jeudi 31 mars 2011

Ecouter

Carême 3. Mercredi (Jér. 7.23-28)

“Ecoutez ma voix ! Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple… !“ - “Mais ils n’ont pas écouté, ils n’ont pas prêté l’oreille… ils ont raidi leur cou“.

Ecouter - Ne pas écouter ! C’est le thème le plus important dans la Bible et dans la spiritualité tant juive que chrétienne ! On l’a déjà remarqué hier. Et je ne peux m’empêcher, naturellement, de signaler que le premier mot de la Règle de St Benoît est : “Ausculta“ : “Ecoute, ô mon fils…“ !

Jérémie est l’un des prophètes qui emploie très souvent le mot “écouter“. Dans la lecture d’aujourd’hui, il semble rappeler l’épisode du désert de Shour où les Hébreux n’écourtèrent pas la voix du Seigneur (Ex. 15). Alors, Dieu les mit à l’épreuve (eaux de Mara, eaux amères que les Hébreux assoiffés ne purent boire).

“Shema Israël !” : on dirait un commandement qui a été donné avant tous les autres : “écoute !”. “… si tu prêtes l'oreille… !“.

Naturellement, il y a “écouter“ et “écouter“ ! “Faites donc attention à la manière dont vous écoutez“, recommandait Notre Seigneur (8.18).

Et à propos de la “manière d’écouter“, je voudrais préciser l’allusion que j’ai faite hier, dans ma causerie, à propos de l’“action“ et de la “compréhension“, et corriger ma mémoire. Car il s’agit d’une phrase tirée non du Deutéronome (comme je l’ai dit), mais de l’Exode (24.7) : lorsque Moïse descend de la montagne du Sinaï et lit au peuple le Livre de l’Alliance, les enfants d’Israël répondent : “Tout ce que le Seigneur a dit, nous le ferons et nous l’entendrons !“. Et, bien sûr, dans leurs commentaires, les rabbins de se demander : “Pourquoi le peuple a-t-il dit : « … nous le ferons et nous l’entendrons », au lieu de dire : « … nous l’entendrons et nous le ferons ! »“. Et la réponse est la suivante : “Ce n’est qu’en faisant la volonté de Dieu qu’on devient assez proche de lui, assez intime avec lui pour l’entendre en vérité !“.

Et je pense que cela est vrai de toute relation, de toute amitié, de tout rapport avec autrui. Dieu lui-même s’est fait proche de l’homme en Jésus Christ pour que l’homme puisse se faire proche de Dieu et ainsi mieux l’écouter. Et puisque j’ai fait allusion à St Benoît, on pourrait étudier la Règle sous ce rapport. Ce serait très intéressant, me semble-t-il. Il commence par écrire : “Ausculta, ô fili…“ : C’est donc dans un rapport de père à fils qu’il demande d’être écouté… St Benoît n’est pas un chef d’entreprise qui commande…

En tous les cas, il est certain que le Juif (qui n’est pas un intellectuel, qui a horreur de l’intellectualisme qu’il qualifie de quasi pathologique) met l’accent sur le “faire“, car c’est en faisant qu’on prouve la sincérité de ses intentions. L’évangéliste Jean, qui était profondément juif, le dit également : “Celui qui fait la vérité vient à la lumière“ (Jn 3.21). La vérité, pour lui est à faire, et non pas à chercher uniquement avec l’intelligence…

Pour terminer, j’en reviens au texte auquel fait allusion Jérémie : Dans ce passage de l’exode, il est ajouté : “Puis Dieu dit : "Si tu écoutes bien la voix du Seigneur ton Dieu..., si tu prêtes l'oreille..., tous les maux que j'ai infligés à l'Egypte, je ne te les infligerai pas, car je suis Dieu, celui qui te guérit” (ici, c’est le mot “rapha“). Quand on écoute la Parole de Dieu, celle-ci se manifeste comme l’ange dans le livre de Tobie, un ange qui soigne, qui guérit : Raphaël ! (Dieu guérit) ! La Parole de Dieu nous guérit, nous sanctifie pour que nous puissions, nous aussi, être envoyés pour guérir, sanctifier ! Sinon, on retombe trop souvent dans une action purement humaine avec tous ses divers aléas !

Aussi, est-il bon de se répéter la belle prière de Salomon qui demandait au Seigneur de lui donner un “cœur qui écoute“ de sorte qu’il soit capable de gouverner son peuple et de discerner le bien du mal ! “Donne-moi un cœur qui écoute !“ Que ce soit constamment notre prière !

Et s’il faut savoir écouter, demandons sans cesse cette grâce par l’intermédiaire de Marie, puisque c’est en se référant à sa mère que Jésus dit : “Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique !“.

mercredi 30 mars 2011

Marie écoute...!

Carême 3. Mercredi Ecoute… ! (Deut. 4.1sv)

“Maintenant, Israël, écoute les commandements…, les décrets que je vous enseigne… pour que vous viviez… !“ … “N’oublie pas… !“.

Ecoute ! Ecouter ! On en revient toujours à cette première disposition pour être en “relation avec Dieu“. “Shema Israël ! “C’est vraiment la première disposition du croyant autant dans la tradition juive (A.T.) que dans la tradition chrétienne.

Dans la tradition juive, cette disposition a été synthétisée par le mot “pardeis“ (paradis). J’aurai peut-être l’occasion de vous en parler un jour… Dans la tradition chrétienne, cette disposition a été reprise avec plus de simplicité et logique par un certain Guigues le Chartreux (12ème s.) dans son “échelle du clostrier“, à l’intention du lecteur de la Parole de Dieu.

Mais n’ayant pas eu assez le temps de reprendre ses raisonnements, je me contenterai - et c’est peut-être le principal, surtout en ce prieuré “La Paix Notre-Dame“ - de vous proposer rapidement la Vierge Marie comme le modèle de l’écoute ! De vous la proposer afin que la Parole de Dieu s’incarne encore aujourd’hui en nous-mêmes, de sorte que nous puissions dire comme St Paul : “Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ (“Verbe de Dieu“) qui vit en moi !“.

Oui, Marie est la femme de l’écoute !

Au moment de l'Annonciation, nous pouvons déjà entrevoir, en Marie, l'attitude d'écoute, une écoute réelle, une écoute de tout son être, une écoute qui ne dit pas simplement “oui“, mais une écoute qui assimile la Parole, qui prend en elle la “Parole de Dieu“.

Avec l’aide de Marie, nous comprenons que la “Parole de Dieu“ qui nous est sans cesse adressée (“Aujourd’hui écouterez-vous sa voix ?“), que cette “Parole de Dieu“, si elle est vraiment intériorisée, peut devenir Parole en nous et pour nous, presque comme une forme de notre vie. C’est une écoute active, c'est-à-dire une écoute qui attire la Parole de façon à ce qu'elle entre et devienne en nous Parole de Vie, la reflétant et l'acceptant au plus profond du cœur, par tout notre être. Ainsi, cette “Parole de Dieu“, toujours adressée à nous, devient incarnation ; elle est comme le prolongement de l’incarnation du Fils de Dieu en Marie !

Nous constatons encore cette intériorité de la “Parole de Dieu“ en Marie lors de sa Visite à sa cousine Elisabeth, par son chant, le “Magnificat“. Nous savons que ce chant est un tissu composé de paroles de l'Ancien Testament. Nous voyons que Marie est réellement une femme d'écoute, qui méditait en son cœur toute l'Ecriture. Elle ne connaissait pas seulement certains textes, mais elle s'était tellement identifiée à la “Parole de Dieu“ adressée à son peuple tout au long de son histoire, que toutes les paroles de l'Ancien Testament devenaient comme un chant en son cœur et sur ses lèvres. Cette “Parole de Dieu“ était tellement intériorisée en tout son être qu’elle ne pouvait pas ne pas la prononcer ! Nous voyons que sa vie était si réellement et tellement pénétrée par la “Parole de Dieu“ qu’elle elle était comme entrée elle-même dans la Parole de Dieu, l'avait assimilée. La “Parole de Dieu“ était devenue Vie en elle, se transformant ensuite et immédiatement en Parole de louange et d'annonce de la grandeur de Dieu.

Il me semble que St Luc, se référant à Marie, dit au moins trois fois, qu’elle a assimilé et conservé les paroles de son divin Fils en son cœur. Aussi était-elle devenue très vite, pour les Ecrivains des premiers siècles, le modèle de l'Eglise, le modèle du croyant qui conserve la Parole, porte en lui la Parole ; non seulement il la lit, mais il l'interprète avec son esprit, en chacun de ses instants. Chaque instant devient alors comme une “annonce faite à Marie“ de la part de Dieu… … C’est alors que la “Parole de Dieu“ devient Parole en nous, Vie en nous, présence du Verbe de Dieu.

C’est évident : la Vierge Marie n’a eu finalement qu’une parole : une parole d'écoute, une parole souvent silencieuse ; mais également, et de ce fait, parole de louange, parole de l'annonce, parce que la Parole dans l'écoute devient à nouveau chair, devient ainsi présence de la grandeur de Dieu pour le salut des hommes. “Et Verbum caro factum est“. Prions Marie !

mardi 29 mars 2011

De délivrances en Délivrance

Carême 3. Mardi - (Daniel 3.25sv)

Les livres de la Bible écrits au cours des trois derniers siècles avant Jésus Christ sont assez peu connus (Zacharie (2ème), Baruch…, Daniel… etc). Il est vrai qu’ils nous sont transmis dans une composition parfois compliquée (tradition hébraïque - tradition grecque…) et souvent dans un langage et un style qui nous sont peu familiers. Tels les écrits “apocalyptiques“ et celui de Daniel en particulier émaillé de songes, de visions irréelles.

Pourtant, le contexte historique de ces écrits est tellement comparable au nôtre ! La foi des Juifs est affrontée à une culture païenne, très éloignée du culte qui doit être rendu au véritable et unique Dieu !

Non seulement, les croyants en ce Dieu qui s’est révélé à Abraham et à toute sa descendance en souffrent (comme nous-mêmes parfois), sont persécutés, mis à mort…, mais encore le mal est tellement présent que leur foi en est ébranlée (comme la nôtre parfois). Alors, certains prophètes se lèvent. Ils affirment : C’est vrai, notre époque est terrible ; c’est le règne du “prince de ce monde“ (ou démon) ! Mais ils proclament tout à la fois et fortement : Dieu est fidèle ! Il va “se révéler“, il va “écarter le voile“ (sens du mot “apocalypse“). Il va nous délivrer !

C’est toute l’espérance que manifeste la prière de la lecture d’aujourd’hui (qui, elle, est d’un langage très accessible).

Même si les croyants ne peuvent plus rendre un culte à Dieu “ (…“plus d’holocaustes, d’offrandes, d’encens…“), le sacrifice de leur vie (…“cœur brisé, esprit humilié…“) monte vers Dieu qui ne peut que les délivrer : “Délivre-nous, Seigneur par tes merveilles“. (Et nous-mêmes, ne disons-nous pas lors de l’Eucharistie : “Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps…“).

Il l’a déjà fait par le passé… Il le fera encore ! Dieu nous a déjà délivrés… ; Il nous délivrera ! Notre Dieu est un Dieu fidèle ! Et même si on vous tue, Dieu est capable de vous faire sortir vivants de vos tombeaux (Cf. ch. 6 du livre de Daniel). Dieu seul a les issues de la mort (cf. Ps. 48.25). Il est le Dieu de toute délivrance !

A travers toute la Bible, il y a un langage de délivrance qui souligne toutes les délivrances que le peuple de Dieu a expérimentées au cours de l'histoire ; et nous sommes en route vers la “dernière délivrance“ qui sera le grand “passage“ : celui de la mort à la vie déjà réalisé par le Christ, mort mais toujours vivant !

Nous-mêmes, si nous réfléchissons (surtout les plus anciens, et c’est normal), en nous retournant sur notre propre existence, ne constatons-nous pas que Dieu nous a “délivrés“ de multiples fois et qu’il nous achemine vers cette “dernière délivrance“, “par lui, avec lui, en lui“ ? Il y a, me semble-t-il, une pédagogie de Dieu qui se développe à travers notre propre histoire comme à travers l’Histoire Sainte. Et au fur et à mesure qu'elle se développe, nous prenons conscience des servitudes et de l'esclavage dont nous sommes victimes ; nous prenons conscience également de la liberté à laquelle nous sommes appelés pour nous acheminer nous-mêmes vers l’union avec Dieu et, en lui, avec tous nos frères ! Ce sera alors le “ repos“ en Dieu !

Et au fur et à mesure que nous prenons conscience de la servitude et de la liberté en notre vie, nous prenons également conscience des multiples “passages“ que nous avons à franchir avant la “Pâques éternelle“ ! N’est-ce pas tout ce sens du Carême que nous vivons ?

Il nous faut être docile à cette pédagogie divine qui nous fait prendre conscience :

- des véritables et diverses aliénations dont nous sommes victimes (le péché et la mort elle-même),

- de la véritable liberté à laquelle nous sommes appelés pour parvenir “à voir Dieu comme il nous voit présentement”,

- de ces passages que nous avons à faire et à refaire constamment, de ce “passage“ que nous avons déjà fait par le baptême mais que nous avons à toujours refaire !

Les événements de la Bible - plus ou moins exacts, historiquement, mais peu importe - qui se sont déroulés dans des contextes chronologiques, temporels et spatiaux différents, révèlent, dans la méditation du peuple juif, avoir une signification identique : ils se fusionnent dans un langage de délivrance qui trouvera sa plénitude de signification, comme une symphonie en son accord final, dans l'Evangile, dans la Pâque du Christ.

Et il en est de même si nous savons scruter, sous le regard de Dieu, les événements de notre propre vie ; ils prennent de plus en plus une signification qui nous fait véritablement expérimenter la puissance de ce Dieu “capable de mener par delà la mort”, l'expérimenter au point de pouvoir proclamer : “Non, je ne mourrai pas, je vivrai, je chanterai...” (Cf. Ps 118.17).

C’était la prière de Daniel : “Délivre-nous par tes merveilles ; et glorifie ton Non, Seigneur !“.

lundi 28 mars 2011

Descendre... pour remonter

Carême 3. Lundi - (II Rois 5.1-13)

Pour comprendre la geste, l’épopée de ce fier Syrien, Naaman, qui fut guéri de sa lèpre en se jetant sept fois dans le Jourdain, il faut se souvenir de la première démarche de Notre Seigneur, au seuil de sa vie publique : son baptême par Jean-Baptiste !

Jésus, lui aussi, accepte de descendre dans ce fleuve du Jourdain (dont le nom “Yaredèn“ vient d’une racine qui signifie : “descendre“). “Lui qui était de condition divine“, dira l’une des premières hymnes liturgiques reprise par St Paul (Phil.2), “il n’a pas craint de s’anéantir (de descendre) en prenant la condition d’homme. Devenu semblable aux hommes, il s’est fait obéissant jusqu’à la mort sur une croix. Aussi, Dieu l’a-t-il exalté (l’a fait remonter) dans les cieux, lui conférant le Nom qui est au-dessus de tout nom !“.

Oui, Jésus descend en ce “fleuve-descendre“, il descend en quelque sorte au point le plus bas du globe jusqu’à la mer morte (symbole du péché du monde). Lui, le sans péché, il descend prendre la lèpre de l’humanité, “l’Agneau de Dieu qui prend sur lui le péché du monde“, disait Jean-Baptiste.

Et il “remonte“, traversant ce Jourdain comme Moïse autrefois la mer rouge ; il remonte vers le temple de Jérusalem qu’il veut détruire pour le rebâtir en son propre Corps (“Détruisez ce temple ; et je le rebâtirai en trois jours…“). Aussi, à sa mort, du côté droit de ce nouveau Temple qu’est son Corps coule une nouvelle source, un nouveau Jourdain pour que tout homme puisse y descendre, et, purifié, puisse remonter pour “voir déjà - le voile de l’ancien Temple se déchirant - Celui qui nous voit sans cesse“ !

C’est tout le sens de l’épopée de ce général Syrien que Jésus a repris dans la réalité de son Incarnation et de sa Pâques. Et désormais cette réalité doit s’achever en chacun d’entre nous : le temps du Carême nous aide à reprendre cette démarche : de notre baptême jusqu’à la vision céleste !

Il nous faut pour cela une condition : l’humilité, tant recommandée par St Benoît ! Accepter de descendre dans le Jourdain, ce que n’a pas compris, en un premier temps, notre “fier Sicambre“, Naaman le Syrien : les fleuves de son pays ne valaient-ils pas le fleuve du Jourdain. Les fleuves de notre monde qui coulent abondamment - celui de l’argent, du pouvoir… etc - ne sont-ils pas capables de nous guérir de tout mal et de nous donner “bonheur et prospérité“ ? Naaman accepta finalement l’humble sagesse de descendre dans le Jourdain pour y être purifié. “Sept fois“, car il s’agit d’une nouvelle création ! “Il descendit dans le Jourdain !“. Cette phrase, lourde de signification, est intraduisible : “wayorèd bayareden“ : “Il descendit dans le Yaredèn“ traduit André Chouraqui, “il descendit dans le descendre“.

Lui aussi, Jésus, lors de son baptême, il “descendit dans le Yaredèn, dans le descendre“, qui descendait jusqu’au point le plus bas du globe - la mer morte -, jusque dans les régions de Sodome et Gomorrhe, ces lieux du péché du monde, jusque dans ces régions d’ossements desséchés, selon Ezéchiel, jusque dans le lieu macabre de la mort elle-même, jusque dans les enfers : “Il descendit aux enfers !“. Et il est remonté, nous entraînant avec lui, pour une nouvelle création en la gloire de son Père !

Plongés dans un nouveau Jourdain par le baptême, Il nous faut descendre au point le plus profond de nous-mêmes, comme David après sa faute. C’est toujours là, dans ce mouvement d’humilité, que le Christ veut nous rencontrer “tels que nous sommes et là où nous en sommes“. N’est-ce pas à cette démarche que nous sommes tous invités durant le Carême ? C’est la première condition de toute conversion : l’humilité du fier Naaman ! Et c’est alors que le Christ nous fait remonter, comme Lui-même est remonté jusqu’en la gloire divine !

Jésus le signifiait à Zachée ! A cet homme qui d’abord se reconnaissait “petit de taille“, Jésus dit : “Descends vite, Zachée ! (Descends de ton arbre !). Aujourd’hui, il me faut demeurer (descendre) chez toi !“. Jésus veut toujours descendre en ce fleuve “Yaredèn“, dans ce “fleuvre-descendre“ qui coule dans le lit de notre existence mortelle et mortifère pour nous faire remonter vers le Temple céleste, vers le lieu de la VIE divine et immortelle.


C’est encore ce que disait Jésus à Nicodème. Avec lui, il va directement au fond du problème : “A moins de naître d’en haut (ou : de nouveau, comme pour Naaman, plongé sept fois dans le Jourdain pour une nouvelle création), nul ne peut voir le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit et esprit !“. (David ne disait-il pas : “Vois, mauvais, je suis né… Crée en moi un cœur pur !“).

Dieu reste toujours fidèle à son Alliance première : il nous veut, purs de toute lèpre, “à son image et ressemblance“. Et cette Alliance éternelle prend désormais, depuis Naaman, depuis Jésus…, l’aspect d’une nouvelle naissance, d’une nouvelle création (signifié par le baptême). Nul n’entrera dans le Royaume s’il n’est pas bénéficiaire de cette nouvelle création (cf. Gal 1.3 - Rm. 7.14 sv, etc…).

Nous avons tous besoin de méditer cela (surtout en Carême) pour toujours et chaque jour prendre un nouveau départ durant notre “exode“ vers la “Terre promise“ !

dimanche 27 mars 2011

Présence de Dieu : l'eau vive !

3ème Dimanche de Carême A.11

Dieu est-il avec nous ou bien n'y est-il pas ? Avec les Hébreux - on vient d’entendre le récit -, cette interrogation court à travers toute la Bible. Je n’en prendrai qu’un exemple. Après l’entrée en Terre promise, les Hébreux cultivent la terre, font prospérer leurs troupeaux. Mais régulièrement, leurs voisins (Madianites) ravagent, anéantissent les produits de leur travail. Un jour, l’ange du Seigneur apparaît à un certain Gédéon pour lui confier une mission de délivrance : “Gédéon était en train de battre le blé pour le soustraire aux pillards. L’ange du Seigneur lui dit : ‘Le Seigneur est avec toi’ !”. Et Gédéon de répondre du tac au tac : “Pardon, Mon Seigneur, si le Seigneur est avec nous, pourquoi tous ces malheurs sur nous ? S’il est vrai que le Seigneur nous a fait monter d’Egypte, pourquoi, nous a-t-il pas abandonnés ?”

Cette question traverse le cœur des croyants eux-mêmes : Dieu est-il avec nous ou bien n'y est-il pas ? Qui n'a pas prononcé cette phrase un jour ou l'autre ? Quand on est accablé de malheurs divers, quand, désormais, on est affronté à un scepticisme ambiant, quand un cancer vient ravager la vie d’une personne aimée…, et plus habituellement, quand on regarde notre monde qui va mal, la question se pose : “Dieu est-il vraiment avec nous ?”. Où est Dieu ? Pouvons-nous encore nous appuyer sur ce Dieu qui semble sourd et muet ?

Je ne dis pas cela pour semer le doute, mais pour que nous puissions fortifier notre foi.

Je le dis en pensant à beaucoup qui nous entourent : ils se posent cette question et n'arrivent pas à y répondre.

Je le dis parce que les textes d’aujourd’hui éclairent cette question de la foi. Prenons seulement le premier

L’histoire se passe en plein désert. Moïse guide la marche du peuple, de point d'eau en point d'eau. Mais à l'étape de Réphidim, l'eau manque. En plein désert, en pleine chaleur ! C'est dramatique. Le peuple est pris de panique. Et comme il faut toujours un responsable, on s'en prend à Moïse. “Le peuple murmura : ‘Pourquoi nous as-tu fait sortir d’Egypte ? Est-ce pour nous faire mourir de soif, moi, mes enfants et mes bêtes ?”. Cette phrase est grammaticalement curieuse : Il s’agit du peuple qui murmure : “Pourquoi nous as-tu fait sortir ?”. Et voilà que le texte souligne fortement la réflexion de tout un chacun : moi, mes enfants, mes bêtes !”. On dirait qu’au fur et à mesure que l’insécurité grandit, que s’amoncèlent les nuages de malheurs éventuels, l’égocentrisme se renforce, chacun se recroquevillant sur lui-même. C’est la multiplication des “moi” qui se rebelle et non pas tellement contre Moïse, mais contre Dieu : “Ce Dieu dont tu nous as rappelé les prodiges, ne va-t-il pas faire mourir “moi, mes enfants, mes bêtes?”. Cet égocentrisme bien compréhensif est de toujours en temps de crise. On ne pense plus aux autres ; on ne pense qu’à soi ! Cela est à remarquer !

Le récit continue. Le narrateur dit que Moïse crie vers Dieu. Que vais-je faire ? Ils vont me lapider ! Moïse lui-même ne pense plus qu’à sa sécurité ! Dieu répond : “Prends ton bâton, frappe le rocher sur lequel je suis. Il en sortira de l'eau”. - Dans le récit analogue, au livre des Nombres, il est dit que Moïse frappa deux fois le rocher. Pourquoi deux fois ? La tradition juive explique : Moïse et Aaron n’entrèrent pas en Terre Promise parce qu’ils ont manqué de foi ! Cette histoire du rocher, c’est donc bien d’abord une histoire de doute… : Dieu est-il avec nous ou bien n'y est-il pas ? D’un doute qui peut atteindre parfois jusqu’à des responsables comme Moïse ! Et oui !

Quoi qu’il en soit, l’eau jaillit du rocher. C’est que même au désert, l'eau peut jaillir. Même en nos déserts où nous nous croyons seuls, Dieu est avec nous. Même dans le désert terrible de la maladie, dans le désert brûlant de la mort, dans le désert glacial de la solitude, la source de la vie n'est pas tarie. Voilà la certitude de foi ! Dès que l’on croit en la présence de Dieu, malgré parfois les événements apparemment contradictoires, on avance sur le chemin de vie. Sinon on reste en nos déserts de soif.

Oui, notre foi affirme malgré les difficultés : Dieu est toujours présent ! Voilà pourquoi, selon une tradition juive, le “rocher” (symbole de cette présence salvifique de Dieu) se déplace et accompagne les Hébreux tout au long de leurs étapes ! Car ce “rocher”, c’est Dieu toujours présent qui se déplace avec son peuple ! Tous les psaumes le diront : “Seigneur, tu es mon roc, mon rocher !".

Mais, pour nous, l’histoire de ce rocher n’est pas terminée. St Paul fera nettement allusion à cette tradition du rocher qui se déplace, en y apportant une explication essentielle : “nos pères passèrent, comme par un baptême, à travers la mer rouge. Tous mangèrent une même nourriture spirituelle. Tous burent le même breuvage spirituel ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait : et ce rocher, c’était le Christ !". (I Co. 10.4)

Paul est d’une radicalité extrême dans ses raccourcis ! “Un rocher qui les suivait !”. Et ce rocher, c’est le Christ !

Bien sûr, ce rocher ne revêt plus une réalité historique, mais une signification aux harmoniques multiples :

+ Ce rocher qui se déplace arrivera à Jérusalem, “lieu que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom“ ; il sera la pierre angulaire du temple, lieu de tous les sacrifices après celui d’Abraham, au même endroit appelé alors ‘Mont Morrya’ ce qui veut dire “mont de la vision” - ce sacrifice lui ayant permis de “voir celui qui nous voit sans cesse… “ - ! Dieu est avec nous ! Il est là !

+ C’est sur ce même rocher que, par son sacrifice, le Christ - Dieu fait homme -, devenu pierre angulaire d’un Temple nouveau, rétablit l’union de Dieu avec les hommes. Aussi, à sa mort, le voile de l’ancien temple se déchire, le Christ nous permettant déjà de“ voir Celui qui nous voit sans cesse“. Dieu est avec nous ! Il est là !

+ C’est de ce même rocher, à Jérusalem, “Mont de la vision”, qu’Ezéchiel avait vu jaillir une eau abondante qui, se jetant dans le Jourdain, allait purifier les eaux de la Mer morte, symbole du péché du monde. Aussi, au moment de la mort du Christ, nouveau Rocher, pierre angulaire du vrai Temple de Dieu, la lance du soldat frappera ce rocher, le Christ. Il en sortira, dit St Jean, “du sang et de l’eau”.

* du sang, car il s’agit dès lors du sang du sacrifice du Christ qui manifeste l’amour de Dieu pour nous, comme le dit St Paul aujourd’hui : “La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs !“. Dieu est avec nous ! Il est là !

* de l’eau parce, plus encore que le fleuve dont parlait Ezéchiel, cette eau qui sort du côté du Christ, (vrai temple de Dieu), devient un immense fleuve. Et le monde entier en est purifié, comme le chantait naguère une hymne du Vendredi Saint. Dieu est avec nous ! Il est là !

Aussi n’est-il pas étonnant que tous les Pères de l’Eglise virent en cette eau qui sort du côté du Christ la source de tous les sacrements, et principalement celle du baptême, cette source qui vient nous purifier, nous restaurer. Et nous chanterons à Pâques : “J’ai vu l’eau vive jaillissante du cœur du Christ, j’ai vu la source devenir un fleuve immense ; tous ceux que lave cette eau seront sauvés. J’ai vu le Temple s’ouvrir à tous ; tous ceux qui croient en son Nom seront sauvés et chanteront : Alleluia !“.

Il y avait toutes ces harmoniques de signification dans la conversation de Jésus avec la Samaritaine. Jésus lui dit que Dieu est le “Rocher d’Israël” d’où sort une eau qui permet de rendre à Dieu un culte en Esprit et Vérité. La Samaritaine y croit. Suivons son exemple en répétant: “Amen”, ce mot qui signifie : Oui, je crois ; c’est ferme comme un rocher ; j’y crois dur comme pierre. Et il nous est bon, en cette Eucharistie, de répéter avec St Paul : Cette pierre du Temple nouveau, c’est un rocher spirituel qui nous suit. Car ce rocher, c’est le Christ ! Dieu est avec nous ! Il est là !

samedi 26 mars 2011

Bonté de Dieu !

Carême 2 Samedi - Dieu Bon ! - (Mi. 7.14sv – Lc 15.1sv)

Les textes que la liturgie offre à notre méditation aujourd’hui raffermissent en nous la certitude de l’immense bonté d’un Dieu dont la bienveillance paternelle envers ses créatures étonne, voire scandalise… alors que notre monde lui-même est souvent traumatisé par les horreurs que les hommes s’infligent ici ou là, en Lybie, en Côte d’Ivoire, au Yémen… ; et j’en passe… et des plus importantes !

Oui, notre foi en la bonté de Dieu-Père qui a envoyé son Fils Unique pour sauver l’homme pécheur - ce que nous célébrerons dans un mois -, qui, actuellement et toujours, nous propose son Esprit d’amour, éprouve de la joie à proclamer ce texte de Michée que nous venons d’entendre : “Seigneur, conduis ton peuple qui demeure isolé dans les broussailles… Comme aux jours où tu sortis d’Egypte, fais-nous voir tes merveilles ! Quel est le dieu comme toi, qui enlève la faute, qui pardonne le forfait…, qui prend plaisir à faire grâce ?“. Et ce verset qu’il faut citer in extenso : “Une fois de plus, il aura pitié de nous, il foulera aux pieds nos fautes. Tu jetteras [Seigneur] au fond de la mer tous nos péchés !“. Ce ne sont plus les chars de Pharaon et les poursuivants égyptiens qui seront engloutis par les flots de la mer rouge. On entrevoit chez Michée un exode qui annonce déjà la Nouvelle Alliance où toute l’iniquité du monde sera submergée dans la tendresse de Dieu ! Le psaume 65ème affirme également : “Nos fautes sont plus fortes que nous ; mais toi, tu les effaces !“.

“Mais toi tu les effaces“, même si le repentir de l’homme est très loin d’être parfait. Car il faut remarquer que l’enfant prodigue, du fond de son exil, exprime un repentir quelque peu intéressé : “Je vais retourner chez mon père où j’aurai du pain en abondance, alors qu’ici je meurs de faim“. Mais Dieu non seulement connaît notre langage plus ou moins mercantile, mais il le prévient par une pédagogie particulière déjà utilisée, selon Osée, à l’égard de l’épouse infidèle, Israël : “C’est pourquoi je vais obstruer son chemin avec des ronces, je l’entourerai d’une barrière pour qu’elle ne trouve plus ses sentiers ; elle poursuivra ses amants et ne les atteindra pas ; elle les cherchera et ne les trouvera pas. Alors elle dira : « Je veux retourner vers mon premier mari, car j’étais plus heureuse alors que maintenant ! »“ (Osée 2.8-9).

Oui, la bonté de Dieu va jusque là ! Et, en parallèle à la parabole du Père de l’enfant prodigue, il faudrait “faire mémoire“… - [“faire mémoire, n’est-ce pas, c’est toujours prendre dans le passé ce qu’il contient d’avenir !] - … il faudrait “faire mémoire“ de la douleur de David apprenant la mort de son fils Absalom, fils pourtant si ingrat, rebelle et félon ! Le roi exprime une douleur telle qu’elle étonne et scandalise son chef d’armée, Joab, avec ses soldats. Mais le scandale qu’exprime ce fidèle général (comme celui du frère aîné dans la parabole de Jésus) devant cet amour fou d’un père apprenant la mort d’un fils qui l’a pourtant ignominieusement trahi, nous aide à deviner l’immense amour qui habite le cœur de Dieu pour chacun de nous : “Alors le roi frémit. Il monta dans la chambre… et se mit à pleurer ; il disait en sanglotant : "Mon fils Absalom ! mon fils ! mon fils Absalom ! que ne suis-je mort à ta place ! Absalom mon fils ! mon fils ! "
On prévint Joab : "Voici que le roi pleure et se lamente sur Absalom". La victoire, ce jour-là, se changea en deuil... Et ce jour-là, l'armée rentra furtivement dans la ville, comme se dérobe une armée qui s'est couverte de honte en fuyant durant la bataille.
Joab se rendit auprès du roi à l'intérieur et dit : "Tu couvres aujourd'hui de honte le visage de tous tes serviteurs qui ont sauvé aujourd'hui ta vie, celle de tes fils et de tes filles, … parce que tu aimes ceux qui te haïssent et que tu hais ceux qui t'aiment (“Je ne suis pas venu pour les justes…“, dira Jésus). En effet, tu as manifesté aujourd'hui que chefs et soldats n'étaient rien pour toi, car je sais maintenant que, si Absalom vivait et si nous étions tous morts aujourd'hui, tu trouverais cela très bien…“
(2 Sam. 19). N’est-ce pas là le langage amère du fils aîné de la parabole ?

Voilà bien l’amour de Dieu-Père à notre égard, annoncé par Michée, prophétisé en quelque sorte par David, affirmé par Jésus lui-même.
Et je crois que devant tous les malheurs qui déferlent parfois sur notre monde, il n’y a pas à chercher d’autre consolation que dans cette certitude de foi qu’il y a un Dieu d’une bonté paternelle qui, malgré les apparences parfois contradictoires, malgré tous les malheurs - et la Bible nous dit qu’il faut s’attendre à tout -, dirige l’histoire et la mène vers la Jérusalem nouvelle dont il est parlé dans l’Apocalypse : “Je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle - car le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n'y en a plus. … J'entendis alors une voix clamer, du trône : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple, et lui - Dieu-avec-eux -, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n'y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n'y en aura plus, car l'ancien monde s'en est allé ».
Alors, Celui qui siège sur le trône déclara : « Voici, je fais l'univers nouveau ». Puis il ajouta : « … Celui qui a soif, moi, je lui donnerai de la source de vie, gratuitement. Telle sera la part du vainqueur ; et je serai son Dieu, et lui sera mon fils »“
(Apoc 21.1-7).

vendredi 25 mars 2011

Annonciation

Annonciation 2011

L'annonciation c'est la rencontre de deux libertés - celle de Dieu et celle de Marie -, deux libertés qui vont communier dans le même amour, deux libertés qui vont s'associer pour un mystère de fécondité incroyable ; car du jaillissement de ces deux “oui“ va naître un enfant qui sera saint et qui sera appelé Fils de Dieu.

Une réponse humaine à une Parole divine ! Et voilà que le Verbe se fait chair, il habite parmi nous ! Essayons de voir comment la liberté de Dieu va au devant de celle de Marie et comment nous pouvons pareillement exercer notre liberté.

C'est Dieu qui est toujours le premier. Il nous crée librement, par amour. En effet, quelle contrainte extérieure pourrait peser sur Lui ? Il décide lui-même de nous faire partager sa vie et de nous envoyer son Fils. Quelle grâce !


Au cours de l'histoire, dans les moments difficiles, comme à l'époque du roi Acaz qui tremble devant l'invasion étrangère, Dieu prend l'initiative d'intervenir. Ce n'est pas Acaz qui le prie, comme si la prière humaine était le point de départ, c'est Dieu qui lui dit par l'intermédiaire du prophète Isaïe : “Demande pour toi un signe venant du Seigneur ton Dieu“. C'est Dieu qui demande de lui demander. Et comme il ne peut tout de même pas faire tout seul la demande et la réponse, il supplie le roi de lui répondre en lui demandant une faveur.


On dirait un père qui est prêt à donner, prêt à faire quelque chose, mais Il a besoin qu'on lui demande les cadeaux qu'Il propose. Et quel cadeau : un enfant appelé Emmanuel - “Dieu avec nous“ -, et qu'une mystérieuse jeune femme selon l’hébreu, une “Vierge“ selon les LXX et l’évangile, doit mettre au monde. Par-delà Ezéchias, ce petit prince, que la reine donnera comme fils à son époux Acaz et qui sera accueilli comme un “sauveur“ dans un temps de misère et d'oppression, Dieu vise à l'extrémité de cette famille royale le Don de son propre Fils, Sauveur du monde, né de la Vierge Marie. Saint Jean le dira : “Dieu a tant aimé le monde qu'Il lui a donné son Fils unique“. (Jn 3.16).


Tout est grâce, c'est-à-dire le fruit d'un amour divin libre et gratuit. C'est pourquoi l'ange Gabriel salue Marie du titre de “comblée de grâce“ et lui dit : “Tu as trouvé grâce auprès de Dieu“. C'est pourquoi Marie qui a conscience qu'elle ne peut se prévaloir d'aucun mérite chantera cette liberté de Dieu qui choisit les humbles et les petits : “Il s'est penché sur son humble servante... le Seigneur fit pour moi des merveilles, Saint est son nom“.

Quand Dieu décide, qui pourrait lui résister ? Il dit et cela fut ! Il crée par sa Parole et toutes les créatures lui obéissent. Le prophète Baruch écrit : “Il envoie la lumière et elle part. Il la rappelle et elle obéit en tremblant. Les étoiles brillent à leur poste, joyeuses. S'il les appelle, elles répondent : nous voici ! Elles brillent avec joie pour leur Auteur“ (Bar. 3, 33-35). Mais avec l'homme Dieu vient frapper à la porte espérant humblement qu'on lui ouvrira. Dieu a foi en l'homme, il lui fait confiance. Il espère beaucoup de lui.


Remarquons avec quelle délicatesse il traite avec Marie. Il commence par la saluer, ce qui est une marque de profond respect. Il s'adresse à elle comme à une princesse de haut rang. Après avoir indiqué son désir, il permet une question, car il ne veut pas d'une obéissance absurde, servile. Marie a besoin d'un minimum d'éclaircissement pour donner un sens à son engagement qui semble aller à l'encontre d'un autre : “je suis vierge, je ne connais point d'homme“. On pourrait presque dire : je ne suis pas libre de donner ma parole, car je l'ai donnée à un Autre ; je n'appartiens à aucun homme, car je ne veux appartenir qu'à Dieu. Marie s'était libérée pour Dieu. Tel est le sens positif de ce projet de virginité.


Justement, répond le messager divin, c'est l'Esprit Saint qui te rendra féconde. Ton enfant ne naîtra pas “de la chair et du sang, de la volonté de l'homme“, mais de Dieu (Cf. Jn 1.13). “L'Esprit Saint viendra sur toi !“. Tu t'es libérée pour Dieu ; eh bien son Esprit va te remplir de sa présence ! Alors Marie, sans tout comprendre, en sait assez sur le dessein de Dieu. Elle n'a qu'une solution c'est de dire : “oui !“ ; car elle ne veut et donc ne peut s'opposer à la décision divine. “Tu concevras et tu enfanteras !“. Ce n'est pas une suggestion. C'est un ordre. Elle s'incline dans la foi, en pleine liberté. La Parole de Dieu qui venait du dehors, elle la reprend à son compte du dedans : “Voici la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta parole“. Plus tard Jésus dira dans un sens universel : “celui qui fait la volonté de mon Père, celui-là devient ma mère !“ (Mth 12.50).

Dieu et Marie dans leur dialogue fécond se présentent ainsi comme le modèle de notre liberté. Etre libre ce n'est pas choisir, mais re-choisir ce que Dieu a prévu pour nous. Comme Marie nous devons chercher ce que Dieu attend de nous : Seigneur que veux-tu de moi ? En quoi ce que tu me demandes de nouveau est-il compatible avec mes engagements anciens ?
La vraie liberté ce n'est pas l'indépendance mais la dépendance totale à l'égard de Dieu et des autres amoureusement acceptée. Voici la liberté de Marie, une liberté de relation, une alliance. Son “oui“ libre la met définitivement en liaison avec Jésus, le Fils de Dieu qui est lui-même Trait d'Union vivant et éternel entre son Père et leur Esprit commun.
Par Jésus le Médiateur unique, le “oui“ libre de Marie la met en relation avec tous les hommes sans exception. La voici liée, par sa maternité, avec l'humanité pour le meilleur et pour le pire, pour la vie et pour l'éternité.


Dans le Deutéronome Dieu place l'homme en face du choix fondamental : “Vois, je mets devant toi la vie et la mort, le bonheur ou le malheur“ (Cf Deut 30.15sv). L'ordre absolu de Dieu : “choisis la vie, choisis le bonheur !“. Et moi, je reprends cet ordre, librement, à mon compte ; et c'est désormais moi qui décide dans le sens même que Dieu m'a indiqué.


Certains m'accuseront d'être devenu esclave. Eh bien oui, je n'en rougis pas, esclave de Dieu, serviteur des autres, comme le dit saint Paul. C'est l'amour qui explique tout, c'est lui qui commande : “Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur et ton prochain comme toi-même“. Dieu relève l'esclave à genoux et lui déclare : Pour moi, tu n'es plus un esclave, mais tu es mon fils bien aimé, tu es devenu un homme libre.

jeudi 24 mars 2011

Espérance

Carême 2. Jeudi - Espérance ! (Jérémie 17.5-10)

Jérémie (lecture) reprend pratiquement le langage et les images du psaume 1er. En ces deux textes est résumé le message de toute la Bible : La vie est un combat en lequel nous sommes tous impliqués ! Un combat entre les ténèbres et la lumière. Il englobe l’universalité du réel, se perpétue à travers le temps et l’espace et se manifeste en tous les déchirements de l’histoire… Les deux grands généraux de ce combat sont “le Saint de Dieu“ et le “Révolté“ :
- L’un refuse la route de la lumière. Il dit “Non“ à Dieu. “Maudit soit l’homme qui se détourne du Seigneur“, disait Jérémie !
- L’autre se détourne du mal. Sa seule force, c’est le Seigneur : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance !“, disait Jérémie.
- Le premier va vers son malheur : “Il sera comme un buisson dans la steppe!“.
- Le second marche vers son bonheur : “Il sera comme un arbre planté au bord des eaux. Il ne craint pas la chaleur ; son feuillage reste vert… et il porte du fruit !“. Quelle image très parlante que cet arbre verdoyant pour un oriental en pays chand ! C’est le “paradis“, mot d’origine perse qui veut dire justement “jardin“ !

La route des ténèbres est toujours ouverte. Notre société va vers sa perte, dirait Jérémie ! Non point que nous soyons tous des “méchants“, mais parce que nous avons raté le train de l’Espérance. (Pourtant : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance !“). On a dit naguère : “Nous entrons dans la société industrielle !“, puis : “Nous sommes dans la société de loisirs !“ ; et maintenant, nous constatons que notre société est largement dépressive, sans espérance ! Et pourquoi donc ?
- Parce que nous manquons d’intériorité en ne faisant confiance qu’au thermomètre très fantasque de l’opinion publique et des médias !
- Parce que nous n’avons plus de mémoire comme si le monde n’avait commencé qu’hier soir ou ce matin. Nous nous enfermons dans la cage de l’aujourd’hui sans grande communication ni avec le passé, ni avec le présent, sans regard vers les autres et… vers Dieu… L’homme se déclare dieu et s’isole, sans Espérance !
- Parce que chacun, se retrouvant seul, se persuade à lui-même : “Ma vérité est la vérité !“. Et comme nous sommes des milliards, il y a alors des milliards de vérités… qui, bien sûr, s’opposent les unes aux autres. Et c’est le combat !

Oui, Jérémie avait raison : Maudit soit l’homme qui met sa confiance en lui seulement, en l’homme, uniquement ! Même si cet homme cherche et recherche de multiples thérapies (C’est très à la mode, croyez-moi !) aux malheurs qu’il engendre lui-même.
Il n’y a qu’une thérapie : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance“ ! L’espérance est le muscle cardiaque, le myocarde, de notre cœur spirituel. Et si ce muscle arrête de fonctionner, la vie s’arrête !

Et n’allez pas dire que cette image engage à une utopie. Une utopie est une espérance qui ne se fonde que sur les propres forces de l’homme. L’utopiste attend quelque chose de neuf, convaincu qu’il va lui-même le réaliser. L’homme d’espérance sait que Dieu seul peut lui porter secours pour qu’il fasse du neuf !

Toute la Bible crie cette Espérance, Espérance plus vivace que tous les défaitismes, Espérance qu’entretenait Jérémie malgré tous les malheurs de son temps ! (Et il en a connus !). Non pas l’espoir qu’inventent les hommes pour ne pas mourir. L’espérance vient au secours de l’espoir comme on greffe un rameau sauvage. L’espérance dit à l’espoir : “Tu ne te trompais pas. Le seul tort de ton rêve, c’est d’attendre trop peu“. Peut-être, parfois, faut-il que l’espoir craque pour que commence l’Espérance. La foi est peut-être un doute surmonté, l’espérance un désespoir surmonté ! “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance“, disait Jérémie.

Certes, les motifs de découragements sont toujours innombrables sur la ligne d’affrontement entre les ténèbres et la lumière !
- Oui, le monde est pourri quand quelques généraux de tous bords peuvent faire disparaître des milliers d’hommes. Mais le monde est béni quand le pardon peut répondre à la haine, la foi en la vie au massacre.
- Oui, il y a des conflits d’intérêts qui cherchent une solution par l’assassinat individuel ou collectif. Mais ils sont millions ceux qui prennent le risque de la non-violence, cassent le cercle vicieux et la spirale des vengeances.
- Oui, les médias multiplient le visage de l’horreur jusqu’à la nausée ; mais ils pourraient aussi multiplier le visage de l’Espérance en mettant le projecteur sur les générosités qui ne prennent parti d’aucune douleur.

Oui, il faut savoir regarder les ombres de notre monde et celles, plus cachées, de notre vie pour y discerner, dans la foi, les signes annoncia-teurs d'Espérance. Il faut savoir regarder nos vies à la lumière du Ressuscité que l'on célèbre chaque dimanche. Et nous nous apercevrons comment nos nuits peuvent voir poindre l'aurore, comment nos croix peuvent devenir des brèches vers une Résurrection, comment, humiliés par les épreuves les plus amères, nous pouvons sentir notre cœur devenir tout brûlant sur notre chemin d'Emmaüs. Alors, nous expérimentons qu’avec l’Espérance, nous ne risquons plus une “crise cardiaque“. Car nous aurons, comme dit St Luc, “un cœur noble et généreux“ ! Kalos agathos, disaient les Grecs : un cœur bon et beau à la fois, le “beau“ devant être toujours l’éclat du “bon“ : le bonheur ! “Moi, je scrute le cœur…“, disait Jérémie de la part de Dieu !

mercredi 23 mars 2011

Actualité de Jérémie !

Carême 2. Mercredi - Jérémie

Vous rencontrerez le prophète Jérémie tout au long du Carême. Il faut, me semble-t-il, connaître la vie de ce prophète méconnu, le contexte politique, social et religieux de son époque qui ressemble tellement à la nôtre !

Jérémie naquit vers 650, à la fin du règne du roi Manassé. Cela faisait fort longtemps que depuis Ezéchias, l’iniquité régnait à Jérusalem. Les hommes pieux se lamentaient en silence, impuissants, devant l’abandon du Temple et du vrai culte.
Il était originaire de la petite ville d’Anathoth, près de Jérusalem, et appartenait à une digne famille sacerdotale. Il fut appelé très jeune au ministère de prophète, vers l’année 627, alors qu’il avait environ 23 ans. C’était sous le règne de saint roi Josias. Ce roi pieux - figure extraordinaire et vraiment exceptionnelle de cette époque impie - avait déjà commencé ses réformes religieuses. Il s’appuya sur le ministère de Jérémie pour faire revenir le cœur du peuple à l’Eternel, mais le mal était profond !

Pourtant, le ministère de Jérémie dura quarante ans, de 627 à 587, année de la prise de Jérusalem. Le peuple eut donc le temps d’entendre la Parole de Dieu ! Mais, comme dira le texte de demain, le peuple n’écoutait pas !… Et les rois qui se succèdent s’éloignent tous de Dieu, deviennent le jouet des Egyptiens, Assyriens, Babyloniens… Jérémie assiste à la tragédie des déportations de son peuple : trois en quinze ans ! Après la prise de Jérusalem, lui-même, entraîné par des fuyards de Juda, fuit la dernière déportation (587). Il emmène avec lui l’arche d’Alliance qu’il cacha sans doute à l’Horeb, la montagne de Dieu, (elle ne fut jamais retrouvée). D’après la tradition Juive, il aurait fini ses jours en Egypte, où il aurait été assassiné en 570, à l’âge de 80 ans. Pauvre prophète Jérémie !

Jérémie voyait bien, avec une profonde tristesse, et malgré les efforts énergiques du jeune roi Josias, mort tragiquement prématurément (hélas !), que le réveil religieux était superficiel. Pourtant sous le règne du saint roi Josias, la prospérité était revenue, la main pesante de l’occupant assyrien s’était relâchée. Le pays était purifié des idoles, le vrai culte était rétabli. Qui aurait alors pu prendre au sérieux les avertissements et les menaces du prophète, sinon une petite minorité, un petit reste fidèle ? Jérémie était conscient de cela. Il discernait parfaitement le véritable état spirituel du peuple. Des décennies d’impiété et d’idolâtrie n’avaient pas pu déraciner le mal en profondeur.
Aussi reprenait-il facilement les paroles du grand prophète Isaïe, ce Bossuet de l’A.T. : “Le Seigneur dit : Quand ce peuple s’approche de moi, il m’honore de la bouche et des lèvres…“, paroles que Jésus lui-même reprendra (Cf. Marc 7 : 6-9).

Jérémie est “le prophète souffrant“ par excellence ! Il aime son peuple !!! Mais, hélas, il voit son impiété : il se rend compte qu’il n’y a en réalité aucun amour véritable du Seigneur ; il sait que les mauvaises tendances du peuple reprendront toujours le dessus… Rien ne pouvait autant faire souffrir le cœur du prophète ! Il annonce donc le châtiment divin dont les raisons sont multiples : culte des idoles, indifférence aux choses divines, impureté, impudicité, injustices et exploitations des pauvres, imposteurs ou prophètes indignes, et surtout obstination dans l’égarement spirituel. Paul fera allusion à tous ces méfaits qui avaient lieu de son temps également (Cf. 2 Tim. 3 : 1-5 ; 2 Tim. 4 : 3-5).

Pourtant, Jérémie avertissait bien que la prospérité apparente des méchants n’était aucunement le signe d’une approbation divine, mais simplement celui de la patience de l’Eternel, qui espérait toujours une réforme des cœurs, réforme qui n’allait pas venir. Aussi, ce prophète était-il toujours déchiré entre son amour pour son peuple et la nécessité où il se trouvait d’accomplir sa mission et d’annoncer les châtiments à venir.

Pourtant, en dépit de tous ces cataclysmes annoncés, le cœur du message de Jérémie demeure un message d’espoir. Le sommet de son ministère prophétique reste la magnifique annonce de la restauration future d’Israël, et d’une “nouvelle alliance” avec le Seigneur. (31.1-14).

N’est-il pas vrai finalement que le message de Jérémie est de tout temps, et du nôtre aussi ? De plus et surtout, Jérémie est la figure du Christ souffrant qui, par la souffrance, accomplira la restauration annoncée, une nouvelle Alliance avec le Seigneur.

En ce temps de Carême, nous pouvons reprendre l’enseignement de Jérémie, liturgiquement et surtout en notre vie : son enseignement est une annonce du mystère pascal !
Il y a de multiples raisons de découragements pour nous aussi, en nous et autour de nous. Il y a la mort elle-même ! Mais la Vie l’emportera, la Vie du Christ en nous, mort lui aussi, mais toujours vivant !

lundi 21 mars 2011

St Benoît

St Benoît (anniversaire de sa mort)

Nous fêtons aujourd’hui le “transitus“ de notre Père St Benoît, autrement dit sa mort, ou -mieux - sa “naissance“ plénière en Dieu, son “passage“ (“transitus“) de ce monde au monde de Dieu. Ce “passage“ est survenu peu de temps après celui de sa sœur Scholastique avec laquelle il avait été contraint - par volonté divine - de s’entretenir, durant toute une nuit, se rassasiant, fait comprendre St Grégoire, des saintes paroles qu’ils se disaient l’un à l’autre sur la vie spirituelle,.

Trois jours plus tard, St Benoît vit l’âme de sa sœur monter au ciel sous le signe d’une colombe. On peut penser que cette “élévation“ de sa sœur vers le monde de Dieu attisa en lui son “désir du ciel“. Quelques quarante jours après - toujours selon St Grégoire -, par grâce divine, il connut et annonça à ses disciples le jour de son prochain trépas. Il ne lui restait plus que six jours à vivre, présagea-t-il. De fait, il fut alors saisi d’une forte fièvre qui le terrassa au bout d’une semaine…

N’ayant que peu de temps, je ne ferai qu’une réflexion : St Benoît était intensément et à tout instant habiter par le “désir de Dieu“ : Dès son prologue, il se demande et demande avec le psalmiste : “Seigneur qui habitera dans ta demeure et qui aura son repos sur ta montagne sainte ?“ (Ps. 14).

Notre Père St Benoît n’éprouvait pas tant (comme on l’a trop dit) la crainte de la mort, la crainte des jugements de Dieu que le désir de l’éternité, la soif ardente de voir Dieu, de voir Celui qui nous voit sans cesse, et d’être avec lui pour toujours (comme l’éprouvait St Paul : cf. Ph. 1.25 sv : “J’ai le désir de m’en aller et d’être avec le Christ… Mourir m’est un gain !“). En ce sens, la mort n’a rien d’effrayant, surtout pas pour un moine, une moniale. Le “transitus“ (le “passage“) sera la vraie communion, la vraie profession solennelle, le vrai commencement de toutes choses. Et pour certains, à la suite de St Paul, à la suite de St Benoît, quand la toile de la vie commence à s’user, il est bien légitime de demander au Seigneur de la déchirer tout à fait !

Le désir de Dieu ! “Je veux voir Dieu !“, demandait Thomas d’Aquin, encore enfant. Le désir de Dieu ! Je me permets pour finir de vous renvoyer au très beau discours de notre pape, lors de sa dernière visite à Paris, aux “Bernardins“. Il faut reconnaître, disait le pape, que la volonté des moines, à la suite de St Benoît, n’était pas de créer une culture nouvelle ni de conserver une culture du passé, n’était pas d’ordre culturel. Leur méditation, leur objectif était de “chercher Dieu“ - “quaerere Deum“ -. Leur être était tendu vers l’“eschatologie“, non pas au sens chronologique du mot, mais au sens existentiel : derrière le provisoire, ils cherchaient le définitif. Des choses secondaires, ils voulaient passer aux réalités essentielles.

Et cette recherche était fondée sur la “Parole de Dieu“ qui nous introduit à un dialogue avec lui. St Grégoire le Grand, l’auteur de la “Vie de St Benoît“, ajoutait-il, décrit cela comme une douleur forte et inattendue qui secoue notre âme somnolente et nous réveille toujours pour nous rendre attentifs à la réalité essentielle, à Dieu ; et de ce fait, attentifs les uns aux autres…

Que notre vie, que notre louange à Dieu elle-même puissent exprimer le plus possible ce “Désir de Dieu“ ! Et le pape de noter après St Bernard : que notre louange exprime toute notre vie. Ce grand saint de la vie monastique, exigeant parfois, qualifiait la cacophonie d’un chant mal exécuté comme une chute dans la “regio dissimilitudinis“, dans la “région de la dissimilitude“, de la dissemblance, dans la région de l’éloignement de Dieu ! Que St Benoît nous aide à faire de notre vie une louange parfaite à la gloire de Dieu !

dimanche 20 mars 2011

Transfiguration

2ème Dimanche de Carême A.11

Ce texte d'évangile que nous venons d'entendre, vous le connaissez bien ! On l’entend tous les ans au 2ème Dimanche de Carême, à la fête de la Transfiguration et en d’autres circonstances… Vous le connaissez ! Mais ne paraît-il pas un peu étrange et même, disent certains, étranger à notre vie ?
Étrange, oui, mais pas incompréhensible ! Etranger à notre vie ? Je ne le pense pas.

Comment comprendre ce texte? Pour dire l'indicible, les mots toujours nous manquent. Mathieu procède par allusions et par images. Une accumulation d'images qui disent toutes la même chose.
Il y a l'image de la montagne. Et puis, le visage de Jésus brillant comme le soleil, ses vêtements blancs comme la lumière. Il y a encore l'image de la nuée.
Montagne, lumière, splendeur, nuée, c’est l'accompagnement traditionnel des apparitions divines, principalement au moment de l’Alliance au Sinaï !
- “Le Seigneur, dit le texte de l’Exode, dit à Moïse : « Monte vers moi sur la montagne pour que je te donne les tables de pierre » (de la Loi)“. (Ex 24.12).
- Et sur cette montagne, il y avait “des éclairs et une nuée pesant sur la montagne“ (Ex. 19.16). “La montagne du Seigneur n’était que fumée parce que le Seigneur y était descendu dans le feu d’une fournaise ; et toute la montagne trembla violemment“ (Ex 19.18).
- Et quand Moïse redescend de la montagne “la peau de son visage rayonnait“ (Ex 34.30).

Montagne, splendeur, nuée, visage de lumière… Autrement dit, le récit de Matthieu présente Jésus comme le “Nouveau Moïse“ annoncé par Moïse lui-même juste avant de mourir : “C’est un prophète comme moi que le Seigneur suscitera… C’est lui que vous écouterez !“ (Deut. 18.15).

C’est donc Jésus qui est le médiateur d’une “alliance bien meilleure“ (Heb 8.6), conclue en son sang, “le sang de l’Alliance versé pour la multitude“ (Mth 26.28), “le sang d’une Alliance éternelle“ (Heb 13.20), mais Alliance écrite désormais “non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs“, dira St Paul (2 Co. 3.3), des cœurs “qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique !“ (Lc 8.21). Aussi nous est-il dit particulièrement aujourd’hui : “Ecoutez-le !“.

Et il y a aussi la présence du prophète Elie qui, “brulant de zèle pour la Loi“ (I Mac 2.58) s’était “levé comme un feu“ (Si. 48.1). C’est lui qui devait revenir “pour tout rétablir“, dira Jésus lui-même (Mth 17.11).

Moïse et Elie, personnages essentiels de l'histoire du peuple de Dieu qui résument la Loi et les Prophètes, sont là pour signifier que Jésus est bien celui dont tout l'ancien Testament préparait la venue, celui qu'on attendait ! Et pour qu'on en soit sûr, la voix du Père proclame : “C’est lui, C’est bien lui mon fils bien-aimé, écoutez le !“.

Notez que cette apparition du Christ glorieux vient à point : Jésus transfiguré avant d'être défiguré ! La foi des apôtres, Pierre, Jacques et Jean, sera tellement ébranlée, quand ils verront Jésus défiguré, couronné d'épines, affublé d'un manteau de carnaval. Jésus mourra en croix, sous les rires moqueurs des passants et dans le silence et l’apparente non-intervention de Dieu. Au point qu’on se demandera : Dieu l’a-t-il abandonné ? Jésus n’était-il qu’un “imposteur“, comme diront les grands Prêtres à Pilate (Mth 27.63). C’est à cette question que le récit de la Transfiguration veut répondre par avance. Jésus, sur le point de prendre le chemin cruel de la montagne de Sion, la montagne de l’Alliance en son sang - “durcissant sa face vers Jérusalem“, dira littéralement St Luc (9.51) reprenant, là, une expression du prophète Isaïe à propos du “serviteur souffrant“ - … Jésus fait entrevoir à ses apôtres sa résurrection. Il leur laisse deviner à quelle lumière, à quelle splendeur, à quelle hauteur conduit la fidélité envers Dieu, jusqu'au bout. Il mourra en croix, mais cette mort se changera en lumière et en vie !

C'est cela le message essentiel de ce récit qui n'est pas si étrange que cela ! Ni étrange et ni étranger à notre vie !
Car je vous poserais une question - mais la réponse appartient au Seigneur seul ! - : N’y-a-t-il pas eu en votre vie des moments - fugaces ou plus lents - qui comportaient comme des signes de Transfiguration :
- Lieu élevé, un peu comme St Paul : “Je connais un homme qui - avec ou sans son corps, je ne sais - fut enlevé jusqu’au troisième ciel…“. (2 Co 12.2sv).
- Lumière, quand le Seigneur ouvre notre cœur à sa lumière, dit St Paul (Cf. Eph. 18), de sorte que nous devenons, malgré nous parfois, “des sources de lumières“ (Cf. Ph. 2.15).
- Splendeur, nuée : quand nous ressentons vivement la présence - une présence cachée - de Dieu en notre cœur, même - et je dirais surtout - aux moments difficiles comme pour Abraham qui offrait son fils et à qui il fut dit : “Je sais maintenant que tu frémis d’Elohim“ (Gen 22.12 – traduction Chouraqui).

Bref, chacun a ses “moments de transfiguration“ qui ne sont ni étranges ni étrangers à la vie, qui, au contraire, favorisent une plénitude de vie !

D’ailleurs, en méditant ce récit de la Transfiguration, j'entends quelque chose de très important pour notre vie de croyant. Deux mots, deux mots seulement...

Le premier mot est celui-ci : “écoutez-le !“. Ce mot n’est pas du tout étranger à notre vie. Oui, chacun, s’il le veut, entend la voix du Père lui dire, ce matin : Celui-ci est mon Fils, tu peux l’écouter en toute confiance.
Cette parole me rassure, j'ai besoin, nous avons besoin de l'entendre souvent ! Surtout au moment des difficultés que nous pouvons traverser, en ces temps où les chrétiens sont facilement présentés comme des naïfs qui se font illusion et que l’objet de leur foi n’est qu’une invention des hommes pour être consolé artificiellement des malheurs du temps. Qui d'entre nous n’a pas été sensible à cette question qui monte en nous aux heures de détresse, orchestrée par tant de voix de la culture contemporaine ?

Oui, il nous est bon d'entendre aujourd'hui cette parole du Père, comme une caution divine : “Ecoutez-le, suivez son chemin, ; c’est un chemin de vie“. Avoir la foi pour un chrétien, c’est écouter le Christ, faire confiance à sa parole et, touché par son message et son exemple, choisir d'y adhérer.

Et puis, il y a une deuxième parole que j'entends dans ce récit de la Transfiguration, pas étrangère, elle non plus, à notre vie, une deuxième parole très importante pour notre vie de croyant : “Tu es mon fils bien-aimé !“. Oui, la parole que Mathieu met dans la bouche de Dieu : “celui-ci est mon fils bien-aimé“ s’adresse également à chacun de nous. C’est Jésus qui nous l'a dit : tout homme est aimé de Dieu, tout homme est une histoire sacrée, tout homme est à l'image de Dieu. Tout homme a en lui cette lumière de Dieu qui peut transfigurer sa vie.

Vous objecterez : cela ne se voit guère ! L'humanité n'est pas belle, l'homme est capable du pire. L'actualité le démontre. C’est vrai, l'homme est souvent défiguré par la violence, l'égoïsme, la laideur, la médiocrité. Et l'histoire des horreurs n'est hélas pas terminée, il faut rester lucide.
Mais il est vrai aussi que l'humanité est belle, que l'homme est capable du meilleur. La lumière qui veille dans le secret du cœur de chaque homme transparaît parfois. Que de femmes, que d'hommes célèbres ou ignorés montrent cette lumière à travers leur courage, leur force d’aimer, le don quotidien de leur vie. Ils luttent, ils protestent, ils bâtissent, ils secrètent paix et amour. La Transfiguration, ne se manifeste-t-elle pas, chaque jour, en tous lieux de la terre.

Il est temps de conclure. Mais, dites-moi, si tout homme est à l'image de Dieu, si tout homme est un fils bien-aimé du Père, tout homme est mon frère ! Jésus nous dit que Dieu ne fait pas de différence entre les hommes. Et nous-mêmes ?

Je vous laisse sur cette question à laquelle chacun répondra, cette question qu’à sa manière un vieux Sage d’Orient posait à ses élèves :
- “A quoi peut-on reconnaître, demandait-il, le moment où la nuit s'achève et où le jour commence ?“.
- “Est-ce lorsqu’on peut reconnaître de loin un chien d'un mouton ?“, lui dit-on.
- “Non“, dit le stage.
- “Est-ce quand on peut distinguer un dattier d’un figuier ?“
- “Non“, dit encore le stage.
- “Mais alors, quand est-ce donc ?“, demandent ses disciples.
Le sage répondit : “C'est lorsque, regardant le visage de n'importe quel homme, tu reconnais ton frère ou ta sœur. Jusque-là, il fait encore nuit dans ton cœur !“.

samedi 19 mars 2011

St Joseph

St Joseph

“Ne crains pas, Joseph, fils de David, de prendre chez toi Marie, ton épouse… car elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus !“

Jamais, Marie n’aurait soupçonné, dans son humilité, qu’elle serait “Mère de Dieu“ !
Jamais Joseph n’aurait pu se douter
- que c’est lui qui donnerait une famille humaine au Fils de Dieu fait homme, la famille de David,
- que c’est lui qui donnerait à cet enfant le nom béni - “tu lui donneras le nom de Jésus“, avait dit l’ange - “le seul nom qui soit offert aux hommes, par lequel ils puissent être sauvés !“ (Ac. 4.12)

Toute la première prédication chrétienne - St Pierre, St Paul - est une réflexion sur cette prophétie centrale de toute la Bible, extraite du psaume 2ème : “Tu es mon Fils ; aujourd’hui, je t’ai engendré“. Dieu commence la réalisation de cette promesse avec Joseph. Tout commence avec Marie, épouse de Joseph, fils de David.

Ainsi Joseph est l’homme du commencement. C’est lui qui est nommé le premier dans le récit de l’Annonciation, en tant qu’époux de la Vierge Marie.
Grâce à ce couple, tout peut commencer comme au début de la création, dans le silence, la nuit et cette longue patience qui sont comme la spécialité de Joseph. - Dieu, par eux, fait retrouver à l’humanité les splendeurs du commencement : l’homme “à l’image et ressemblance de Dieu“ que sera Jésus.
Cette véritable humanité en Jésus qui contient toutes les promesses du monde est confiée à Joseph. Marie remet son enfant entre ses bras.

Et c’est dans les bras de cet homme que Dieu reçoit son propre fils sur notre terre !
Ce sont les bras de Joseph qui vont arracher cet enfant à une mort certaine, qui vont “sauver le Sauveur“, comme dira St François de Sales.
C’est sa tendresse qui traduira pour cet enfant l’amour paternel sous sa forme la plus achevée.
Et c’est à lui que, pour la première fois, l’enfant Jésus dira “Abba, Père !“. Il nous enseignera plus tard à reprendre les mêmes mots pour nous adresser au Père des cieux !

Et que dire de ces années laborieuse qui vont permettre à Jésus d’acquérir, avec Joseph, cette parfaite humanité, de sorte qu’il sera appelé “Fils d’homme“ véritablement. Joseph, patron de tous les éducateurs !

Oui, Joseph est ce mystérieux personnage qui, seul parmi les hommes, a été appelé à figurer le Père éternel sur la terre ! Seule Marie connaît la profondeur de ce mystère. Elle seule met Jésus dans ses bras ; elle seule, le désigne à Jésus comme son père au moment crucial où Jésus cherchait Dieu au temple, était “aux affaires de son Père !“.

Oui apprenons de Marie l’art de descendre dans cette ombre silencieuse où les forces du mal perdent leurs pouvoirs.
Dans notre monde difficile et dangereux, rien n’est plus utile : les petits enfants que nous sommes devant Dieu ont besoin d’être aidés par leurs parents spirituels qui sont là pour cela !
“Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie“… Joseph, aide-nous à rejoindre Marie chez toi pour que Jésus puisse venir, vivre et grandir en nous par la force de l’Esprit Saint.
L’un et l’autre nous donnent Jésus.

vendredi 18 mars 2011

Ecouter !

Carême 1. Vendredi Ezéchiel 18.21sv

“Ecoutez donc, fils d’Israël !“
“Ecouter !“, c’est la racine de toute foi, et donc de toute prière.

La prière chrétienne - notre prière - est une prière où l’homme n’a pas l’initiative. C’est Dieu, le premier, toujours !
Dans la prière, ce n’est pas l’homme qui cherche peu à peu comme à tâtons dans les ténèbres, qui cherche à démasquer un Dieu muet et invisible ; c’est Dieu qui cherche l’homme ! Et l’homme se livre à un appel entendu, en écoutant de plus en plus, de mieux en mieux : “Tous les matins, disait le prophète Isaïe (50.4-5), Dieu éveille mon oreille pour que j’écoute comme un disciple ! Le Seigneur m’a ouvert l’oreille !“. A mon avis, la prière est un commerce intime d’amitié avec Dieu dont on se sait aimés et qui veut nous parler de cet amour qu’il nous porte : “Seigneur, disait St Augustin, dis-moi ce que tu es pour moi… Voici les oreilles de mon cœur devant toi ; Seigneur, ouvre-les ; et dis à mon âme : « Moi, je suis ton salut ! » (ps 35.3). Je veux courir après cette voix et te saisir…“.

St Paul souligne que le Christ lui-même, en sa prière, n’était que écoute de son Père ; et cela d’une façon parfaite jusqu’à obéir, et obéir jusqu’à la croix. Quand il oppose Adam au Christ, il met en contraste l’action de mal entendre du premier (“marakoè“) et donc sa désobéissance, avec l’écoute du second (“upakoè“) et donc son obéissance - ces deux mots (“marakoè“ - “upakoè“) ayant même racine que celle du verbe “écouter“ (“akouô“) -. (cf Rm 5.19). Le Christ s’est fait “upèkoos“, littéralement “celui qui prête l’oreille“, et donc obéissant jusqu’à la mort sur la croix. (Phil 2.8).

C’est dans ce même sens que St Benoît qui commence sa Règle par “Ausculta !“ (“écoute !“) poursuit ainsi : "Que celui qui a des oreilles pour entendre, écoute ce que l'Esprit dit aux églises. Et que dit-il ? Venez mes fils, écouter-moi !...“ (Prologue)

Ecoutez donc ! "Ecoute, mon peuple, que je parle " (Ps 5O/7) - Ecoutez donc, nous dit encore Jésus "avec un cœur noble et bon " (Lc 8/15)

Mais trop souvent, nous détournons notre oreille… Et notre prière est vide ! Et vides, tous nos projets… ; et notre vie elle-même manifeste finalement une absence, l’absence de Dieu ! Faut-il s’étonner alors que trop souvent nos attitudes émoussent considérablement la fine pointe de notre intelligence qui n’est plus capable de se mettre à l’écoute de Dieu.
Mais “si nous sommes infidèles, lui, le Seigneur reste fidèle“ (2 Tm 2.13). Et il ne cesse de nous parler, de nous interpeller !

Oui, Dieu ne cesse de nous parler :

- Il nous parle par la nature, langage qu’un St François d’Assise savait si bien déchiffrer. Prions-le !

- Dieu parle par les Ecritures, les évangiles…, par son Fils ! A propos de l’épisode de la Transfiguration (dont nous entendrons le récit dimanche), St Augustin prêchait : "Ecoutez le Christ quand Elie parle, écoutez-le quand parle Moïse ; quand les Prophètes parlent, quand parle la Loi, écoutez-le, lui qui est la voix de la Loi et la langue des Prophètes. Lui-même s'est fait entendre en eux ; et quand, il l'a daigné, il s'est montré en personne !" (Serm. 79 ; P. L. 38,493)

- Il parle par la liturgie qui nous fait ruminer la Parole de Dieu ! Dans la liturgie, c’est l’Esprit-Saint lui-même qui nous "rassasie de la fleur du froment" ( Ps 147/14) qu’est la Parole de Dieu, et qui sans cesse nous rappelle la miséricorde et la tendresse infinies de notre Dieu.

- Il nous parle par la vie des saints qui ont vécu dans l'amitié divine ; et ils peuvent nous aider à y pénétrer toujours mieux, à notre tour. Fréquentant leurs écrits, contemplant leurs exemples, nous apprenons à converser intimement avec Dieu et à demeurer dans l'atmosphère bienfaisante de son Amour...

- Il nous parle par tous les événements de notre vie (En hébreu, le mot “dâbâr“ signifie autant “parole“ que “événement“). Même et surtout peut-être par les événements douloureux. Les auteurs païens de l’Antiquité grecque employaient souvent un jeu de mots, repris par l’épître aux Hébreux (5.8) : “pathêmata - mathêmata“ : “souffrances - leçons“. C’est souvent par la souffrance qu’on apprend ce qu’il y a de plus important et qui ne s’apprend pas dans les livres. Et nous pensons - c’est normal, en un premier temps - : “Cette parole est dure, et qui peut l’entendre ?“ (Lc 8.15). Accueillons-la cependant avec “un cœur noble et généreux“ (Lc 8.15).

- Dieu parle aussi au-dedans de nous : “Je veux écouter ce que le Seigneur Dieu dit au-dedans de moi“ (Ps 85.9 Vulgate).

- Dieu parle par des signes qui vont au-delà des paroles humaines : “Souvent, dit un poète allemand, il faut se taire : les mots sacrés nous font défaut ; les cœurs battent, et pourtant le langage reste en arrière“ (F. Hölderlin). Comme pour Abraham, au moment terrible de l’offrande de son fils, qui “frémissait d’Elohim“, est-il dit selon l’hébreu (Gen 22.12).

- Dieu parle jusque dans son silence : La mort du Christ en croix par amour silencieux n’est-il pas le signe le plus éloquent ? St Ignace d’Antioche appelle la mort du Christ “un mystère retentissant qui fut accompli dans le silence de Dieu“, littéralement “un mystère qui crie“…, si nous savons écouter…

Ayons donc un cœur qui écoute ! "En vérité, en vérité, je vous le dis celui qui écoute ma parole... est passé de la mort à la vie" (Jn 5,24).

jeudi 17 mars 2011

Confiance !

Carême 1. Jeudi - Foi ! (Esther)

Aujourd’hui, me semble-t-il, en ce Prieuré “La Paix Notre Dame“, je ne peux pas me taire - même si cela m’arrivera fatalement, car, croyez bien que je n’ai pas la science infuse et de surcroît immédiate -. Mais je ne peux pas ne pas parler de ce livre d’Esther dont nous avons entendu un passage, même si le personnage historique d’Esther est pour le moins problématique. D’autant qu’en ce livre sont évoqués un certain nombre de banquets, de repas (1), et principalement le dernier banquet qui est un repas salutaire que prépare Esther au bénéfice de son peuple. Et il n’est pas inconvenant, me semble-t-il, de le considérer comme une annonce du “dernier repas du Seigneur“, un repas de salut “pour la multitude“, ce que réactualise toute Eucharistie.

C’est cela “faire mémoire“ ! “Faire mémoire, ce n’est pas se souvenir avec plus ou moins de nostalgie d’un événement même important, c’est prendre dans le passé ce qu’il contient d’avenir ; c’est, en quelque sorte abolir les limites du temps et de l’espace pour constater la présence de Dieu de l’alpha à l’oméga de l’histoire, présence manifestée de bien des manières qui, toutes, se focalisent, si je puis dire, se “récapitulent“ en Jésus, Fils de Dieu fait homme ! Nous n’en prenons pas suffisamment conscience : mais en “faisant mémoire“ principalement par les signes (les sacrements) que le Christ nous a laissés de sa présence toujours active et efficiente du salut qu’il nous a apportée, nous entrons déjà dans l’éternité de Dieu !

Oui, sans doute, le banquet que prépare Esther pour le salut de son peuple est une annonce du “repas du Seigneur“ en vue du “banquet dans le Royaume de Dieu“ (Cf. Lc 14.15). Et il me faut ajouter : si le sacrement (par ex. : l’Eucharistie) est un signe que le Christ nous a donné, et un signe qui réalise ce qu’il signifie, il n’est pas interdit - au contraire - de faire de telle ou telle activité un “sacramental“. Un “sacramental“, c’est un signe que l’homme, le priant, pose lui-même, avec sollicitude, comme un réceptacle ouvert à la présence divine. En ce sens, préparer un repas pour sa famille, pour ses frères et sœurs, peut être un “sacramental“ appelant la présence du Christ pour marcher, avec des forces renouvelées, vers le banquet auquel Dieu nous convie en son Royaume ! C’est alors que tout repas peut acquérir invisiblement une saveur supérieur à n’importe quel met préparé, alors même que la sauce - cela peut arriver, mais rarement - a été ratée ! Je n’en dis pas plus de peur de m’égarer dans l’art culinaire, sauf pour signaler que toute activité peut revêtir cette valeur “sacramentale“. Infirmier, sacristain et que sais-je encore !

L’histoire d’Esther est simple, même si la rédaction de ce livre est compliquée (deux traditions : hébraïque et hellénique).

Les Juifs sont en exil ! Mais Esther, belle jeune fille, a plu au roi… Elle devient sa “préférée“. Elle devient reine ! Cependant, le premier ministre, en quelque sorte, très puissant, cherche l’anéantissement du peuple juif !
Esther est donc dans une situation difficile et douloureuse : comment, sans déplaire au roi, lui révéler ce que trame son premier ministre qu’il estime, afin de “sauver“ ses frères de race ?

Esther n’a qu’un recours : Dieu ! Elle prie Dieu avec une magnifique confiance. Et cette prière d’Esther doit être la nôtre lorsque nous traversons - et cela arrive - des moments très difficiles face à des épreuves intérieures ou extérieures : tout semble s’écrouler en nous-mêmes ou autour de nous ! Loin de se révolter ou simplement de “demander des comptes à Dieu“, de le mettre en devoir de résoudre le problème, Esther manifeste sa foi, son inaltérable confiance en Dieu : le Seigneur ne peut rejeter son peuple !

Tous les saints ont témoigné de cette confiance en Dieu au milieu des tempêtes de la vie. Le “Malin“ est assez rusé et trompeur pour que nos diverses souffrances deviennent obligatoirement des objections à la foi en Dieu. Thérèse de Lisieux, à la fin de sa vie, Mère Térésa furent ainsi tentées

“Espérer contre toute espérance“, comme disait l’Apôtre Paul. Telle fut l’attitude d’Esther en sa prière. St Paul parle dans l’une de ses lettres d’un problème très sérieux et très douloureux qu’il devait affronter en permanence. “Trois fois (c’est-à-dire de nombreuses fois), dit-il, j’ai demandé au Seigneur de m’en libérer“. Et le Seigneur lui répondit : “Ma grâce te suffit : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse (la faiblesse de tout homme !). Aussi mettrai-je mon orgueil bien plutôt dans mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ. C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort“ (2 Co. 12.7sv).

Voilà le message d’Esther, de Paul et de tous les saints : la confiance en Dieu, malgré les apparences humaines contradictoires ! St Pierre exhortait les premiers chrétiens à avoir confiance en Dieu dans les persécutions elles-mêmes : “Décharchez-vous sur lui de tous vos soucis, puisqu’il s’occupe de vous“ (I Pier. 5.7).

Dieu prend soin de nous quoi qu’il arrive ! La confiance ! “La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde…“, disait Jésus. Esther nous donne cet exemple de la foi !

(1) “Marie-Esther“ est le nom d’une Religieuse de “La Paix Notre-Dame“ ; et l’une de ses fonctions est de préparer les repas !

mercredi 16 mars 2011

Jonas !

Carême 1. Mercredi - Jonas

Vous connaissez-vous le livre de Jonas !
En tous les cas, il n’est pas question de baleine dans ce livre, mais d’un gros poisson. D’ailleurs, même si la baleine a une grande gueule, elle a un tout petit gosier ! Alors, avaler un homme tout entier… ? Le livre de Jonas est l’un des plus beaux livres de la Bible ; mais on s’en est beaucoup moqué à cause de cette fameuse baleine irréelle.
C’est un livre d’une théologie humoristique ! Car Dieu ne parle pas toujours comme un professeur d’école, un grand maître, mais comme un père à ses enfants sous forme de paraboles, comme Jésus ! Malheureusement, la théologie humoristique ne s’apprend pas ! Quel dommage ! Le prophète Jonas a bien existé. On le cite très brièvement dans le second livre des Rois (14.23sv). Mais il n’est, là, nulle question de cette histoire… et surtout pas de la baleine.


Jonas est donc envoyé vers la grande ville, Ninive. Quand le livre fut écrit, Ninive n’existait plus, anéantie par les Mèdes. Mais peu importe ! L’auditeur ou le lecteur de l’époque n’est donc pas dupe. Ne le soyons donc pas nous non plus !
Des habitants de cette ville, Dieu dit : “Leur méchanceté est montée jusqu’à moi !“. C’est le langage déjà employé à l’égard de Babel, de Sodome et Gomorrhe, de tous les lieux du péché par excellence.

Jonas est donc envoyé. Mais il refuse dans un premier temps. Il fuit ! Curieusement, du fait de son refus, Jonas ne fait ensuite que “descendre“, verbe employé plusieurs fois en très peu de lignes : Il “descend“ au port de jaffa ; Il “descend“ dans le bateau ; il “descend“ au fond du bateau ; il “descend“ dans le ventre d’un gros poisson qui “descend“ au fond de la mer… Et c’est de là qu’il rebondit, remonte vers la vie.
Ce langage est prophétique. Rappelons-nous cet hymne liturgique que rapporte St Paul (Eph 2.6sv) : Lui, Jésus, de condition divine, n’a pas craint de s’anéantir (de descendre) jusqu’à la condition de péché… Aussi, Dieu l’a “exalté“, (remonté) ! Dieu veut toujours descendre vers les pécheurs pour les faire remonter !

Remarquons encore que dans le ventre du poisson, au fond de l’abîme, Jonas ne perd pas son temps : il prie ! Et sa prière est celle de la plupart des psaumes : “Non, je ne mourrai pas - Je vivrai - Je chanterai pour mon Dieu“ ! (118.17). Foi, espérance, charité. Que Jonas nous aide à prier ainsi !

Finalement, Jonas arrive à Ninive ; et il annonce l’imminence du châtiment divin ! Mais les habitants se repentent ; et le châtiment est écarté. Alors, Jonas se fâche. Mettons-nous à sa place. Je n’ai pas cherché à être prophète, dit-il (comme Amos, par exemple et d’autres… !). Au contraire, c’est Dieu qui m’a enrôlé de force. J’ai fui et il m’a ramené. Alors j’ai dit ce qu’il me demandait de dire. Et cela n’arrive pas !!!

Il maugrée, notre Jonas. Et il va bouder, dans son coin, sous un arbre à l’ombre d’une grande plante. Mais Dieu envoie un ver dans la plante qui en crève. Alors le soleil tape dur sur la tête de Jonas qui a un coup de soleil néfaste ! Pauvre Jonas ! Il rouspète, se fâche encore ! Evidemment ! Alors Dieu lui fait gentiment la leçon : Toi, tu as pitié de cette plante que tu n’as pas planté et pour laquelle tu n’as pas peiné ! Et moi, je n’aurais pas pitié de Ninive et de ses habitants qui se sont convertis ? Et la tradition juive commentera : Quand Dieu fait des prophéties de malheur, c’est pour ne pas avoir à les réaliser. Oui, Dieu veut que tous les hommes soient sauvés… Et peut-être que Jésus parle de l’enfer, finalement, pour que l’on n’y aille pas !

Voyez c’est un petit livre merveilleux qui frôle la pensée des Evangiles.

Une remarque encore : ce livre fut donc écrit juste après le retour d’exil. Le peuple se reconstruisait. Et dans ces moments-là, on a tendance à se replier sur soi pour, pense-t-on , retrouver plus facilement son identité (Quand les circonstances de la vie nous donnent une “bonne raclée“, on s’isole facilement pour réfléchir et prendre les décisions adéquates…). Ainsi le peuple d’Israël se referme sur lui-même, multiplie des règlements intérieurs et ferme plus ou moins les frontières (on chasse particulièrement les femmes étrangères ; mais Dieu arrive à s’y opposer !)!

Or, voici un livre, avec ce prophète Jonas, qui est totalement à l’opposé de cette tendance au repliement sur soi. C’est le livre le plus universaliste qui soit… et plein d’espérance sur la conversion des païens. (Ce sera l’attitude de Notre Seigneur dont la vie publique se passera très souvent en territoire païen : dans la Décapole à l’est ; dans la Syro-Phénicie à l’ouest ; et vers les sources du Jourdain, vers Dan, au nord !). Ainsi repliement sur soi d’un côté ; grande ouverture de l’autre ! Certains diront : Ici, intégrisme ; et là progressisme. Mais Dieu dit : il ne s’agit pas d’être intégriste ou progressiste ; vous devez être des progressants ! Pour que tout homme connaisse Dieu. Voilà l’important. Et Jésus est mort et ressuscité pour tous les hommes sans distinction.

Continuons notre Carême avec la foi, l’espérance et la charité de Jonas ! Même si nous maugréons un peu parfois comme lui !

mardi 15 mars 2011

Parole de Dieu !

Carême 1. Mardi - “Parole de Dieu… !“ (Isaïe 55.10-11)

“Ma parole qui sort de ma bouche ne reviendra pas sans résultat“.

“Je suis !“. Ainsi Dieu se révélait-il à Moïse ! “Je suis !“. Dieu est et il donne l’être. Et cela suffit. Normalement !
Dieu n’a qu’une Parole, son Verbe qui est son Fils, Parole divine qu’il dit éternellement dans leur Esprit commun ! Dieu est et cela suffit. Normalement !
Nul besoin pour lui de paraître. Souvent d’ailleurs, ceux qui font beaucoup de bruit pour paraître n’ont pas beaucoup de consistance dans l’être. Ils babillent de-ci, de-là, tempêtent et pestent contre tout, se glorifient d’un rien… Et finalement ils ne sont que bale au vent…, dit un psaume.
Alors, pour ceux-là surtout - donc pour nous-mêmes souvent -, Dieu, “Celui qui est“, décide de paraître pour anéantir nos “divertissements“ comme disait Pascal, qui nous abrutissent, nous détournent de Lui et de nos frères … : Dieu décide de paraître et de parler à l’homme.

Dieu parle ! Déjà, il parle par toutes les merveilles de sa création : des grains du sable jusqu’aux étoiles dans le ciel… Mais savons-nous découvrir la Sagesse de Dieu en ses œuvres ? … Nous sommes si distraits. Pourtant, comme disait encore Pascal, “toutes choses sont des voiles qui couvrent Dieu !“

Aussi, Dieu parle encore par ses prophètes, ses messagers. Mais sont-ils toujours écoutés ?

Dieu parle aussi (et il faut se le dire) en employant un langage très dur, comme un maître d’école qui tape sur la table pour réveiller ceux qui dorment. Les épreuves sont parfois des occasions d’écouter ses enseignements et conseils… ! En tous les cas de communier avec Dieu qui, en Jésus, a souffert jusqu’au supplice de la croix.
C’est en ce sens que St Paul, après avoir grandement souffert à Iconium, lors de son premier voyage missionnaire, s’écriait : “Il nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu“ (Act. 14.22). Et il ajoutera plus tard : “L’épreuve produit la constance ; la constance la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée, l’espérance. Et l’espérance ne déçoit pas !“ (Rm 5.3).
Et il est vrai également que s’il n’y a des choses qu’on ne voit qu’avec des yeux qui ont pleuré, il nous faut prier et prier encore pour ceux que des épreuves - lourdes parfois - atteignent ! C’est un devoir de communion ! Que Dieu qui permet l’épreuve donne la grâce de la porter et même de l’offrir avec le Christ en croix ! C’est alors que l’épreuve devient “Parole divine“. Car c’est à ce moment-là, disait Jean-Paul II, à la fin douloureuse de sa vie, que “les sources de la force divine jaillissent vraiment au cœur de la faiblesse humaine !“.

Dieu parle encore dans le dénuement volontaire ou non. Ainsi, il arrive encore que Dieu nous pousse au désert, dans un dénuement de Carême ; car, là, se dit-il, “au désert, je parlerai cœur à cœur“ (Osée 2.16). (“Au désert, je parlerai : “midbar dibarti“ ; jeu de mot en hébreu !)

Enfin, Dieu parle encore dans un langage de folie “pour perdre la sagesse des sages“ (I co. 1.19). Oui, pour réduire à néant la folie des sages de ce monde, Dieu descend par des démarches insensées : du ciel à une crèche, d’une crèche à un jugement inique, d’un jugement à la croix, de la croix au tombeau, du tombeau au plus profond des enfers pour rebondir, si je puis dire (comme le bien-aimé du Cantique des cantiques : “sautant sur les montagnes et bondissant sur les collines") jusqu’au ciel, à la droite du Tout-Puissant.
Dieu a ce langage de folie pour confondre les sages de ce monde… Dieu nous a parlé en son Fils !

Aussi, en ce temps de Carême, dans notre désert, en notre exode d’ici-bas…, sachons-le : Dieu parle, il désire parler à chacun ! “Oui, il est notre Dieu ! Nous sommes le peuple qu’il conduit… Aujourd’hui, écouterez-vous sa Parole ? Ne fermez donc pas votre cœur !“ (Ps 94). Et soyons attentifs ; car il n’est pas dans l’habitude de Dieu de bavarder. Il n’a qu’une Parole, son Verbe qui désire toujours s’incarner en nos cœurs. Aussi, avec St Paul, je me permets de prier : “je fléchis les genoux devant le Père… : qu’il fasse habiter le Christ en vos cœurs… C’est alors que vous recevrez la plénitude de Dieu !“ (Cf. Eph. 3.14.19).

lundi 14 mars 2011

Sainteté

Carême 1. Lundi - Sainteté ! (Lév. 58.9-14)

“Soyez saints… Car je suis saint“.
Y-a-t-il une formule aussi simple que celle-là, aussi l’impide ? Les premiers chrétiens avaient bien compris : “Dieu veut nous communiquer sa sainteté“, dit l’épitre aux Hébreux (Heb. 12.10). Et St Pierre de nous enjoindre : “A l’exemple du SAINT, vous aussi devenez saints dans toute votre conduite“ (I Pet 1.15). Aussi, l’évangile d’aujourd’hui détaille quelque peu quels doivent être les comportements de celui, de celle qui désirent suivre cette injonction : “SOYEZ SAINT, CAR JE SUIS SAINT !“ - Donner à celui qui a faim, soif, qui est nu, accueillir l’étranger, encourager le malade, le prisonnier…

“Soyez saint, car je suis saint !“. Autrement dit, Dieu nous demande d’être comme lui ! Mais qui donc est Dieu ? L’Etre parfait ? Le Pur ? Le Juste… ? Oui, certainement. C’est ce que disent les philosophes qui sont toujours à la recherche de l’Etre, de l’Etre parfait… ; - c’est l’objet de leurs travaux -. Et c’est ainsi qu’ils “inventent“ eux-mêmes leur Dieu, finalement ; mais ils s’embrouillent très vite - avec beaucoup de papier et d’encre - dans ce qu’ils ont parfois appelés l’“aséité“ de Dieu. Quand j’étais jeune, je trouvais leurs écrits, passionnants quelques fois seulement, mais souvent compliqués pour arriver à définir cette simple phrase : “Soyez saints, car je suis saint !“.

Alors que l’Ancien Testament déjà, mais surtout les Evangiles nous révèlent que la sainteté de Dieu, c’est l’AMOUR !
Et la preuve justement que Dieu nous a créés par amour et pour l’amour, c’est qu’en lui-même, Dieu est Amour ! (malgré le mal qui nous entoure et qui donne parfois de l’urticaire à notre intelligence et même à notre foi. Mais cela est un autre sujet). - Oui, Dieu est Amour ! La tradition apostolique nous dit que St Jean, à la fin de sa vie, ne faisait que répéter cette phrase : “Dieu est Amour !“ (cf. I Jn 4.8). On voulait le faire parler, lui le dernier des disciples de Jésus à rejoindre son Maître, lui, “le disciple que Jésus aimait“ (Jn 20.2). Mais il ne faisait que répondre : “Dieu est Amour !“. Il radotait, le vieux St Jean ! Oui, mais il radotait le secret et du ciel et de la terre !

L’Ancien Testament affirmait que Dieu est UN. Un SEUL DIEU ! Il n’y en a pas d’autres ! C’était déjà une grande révélation ! Mais Jésus - le Fils de Dieu fait homme - nous a fait une seconde et admirable révélation : Non seulement Dieu est UN, mais il nous a dit COMMENT il est UN ! C’est comme une douce confidence qu’il nous a fait en nous dévoilant ce que nous appelons “le mystère de la Sainte Trinité“, ce mystère d’un DIEU-AMOUR, cet Amour qu’éternellement s’échangent les trois Personnes divines. Oui, Dieu est, en quelque sorte, pure relation en lui-même : relation d’amour entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit. C’est une grande confidence que Jésus nous a fait pour que, nous aussi, nous puissions vivre de la vie de ce Dieu UN : “Qu’ils soient UN, priait-il son Père en parlant de ses disciples, comme nous sommes UN“. - “Soyez saints, car je suis saint !“.

Dieu n’est pas un solitaire ! Nous sommes appelés à le voir comme une Famille. Et quand Jésus dit : “Qu’ils soient un comme nous sommes Un“, ce n’est pas une vague comparaison. C’est le mystère de Dieu qui vient comme envelopper nos familles, nos diverses communautés appelées à vivre une charité qui soit “Epiphanie“ (manifestation) de Dieu. - “Voyez comme ils s’aiment“, disait-on des premiers chrétiens. C’était comme la preuve de l’existence de Dieu-Amour en Lui-même ! Quel immense appel, quelle grandiose vocation : avons-nous pris conscience que toutes les relations que nous pouvons entretenir ici-bas sont appelées à être éternellement insérées en ces relations d’Amour que s’échangent éternellement le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans l’Unité de leur divinité ?

Oui, la foi en “Dieu Un“, en un “Dieu Saint“, la foi en un “Dieu-Trinité“ doit transfigurer notre vie. Nous sommes appelés dans la réalité la plus banale de l’existence à exorciser tout égoïsme pour devenir, peu à peu, comme Dieu, le Saint : sans repliement sur soi-même pour être de plus en plus relation : relation avec Dieu et, de ce fait, relation avec l’autre…

Vous direz sans doute : Que ce mystère est grand ! Sachez que St Paul le disait déjà. “Enracinés et fondés dans l’amour, écrivait-il, vous aurez alors la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… (du mystère de Dieu)… et de connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, afin que vous soyez comblés jusqu’à recevoir toute la plénitude de Dieu“ (Eph. 17.18). “Soyez saints, car je suis saint !“. Et si l’Apôtre recommande l’amour que doivent s’échanger l’homme et la femme dans l’unité de leur union, il ajoute : “Ce mystère est grand ! … Mais je le dis en pensant au Christ et à l’Eglise !“ (Eph. 5.32). “Qu’ils soient un, comme nous sommes Un !, priait Jésus !

Certes, nous pouvons nous sentir très éloignés de cette vie même de Dieu-Amour qui nous dit : “Soyez saints, car je suis saint“. Bien sûr ! Mais dites-moi : vos yeux sont-ils capables de regarder le soleil très longtemps ? Et pourtant, c’est le soleil qui donne vie et couleur à tout ce qui est sur terre. C’est grâce à lui que bientôt les fleurs vont s’épanouir pour notre plus grande joie.
Accueillons donc les rayons du Soleil divin en nous-mêmes. Et nous comprendrons : “Soyez saints, car je suis saint“. Par grâce divine, nous y parviendrons et pour la gloire de Dieu et le réconfort de nos frères.