable d’intégration… Voyez-vous le problème ? Nous n’en sommes pas toujours capables. (D’où les bienfaits de l’enseignement de l’Eglise…). Et parfois, en bien des domaines même religieux, grondent en notre cœur des sortes de vindicatifs anathèmes aussi forts que ceux qu’a pratiqués Elie.

Ainsi toute la Bible nous fait suivre, si nous le voulons, une pédagogie divine qui conduit de l’anathème à l’intégration. Nous sommes appelés à intégrer et à donner sa pleine valeur à tout ce qui a été créé - Dieu a trouvé que tout ce qu’il avait créé était bon et même très bon ! -, à tout ce qu’il y a de plus beau. Mais, pour cela, il ne faut pas oublier, en même temps, la question de la consistance personnelle dans sa vie humaine et spirituelle.

Actuellement, nous risquons toujours d’être complètement disloqués par tout ce qui nous est offert. Et il ne nous est pas toujours facile de marcher “sans dévier ni à droite ni à gauche“, comme il est dit du saint roi Josias (2 Rois 22.2) [- J’aime bien cette expression : “sans dévier ni à droite ni à gauche“ !!!-]. Et plus urgente que jamais apparaît alors la nécessité d’aller au Carmel ou au désert pour retrouver de temps en temps de la consistance dans notre être de croyant de sorte que nous soyons de capables d’accueillir, d’intégrer, de digérer, de discerner tout ce qui se présente à nous.

Voyez ! Finalement, l’attitude d’Elie - que les présomptueux de tout poil jugent archaïque - pose à notre foi cette grande question de l’intégrité et de l’intégration tout à la fois ! Prions à cette intention.

lundi 7 juin 2010

T.O. 10 Lundi - Le prophète Elie - (I Rois 17. 1-6 ; Mth 5.1-12)

En méditant sur la première lecture, vous ferez vous-mêmes les applications qui vous semblent bonnes ! Mais avec Elie, il y a tout une spiritualité importante. Le Carmel, c’est la montagne de la retraite et du choix. Car le problème toujours permanent est celui de garder fidélité au Dieu de l’Alliance - et Dieu veut toujours faire alliance avec chacun de nous - face à une culture, des situations qui sont souvent très indifférentes, voire hostiles ! Notre Seigneur avait bien cerné la question : “Vous êtes dans le monde, mais vous n’êtes pas du monde !“. Vous n’appartenez pas au monde, mais à Dieu ; et vous êtes dans le monde pour le “tourner“ (“metanoia“ ! = le convertir) vers le vrai Dieu !

Et lui-même, Jésus, a été très souvent vers les pays païens, soit à l’est (Décapole…), ou à l’est (vers Tyr, Sidon…), soit au nord (vers Césarée de Philippe…) pour manifester justement cet élargissement universaliste du salut concernant tout homme, afin qu’il se “tourne“ vers Dieu !

Mais cela n’est pas évident ! Etre dans le monde tout en n’étant pas du monde. C’est le drame permanent du chrétien. Et St Paul, surtout, a donné l’exemple d’une ouverture au monde tout en gardant sa fidélité au Dieu Unique, à ce Dieu manifesté en Jésus Christ, mort et ressuscité pour le salut du monde entier !

Au temps du roi Achab (9ème s.), les alliances culturelles, économiques entraînent des alliances amicales et même matrimoniales. Ainsi, Achab se marie avec la fameuse reine Jézabel qui n’est rien moins que la fille du roi-prêtre des phéniciens (ces grands navigateurs commerciaux que n’étaient pas les Hébreux !), fille d’Ittobaal, roi des Sidoniens. Et c’est ainsi que le culte de dieux étrangers (de Baal) s’introduit jusque dans la cour des rois d’Israël. On s’en rend compte : une amitié même constructive sur le plan humain (culturelle, économique, familiale…) n’est pas sans dangers…

C’est alors que le prophète Elie surgit au Carmel, à la conjonction des pays concernés. Il va convoquer le peuple pour lui dire : “Jusqu’à quand allez-vous clocher des deux jarrets ?“. Choisissez entre le Seigneur ou Baal ! Entre Dieu et le monde. “Vous êtes dans le monde, car “tout est vous“ ; mais ne soyez pas du monde, “car, dira St Paul, vous, vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu !“.

Aussi Elie annonce un signe : “Par le Dieu vivant, il n’y aura ni rosée, ni de pluie… sauf à mon commandement… que je tiens du Seigneur !“. (Arrêter la pluie sur le Carmel, c’est assez extraordinaire… !).

Puis, ce signe étant posée, la parole de Dieu lui fut adressée : “Va-t-en d’ici, dirige-toi vers l’Orient et cache-toi au torrent de Kerrit qui est à l’est du Jourdain !“. Quand Dieu suscite un homme pour une mission importante, il commence toujours par lui dire : “Va te cacher !“.
  • Moïse demeura, réfugié, une quarante d’années dans le pays de Madiân avant la grande aventure de l’Exode (il mourut à 120 ans !!!)
  • Jésus lui-même mène une “vie cachée“, trente ans durant, avant sa “vie publique“ qui ne dura que trois ans !
  • Et pour Paul également : avez-vous compté le temps qui s’écoule entre sa conversion sur la route de Damas et puis le moment où Barnabé vient le chercher pour le conduire de Tarse à Antioche ? Je crois qu’on peut compter plus de dix ans ! Qu’a-t-il donc pu faire pendant tout ce temps, ce fougueux persécuteur qui devint un ardent missionnaire ? Après le chemin de Damas, il partit pour l’Arabie, dit-il (Gal. 1.17). Au désert ! C’est souvent au désert que Dieu parle (“midbar, dibarti“ : “au désert, je parlerai“ - Osée 2.16), et prépare ses serviteurs…

Ainsi en fut-il, en tous les cas, pour Elie. Il s’établit dans une solitude. Et Dieu lui dit : “Tu boiras au torrent et j’ordonne aux corbeaux de te donner à manger… !“. Les divers “régimes“ de vie sont souvent des voies de fécondité… Et, dans le domaine apostolique, elles sont encore plus vérifiables que dans bien d’autres. La phrase veut souligner, en tous les cas, qu’Elie refait toute l’expérience du peuple dans le désert, dans un état de dépendance, de pauvreté radicale et, de ce fait, d’écoute ! Et alors, là, dans la solitude, il va connaître Dieu, comme le peuple l’avait connu dans le désert. Tous les saints, me semble-t-il, ont fait cette expérience !

Un peu plus tard, Elie fera cette expérience extraordinaire : Lorsque, découragé, il demande à Dieu de se révéler à lui, une série de phénomènes météorologiques se produisent : tonnerre, vent, éclairs. Chaque fois, la Bible dit : Et Dieu n'était pas dans le bruit, dans le vent, dans le feu (I Rois 19/11). Et soudain le prophète entend “la voix d'un silence ténu“ (on pourrait traduire mot-à-mot : “dans l’éclatement d’un silence“ - “dans une poussière de silence“).

Sans doute que pour être dans le monde sans être du monde, pour parler de Dieu dans le tintamarre de notre siècle qui facilement parasite le langage divin, qui le tue, il faut savoir se soumettre à cette expérience de la parole de Dieu qui aime se manifester “dans le bruissement d’un silence ténu“. Aussi, ayons au moins, comme dit St Luc “un cœur qui écoute“ !

vendredi 4 juin 2010

4 Juin – Ste Clotilde

Un peu d’histoire ne nuit nullement à l’instruction de notre foi ! On y voit toujours la bienveillance de la miséricorde divine et de sa Providence au milieu des vicissitudes du temps souvent provoquées par les hommes eux-mêmes !

Ste Clotilde est surtout connue par le rôle qu’elle a joué certainement dans la conversion de Clovis et des Francs, nos ancêtres. Elle brille au premier rang d’une pléiade de reines chrétiennes et de femmes saintes qui amenèrent leurs époux et leurs peuples au Christ. N’oublions pas le rôle important des “Saintes femmes“ dans la proclamation de la résurrection du Christ ! Ce fut les premières missionnaires… Grande est souvent l’influence de la foi des femmes sur les générations futures (Je n’en dirai pas plus, Messieurs ! ! !...)

Clotilde était burgonde ; cette tribu occupait les riches vallées du Rhône et de la Saône. Ce fut peut-être sa richesse qui la perdit (comme souvent !). Toujours est-il que le royaume burgonde fut éphémère. Comme tous les peuples (dits) “barbares “établis en Gaule, il était contaminé par l’hérésie arienne ; toutefois, il s’y rencontrait bien des catholiques fervents dont Carétène, époux de Chilpéric, mère de Clotilde.

Chilpéric mourut assez vite, laissant ses deux filles encore jeunes, incapables aux regards des traditions d’alors de lui succéder. Son royaume fut partagé entre ses deux frères. C’est ainsi que Clotilde se retrouva avec sa mère et sa sœur, Sédeleube, à Genève chez son oncle chez qui elles continuèrent leur vie de prières et de bonne œuvres. D’ailleurs la sœur de Clotilde fonda un monastère où elle se retira elle-même.

La beauté de Clotilde, dit-on, l’avait fait remarquer par les ambassadeurs du jeune roi des Francs, Clovis qui la demanda en mariage. Les noces se célébrèrent avec grande solennité. Mais ce que nous en rapporte Grégoire de Tours et d’autres chroniqueurs semble tenir de la légende. Ce qui est certain, c’est l’influence que Clotilde exerça sur son époux, où le respect se mêle à la tendresse, chose assez rare à cette époque. Ainsi Clotilde gagna peu à peu le cœur de Clovis à la cause du Christ. Le jeune roi des Francs, intelligent, semble avoir compris assez tôt la position privilégiée de l’Eglise romaine ; et cela ne fut sans doute pas sans influence sur sa détermination d’épouser une princesse catholique avec ses convictions religieuses. Ainsi en va souvent le cœur de l’homme, toujours un peu “calculateur“ ! Néanmoins, retenons que sa conversion fut surtout l’œuvre de la grâce et de son instrument, Clotilde. Cependant la conversion finale ne se fit qu’à la faveur d’une victoire que les Français ont retenue : Tolbiac (496 ?) .

Jusqu’alors, Clovis n’avait guerroyé qu’avec les diverses tribus barbares établies en Gaule. Mais de nouvelles et importantes forces attendaient, au-delà du Rhin, l’occasion de se jeter sur ces terres riches et ensoleillées qu’occupaient maintenant leurs frères de race (l’immigration n’est pas événement récent, ni sa motivation !). Donc vers 496, des hordes qui ont reçu le nom générique d’Alamans, se jettent sur l’Alsace où ils rencontrent Clovis. Le choc fut rude et les Francs menaçaient de se débander, quand leur roi invoqua le “Dieu de Clotilde“… Et Dieu donna la victoire ! Dans sa Providence avait-il choisi en cet instant, parmi toutes les peuplades barbares contaminées par l’hérésie arienne, celle des Francs, pour en faire son “instrument d’élection“ et le champion de son Eglise catholique ?

Le triomphe du Christ était aussi celui de Clotilde ; et, avec l’aide de l’évêque de Reims, St Rémi, elle “catéchisa“ son mari qui fut baptisé à Noël 696 à Reims. La tradition rapporte que devant la magnificence de la cérémonie, le roi demanda à l’évêque : “Est-ce là le royaume du ciel dont tu m’as parlé ?“. Et l’évêque de répondre : “Non, mais le commencement du chemin qui y conduit !“. Et au seuil du baptistère, il invita le fier Sicambre à courber la tête pour adorer ce qu’il avait brûlé et brûler ce qu’il avait adoré.

La grande œuvre de Clotilde fut donc d’amener son époux, et par lui, son royaume, à la foi au Christ. Après l’évènement, elle semble disparaître ; et l’histoire ne la nomme plus guère. Sa vénération envers Ste Geneviève la poussa à faire reposer son corps sur la hauteur qui devait prendre le nom de la Patronne de Paris.

Certaines mauvaises conduites, à la fois politiques et personnelles, de ses enfants et petits enfants la meurtrirent certainement dans son affection maternelle. Elle quitta Paris et se réfugia à Tours, auprès du tombeau de St Martin. Elle mourut en cette ville en 545 en confessant la Sainte Trinité (face à l’hérésie arienne). Moins de trente ans après sa mort, celui que l’on a appelé le “Père de l’Histoire de France“ (Grégoire de Tours) devenait évêque ; il écrivit d’elle : “Fidèle à son service, elle ne se laissa pas séduire par la puissance royale de ses fils, ni par les richesses, ni par l’ambition du siècle, mais elle arriva à la grâce par l’humilité !“.

Son corps fut déposé dans la crypte de l’église parisienne où reposaient son cher Clovis et Ste Geneviève. Et il est vrai que la bergère de Nanterre ne tarda pas à supplanter, dans la vénération populaire, ses hôtes royaux. Cependant Clotilde ne fut pas entièrement éclipsée et la dévotion du peuple l’associa à la sainte bergère.

Mais la dépouille de Ste Clotilde n’est pas parvenue jusqu’à nous. Dans la tourmente révolutionnaire (en 1793), les tombes royales et saintes furent profanées et les cendres de Ste Geneviève furent jetées au vent. Un chanoine voulut éviter la profanation aux restes de Ste Clotilde et les réduisit lui-même en cendres. Celles-ci furent plus tard remises à l’église Saint-Leu.

Que Ste Clotilde nous aide à grandir dans la beauté, la tendresse, l’union à Dieu, grâce à une foi indéfectible et une réelle humilité !

mercredi 2 juin 2010

T.O. 9 Mercredi – Dieu non des morts, mais des vivants ! - (II Tim. 1. 1-12 ; Mc 12. 18-27)

Par delà les arguties d’une casuistique familières aux Juifs, les Sadducéens de notre évangile d’aujourd’hui posent une question essentielle : Qu’en est-il de la vie que l’on reçoit et que l’on doit transmettre. Qu’en est-il de la vie après la mort ?

D’après le dessein du Créateur (“Soyez féconds et remplissez la terre…“ Gen. 1.28), le signe à la fois visible et mystérieux d’une vie après la mort se manifestait surtout dans la descendance ! Ne pas avoir d’enfant marquait une rupture du fil de la vie que Dieu donne par delà la mort elle-même. Aussi Rachel, stérile, s’adressait à son mari, Jacob, disant : “Donne-moi des fils ou je meurs !“ Ou je meurs à jamais ! Et Jacob, irrité, de lui répondre : “Suis-je à la place d’Elohim ?“ (Gen 30.1-2), tant il place le mystère de la vie elle-même en Dieu ! Et pour maintenir ce signe fragile de la vie dans la descendance, par delà la mort même, on avait institué la loi du lévirat : à un homme mort sans enfants, son parent le plus proche avait droit et devoir de susciter une descendance au défunt. On l’appelait le “Goël“, mot que l’on peut traduire par “Rédempteur“, celui qui avait droit de “rachat“, de relever la vie ! (1)

Mais derrière ce signe de vie qu’est une descendance, la question du mystère d’un “Au-delà de la mort“ restait posée depuis que le sang d’Abel avait été versé, sang qui du sol criait vers Dieu (Gen 4.11). Déjà Abraham, d’après une méditation séculaire rapportée par la lettre aux Hébreux, avait donné une réponse à la pensée du sacrifice d’Isaac : “Même un mort, se disait-il, Dieu est capable de ressusciter !“ (He. 11.19). Il croyait, dira St Paul “en un Dieu qui fait vivre les morts !“ (Rm 4.17).

Et ce sentiment plus ou moins obscur d’un Dieu de vie par delà la mort avait été fortement ébranlé, au 8ème siècle, par l’absurde mort du juste par excellence, le saint roi Josias “qui fit ce qui est droit aux yeux du Seigneur, sans dévier ni à droite, ni à gauche !“ (2 Rois 22.2). [Expression intéressante !] Pourquoi la mort du Juste ? “En serait-il du juste comme du coupable ?“, avait déjà demandé Abraham (Gen 18.25). Cette question devint aigüe au moment de l’exil à Babylone : “On supprime une nation innocente“, s’écriait Esther, implorante (6.1).

Pourtant, pourtant, commençait-on à chanter avec les psaumes : “Notre Dieu est un Dieu de délivrance !“ (Ps. 111.9) ; “il nous mène « al mouth », par delà la mort“ (ps 48). Aussi, on proclamait : “Non, je ne mourrai pas, je vivrai et je chanterai les merveilles de Dieu !“ (ps 118.17). Et devant le tragique de la vie, Job, ce “transpercé“ de mille souffrances, avoue devant Dieu : “Je ne te connaissais que par ouï-dire ; maintenant mes yeux ont vu…“ (Jb 42.5). Qu’a-r-il donc vu Job ? On ne le sait. Mais ce qu’il a vu lui permet d’affirmer avec une force extraordinaire : “Je sais bien, moi, que mon “Rédempteur“ (goël) est vivant. Il surgira de la poussière. Et après qu’on aura détruit cette peau qui est mienne, c’est bien dans ma chair que je contemplerai Dieu, oui, moi ! Mon cœur en brûle au fond de moi“ (19.25).

Qui est ce “Goël“, ce “Rédempteur“ entrevu par Job ? Le même sans doute qu’annonçait la mère des Maccabées devant le martyre de ses fils (cf. 2 Mac 7.29). C’est alors qu’à la même époque, le prophète Zacharie dévoile le mystère : “Ils (les habitants de Jérusalem) regarderont vers moi (c’est Dieu qui parle !), celui qu’ils ont transpercé… En ce jour-là, il y aura une fontaine ouverte… pour laver péché et souillure“ (Zach. 12.9). Autrement dit, Dieu se déclare atteint lui-même par la mort du Juste… Et ce “Transpercé“ divin répandra une source de pureté.

Aussi, il n’est pas étonnant que ces phrases inspirées du prophète montent comme naturellement dans l’évangile de St Jean qui note : “L’un des soldats, de sa lance, perça le côté (du Christ) ; il en sortit du sang et de l’eau. Cela arriva pour que l’Ecriture s’accomplisse : “Ils verront celui qu’ils ont transpercé !“ (Jn 19.36).

Et on peut légitiment penser à une force de vie que redonne la source qui sort du côté du transpercé, de ce “Transpercé“ qui dira : “Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi“. Et il vivra ! Aussi St Paul pouvait affirmer à son disciple bien-aimé dans la lecture : “Le Christ Jésus s’est manifesté en détruisant la mort et en faisant resplendir la vie !“. Il avait déjà dit : “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi“. Il éprouvait en lui la force de résurrection du Christ lui-même.

Oui, on peut dire que, dès maintenant, nous sommes en apprentissage de notre vie de ressuscités ; nous sommes en train de ressusciter en nous laissant transformer peu à peu par le Christ eu plus profond de nous-mêmes, par notre foi en lui. Tous les sacrements sont autant de rencontres avec le Christ qui vient à nous pour faire de nous des hommes nouveaux, vivant toujours plus intimement de sa vie, en nous laissant animer par son Esprit qui fait de nous des fils et des filles de Dieu !

Oui, déjà nous sommes en état de ressuscité. Notre résurrection est progressive. Quand nous pensons “vie éternelle“, ne pensons pas d’abord à une vie qui dure toujours, mais pensons surtout à notre vie de maintenant en marche vers son suprême accomplissement : “Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, alors, vous aussi, vous apparaîtrez avec lui en pleine gloire.

Au fond la réponse de Jésus dans l’évangile est un appel à la foi au Dieu de vie. “Dieu, déclare-t-il avec force, n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants !“. Dieu n’est Dieu que s’il est le Dieu de la vie ! Et si nous croyons en Dieu, comment dès lors ne pas croire à la vie ressuscitée au-delà de la mort ? Comment cela se fera-t-il, nous l’ignorons en grande part. Mais que notre foi fasse la politesse à Dieu de recueillir tout ce qu’il a révélé déjà à travers l’Histoire Sainte, à travers nos expériences de vie face aux signes de mort que nous pouvons rencontrer.

(1) [Remarque : Matthieu, dans sa “généalogie“ de Jésus, cite le cas de Ruth qui, avec finesse et habileté, acquiert une descendance à son défunt mari par l’intermédiaire de Booz, son parent le plus proche (son goël-Rédempteur). C’est ainsi qu’une étrangère devint l’aïeule du Christ ! Matthieu veut souligner, là, dès le début de son évangile, l’universalité de la mission du Christ Rédempteur !].