dimanche 31 octobre 2010

Aujourd'hui !

31e Dim. T.O. 10.C :

Chez St Luc tout particulièrement, depuis la Transfiguration où Jésus s’est entretenu avec Moïse et Elie de l’“exode“ qu’il devait accomplir à Jérusalem, Jésus entraîne, avec hâte, ses disciples sur la route, vers la “Ville Sainte“. Il est comme pressé d’y parvenir.

Et, au cours de la marche, il ne cesse d’annoncer, de préciser le mystère de sa mort et de sa résurrection : “Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu”. Ce dont il est justement question dans l’évangile d’aujourd’hui, c'est de cette mission de Jésus Sauveur, c'est de Jésus accomplissant son “exode“ vers le jour de Pâque pour arracher à sa perte notre humanité destinée pourtant à devenir “Demeure de Dieu“, chacun étant appelé à devenir membres du Corps glorieux du Christ ressuscité.

L'“aujourd'hui” qui, dans le récit de Zachée, vient par deux fois sur les lèvres de Jésus, désigne évidemment le jour où eut lieu, pour le véritable bonheur d'un homme, sa rencontre avec son Sauveur, Jésus. Mais cet “aujourd'hui”, c'est l'”aujourd'hui” de l'histoire du Salut, c'est l'“aujourd'hui” de l'Église, c'est l'“aujourd'hui” de notre vie à chacun et à chacune, quels que soient notre âge, notre condition, notre cheminement, quelles que soient joies, peines, fatigues - voire découragements - qui tissent notre existence. “Aujourd'hui, le salut est arrivé”. Alors “aujourd’hui écouterez-vous sa voix ?”, demande un psaume. Aujourd’hui, il nous faut être sur la trajectoire de Dieu qui passe en nos vies, comme pour Zachée. Dieu passe en nos vies !

Combien de fois, devant les malheurs, les inquiétudes qui accablent notre monde, combien de fois n'avons-nous pas entendu, n'avons-nous pas dit : “Mais où allons-nous, où va notre terre ?”. Dans ces questions, on peut lire comme en filigrane la question qui, au-delà de tous les aléas de l'histoire, au-delà de toutes les duretés de la vie, traduit quelque chose du mystère même de notre humanité : “Ce monde, qui finalement va à sa perte, peut-il être sauvé ? L'homme peut-il être libéré de sa capacité à vouloir le mal ?”. Peut-il, en quelque sorte, ressusciter ?

Et voilà que ce récit évangélique de Zachée peut nous faire poser la question autrement, d'une manière quasi absurde : “Y aurait-il une relation possible entre les souffrances de notre huma-nité, le mal que les hommes se font les uns aux autres, que nous nous faisons parfois, l'obscurité qui voile notre avenir, l’obscurité de notre foi elle-même, parfois, et cette petite histoire de Zachée, le percepteur, cet indélicat, pris au jeu de sa simple et heureuse curiosité ? Entre ceci et cela, pourrait-il exister une relation ?”. La réponse inimaginable à cette interrogation est proposée à notre foi : “Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu”.

Hier, c'était Zachée qui “cherchait”. Il “cherchait à voir qui était Jésus”. Ainsi l'Évangile nous présente-t-il souvent un homme, des hommes, les hommes, à la recherche de Dieu, à la recherche du Christ.

Et, en même temps, l'Évangile nous donne toujours à comprendre que ces mêmes hommes sont d'abord cherchés, cherchés par “le Fils de l'homme”, cherchés par le Père qui va à la rencontre du fils prodigue, cherchés par le Maître de la vigne qui veut embaucher des ouvriers à toute heure du jour. Depuis qu'au jardin de la Genèse, Dieu, pour la première fois, “appela l'homme et lui dit : où es-tu ?”, il n'a pas cessé de chercher de tout son amour prévenant, patient, inlassable. Et “aujourd'hui il faut” que Jésus “aille demeurer” chez Zachée, car des temps nouveaux sont là, la recherche a pris un tour totalement neuf : “Il est venu chercher et sauver ce qui était perdu”.

On comprend l'urgence dans laquelle Jésus interpelle Zachée : “Vite... Il faut que j'aille demeurer…”. Car là est la place du Fils de Dieu : au cœur des misères et des péchés des hommes. C'est là que doit demeurer l'amour du Christ Sauveur. La mission de l'Église commençait ainsi chez Zachée : manifester que demeure cet amour divin chez tous les Zachée, de toutes les générations et de toute la terre.

Sachons-le, ici, à Château-du-Loir, à Flée, et tout près de nous, au milieu des gens qui circulent, des hommes et des femmes cherchent le Christ parce que le Christ les cherche. N’est-ce pas, finalement, l’affirmation que pose notre évêque par la mission à laquelle il nous engage : “Quo vadis ?“. Où vas-tu, Seigneur ? Il veut aller chez tous les Zachée qui sont près de nous et qui cherchent, plus ou moins consciemment, “à voir Jésus“. Saurons-nous accompagner le Christ, saurons-nous l’assister par notre prière et le témoignage de notre vie, de notre foi ?

Soyons-en persuadés et sachons nous situer au point de rencontre entre la certitude que le Christ est en recherche de nos contemporains et notre société qui oscille entre l'errance et la recherche.

Et lorsque nous venons à en cette chapelle, en une église, ce que nous avons à manifester, à chanter ensemble, c’est, avant tout, la joie du Salut, le bonheur de recevoir nous-mêmes, “aujourd'hui”, Celui qui est venu loger chez les pécheurs. “Il faut que j’aille demeurer chez toi”. “Aujourd’hui” ! Aujourd’hui même ! En sommes-nous bien conscients ?

samedi 30 octobre 2010

Vivre : Christ !

Samedi - 30e T.O. – Vivre : Christ ! Phil. 1.18-28

St Paul est en prison, à Ephèse très probablement où il est en butte à des adversaires divers (les Judéo-chrétiens surtout). Leurs motifs, pour beaucoup, “ne sont pas purs“, a-t-il dit, ce qui pourrait rendre, pense-t-on, sa captivité plus pénible“ (Cf. 1.16-17). Mais, affirme-t-il, au début de la lecture d’aujourd’hui : “J’en suis sûr ; cela (cette captivité) aboutira à mon salut !“. Cette phrase est une citation de Job qui, lui aussi, fut en butte à ses détracteurs (Cf Job 13.16). Et comme Job met sa confiance en Dieu (“Je sais que c’est moi qui serai justifié“ 13.18), Paul, lui, reste fixé sur le mystère pascal du Seigneur qui le justifiera : “Le Christ sera exalté dans mon corps, soit que je vive, soit que je meure !“, affirme-t-il. Autrement dit, s’il est associé aux souffrances et à la mort du Christ, il l’est aussi et bien davantage, “aujourd’hui comme toujours“, à sa résurrection.

Aussi, finit-il pas s’écrier : “Pour moi, vivre, c’est le Christ !“. Il faut, me semble-t-il, retenir la concision du mot-à-mot : “To Zèn, Christos“ : “le vivre, Christ“ ! Après le mot “vivre“, on s’attendrait à un verbe qui soulignerait une action, à un substantif qui exprimerait un état. A la place, nous avons un Nom, nous avons “Christ“ ! “Vivre, Christ !“ Tant ce Nom est tout pour l’apôtre ; tant St Paul est dominé, absorbé par l’objet de sa foi ; tant il y a pour ainsi dire transfusion de Christ en Paul et de Paul en Christ !

Dès lors avec Paul, les chrétiens doivent vivre dans et avec le Christ, du Christ et pour le Christ ; ils peuvent se définir “Oi tou Christou“, “Ceux du Christ“ (I Co. 15.23). On parle bien de ceux de la CGC, CFTC, de ceux du PS ou de ceux de l’UMP, ou que sais-je encore. On devrait de même nous désigner comme “ceux du Christ“ ! Ou encore : “ceux qui sont dans le Christ“ ; la formule revient plus de 35 fois dans la seule lettre aux Ephésiens. “In Christo Jesu“ exprime alors toute l’activité que le Christ déploie dans les siens, le dynamisme, la grâce, la force, la foi, l’espérance, la charité qu’il leur infuse, de sorte que chaque chrétien puisse témoigner de “la belle conduite dans le Christ“, selon l’expression de St Pierre (2. Pe. 3.16). Il s’agit donc, pour Paul et pour chacun de nous, du Seigneur vivant, présent et agissant souverainement dans, par et dans les siens.

A la place d’un code, dira-t-il, plus tard, à ses détracteurs, les Judaïsants, nous avons une vitalité, un dynamisme immanent (Cf. 2 Co. 13.4 – Col 2.13) ; au lieu d’un idéal et des commandements, nous avons Quelqu’un, une Personne adorée dont St Jean dit : “En lui était la Vie !“ (Jn 1.4). A propos des judaïsants de tous poils, St Augustin aura cette jolie formule :
“Lex data est ut gratia quaereretur
Gratia data est ut lex impleretur“.
La loi est donnée pour que la grâce soit cherchée
La grâce est donnée pour que la loi soit accomplie“

Alors que dire de plus, semble conclure St Paul : que je meure, ce serait parfait, car je m’en irais bien “pour être avec le Christ, avec le Christ en gloire !“. Que je reste encore pour servir, c’est aussi mon désir… “pour que grandisse la gloire que vous avez en Jésus-Christ“.

vendredi 29 octobre 2010

Apôtre !

Vendredi - 30e T.O. – Apôtre ! Phil. 1.1-11

St Paul commence toujours ses lettres en précisant son identité ! “Paul et Timothée, serviteurs (“douloi“, mot à retenir) du Christ Jésus“. Comme en d’autres circonstances, Paul ne revendique pas, ici, son titre d’apôtre !
S’il s’est dit parfois “apôtre“, c’est en tant que porteur d’un message qu’il a reçu, en tant qu’il a vu le Christ ressuscité sur le chemin de Damas. Ananie lui avait dit : “tu seras témoin de ce que tu as vu et entendu“ (Ac. 22.15). Et Notre Seigneur lui avait précisé : “Je t’ai apparu pour te constituer serviteur et témoin de ce que tu m’as vu et des choses que je te manifesterai“ ‘Ac. 26.16).

Seuls, les Douze sont apôtres véritablement, au sens où ils ont été témoins (“martures“, d’où est venu le mot “martyr“) de toute la vie du Christ, de ses souffrances, des événements de sa résurrection. D’ailleurs, pour remplacer Judas, il fallait choisir parmi les hommes qui, exige St Pierre, “nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a marché à notre tête, à commencer par le baptême de Jean jusqu’au jour où il nous a été enlevé“ (Ac. 1.21-22). Et c’est ainsi que Matthias fut élu comme apôtre-témoin du Christ !
Oui, les Douze peuvent se dire “ses témoins“ (“martures autou“), tandis que Paul se dira, parfois, “martur autô“ (au datif), c’est-à-dire “témoin pour Jésus“ (Ac. 21.15), témoin au sujet de Jésus, de ce qu’il a vu le Christ ressuscité. Il témoigne du Christ ressuscité. Et il pourra dire à ses chers Thessaloniciens : “Vous avez cru en mon témoignage“ (“marturion“) (1.10). C’est dans le même sens qu’il peut se dire encore “témoin de Dieu“ (“martur tou Théou“) parce qu’il a été témoin de la puissance de Dieu qui a relevé Jésus d’entre les morts.

Veuillez excuser ces précisions. Mais c’est pour souligner que lorsque Paul se dit “apôtre“, c’est parce qu’il veut porter un témoignage de prédicateur qui veut attester la réalité de la Résurrection du Christ, et, de ce fait, la vérité de l’Evangile.
Et après lui, beaucoup furent appelés “apôtres“ en ce sens. C’est ainsi que l’on parle encore de “mission apostolique“. Bien plus - et c’est là où je voulais en venir -, tout baptisé, tout chrétien a une certaine expérience de la présence du Christ ressuscité en qui il a mis sa foi. Alors il doit donc en témoigner, il doit en être témoin, il doit être “apôtre“, lui aussi. Il ne devrait pas pouvoir ne pas dire, ne pas proclamer, comme les apôtres (Ac. 4.20).
Quel est mon témoignage ? Et comment proclamer ? Comment être témoin pour le Christ, être son “apôtre“ en tout lieu et circonstance ?

Peut-être que le qualificatif que s’attribue Paul au début de sa lettre peut orienter notre engagement à la suite du Seigneur ! Il se présente comme “serviteur du Christ“ ("doulos Christou") ! Bien plus que cela même, car le terme “doulos“ peut se traduire par “esclave“ : être tout donné au Christ, sans aucune retenue. (Il est probable d’ailleurs qu’il y avait beaucoup d’esclaves parmi les destinataires ou les auditeurs de sa lettre).
“Serviteur de Dieu“ ! Il est certain que depuis le chemin de Damas, Paul a consacré toutes ses forces, tout son temps, toute sa personne au Christ, à la prédication de l’évangile. Son activité et son agilité pratique ont pu donner l’impression, pour qui l’observait du dehors, qu’il avait l’intention de faire beaucoup, de faire tout lui-même. La réalité est fort différente. Son activité inlassable était motivée par la conviction que c’est Dieu qui commence et que c’est Dieu qui achève. Son travail, il l’appelle une “œuvre“. Mais ce n’est pas son œuvre. Il n’accomplit, en fait, que des travaux de manœuvre, de serviteur, car il se veut au service d’un plus grand. C’est ce qui lui permet de conserver son entière confiance, même lorsqu’il est obligé d’interrompre son activité, brusquement, de manière imprévue…

Faire l’“œuvre de Dieu“ - “Opus Dei“ - et s’en remettre totalement à lui ! N’est-ce pas le sens de toute consécration qui devient alors de plus en plus “apostolique“.

jeudi 28 octobre 2010

"Le combat"!

Jeudi - 30e T.O. Le combat de la vie Eph. 6.10-20

“Revêtez l’équipement de combat pour affronter les puissances des ténèbres !“. Tout le psautier que l’apôtre connaissait bien et qui est la source de notre prière commente cette exhortation.

1. Pour les psaumes, la vie est un combat impitoyable. Il y a deux ennemis : le ”Juste” et le ”Révolté”. Tous deux disent non : l'un refuse la voie de Lumière, de Dieu ; l'autre celle des ténèbres…, de l’iniquité.
01 Oh ! Heureux l'homme qui ne suit pas le conseil des méchants,
25 O Dieu ! Fais-moi connaître tes chemins de vie.

2. Le ”Révolté” dit non… à Dieu ! Ses noms sont multiples : homme de mensonge, de malice, de ruse, de violence, de perfidie, son seul slogan étant : “Dieu n’est pas !”.
Mais il se heurte au ”Juste” qui lui révèle Dieu qu’il refuse et dont le nom seul bouleverse ses horizons aveugles. Il le tente, l’asservit. Cependant, si pour le Révolté, il n’y a qu’un seul meurtre possible, gratuit, celui du ”Juste”, sa nostalgie demeure le meurtre à jamais impossible : le déicide. Le Révolté tente d’assouvir dans le meurtre du ”Juste” son remords de ne pouvoir tuer Dieu.
14 L'insensé déclare : "Non et non ! Dieu n’existe pas !"
52 Il préfère le mal au bien, le mensonge à la justice ;
37 Toujours, il complote dans le dos du juste :

3. Le ”Juste est donc l’opprimé, le “souffrant” par excellence. En même temps il est l’homme droit, le sage ; il est surtout le fervent de Dieu. Il aime Dieu et veut être aimé de lui ! Il refuse donc le mal et il déclare la guerre à la guerre du Révolté contre lui !
Mais au combat, il va les mains nues ; Dieu seul est son appui. Il sait que la force ne sert à rien, ne résout rien ; elle n’est que la sanglante maîtresse du Révolté.
27 O Dieu, ne me laisse pas, ne m'abandonne pas !
27 Oui, Dieu est ma lumière. De qui aurais-je peur ?

4. Cependant, sur cette route de malheur, le ”Juste” a un viatique d’éternité : la Parole de Dieu ! Elle trace sa ligne de conduite.
19 La Parole de Dieu est parfaite, pure, source de paix, Elle réconforte le cœur.
19 Elle est plus désirable que l'or, que l'or le plus fin ;

5. Mais, las ! Cette Parole de Dieu, Parole d’amour, de tendresse lui révèle aussi sa souillure intérieure, ses fautes : il se sent indigne de Dieu ! Son insupportable tourment est de se voir, par sa faute, séparé de Dieu, captif de sa propre stérilité. Mais il espère toujours !
38 Mes fautes m’obsèdent, elles me pèsent comme un fardeau.
50 Pitié pour moi, Dieu, en ton amour,
38 en ton indignation, ne me rejette pas !
50 Recrée au-dedans de moi un cœur pur ;

6. Mais Dieu intervient, envoie un libérateur, le Messie ! Ce Messie est à la fois :
- ce fils d’homme, le ”Juste” par excellence qui vient affronter le Révolté ; il est “l’homme des douleurs”, pur de tout péché. Mis à mort, il offrira son sang par fidélité à Dieu !
- Mais il est aussi le Messie de gloire ! La mort est vaincue ; la route du Révolté définitivement écrasé s'évanouit comme un cauchemar.
Ce ”Juste” par excellence, lui aussi, a pu dire :
22 “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?
Mais comme Messie de Dieu, il dit aux insensés :
75 "Arrêtez vos folies" ! "Ne redressez plus la tête, en narguant Dieu d’un air hautain" !
Aussi, Dieu lui a dit :
2 "Toi, mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré".

7. Alors, ce sera le Règne de Dieu ! Tous les peuples de la terre abandonnent leurs faux dieux. Ils retournent à Dieu, se prosternent devant lui et le célèbrent.
Et tous chanteront la gloire de Dieu et celle de son Messie :
99 Dieu règne ; il règne sur tous les peuples !
37 Ses ennemis se fanent comme les fleurs des champs ;
96 Criez à toutes les nations : “Dieu seul !”

Tel est le combat auquel Paul nous exhorte et que décrivent les psaumes !
- combat extérieur contre le Révolté qui règne sur le monde !
- combat intérieur à cause de nos fautes !

Aussi, nous dit St Paul, restons éveiller dans la prière, cette prière inspirée des psaumes…

mercredi 27 octobre 2010

Les uns avec les autres

Mercredi - 30e T.O. Nos relations humaines… Eph. 6.1-9

St Paul poursuit aujourd’hui son exhortation d’hier. Quoi qu’il en soit des conditions sociales de son époque, l’apôtre place toutes les relations humaines dans le Christ qui, lui, nous met en véritable relation avec Dieu, Père de tous. Etre en alliance avec Dieu, c’est pour l’apôtre la seule chose importante. Et si nos rapports sociaux, pour une bonne part, sont meilleurs en notre temps, qu’au 1er siècle, son affirmation reste d’actualité :
- Enfants, écoutez vos parents, selon le Seigneur
- Parents, donnez une éducation inspirée par le Seigneur
- Esclaves (serviteurs, ouvriers…), en obéissant, vous obéirez au Christ… Et soyez plutôt esclaves (serviteurs, ouvriers) du Christ…
- Et vous, Maîtres, vous savez que le véritable Maître, celui des esclaves (des serviteurs, des ouvriers) et aussi le vôtre, est dans les cieux !

Ne voir plus que le Christ seul ! Comme les disciples après la Transfiguration…
- Le voir quand on écoute : “Ausculta, o filii, praecepta Magistri !“. Ecoute, mon fils, les préceptes du Maître.
- - Le voir quand on agit. C’est à lui surtout que nous rendrons des comptes : “chacun recevra du Seigneur son salaire pour ce qu’il aura fait de bien, qu’il soit esclave ou homme libre“.

Le Christ est notre seul Maître, même à l’intérieur de nos dépendances sociales, plus encore à l’intérieur de nos relations en Eglise, au monastère… Il est là au milieu de nous, nous réunissant ensemble, sans cesse, pour mieux recevoir la vie de lui seul.
St Augustin avait raison de dire : “Je ne suis que le répétiteur extérieur du Maître intérieur qui seul instruit les cœurs !“. Le Maître intérieur seul ! Nous sommes là pour lui ; nous vivons de lui. Tout enseignement - comme le petit mot que je me permets d’adresser - n’a son importance que pour évoquer Celui qui seul, à l’intérieur de chacun, instruit le cœur, de diverses façons. Lui seul doit régir nos pensées, nos actions, nos relations… Lui seul en nous, au milieu de nous, entre nous !

Oh ! Certes, sa présence manifestée par notre prière assidue ne sera souvent - car on ne peut pas voir Dieu face à face, ici bas -, ne sera que frémissement comme pour Abraham : “Je sais maintenant que tu frémis d’Elohim !“, lui disait l’ange du Seigneur (Gen. 22.12) ; la présence divine ne sera qu’un saisissement qui pressent quelque chose, comme dit Grégoire de Nysse. Et les mystiques balbutie un langage qui ne peut être que langage de trace, langage de flèche, sillage d’un parfum, nuage déchiré le temps d’un éclair…
Et pourtant, cette présence perçue comme à travers un très mauvais miroir, affirmait encore St Paul, nous fera dire de plus en plus comme l’apôtre encore : “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi“… de plus en plus. Et cette présence nous conduit - tous ensemble, Eglise, Corps du Christ - au jour éternel où nous serons, dit St Jean, comme “divinisés“ : “nous lui serons semblables“, semblables au Christ ! (I Jean 3.2).

Et nos relations humaines elles-mêmes que nous tissons difficilement ici-bas trouveront leur perfection dans les relations d’amour que s’échangent éternellement les Personnes divines !

mardi 26 octobre 2010

Soumission

Mardi - 30e T.O. “Soumission“ ? Eph. 5.21-23

Lorsque naguère je présentais ce texte à des fiancés comme lecture éventuelle pour le jour de leur mariage, il y avait toujours quelques réticences, voire oppositions et critiques. Pensez-donc ! Dans une société fortement - et parfois légitimement - en recherche de la parité, de l’égalité des sexes, affirmer la “soumission“ de la femme à son mari, c’est… inacceptable ! Et même on accusait St Paul de misogynie ! Lui qui pourtant - il faut le souligner - a souvent accueilli bien des femmes qui l’ont ensuite accompagné, aidé, non sans parfois… s’imposer d’ailleurs !!! Je pense à Lydie, cette première personne européenne à devenir chrétienne (une femme ! Et on l’oublie ; c’est dommage). Elle fut si enthousiaste des paroles de Paul qu’elle l’implora, lui et ses compagnons, à venir loger chez elle. Et St Luc d’ajouter - avec le délicat humour d’un véritable gentleman - : “Et elle nous y contraignit !“. Une soumise, Lydie ? Un fort tempérament plutôt ! Quoi qu’il en soit de l’exemple que je me permets de rapporter avec amusement, il est certain que l’apôtre Paul était, en partie, conditionné par la mentalité de son époque. Soit !

Pour autant, je ne supprimerai certes pas le mot “soumission“. Au contraire, il faut l’étendre, rendre cette soumission, en toute circonstance, “réciproque“, “mutuelle“, comme l’amour lui-même peut l’être. Et j’affirmais à mes fiancés : non seulement la femme doit aimer son ami et lui être soumise, mais également, le mari doit aimer sa femme et lui être soumis ! Amour réciproque et “soumission“ réciproque ! Autrement dit - et chacun pourra faire des applications analogues au contexte conjugal -, “se soumettre“ signifie : tenir toujours compte de l’autre, de son opinion, de ses difficultés ; dialoguer et non décider seul ; savoir encore renoncer à son opinion ; er surtout, surtout, se souvenir que l’on est tous - dans l’union conjugale ou en Eglise - des “conjoints“, en quelque sorte, c’est-à-dire littéralement des personnes qui sont sous le “même joug“ accueilli en toute liberté : “Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école“, disait le Christ (Mth 11.29). Le “joug“ du Christ ! Paul le précise : le Christ a “aimé l’Eglise ; il s’est livré pour elle !“. Le véritable amour se manifeste dans le “don de soi“ à l’autre…, à Dieu !

Vous le savez aussi bien que moi : il y a deux façons de manifester son amour : Le premier, c’est savoir offrir tout ce qu’on peut donner (non sans satisfaction sensible d’ailleurs, même dans le domaine spirituel). Donner et encore donner ! La deuxième façon - plus difficile, plus exigeante - consiste à souffrir pour la personne aimée. Dieu lui-même nous a aimés, nous aime de la première manière, en nous donnant toute sa création. Il nous comble de dons, au ciel et sur la terre et jusqu’en nous-mêmes ! Mais, ensuite, à la plénitude des temps, dans le Christ, il est venu parmi nous et a souffert pour nous jusqu’à la “soumission“ extrême : celle de sa mort sur la croix !

Il doit en être de même pour nous. Certes, dans l’amour pour l’autre, dans l’amour pour Dieu, on veut tout donner, avec enthousiasme sensible parfois. Et c’est bien, très bien ! Mais vient un temps où il ne suffit pas d’être capable d’offrir, mais être capable aussi de souffrir avec et pour la personne aimée. L’aimer en dépit des difficultés, des moments de pauvreté, en dépit des maladies elles-mêmes… et cela jusqu’à la mort. C’est là, le véritable amour qui ressemble à celui du Christ qui a aimé l’Eglise jusque là !

Il faut savoir aimer jusque là entre membres de l’Eglise du Christ, pour que toute personne aimée dans le Christ perçoive et accomplisse de plus en plus la plénitude de son être, créé “à l’image et ressemblance de Dieu“ ! Telle est la vocation des personnes mariées, disait St Paul. Mais telle est aussi - car il transpose aussitôt - la vocation des membres du Corps du Christ : savoir rejoindre le regard aimant du Christ sur son Eglise, sur chacun de ses membres. Et cela n’est pas sans “soumission“ souffrante.

lundi 25 octobre 2010

Pardonner!

Lundi - 30e T.O. Le pardon ! Eph. 4.32-5.

“Autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ! Vivez comme des fils de lumière“. St Paul exhortera plusieurs fois en ce sens. Ainsi aux Romains, il écrira : “Ne mettez plus vos membres au service du péché, mais comme des vivants revenus d’entre les morts - autrement dit : vous êtes déjà ressuscités avec le Christ -, mettez-vous au service de Dieu !“ (Rm 6.13). Puisse le péché n’avoir plus d’emprise sur vous, puisque, dit-il, “vous êtes désormais sous la grâce !“. Utinam !, comme on dit en latin. Puisse cela être ! Et nous avons raison de demander en tous nos midis de vie : “Extingue flammas litium, aufer calorem noxium“ – Eteins la flamme de toutes dissensions ; écarte toute ardeur coupable“. Et St Paul d’énumérer quelques méfaits.

Au contraire, supplie-t-il : “Vivez dans l’amour comme le Christ. Imitez Dieu, Dieu-Père : “vous êtes ses enfants“ !

Aussi, “pardonnez-vous les uns les autres comme Dieu vous a pardonnés dans le Christ“, lui qui s’est livré pour vous… “Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, disait Jésus lui-même, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi“. (Mth 6.14). Et le curé d’ars de commenter : “Dieu ne pardonnera qu’à ceux qui auront pardonné : c’est la loi !“.
C’est une grande chose que le pardon. Le “par-don“ est le “don parfait“ : en lui éclate la liberté de l’amour ! Mais comme c’est difficile de le pratiquer et même parfois d’en parler ! On raconte que le P. Dagonnet - un dominicain, prédicateur célèbre – devait faire un sermon à Oradour-sur-Glane. Et ce grand orateur s’est, paraît-il, longtemps demandé : “Qu’est-ce que je vais pouvoir dire ? St Paul nous dit aujourd’hui : nous, chrétiens, nous devons trouver les énergies du pardon dans le Christ qui est notre vie ! On doit faire pour les autres ce que Dieu a fait à notre égard : pour nous pardonner et nous ramener à lui, il nous a donné le Christ en croix, lui qui disait : “Père, pardonne-leur !“.

J’aime les histoires de miséricorde, disait Gustave Thibon. A mesure que l’on vieillit, on se sent plus indulgent pour les autres. La liberté me semble si mesurée que je ne juge plus. J’ai pitié. (G. Thibon). Et il ajoute cette histoire de ce meurtrier qui, pris de remords, va se confier à un ami : “J’ai tué”, lui dit-il. L’autre s’indigne, grandement effrayé. Désorienté, l’assassin va se confesser à un prêtre : “Mon Père, j’ai tué” - “Combien de fois, mon fils ?”, répond l’homme de Dieu avec calme. Du coup, le pécheur se convertit.

Pour ma part, j’aime ce commentaire juif à propos de Moïse - l’homme le plus doux que la terre ait porté, dit la Bible - : Il voulait “voir Dieu“. Ici-bas ce n’est pas possible de voir Dieu face à face. Le Seigneur lui demanda de mettre son visage contre la muraille de la montagne ; et la “Gloire de Dieu“ passa derrière Moïse. Moïse enfin se retourna. Moïse ne vit Dieu que “de dos“. Et un midrash d’ajouter : “Autrement dit, Moïse ne vit que le manteau de la miséricorde de Dieu qui recouvrait toutes choses !“. Efforçons-nous, en toutes circonstances, de voir le manteau de la miséricorde de Dieu sur tous nos frères.

samedi 23 octobre 2010

Unité - Diversité

Samedi - 29e T.O. L’Unité dans la diversité ! Eph. 4.7-16

St Paul parle toujours d’unité, mais d’unité dans la diversité ! Finalement Dieu est toujours en état de création : “Mon Père travaille toujours et moi aussi, je travaille !““, disait Jésus. Dieu crée toujours l’homme… Car il le veut à la stature même du Christ, l’homme parfait ! Parler d’unité, c'est, en quelque sorte, rejoindre la genèse de l'homme à la façon dont en parle la Bible.

Au commencement, dit Dieu, il y avait l'unité. Elle était faite de beaucoup de séparations fécondes entre la terre et la mer, entre la lumière et la nuit, entre le ciel et le sol. Et pour dessiner l'unité, Dieu fit un arc-en-ciel où la beauté des couleurs se répondait sans jamais se confondre.
Et Dieu dit, “faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance”, c'est-à-dire créé pour l'unité. Et Dieu fit l'homme mais aussi la femme pour que l'unité soit véritablement à son image. Il y eut l'homme et il y eut la femme, et Dieu vit que cela était le vrai visage de l'unité.
Et c'est depuis lors que l'unité est un fruit du paradis, là où la genèse de l'homme rejoint le projet de Dieu.

Mais il y eut la chute, le déluge ou encore la Tour de Babel. La suffisance de l'homme venait briser son unité originelle... ; et c'est depuis lors que l'on parle du « péché originel ». Il fallait renouer ce qui avait été cassé. Il fallait refaire des liens ; et Dieu ne cessa, au fil des siècles, d'apprivoiser l'homme pour lui permettre de re-goûter aux saveurs du paradis terrestre.
Il y eut alors des bâtisseurs de l'unité. Ils s'appellent Abraham, et c'est l'unité dans l'alliance et dans la foi. Il y eut Moïse... et c'est l'unité du peuple libéré mais encore divisé. Il y eut les prophètes, ceux d'hier et d'aujourd'hui.
Et il y a surtout le Christ qui, dans sa prière, dit : “Que tous soient un“. Et il ajoute : “Comme Toi Père, tu es en moi et moi en Toi“.

Mais qu'est-ce que l'unité dont parle le Christ?
Serait-ce cette pommade appelée parfois “langue de bois“ et qui viendrait gommer les conflits auxquels n'échappe aucune communauté humaine ?
Serait-ce l'appel à la mobilisation générale préservant une unité de façade ? C’est fréquent en Politique !
Non, l'unité, c'est quand je peux dire à l'autre : “tu n'es pas une menace ; au contraire, tu m'enrichis par ta différence“. … Il y aurait beaucoup à dire.
Finalement, l'unité, c'est quand la communion devient tellement forte par-delà la diversité, qu'on y reconnaît la présence d’un Dieu-Un dans la diversité des personnes divines, de Dieu-Un qui ne cesse de créer à son image.

Plus que jamais, aujourd'hui, il nous faut choisir entre la division et l'unité. Dans un monde éclaté qui fait, de l'instant, l'absolu du temps, il nous faut retrouver le sens de l'Histoire et de l'avenir, du présent vécu dans l'intensité de ce qui apparaît déjà comme une expérience d'éternité. Je pense que l’unité se bâtit là où des hommes et des femmes ont acquis une telle liberté intérieure qu'ils peuvent vivre sereinement au plein souffle de l'Esprit Saint, lui-même Lien d’Amour entre le Père et le Fils. L’unité, c’est la folie de cet Amour manifesté par Celui qui est descendu pour remonter, dit St Paul, pour nous faire remonter en nous donnant la certitude que la vie se déroule déjà sur fond d’éternité !

Le combat contre la solitude passe par cette quête de l'unité... qui un don de l’Esprit-Saint, de l’Esprit d’Amour, et déjà une expérience de la Sainte Trinité.

vendredi 22 octobre 2010

L'Unité

Vendredi - 29e T.O. L’Unité dans le Christ ! - Ephésiens 4.1-6

Le péché a introduit partout la division. Tout en a été bouleversé, “renversé“ comme dit la Bible à propos de Sodome et Gomorrhe ! Et dans le cœur de l’homme et entre les hommes ! C’est le règne de la Tour de Babel ! La division !

Aussi, l’histoire du salut est l’histoire d’un “retour à l’Unité“, acquise une fois pour toutes par la mort du Christ en croix ; et cela, a souligné St Paul, pour tous les hommes, les Juifs comme les païens ! Le Christ “a fait tomber le mur qui les séparait !“ (2.14). C’est “cette force même, ce pouvoir, cette vigueur que Dieu a mis en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts !“ (1.20).

Mais ce “retour à l’Unité“ doit se développer désormais, aujourd’hui comme hier, dans le Corps du Christ dont tous les membres doivent se garder de tout ce qui pourrait le compromettre. Aussi la deuxième partie de cette lettre de Paul aux Ephésiens (notre lecture d’aujourd’hui) commence par une vibrante exhortation de l’Apôtre : “Ayez à cœur de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix !“.

Et l’apôtre énumère quelques attitudes concrètes qu’il faut promouvoir et assurer : l’humilité, la douceur, la patience, le support mutuel “avec amour“. Certes - et heureusement -, ces comportements peuvent avoir été hautement pratiqués par les sages de toutes les époques et de toutes les civilisations. Mais, pour Paul, ces vertus sont “fruits de l’Esprit“ ; elles sont inséparables de la vie “en Jésus Christ“ à laquelle les chrétiens sont nés.
Il avait déjà écrit aux Galates : “Voici les fruits de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maitrise de soi. Ceux qui sont au Christ ont crucifié la chair avec ses désirs. Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi sous l’impulsion de l’Esprit“ (Gal 5.22-24). C’est notre vocation : “Que règne en vos cœurs la paix du Christ à laquelle vous avez été appelé tous en un seul corps“ (Col 3.15).

Et cet enseignement de Paul est ramassé aujourd’hui dans une formule extrêmement dense, facile à retenir, d’origine liturgique probablement et même baptismale : “Il n’y a qu’un seul Corps et un seul Esprit. Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous, qui règne sur tous, agit par tous et demeure en tous“ !

La conclusion s’impose : tant que, les uns et les autres, nous redisons, ensemble et avec profonde conviction, ce que l’apôtre rappelle ici, nous garderons le souci primordial de ne rien faire qui brise l’unité des enfants nés dans la même famille. Et si, par malheur, des murs se sont élevés, nous, nous n’aurons de repos tant qu’ils ne seront pas abattus. Car les chrétiens ne doivent avoir de cesse de proclamer par la parole et surtout par leur vie : “Un seul Dieu et Père de tous !“. C’est sans doute le seul argument - et le plus convaincant - susceptible de faire comprendre la monstruosité de comportements agressifs, violents dominateurs à l’égard de qui que ce soit, parce que nous sommes tous, sans distinction aucune, enfants du même Père.

Quelle grande et importante vocation ! Elle ne peut être accomplie que par la force de l’Esprit Saint en chacun de nous ! Prions !

jeudi 21 octobre 2010

Foi et raison

Jeudi- 29e T.O. Témoigner ! - Ephésiens 4.14.21

Le passage d’aujourd’hui de la lettre aux Ephésiens termine la prière de St Paul interrompue par la contemplation du mystère pascal du Christ et de son action en l’homme : “Que Le Dieu de Notre Seigneur Jésus Christ, avait-il commencé, vous donne un esprit de sagesse qui vous le révèle, vous le fasse vraiment connaître…“. Et il termine aujourd’hui : “par la foi et établis dans l’amour“, “vous connaîtrez l’amour du Christ qui surpasse tout ce qu’on peut connaître !“.

C’est clair pour l’apôtre : le Dieu de Jésus Christ respecte trop ses créatures pour ne pas fortifier en eux “l’homme intérieur“ (1), c’est-à-dire l’intelligence de l’homme. La révélation de Dieu est un appel à notre intelligence et, de ce fait, une proposition à notre liberté. La foi est donc inséparablement acte d’intelligence, ouverture du cœur, décision de la volonté, de sorte que nous devons être “prêts“, dira St Pierre, à justifier notre espérance devant tous ceux qui nous en demandent compte“ (I P. 3.15). Savoir - même entre nous - exprimer notre engagement de foi… ! “Je ne suis pas chargé de vous faire croire ; je suis chargé de vous dire“, disait Ste Bernadette ! Oser dire !
Un certain “fidéisme“ qui exclut toute participation de la raison n’est pas la foi chrétienne. L’intelligence que Dieu nous a donnée doit nous permettre de ne pas sombrer dans les pièges de l’obscurantisme, du fanatisme ou de l’illuminisme.

Mais, pour autant, - et St Paul le souligne fortement -, notre raison raisonnante ne doit pas tomber non plus dans la démesure de l’orgueil et s’ériger en instance suprême qui déciderait, seule, de ce qui est vrai et de ce qui et faux, de ce que Dieu peut être ou ne pas être, faire ou ne pas faire. Ce rationalisme étroit ne peut accepter que Dieu puisse emprunter des chemins déraisonnables, tels ceux de la crèche à la croix ! Le mystère de Dieu ne se réduit pas à la mesure de l’homme.
Autrement dit, si notre intelligence doit avoir assez d’humilité pour accueillir ce qui la dépasse, si, bien plus, blessée par le péché, elle doit passer par une certaine pâque, il ne s’agit pas cependant d’un suicide - du suicide de notre intelligence -, mais d’un dépassement opéré par la grâce. St Paul le souligne dans sa lettre aux Romains.

Cela dit - et nous en avons bien l’expérience -, la foi n’est pas purement spéculative puisqu’elle doit conduire à une certaine vie d’intimité avec le Seigneur dont la prière est une forme privilégiée. Intimité qui devient la source d’une nouvelle intelligence dite “spirituelle“ parce que éclairée par la Révélation du Christ et animée par l’Esprit. Et tout disciple - sans être grand théologien, fort heureusement -, grâce à cette intimité avec le Christ peut découvrir sans cesse de nouvelles raisons de croire… Car alors il reçoit la force de “comprendre avec tous les saints ce qu’est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… de la plénitude de Dieu“.

Aussi, St Jean, dans un autre style que celui de l’apôtre Paul, avait raison d’affirmer à sa façon : “Nous savons que le Fils de Dieu est venu et nous a donné l’intelligence pour connaître Celui qui est vrai. Et nous sommes dans Celui qui est vrai en son Fils Jésus Christ. C’est lui le véritable Dieu et la Vie éternelle“ (I Jn 5.20).

“Que le Christ habite donc en vos cœurs“, dit St Paul. Car à regarder tous ceux qui nous ont précédés, il faut dire finalement - et surtout - que la foi est grosse de toute une expérience de Dieu !


(1) Expression - de culture hellénique - qui désigne la partie rationnelle de l’homme par opposition à l’“homme extérieur“ qui est le corps. A distinguer de l’expression - de culture juive - “vieil homme“ (l’homme pécheur) par opposition à l’“homme nouveau“ (régénéré par le Christ).

mercredi 20 octobre 2010

La mission

Mercredi 29e T.O. Témoigner ! - Ephésiens 3.2-12

“Moi, dit Paul, j’ai reçu la grâce d’annoncer aux nations païennes la richesse insondable du Christ et de mettre en lumière le contenu du mystère tenu caché depuis toujours en Dieu, le Créateur de toutes choses“. En écrivant cela, ce n’était pas présomption de sa part. Avant de le baptiser, Ananie lui avait déclaré : “Tu dois être témoin pour le Christ devant tous les hommes (Ac. 21.15). Et le Seigneur ne lui avait-il pas dit lui-même : “Va ! C’est au loin, vers les nations païennes que je vais, moi, t’envoyer !“ (Ac. 22.21) Nous savons que Saul devenu Paul répondra largement à l’appel des îles lointaines.
Mais n’est-ce pas là le devoir de tout baptisé ? “Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement !“ (Mth 10.8). Et les dernières paroles de Jésus, selon Matthieu, sont des paroles d’envoi : “Allez, de toutes les nations faites des disciples !“.

Pour cela il nous faut avoir la “hardiesse“ (la “parrhésia“, mot qu'emploie souvent l’apôtre), la “hardiesse“ de témoigner, d’annoncer le Christ. Pourtant - on le dit encore facilement -, il ne faut pas faire pression sur les autres… Et c’est vrai, d’une certaine façon. Sans doute, parfois, en certains lieux et circonstances de l’histoire, a-t-on abusé. Et le Concile Vatican II a précisé : tout homme peut être sauvé s’il est de bonne foi !

Mais qu’est-ce qu’une “Bonne Nouvelle“ qu’on ne partagerait pas ? Aujourd’hui, on parle souvent de partage. Faudrait-il donc tout partager sans le principal ? Ce n’est quand même pas rien que l’absurdité de la mort ait été vaincue, qu’il y a en quelque sorte une “tête de pont“ pour “l’autre rive“, pour l’autre Cité. Ce n’est quand même pas rien d’avoir cette certitude au plus profond de nous-mêmes : nous parviendrons là où le Christ est parvenu ! Faudrait-il tout partager, sauf cela ? Faudrait-il avoir peur ?
Quelle force a poussé St Paul jusqu’à Rome, St François- Xavier jusqu’au Japon… et tant d’autres de part le monde sinon ce dynamisme intérieur, ce dynamisme de foi en Jésus mort et ressuscité, ce dynamisme qu’on ne peut pas contenir !
Il ne s’agit pas de d’“obliger“ nos frères, si l’on peut dire, de leur faire perdre leur identité ! Il s’agit, au contraire, de leur donner ce qui leur permettra, avec Dieu, d’épanouir ce qu’il y a de meilleur en eux ! Comme dit la Bible en plusieurs endroits, tous les hommes sont comme des arbres plantés au bord de ce grand fleuve qui coule de la Genèse à l’Apocalypse, pour que ces arbres donnent “leurs fruits en leur temps et selon leurs espèces“. Dieu veut le bonheur de l’homme !

Il nous faut donc proclamer cela en tout temps ! “Allez dans le monde entier, disait Pierre Chrysologue. Devenez l’espérance du monde entier !“. N’est-ce pas cette même invitation que lance notre évêque en sa première lettre pastorale : “Je vous donnerai un avenir et une espérance“, cette lettre qui veut lancer tous les chrétiens de la Sarthe à une évangélisation, là où ils se trouvent ?

Aussi pour terminer, je vous citerai ce qu’écrivait un grand pape, celui qu’on a appelé le “pape des missions“, celui qui proclama Ste Thérèse de Lisieux “patronne des missions“, Pie XI : “Ceux qui s’acquittent assidûment de l’office de la prière et de la pénitence, écrivait-il, bien plus encore que ceux qui cultivent par le travail le champ du Seigneur, contribuent au progrès de l’Eglise et au salut du genre humain, parce que s’ils ne faisaient pas descendre du ciel l’abondance des grâces divine pour arroser ce champ, les ouvriers évangéliques ne tireraient de leur travail que de bien maigres fruits“. N’est-ce pas dire l’importance de la prière, la prière de tout chrétien, notre prière ? Cette réflexion de ce grand pape marque bien l’importante responsabilité de notre mission. “Priez sans cesse !“, disait St Paul.

mardi 19 octobre 2010

l'Unique Demeure

Mardi 29e T.O. “L’Unique Demeure !“ - Ephésiens 2.12-22

St Paul, dès le début de sa lettre aux Ephésiens bénissait “Dieu, Père de Notre Seigneur Jésus Christ qui nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs“ (1.3,5). Et c’est actuellement, en nous, l’œuvre de leur Esprit commun, “de l’Esprit Saint dont nous avons été marqués“ (par le sacrement de Confirmation) (Cf. 1.13). Et ce dessein divin concerne tous les hommes sans exception. Aussi, Paul précise aujourd’hui : “Le Christ, dans la chair, a détruit le mur de séparation !“.

Le mur ! Que dirait-il aujourd’hui face au fameux mur de Jérusalem ? ?
L’Apôtre, lui, a connu le mur qui, dans le temple interdisait aux non-Juifs d’aller plus avant vers le “Saint des Saints“, vers la “Demeure de Dieu“. Dans les Actes des apôtres (ch. 21), il est accusé d’avoir introduit par delà ce mur un païen, un certain Trophime d’Ephèse (un éphésien !). Et cela faillit, déjà, lui coûter la vie.

Mais désormais, ne cessera-t-il de proclamer, même ceux qui semblaient étrangers aux “alliances de la promesse“, les païens, sont appelés à former un Temple Saint, sont tous invités à construire la véritable “Demeure de Dieu“ dont “la pierre maîtresse est le Christ“ ! Oui, de tous ceux qui étaient divisés, séparés, le Christ veut édifier l’“Unique Demeure“ de Dieu !
Une “Unique Demeure“ ! On trouve cette caractéristique fortement exprimée déjà dans l’Ancien Testament (Ex. 36) à propos de la construction de la “Demeure“, de l’Arche d’Alliance dont les divers éléments devaient être tellement liés l’un à l’autre, d’“un seul tenant“ (“erad“, d’un “unique élément“), que l’ensemble devait rappeler l’unicité de Dieu : “Ecoute, Israël… Le Seigneur est l’Unique !“.

Mais c’est dans le Christ désormais que tous, “ceux qui étaient proches et ceux qui étaient loin“, le Juif comme le païen, sont appelés à former un Temple Saint, une “Unique Demeure“ ! Déjà actuellement et éternellement !

Associons-nous pleinement à la bénédiction de Paul car, “par sa chair crucifiée, écrit-il, (par son mystère pascal dont toute Eucharistie fait mémoire), le Christ a fait tomber le mur“ qui séparait les hommes ; bien plus, le voile du temple s’est déchiré et désormais “nous pouvons approcher le Père, dans un seul Esprit“, voir déjà Celui qui nous voit sans cesse, entrer dans l’Unité même de Dieu.

Car Dieu reste bien l’Unique ! Dieu est “UN“ dans le mystère trinitaire (Jn 17.22). Quand Jésus dit : “Qu’ils soient UN comme nous sommes UN“, ce n’est pas une vague comparaison, c’est le mystère de cette “Unique Demeure“, le mystère même de la Sainte Trinité, le mystère de ces relations divines qui viennent nous envelopper pour que nos relations humaines soient prises dans les relations que s’échangent les Personnes divines dans l’unité d’un Dieu-Amour.
C’est à cela que nous sommes appelés ! C’est (ce doit être) le but de nos diverses communautés ecclésiales, en mettant au service des autres ce que Dieu nous a donné de meilleur, en exorcisant tout égoïsme qui habite chacun de nous, pour être le plus possible “d’un seul tenant“ (erad), véritable “relation à l’autre“. Comme dans le mystère de la Sainte Trinité où chaque Personne n’est que “Relation subsistante“ ! C’est ainsi que les théologiens, marchant à pas de raison dans cet océan de lumière qui nous est présenté par la foi, ont essayé de penser le mystère de la Sainte Trinité, le mystère de cette “Unique Demeure“ divine en laquelle nous sommes invités à entrer, que le Père ne cesse de construire, par son Esprit, en son Fils Jésus.

Oui, nous sommes appelés à la construction d’un Temple Saint, formé “d’un seul tenant“ (le Christ), reflétant ainsi le “comment“ de l’Unité divine qui nous a été révélée par le Christ. “C’est en lui que, vous aussi, vous êtes ensemble intégrés à la construction pour devenir une “Demeure de Dieu“ par l’Esprit“ (2.22 ; cf. 4.3).

Aussi, St Paul dira : “appliquez-vous à conserver l’unité de l’Esprit par ce lien qu’est la paix“. Il faudrait en être si convaincu ! Toute atteinte à l’unité est grave. Portons comme une angoisse toutes ces divisions entre chrétiens (et, hélas, elles sont plus apparentes à Jérusalem que partout ailleurs). Essayons de réparer toutes les atteintes à l’unité entre les chrétiens, dans nos communautés, autour de nous. Ce n’est plus une convenance humaine, une exigence sociale. C’est une mission divine !

lundi 18 octobre 2010

18 Octobre - St Luc

St Luc 18 Octobre

Je n’ai certes pas la prétention de vous présenter St Luc !
Il me plait seulement de souligner deux aspects de sa personnalité qu’il est toujours profitable de méditer.

- Il a chanté, tout au long de son évangile, l’amour de Dieu, la grande bonté de Dieu à l’égard de l’homme. C’est à lui que nous devons la célèbre parabole : “Un homme avait deux fils…“ (15.11). Païen converti, il avait certainement fréquenté les écoles, les universités de la culture hellénique (La Tradition souligne qu’il était médecin et même peintre !). Il maniait la langue grecque avec dextérité pour parfaitement suggérer les sentiments du cœur du Christ, les sentiments d’un cœur de chrétien envahi par la charité et la force de l’Esprit Saint. Il le faisait parfois non sans humour et toujours avec grande délicatesse, une délicatesse, a-t-on dit, presque féminine. Ne l’a-t-on pas appelé “l’Evangéliste des femmes“ ? En tous les cas, c’était le parfait “kallosagathos“, le parfait gentleman, l’“honnête homme“ au sens du 17ème siècle. Il avait la manière très aimable de présenter même les exigences de la vocation du baptisé…

- Et - deuxième caractéristique - il a chanté magnifiquement la jeunesse de l’Eglise par son second écrit : les “Actes des Apôtres“. Il nous montre la rapide expansion de l’Eglise en Samarie et sur la côte méditerranéenne, avec St Pierre notamment…, et jusqu’à Antioche d’où il était originaire. Tout en démontrant l’action de l’Esprit Saint qui soufflait comme un vent du large gonflant les voiles des navires et les cœurs des premiers missionnaires, il insistait fortement sur l’importance fondamentale de la prière pour être véritable témoin du Christ. – Au cours de sa seconde mission, St Paul le prit avec lui, quelque temps ; et Luc sut relater les actions de ce grand missionnaire qui, plus tard, le retrouva à Philippes et devait le garder auprès de lui. Quand Paul eut été exécuté à Rome, Luc quitta la ville. Et, dès lors, nous perdons sa trace. La tradition - avec Grégoire de Nazianze notamment - affirme qu’il fut martyr pour la foi en Jésus Christ.

Le message de Luc est un message de salut, de miséricorde, de pardon. Selon le mot de Dante, Luc est le “scribe de la mansuétude du Christ“. Mais si son Dieu semble bon jusqu’à la faiblesse pour le pécheur, c’est pour réaliser son redressement qui ne peut pas ne pas être pénible. Point de guérison sans renoncement : “Quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple“ (14.33). Luc, ami du parfait humanisme, nous invite aimablement mais fortement à la conversion persévérante et toujours actuelle, aujourd’hui, demain et jusqu’au jour final où - nous l’espérons - nous entrerons définitivement pour les noces éternelles dans le Royaume de Dieu.

dimanche 17 octobre 2010

29e Dimanche T.O. - C- 2010

29e Dimanche du T.P. 10/C

Nous sommes, nous devons être missionnaires parce que chrétiens. Il est bon de nous rappeler cette évidence en ce dimanche des missions. Car la mission n'est pas une spécialité ; elle est un devoir pour tout baptisé : il a été "appelé" pour être" envoyé". “Venez !“ – “Allez !“ C’est le rythme de toute relation du chrétien avec le Christ. Il appelle, il envoie en même temps. Et ces deux temps sont inséparables comme les deux temps d’une même respiration. Il n’y a pas de vocation sans envoi. Et respectivement. Une telle exigence nous concerne donc tous. Aussi faut-il nous demander quelles sont les conditions d'une authentique mission. Si vous le permettez, j'en retiendrai trois :
- Le missionnaire doit être envoyé.
- Le missionnaire doit transmettre la foi.
- Le missionnaire doit prier.

1. Le missionnaire doit être envoyé.
Il n'est pas inutile de le rappeler, car bien des gens - et même des chrétiens, même des moines - se croient une mission parce qu'ils se la sont donnée à eux-mêmes ! Or cela est absolument contraire à l'esprit chrétien, évangélique !
Nul n'est missionnaire de lui-même - pas même le christ qui a déclaré : "Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même". La mission du chrétien est participation à la mission du christ qu'il a reçue du Père : "comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés". Et qui a-t-il envoyé dans le monde ? Pierre et les Apôtres ! Et après eux, leurs successeurs : le Pape et les évêques. (cf. Vat. II). Ce sont eux qui, à leur tour, donnent mission à ceux qui veulent collaborer au salut des hommes en Jésus-christ. N’est-ce pas cet appel à être missionnaire que lance notre évêque avec sa première lettre pastorale “Quo vadis“ ?
La mission, - la nôtre -, sera toujours divine et jamais humaine. Ceux qui organisent leur vie chrétienne et leurs diverses activités apostoliques selon leurs propres critères et jugements – et cela peut se voir même dans un monastère ! - font obligatoirement fausse route ; et - la plupart du temps - n'en reçoivent guère de joie sinon celle - bien modeste - que peuvent donner les hommes. Et souvent, d'ailleurs, ils sont tiraillés entre ce qu'ils pensent et ce que pense l'Eglise, entre ce qu'ils font et ce que l'Eglise leur demande de faire. Cela est très important, me semble-t-il : nous sommes des envoyés de Dieu et non de nous-mêmes ! N’est-ce pas cette pensée qui guidait St Benoît lorsqu’il parlait de ceux qui prennent initiative de corriger un frère ou de prendre sa défense : “Toute manifestation de présomption est interdite. Nul n’a le droit d’exclure ou de corriger, sauf celui qui en a reçu pouvoir…“. L’esprit missionnaire suppose un grand esprit d’humilité et d’obéissance.

2. Le missionnaire doit transmettre la foi !
Cela va sans le dire ; cela va mieux en le disant ! Le missionnaire ne transmet pas son idéologie : en témoignant de sa propre foi, il doit transmettre la foi des apôtres reçue, vécue dans l’Eglise. Dans la deuxième lecture, St Paul invite son disciple Timothée : "Tiens-toi à ce que tu as appris et dont tu as acquis la certitude". Le missionnaire reçoit la foi, au sens d’un contenu "donné", par le Christ, par l’Eglise. Et il a, sans cesse, à en vérifier le bien fondé, de sorte que vivent de plus en plus en lui sa relation avec Dieu, sa relation avec ses frères.
Il a à en “vérifier le bien-fondé” pour lui-même ! C’est-à-dire réfléchir sans cesse à tout ce que le Christ nous a dit et nous transmet encore par l’Eglise. Il ne s'agit pas de se cramponner à des formules dogmatiques ou à des rites liturgiques sans souci de leur origine et de leur développement. Il s'agit - conformément à la parole de la première épître de St Pierre - "d'être toujours prêt à rendre raison de l'espérance qui est en nous, avec douceur et respect". Ce doit être là une très grande question à la fois individuelle et collective, question qui a traversé et l’A.T. et toute l’histoire de l’Eglise ! Pour cela, “il nous faut, à toute heure, dit encore St Benoît, veiller sur les actes (sur les paroles) de sa vie“
Il n'est pas nécessaire d'être grand théologien pour faire son salut et être missionnaire ; mais il est si facile de faire de la religion elle-même une idolâtrie. Les exemples sont nombreux. On disait des Religieuses de Port-Royal : “elles sont pures comme des anges mais orgueilleuses comme des démons !“ parce qu’elles poursuivaient leurs propres raisonnements au lieu de laisser leur vie être sans cesse confrontée avec la Parole de Dieu transmise par l’Eglise.

3. Le Missionnaire doit prier !
Les lectures d'aujourd'hui nous apportent un enseignement sur la prière ! Dans la première lecture, l'auteur du livre de l'Exode nous décrit Moise les mains étendues dans l'attitude du "priant", intercédant pour son peuple. Et dans l'Evangile, Jésus lui-même nous invite, par une parabole, à une prière inlassable et même importune Oui, si le missionnaire ne prie pas, il se décourage vite devant l'échec ou se glorifie vite de ses succès.
Si Thérèse de Lisieux, au fond de son Carmel a été déclarée patronne des Missions, c'est qu'elle offrit sa vie monotone et héroïque, comme une prière, pour l'extension de l'Eglise. Alors, "il faut prier sans cesse", comme le demandait St Paul, lui le Missionnaire par excellence ! Et cette affirmation doit nous interroger : "Sur qui comptons-nous? Sur Dieu ou sur nous-mêmes?" C'est tout le sens de la question de l'évangile : "Le Fils de l'Homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?" A voir le petit nombre de personnes qui se rassemblent pour prier, chaque dimanche, la question se pose en effet. Et nous-mêmes dans nos journées, quelle place laissons-nous à la prière ? Serions-nous en reste par rapport à certains qui n’ont pas reçu la Révélation du Christ, comme Gandhi qui affirmait : "La prière est la clef du matin et le verrou du soir".
Si St Benoît dans sa Règle a tant de chapitres sur l’organisation de l’Office divin, c’est qu’il veut affirmer l’importance de la prière. Et puis ne décrit-il pas le moine comme homme de prière par cette formule si simple et si profonde : “Simpliciter intret et oret“ : Qu’il entre simplement dans l’oratoire – l’oratoire de son cœur souvent – et que là, il prie !
Oui, avons-nous véritablement un rendez-vous quotidien avec Dieu ? Oh je sais, on dit : "Je n'ai pas le temps”. Et c’est vrai parfois ! Même dans un monastère ! Ou encore : “je ne prends pas le temps...”. Et c’est encore plus vrai. Car prier, c'est d'abord prendre du temps pour Dieu, lui accorder un peu de notre temps. Si on aime quelqu'un on prend le temps d'être avec lui, de l'écouter, de lui parler, de l'aimer. La prière est ce rendez-vous avec Dieu ; elle nous expose au rayonnement de son Amour comme certains s'exposent au soleil
Et puis, si vous avez véritablement que très peu de temps, je vous rappelle une façon de prier qui est très ancienne et qui n'exige que deux ou trois secondes, temps suffisant pour élever son âme vers Dieu dans un acte d'offrande, d'action de grâces, de demande. Si au cours de la journée, on utilise très souvent cette manière de prier qui ne dure que le temps d'un souffle, d’une respiration, alors, je crois qu’on parvient vite à respirer la vie même de Dieu. Et respirant cette vie divine, on est comme naturellement disposé à l'insuffler aux autres par le souffle d'une parole évangélique, d'une parole missionnaire, d’un acte de charité.

N'oublions donc pas : Le Chrétien doit être missionnaire. Car c'est un envoyé qui transmet ce qu'il a reçu du Christ avec qui il communie sans cesse par la prière. Le Christ a besoin des hommes, de vous-mêmes comme de moi-même, si indigne et incapable que nous soyons !

vendredi 15 octobre 2010

Ste Thérèse d’Avila
15 Octobre 2010

Comme vous le savez, Thérèse d’Avila est une grande figure de la vie spirituelle, de la vie d’union à Dieu. Elle-même a divisé sa vie en deux parties : sa vie à elle et la vie de Dieu en elle.
Sa “vie à elle“ depuis sa naissance en 1515, je ne m’étendrai pas. Elle-même n’en parle que pour fortement regretter son insouciance, ses frivolités malgré ses jeunes élans vers le martyre face à la puissance musulmane grandissante de son époque, ses élans vers la vie ascétique dans la solitude. Finalement, à 20 ans, elle entre au carmel de l’Incarnation à Avila. Elle y demeure 27 ans, souvent distraite de Dieu mais toujours travaillée par la grâce et le désir d’une haute perfection.

En 1555, à 40 ans - Dieu est toujours patient -, une statue du Christ flagellé, sanglant, lui rappelle le sérieux de l’amour que nous devons à Dieu. Ce fut une véritable conversion !
Dès lors, c’est “la vie de Dieu en elle“ qui s’épanouit. Elle se donne entièrement à l’union à Dieu principalement par l’oraison. Et la présence du Seigneur lui devient très familière. Ce qui ne fut pas sans combats divers, combats menées parfois contre les démons eux-mêmes.
Et c’est en ces moments de combats que le Christ pousse Thérèse à fonder un monastère de carmélites déchaussées (c’est-à-dire vivant dans la pauvreté totale), un monastère dédié à St Joseph, modèle d’humilité, d’abandon à Dieu. Après mille oppositions diverses, elle parvient à réaliser la volonté du Christ. Le 24 Août 1562, le nouveau monastère s’ouvre pour elle et pour 4 novices.
Ce fut alors le temps des fondations de couvents de religieuses et de religieux (avec notamment St Jean de la Croix) qui ne se réalisèrent pas sans soucis, difficultés énormes, sans souffrances cruelles (physique ou psychologiques, spirituelles). Mais le Seigneur vivait en elle et la conduisait.

Malgré ses grandes occupations et diverses tribulations, elle prend le temps d’écrire - toujours avec la présence du Christ en elle - divers opuscules qui décrivent son expérience d’union avec son Seigneur. Tels “le livre de sa vie“, “le chemin de perfection“, “le château intérieur“ qui décrivent tous l’élévation de l’âme vers Dieu au moyen de l’oraison qui est avant tout l’expression de l’amour que l’on doit à Dieu. “Ne cherchez pas à penser beaucoup, disait-elle, mais à aimer beaucoup“. “Aimer, c’est être fortement résolu de contenter Dieu en tout… La plus sainte sera celle qui servira Notre Seigneur avec plus de mortifications, d’humilité, de pureté du cœur. Etre spirituel, c’est être esclave de Dieu, porter sa marque qu’est la croix, tout lui abandonner… Oui, disait-elle, il faut du courage pour être femme du roi du ciel“.

“L’oraison, disait-elle encore, est une amitié, un entretien fréquent, intime avec celui dont nous nous savons aimés…., ne faire aucun cas de tout ce qui ne sert pas à nous approcher de Dieu“. Elle avait un si grand désir de Dieu qu’elle écrivait : “Je vis sans vivre en moi ; et j’espère une si haute vie que je meurs de ne pas mourir“.
“Ce qui m’afflige, disait-elle encore, c’est le péché en général… ; les calamités de l’Eglise (c’est le temps de la naissance du protestantisme) me causent une telle douleur que s’affliger d’autre chose, à mes yeux, c’est se moquer…“ !

Elle meurt en 1582, à 67 ans ; et c’est le pape Grégoire XV qui la canonisera en 1622.

On peut retenir comme sujet de méditation cette phrase que le Christ lui aurait dit alors qu’elle se trouvait en en grande souffrances et difficultés : “Ne sais-tu pas que je suis tout-puissant ? Alors que crains-tu ?“. Aussi elle répétait souvent : “Qui a Dieu, rien ne lui manque. Dieu seul suffit !“.

“Omnis gloria ejus filiae regis ab intus“ (Ps 44.14). “Chez cette fille de roi, toute la beauté est intérieure !“.
Le Christ seul !
Jeudi 28e T.O. - Ephésiens 1 (au prieuré de Flée)

Savez vous que la péricope du début de la lettre aux Ephésiens que propose la liturgie d’aujourd’hui avec celle de demain est une seule phrase ! Dans un immense et seul souffle, l’apôtre Paul veut tout dire…à ses chers Ephésiens qui l’avaient vu beaucoup souffrir en leur ville ! Et il veut tout dire en centrant son regard sur le Christ, le Christ seul !

En bon juif (mot qui vient, en hébreu, de la racine “bénir“), il commence par une bénédiction : “Béni soit Dieu le Père de N.S. Jésus Christ… !“. Il nous a tout donné… Oui, l’homme est bien le “roi“ de la création : tout est à lui ! Malheureusement, il oublie souvent d’en rendre grâce, de bénir Dieu pour ses dons immenses ; il oublie d’être aussi le “prêtre“ de la création, de tout ramener à Dieu par le Christ (ce que l’on appelle le “sacerdoce commun des fidèles“). Adoremus Dominum qui fecit nos“ avez-vous chanté ce matin comme antienne invitatoire de toute la journée ; “Adorons le Seigneur qui nous a créés“ !

Dieu nous a élus dès la création - dans l’instant éternel de Dieu - “pour être saints et immaculés en sa présence“. “Soyez saints parce que moi, je suis saint“ (Lv. 19.2). C’est le fondement même de toute alliance avec Dieu. Etre saint, être “à l’image et ressemblance de Dieu“, tel qu’il nous a voulu dès le matin de la création. C’est la vocation de tout homme, juif ou païen, dira Paul demain.

Il nous veut saint en son Fils Unique, Jésus Christ. C’est lui notre modèle. Aussi nous faut-il “marcher comme lui-même a marché“, dira St Jean. Tertullien a un magnifique commentaire à ce sujet, illustré par une belle sculpture de la cathédrale de Chartres : “Ces mains de Dieu étaient à l’ouvrage : elles touchaient, pétrissaient, étiraient, façonnaient la glaise qui ne cessait de s’anoblir à chaque impression de ses mains divines… Imagine-toi Dieu occupé, appliqué tout entier à cette création : mains, esprit, activité, conseil, sagesse, providence, amour orientaient son travail ! C’est qu’à travers le limon qu’il pétrissait, Dieu entrevoyait déjà le Christ qui un jour serait homme, Verbe fait chair, comme cette terre qu’il avait entre les mains“.

Pour St Paul, c’est dans le Christ que nous sommes créés !
C’est dans le Christ que nous sommes sauvés, “saints“
C’est dans le Christ que nous avons la Rédemption par son sang, la rémission de nos fautes…
Aussi béni soit Dieu le Père de N.S. Jésus Christ !

Dieu nous fait connaître, en toute sagesse et intelligence, le mystère de sa volonté. C’est ce que célèbre toute la liturgie ! Il nous le fait connaître dans le Christ. Pour St Paul tout est vu dans le Christ, les êtres célestes, les êtres terrestres. Tout dans le Christ ! Sa longue périphrase du début de sa lettre est comme le souffle d’un chant de louange débordant de reconnaissance, d’action de grâce, comme l’a fait le vieillard Syméon (Benedictus), comme l’a fait Marie (Magnificat). Le Christ est le centre de sa contemplation. Le Christ doit être le centre de notre vie spirituelle, le souffle de notre souffle.

Et l’apôtre répètera que nous n’avons rien que par lui et en lui ! Il n’a dans l’esprit que cette formule qui deviendra éminemment liturgique : “Par lui, avec lui, en lui !“.
Le Christ seul ! C’est comme un dévoilement de la gloire du ciel, comme au jour de la Transfiguration pour les trois apôtres privilégiés : “Ils ne virent plus que Jésus seul !“. Tout voir dans le Christ !

Aussi, le pape Benoît XVI avait grandement raison d’insister dernièrement : “le vrai bonheur, c’est l’amour pour le Christ !“.