mercredi 29 juin 2011

St Pierre et Paul

29 Juin 2011

St Pierre et St Paul représentent chacun un aspect essentiel de la vie de l’Eglise.

Pierre a bien connu Jésus pendant sa vie publique ; les évangiles parlent beaucoup de lui, en particulier l’évangile de Matthieu où on le voit proclamer sa foi au Seigneur. D’origine juive, il se consacra surtout au peuple d’Israël, en Palestine et dans ce qu’on appelle “La diaspora“. Sa mission le mena jusqu’à Rome où il mourut martyr sous le règne de Néron.

Paul, en revanche, tout en étant lui aussi d’origine juive, était né en plein monde païen. A la suite de sa conversion au Christ sur la route de Damas il se sentit appelé à annoncer l’Evangile surtout à ce monde païen qu’il connaissait bien, ce qui l’amena à voyager dans tout l’empire romain.

L’un et l’autre, nous dit la préface d’aujourd’hui, ont travaillé, “chacun selon sa grâce“, à rassembler l’unique famille du Christ.


Pierre nous montre donc l’Eglise comme la communion de tous ceux qui ont mis leur foi en Jésus Christ. Quand nous nous retrouvons pour l’Eucharistie, nous sommes en communion les uns avec les autres. Si Jésus a dit à Pierre : “Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise“ (Mth 16.18), cela suppose que nous sommes tous, reposant sur Pierre,
les pierres vivantes de l’Eglise de Jésus.
Pierres vivantes unies par le ciment de la foi et de l’amour.
Pierres vivantes qui ont chacune leur place dans la Communauté.
Pierres vivantes responsables du dynamisme de toute l’Eglise.

Mais pierres vivantes imparfaites. Il faut le reconnaître, l’Eglise, c’est tout à la fois un peuple de saints et un peuple de pécheurs, ou, si l’on veut, un peuple de pécheurs en marche vers la sainteté. L’Eglise a ses faiblesses, ses routines, ses maladresses, car nos faiblesses et nos défaillances rejaillissent sur l’ensemble.

Mais l’Eglise, malgré ses faiblesses et ses trahisons, continue l’Incarnation de Jésus tout au long des siècles et dans le monde entier. Bossuet disait : “l’Eglise, c’est Jésus Christ répandu et communiqué“. Oui, par les sacrements, par l’Eucharistie, par la diffusion de la Parole de Dieu, l’Eglise ne cesse de répandre en nous la vie de Jésus Christ et de nous la communiquer, afin qu’à notre tour nous la répandions et la communiquions aux autres. C’est notre mission ; il faut en avoir conscience !


Paul, par toute sa vie apostolique, nous montre surtout l’Eglise en mission, l’Eglise ouverte aux nouvelles cultures et à ceux qui ne connaissent pas encore le Christ.

Etre chrétien, être d’Eglise, c’est rayonner l’esprit du Christ, l’esprit des béatitudes, en sorte que se vérifie la parole du Seigneur : “Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi !“ (Jn 12.32). Comment Jésus aujourd’hui pourrait-il attirer à lui tous les hommes si son Eglise leur apparaît comme une administration prétentieuse et ignorante du monde moderne ? Comme le dit une Prière Eucharistique, il faut que l’Eglise apparaisse aux hommes d’aujourd’hui comme “un lieu de vérité et de liberté, de justice et de paix, afin que tout homme puisse y trouver une raison d’espérer encore“ (P.E 2 pour des rassemblements).


Eglise communion de ceux qui croient au Christ, Eglise missionnaire ouverte à ceux qui cherchent un sens à leur vie !
Parmi les chrétiens, il en est qui se reconnaissent mieux dans l’Eglise à la manière de Pierre, et d’autres davantage dans le dialogue avec les indifférents, à la manière de Paul. Oui, les chrétiens d’aujourd’hui sont divers. Mais il n’y a qu’une seule Eglise, celle de Jésus Christ, ouverte à tous quelles que soient leurs sensibilités propres. L’essentiel, c’est de travailler avec amour pour le Christ, “chacun selon sa grâce“, comme Pierre et Paul, tout à la fois dans l’union mutuelle et l’ouverture aux autres.

mardi 28 juin 2011

St Irénée, évêque de Lyon

28 Juin

Le 2 Juin, si ce jour n’avait pas été cette année la fête de l’Ascension, nous aurions fêté les martyrs de Lyon, exécutés en 177, dont la jeune Blandine, si admirable de courage, et le vieillard Pothin, premier évêque de Lyon, premier missionnaire en notre pays - il venait de Phrygie -. C’est pourquoi l’évêque de Lyon porte, encore actuellement, le titre de “Primat des Gaules“, en souvenir de ce premier évêque à qui nous devons notre évangélisation.

Irénée lui succéda. Lui aussi était né en Asie Mineure, peut-être à Smyrne. En tous les cas, dès sa jeunesse, il avait connu la grande figure de l’évêque de cette ville, Polycarpe, qui, lui-même, avait été le disciple de St Jean. Aussi, son esprit, formé à l’admiration des “témoins du Verbe de Vie“, avait reçu, à un haut degré, le culte de la tradition apostolique. Cet attachement à la tradition apostolique est toujours le garant d’une véritable pensée chrétienne, théologique… ! Aujourd’hui encore !

Or, quand Irénée arrive à Lyon, des courants hétéroclites, hétérodoxes parcourent déjà les diverses communautés chrétiennes.
- Tel le “Montanisme“ : mouvement charismatique qui supprime toute hiérarchie - même apostolique - donnant beaucoup d’importance aux femmes et qui, surtout, annonçait un “Nouvel Age“, celui de l’Esprit Saint dont un certain Montan était l’organe ! Autrement dit, rien de nouveau sous le soleil !
- Il y avait également beaucoup de courants “gnostiques“ (mot qui vient de “gnose“ qui, en grec, veut dire : connaissance). Ils prétendaient offrir à une certaine élite seulement - évidemment - des connaissances supérieures sur Dieu et surtout sur l’Incarnation, conçue comme un système complexe de la “descente“ de Dieu parmi les hommes. D’après ces courants, cette “descente de Dieu“ s’était opérée grâce à des émanations d’êtres intermédiaires (les “éons“) dont les accouplements étranges faisaient revivre les anciennes théogonies mythologiques. Encore là, rien de nouveau sous le soleil !

Irénée combattit tous ces mouvements hérétiques, principalement dans son ouvrage bien connu : “Adversus haereses“.

- Il réfute dans une langue grecque qu’il qualifie d’imparfaite afin de mieux se faire comprendre des Celtes : “dans notre action auprès d’eux, dit-il, nous usons souvent de la langue barbare“. Autrement dit, Irénée sait s’adapter ! Il sait déjà pratiquer l’inculturation, comme on dit aujourd’hui !

- Pour convaincre ses lecteurs, auditeurs, Irénée ne manie aucunement les invectives (comme d’autres le faisaient à cette époque), ni même l’ironie - ce qui lui aurait été facile -. Il cherche toujours à convaincre avec respect. Il conçoit sa prédication comme une mission de paix, comme l’indique le nom qu’il porte et dont il a conscience (Irénée dérive du mot grec qui veut dire : “Paix“ !). Il sera toujours un agent de liaison, d’union, de paix. “De toute notre âme, écrit-il, nous leur tendons la main et nous ne nous lassons pas de le faire !“. Bel exemple de dialogue !

- Sa pensée est toujours très simple, claire tout en restant profonde : “Le Verbe de Dieu, écrit-il, poussé par l’immense amour qu’il nous portait, s’est fait ce que nous sommes afin de nous faire ce qu’il est lui-même !“. C’est concis, clair et facile à retenir. Bel exemple du savoir de transmettre.

- Il se réfère toujours à la doctrine des apôtres. C’est l’un de ses arguments principaux. Il ne cache pas son attachement à l’Eglise de Rome, parce que fondée par les “colonnes de l’Eglise“, Pierre et Paul. Bel exemple encore d’un attachement à l’Eglise du Christ ! Il précisait d’ailleurs que “la vraie théologie chrétienne nait de l’écoute et de la réflexion sur la Parole de Dieu suivant l’enseignement de la foi de l’Eglise“. Autrement dit : Ecritures et Tradition“, comme on dit aujourd’hui.

- Ecrivain, missionnaire, prédicateur…, il tenait avant tout à sauvegarder la charité, la tolérance. Il conseille même au pape (Victor) de ne point excommunier facilement ceux qui s’écartent de la Doctrine, car, disait-il, “il n’y a pas de Dieu sans bonté !“. Beau rappel de la miséricorde de Dieu !


Est-il mort martyr ? Historiquement, on ne peut l’affirmer avec précision. Cependant, l’Eglise, suivant les indications du martyrologe hiéronymien (4ème siècle), de St Jérôme et de St Grégoire de Tours, le pense et l’affirme.

Enfin, on peut remarquer que St Irénée est cité bien des fois dans les textes du Concile Vatican II, surtout à propos de Marie, la Mère de Jésus. Il écrivait clairement : (Adv. haer. V, 19,1)
- “Comme vraie mère, Marie garantit que Dieu a tout assumé de nous jusqu’à devenir "Fils de l’homme" ; donc nous sommes entièrement assumés et entièrement sauvés.
- Comme Vierge divinement féconde, Marie garantit que c’est Dieu qui est né d’elle, et qu’ensuite il sauve vraiment : avec sa puissance divine“.

Prions St Irénée, théologien, missionnaire, pasteur…pour notre Eglise du Mans, pour l’Eglise Universelle !

lundi 27 juin 2011

St Cyrille d'Alexandrie

27 Juin 2011 -

Faire mémoire de St Cyrille d’Alexandrie (+444), c’est affirmer - et il est bon de s’en souvenir aujourd’hui - que Dieu, au milieu des turbulences de ce monde, conduit providentiellement son Eglise, elle-même souvent agitée, afin que toujours elle puisse transmettre l’Amour de Dieu et proclamer la saine doctrine ! Et cela - il faut encore le souligner - par l’intermédiaire de grands saints certes, mais, parfois, au caractère bien trempé et pas toujours facile. Un professeur de patrologie disait un jour qu’il mettrait facilement Origène dans l’Assemblée des Saints à la place de St Jérôme qui, on le sait, possédait un tempérament - disons - bien marqué ! Ainsi, Cyrille d’Alexandrie avait, lui aussi, du tempérament. Mais c’est un saint ! Un Saint pas commode, mais un Saint ! Cela arrive, m’a-t-on dit ! C’est pourquoi il ne faut jamais en rester aux apparences !

Il faut dire qu’il avait de qui tenir. Le patriarche de cette grande cité, aux mille remous intellectuels, Théophile, était son oncle paternel. Il assura sa formation et l’ordonna prêtre. Et, plus pour des considérations de personnes que pour des raisons de doctrine, il s’opposa fortement, dans un contexte politique et ecclésial compliqué - c’est souvent le cas - au saint évêque Jean Chrysostome. Il partit, suivi de Cyrille, pour la ville impériale et réussit malheureusement, lors du fameux “Conciliabule du Chêne“, à le faire déposer et exiler ! Et on sait que, par la suite, Cyrille consentit difficilement à admettre l’injustice commise envers ce grand patriarche de Constantinople appelé “Bouche d’or“, au point qu’après le Concile d’Ephèse, un évêque, Isidore de Péluse, lui reprocha d’être obstiné dans ses inimitiés !

D’ailleurs, à la mort de son oncle, il fut difficilement élu pour lui succéder. Et d’après un historien de l’époque - un certain Socrate - qui lui était peu favorable il est vrai, Cyrille aurait immédiatement provoqué, par des décisions autoritaires visant les Novatiens et les Juifs de la cité, d’importants troubles au point que, morts s’en étant suivis, des plaintes furent transmises à l’empereur !

Peut-être que, providentiellement, son tempérament vif, fougueux (n’oublions pas que nous sommes en Orient et que, là-bas, le sang monte vite à la tête !) le préparait à ce qui allait le rendre célèbre et l’élever au rang des grands défenseurs de la foi catholique : sa lutte contre Nestorius !

Cyrille, malgré les turbulences initiales de son épiscopat, s’adonnait grandement à son ministère de diverses manières mais surtout par l’enseignement. Nestorius, moine et prêtre d’Antioche, fut élevé sur le siège de Constantinople, en 428. Il menait une vie très austère, combattant durement et avec excès les ariens et autres hétérodoxes, fustigeant les mondanités de son temps. Certains historiens (Socrate, Théodore) le qualifiaient d’hypocrite. Le fait est, en tous les cas, qu’il finit par préférer ses propres idées théologiques à la saine doctrine des Pères. On le sait, il affirmait qu’en Jésus Christ, il y avait deux personnes, que le Verbe de Dieu n’avait assumé l’humanité que comme un vêtement à endosser, et qu’en conséquence, la Vierge Marie, n’était pas “théotokos“ (“mère de Dieu“), mais “Christotokos“ (“mère du Christ“).

On s’indigna vivement… Et Cyrille ne fut pas long à réagir. Il adressa une réfutation à Nestorius ainsi que plusieurs lettres sans recevoir de réponses… Il porta alors l’affaire à Rome. Le pape Célestin convoqua un synode qui approuva les écrits de Cyrille ; et ce pape lui demanda de transmettre une lettre à Nestorius l’invitant à accepter sans équivoque la croyance catholique, faute de quoi il serait déposé !

Non seulement, Cyrille obéit au pape. Mais il rédigea en outre une longue exposition de la foi de l’Eglise sur l’Incarnation qui commence par le symbole de Nicée et se termine par douze anathématismes qui, il faut le dire, ne lui avaient pas été demandés de rédiger et qui n’étaient pas tous très clairs. Ce qui ne fit qu’aggraver les discordes et les agitations.
Il faut passer sur les événements très mouvementés… Finalement Nestorius fut condamné par le Concile d'Ephèse, en 431 qui précisera et proclamera l'union hypostatique des deux natures, humaine et divine, en Jésus Christ !
Il y eut, jusqu’à nos jours, beaucoup de remous autour de la figure de Cyrille d’Alexandrie. Le célèbre Mgr Duchesne, dans son “Histoire ancienne de l’Eglise“ fait ressortir, avec exagération semble-t-il, son caractère véhément, impérieux, dominateur. Cependant, il faut surtout reconnaître que la théorie nestorienne se serait achevée par la négation du Verne incarné, avec des conséquences immenses pour la relation de tout homme avec Dieu.

Que peut-on retenir ?

- D’abord une invitation à l’action de grâces : le Christ conduit toujours son Eglise, la protège ! Sans lui, elle aurait disparue depuis longtemps, comme toute œuvre humaine. La prière du Seigneur est permanente : “Père, je ne te demande pas de les retirer du monde (ses disciples), mais de les garder du Mauvais… Consacre-les par la vérité. Ta Parole est vérité… Pour eux, je me consacre moi-même afin qu’ils soient consacrés, eux aussi, par la Vérité !“ (Jn 17-15-19). ...Action de grâces qui doit nous remplir également d’espérance. N’ayons donc pas peur !

- De plus, quand le Pape parle, c’est Pierre qui parle, comme on le dira plus tard de St Léon : “C’est Pierre qui a parlé par la bouche de Léon !“. Jésus n’avait-il pas dit à son apôtre : “J’ai prié pour toi, afin que ta fois ne défaille pas !“ (Lc 22.32). – Ainsi s’appuyer sur l’enseignement du pape, c’est s’appuyer sur Pierre, sur le Christ. Et ainsi, n’ayons pas peur !

- Enfin, comme le disait naguère le Cardinal Saliège, “il y eut des Saints de tempérament un peu rude, rude pour eux-mêmes et rude pour les autres !“. On serait tenté parfois de confirmer leur sainteté, tout en canonisant leur entourage ! Que voulez-vous : les Saints eux-mêmes ne sont pas parfaits. Mais ils aiment Dieu à la folie !

dimanche 26 juin 2011

Fête-Dieu !

Corps du Christ 11/A

Prononcer des paroles le jour de la fête du Corps et du Sang du Christ est toujours un danger, un danger de parler trop légèrement et maladroitement. Pourquoi ?
- Parce que parler du Corps et du Sang du Christ, c'est vouloir rendre compte de ce que vous vivez intimement chaque dimanche, chaque jour en venant, ici ou ailleurs, participer à l’Eucharistie.
- Parler du Corps et du Sang du Christ, c’est vouloir parler d’une réalité si riche que ni les paroles, ni les images ne peuvent y suffire ! D’ailleurs, au cours des siècles, on a additionné les mots pour désigner ce don immense du Christ : Repas du Seigneur, Cène du Seigneur, Saint Sacrifice, Eucharistie, Communion... Chacun de ces mots révèle un aspect du Mystère, car il est impossible d'en faire le tour. Il faut choisir.

Aussi, je n’ai retenu, ce matin, que deux aspects en forme de question :
- La première, on la pose souvent : La “présence réelle du Corps et du Sang du Christ”, comment le croire, le dire ?
- La deuxième, vous l'entendez souvent. Célébrer chaque jour ou chaque dimanche le Mystère de cette présence du Christ, à quoi ça sert ?... À quoi ça nous avance ?

Oui, et d’abord cette interrogation : “Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ?” Qui a prononcé cette phrase ? Ce sont, déjà, les premiers auditeurs de Jésus quand il a tenté de leur parler du “Pain Vivant“. St Jean nous le rapporte dans son évangile.
Et parmi nous, qui ne s’est pas, qui n'a pas, un jour ou l'autre, interrogé ? “Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ?” C'est vrai que ce langage sanglant nous choque : “manger la chair, boire le sang” !

Même pour un croyant, la question est de taille. Il s'agit de la présence réelle du Christ à la messe ! Et la parole de l'Église est claire, pas question de la minimiser ! La foi de l'Église est formelle. Les chrétiens sont convaincus que c'est bien le Christ qu'ils reçoivent quand ils communient. Cette affirmation, il est vrai, peut étonner, et tant mieux finalement, parce que l'Eucharistie est une réalité étonnante, merveilleusement étonnante. Étonnante mais pas incompréhensible, mystérieuse mais pas absurde. Il ne nous est pas demandé de croire des absurdités qui alimenteraient des accusations faciles et sordides contre le Christianisme, religion cannibale.

Alors que veut donc dire exactement l'Évangile avec ces mots-là ? Les exégètes nous éclairent : l'expression corps et sang, dans la langue hébraïque, n'a pas la même signification qu'en français. Le corps, c'est la personne tout entière, le sang, c'est le symbole de la vie. Lorsque Jésus dit : “Ceci est mon corps, Ceci est mon sang”, c'est comme s'il disait : “C'est ma vie, c'est moi tout entier” !
Quand nous communions, nous communions à sa Personne vivante. Nos dents ne croquent pas sa chair, mais nos cœurs accueillent sa vie, toute sa vie. Sa présence n'est pas comme une présence matérielle, chimique. Il s’agit d’une Personne - la Personne du Fils de Dieu - avec un Corps bien sûr, mais un Corps ressuscité, glorieux ; C’est la présence vivante d’un Amour - Dieu est Amour - qui se propose à une rencontre qui se fait nourriture de vie. Oui, les chrétiens choisissent de s'alimenter à ce Pain-là !

Un jour, un jeune homme demanda à un prêtre : “Comment est-ce possible que le pain et le vin deviennent Corps et Sang du Christ ?”. Le prêtre répondit : “Puisque ton corps transforme le pain et le vin en chair et en sang, pourquoi cela ne serait-il pas possible à Dieu ?”.
Mais l’autre d’insister : “Mais comment une si petite hostie peut-elle être tout le Christ ?”. Le prêtre lui dit : “Regarde la campagne qui se trouve devant nous. Elle est grande et tes yeux sont bien petits ; pourtant une image de toute cette belle campagne se trouve dans tes yeux. Pourquoi cela ne serait pas possible au Christ-Dieu de se faire aussi petit qu’une hostie pour venir en toi. Dieu est si grand qu’il peut se faire tout petit”.
Mais le jeune homme d’insister encore : “Comment le Christ peut-il être dans toutes les églises en même temps ?”. Le prêtre prit un miroir et le laisse se regarder dedans. Puis il jeta le miroir au sol et dit : “Même dans chaque morceau de ce miroir tu peux voir en même temps ton image !”.
Ce ne sont là que des comparaisons, mais comparaisons pour une réalité merveilleuse : Dieu avec nous ; chacun de nous avec Dieu, en Dieu !

Et c’est là déjà répondre à la deuxième question : celle que beaucoup de jeunes et même des adultes posent : “La messe, à quoi ça sert ? Aller à la messe, à quoi ça vous avance ?”
Bonne question, finalement ! Que faisons-nous à la messe ? Quelle présence avons-nous à la messe ? Avons-nous une présence réelle ou répétons-nous des mots qui ne brûlent plus personne, des rites ponctuellement exécutés mais un peu vides de sens ?

Non, c’est bien une présence réelle que nous venons chercher, une présence divine, active. L’Eucharistie n'est pas une dévotion. C'est une action, une “liturgie“ (“leitos“ - “urgos“ : travail en commun - et avec Dieu et avec nos frères).

L'Action eucharistique doit nous rendre actifs, acteurs dans le monde. La phrase de Jésus : “Faites ceci en mémoire de moi” ne signifie pas seulement : “Faites ce repas en souvenir de moi”. Certes pas ! Mais : “dans ce repas, j'offre ma vie par amour ; faites-en autant avec moi. Unissez-vous a moi pour marcher (vivre) comme moi-même j’ai marché (vécu)” (Cf 1 Jn 2.6). À la Cène, le Jeudi Saint, Jésus a donné sa vie ; nous refaisons ce repas pour apprendre à donner la nôtre.
Bien sûr, l'Eucharistie est et doit être une communauté de table liturgique, rituelle, mais c'est à nous d'en faire aussi une communauté de table réelle. Je veux dire : comment se nourrir réellement de la vie du Christ si nous prenons notre parti des inégalités et des injustices du monde et de nos sociétés et de tout près de nous, où les uns sont repus et les autres se retrouvent chaque année devant un grenier vide ?

Ou encore, si nous communions chaque dimanche à la messe, pas question de nous excommunier. Pas question de dresser des barrières de haine ou même des murs d’indifférence entre les races, les cultures, les religions, ou tout simplement entre membres d’une même famille. C'est donc bien après l’Eucharistie que l'on sait si l’Eucharistie a été vraiment vivante, après l'Eucharistie que l'on sait si cette Eucharistie nous fait vivre (même si elle a été célébrée avec quelques fausses notes) !

Oui, l’Eucharistie nous donne bien le Christ en chacun de nous. Si bien que nous sommes, vous êtes le Corps du Christ (1 Co 12.27) ! Alors, que faisons-nous de lui… tout au long des jours ?

samedi 25 juin 2011

le rire de Dieu

T.O. 12 imp. Samedi - (Gen 15.1sv)

Faute de temps, je ne ferai, aujourd’hui, qu’une courte réflexion écrite trop rapidement ! Une simple réflexion, surtout pour faire remarquer que nous sommes face à un Dieu très souvent “déconcertant“, si je puis dire ! D’ailleurs, n’est-il pas un Dieu immanent et transcendant tout à la fois ? Aussi fait-il éclater nos petites idées (que l’on élabore péniblement sur lui, et parfois avec trop d’orgueil !) …et par en haut et par en bas !
- et par en haut : l’immensité du ciel, la profondeur de la mer… ; c’est ainsi qu’il se révèle dans l’A.T. surtout : le tonnerre, les éclairs, etc…
- et par en bas, surtout dans le N.T. : Dieu puissant qui se fait homme impuissant : la crèche, la vie cachée, la croix… etc.

C’est un Dieu transcendant et immanent tout à la fois. A chaque fois qu’il intervient dans la vie d’un homme, il fait “sauter en même temps et le plafond et le plancher“ de son existence. Et c’est d’autant plus sublime et banal tout à la fois que, la plupart du temps, on ne s’y attend pas. D’ailleurs, en général, on devrait se méfier beaucoup de tout sublime qui n’est pas banal. Les deux sont souvent inextricablement mêlés. Dieu s’infiltre dans notre vie de façon extrêmement banale et sublime en même temps !

Aussi, dans ses interventions, Dieu a parfois de l’humour, beaucoup d’humour. Dieu rit parfois ! Et peut-être souvent ! C’est ainsi qu’Abraham se trouve face à Dieu complètement déconcertant. Quand Dieu lui annonce la naissance d’un fils, Sara rit : comment une vieille femme peut-elle enfanter ? Et la réponse du mystérieux personnage ne se fait pas attendre : “Y-a-t-il quelque chose de mystérieux, d’extraordinaire pour Dieu ?“. Une phrase qui résonne à travers toute la Bible, jusqu’au N.T., lors de l’Annonciation : “Il n’y a rien d’étonnant pour Dieu“ (Lc 1.37).

Abraham et Sara crurent finalement en la parole de Dieu. Et, après Ismaël qui n’était pas le fils de la promesse, naît Isaac - qui veut dire “rire“ - Tout le monde rit, du coup. Et Dieu lui-même certainement. “Abraham avait cent ans quand lui naquit son fils Isaac. Sara s’écria : « Dieu m’a donné sujet de rire ! Quiconque l’apprendra rira à mon sujet ! ». Elle reprit : « Qui aurait dit à Abraham que Sara allaiterait des fils ? Et j’ai donné un fils à sa vieillesse !“ (Gen 21. 1sv) – Oui, tout le monde rit ! Isaac ! Dieu a ri !

C’est vers ce Dieu que nous sommes en route, depuis notre naissance, notre baptême, notre profession religieuse… On se met en route à la découverte non pas du Dieu des philosophes, mais de ce Dieu vivant d’Abraham, d’Isaac et de Jacob… Et ce Dieu vivant, si nous nous mettons à son école, nous fait faire l’expérience parfois de choses vraiment déconcertantes et extraordinaires en même temps. C’est ce que la lettre aux Hébreux notera : Dieu nous mène vers une ville pourvue de fondations dont il est l’architecte et le fondateur… Il nous mène “al mouth“… au-delà de la mort. Car Dieu est capable de ressusciter des morts affirmera finalement Abraham (Cf. Heb.11)

Et disant cela à la suite d’Abraham, notre “Père dans la foi“, on a tout dit de notre vie. C’est l’histoire de toute destinée de celui qui prend la route à la recherche de Dieu. La Sainte Vierge, dans son Magnificat, chante l’accomplissement des “promesses faites à Abraham et à sa descendance pour toujours“. Et nous-mêmes, nous nous mettons en route sans savoir où nous allons exactement. Et un jour viendra - ce sera le jour de notre véritable naissance ; et tout le monde rira ; et Dieu lui-même sans doute - où nous serons, nous aussi, à notre mont “Moriah“, le mont de la vision. Nous ferons l’expérience - peut-être au fond de l’absurde, de l’incompréhensible - que Dieu ne nous a pas quittés du regard. Et alors, nous aussi, nous rirons ! Car nous serons au seuil de cette expérience : nous verrons Dieu comme il nous voit ! Et cette connaissance sera transformante : nous serons divinisés, dit St Jean en quelque sorte (I Jn).

C’est toute la destinée de notre “Père dans la foi“. C’est la nôtre. Alors, sachons, malgré les difficultés, accueillir le “rire de Dieu“ : il saura transformer nos souffrances elles-mêmes en exultations joyeuses en sa gloire divine, comme la croix du Christ est devenue glorieuse au matin de Pâques !

vendredi 24 juin 2011

Jean-Baptiste !

24 Juin 2011 - "

La lecture de la fête d’aujourd’hui est extraite du second “chant du Serviteur“ (d’Isaïe). Elle se présente comme un récit de vocation prophétique, bien que ce texte ne comporte aucun des détails de ce genre de narrations (Cf. Is 6 ; Jer. 1 ; Ez. 1.1 ; 3.27). Et Jean-Baptiste n’est-il pas "plus qu’un prophète" ? (Mth 11.9)

Ce texte prophétique s’ouvre sur un appel empreint de solennité : “Ecoutez-moi, îles lointaines ! Peuples éloignés, soyez attentifs !“ (Cf. Is. 41.1). Ainsi est soulignée la visée universaliste du récit qui se retrouve à la fin : “…pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre“ ! Jean-Baptiste sera bien le prophète du Rédempteur du monde ! Ecoutez donc, îles lointaines

A la différence des rois et des prêtres, tous issus de la lignée de David ou de celle de Lévi, le prophète a conscience d’avoir fait l’objet d’un appel personnel de la part de Dieu ; souvent contesté par le peuple, ses chefs et surtout par les prophètes de mensonge, il authentifie son ministère en évoquant sa vocation.
Amos déjà insistera sur l’irruption du Seigneur dans sa vie : “Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais un simple berger et je taillais les figuiers. Mais le Seigneur m’a saisi… et m’a dit : « Va, tu seras prophète pour mon peuple ! »“ (Am. 7.14-15).
A propos de Jérémie, on parlera de prédestination, en quelque sorte : Au jour de sa vocation Dieu lui déclare en effet : “Avant même de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les peuples“ (Jr 1.5).
Et le Serviteur-prophète (d’Isaïe) s’inspire de ce langage divin quand il affirme : “J’étais encore dans le sein maternel quand le Seigneur m’a appelé…, quand il a prononcé mon nom“ (49.1-5).
Ainsi, Jean-Baptiste “bondit dans le sein de sa mère “ à l’approche du Fils de Dieu (cf. Lc 2.41).
Comment marquer plus fortement la gratuité de toute vocation que St Paul rappellera : “Dieu m’avait mis à part dès le sein de ma mère et, dans sa grâce, il m’avait appelé !“ (Gal 1.15).
En conséquence quelle humilité doit ressentir tout serviteur de Dieu, prophète appelé gratuitement, humilité qui sera celle de Jean-Baptiste : “Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue“ (Jn 3.30). Pas le moindre signe d'orgueil chez ce "plus grand parmi les hommes" !

Et le Serviteur-prophète se présente ensuite, par des images suggestives, comme un instrument choisi par Dieu : sa bouche est une épée tranchante, une flèche affilée et rapide. C’est le symbole de la puissance de la Parole de Dieu qui, par le prophète, frappe les impies parce qu’elle discerne avec justesse et efficacité (Cf. Is. 11.4 ; Os 6.5 ; Ez 5.1 ; Ap. 1.16… Cf. Jr 51.11 ; Ps 127.4-5…) ; L’auteur de la lettre aux Hébreux écrira : “Elle est vivante, la Parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle pénètre au plus profond de l’âme… Elle juge des intentions et des pensées du cœur… Tout est nu devant elle, dominé par son regard“ (Hb 4.12-13). Ces armes de choix, le Seigneur les tient en réserve pour le jour du combat : “Engeance de vipères, tonitruera Jean-Baptiste, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient… Déjà la hache est prête à attaquer la racine des arbres…“ (Mth 3.7sv).

Aussitôt après, le prophète rapporte les paroles par lesquelles Dieu lui a signifié le choix dont il a fait l’objet de sa part : “Tu es mon Serviteur, Israël ; en toi je me glorifierai !“. Certains ont été étonné de la mention “Israël“ qui qualifie le Serviteur. Mais dans le livre de la Consolation, le peuple d’Israël est plusieurs fois désigné comme le Serviteur de Dieu (Cf Is 41.8-9 ; 44.1-21 ; 45.4), comme investi par lui d’une mission décisive dans le monde entier : “Vous êtes mes témoins… Et moi je suis Dieu“ (Is 43.10,12). Il avait cette vocation de témoigner du Dieu Unique aux yeux de toutes les nations païennes !
Jean-Baptiste, le plus grand parmi les hommes (cf. Mth 11.11), qui récapitule en quelque sorte tous les prophètes de l’A.T., qui est le nouvel Elie, le plus grand des prophètes (Cf Mth 1113.-14 ; cf. 17.10sv) accomplit cette même mission au nom de tout le peuple. Il dira en désignant Jésus : “Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde !“ (Jn 1.29).

Sans transition, le texte nous fait entendre ensuite les plaintes du Serviteur constatant l’apparente inutilité de ses efforts : “Je me suis fatigué pour rien“. Comment ne pas se souvenir des réflexions désabusées de Jérémie en proie au découragement : “Seigneur…, A longueur de journée, je suis en butte à la raillerie, et tout le monde se moque de moi !“ (Jer. 20.7). N’est-ce pas ce sentiment proche du découragement qu’avait Jean-Baptiste dans sa prison lorsqu’il faisait demander à Jésus : “Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?“ (Mth 11.3).
Cependant le Serviteur se ressaisit et exprime une confiance indéfectible dans la fidélité de Celui qui l’a envoyé : en dépit des apparences, “mon droit subsistait aux yeux du Seigneur, ma récompense auprès de mon Dieu“. Jean-Baptiste ira vers la mort, rempli de cette même certitude, grâce à la parole de Jésus : “Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient…, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée.. .“ (Lc 7.22). Alors, Jean pourra mourir dans cette certitude : “Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur ; c’est mon Dieu qui est ma force“. Dieu, en effet, par Jésus, confirmera sa mission, comme naguère pour Jérémie (Jr. 15.19-21), une double mission :
- D’abord, le Serviteur, selon le texte, doit “ramener les rescapés d’Israël“. Cette formule se comprend parfaitement dans le contexte historique de l’exil à Babylone où se situe le Livre de la Consolation : il s’agit de rassembler les dispersés, de les ramener à Jérusalem. C’est le message central de l’auteur (Cf. Is 40.1-2 ; 41.8-16 ; 43,5-6). Le message de Jean-Baptiste était d’abord pour le salut de tout le peuple, du peuple d’Israël.
- Mais le projet de Dieu ne connaît point de frontières : “Je vais faire de toi la lumière des nations pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre“. Déjà, dans le premier chant du Serviteur, le Seigneur lui disait : “Je t’ai destiné à être l’alliance du peuple et la lumière des nations“ (Is 42.6). Ainsi, la mission confiée à ce Serviteur dépasse largement celle confiée jadis à Moïse. Cette ouverture universaliste est sans conteste un des traits caractéristique du Livre de la Consolation. Ce fut la mission de Jean : “Il n’était pas la lumière, mais il devait rendre témoignage à la lumière“ - “Je suis la lumière du monde, dira Jésus, une lumière “qui conduit à la vie“ pour tous (Jn 1.8).

Et n’oublions pas : le Serviteur qui a reçu gratuitement sa mission du Seigneur n’est que Serviteur ! "Il faut qu'il grandisse, dira Jean-Baptiste à propos de Jésus, et que je diminue" (Jn 3.30). Cette consigne est d'une telle force qu'elle a présidé au choix même de la fête de ce grand saint : c'est à partir de sa fête que le soleil commence à décliner à l'horizon pour qu'à Noël, à la venue de Jésus, cette même lumière grandissante puisse devenir image de Celui qui est Lumière de monde.

mercredi 22 juin 2011

Alliance avec Dieu

T.O. 12 imp. Mercredi - (Gen 15.1sv)

“Ne crains pas, Abraham ! Je suis ton bouclier !“, ton protecteur ! Ce qui est à souligner, c’est que le Seigneur annonce à Abraham qu’il sera son protecteur, voire son “Goël“, c’est-à-dire son Rédempteur, après que lui-même se soit fait le protecteur, le “rédempteur“ de son neveu Lot capturé et emmené en déportation par des rois ennemis… (Cf Gen 14). - Abraham était aussitôt parti en campagne et avait délivré Lot ! Dès le début de l’Histoire Sainte, il est annoncé à Abraham que la protection de Dieu, voire sa “Rédemption“, se révèle, doit se révéler dans le creux de ses interventions comme “goël“, rédempteur à l’égard de son neveu Lot, à l’égard de tout frère.

C’est, me semble-t-il, un grand sujet de réflexion. Si la “Rédemption du monde“ a bien eu lieu, il y a 2.000 ans par la passion et la résurrection du Christ, elle ne cesse, elle ne doit cesser de s’actualiser, en union avec notre Rédempteur, par nos actions en faveur de nos frères ! Jésus disait à Ste Thérèse d’Avila : “Ne t’afflige pas pour ces plaies (de ma passion), mais pour celles en nombre considérable qu’on me fait maintenant !“. Et si nous sommes affligés, nous aussi, de ces plaies actuelles, c’est à nous également, en union avec le Seigneur, de contribuer actuellement au rachat de tous nos frères les hommes ! A l’exemple d’Abraham, notre Père dans la foi !

Mais cette parole divine - “Ne crains pas, je suis ton protecteur !“ – qui a pour but de réconforter Abraham a pour effet, dirait-on, de l’inquiéter. Si le Seigneur lui a dit cela, c’est qu’il y a en lui comme un germe de malaise… Et il l’exprime à sa façon : Oui, bien sûr, il veut bien croire aux promesses divines… Oui ! Mais enfin, à l’âge que j’ai, se dit-il… Et je m’en vais déjà, et je m’en vais sans enfant ! Et c’est mon intendant qui héritera de moi ! - N’est-ce pas parfois notre réaction ? Oui, je crois en Dieu ! Certes ! Mais on dirait que plus je crois, moins je suis dans le bonheur promis !

Alors, le Seigneur dit à Abraham : ce ne sera pas l’intendant ton héritier. Ce sera quelqu’un de ton sang ! Et ce qui est frappant à propos de cette postérité déjà promise, c’est qu’en renouvelant cette promesse, le Seigneur l’élargit considérablement. Il affirme maintenant que sa postérité sera comme les étoiles des cieux. Cependant, toujours rien de précis. - Comme plus tard la Vierge Marie, Abraham pouvait penser et pensait : “Comment cela se fera-t-il ?“. Question qui est si souvent la nôtre !

Mais “Abraham eut foi dans le Seigneur, est-il dit, et pour cela le Seigneur le considéra comme juste !“. C’est une phrase capitale qui atteste que la foi est un acte de confiance dans les promesses du Seigneur, humainement irréalisables. De même origine que le mot “Amen“, le terme traduit par “foi“ exprime encore la vérité, la fermeté, la fidélité. Et Dieu reconnaît à Abraham le mérite de cet acte (Cf Dt 24.13 ; Ps 106.31) qui le rend juste, qui l’ajuste à Dieu. La justice n’est pas avant tout une vertu morale ; elle implique d’abord un accord avec le dessein de Dieu exprimé par ses promesses. Le prophète Isaïe insistera particulièrement sur la foi que le Seigneur attend de son peuple (Is 7.9 ; 28.16 ; 30.15…).
Et St Paul utilisera cette phrase pour prouver que la justification dépend de la foi et non des œuvres, en insistant fortement sur la gratuité - parfois paradoxale - du don de Dieu (Rm 4). Alors même, bien sûr, que St Jacques invoquera le même texte pour condamner la foi “morte“, sans les œuvres de la foi (Jc 2). Si Dieu a choisi librement d’être le protecteur d’Abraham, Abraham doit être le libre protecteur de ses frères… - Terrible question pour chacun de nous ! [C’est tout cela qui est contenu dans le mot “Amen“ que nous disons si souvent].

Et il y a le signe de cette promesse divine reçu par l’“Amen“ d’Abraham : le rite de l’Alliance (Cf Jr 34.18). Un important contrat était souvent scellé par le sacrifice d’animaux. Et chacun des contractants passait entre les chairs sanglantes, appelant sur lui le même sort s’il transgressait l'engagement. Cependant, ici, Dieu… - sous le symbole du feu, comme plus tard au buisson ardent (Ex 3.2) et avec la “colonne de feu“ au désert (Ex 13.21) et sur la montagne fumante du Sinaï (Ex. 19.18) - … Dieu passe seul entre les animaux partagés, car son alliance est un pacte unilatéral.

Et finalement, Dieu en Jésus Christ, viendra verser son propre sang en signe de l’Alliance éternelle ! Et St Paul pourra résumer : “C’est lui, Jésus, que Dieu a destiné à servir d’expiation par son sang, par la moyen de la foi, pour montrer ce qu’était sa justice !“ (Rm 3.25). Et la lettre aux Hébreux précisera : “Le Christ est venu, grand prêtre des biens à venir (des promesses divines). C’est par son propre sang qu’il a obtenu une libération définitive“ (Hb. 9.11-12). Oui, dira St Jean, “le sang de Jésus nous purifie de tout péché“ (I Jn 1.7).

Mais dites-moi, aujourd’hui encore, “la coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas communion au sang du Christ ?“ (I Co. 10.16). Et ainsi, “au moment de la consécration, les deux mille ans qui nous séparent de la Croix rédemptrice sont abolis ; nous sommes là comme l’étaient la Vierge et St Jean“ (Card Journet). On ne peut aller au-delà ni rien ajouter après l’Eucharistie ; il n’est rien vers quoi on puisse tendre ; il faut s’arrêter là“ (Nicolas Cabasilas). Que ce mystère inauguré avec Abraham, notre “Père dans la foi“, actualisé en nos âmes par la foi, est grand ! Oui, il est grand le mystère de la foi !

mardi 21 juin 2011

Pauvre richesse !

T.O. 12 imp. Mardi - (Gen 13.2sv)

La lecture d’hier nous a rappelé la “vocation d’Abraham“, notre “Père dans la foi“ : “Quitte ton pays… vers le pays que je te ferai voir“ (Gen 12.1) ! Ou mieux, en mot-à-mot : “Pars pour toi“, pour ton épanouissement, ton bonheur ! Tant il est vrai que l’amour de Dieu n’est jamais captatif. Ce n’est pas un amour comme il y en a souvent chez les hommes, un amour qui dit : “Viens ici que je te prenne pour moi, que je t’accapare“, un amour qui considère l’autre comme une richesse à soi, cette richesse dont il va être question dans la suite du récit.

L’amour de Dieu, lui, est toujours un amour qui offre, qui va même jusqu’à s’offrir en Jésus Christ ! - “Va pour toi… vers le pays que je te ferai voir“. Et pour cela Dieu lui fait une promesse : une nombreuse descendance… Abraham croit, bien qu’il soit vieux. Abraham “notre Père dans la foi !“ ! Abraham part et il arrive en Canaan, le pays promis. Or, chose étrange : à son arrivée, il y a une famine. Curieuse coïncidence ou épreuve de la foi ? C’est que Dieu donne ; et il donne toujours. Mais il donne au-delà de ce que nous pouvons penser, imaginer humainement. Et comme pour nous faire percevoir un bien divin, inimaginable, il promet par-delà des apparences qui paraissent souvent très contradictoires. Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet !

Puis il est dit qu’Abraham quitte le pays que Dieu lui a promis et va en Egypte ! Et là, il y a un épisode très curieux à propos de Sara (Gen 12.10sv) sur lequel les exégètes sont très partagés… Vous lirez si cela vous intéresse !

Peu importe d’ailleurs. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’Abraham revient d’Egypte avec son neveu Loth ; ils reviennent tous deux très riches. Alors il y a cette phrase très significative et remarquable : “Ils (Abraham et son neveu Loth) avaient de trop grands biens pour pouvoir vivre ensemble“ (12.6). Ce sera souvent un refrain dans la Bible : l’amélioration du “standing de vie“ ne résout pas tous les problèmes de la condition humaine ! D’ailleurs, la richesse est souvent encombrante. Et plus on est riche (de quelque richesse que ce soit), plus on a tendance à se “recroqueviller“ sur son avoir, son pouvoir, sur soi-même. Car plus on est riche, moins on a envie de partager, l’autre, quel qu’il soit, apparaissant facilement comme un gêneur potentiel.

Alors, Abraham et Loth décident de se séparer ! C’est toujours triste une séparation surtout quand la raison n’est pas très glorieuse. Oui, la richesse est souvent triste. “Ne faites donc pas attention à ce que vous avez, disait Grégoire le Grand l’auteur de la vie de St Benoît, mais à ce que vous êtes !“ : Aussi, Abraham dit à Loth avec une triste sagesse humaine : “Nous n’allons pas nous disputer ; nous sommes frères !“. Et Abraham, magnanime, propose : “Si tu vas à droite, j’irai à gauche ; si tu vas à gauche, j’irai à droite !“. Loth va vers une région alors paradisiaque. (L’oncle est très gentil ; je l’aime bien, doit-il se dire ; mais, les affaires sont les affaires, n’est-ce pas ?). Abraham va donc vers une région plus austère.

Certes, la pauvreté n’est pas à rechercher pour elle-même. Etre pauvre, ce n’est pas enviable. Je n’ai encore jamais rencontré un pauvre qui me dise le contraire ! - Mais il faut aussi savoir être riche des biens dont on sait pouvoir se passer. Car cette sorte de richesse-là contient le secret de l’espérance. “Les pauvres ont le secret de l’espérance !“ (G. Bernanos). Car la pauvreté nous fait refuser facilement ce qui est de l’ordre du fini pour nous ouvrir à l’infini. Et cette sorte de richesse est acquise non pas spécialement en vidant nos mains, nos têtes, nos cœurs (comme dit Madeleine Delbrel), mais en creusant nos mains, nos têtes, nos cœurs en vue du Royaume de Dieu qui ne passe pas !

Rappelons-nous la réflexion de l’évangéliste à propos du jeune homme riche : Jésus le regarda et l’aima. Mais lui, tout triste, s’en alla, car il avait de trop grands biens ! Tant la richesse des biens de ce monde peut éloigner si facilement et de Dieu et de nos frères !

Mais pour comprendre cette leçon, il nous faut la foi d’Abraham qui lui a permis de surmonter l’épreuve d’une famine, d’une pauvreté. Et alors, même devenu riche par la suite, il était resté avant tout un “mendiant de Dieu“ ! Rester, avant tout, mendiant de Dieu !

dimanche 19 juin 2011

Sainte Trinité

Trinité 2011 (baptême d’Elise)

Pr. Comme vous le savez, je crois : j’ai, aujourd’hui, deux célébrations eucharistiques à célébrer dont la dernière s’accompagne d’un baptême ! Aussi, j’ai succombé à la paresse de ne pas prononcer cependant deux homélies différentes. Et comme à tout défaut, on trouve toujours une raison irréfutable parce que “nécessaire et suffisante“ comme, naguère, dans l’énoncé justificatif d’un théorème de mathématiques, j’ai pensé qu’il serait grandement dommage de ne pas vous associer, par la prière, à l’action de grâce pour la naissance au ciel d’une enfant de la terre - et je vous en remercie vivement -, tandis que je solliciterai ma seconde assemblée eucharistique à grandement considérer le bienfait, dans la Communion des Saints, de l’immense bénéfice de l’action priante de votre intercession.
Vous ne serez donc pas étonnés si mon propos fasse allusion à ce grand sacrement du baptême, en ce jour festif de l’insondable mystère de la Sainte Trinité !


Notre vie chrétienne (initiée au jour de notre baptême) est souvent dépendante de notre conception sur Dieu. Mais tous, malheureusement, nous avons, plus ou moins (bien sûr), la tentation de nous fabriquer une image divine au lieu de recevoir la révélation de Dieu par J. C. (C’est ce que j’appelle facilement “l’inversion sacrilège“ !)
- Quand, par exemple, nous nous contentons de l’observance extérieure des commandements par peur d’un châtiment, c’est que nous concevons Dieu comme un juge, parfois terrible. Mais ce Dieu-là n’est pas chrétien. “Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde”. (Jn 3.17).
- Quand nous implorons Dieu pour qu’il nous tire plus ou moins miraculeusement d’une situation difficile, c’est que nous concevons Dieu comme un Tout-Puissant, sorte de panacée à nos problèmes ou palliatif à notre peur de vivre. Ce n’est pas là le Dieu de Jésus Christ. “Cherchez la perfection, nous disait St Paul, encouragez-vous, soyez d’accord entre vous… et le Dieu d’amour sera avec vous”

“Le Dieu d’Amour !” Toutes les pages de la Bible le crient : “Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité”. (Ex. 33.6).

Oui, Dieu est Amour ! En Lui-même d’abord ! Et pour approcher faiblement de ce grand mystère, je prendrai aujourd’hui (en ce jour de baptême), la description de la plus grande des réalités humaines :
Regardez ! L’enfant n’est pas encore né ! Mais il est immergé dans un flot de tendresse. Il perçoit bien un bruit régulier et doux. Mais il ignore que ce sont des battements de cœur, du cœur de celle qui le porte et l’enveloppe de son amour. S’il saisissait son langage, il entendrait ces paroles : “Voici mon corps livré pour toi, voilà mon sang qui coule pour toi. Je te donne ma vie. Tout ce qui est à moi est à toi”. L’enfant vit de cette réalité, de cette relation extraordinaire. Mais il n’en a pas conscience. Il ne peut pas encore se situer consciemment en relation d’amour, de dire “Je” et dire “Tu”. Il lui faudra naître, se détacher du corps maternel, pour se distinguer et reconnaître comme sa source cette seconde personne que bientôt il appellera “Maman”.
Et dans le même temps, il va progressivement distinguer une autre Personne, une troisième, reconnaître un troisième visage qui lui sourit et lui dit : “Tu es mon Fils bien-aimé, tu as tout mon amour. Je suis, depuis longtemps, à l’origine de ta vie, avec ta mère, par elle, comme elle. Tu procèdes de nous deux, tu es le fruit de notre amour mutuel”.
Et bientôt, la mère et l’enfant qu’elle aura pris dans ses bras, diront ensemble : “Papa, Père”.

Cette histoire, elle est de tous les jours ; elle est nôtre. Et ce qui est bouleversant, c’est qu’à travers ces relations humaines qu’il est bon d’évoquer (aujourd’hui), nous découvrons, en transparence, une autre histoire, celle de Dieu lui-même, ce Dieu mystérieux qui s’est révélé notre “Père” en son Fils J. C., dans l’unité du Saint-Esprit.

Oui, Dieu est Amour. Le Dieu révélé en Jésus Christ n’est pas un solitaire. Il est Amour, Foyer, Famille ! Et il a créé l’homme - masculin et féminin -, à son image, à sa ressemblance, comme signe sensible et sacré (sacrement) qui nous manifeste l’amour invisible de Dieu-Trinité.
Dieu est Foyer : le Père et le Fils sont enlacés dans une étreinte incroyable ; et cette étreinte est une troisième Personne : l’Esprit Saint.
La Bonne Nouvelle de la Révélation du Dieu-Trinité nous fait entrevoir qu’il y a de la “différence” en Dieu lui-même. Je veux dire que la vie divine ne se définit pas par le retour narcissique sur soi de Dieu lui-même, mais par l’”extase” en l’autre. Chaque Personne divine n’existe que dans son rapport aux autres Personnes divines. Il faut même écarter l’idée d’un “face à face” exclusif du Père et du Fils, se suffisant à lui-même. L’Esprit Saint brise cette suffisance que l’on discerne parfois dans le “face à face” de deux amoureux ; le monde n’existe plus, alors pour eux. Au contraire, l’Esprit Saint est l’ouverture de la communion divine à ce qui n’est pas divin. Il est en quelque sorte, la manière qu’a Dieu d’exister en dehors de lui-même, dans le monde des créatures : “Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils”, par l’Esprit Saint qui a fécondé le sein de la Vierge Marie !

Alors, laissons-nous guider par cet Esprit de vérité qui nous fera non seulement comprendre de plus en plus qui est Dieu-Trinité, mais qui nous communiquera surtout cette vie que s’échangent les trois Personnes divines : “Comme le Père m’a aimé, disait Jésus, et que j’aime le Père, ainsi je vous ai aimés” (Cf Jn 15.9,23) (avec cet amour que s’échangent les trois Personne divines). Si nous voulons que notre monde, que nos relations entre nous, soient déjà, véritablement, le Royaume de Dieu, alors, il faut accepter de recevoir par l’Esprit Saint cette tendresse qui vient de Dieu et la communiquer.

Etre chrétien, c’est avoir la conviction d’être aimé par Dieu, Père. C’est croire en l’amour qui sauve en son Fils Jésus Christ. C’est fonder son espérance de vie sur l’Esprit Saint qui nous transmet cet Amour divin. Et nous savons que cet Amour divin a fait ses preuves en Jésus Christ, amour qui nous est rappelé et donné par tout sacrement (baptême, Eucharistie…).
Et si l’homme peut faire ainsi l’expérience de cet amour divin en lui-même, il ne doit pas s’attendre à des interventions extérieures et tapageuses de Dieu, à coups de miracles ou de faits extraordinaires. Dieu-Amour est au cœur de l’homme et avec lui dans les diverses circonstances de sa vie, dans l’intimité d’une rencontre, d’un événement (même pénible), d’une prière, d’un silence. Comme l’amour humain, mais plus que lui, l’amour de Dieu est projet et dynamisme de vie. Encore faut-il y croire.

Nous avons de la peine à y croire parce que dans le monde (celui dont nous parle St Jean), nous sommes habitués à nous méfier des projets des autres. Nous expérimentons si souvent le jugement des hommes au lieu de leur amour, leur intérêt égoïste et orgueilleux au lieu de leur bienveillance. Nous vivons dans un monde de requins et de loups qui s’entre-déchirent pour posséder l’avoir, le savoir et surtout le pouvoir. Mais, dites-moi : si le Soleil divin est caché derrière les nuages de nos égoïsmes orgueilleux, le mur de nos haines, cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas ! Mais comment les hommes peuvent-ils croire à la tendresse du Dieu-Amour, du Dieu-Famille, du Dieu-Trinité ? C’est impossible pour celui qui n’aime pas. Quant à celui qui n’est pas aimé, c’est difficile ; nous pourrions le nommer un “handicapé de la foi” !
Et si vous êtes dans le cas, objet de mépris ou d’indifférence, voici un conseil : vengez-vous ! Non pas à la manière des hommes qui rendent le mal pour le mal, mais à la façon royale de Dieu. Comme lui, là où il y a de la haine, semez cet amour de Dieu déposé en votre cœur d’homme. Telle est la définition de la Rédemption.

Le salut de Dieu en Jésus Christ - La Rédemption - n’est pas une récompense offerte à la suite d’une vie vertueuse. Il est l’accueil à chaque instant, en notre vie, de l’amour de Dieu, cet amour transformateur qui nous soustrait au jugement de condamnation. Refuser le don d’un tel amour, c’est se condamner à rester dans la rupture complète et avec Dieu et avec les hommes. Dans cette perspective, le jugement n’est pas un verdict extérieur qui n’arrivera qu’à la fin des temps, mais l’option responsable de chacun tout au long de la vie. C’est à chacun qu’est laissée la responsabilité de construire sa vie terrestre et en même temps de fixer sa destinée éternelle. Dieu respecte la liberté de l’homme jusqu’à ne pas lui imposer son salut. Cela fait aussi partie du mystère grandiose de son amour.

En tous les cas, il est de votre devoir à tous de transmettre cet amour de Dieu à Elise qui va en être marquée par un signe sacré, le sacrement du baptême !

jeudi 16 juin 2011

Soucis apostoliques !

T.O. 11 imp. Jeudi - Vendredi (II Co. 11)

JEUDI

Pour comprendre notre lecture, il faut se souvenir : Paul, malgré son projet de se rendre à nouveau à Corinthe (cf. I Co 16), n’avait pu quitter l’Asie, retenu qu’il était par les nécessités de l’apostolat.

Des nouveaux venus, insinuants et remuants (1), s’étaient alors établis à Corinthe. Intrigué par l’écho de leurs menées, Paul, vers la fin des trois années de son séjour à Ephèse, se décida à rendre aux Corinthiens une brève visite qui ne l’instruisit pas à fond de l’état de la Communauté (une visite canonique insatisfaisante !) ; il rentra en Asie avec des impressions mélangées où la tristesse dominait. Aussi avait-il promis un prompt retour et un séjour plus prolongé. Il pressentait juste : après son départ, les intrigues s’aggravèrent.

Peu après, Paul dut fuir Ephèse après l’émeute des orfèvres de la ville. C’est alors, sans doute qu’il apprit qu’un acte de grave indiscipline attaquant son autorité ou son honneur, s’était produit à Corinthe, du fait de l’un de ceux qu’avait enhardis contre lui la modération incomprise de son attitude lors de sa récente visite. – Choqué, il renonça à faire le voyage annoncé qui, en de telles conjonctures, n’aurait pu que l’exposer davantage à de nouveaux déboires. Il écrivit alors une lettre - malheureusement perdue - pour obtenir réparation d’un outrage qui atteignait la discipline chrétienne en même temps que sa personne.

C’est alors - ou peu auparavant - qu’un grave accès de sa maladie chronique vint mettre sa vie en danger et, combiné avec les soucis extérieurs, le plonger, semble-t-il, dans une grave dépression. Quand l’apôtre eut recouvré quelques forces, il remit à Tite sa lettre - si elle n’était pas partie déjà - et le chargea en tout cas d’aller à Corinthe surveiller l’exécution des ordres qu’elle contenait. Il lui demandait de le rejoindre ensuite à Troas pour le renseigner sur les dispositions de la Communauté. - Celle-ci réveillée par la lettre de l’apôtre et par la visite de Tite s’émut, examina l’affaire et punit l’offenseur. Cependant une minorité d’opposants subsistait...

L’absence de Tite dura plus qu’il n’était prévu. Aussi, tourmenté d’inquiétudes à propos de cette affaire, et n’y pouvant plus tenir, l’intrépide Apôtre se résolut à partir à la rencontre de son disciple. Il le trouva enfin en Macédoine, chargé de bonnes nouvelles pour tout ce qui avait trait au récent orage, mais inquiet encore des activités funestes et continues d’un certain parti qui, dans l’ombre, manigançait contre son autorité…

C’est alors que toujours retenu en Macédoine, l’Apôtre se résolut à composer la lettre dont est tirée notre lecture pour manifester, d’une part, sa joie de l’attitude soumise des Corinthiens pendant la mission de Tite, mais, d’autre part, afin d’exclure autant que possible toutes les causes subsistantes de troubles, avant de faire lui-même à Corinthe ce séjour plusieurs fois annoncé et remis. Il promettait de mettre la dernière main à la restauration chrétienne de cette Communauté qui lui était si chère, dont la fondation était sa gloire et de laquelle il attendait tant pour l’avenir
En cette lettre, Paul met un sceau d’oubli sur les événements pénibles afin de rétablir une entière communion. Communion qui doit se manifester par le moyen d’une grande collecte afin de faire disparaître les méfiances entre chrétiens d’origine juive et ceux d’origine païenne. Et il désire, lors sa proche venue, éliminer toutes les mauvaises influences.

Remarquons d’abord avec gratitude et admiration, nous qui sommes dans l’ombre d’un cloître, les profondes et diverses souffrances d’une vie apostolique, celles de Paul et de tous les apôtres, celles des premiers missionnaires… et de tant d’autres évangélisateurs tout au long des siècles. Par toute leur vie et par leur mort, ils illustrent le mystère pascal du Christ que tout chrétien doit traverser pour “entrer dans sa gloire“.

Et puis, en considérant cette jeune et tumultueuse Communauté de Corinthe, ne nous effrayons pas trop des difficultés actuelles de notre Eglise. Même si nous traversons des moments de lassitude, voire de dépression comme Paul, gardons espérance. “Moins il y a d’espérance de votre côté, écrivait Bossuet, plus il faut espérer du côté de Dieu !“. C’est l’espérance que manifeste l’apôtre finalement : “Je vous ai fiancés à un époux unique, dit-il, comme une vierge pure à présenter au Christ“. Admirons au passage l’audace de l’espérance de Paul : vouloir refaire des vierges spirituelles avec ces recrues corinthiennes dont il a décrit par ailleurs les anciennes mœurs dissolues (I Co 6), il faut du courage opiniâtre… - Remarquons encore le choix de l’image. Paul était bien loin de mépriser le mariage puisqu’il en fait le symbole de l’union avec Dieu. D’ailleurs, cette comparaison était courante dans la Bible. Dieu n’était-il pas considérer comme l’époux d’Israël ?

Il y aurait beaucoup à dire encore sur notre passage. Je termine en soulignant l’humour un peu noir de l’apôtre qui sous-entend cependant un amour fou, au nom du Christ, pour sa chère communauté qu’il a fondée : “si vous supportez un esprit différent que celui que vous avez reçu ou un autre évangile que celui que vous avez accueilli, vous le supportez fort bien - ou - vous le supporteriez bel et bien“, n’est-ce pas ? Paul ne cache pas ses sentiments derrière des circonvolutions, sous prétexte de “politesse charitable“, n’est-ce pas (c’est si courant cet omerta qui anesthésie tout !) (2). Non ! Paul est direct, dur et même d’un humour grinçant. Mais l’apôtre sait en donner la raison : “Parce que je ne vous aime pas ? Dieu le sait !“



VENDREDI

Après le discours que Paul tenait dans la lecture d’hier, on dirait qu’aujourd’hui l’apôtre “se lâche“, comme on dit communément. D’ailleurs les deux versets qui précèdent notre passage le précisent : “Qu’on ne me prenne pas pour un fou !“ (le terme grec veut dire : légèreté, manque de réflexion ou de profondeur). Et après tout, pourquoi pas ?, semble dire l’apôtre, car je vais parler “non selon le Seigneur, mais comme en pleine folie (de façon déraisonnable, traduit le P. Allo), dans mon assurance d’avoir de quoi me vanter“.

Puisque tant d’autre se vantent, et bien, moi aussi, je vais le faire ! On dirait que Paul a honte, en quelque sorte, de dire ce qu’il va énoncer et qui ne lui paraît pas conforme à l’esprit chrétien, honte d’insister, pour sa renommée, sur des avantages qui ne sont que de l’ordre des choses sensibles, visibles (N’est-ce pas ce que l’on fait facilement, nous autres, et, du coup, sans ressentir de honte ?). Cependant, Paul semble avancer une excuse : puisque c’est cela qui paraît impressionner le plus les Corinthiens, alors il se résigne. Mais à la fin de son apologie, il saura retourner son argument : “s’il faut se glorifier, je me glorifierai dans ma faiblesse !“.

Voilà pourquoi l’apôtre va insister sur les situations très précaires qu’il a dû traverser et qui auraient dû normalement l’anéantir si le Seigneur ne l’avait pas assisté !

C’est en ce sens qu’il commence par une ironie caustique : “Volontiers, vous supportez les gens dépourvus de sens, vous si raisonnables. Vous supportez qu’on vous asservisse, qu’on vous dévore, dépouille, qu’on vous frappe le visage !“. Il faut savoir que dans l’ancienne Grèce pourtant policée, cette dernière attitude, par exemple, qui nous parait brutale n’était pas insolite même entre gens respectables. Et on peut se figurer que dans cette Grèce hellénique de Corinthe, mâtinée de barbarie romaine et orientale, des discussions même doctrinales et spirituelles pouvaient dégénérer en voie de fait. C’était si courant que dans ses lettres pastorales, Paul exigera des candidats à l’épiscopat qu’ils ne soient pas donneurs de coups (Cf I Tm 3.3 ; Tite 1.7).
Vous supportez tout cela, raille St Paul. Vous me reprochez donc d’avoir été trop faible avec vous. Et bien, je vais donc vous confondre à votre façon ! Et l’apôtre d’avancer tous les combats qu’il a remportés pour annoncer la Parole de Dieu !

Et il y a de quoi être confondu. Les Corinthiens (et nous-mêmes) n’en auraient pas supporté un centième : coups, prison, flagellation, lapidation, naufrage, brigandage, fatigues, peines, veilles, privations de toutes sortes…, “sans compter tout le reste“, dit-il. - “J’en passe, et des meilleures !“, aurait dit notre classique français (Victor Hugo).
Et principalement, la préoccupation constante - jour et nuit - de toutes les Eglises qui restent en contact avec lui, lui imposant courrier, visite, enseignement, administration, etc… St Jean Chrysostome dira : “Tout harcèle cet homme qui veut se faire tout à tous“ (Cf. I Co. 9.22 ; II Co 2/12-13). - Si encore il pouvait dire comme un stoïcien qu’il se dresse devant toutes ces difficultés avec un front d’airain ! Mais non ! Et Paul termine : “S’il faut se glorifier, je me glorifierai dans ma faiblesse !“. N’avait-il pas déjà écrit : “Ce qui est faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort !“. (I Co. 1.27) – Que les forts de Corinthe soient donc confondus !

St Paul aurait certainement souscrit à ce que St Benoît écrira plus tard : “Ceux qui ne s’enorgueillissent pas de leur bonne conduite et qui, estimant que le bien même qui se trouve en eux vient de Dieu, glorifient le Seigneur agissant en eux. Ils disent avec le Prophète : « Ce n’est pas à nous, Seigneur, ce n’est pas à nous, mais à ton Nom qu’il faut donner la gloire ! ». L’apôtre Paul non plus ne s’attribuait rien à lui-même. Il disait : « C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis ! ». Et encore : « Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur ! »“.


(1) Probablement des Judaïsants sournois et gnosticisants qui surent peu à peu recruter des partisans

(2) On pourrait facilement gloser St Paul :
- La Parole de Dieu vous a élevés jusqu’au trône de Dieu et vous aimez vous engloutir dans la pseudo spiritualité de la psychologie des profondeurs. Et vous semblez bien vous en porter, ignorant l’avertissement du psalmiste : “Conclusus sum et non egrediar“ - Je me suis enfermé et je n’arrive pas à sortir !“ (Ps 87)
- Vous avez été élevés dans la saine et pure doctrine de Dieu notre Sauveur (Cf. Tite 2.1,7,10). Et voilà que vous applaudissez ces “malins qui, selon Jérémie (49.7) sont à court d’idées et dont la sagesse a ranci“ très vite. Et tout semble pour le mieux pour vous !
- Vous avez reçu, pour votre salut, l’aliment solide de l’Eglise et vous vous rassasiez des miettes de tel gourou qui oublie d’être “le répétiteur extérieur du Maître intérieur qui seul instruit les cœurs“ (St Augustin). Et vous êtes en extase !
- On vous a enseigné à “dispenser avec droiture la Parole de vérité“ (II Tim 2.15) ; et vous vous adonnez à vos élucubrations personnelles entraînant des attitudes de piété que votre suffisance façonne. Et vous voilà joyeux !
Bref, ne vous rendez-vous pas compte que votre orgueil “filtre le moucheron et avale le chameau ?“ (Mth 23.24)

mercredi 15 juin 2011

Donner, c'est aimer !

T.O. 11 imp. Mercredi - (II Co. 9.6-11)

Il est toujours question de la fameuse quête qu’organise l’Apôtre en faveur des chrétiens de Jérusalem. Mais, on devine qu’il ne s’agit pas seulement d’argent : “Chacun doit donner comme il a décidé dans son cœur…", comme Dieu qui, lui, "est assez puissant pour donner toute grâce en surabondance !" Il a tellement aimé qu’il nous a donné son Fils…, qui s’est donné lui-même par amour : Dieu est Amour.

Jeune novice, je me demandais naïvement, ce que chacun pouvait donner au sein d’une Communauté où tous avaient fait vœu de pauvreté ! - Il ne restait, il ne reste qu’à se donner soi-même par amour ! “L’homme n’a rien de plus commun avec Dieu, écrivait Grégoire de Nazianze, que la faculté de donner, de se donner“. Au fond, le véritable don, c’est l’Amour ! Un poète musulman, très spirituel, Rumi (moine derviche qui vivait au 13ème siècle à Konya), disait : “Si tu ne veux pas mourir, vis dans l’amour. Si tu meurs dans l’amour, tu vivras !“ Faire tout avec un véritable amour, à l’exemple de Dieu lui-même. Il a tellement aimé le monde qu’il nous a donné son Fils…

Aussi ce Fils Unique, Jésus, s’est fait pauvre en prenant la condition humaine. St Paul le disait: de riche (de vie divine) qu’il était, il s’est fait pauvre pour qu’en sa pauvreté nous trouvions la véritable richesse : Dieu lui-même !

Bien plus, il a pris la condition humaine en sa pauvreté radicale. Le pauvre par excellence est celui qui n’existe pour personne, qui est le “non-aimé“. Il était, comme dit Isaïe, celui dont on détournait le regard (et cela peut arriver en une communauté) ; il était le réprouvé, le “non-aimé“, éliminé en quelque sorte avant même d’être tué ! Cet oubli, cette marginalisation, c’est le fond de la pauvreté ! Catalogué, oublié, rebus de la Communauté en place régie par des lois pharisaïques, son existence lui était refusée.

Pourtant, pourtant, ce qu’il y a de plus profond en l’homme créé à l’image de Dieu, c’est le besoin qu’il a de reconnaissance, un besoin d’être connu, reconnu, avant même d’être aimé véritablement ! “Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais“, dit Dieu à Jérémie (Jr 1.5). “Si vous m’aviez connu, vous auriez connu aussi le Père“, disait Jésus (Jn 8.19). Etre connu, reconnu vraiment comme existant ! D’ailleurs, quand un homme ne se sent pas reconnu, il se fera craindre éventuellement pour satisfaire cette soif de reconnaissance. C’est bien connu !
Et encore, ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est d’être reconnu comme objet de reconnaissance, qu’on revienne vers lui afin de reconnaître, par le remerciement, les dons, les largesses qu’il peut faire ! Ne jamais oublier l’action de grâce qui doit monter vers Dieu, rappelait St Paul ! “Ils ont oublié le Seigneur, leur Dieu !“ (I Sam 12.9 ; Is 17.10 etc). C’est le grand reproche fait à Israël . “Ils avaient oublié les exploits“ du Seigneur (Ps 78.11), ses “nombreuses bontés“ (Ps 106.7).

Toute communauté d’hommes, parce que créés à l’image de Dieu, se fonde - il ne faut pas l’oublier - sur ce système naturel de “reconnaissance“ mutuelle. Et une reconnaissance qui n’est pas figée par des préjugés (rien de plus épouvantable !). Sans cesse l’un reçoit de l’autre et réciproquement. On le reconnaît ; on se reconnaît ! Et des liens se forment sur cet échange mutuel. A la racine de l’amitié, il y a cette reconnaissance mutuelle. Chacun existe pour l’autre… Si ce n’est pas encore l’amour, encore moins la charité, c’en est le terreau indispensable. Faute de le cultiver, le véritable amour ne peut se développer.

Car, paradoxalement, après cette exigence de reconnaissance pour vivre, il faut, pour aimer, pour donner et se donner, comme une révélation soudaine (humaine ou/et spirituelle) qui entraîne une sorte d’effacement complet de ce que l’on est soi-même, un gommage de l’exigence d’estime, une sorte de renoncement à la “reconnaissance“. C'est dans cette pauvreté absolue que l'on peut donner et se donner! On souhaiterait se perdre en celui que l’on aime (Cf. St Jean de la Croix). Tout peut et doit même s’effacer devant lui ! Seul l’être aimé prend une sorte de valeur d’absolu. Seul, il occupe l’esprit, le désir. On voudrait se fondre en lui ! “Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, priait Jésus, pour qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux comme toi en moi…“ (Jn 17.22).

Et le fait de se découvrir aimé en cette pauvreté radicale, par de multiples et incessantes attentions, est déjà une révélation divine. On se découvre alors précieux pour un autre, alors que soi en face de soi, on se demande parfois si, honnêtement, on est “quelque chose“ de valable, d’aimable, si on mérite d’être aimé ! Or, grâce à l’amour qu’on nous porte, on se découvre précieux en face d’un autre qui est capable de découvrir en soi une valeur que l’on ne savait même pas lire en soi-même, “du fait, disait Dieu à Israël, que tu vaux cher à mes yeux, que tu as du poids et que moi je t’aime…“ (Is 43.4). Ainsi devine-t-on déjà la cité céleste faite de “pierres précieuses“ (Ap 21.19) de toute sorte.

C’est peut-être ainsi qu’on peut découvrir le don, bien plus grand que celui de l’argent, le don de l’amour fraternel. Ce n’est peut-être pas encore totalement la charité, cet amour même de Dieu, qui doit se répandre totalement en nos cœurs par l’Esprit Saint. Mais on y tend sérieusement !

Aussi, je terminerai en reprenant cette magnifique réflexion de Madeleine Delbrel : “Etre pauvre, ce n’est pas intéressant ; tous les pauvres sont bien de cet avis. Ce qui est intéressant, c’est de posséder le Royaume des cieux ! Mais seuls les pauvres le possèdent. Aussi ne pensez pas que notre joie soit de passer nos jours à vider nos mains, nos têtes et nos cœurs. Notre joie est de passer nos jours à creuser la place dans nos mains, nos têtes et nos cœurs pour le Royaume des cieux qui ne passe pas !“. Et alors nous pourrons donner ce que nous recevrons… et avec quel joie : Dieu lui-même… qui déjà nous rassemble, nous unit plus qu’on ne le pense !

mardi 14 juin 2011

Pauvreté - Humilité !

T.O. 11 imp. Mardi - (II Co. 8.1-9)

Vous l’avez remarqué : St Paul organise une quête ! C’est de tout temps, la quête, dans l’Eglise ! Et l’Apôtre de féliciter les Eglises de Macédoine pour leur générosité… Elles sont un exemple. Comme autre exemple, Paul, si féru de l’histoire de son peuple, aurait pu citer la quête qui fut organisée dans le désert pour l’érection du sanctuaire. C’est un cas unique dans l’histoire ! La générosité fut telle que les sages du peuple vinrent dire à Moïse : “Le peuple en apporte trop !“ (Ex 36.8) ; et Moïse ordonna de cesser la quête. Je n’ai jamais encore entendu un curé dire à ses paroissiens : “Arrêtez ! Trop, c’est trop !“. C’est plutôt le contraire qui se passe avec ce souhait (je l’ai entendu !) que la quête se fasse sans trop de bruit… dans la corbeille !!!

Quoi qu’il en soit de ce fait unique dans les annales de l’histoire sur ce sujet, Paul, lui, après avoir louer la générosité des Macédoniens, sollicite les Corinthiens en faveur de l’Eglise de Jérusalem ; il recommande ceux qu’il a préposés à cette collecte et exalte les bénédictions de cette bienfaisance et pour ceux qui la pratiquent et pour l’union de toute l’Eglise.

Ce “sermon de charité“ est un modèle du genre par la limpidité des idées exprimées dont celle-ci, hautement doctrinale : “Vous connaissez la générosité de Notre Seigneur Jésus Christ qui, pour vous, de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour vous enrichir de sa pauvreté“. Tout le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption est exprimé, là, par cette phrase lapidaire avec son balancement binaire : De riche qu’il était, il s’est fait pauvre pour que nous, pauvres, nous devenions riches !

Aussi, cette collecte pour Jérusalem lui tient à cœur. C’est comme un devoir pour lui ; il en parlera quatre fois (I Co. 16.1-3 ; II Co. 8-9 ; Rm 15.25sv ; Gal. 2.10 et aussi Actes 24.17). La lettre aux Galates en donne l’origine : lorsqu’il s’est rendu à Jérusalem (en 49 sans doute) pour résoudre en partie la situation des pratiques juives pour les païens devenus chrétiens, les “colonnes de l’Eglise“ (Pierre, Jacques…) lui demandèrent de “se souvenir des pauvres“, c’est-à-dire des chrétiens de l’Eglise-mère.

“Se souvenir des pauvres“ ! Belle expression encore ! Elle contient toute une pensée doctrinale et morale. A supposer une grande générosité en leur faveur, il restera toujours à se “souvenir des pauvres“, à avoir “la mémoire du pauvre“. A travers toute la Bible, Dieu est un Dieu qui “se souvient du pauvre“ et qui l’assiste de différentes façons. Et puis, si Dieu est un Dieu qui “se souvient“, le croyant est appelé à “se souvenir de Dieu“. Il y aurait toute une méditation à prolonger sur ces deux expressions parallèles : “se souvenir de Dieu“ et “se souvenir du pauvre“ !

Remarquons que la pauvreté (je ne dis pas la misère qui est une injustice insupportable !) est souvent un moyen pédagogique que Dieu emploie pour notre éducation. Dans le désert, les Hébreux n’avaient rien, ou presque rien. Continuellement, ils étaient appelés à vivre dans une dimension “miraculeuse“. Ils n’avaient pas d’eau : Dieu fait jaillir l’eau du rocher ! Ils n’avaient pas de pain : Dieu fait pleuvoir le pain. Etc… ! Et quand on vit en cette dimension verticale de dépendance, il y a comme une justice naturelle qui s’établit : “Qui avait beaucoup recueilli n’eût rien en trop ; et celui qui avait peu recueilli ne manqua de rien“ (Ex. 16.18). La première des tentations, c’est de faire des provisions pour soi ! “Ne faites pas de trésor ici-bas, disait Jésus… Là où est ton trésor, là est ton cœur“ !
Cette réflexion est grave ! Nous sommes créés pour faire un bon usage de la création dans l’action de grâce et le partage. On prend possession du monde et on l’élève vers Dieu en disant : “Donne-nous notre pain de ce jour“. Et obligatoirement, il y en a pour tout le monde ! N’est-ce pas à ce partage profond que nous engage le signe du “Pain de Dieu“ qu’est l’Eucharistie : le Christ se donne à nous pour que nous nous donnions à nos frères afin que tous ensemble nous nous donnions à Dieu ! “Par lui, avec Lui, en Lui !“. “Si on savait ce qu’est la messe !“, disait le curé d’Ars.

Et quand je parle de pauvreté, je ne pense pas seulement à la pauvreté matérielle. Quel économe d’un monastère aurait cette fatuité insupportable de vouloir apparaître riche des nourritures qu’il donne chaque jour ? Il en est de même - et malheureusement c’est moins évident - dans les autres domaines intellectuels, spirituels… “Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?“, demandait St Paul. Et je pense au pape Benoît XVI qui, aux dires de ceux qui le fréquentent, est d’une si grande humilité qu’il donne de l’importance à celui qu’il rencontre, ne voyant que Dieu en lui ! Et le pape Jean XXIII de dire un jour : “Il ne me coûte rien de reconnaître et de répéter que je ne suis et ne vaux qu’un beau néant !“. Peut-être, disant cela, il se souvenait de cette parole que Dieu adressait à Catherine de Sienne : “Tu es celle qui n’est pas ; Je suis Celui qui est ! Si tu conserves en ton âme cette vérité, jamais l’Ennemi ne pourra te tromper ; tu échapperas à tous ses pièges“.

Vouloir se montrer riche de quelque chose est d’une pauvreté spirituelle invraisemblable. Et c’est surtout un gouffre qui nous sépare et de Dieu et des autres, car, disait Mère Térésa, “nous sommes tous des pauvres devant Dieu !“ - “Les seuls vrais conquérants sont ceux qui sont allés vers le prochain, les mains nues et le cœur ouvert !“ (Daniel-Rops). Je ne suis pas loin de penser que l’homme le plus intelligent de la terre est certainement le plus humble… Et celui-là marche certainement à la suite du Christ !

dimanche 12 juin 2011

Pentecôte !

Les textes de la Parole de Dieu que l'Eglise nous invite à méditer aujourd'hui nous mettent devant la naissance d'un peuple qui vit dans la communion avec Dieu, modifiant, de ce fait, la communion des hommes entre eux !
La Pentecôte est la fête de ce peuple-Eglise qui célèbre aujourd’hui l’anniversaire de sa naissance. Oui, nous sommes devant une naissance, celle de l'Eglise, la naissance d'un monde nouveau investi par l'Esprit du Ressuscité ! St Jean insiste sur le fait : “Jésus répandit sur eux son souffle et il leur dit : recevez l'Esprit Saint”. C'est, comme au matin de la création, le “Souffle de Dieu“ (Gen 1.1), mais pour un monde nouveau établi, intégralement, dans le mystère des relations des hommes avec Dieu et, par conséquence, des hommes entre eux ! Nous ne sommes plus “du monde“ ; et si nous sommes “dans le monde“, nous vivons déjà avec le Seigneur, par son Esprit qu’il nous donne, dans le monde voulu par Dieu de toute éternité ! En Lui, Par Lui, avec Lui !

Mystère profond qu’il nous faut sans cesse approfondir ! Réalité extraordinaire que cette Alliance des hommes avec Dieu qui entraîne, doit engendrer sans cesse - car ce n’est jamais totalement acquis ici-bas - une nouvelle société dès ici-bas. Et un monastère doit en être un signe efficace. St Benoît le souligne de diverses manières. Mystère d’alliances qui a son commencement par l’envoi de l’Esprit de Dieu dans le cœur des hommes.

En recevant le Saint-Esprit, cette société nouvelle qu’est l’Eglise est dotée de quatre notes qui la définissent : unité, catholicité, apostolicité et sainteté. “Je crois en l’Eglise une sainte, catholique, apostolique”.

Unité de l’Eglise. Il est important de noter que l’Esprit Saint ne descend sur des femmes et des hommes que s’ils sont unis, réunis d’une manière ou d’une autre. Si on peut parfois reconnaître - et difficilement souvent - l’effusion de l’Esprit sur une personne, ce n’est que pour le bien de l’Eglise toute entière ; fondamentalement, il n’y a pas de “pentecôte individuelle”. L’Esprit Saint ne descend que sur les membres d’une Communauté, et d’une Communauté en prière. “Tous d’un même cœur étaient assidus à la prière”. Ne nous y trompons pas : le chrétien isolé, quelle que soit sa fonction, n’existe pas ! C’est l’un des dangers de l’Eglise aujourd’hui où certains membres se risquent à des particularismes ravageurs ! Nous ne recevrons l’Esprit de Jésus qu’au sein de la Communauté de ses disciples, qu’au sein de l’Eglise, Corps du Christ, alors même que nous serions appelés à vivre, visiblement, comme des “séparés“. Le Concile Vatican II a privilégié l’image de l’Eglise comme “Peuple de Dieu”. Cette image, loin d’être simplement sociologique, a voulu dynamiser l’idée que tous, nous sommes, grâce à l’action de l’Esprit Saint qui nous unit, en marche vers le lieu éternel de l’Alliance avec Dieu. Et si l’Esprit souffle parfois au-dehors de l’Eglise visible, disait St Augustin, c’est pour inviter à y entrer ceux qui déjà lui appartiennent invisiblement.

Catholicité de l’Eglise. Cette Communauté primitive, au jour de la Pentecôte, uniquement composée de Juifs, n’est que la cellule initiale, le germe de l’Eglise.
- L’Eglise doit être annoncée à toutes nations : “Allez, de toutes les nations, faites des disciples”. En sommes-nous bien conscients ?
- L’Eglise doit rassembler tous les peuples : elle est “catholique”, c’est-à-dire universelle.
- L’Esprit doit être répandu sur le monde entier.
L’Eglise ne peut donc se refermer sur elle-même, vivre en ghetto : elle doit parler toutes les langues. Tout chrétien doit, comme dit St Paul, “se faire Juif avec les Juifs, Grec avec les Grecs pour les gagner tous à Jésus Christ” (I Co 9/20), car en Lui, “il n’y a plus ni Juif ni Grec” ( I Co 12/13 – Gal 3/28). Autrement dit, je dois me faire pauvre avec les pauvres, riches avec les riches pour une meilleure communion ; je dois me faire ouvrier avec les ouvriers, responsable avec les responsa-bles, être aussi à l’aise avec les pécheurs qu’avec les vertueux. Aucune discrimination qui ouvrirait la voie à un prétendu élitisme qui n’est qu’orgueil. Tout homme est invité à faire partie de ce “peuple de Dieu” qu’est l’Eglise. Tout homme… ! Il faut s’en souvenir !

Apostolicité de l’Eglise. La Communauté des disciples était rassemblée “par crainte des Juifs” (Jn 20/19). Cette poignée d’hommes et de femmes, apeurés, désemparés, blottis dans une chambre, le Saint-Esprit va les transformer en martyrs - en témoins de Dieu - : “Nous ne pouvons pas ne pas dire ce que nous avons vu et entendu”, dit St Pierre à la police qui l’a arrêté.
Aujourd’hui encore, l’Eglise ne peut pas ne pas dire. Cela dérange parfois. On le voit aujourd’hui à propos de certaines questions. Mais c’est dans sa nature. Elle ne peut pas ne pas dire. Ste Bernadette disait : “Je ne suis pas chargée de vous faire croire ; je suis chargée de vous dire !“. L’Eglise n’impose pas. Seul, l’Esprit Saint convertit les cœurs. Mais elle a à dire ce que l’Esprit ne cesse de révéler à la suite de Jésus, selon les temps et les circonstances.
- N’est-ce pas ce besoin de dire qui pousse les chrétiens à se rassembler chaque dimanche pour célébrer, proclamer leur alliance avec Dieu, grâce au Ressuscité et sous l’influence de son Esprit ?
- N’est-ce pas ce besoin de dire qui nous entraîne à témoigner de la présence du Ressuscité en nous, autour de nous… ?
- N’est-ce pas ce besoin de dire qui appelle certains - qui n’ont pas obligatoirement le charisme de la parole - à se regrouper afin que leur unité chante, elle, cette alliance avec Dieu à la face du monde ?
Puissions-nous ne jamais vivre comme des peureux, à l’exemple des apôtres avant la venue de l’Esprit Saint !

Sainteté de l’Eglise. La sainteté de l’Eglise n’est pas la somme de la sainteté de ses membres : elle est un don de l’Esprit, elle est l’action de l’Esprit à l’intérieur de l’Eglise et en chacun de ses membres.
Laissons-nous pénétrés de sa présence sanctifiante ! Soyons “îvres de Dieu”, comme les apôtres au matin de la première Pentecôte ! Ayons toujours soif de Lui, de cette soif ardente de le connaître et de l’aimer ! Car c’est en Lui, - nous le sentons obscurément - que nous étancherons cette soif, que nous apaiserons cette fièvre qui parfois nous brûle d’aimer et d’être aimés, puisque Dieu est Amour.
Oui, la sainteté de l’Eglise, c’est la présence active de l’Esprit Saint à l’intérieur de ce Peuple de Dieu appelé à la Vie de Dieu-Amour. Cette sainteté n’est pas toujours - reconnaissons-le - à l’intérieur des membres de l’Eglise ! Et le Pape Jean-Paul II et, à sa suite, Benoît XVI ont eu raison de demander pardon pour des actions ou événements peu glorieux de notre histoire ecclésiale dus à des errances diverses. Et il y en a toujours malheureusement ! Mais il n’empêche que l’Eglise est sainte par cette présence de l’Esprit Saint en elle, qui finira par triompher de tout mal…

Quatre caractéristiques de l’Eglise née de l’effusion de l’Esprit Saint. Quatre questions également pour savoir si nous sommes mus par l’Esprit de Jésus ! Pour répondre, regardons notre vie et nous saisirons de quel Esprit nous sommes, car l’Esprit saint n’est saisissable que dans son action en nous. “Seuls sont enfants de Dieu, disait St Paul, ceux qui se laissent mouvoir par l’Esprit Saint”

Pour terminer, prions Notre Dame, car la Vierge Marie, Mère de Dieu, est la figure et le modèle de l'Église. Voir l'Église en Marie et Marie en l'Église, les premières générations chrétiennes étaient fami-liarisées avec ce chassé-croisé, mieux encore à cette superposition d'images où “type” et “antitype”, c'est-à-dire figure et réalisation s'unissent comme le sceau avec la cire.
Elle, l’Immaculée, est, au cœur de l'Église, le signe de l'humanité totalement épousée par Dieu. Elle récapitule l'humanité dans son accueil de Dieu, si bien que son cantique, le “Magnificat”, est comme l'hymne universel de l'Église.
L'Église tout entière est mariale et, par son regard fixé sur Marie, elle se livre plus complètement au mystère total du salut, au mystère d’Alliance, de communion avec Dieu. “Marie, écrivait naguère le pape Jean-Paul II, doit se trouver sur tous les chemins de la vie quotidienne de l'Église”. Aussi, n’hésitons pas à dire et redire : “Sainte Marie, Mère de Dieu, Mère de l’Eglise, priez pour nous”.

vendredi 10 juin 2011

La Résurrection !

Pâques 7 Vendredi - Le “kérygme“ : la résurrection ! Ac 25, 13-21

St Paul avait de la parenté à Jérusalem. C’est par son neveu, fils de sa sœur, que le tribun de la forteresse Antonia est averti qu’un complot est organisé contre lui. On avait décidé de l’assassiner au cours d’un transfert de sa prison au Sanhédrin où il devait comparaître une deuxième fois. (Ac 23.16sv)

Le tribun décide de transférer Paul à Césarée sous escorte armée et de le confier au gouverneur Félix. A Césarée, Paul doit se défendre devant le gouverneur, car ses accusateurs l’ont poursuivi. Il se défend en disant : “C'est suivant la Voie, qualifiée par eux de parti, que je sers le Dieu de mes pères. Je crois à tout ce qu'il y a dans la Loi et à ce qui est écrit dans les Prophètes. J’ai cette espérance en Dieu - et eux aussi la partagent - : il y aura une résurrection des justes et des pécheurs... Et Paul de se défendre de toute accusation qui serait un délit, à moins, dit-il, qu'il ne s'agisse de cette seule parole que j'ai criée, debout au milieu d'eux : C'est à cause de la résurrection des morts que je suis mis aujourd'hui en jugement devant vous". (Ac 24, 14sv).

Remarquons-le : c’est en pharisien fier d’appartenir à son peuple et au meilleur de sa tradition que Paul parle, mettant l’accent sur la foi en la résurrection des morts.

Félix, le procurateur trouve le temps long à Césarée. Il se distrait en faisant venir Paul pour parler avec lui. Mais, quand Paul se met à discourir sur certains points de morale - Félix n’était pas du tout vertueux - il le congédie.

La captivité de Paul à Césarée sous le pouvoir de Félix dure deux ans. Au terme de ces deux ans, Félix fut remplacé par un autre procurateur nommé Festus. Paul en appelle à César en tant que citoyen romain ; et Festus est obligé d’accéder à sa requête. Il faut se rappeler que dans une vision précédemment racontée, le Seigneur avait prédit à Paul qu’il devait aller à Rome : [“Courage ! De même que tu as rendu témoignage de moi à Jérusalem, ainsi faut-il encore que tu témoignes à Rome“. (Ac 23,11). ]

C’est avant l’embarquement pour Rome que se passe l’épisode raconté par notre lecture : la comparution de Paul devant le roi juif, Agrippa, accompagné de Bérénice. Un scribouillard païen prépare la rencontre. En une phrase merveilleuse de sobriété et de concision, il résume l’essentiel : “Mis en sa présence, les accusateurs (les Juifs) n'ont soulevé aucun grief concernant des forfaits que, pour ma part, j'aurais soupçonnés. Ils avaient seulement avec lui je ne sais quelles contestations touchant leur religion à eux et touchant un certain Jésus, qui est mort, et que Paul affirme être en vie.”

Agrippa manifeste le désir de connaître ce Paul. Paul parle maintenant à un juif : "Ce qu'a été ma vie depuis ma jeunesse, comment depuis le début j'ai vécu au sein de ma nation, à Jérusalem même, tous les Juifs le savent. Ils me connaissent de longue date et peuvent, s'ils le veulent, témoigner que j'ai vécu suivant le parti le plus strict de notre religion, en Pharisien. Maintenant encore, si je suis mis en jugement, c'est à cause de mon espérance en la promesse faite par Dieu à nos pères et dont nos douze tribus espèrent atteindre l'accomplissement. C'est pour cette espérance, ô roi, que je suis mis en accusation par les Juifs. Pourquoi juge-t-on incroyable parmi vous que Dieu ressuscite les morts ?“. (Ac 26,4-8).

Paul fait un long discours, où il raconte une fois de plus sa conversion sur la route de Damas.
Au terme de ce discours, il présente le mystère pascal de Jésus et sa résurrection comme l’accomplissement des promesses des prophètes et de Moïse : “Fort de la protection de Dieu, j'ai continué jusqu'à ce jour à rendre mon témoignage, sans jamais rien dire en dehors de ce que les Prophètes et Moïse avaient déclaré devoir arriver: que le Christ souffrirait et que, ressuscité le premier d'entre les morts, il annoncerait la lumière au peuple et aux nations païennes". ( Ac 26,22-23).

Devant cette conclusion, le païen Festus et le juif Agrippa réagissent de façons radicalement différentes :
- « Il en était là de sa défense quand Festus dit à haute voix : "Tu es fou, Paul; ton grand savoir te fait perdre la tête". (Ac 26,24).
- « “Crois-tu aux prophètes, roi Agrippa ? Je sais que tu y crois !". Et le roi Agrippa de répondre à Paul : "Encore un peu et, par tes raisons, tu vas faire de moi un chrétien !" ». (Ac 26,27-28).
Ensuite a lieu le départ pour Rome…

Retenons : le “kérygme“, la première proclamation de la “Bonne Nouvelle“, le fondement de notre foi dont nous avons à témoigner est bien cette question adressée à nous aujourd’hui : Croyons-nous aux prophètes qui annonçaient la Résurrection du Christ ? Et en quelle résurrection ?

jeudi 9 juin 2011

Paul monte à Jérusalem (2)

Pâques 7 Jeudi Ac 20, 30 ; 23, 6-11 - Jn 17, 20-26

Comme on a pu le voir, à partir de sa rencontre avec les Anciens d’Ephèse à Milet, tout s’inscrit pour Paul, comme pour Jésus après la Transfiguration, dans le cadre d’une montée à Jérusalem. En cela, il se montre parfait disciple du Christ ! Les chemins géographiques sont différents mais spirituellement identiques ; c’est le même voyage !

Paul fait sa “montée à Jérusalem“, vers Jérusalem dans des bateaux qui font du cabotage commercial le long de la côte phénicienne. Partout où il fait escale, les chrétiens qu’il visite s’efforcent de le dissuader de “monter à Jérusalem“, comme Pierre avait voulu dissuader Jésus de le faire, au moment de la première annonce de la passion faite après sa confession à Césarée de Philippe.
A Tyr, par exemple : Les disciples “disaient à Paul de ne pas monter à Jérusalem. Mais, notre séjour achevé, nous partîmes. Nous marchions, escortés de tous, y compris femmes et enfants. Hors de la ville, nous nous mîmes à genoux sur la grève pour prier. Puis, ayant fait nos adieux, nous montâmes sur le navire“. (Ac 21,3-6).

A Césarée Maritime, il reçoit l’hospitalité du diacre Philippe, (nous l’avons rencontré en Samarie, et sur la route de Gaza avec l’eunuque de la reine Candice). Il demeurait à Césarée avec ses quatre filles vierges qui prophétisaient (!).
C’est là qu’une scène évoque une sorte d’agonie de Paul semblable à celle de Jésus à Gethsémani, et qui se termine comme celle de Jésus par cette phrase : “que la volonté du Seigneur se fasse“ et non la mienne : Un prophète, “du nom d'Agabus, prenant la ceinture de Paul, s'en lia les pieds et les mains en disant : "Voici ce que dit l'Esprit Saint : L'homme auquel appartient cette ceinture, les Juifs le lieront comme ceci à Jérusalem, et ils le livreront aux mains des païens". A ces paroles, nous nous mîmes, avec ceux de l'endroit, à supplier Paul de ne pas monter à Jérusalem. Alors il répondit : "Qu'avez-vous à pleurer et à me briser le cœur ? Je suis prêt, moi, non seulement à me laisser lier, mais encore à mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus". Comme il n'y avait pas moyen de le persuader, nous cessâmes nos instances, disant : "Que la volonté du Seigneur se fasse"». (Ac 21,10-14).

A son arrivée à Jérusalem, Paul rencontre Jacques, le représentant de la tendance apostolique la plus opposée à la sienne. Il fait des concessions aux judéo-chrétiens en faisant un vœu. L’unité est maintenue, les décisions prises lors du Concile de Jérusalem étant sauvegardées.

C’est dans le temple, en accomplissant les cérémonies qui terminent son vœu que Paul est arrêté. La foule l’accuse d’avoir introduit dans l’espace central réservé aux seuls juifs, un païen, un certain Trophine d’Ephèse. Il échappe au lynchage de la foule grâce à l’intervention du tribun qui lui fait gravir les marches de la forteresse de l’Antonia (le “Lithostrotos“ actuel, à Jérusalem).

Paul étonne le tribun en lui parlant en grec. Ce n’est donc pas un bandit comme d’autres. L’étonnement du tribun est à son comble lorsque, s’apprêtant à le faire flageller, il apprend que Paul possède la citoyenneté romaine depuis sa naissance, alors que lui, il l’avait achetée fort cher. Paul obtient la permission de s’adresser à la foule. Il le fait dans un long discours en langue hébraïque. On l’écoute longuement avec une attention silencieuse jusqu’au moment où il dit qu’ “au cours d’une vision dans le temple, il a reçu du Seigneur la mission d’évangéliser les païens“. A ce moment là, l’atmosphère change complètement : “Jusque-là on l'écoutait. Mais à ces mots, on se mit à crier : "Otez de la terre un pareil individu ! Il n'est pas digne de vivre". On vociférait, on jetait ses vêtements, on lançait de la poussière en l'air“.
La scène rappelle tout à fait ce qui s’est passé à la synagogue de Nazareth, lorsque Jésus, au début de sa vie publique, avait évoqué Naaman, le syrien, et la veuve de Sarepta ! Toujours cette peur qu’éprouve le peuple élu face à une éventuelle expansion universaliste de son “Alliance“ avec le Dieu Unique !

Le lendemain, Paul comparaît devant le Sanhédrin. Fort adroitement, Paul utilise la divergence d’opinion qui règne entre pharisiens et sadducéens, au sujet de la résurrection des morts. (Je vous conseille de vous reporter au texte). Je ne peux qu’inviter à prendre conscience de l’importance primordiale de la proclamation de la résurrection dans la prédication chrétienne et la lecture chrétienne de la Bible. Et, rappelons-nous la phrase lapidaire de l’Apôtre : “Si le Christ n’est pas ressuscité, nous sommes les plus malheureux des hommes et notre foi est vaine !“.

C’est une occasion de remarquer qu’on ne peut lire l’Ancien Testament qu’à la lumière du Christ ressuscité qui ouvre l’intelligence à la compréhension des Ecritures, et que, sans cette dimension pascale, on lit la Bible avec un voile sur le cœur.