lundi 31 octobre 2011

Fête de tous les saints

“Ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils ?”

J’ai lu dernièrement et incidemment, qu’aux lendemains du 11 septembre 2001, des médecins d'un hôpital de New York ont mis toutes leurs compétences et énergies au service des victimes qui avaient développé une pathologie particulière à la suite du drame de cette journée effroyable. Critiqués pour leur engagement total, ils ont été défendus par le syndicat des travailleurs en ces termes : “Ces médecins devraient être canonisés pour les services qu'ils rendent”.

Par ailleurs, Voltaire, dont on connaît la correspondance avec l'empereur Frédéric de Prusse, lui écrivait en 1770 : “Je ne renonce point du tout à mon auréole. Et comme je suis près de mourir d'une fluxion de poitrine, je vous prie de me faire canoniser au plus vite”

Voilà deux exemples de “canonisation” qui, me semble-t-il, ne coïncident pas tout à fait avec la définition qu’en donne l'Église : au sens strict, “la canonisation est l'acte par lequel le pape inscrit une personne sur la liste officielle des saints”. Ces deux exemples cependant mettent sur la voie, en ce sens qu'ils évoquent l'idée de modèle ou d’exemple qui fait partie de la notion de sainteté. Les médecins américains ont été des modèles de dévouement, alors que le philosophe polémiste français, non sans ironie d'ailleurs, aurait souhaité devenir un exemple !

Et il est bien vrai, selon l’enseignement des apôtres, que ce sont tous les chrétiens et tous les hommes qui sont appelés à la sainteté. St Paul donne même aux baptisés le nom de “saints”, puisqu'ils sont déjà en communion avec Dieu et qu'un être nouveau croît en eux. “L'homme nouveau” dont il parle souvent, c'est “le saint” déjà présent dans le baptisé, mais qui n'a pas encore atteint toute sa perfection. Et dans sa première lettre aux Corinthiens il s'adresse “à ceux qui ont été sanctifiés en Jésus Christ, appelés à être saints”, (1,2) ; et il affirme aux Éphésiens : “Dans le Christ, Dieu nous a choisis dès avant la création du monde pour être saints et immaculés, en sa présence, dans l’amour” (1,4-5).

Alors, une question que pose notre lecture tirée du livre de l’Apocalypse : “Tous ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils, d'où viennent-ils ?” (7,13).

Oui, qui sont-ils, d'où viennent-ils, ceux que nous appelons les saints? Sont-ils les “saints d'autrefois, les prophètes” (Actes 3,21), les saints du ciel dont nous honorons la mémoire, les saints de ce temps (Jean-Paul II, Mère Térésa etc) ? Tous ceux-là, sans doute, puisque “l'appel universel à la sainteté”, tel que l'a fortement rappelé Vatican II, s'adresse à tous, sans distinction.

Fête de la Toussaint, fête de tous les saints, de ceux qui avant nous ont suivi le Christ Jésus dans sa gloire, qui vivent déjà le magnifique destin dont parle saint Jean : “Nous le savons, lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est” (1 Jn 3,2).

Fête de la Toussaint, fête de tous les saints dont l’Apocalypse de Jean dit qu'ils sont “cent quarante quatre mille, douze mille de chacune des douze tribus d’Israël”, chiffre symbolique d’infinité puisque l'auteur sacré ajoute aussitôt qu'il a vu “une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues !” (7,4,9).

Fête de la Toussaint, fête de tous les saints, de ceux qui ont entendu l'évangile des Béatitudes et l'ont mis en pratique, sans faire de bruit peut-être, sans “faire de vagues”, comme on dit. Mais, dans le quotidien de leur vie, ils ont préféré la douceur à la violence, la miséricorde à la vengeance, la paix à la guerre. Heureux sont-ils, dit Jésus, tous ceux et toutes celles, connus et inconnus, qui n'ont pas hésité à s'oublier eux-mêmes pour se donner aux autres, et qui ont vécu dans l'intimité de Dieu, répondant à son appel à aimer sans frontière.

Plus que jamais, nous osons affirmer aujourd'hui que cela est vrai, que le cœur de chacun contient une inépuisable source d'amour et de sainteté, qui s'exprime de mille façons, et qui fonde la dignité inaliénable de chaque être créé. Ceux que nos sociétés écrasent, ceux qui gisent sans espoir dans des camps de réfugiés à travers le monde, ceux que la maladie ou le handicap ont pu défigurer, chez les purs et les coupables, chez les sages et les imprudents…, en tous brille une étincelle de sainteté qui peut se transformer en lumière brillante.

Fête de la Toussaint, qui nous mène presque naturellement vers la commémoration des défunts, le lendemain. Après avoir contemplé dans la joie toutes les figures lumineuses de notre humanité que l'Église nous donne pour modèles, nous sommes invités à rentrer en nous-mêmes, en ce lieu de la mémoire et du souvenir où demeurent présents ceux qui déjà ont traversé la mort, “ceux que nous aimions sur la terre”.

Saint Augustin se demandait lui aussi ce que serait notre au-delà : “Que deviendront, au moment de la résurrection, les enfants morts avant de naître, que deviendront ceux dont le corps a disparu dans la mer ou dans les airs, que deviendront ceux qui étaient difformes, infirmes, les corps de nos saints martyrs marqués par les cicatrices des blessures qu'ils ont subies pour le nom du Christ ? (La Cité de Dieu). L’évêque d'Hippone affirme en réponse que seront effacées toutes les difformités et toutes les blessures, et que nos corps seront constitués à l'image du Christ ! Et il conclut : “Qu'elle sera grande, cette félicité, où il n’y aura aucun malheur, où ne manquera aucun bonheur, où l'on s'adonnera à la louange de Dieu, qui sera tout en tous”.

dimanche 30 octobre 2011

La LOI du Seigneur !

31ème T.O. 11/A

D'après les historiens des origines chrétiennes, St Matthieu aurait forcé l'opposition entre Jésus et les Pharisiens en noircissant le portrait de ces derniers. Et cela pour répondre au besoin d'identité qu'éprouvaient les premières communautés chrétiennes face au judaïsme intolérant, voire persécuteur. La chose est fort probable, mais ne change rien, pour autant, à l'enseignement fondamental que nous vaut cette opposition quant à la signification de la Loi divine, puisque cette Loi, disait Jésus, n’est pas abolie mais accomplie par sa venue.

Ainsi, à propos des Pharisiens, notre Seigneur déclare : “Ils disent et ne font pas”, ajoutant, avec un humour grinçant, que ses disciples doivent faire ce qu'ils disent et non pas ce qu'ils font.

Que disent-ils donc ? Bien que notre passage n'en dise rien, nous pouvons supposer, d'après les épisodes précédents, que les Pharisiens expliquent parfaitement la Loi de Moïse sans nier que son centre soit le double commandement de l'amour : “Shema, Israël.., écoute Israël… Tu aimeras Dieu de tout ton cœur… Tu aimeras ton prochain comme toi-même”.

Mais que font-ils ? Cette fois, les détails sont abondants : “Ils imposent de pesants fardeaux” ; ils aiment “se faire remarquer” ; ils recherchent “les premières places” ; ils prennent plaisir à “s'entendre appeler « Rabbi »”. C’est dire que leur comportement pourrait se résumer par un vieux mot de notre langue : la “SUPERBE“, qui, mieux que le terme “orgueil” signifie une volonté constante de se mettre au-dessus des autres en manifestant une supériorité réelle ou plutôt supposée.

Et ainsi, en écrasant autrui de leur “superbe“, ils se mettent en total porte à faux avec la Loi qu'ils commentent, puisque cette Loi commande l'amour et que l'amour “tient toujours l'autre pour plus grand que soi” (Ph 2,4). Ce qu'ils font contredit ce qu'ils disent !

Et cette contradiction est grave ! Pour eux-mêmes d’abord. Tous les spirituels insistent sur cela, tant il est vrai que l’orgueil, “l’amour propre se fourre partout” (Bossuet). Et même un Montaigne - pas spécialement spirituel mais qui s’y entendait en analyses de “caractères” - écrivait : “On ne parle jamais de soi sans perte !”. Et beaucoup connaissent cette maxime de Pascal : “Le moi est haïssable… Il a deux caractéristiques : il est injuste en soi, en ce qu’il se fait le centre de tout ; et il est incommode aux autres, en ce qu’il veut les asservir”.

Et cette contradiction que suscite la “SUPERBE“ entre le dire et le faire est d’autant plus grave qu’elle peut entraîner, chez ceux qui écoutent, une possible et épouvantable méprise sur l'intention de Dieu lui-même ! Comment ne pas penser, alors, devant ces savants mais orgueilleux interprètes de la Loi divine, que Dieu leur ressemble ? En donnant sa Loi aux hommes, avec ses 365 défenses et ses 248 prescriptions, Dieu doit vouloir assujettir tous les hommes, les dominer, en se plaçant, lui, le législateur, au-dessus de la Loi qu’il promulgue. Dieu lui-même, alors, dirait mais ne ferait pas ! Belle excuse alors pour ceux qui cherchent, eux aussi, à se placer au-dessus de la Loi ! Ce que font les pharisiens ! Jésus parlera un jour des mauvais bergers qui obligent sans être obligés… Ils disent et ne font pas ! Subtile et éternelle tentation que dénoncera fortement St Benoît et bien d’autres après lui !

Or Jésus souligne, lui : il “n'est pas venu abolir la Loi“- il n’est pas au-dessus de la Loi - ; au contraire, “il est venu l'accomplir”. S'il appelle à lui “tous ceux qui peinent et ploient sous le fardeau”, ce n'est pas pour les surcharger, mais pour les “soulager”. S'il leur promet “le repos”, c'est qu'Il est “doux et humble de cœur” pour mieux manifester que Dieu se donne lui-même en partage quand il donne sa Loi.

Car tel est le renversement qu'Il est venu introduire pour que la Loi soit accomplie : Dieu lui-même observe sa Loi en nous dévoilant la tendresse d'un Père qui désire que grandissent ses fils en imitant librement sa bonté.

Voilà ce que Jésus a manifesté
en gardant “jusqu'au bout” la loi d'amour, de charité que lui-même a commandée,
en “ne gardant pas jalousement” ses droits divins quand la violence des hommes le cloue à la croix,
en pardonnant sans limite,
en montrant ainsi qui est Dieu de toujours à toujours : “un Dieu ami des hommes” qui demeure “au-dessus de tous, par tous et en tous”,
en s'abaissant plus bas que tous pour les délivrer, par son humilité, du cancer de la “SUPERBE“

La Loi est accomplie quand celui qui est “plus grand” l'observe en se faisant “le serviteur” de tous.

S. Bernard écrivait avec justesse : “La Loi du Seigneur, c'est la charité. Elle ne cherche pas ce qui est utile pour elle mais ce qui l'est pour tous. On l'appelle Loi du Seigneur soit que lui-même en vive soit que nul ne puisse la posséder sans lui. - N'allez pas croire que j'ai dit quelque chose d'absurde en affirmant que Dieu lui-même vit d'une Loi, puisque cette Loi n'est rien d'autre que la charité. Qu'est-ce qui, dites-moi, dans cette suréminente et bienheureuse Trinité conserve une suréminente et ineffable unité, sinon l'amour ? Il y a donc une Loi, la Loi du Seigneur, la charité qui, en quelque manière, maintient la Trinité dans l'unité, la rassemble dans le lien de la paix“. (Traité de l’amour de Dieu, c. XII).

Alors peut s'ouvrir à notre intelligence l'interdiction de donner à quiconque sur cette terre le nom de Maître “car vous n'avez qu'un Docteur : le Christ”, ou le nom de Père “car vous n'en avez qu'un : le Père des cieux”.
Entendue avec les oreilles des Pharisiens, cette interdiction pourrait signifier que Jésus - Dieu fait homme - revendique pour lui seul l'honneur et la préséance que les pharisiens et scribes désiraient pour eux.
Mais, associée à la croix où Jésus est vraiment “Christ et Seigneur”, cette Loi, entendue depuis le Golgotha où Dieu est vraiment Dieu parce qu'Il nous aime plus que lui-même, cette défense
dissipe l'illusion d'optique qu'induit la “SUPERBE“,
assure la vie fraternelle dans la communauté des disciples,
garde la paternité de Dieu de toute image qui la pervertirait.

Avec ou sans ces noms - Rabbi, Maître, Père, Docteur… -, la Loi divine de la Charité nous communique un lieu, un espace où Dieu est Dieu au-dessus de tout et de tous, un espace cependant que nous pouvons habiter avec le Christ de Pâques pour mieux manifester notre louange émerveillée et notre admiration filiale pour ce Dieu-Père qui, par son Fils, veut se donner au plus intime de nous-mêmes !

C’est ainsi que Paul VI pouvait écrire avec grande audace : “Dans l’autre monde, l’humilité du Seigneur, sera notre surprise, notre admiration infinie”. Aussi, soyons-en persuadés : l’humilité ne fait pas tomber ; elle relève au contraire ; elle relève de leur chute ceux qui la possèdent.

D’ailleurs, la vanité et la sottise ne sont-elles pas des compagnes inséparables ?

vendredi 28 octobre 2011

Jérusalem !

Certains s’inquiètent très amicalement à mon sujet… ; on s’étonne que “l’oiseau ne chante plus“, que le bavard ne dise plus “un mot“ !
Grand merci à ceux qui s’inquiètent ainsi de ma santé ! - Comment allez-vous, me demande-t-on ! - “Je vais bien !“… “Je vais !“, comme je dis souvent !… Toujours, je vais ! Vers la Communion en l’Eternel, je l’espère !

Mais hier, je m’en suis allé avec quelques-uns… ; et nous allâmes en pèlerinage jusqu’en “Terre Sainte“ ! Jusqu’à Jérusalem ! Ceci pour vous affirmer que si vous pensiez que je fusse allé loin, sans “mot dire“, vous m’étiez - tous et chacun - restés très proches ! En ce lieu d’universalité : JERUSALEM, le “nombril“ du monde, prophétisait Ezéchiel (38.12) !

Et il est vrai que Jérusalem est bien ce “nombril “ où se concentrent toutes les oppositions que les hommes vivent de par le monde entier : ordre et désordre ! - beauté et laideur ! - paix et guerre ! - rires et pleurs ! etc. Jérusalem est comme un capitule qui recueille heurs et malheurs du monde entier. Là, mieux qu’ailleurs, on peut dire que le Christ est toujours “en agonie jusqu’à la fin du monde“, comme disait Pascal. Là, mieux qu’ailleurs, on proclame qu’il est toujours ressuscitant… dans le cœur des hommes !

Il n'y a pas dans le monde entier de lieu plus riche de beauté signifiante. Dans la Tradition juive, on dit que la Terre Sainte est au centre du monde, que Jérusalem est au centre de la Terre Sainte, que le Temple est au centre de Jérusalem, et que la pierre de fondation est au centre de tout. Et pour nous, chrétiens, quand le Christ meurt sur la croix, c’est là, “en ce centre du centre“, que le voile du temple se déchire : l’union de l’homme à Dieu est désormais possible…
Le véritable grand Prêtre dont tous les prêtres de l'Ancienne Alliance n'étaient que la figure, "une fois pour toutes" est entré dans le véritable “Saint des Saints“ ; non plus dans un temple fait de main d'homme, mais dans la demeure de Dieu ; non plus avec le sang des boucs…, mais avec son propre sang. Il a opéré la Rédemption radicale, non plus la purification simplement de quelques descendants d'Abraham selon la chair, mais la purification radicale de l'humanité à travers le temps et l'espace. Il a purifié nos consciences des œuvres mortes pour faire de toute notre vie une liturgie à la gloire de Dieu.
"Tandis que chaque prêtre se tient chaque jour pour remplir ses fonctions et offre fréquemment les mêmes sacrifices qui sont à jamais incapables d'enlever les péchés, lui, par contre, après avoir offert pour les péchés un sacrifice unique, siège pour toujours à la droite de Dieu ; et il attend désormais que ses ennemis en soient réduits à lui servir de marchepied. (Ps. 110). Par une offrande unique, en effet, il a mené pour toujours à l'accomplissement ceux qu'il sanctifie" (Heb 10/11 sv).

Certes, c’est une grande grâce que de se rendre à Jérusalem. Et cette fois-ci, j’ai eu la joie de célébrer l’Eucharistie sur le lieu du Golgotha dans un calme matinale (5 h. du matin) en priant pour vous tous. Et je me disais cependant que de se rendre à Jérusalem, ce n’est pas le plus important (Ce n'est pas une obligation pour un chrétien de venir en pèlerinage en Terre sainte, comme d'aller à la Mecque pour un musulman). Car on peut dire que les Sacrements de la Nouvelle Alliance véhiculent à travers le temps et l'espace la réalité même de ce qu'ils signifient. Quand on célèbre l'Eucharistie (ou un autre sacrement) au japon ou en un autre endroit du globe…,
"celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui".
ce qui s'est passé "une fois pour toutes", lorsque le voile s'est déchiré, est rendu présent, de présence réelle, à travers le temps et l'espace… pour tous et chacun !

Certes, la très grande et affreuse complexité politique en Israël voile ce mystère de Jérusalem, ce “centre du centre du monde“ ! Et ne me demandez pas de résoudre le problème de la continuité qu'il y a entre cette Jérusalem qui est là - avec tous ses épouvantables chaos politiques, économiques, humains… - et la Jérusalem qui descendra du ciel "parée comme une fiancée pour son époux" que nous décrit l'Apocalypse.
"Alors l'un des sept anges… me dit : Viens, je te montrerai la fiancée, l'épouse de l'agneau. Il me transporta en esprit sur une grande et haute montagne, et il me montra la cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu…“ (Apoc. 21/9 sv).
Tout ce que je peux dire : les promesses de Dieu s'accomplissent toujours. Mais elles ne s'accomplissent jamais comme on pense, jamais comme les mieux préparés à les recevoir s'y attendent. Les promesses divines s’accompliront un jour d'une façon qui dépasse tout ce que l'on peut espérer.…

C’est le mystère de Jérusalem “ce lieu que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom…”. (Deut. 12.11). Et c’est aussi le mystère de chacun d’entre nous : “Celui qui confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu. Et nous, nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est Amour : celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui“. (I Jn 4.15-16). La “demeure de Dieu“ à Jérusalem, c’est aussi la “demeure de Dieu“ en chacun de nous !

samedi 8 octobre 2011

Pas d'ostracisme,
mais vêtement de noces, svp !

28ème Dimanche T.O. A/11

Le texte de l’évangile que nous venons d’entendre ne nous met guère à l'aise et peut nous déconcerter par ses dissonances. Il s’agit d'une fête nuptiale… et dans la maison d'un roi. Or la noce va tourner à la tragédie : violences, meurtres et incendies. Bien plus, quand enfin la salle du festin est remplie de convives, "mauvais et bons" mélangés, l'un d'eux est jeté dehors, "pieds et poings liés". Pourquoi ? Plus coupable que les autres ? On ne sait qu'une chose : il ne porte pas le "vêtement de noces". Et, pour conclure, un verset qui, apparemment, contredit pratiquement ce qui précède et qui est devenu une mauvaise maxime : “il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus“.

Oui, ce texte est difficile. Les exégètes vous diront que c’est probablement la compilation très raccourcie de deux ou trois paraboles incomplètes. Sans doute ! Mais peu importe. Nous avons à recevoir ce texte tel que l’Evangile nous le présente et tel que l’Eglise nous le transmet comme “Parole de Dieu”.

La vie avec Dieu est comme un festin, dit déjà Isaïe "un festin de viandes grasses et de vins capiteux", un festin "préparé pour tous les peuples". Reprenant la même image, Matthieu insiste sur la générosité du roi qui finalement invite “les mauvais comme les bons“. Les invités prioritaires ne sont guère empressés, à cause de leur confort, de leurs richesses ou par hostilité à l'égard du roi. Les serviteurs vont donc "aux croisées des chemins" pour rassembler ceux qu'ils rencontrent.

Pour les premiers chrétiens, le message était clair : le peuple de la première alliance, le peuple juif, n'a pas accueilli l'invitation de Dieu aux noces de son Fils. Car la précision du texte évangélique - il s'agit des noces du fils du roi, est-il dit - éclaire d'un jour nouveau la prophétie d'Isaïe qui se réalise avec la venue du Fils de Dieu en notre monde. La fête à laquelle tous sont conviés est celle des noces du Fils unique de Dieu avec l'humanité, alliance déjà inaugurée au Sinaï.

Et si tous les hommes, selon Isaïe, sont ainsi invités, c’est que le salut n'est pas réservé aux fils d'Abraham. Les païens aussi y ont part. Or, on tient toujours à ses privilèges. Les premiers chrétiens, issus du judaïsme, fiers de leur séculaire attachement au Dieu unique, ne regardaient pas obligatoirement d'un bon œil les "ouvriers de la dernière heure", les étrangers venus du paganisme qui accueillaient l'Evangile. Les Actes des apôtres en témoignent souvent. Pour St Paul, on le sait, ce sera un drame !

Mais n’est-ce pas toujours d’actualité ? Nous aussi, nous avons nos préjugés, nos blocages idéologiques ou culturels, nos préférences affichés et visibles. Certes, nous professons volontiers que le sectarisme nous est étranger : Dieu aime tous les hommes, quel que soient la couleur de leur peau, leur langue ou leur milieu social. Cependant, dans les faits, qu’en est-il ? Ne sommes-nous pas gênés parfois par la prédilection du bon berger pour la brebis perdue, gênés à la manière des pharisiens qui s’étonnaient de voir Jésus manger avec les publicains et les pécheurs. Ils ne supportaient pas de l'entendre annoncer : "Les prostituées vous précéderont dans le Royaume des cieux". Il nous est donc demandé aujourd’hui : sommes-nous - ne serait-ce qu’en pensées et en paroles parfois - véritablement accueillants même envers l'homme et la femme au passé peu glorieux… ou tout simplement qui n’entre pas dans nos catégories de pensées… ? Comme si la logique de Dieu était la nôtre ! Comme si l'infini de l'amour était compatible avec l'exclusion ! Et c’est à ce niveau que l’on peut comprendre la maxime souvent mal lue : “il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus“. Mais cette loi, c’est vous qui la pratiquez par votre comportement ! Pas Dieu ! Vous vous excluez parce que vous excluez ! En excluant, vous vous jetez vous-mêmes dans l’exclusion !

C’est déjà une première réflexion interrogative. Car l’évidence du texte nous contraint : tous sont invités, "les mauvais comme les bons". Et le Concile Vatican II l’a souligné à plusieurs reprises !

Cependant, l’un des convives - un seul - est chassé ! Entré dans la salle du banquet sans porter "le vêtement de noces", il ne répond que par le silence à l'amicale question du roi : "Comment es-tu entré ici ?"

Quel est donc ce "vêtement" indispensable pour la fête ? Pour la communauté à laquelle s'adressait Matthieu, il y avait là, sans doute, une mise en garde contre une trop facile admission dans l'Eglise naissante. Oui, certainement ! Aujourd'hui, quel est pour nous le sens de cette image ? La générosité divine est sans limites, mais on se méprendrait en pensant que le comportement des invités est sans importance. Dieu offre à tous son alliance. Encore faut-il y consentir par une démarche d'adhésion, c'est-à-dire de conversion, de retournement vers celui qui, comme je viens de le dire, n’exclut pas alors que nous, nous excluons facilement !

On a beaucoup glosé sur cette image du "vêtement de noces" qui rappelait, évidemment, le baptême. On y a vu parfois l'exigence d'une purification incessante qui provoquait la peur de la plus petite souillure écartant de la communion la plupart de ceux qui participaient à l’Eucharistie. Tendance orgueilleuse des Jansénistes, naguère. Certes ! Cependant, la démarche de conversion ne s'impose pas moins.

Lorsqu'on est invité à des noces, on pense qu'on va vivre une journée heureuse et l'on trouve tout naturel de s'y préparer. On habille et son corps par une tenue de fête et son cœur par toute la sympathie dont on est capable. On sait bien que la réussite de la fête exige l'union des cœurs autour des époux. Et bien, ce qui est vrai de nos fêtes de famille l'est aussi pour la fête où Dieu nous donne de partager l'intimité de son Fils unique. "Si tu savais le don de Dieu", disait Jésus à la Samaritaine. La conversion que le Maître du festin attend, ne serait-ce pas de prendre au sérieux l'offre de son alliance, signifiée surtout - il est vrai - par l’Eucharistie ?

Car chaque Eucharistie actualise pour nous les noces du Fils de Dieu. Chaque Eucharistie est fête de famille pour les baptisés. La vivons-nous ainsi ? Il y a peut être des jours où nous négligeons l'invitation pour nous livrer à d'autres activités. Il y a sans doute des jours où nous venons par “devoir”, par “habitude”… ou même - malice spirituelle fréquente - pour nous prouver à nous-mêmes que, par notre fidélité, nous sommes déjà citoyens du Royaume, nous, les bons pratiquants ! Trompeuse sécurité ! Et il nous sera peut-être dit alors : "Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir le vêtement de noces ?"

Pour revêtir le vêtement de noces, il faut nous laver le cœur de ce qui nous empêche de courir vers Dieu et vers nos frères. Il faut creuser en nous le désir de vivre tous en fils de ce Père qui nous aime.

Car dans l’évangile, il y a une attitude frappante chez celui qui est chassé impitoyablement. A la seule question : “Comment es-tu entré ici ?“, il ne répond rien, rien du tout ! A ce pauvre bougre qui garde le silence, j’aurais envie de dire, comme à tous ceux d’entre nous qui ont parfois honte d’avoir abîmé la grâce de leur baptême et qui s’enferment dans leur culpabilité : ne soyez donc pas étonnés, ni meurtris. Ouvrez la bouche, dites une seule parole de regret, de contrition, et surtout de désir… Et immédiatement, vous entendrez cette parole réconfortante et si prometteuse : “Heureux les invités au repas du Seigneur. Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde !“.


P.S.: Il n'y aura pas de "mot" durant une dizaine de jours. Car je pars en Terre Sainte, dès lundi ! Mais, en compensation, j'assure tous mes lecteurs de ma pensée priante près du tombeau du Christ qui est dans la basilique de l'"Anastasie" (Résurrection) ! Et à chaque fois que je me rends en cette représentation du tombeau du Christ, j'en ressorts avec cette envie de crier comme l'ange du matin de Pâques : "Il n'est pas ici !". Où est-il donc désormais ? Il veut être dans le coeur des hommes ! En votre coeur. Ce sera ma prière ! - M.G.

"Jour de Dieu" !

T.O. 27 imp. Samedi - (Jl 4, 12-21)

Le “jour de Dieu“ dont parle le prophète Joël que la liturgie nous fait écouter aujourd’hui, ce Jour sera le “jour du jugement“ qui doit arriver comme un “fléau du Tout-Puissant“ ! Et ce jugement se fera à Jérusalem, plus précisément dans la Vallée du jugement, la Vallée de Josaphat. Cette vallée n’est autre que le Cédron qui, avec ses affluents, la Géhenne et le Tyropéon, a modelé la cuvette de Jérusalem, Jérusalem entourée de collines, “ce Lieu que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom !“.

Jérusalem - où je vais donc me rendre prochainement - devrait toujours nous intéresser plus comme “Lieu saint“ au singulier, plutôt que par les “lieux saints“ où, malheureusement, on se dispute parfois plus qu’on y prie !
Le mystère de ce “Lieu Saint“ au singulier ! Le mystère de Jérusalem, lieu de paix (selon l’une des étymologies de ce mot) ! Petite anecdote à ce sujet : En 2003, on pensait que ce serait le pape Jean Paul II qui recevrait cette année-là le prix Nobel de la Paix. Il a été décerné à une autre personnalité : une femme iranienne. Des raisons d’opportunité ont joué, évidemment. Et puis - ajoutons-le - la paix qui monte d’en bas, cette paix dont parlent les hommes, n’est pas la paix qui descend d’en haut, qui descend dans cette cuvette où s’est développée Jérusalem modelée par le Cédron, la Vallée du jugement. Jésus, juste avant de mourir, disait : “Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix… !“… cette paix qui reliera pour toujours la Jérusalem d’en-bas, “nombril de la terre“ (Ez 38.12) (malgré ses grandes contrariétés actuelles) à la Jérusalem d’en-haut dont parle l’Apocalypse ! C’était l’une des grandes réflexions - dramatique - pour St Paul, ce “pharisien, fils de pharisien“ !

Et c’est ce que souligne aujourd’hui la Parole de Dieu en son évolution, en son “économie divine“, comme disent les Orientaux, c’est-à-dire en la pédagogie divine à travers l’histoire. Aussi, revenons au texte de Joël pour mieux comprendre justement l’évolution de cette pédagogie divine qui toujours nous dirige vers “la plénitude des temps“ dans le Christ, en sa Pâques !

Le jugement, dont parle Joël, est présenté comme une “revanche donnée par Dieu à son peuple élu, une “restauration“ de Jérusalem, tant de fois détruite par ses ennemis au cours des millénaires de l’histoire. C’est comme cela qu’en parlait déjà le prophète Amos, ce petit prophète terrible (!) avec lequel Joël est apparenté par beaucoup de parallélismes littéraires. C’est une des raisons pour lesquelles Amos et Joël sont placés, l’un à côté de l’autre, dans la Bible hébraïque et la Vulgate de St Jérôme, alors qu’ils ont vécu très probablement à des époques différentes.

Dans Amos qui inspire donc Joël, la restauration finale est entrevue aussi comme une “revanche“ : “En ces jours-là, je relèverai la hutte branlante de David…, je la rebâtirai comme aux jours d'autrefois, afin qu'ils possèdent le reste d'Édom et toutes les nations qui furent appelées de mon nom, oracle du Seigneur qui a fait cela“. (Am 9, 11-12).

La notion de “Jour de Dieu“ chez Joël, comme chez Amos, comporte une mentalité xénophobe et un repli sur Sion. C’est l’atmosphère qui régnait au temps d’Esdras et de Néhémie bien après le retour d’exil. Cette tendance n’était pas la seule, nous le savons ; elle était compensée par des tendances universalistes : celle que reflète, par exemple, le livre de Jonas que nous avons relu récemment.

Mais ce qui est intéressant, c’est que cette dernière tendance, universaliste, va se développer dans le Judaïsme Alexandrin. Quand on lit Amos dans la version grecque des LXX, là où il est écrit en hébreu dans un esprit de revanche : “afin qu’ils possèdent le reste d’Edom“, en grec on trouve : “afin que le reste des hommes se mettent à chercher le Seigneur ainsi que toutes les nations“. Un sens tout à fait différent et opposé que permet un tour de passe-passe littéraire osé et assez extraordinaire : le mot “posséder“ (“resh“ - mot qui implique une revanche, une vengeance) est devenu “chercher“ (darash,(1) - une seule consonne ajoutée, de différence). Et “Edom“, (qui désigne l’ennemi traditionnel d’Israël) est devenu “Adam“, les hommes. Mais tour de passe-passe littéraire qui accompagne le progrès que l’humanité a à faire dans la recherche et la connaissance des voies de Dieu : Le “Jour de Dieu“ et la restauration qu’il implique sont vus, non plus comme revanche sur l’ennemi traditionnel, mais comme une conversion de toute l’humanité qui se tourne vers le vrai Dieu, le Dieu Vivant pour en faire la connaissance.

Bien plus, je dirais : Tour de passe-passe littéraire qui est d’inspiration divine, puisque c’est dans cette traduction grecque d’esprit nettement universaliste que St Jacques, l’évêque de Jérusalem, lors du 1er concile de l’Eglise, cite le terrible Amos, pour conclure : “Je suis d’avis de ne pas accumuler les obstacles devant ceux des païens qui se tournent vers Dieu“ (Ac. 15.19). Le dernier Concile de l’Eglise (Vatican II) ne dira pas autre chose, à plusieurs reprises : “Dieu qui “veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité“ (I Tm 2.4), lorsque vint la plénitude des temps, envoya son Fils, le Verbe fait chair… comme le Médiateur de Dieu et des hommes…“ (S.L. 5 - Et bien d’autres textes).
C’est toujours le même sujet et la même question si actuelle : Identité ou ouverture ? Alors que la parole de Dieu nous enseigne : Identité et ouverture !

“Personne n’est exclu de la bonté de Dieu“, disait déjà St Basile.
Le P. Lacordaire proclamait : “Ne dites surtout pas : « Je veux me sauver ! ». Dites-vous : « Je veux sauver le monde ! ». C’est là le seul horizon digne d’un chrétien, parce que c’est l’horizon de la charité divine“.
Et le pape Paul VI, si intègre en sa foi et si ouvert à tout homme, disait : “Le monde qui, malgré d’innombrables signes de refus de Dieu, le cherche cependant par des chemins inattendus et en ressent douloureusement le besoin, le monde réclame des évangélisateurs qui lui parlent d’un Dieu qu’ils connaissent et fréquentent « comme s’ils voyaient l’invisible »“.

(1) mot qui a formé celui, plus connu, de “midrash“.

jeudi 6 octobre 2011

St Bruno

T.O. 27 - Jeudi

Pourtant maître éminent, très vénéré par ses disciples, grande figure parmi les “humanistes“, a-t-on écrit, St Bruno fut vite oublié. Il mourut et fut enterré en 1101 dans un ermitage au fond de la Calabre où son tombeau ne pouvait devenir un but de pèlerinage malgré les miracles qu’on lui attribuait.
Aucun de se contemporains ne s’avisa d’écrire sa vie. La plupart de ses écrits sont perdus. Les historiens, pour évoquer sa vie, doivent chercher un peu partout des renseignements en évitant les légendes qui fleurissent facilement devant un tel silence !

Il naquit vers 1030, d’une famille noble. Il étudia en diverses villes, notamment à Reims où ensuite il enseigna ; il nous reste quelques commentaires de l’Ecriture Sainte et des psaumes. Selon ses disciples (certains devinrent évêques) son éloquence était claire, précise, concise, nette… Et ce n’est pas étonnant qu’il fût le maître d’un des plus grands papes réformateurs du 11ème siècle : Eudes de Châtillon qui deviendra Urbain II.

En 1067, Reims reçoit un nouvel archevêque, Manassès, qui se révéla très vite simoniaque et indigne de cette charge apostolique ! Il aurait même déclaré : “Il serait bon d’être archevêque de Reims s’il n’y avait pas de messes à chanter !“. Naturellement, Bruno se trouva involontairement mêlé aux troubles qui s’en suivirent. Il fut contraint, pour un temps, d’abandonner son enseignement. Finalement, le pape Grégoire VII déchargea l’évêque indigne !

Aussi, faut-il affirmer en même temps, comme par contraste, que si à cette époque (et en bien d’autres) il y avait de tels cas douloureux, le 11ème siècle fourmille de chrétiens, illustres ou non, qui quittaient le monde pour se sanctifier en menant une vie plus ou moins érémitique. C’est ainsi que se fondèrent Grandmont, Tiron, Fontgombault, Fontevrault, Molesmes, Citeaux…
C’est à Molesmes qu’en 1082, Bruno se rendit attiré par la réputation de son Abbé, Robert. Il vécut près de ce lieu, avec deux compagnons, une vie quasi érémitique. Cependant il n’y resta qu’une année, on ne sait pourquoi. Trouvait-il sa retraite trop confortable ? C’est possible !

Il se rend alors à la Chaise-Dieu. Le Père Abbé lui désigne un lieu de retraite (une dépendance sans doute) : la Chartreuse. L’évêque de Grenoble, Hugues, approuva et encouragea. Son biographe raconte que le prélat aurait eu un songe : sept étoiles (Bruno et ses compagnons étaient au nombre de sept) illuminaient le chemin de la solitude en Chartreuse.

S’inspirant des Pères du désert, de St Jérôme, de St Benoît, les premiers ermites partageaient leur journée entre prière et travail, travail manuel et aussi intellectuel. La copie des livres (de la Bible surtout) fut tellement en honneur qu’assez vite fut constituée une bibliothèque qui deviendra très riche !

Le site de la Chartreuse était (et demeure) suffisamment austère pour que ces nouveaux venus ne soient pas tentés de se poser, par diverses pratiques, en champion de l’ascétisme. Ils ne se réunissaient que pour certains offices et pour l’Eucharistie qui n’était d’ailleurs pas quotidienne.

La nouvelle fondation prospéra très vite grâce à la protection de l’évêque de Grenoble et de l’Abbé de la Chaise-Dieu.

En 1088, Eudes de Châtillon, devenu pape (Urbain II), pria Bruno de le rejoindre à Rome. Il obéit. On ne sait quel rôle joua notre ermite en la Ville sainte. Il n’en reste aucune trace.

On ne sait rien non plus sur les raisons qui poussèrent Bruno à se rendre en Calabre. Il s’y établit au lieu dit “La Torre“, en un ermitage placé sous la protection de Notre Dame. C’est là qu’il passa les dernières années de sa vie. Il ne désirait rien d’autre que de sanctifier dans le silence et la paix. Il écrit à l’un de ses amis en faisant l’éloge de la solitude. Grâce à elle, les hommes diligents peuvent rentrer en eux-mêmes autant qu’ils le désirent, cultiver les germes des vertus, gagner la paix que le monde ignore et la joie de l’Esprit-Saint…

Landuin qui lui avait succédé comme prieur de la Chartreuse, lui rend visite. Il le charge d’une lettre adressée à ses frères : “Réjouissez-vous, mes frères très chers, écrit-il, de ce que vous avez échappé aux périls et aux naufrages de la vie du monde. Réjouissez-vous de ce que vous avez trouvé un port sûr et tranquille“. Puis il leur recommande d’éviter les laïcs, … de pratiquer la charité parfaite entre eux, de ne pas refuser à Landuin, malade, les soins dont il a besoin sous prétexte de mortifications. Il conclut en exprimer le désir de les revoir.

Mais St Bruno était déjà très malade quand il écrivit cette lettre. Il mourut peu après, ayant fait une très belle profession de foi en la Sainte et divine Trinité, comme s’il discernait déjà le mystère de l’Amour de Dieu, Un en trois Personnes. N’avait-il pas écrit : “Ce que la solitude et le silence du désert apportent d’utilité et de divine jouissance à ceux qui les aiment, ceux-là seuls le savent qui en ont fait l’expérience. Là, on s’efforce d’acquérir cet œil dont le clair regard blesse d’amour le divin Epoux et dont la pureté donne de voir Dieu “. Voir Dieu ! N'est-ce pas ce thème qui court à travers toutes les pages de la Bible ... et à travers la vie de tous les saints ? VOIR DIEU !

mercredi 5 octobre 2011

Le salut de tout homme !

T.O. 27 - Lundi - Jonas !

Jonas est l’un des plus beaux livres de la Bible dont on s’est malheureusement beaucoup moqué à cause de la fameuse baleine. [Mais dans le texte, il n’est pas question de baleine, mais d’un gros poisson ! De plus, la baleine a un petit gosier, même si elle a une grande gueule !]

Il faut distinguer trois plans :
- 1. Il y a le Jonas historique.
- 2. Il y a le livre de Jonas.
- 3. Il y a le signe de Jonas dont il est question dans l’évangile.
On ne peut exposer ces trois aspects... En tous les cas, le livre de Jonas, écrit au retour d’exil, livre le plus universaliste qui soit, veut répondre à une grande question : le “méchant“, le pécheur peut-il être sauvé ?

Or Jonas est appelé par Dieu à proclamer la conversion pour le salut de ces grands pécheurs, les gens de Ninive. Remarquons qu’à l’époque du retour d’exil, Ninive a disparu, anéantie par les Mèdes ! Personne n’est donc dupe… !

On l’a vu cers jours derniers. Jonas refuse la mission. Alors “il descend !“. C’est un mot très important. Jonas ne fait que descendre : il descend à Jaffa ; il descend dans le bateau ; il descend au fond du bateau ; il est jeté à la mer ; il est englouti par un poisson ; il descend dans le ventre du poisson qui descend au fond de la mer… Cependant, dans le ventre du poisson, Jonas ne perd pas son temps. Il prie le Seigneur son Dieu ! La prière ! Comme Jésus sur la croix ! Et il reste dans le poisson “trois jours, trois nuits“ : ce chiffre “3“ est bien connu dans la Bible et plus encore dans le langage chrétien. Et c’est de là qu’il rebondit dans la vie ! D’une part, quand on se détourne de Dieu, on ne fait que “descendre“ et “descendre“ encore. Et d’autre part, du fond de cette “descente“, on “rebondit“ vers Dieu ! -

C’est admirable, n’est-ce pas ! Si le psautier, c’est toute la Bible sous forme de prières, on peut dire que le livre de Jonas, c’est tout le psautier sur le schéma fondamental de bien des psaumes : “Non ! Je ne mourrai pas…“ - “Je vivrai“ - “Je chanterai !“. Le livre de Jonas, c’est le cantique de la Vie ! Mais avec humour ! Dieu a parfois de l’humour, il faut le savoir !

Jonas se soumet finalement à sa mission, mais de très mauvaise humeur. Mettez-vous à sa place : “Je n’ai pas cherché à être prophète ! Mais Dieu m’embauche de force ! Et même, j’ai essayé de fuir et il me ramène ! Finalement je dis ce qu’il me demande de dire. Et cela n’arrive pas. Faut savoir quand même ! C’est ma réputation qui est en jeu, même si je ne fais pas grand cas de ma fierté légitime !“. Ainsi devait penser Jonas en quelque sorte.
C’est normal que Jonas se fâche ! La loi du Seigneur ne disait-elle pas : “Si ce que le prophète a dit au nom du Seigneur ne se produit pas, alors ce n'est pas une parole dite par le Seigneur ; c'est par présomption que le prophète l'a dite!“. (Deut. 18.20). Et le livre de Jonas va marquer une étape d’une théologie qui va évoluer ! On va distinguer les prophéties de bonheur et les prophéties de malheur. Si un prophète fait des prophéties de bonheur qui ne se réalisent pas, alors c’est un “farceur“ ! Mais si ce sont des prophéties de malheur qui ne se réalisent pas, c’est peut-être que les hommes s’étant repentis, Dieu n’a plus de raison d’exécuter ses menaces ! On dira même plus tard : quand Dieu fait des prophéties de malheur, c’est pour n’avoir pas à les réaliser. Dieu veut que tous soient sauvés. Il ne parle pas de l’enfer pour que l’on y aille ; il parle de l’enfer pour que l’on n’y aille pas !

Mais notre Jonas - et nous avec lui parfois - n’a pas encore compris cela ! “Mieux vaut pour moi mourir que de vivre !“. C’est la même formule qu’Elie employait sur le chemin de l’Horeb, vers Dieu !
Alors Jonas part et s’installe, est-il dit, “à l’orient de la ville“. Cela fait penser, bien sûr, à Jérusalem et au mont des Oliviers, “à l’orient de la ville“. Il se fait une hutte. Car il est encore persuadé que le châtiment va arriver, que le feu du ciel va tomber sur la ville (comme le penseront Jacques et Jean, ces fils du tonnère“ !). Il commence donc à penser à son petit confort : il se construit une hutte pour ne pas attraper des coups de soleil, pour être bien installé afin d’assister au spectacle, à l’ombre !

Et il y a l’épisode amusant du ver qui pique le ricin à l’ombre duquel Jonas s’est installé. Le ricin dépérit. Le soleil se lève. Jonas a un coup de soleil. Il a de la fièvre. Alors, il se fâche à nouveau répétant : “Mieux vaut pour moi mourir que vivre !“. Le Seigneur lui dit : “Tu as pitié du ricin… et moi, je n’aurais pas pitié des habitants de Ninive qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche ?“. C’est une expression qui sert à désigner habituellement les enfants qui n’ont pas l’âge de raison, ou les gens a-moraux qui ne distinguent pas le mal du bien. Or, dit Dieu, j’aime mon peuple, mon peuple que j’ai élu ; mais j’aime aussi les hommes de Ninive, et même leurs bêtes, et même le petit ricin… Dieu aime même les païens !

Et c’est dans ce sens que Jésus va parler du “signe de Jonas“, (Cf. Mth 12.39). Dans le contexte de St Marc, Jésus traverse le lac de Galilée. Il dort dans la barque ; et c’est la tempête - la tempête que subit Jonas ! -. Il arrive en Décapole, pays païen. Et là un païen se convertit ; et il annoncera la “Bonne Nouvelle“ en ce pays païen !

Et dans l’évangile, il y a les païens de l’est (comme celui de la Décapole) et les païens de l’ouest (comme la syro-phénicienne que Jésus va rencontrer ensuite). Les païens de l’Ouest et les païens de l’Est ! Ce sont les païens du monde entier ! Et Jésus parlera des veuves de Sarepta ; or l’une d’elle était païenne ! Il parlera de Naaman, le Syrien… etc

En St Marc, Jésus est donc sur la rive des païens ; et les disciples l’accompagneront jusqu’au pied de l’Hermon, aux sources du Jourdain, à Dan, terre païenne s’il en fût ! Or c’est là que l’Eglise est fondée.

C’est un drame que Pierre, chef des apôtres, aura à résoudre quand il rencontrera le centurion Corneille, à Joppé : “Dieu vient de me faire comprendre qu’il ne fallait déclarer immonde ou impur aucun homme…“ ! (Actes 10.28).

C’est la question de tous les temps : Ouverture et approfondissement ! C’est le “signe de Jonas“ qui s’explique, qui s’explicite tout au long des siècles. A nous de comprendre ce “signe de Jonas“. DIEU AIME TOUS LES HOMMES !

mardi 4 octobre 2011

St François d'Assise

T.O. 27 - Mardi

Vous connaissez aussi bien que moi sinon mieux la grande figure de St François d’Assise. Je n’insisterai donc pas sur sa vie, mais bien davantage sur la “Révolution spirituelle“ qu’il opérât. Ce grand Saint nous invite, me semble-t-il, à toujours méditer - et plus encore peut-être à notre époque - sur les rapports entre Institution et Prophétisme ! Depuis toujours ces rapports ont été plus ou moins conflictuels !
Dans l’A.T., il suffit de se rappeler l’épisode curieux où Moïse calme la jalousie de Josué qui s’indignait de constater qu’Eldad et Médad, absents à l’assemblée de la Communauté, n’en avaient pas moins été bénéficiaires de l’effusion de l’Esprit-Saint et s’étaient mis à prophétiser dans le camp.
Dans l’Evangile nous voyons Jésus calmer Jean, l’un des “fils du Tonnerre“, qui se scandalisait de voir d’autres que les douze apôtres, opérer des miracles au nom de Jésus.

En ce jour, la fête de St François nous invite à prier pour mieux approfondir notre réflexion, notre méditation sur le problème des rapports entre l’Eglise et les manifestations que l’on appelle aujourd’hui “charismatiques“, problème qui s’est toujours posé dans l’histoire depuis le temps où St Paul devait s’occuper de calmer les agitations des Corinthiens jusqu’à cette époque de St François, à la charnière du 12ème 13ème siècles, où on redécouvrait le rôle du Saint Esprit dans les Eglises d’Occident. (En Orient, on n’avait moins perdu ce sens de l’importance de l’Esprit).

Les hérésies jalonnent l’histoire de l’Eglise ; elles se multiplient comme à plaisir, semble-t-il, dans les périodes où l’Eglise s’installe dans une certaine sécurité doctrinale, sociale…. Je pense à l’époque de la conversion de l’Empire au temps de Constantin ; je pense à la Chrétienté du temps des cathédrales et des croisades. Il y a alors des hérésies doctrinales et il y a, plus dangereuses encore peut-être, des hérésies de type moral et ascétique.
- Dès les origines du christianisme, St Jacques, l’évêque de Jérusalem, lançait de percutantes accusations contre ceux qui, sous l’étiquette chrétienne, avaient adopté une logique de vie qui n’avait rien d’évangélique, étouffés qu’ils étaient par le luxe, la richesse, l’injustice sociale, “faisaient bombance pendant qu’on massacrait les gens !“ (Jc 5.6).
- Au Moyen Âge, à l’époque où l’autorité de l’Eglise régnait sur la quasi-totalité de la population, se mirent à pulluler des hérésies doctrinales et plus encore ascétiques. Ces dernières étaient d’autant plus dangereuses qu’elles dénonçaient des tares alors bien existantes dans la chrétienté de l’époque soumise à des tas de mutations politiques, sociales, économiques.

Une des causes principales de cette pullulation des hérésies, surtout morales, furent les écarts de conduite d’une grande partie des clercs qui s’installaient dans le luxe et se mirent à exercer leur autorité de manière tyrannique. (Rien de nouveau sous le soleil!)
Beaucoup de gens du peuple se révoltèrent et, remarquons-le, souvent dans une intention généreuse. En face de la tiédeur qui affaiblissait l’Institution, beaucoup de gens sincères se levèrent et se mirent à revenir à un idéal tout évangélique, basé sur l’observance littérale des paroles de l’Evangile.

Ne pensons pas encore aux Manichéens de tous acabits, aux Cathares, aux Albigeois ! Mais pour mieux connaître l’œuvre merveilleuse de St François, pensons plutôt aux Vaudois qui le précédèrent. Au milieu du 12ème siècle, Pierre de Vaux était travaillé comme tant d’autres par son désir anxieux de faire retour aux sources vives de l’Evangile - une “nouvelle évangélisation“ en quelque sorte -, de ramener l’Eglise du Christ à sa ferveur et à sa pureté. Mais, à un certain moment, il se révolte complètement contre toute autorité supérieure. Et les Vaudois finirent par se considérer comme les seuls à être fidèles à l’idéal primitif. Ils furent atteints d’un puritanisme qui déniait à l’Eglise le droit de posséder quoi que ce soit. Beaucoup de braves gens se laissèrent séduire par ces missionnaires vaudois.

Par son origine, le mouvement franciscain a une grande ressemblance avec le mouvement vaudois. Mais avec une grande différence : St François sut réintégrer dans l’Institution de l’Eglise le grand désir - qui doit toujours être actuel - des valeurs authentiquement évangéliques ! Il fallut un très grand Saint pour réaliser cette “nouvelle évangélisation“ qui est toujours d’actualité.

Prions aujourd’hui pour l’unité de l’Eglise toujours menacée ! Prions pour l’unité des diverses Communautés, des divers mouvements en lien avec l’Eglise du Christ. Prions pour l’unité en notre propre vie chrétienne, religieuse. C’est toujours la grande question traitée par St Paul, celle de la lettre et de l’Esprit (2 Co. 3.6). Si seulement on pouvait s’écrier en voyant chacun d’entre nous : “Vous êtes une lettre de l’Esprit écrite en vos cœurs !“

dimanche 2 octobre 2011

La Vigne du Seigneur !

27ème Dimanche T.O. A/11

"Frères, ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, dans l'action de grâce, priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes".

De prime abord, cette formule de Paul paraît étonnante. Il s'adresse à une Communauté en difficulté, une Communauté persécutée ; et voilà qu'il insiste sur la paix du cœur : Ne vous inquiétez donc pas ! “Et la paix de Dieu gardera votre cœur dans le Christ Jésus !“. Il est vrai que cette recommandation est l'écho même de la parole du Seigneur après sa résurrection : "Ne craignez pas, c'est moi". C'est donc une invitation à s'en remettre à la puissance invraisemblable du Seigneur qui nous entoure de partout et qui commande notre vie, malgré, parfois, ce que j’appelle “les apparences contradictoires“ !

Car "Dieu est Amour". - Et il y a beaucoup de psychologie amoureuse dans le portrait passionné que l'Ecriture nous donne de Dieu. Voyez ! Le cantique d'Isaïe (1ère lecture) est vraiment une déclaration d'amour : "Mon bien-aimé avait une vigne…" -
Oui, Dieu crée, ne cesse de créer ! Dieu a choyé sa vigne et ne cesse pas de la choyer ! Dieu a donné et la terre et le monde entier, notre intelligence et nos sens, la beauté et le plaisir. Tout ! Il nous donne tout ! Car Dieu est amour, non pas comme un bienfaiteur condescendant ou supérieur. Dieu est Amour par un immense désir qui veut tout nous donner..., mais cependant pour que nous puissions nous construire nous-mêmes "à son image et ressemblance" ! C’est vrai : entre Dieu et nous, c'est une histoire d'amour comme il est dit dans le chant de la vigne du prophète Isaïe… Mais dans l'exercice de l'amour, il doit y avoir échanges, réciprocité...!

Or, nous refusons parfois cet amour qui veut nous rendre saints - comme Dieu lui-même est Saint -, cet amour qui veut nous attacher à tout ce qui est "pur et juste, comme dit Paul, à tout ce qui est digne d'être aimé et honoré, tout ce qui s'appelle vertu et qui mérite des éloges…". Oui, nous refusons ; et ce refus va jusqu'à tuer en nous-mêmes l'Envoyé de Dieu, son propre Fils que nous jetons hors de cette vigne que Dieu a planté pour nous, en nous !

Et St Matthieu, aujourd'hui, nous livre, dans sa parabole, le mystère de cette vigne. Nous y trouvons bien ce refus constant au cœur de l'homme d'accepter ce mystère d’amour du Seigneur : les vignerons qui ne sont que des serviteurs sont impitoyables face à leur maître ; ils tuent ceux qui arrivent pour travailler à cette vigne, … et jusqu'au Fils. Cependant - et voilà l'important - Jésus de conclure : "La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C'est là l'œuvre du Seigneur, merveille à nos yeux". La pierre rejetée, la pierre méprisée, la pierre qu'on met de côté sans qu'on s'occupe d'elle : voilà le mystère du Seigneur pour le bien de sa vigne.

Il n'y a pas de plus grande chose à affirmer, à annoncer : "La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle". Cette pierre, c'est le Christ, cette pierre qu'on a rejetée, que toujours on rejette avec mépris comme si cette pierre - le Christ ! - n'avait aucun sens…, et bien, cette pierre, en réalité et malgré tout, est devenue, devient la pierre qui donne sens à tout. “Voilà l'œuvre de Dieu, une merveille à nos yeux !“

Alors, comme Isaïe, nous devons chanter - mais par toute notre vie - le chant de la vigne : “Je chanterai pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne“.
Cette vigne que le Seigneur a faite, c'est, finalement, le Corps du Christ lui-même. Sans lui nous ne pouvons rien faire. Nous sommes les sarments du cep, nous sommes les sarments que Dieu veut absolument pour sa vigne. Le Seigneur nous demande d'entrer - avec le Christ, pierre de fondation - dans ce mystère de participation à sa vigne, de porter du fruit, du fruit en abondance. Nous avons à être le fruit de la vigne que le Seigneur a cherché tout au long de l'Ancien Testament et qu'il n'a pas trouvé. “Il en attendait de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ?“

“Priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes“, nous sollicitait St Paul. Nous avons à demander, avant toutes choses, d'être dans le Christ des êtres baptisés, c'est-à-dire des êtres qui s'appuient sur cette pierre angulaire pour que l'édifice grandisse. Nous sommes des êtres pris pour cette œuvre, cette grandiose construction dans le Christ ! La vie chrétienne n'est pas simplement une pratique plus ou moins développée. La vie chrétienne, c'est faire l'expérience de Dieu, c'est faire l'expérience du Royaume de Dieu, de ce Royaume qui nous est donné, de cette pierre qui est vraiment la pierre angulaire, la pierre du sauvetage du monde. Le monde est bâti sur cette pierre angulaire ; et quand le Seigneur a construit le monde, c'est dans le Christ qu'il a tout construit. - Personnellement, j’aime beaucoup l’une des sculptures du portail de la cathédrale de Châtres. On y voit Dieu en travail de création ; il façonne Adam, il façonne l’homme. Et derrière lui, il y a le Christ ! Autrement dit, quand Dieu crée il voit tout en son Fils, le Christ, Dieu fait homme - homme "parfait" -!

Demandons au Seigneur d'entrer dans ce mystère de création, de participer à cette construction ; et, pour que cela se fasse, de croire vraiment que la construction de l'Eglise est quelque chose d'inouï, que c'est la véritable réalité du monde, la réalité de la vigne du Seigneur !

Par-delà toutes les apparences néfastes du monde, par-delà tous les empires et tous les états au cours des temps, par-delà les failles et les chutes des baptisés eux-mêmes, ce qui compte dans le mystère de Dieu, c'est la construction sur cette pierre angulaire : le Christ !
Il n'y a rien d'autre à considérer. Le Seigneur n'a d'yeux que pour cela, il n'a d'yeux que pour son Fils, il n'a d'yeux que pour nous qu’il voit en son Fils. Demandons-lui de nous voir dans son Fils, de nous regarder dans son Fils ; alors nous pourrons, nous aussi, le regarder dans son Fils. Ce sera notre joie, notre paix. Et le Seigneur nous prendra au plus profond de nous-mêmes et nous serons un peuple qui porte du fruit, un fruit qui demeure, le fruit de la charité, le fruit de la vie éternelle.

Oui, Dieu crée, ne cesse de créer, de planter sa vigne à nous donnée, transmise… En somme, Dieu n'a jamais cessé et ne cesse pas maintenant encore d'aimer sa vigne et de s'en plaindre, de la choyer et de la détruire, d'en espérer et d'en être déçu. Cela vaut du peuple d'Israël selon la prophétie d'lsaïe ; cela vaut des contemporains de Jésus, selon l’Evangile ; et cela vaut, aujourd'hui, de l'Eglise ! Et, pour être encore plus précis, cela vaut de vous … et de moi !

samedi 1 octobre 2011

Ste Thérèse de Lisieux

1er Octobre -

Hier, nous fêtions St Jérôme, qui vécut au début du 4-5ème siècle ; et aujourd’hui, Ste Thérèse de Lisieux, presque notre contemporaine, que l’Eglise a faite Docteur de l’Eglise, le 1er octobre 1997.

Ces deux saints ont en commun l’amour de l’Ecriture Sainte. “Ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ“, disait St Jérôme dont la vie a été consacrée à traduire et à commenter la Bible. Quant à Ste Thérèse, il n’est même pas sûr qu’elle n’ait jamais eu une Bible complète entre las mains. (Certains, à son époque, se méfiaient de l’Ancien Testament). Cependant elle savait beaucoup de passages par cœur et elle a écrit que si elle avait été prêtre, elle aurait appris le grec et l’hébreu pour écouter, plus directement qu’à travers les traductions, la Parole de Dieu.

Avec ces Saints, nous sommes dans la ligne de St Paul qui écrivait à Timothée : “Pour toi, tiens-toi à ce que tu as appris… ; et c'est depuis ton plus jeune âge que tu connais les saintes Lettres. Elles sont à même de te procurer la sagesse qui conduit au salut par la foi dans le Christ Jésus. Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice : ainsi l'homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne“.

Les programmes d’étude des Séminaires sont influencés, de plus en plus, par la prise de conscience de l’importance de l’Ecriture Sainte dans la formation des prêtres. Et désormais bien des chrétiens multiplient un peu partout leurs cercles d’étude biblique… ! C’est heureux !

Mais quoiqu’on en dise, l’Eglise n’a jamais oublié la Bible ! Il lui a fallu cependant lutter contre ceux qui séparent la Bible de la Tradition qui est son milieu vital et sans laquelle - l’histoire est là pour le prouver -, on peut faire dire à la Bible n’importe quoi. A ce sujet, les homélies du pape (depuis Jean-Paul II) sont très précieuses t ; et elles sont faciles d’accès.

C’est une grande chance (depuis Vatican II surtout), que d’avoir quotidiennement l’occasion de nous nourrir de la Bible grâce aux lectures bibliques que l’Eglise nous propose lors de l’Eucharistie. Ainsi, chaque jour peut devenir une “route d’Emmaüs“ en compagnie de Jésus qui interprète les Ecritures et nous nourrit de son Corps dans la réalité de la Présence Eucharistique. Et si certains ne peuvent participer à la messe chaque jour, ils lisent cependant les lectures bibliques du jour.

Il faut fortement y insister : il y a une grande connexion entre la Parole de Dieu (la Bible), la Tradition de l’Eglise et la Liturgie ! La Tradition (avec un grand “T“), c’est une lecture de la Parole de Dieu que nous fait faire l’Esprit Saint tout au long des siècles : “Le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit !“ (Jn 14.26). Et la Liturgie n’est finalement que le chant de la Parole de Dieu ! Parole, Tradition, Liturgie nous protègent de toute déviation subjective et alimentent notre vie spirituelle, c’est-à-dire notre union, notre relation avec Dieu !

C’est en lisant la première lettre de St Paul aux Corinthiens - surtout les chapitres 12 et 13 - que Ste Thérèse a trouvé le sens de son existence : “L’Apôtre, a-t-elle écrit, explique comment tous les dons les plus parfaits ne sont rien sans l’Amour…., que la charité est la voie excellente qui conduit sûrement à Dieu. Enfin j’avais trouvé le repos“.

C’est cet amour dont nous parle souvent l’Evangile. Un amour qui unifie tout notre être dans un élan et vers Dieu et vers nos frères tout à la fois. Dans n’importe quelle circonstance, puissions-nous dire et redire ce verset du psaume 86 : “Unifie mon cœur, Seigneur, dans la crainte de ton Nom !“ (86.11). Dans l’amour de ton Nom !

C’est cela que demande le Christ à ceux qui veulent devenir ses disciples. Ste Thérèse de Lisieux l’avait bien compris, de manière fulgurante ; Son amour de Dieu, alors qu’elle vivait enfermée en son cloître, a débordée sur le monde entier. Sa prière était orientée tout à la fois et vers Dieu et vers ses frères du monde entier. Malade, elle marchait péniblement ; mais elle marchait, faisait-elle comprendre, avec tous les missionnaires. Et c’est légitimement qu’elle est devenue “Patronne des missions“.

C’est ce message qui doit, aujourd’hui, nous percuter le cœur. La lecture nous l’a rappelé d’une certaine manière en insistant sur l’amour de la Parole de Dieu. Elle nous rappelle la place importante de la prière en notre vie chrétienne. Une vie de prière construit un rempart contre bien des dangers : “La joie du Seigneur est votre rempart !“. Que ce prieuré devienne toujours davantage “un rempart“ pour tous ceux qui vivent tout autour … et bien au-delà ! Demandons cela à Ste Thérèse !