samedi 31 décembre 2011

En élan vers Dieu !

Noël – 31 Décembre

Hier, avec Marie - “Elle méditait en son cœur“ -, nous sommes encouragés à exercer notre mémoire afin de découvrir les traces de Dieu en notre vie : au fur et à mesure que nous progressons dans le temps, nous ramassons le passé afin de l’intégrer dans un élan vers l’avenir.

C’est ce que fait, par exemple St Matthieu dans sa généalogie de “Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham“. Il remonte jusqu’à ce patriarche pour reprendre toute l’Histoire Sainte afin de mieux découvrir l’accomplissement des promesses faites à Abraham.

St Luc, lui, propose une généalogie qui remonte jusqu’à Adam, … jusqu’à Dieu !

St Jean, au sommet de la pensée néo-testamentaire, reprend les choses “au commencement“. Tous les mots, ici, sont lourds de signification.
- “Et le Verbe était avec Dieu“ - “pros ton Théon“, en grec -. Ce “pros“, mieux que d’indiquer une simple compagnie (“avec“ Dieu), veut souligner tout un mouvement permanent de relation, un élan permanent de vie avec Dieu.
- Et St Jean indique plus loin : “Le Fils Unique nous a fait connaître le Père“. Mais le verbe, ici, (ézégèsato) ne veut surtout pas entendre une connaissance intellectuelle, spéculative ; son sens primitif est “conduire“ : Le Fils nous conduit vers le Père ! Là encore, il s’agit d’un élan de vie !

Autrement dit, tout le périple terrestre que nous faisons est contenu dans ce “pros Théon“, dans cet élan vers Dieu.

Mais l’élan de l’homme avait été comme embourbé par diverses servitudes, aliénations… qui l’empêchaient de bondir vers Celui qui l’avait pourtant créé “à son image et ressemblance“. Aussi, Celui qui, dans la Trinité, est parfaite “Image du Dieu invisible“ (Col 1.15) a comme détourné son élan vers le Père pour “passer“ au milieu des fils d’Adam et leur redonner leur élan premier. Il nous faut donc être attentif pour être de plus en plus sur la trajectoire de Jésus qui passe en notre vie, être comme les aveugles de Jéricho qui “apprenant que c’était Jésus qui passait, se mirent à crier : « Seigneur, aie pitié de nous ! » “.

Alors, c’est évident, il nous fera connaître le Père, c’est-à-dire il nous “conduira“ vers le Père, nous redonnera l’élan nécessaire pour aller vers le Père. Et ce n’est pas par hasard que ce même St Jean notera à la fin de son évangile les paroles de Jésus : Maintenant, “je remonte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu“. Il s’agit, là encore, de la même conjonction de relation : “pros“, “vers“ mon Père et votre Père.

C’est tout ce voyage que nous avons à faire ici bas : reprendre élan vers le Père, à la suite du Christ, lui qui n’est qu’élan vers le Père.

St Jean avait bien compris cela, lui qui écrit dans sa première lettre : “Nous vous annonçons la Vie éternelle qui était tournée vers (pros) le Père et qui s’est manifestée à nous…, nous vous l’annonçons afin que vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Et notre communion est communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ“ (I Jn 1.2-3).

Evidemment, nous sommes plongés ici dans le mystère de la Trinité où chaque Personne divine n’est que élan vers les deux autres…, n’est que “relation“ vers l’autre…, comme disent les théologiens. L’un d’eux, - théologien et un peu poète, c’est rare (!) - disait : “imaginez un oiseau qui ne serait que vol !“.

Oui, cet élan, à la suite du Christ, transfigure notre existence. On est appelé, dans la réalité la plus banale de l’existence, à exorciser l’égoïsme pour, peu à peu, devenir comme Dieu, “à son image et ressemblance“, sans égoïsme, n’être plus que élan, relation vers Dieu, vers l’autre. N’exister que comme relation vers Dieu, vers l’autre… !

Oui, Dieu n’est pas un solitaire. On est appelé à le voir comme une famille, une harmonie. Et quand Jésus dit : “Qu’ils soient un comme nous sommes un“, ce n’est pas une vague comparaison. C’est le mystère même de Dieu qui vient comme nous envelopper afin de vivre, dès ici bas, le mieux possible, d’une charité qui soit “épiphanie“, manifestation de Dieu-Trinité.

vendredi 30 décembre 2011

Sainte Famille !

30 Décembre

Dans l'atmosphère familiale des fêtes de Noël, tournons nos regards vers la “Sainte Famille“ ! Oh ! bien sûr, certains objecteront : cette “Sainte Famille“ ne peut être notre modèle ; car, à Nazareth, c'était si… merveilleux !

Est-ce certain ? Car en ouvrant l'Evangile, nous voyons que, comme bien des mères, des pères d’aujourd’hui, Marie et Joseph furent affrontés à des contradictions, des incertitudes douloureuses, voire déconcertantes :
- Rappelons-nous la question de Marie : "Mais comment cela se fera-t-il ?"
- Et la dure nuit de Noël : "Ils ne trouvèrent pas de place à l’hôtellerie" (Luc 2.7)
- La douloureuse prophétie de Siméon : "Un glaive transpercera ton âme… !"
- La mystérieuse interrogation de Jésus, au Temple : "Pourquoi me cherchiez-vous ?" (Luc 2.49)
- La déroutante répartie du Christ à Cana : "Femme, que me veux-tu ?" (Jn 2.4)
- Et bien d’autres événements, … jusqu’au calvaire !

Et on peut penser que les longues années de silence à Nazareth - ce silence qu’a si bien glorifié le pape Paul VI lors de son pèlerinage en cette ville -, furent souvent pour Marie et Joseph une sorte de mystère déconcertant, une question permanente ! Oui, dans la maison de Nazareth comme dans toutes les maisons de la terre et en nos maisons religieuses, il y avait des problèmes, différents des nôtres sans doute, mais bien réels.

Mais je crois surtout que la solution des problèmes qui peuvent se poser à nous-mêmes aujourd’hui est la même, doit être la même que celle que Marie et Joseph ont adoptée pour eux-mêmes.
Cette solution, St Paul l’a formulée magnifiquement : "Faites vous un cœur plein de tendresse et de bonté, d'humilité et de douceur, de patience ... et par dessus tout cela, qu'il y est l'Amour : c'est lui qui fait l'unité dans la perfection" (Colos. 3-12/14)

Oui, “Qu'il y est l'Amour“… ! Le Fils de Dieu s’est incarné pour nous le transmettre ! Voilà la clef de tous les problèmes familiaux, communautaires, de nos difficultés, quel que soit le genre de vie que nous menons. Où doit donc être reçu et vécu cet Amour divin, sinon en priorité dans nos familles chrétiennes, en nos Communautés religieuses ? Comment aurions-nous l'outrecuidance de parler de paix, d'Amour à un monde divisé, désenchanté …, si au préalable, nous ne commencions pas, au sein de nos familles, de nos Communautés religieuses, à vivre de charité ?

Certes, ce n’est pas toujours facile! Mais nous le savons depuis que Dieu s’est fait homme au sein d’une famille humaine : c’est à travers les exigences concrètes, souvent banales, d’une vie familiale, communautaire que peut s’élaborer en chacun de nous cette sorte d’alchimie entre Amour divin et amour humain, en vue d’une transfiguration à la fois individuelle et collective qui sera une “renaissance“ “à l’image et ressemblance de Dieu“ !

C’est la vocation de toute famille chrétienne. C’est - bien davantage encore - la vocation de toute Communauté religieuse : témoigner de l’“Amour divin“ qui réalise la forte union entre les membres d’une même famille, d’une même Communauté, union tant physique que spirituelle…

Tant spirituelle ! Car vous le savez : certains - Religieuses, Religieux - sont appelés à dépasser les “liens du sang“ afin de mieux donner sens aux légitimes affections humaines auxquelles, eux, ils ont renoncé. Par toute leur vie consacrée à Dieu, ils désirent donner ce témoignage : l’Amour que le Fils de Dieu nous a transmis par son Incarnation doit pleinement se réaliser en nous tous, au jour éternel, lorsque nous serons invités à vivre à l’intérieur de ces relations d’Amour que s’échangent éternellement le Père, le Fils, le Saint-Esprit ! Tous, nous sommes appelés à vivre en la Famille de Dieu, en la Famille-Trinité dont, ici-bas, la “Sainte Famille“ était une image visible. Religieux, religieuses, nous avons à en témoigner !

Lorsque Dieu prit soin de constituer ici-bas sa “Sainte Famille“, il nous avertit que cette “Sainte Famille“ qu’il a désirée n’est pas fondée sur "la chair et le sang" : "à ceux qui croient en Lui, à ceux qui l'ont accueilli, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Ils ne sont pas nés de la chair et du sang ... Ils sont nés de Dieu” (Jn 1.13) ; c'est ce que nous disait St Jean au jour de Noël. - “Ne savez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ?“, demandera Jésus à Marie et Joseph. Ce n’est pas un reproche ! C’est une invitation : en accueillant le Verbe de Dieu, le Fils du Père éternel, disait dernièrement le pape Benoît XVI, nous entrons en relation filiale avec Dieu, ce qui transforme divinement toutes nos relations interpersonnelles. "Qui est ma mère, qui sont mes frères ? demandera encore Notre-Seigneur ; Ce sont tous ceux qui écoutent la Parole de Dieu". Cette fraternité divine et éternelle doit animer toutes nos relations familiales et amicales.

Aussi, notre dévotion à la Sainte Famille doit embellir toutes nos relations principalement à l’intérieur des familles chrétiennes, des Communautés religieuses. Prions à cette intention…
Prions et témoignons : même si nous avons renoncé aux affections humaines par notre vœu de chasteté, nous devons a fortiori “transpirer“, si je puis dire, de l’Amour de Dieu pour tout homme sans distinction. Et cela en évitant les deux écueils opposés dont on nous fait grief parfois :
- Ne pas accepter, au gré des circonstances ou situations, des succédanés aux affections humaines auxquelles nous avons renoncé. C’est souvent puéril, ridicule et dangereux ! Mais, par notre vie et notre voix, soyons les “hérauts“ de l’Amour de Dieu !
- Mais ne pas vivre non plus en “célibataire endurci et égoïste“. Cela arrive aussi au point que le féroce et sarcastique Voltaire qualifiait les moines de “gens qui s’assemblent sans se connaître, qui vivent ensemble sans s’aimer et qui se quittent sans se regretter“ ! C’est affreux !

Le P. Spicq, spécialiste de la “koinè“, de la langue du Nouveau-Testament, disait naguère que le mot “agapèthoi“ - qui vient du mot “agapè“ (amour) et que l’on traduit souvent par “Mes bien-aimés“ - devrait être transcrit par cette expression désormais très désuète : “Cher Révérend“. Car le mot contient à la fois 50% de respect et 50% d’affection. “Cher“, c’est l’affection ; “Révérend“, c’est le respect !

Aussi, je me permets de terminer au seuil d’une nouvelle année civile :
“Chers Révérends“, “Chères Révérendes“ : Heureuse et sanctifiante année 2012 sous le regard de la “Sainte Famille“ et dans la certitude de nous retrouver en la “Famille de Dieu“, Père, Fils et Esprit-Saint. Amen !

jeudi 29 décembre 2011

Action de grâces !

Noël – 29 Décembre

Le première démarche de Marie et de Joseph est de se rendre au temple pour présenter Jésus, pour offrir deux tourterelles en holocauste !

Holocauste ! Un mot désuet, inhabituel aujourd’hui ! Mais pour un Juif, il traduisait alors toute la reconnaissance que l’homme doit manifester envers son Créateur en toutes circonstances.

Le sens de ce mot, en hébreu, signifie : “faire monter des choses qui montent“. A l’exemple de Marie et de Joseph, ce devrait être notre attitude première, fondamentale : prendre possession de tout ce que Dieu accorde pour rebondir de tout notre être dans la reconnaissance.
- Quand le psalmiste (ps. 104) regarde la création, il ne peut que s’écrier : “Bénis le Seigneur, ô mon âme !“.
- Quand Ezéchiel et bien d’autres avec lui reçoivent la “Parole de Dieu“, celle-ci descend jusqu’au plus profond d’eux-mêmes ; ils en “tressaillent de joie“. Et, de tout leur être, s’élèvent vers Dieu, en de multiples expressions, louanges et actions de grâces.
- Quand le chrétien reçoit la “Parole de Dieu“ - Verbe fait chair ! -, celle-ci devient sa nourriture de vraie vie. Et il se permet, à l’appel du Christ qui a offert sa vie en action de grâces au Père, d’en faire une “Eucharistie“ : l’action de grâces par excellence !

Oui, la condition de l’homme ici-bas est “royale“ et “sacerdotale“. Il est “Roi“ puisque Dieu a tout remis entre ses mains. Mais, de ce fait, il devient “Prêtre“ du Dieu Très-Haut en lui faisant hommage de tout don reçu : “Tout est à vous ; mais vous êtes au Christ ; et le Christ est à Dieu !“. (I Co. 3.21).Et cela dans les grandes circonstances de la vie comme dans les moments les plus communs comme l’action de grâce pour un repas convivial (benedicite) avant de partager celui du Royaume de Dieu.

La démarche de Marie et Joseph s’inscrit donc dans cette conception “royale et sacerdotale“ de l’existence : Recevoir gratuitement et rendre grâces !

C’était la démarche de tout bon Juif depuis toujours… , depuis Jacob, le fondateur du peuple juif.
- N’avait-il pas nommé son premier enfant Ruben (racine : “voir“) : on ne voit Dieu que si l’on reconnaît qu’il nous voit sans cesse…
- N’avait-il nommé son deuxième fils : Shiméon (racine : “écouter“) : on n’écoute Dieu que si l’on reconnaît qu’il nous écoute sans cesse.
- Voir et écouter : deus attitudes qui doivent toujours se conjuguer : aussi avait-il nommé son troisième fils : Lévi (racine : “lier“). Parce que Dieu voit et entend, l’homme commence, même ici-bas, à le voir et à l’écouter (comme Agar au puits de “Lahaï Roï“ : “Serais-je vue, parce qu’il me voit ?“ – Cf. Gen. 16.13-14).
- C’est alors qu’il reçoit un quatrième fils : Judah qui signifie : reconnaissance, action de grâces (d’où vient le mot “Juif“).

Alors, muni de ce sentiment permanent et indéfectible, Jacob affrontera les combats de la vie, affrontera l’ange de Dieu lui-même en ce lieu qu’il nommera “Penouël“ (qui veut dire “face de Dieu“ - Gen 32.31). Car même les durs combats de la vie deviennent alors une “vision de Dieu“. Aussi, c’est en ce moment terrible de son existence que Jacob devient “Israël“ : “Que Dieu soit ta force !“ (Cf ; Gen. 32.29).
Dans ce sentiment de la “reconnaissance“, même un dur combat de la vie devient “vison de Dieu“ : Tout est grâce, s’écriera St Paul… Je puis tout en celui qui me fortifie.

N’est-ce pas ce qu’annonçait Syméon à propos de Jésus : “Il sera un signe de division“ par le combat suprême de son mystère pascal. Mais le voile du temple se déchirera pour que nous puissions “voir celui qui nous voit sans cesse“. Et Marie participera, dans un sentiment de reconnaissance et d’action de grâce, au “combat“ de son divin Fils qui accomplit celui de Jacob : “ton cœur sera transpercé par une épée“.

Que Marie nous aide surtout aux durs moments de notre existence, au dur combat de la mort elle-même : “Soyez toujours dans l’action de grâces“ (Eph. 5.20), disait St Paul.

mercredi 28 décembre 2011

En exil !

28 Décembre - Fête des Saints Innocents …!

Joseph et Marie s'en vont, le bébé dans les bras, le baluchon à l'épaule. Les voici sur les chemins de l'exil, chemins de peur…, vers un avenir incertain !
Comme ces routes sont encore fréquentées aujourd'hui ! Elles sillonnent notre terre de leurs tracés d'angoisses et de misères. Des millions de personnes de tout continent : “déplacés”, déportés, exilés, réfugiés, immigrés ! Victimes du racisme, de la guerre, d’un système politique ou de quelque cataclysme. Ils fuient avant qu'il ne soit trop tard pour se soustraire à la misère, à la prison, à la mort…

Joseph et Marie vivent une situation incompréhensible, douloureuse. Allez comprendre qu'Hérode menace de mort un bébé, que le tyran n'en veuille qu'à l'enfant ! Pourquoi devoir quitter sa patrie et trouver refuge en cette Égypte, ce pays dont Israël garde un si mauvais souvenir, terre d'esclavage et de sévices de tous genres ?

L'attente en pays étranger est toujours longue ! … Jésus dira plus tard que l'homme, ici-bas, est sur une terre d'exil, que s’il est dans le monde, il n’est pas du monde (Cf Jn 15.18 ; 17.14sv) : le Royaume est encore à venir ! C’est peut-être la grande leçon de notre Evangile ! Et la lettre aux Hébreux le rappellera : l’homme, sur terre, n’est qu’un voyageur, un étranger !

Remarquons encore que le risque est toujours grand pour un exilé de s'installer dans l'exil, qu’en lui ne brille plus la lumière de sa patrie et qu'ainsi son identité soit mutilée.
N’est-ce pas parfois notre cas, oublieux que nous sommes de notre vraie Patrie, pactisant trop facilement avec les ténèbres de notre terre d’exil, dit St Jean ? Et alors tant celui-ci que celui-là “ne sait où il va parce que les ténèbres ont aveuglé ses yeux“ (I Jn 2.11). Jésus n’acceptera, lui, ni l'écrasement ni la résignation. De Nazareth, il sortira pour dire qui il est : Chemin vers la Patrie, Lumière pour tout homme, Vie éternelle ! Mais on murmurera : “Celui-ci, nous savons d’où il est - de Nazareth ! - tandis que lorsque le Christ viendra, nul ne saura d’où il est !“ (Jn 7.27 ; Cf. 9.29). L’homme veut toujours enfermer l’homme !

Il n'est ni de Nazareth ni de Bethléem, ni d'un quelconque village de cette terre. Il est un exilé de chez son Père, du ciel. “Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde ; tandis qu’à présent, je quitte le monde et je vais au Père !“ (Jn 16.28. Cf 13.3…). Et son regard s'éclairait toujours de la lueur grandissante du Royaume de son Père, du Royaume à venir.

Aussi, c'est de Nazareth qu'il part pour clamer les béatitudes des pauvres et des persécutés, des étrangers ; et il les proclame à tous les exilés de la vraie patrie, celle de son Père ! Il y avait toujours en lui quelque chose de puissant, car il portait en lui l'espérance de tous les exilés. De toutes les servitudes, oppressions et fautes elles-mêmes, il tirait et tire toujours l’homme vers l'aube pascale de la liberté. Pour cela, il est passé par les chemins de l'exil qui s'enfoncent jusque dans l’ombre de la mort mais débouchent à la pleine lumière de la Vie éternelle !

Et cette mission de pleine liberté, de chemin vers la Patrie doit se réaliser en chacun d’entre nous ! St Paul l’a bien compris alors même que ses écrits rappellent les conditions sociales de son temps. Mais là n’est pas question. D’ailleurs, d'une culture à l'autre, d'une époque à l'autre, bien des choses peuvent changer dans la condition des personnes. Et parfois, tant mieux ! Cependant, le chrétien, semble dire St Paul, ne doit pas commettre des erreurs de perspective. Pour l’Apôtre, il s'agit, avant tout, de rappeler qu’“il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et vers qui nous allons !“ (I Co. 8.6). C’est en lui qu’est notre vraie Patrie !

Voilà pourquoi St Jean rappelle aux chrétiens que Dieu les a choisis pour être "ses fidèles et ses bien-aimés". Ceux que Dieu a aimés le premier doivent donc revêtir leur cœur des caractéristiques de la véritable Patrie ! Ils doivent laisser Dieu modeler en eux le citoyen du ciel !

Ainsi, au seuil de sa vie terrestre, Jésus a connu difficultés, soucis, épreuves ; il a été soumis aux heurs et malheurs des circonstances : un édit de l'empereur et il faut partir pour Bethléem ; la cruauté d'un roi et l’on doit s'enfuir, etc...

A Noël, nous avons chanté de diverses façons : "Notre Dieu est apparu sur la terre; il a vécu parmi les hommes". Autrement dit, il faut situer résolument notre évangile d’aujourd’hui, si actuel encore, dans le mystère de l'Incarnation. Le Fils de Dieu s'est vraiment fait homme. Il n’a pas fui les réalités humaines. Aussi, ne rêvons pas que Dieu est partout sauf là où l'on souffre et meurt, où vivent les hommes aux prises avec les réalités humaines, parfois si pénibles !

Non ! Dieu s’est fait homme. Il est là en toute circonstance humaine pour nous entraîner vers le Royaume de son Père, entraîner tous les exilés que nous sommes vers notre véritable Patrie !

dimanche 25 décembre 2011

Jésus - Dieu !

Noël - Jour 2011

A Noël, nous avons deux célébrations : l’une dans la nuit ; l’autre dans la journée. Mais le jour n’est pas la nuit, n’est ce-pas ! Quelle différence !

Cette nuit, noua avons été attiré vers la crèche : Jésus avec Marie, Joseph ! Et nous nous sommes efforcés de prendre place avec les bergers ! Nous nous sommes émerveillés devant l’enfant nouveau-né : Dieu semblable à nous ! Emmanuel : Dieu-avec-nous ! Tel est bien le mystère de Noël : Dieu devenu homme ! Cet enfant dans la crèche est un vrai bébé, “né d’une femme“, comme dit St Paul (Gal. 4.4). Il est vraiment homme ; et rien d’humain ne lui est étranger. Il est vraiment notre frère. Il est le frère de tous les hommes. - Bien plus, il partagera la condition des plus pauvres : pour lui, comme pour beaucoup d’autres à travers les siècles, il n’y a pas de place à l’auberge…, à l’auberge de l’humanité ! Né réfugié, il reçut comme premiers visiteurs d’humbles bergers qui, d’ailleurs, en son temps, n’avaient pas toujours bonne réputation… Et finalement il mourra ignominieusement sur une croix… ! “Lui, de condition divine, il s’est dépouillé, devenant semblable aux hommes…, il s’est abaissé jusqu’à la mort sur une croix !“ (Cf. Phil. 2.6 sv).
Dès lors, il ne faut pas l’oublier : la fête de Noël, peut-on dire, est la fête de “la grande compassion“ pour les pauvres, les exclus, les expatriés…, les souffrants (que nous sommes tous !). Dieu est tellement concerné par le sort des pauvres qu’il devient l’un d’eux. On ne peut célébrer Noël en oubliant la “nuit de Noël“, la nuit de l’“empathie“, la nuit des “grands cœurs“ qui ne peuvent supporter que des hommes se couchent, dans le froid des déserts d’amour, sur la paille souillée de l’abjecte égoïsme de l’humanité tout au long des siècles. Depuis lors, l’enfant de la crèche est tout homme en détresse !

Mais cet enfant de la crèche est aussi un “Dieu adorable“ ! Et avec St Jean, nous sommes subitement soulevés loin au-dessus des évènements de la crèche. Sur ses ailes d’aigle, l’apôtre s’élève et nous élève jusqu’auprès de Dieu : “Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu. Et le Verbe était Dieu !... Et le Verbe s’est fait chair ; il a habité parmi nous !“ (Jn 1.1sv).

Dieu qui est transparent à lui-même, en se connaissant, s’exprime nécessairement, éternellement dans une Parole intérieure à lui-même. “Au commencement était le Verbe…“.
Il y a Celui qui conçoit, engendre, profère la Parole ; c’est le Père !
Il y a la Parole conçue, engendrée, proférée ; c’est le Fils.
Celui qui est Père n’est pas Celui qui est Fils. Mais ce qu’est l’un, à savoir la Divinité tout entière, l’autre l’est également. L’Un comme le donnant, l’Autre comme le recevant. Le Père est Dieu comme se disant ; le Fils est Dieu comme étant dit. D’où son nom de Verbe. “Et le Verbe s’est fait chair ; il a habité parmi nous !“

Si nous nous émerveillons près de la crèche, c’est précisément que cet enfant de l’étable n’est pas comme les autres petits enfants. Ce petit enfant est le propre Fils de Dieu ! Cet enfant n’est pas fruit des hommes, mais le Verbe de Dieu. Né du sein de Marie, assurément, mais venu de beaucoup plus loin. Bien avant qu’il ne vienne en Marie, sa mère, il existait auprès de Dieu. Cet enfant dans la crèche nous dit : “Avant que n’aient surgi les montagnes, avant les collines, je fus enfanté, alors qu’il (que Dieu) n’avait pas encore fait la terre et les espaces ni l’ensemble des molécules du monde. Quand il affermit les cieux, j'étais là ; quand il traça un cercle à la surface de l'abîme, quand il condensa les nuées d'en haut, quand se gonflèrent les sources de l'abîme, quand il assigna son terme à la mer, quand il traça les fondements de la terre, j'étais à ses côtés comme le maître d’œuvre, objet de ses délices, jour après jour, jouant en sa présence en tout temps, jouant dans son univers terrestre“. Et maintenant “je trouve mes délices parmi les enfants des hommes“. (Prov. 8.25-31).
A la suite du livre des Proverbes que je viens de citer, Jean nous dit : “Et le Verbe était Dieu… Tout fut par lui ; et rien de ce qui fut ne fut sans lui. Et le Verbe fut chair !“. C’est un tout autre décor qu’une étable dans les pâturages de Bethléem ! C’est l’univers entier qui est sa demeure. Ce n’est pas d’une créature qu’il s’agit ici, mais du Créateur. Un Dieu adorable !

L’enfant dans la crèche, un “in-fans“, incapable d’émettre la moindre parole, est le Verbe de Dieu ! Le bébé qui ne dit rien est tout ce que Dieu veut dire aux hommes : son Unique Parole ! Dans le mutisme de cette bouche enfantine est déjà présent tout ce que Dieu a voulu, veut nous dire : “Après avoir parlé autrefois à nos pères dans les prophètes, à bien des reprises et de bien des manières, dit la lettre aux Hébreux (I.1-3), Dieu, en la période finale où nous sommes, nous a parlé à nous en son Fils… Ce Fils est resplendissement de sa gloire et expression de son être…“. Ainsi, celui qui entre dans l’étable de Noël ne doit pas seulement se laisser attendrir à la vue d’un enfant nouveau-né ; il doit surtout tomber à genoux et adorer. A l’exemple des bergers étonnés qui s’élèvent à la stature de ces fameux Sages venus ensuite de l’Orient avec des présents “pour adorer“ !

“Un Enfant nous est né, un Fils nous a été donné ! Eternel est l’amour de Dieu ! Venez, adorons !

samedi 24 décembre 2011

A la crèche !

Noël - Nuit 2011

- Eucharistie de la nuit ! (A Chateau du Loir) - Messe dite “des familles“ ! (Présence de nombreux enfants)
Dialogue proposé à tous les parents et leurs enfants, en ces jours de Noël :

Faire venir les enfants dans le choeur
1. Dieu en recherche d’hospitalité !
- Aux enfants : Demander aux enfants si la fête de Noël leur plaît !
Ils répondront certainement : - “Oui“, à cause des cadeaux !
Mais pourquoi reçoivent-ils des cadeaux ? Ce n’est pas leur fête !
C’est la fête de qui ? - La fête de Jésus !
Qui est Jésus ? Dieu et homme... ! Dieu s'est fait petit enfant !
- Aux adultes : Dieu invisible, inconnaissable s’est fait homme visible, connaissable ! Notre Dieu n’est pas le Dieu des philosophes, qui vient de nos spéculations, de nos projections. Notre Dieu est un Dieu qui se révèle lui-même en prenant notre condition humaine : “Je crois en Jésus, le Fils Unique du Père…, disons-nous ensemble le Dimanche ; il a pris chair de la Vierge Marie“ ! - “Ce que nous avons entendu, écrira St Jean, ce que nous avons vu, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie“…, nous vous l’annonçons ! (I Jn 1.1sv). Voilà l’objet de la fête de ce soir ; Telle est bien notre foi : Dieu se fait homme !

- Aux enfants : Mais si c’est la fête de Jésus, pourquoi reçoivent-ils des cadeaux ? Ce n’est pas leur fête ! … … A quelle condition peuvent-ils recevoir des cadeaux ? … Leur faire comprendre que maintenant, en ce moment, la plus belle crèche pour Jésus, c’est leur cœur ! Jésus frappe à la porte de leur cœur et il demande d’être accueilli… !
- Aux adultes : En une fête de Noël, le grand St Augustin s’était exclamé à propos de Marie : Si Marie a reçu la grâce de recevoir Dieu en son corps, c’est qu’elle l’avait d’abord reçu en son cœur ! Nous aussi, nous pouvons recevoir Dieu en notre cœur, c’est-à-dire en toute notre vie. “Pour moi, vivre, c’est Christ !“ (Ph. 1.21), constatait St Paul, tant il vivait de lui, par lui, en lui ! Pour l’apôtre, vivre, c’est un nom - Christ - tant ce nom est tout pour l’apôtre, tant St Paul est dominé et absorbé par l’objet de sa foi, tant il y a pour ainsi dire transfusion de Christ en Paul et de Paul en Christ ! Et même il dira : “Ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi !“ (Gal 1.21).

En cette fête de Noël, demandons à être des “Christophe“ : “Christos phoros“ : des porteurs du Christ. Et pour cela sachons l’accueillir : Car, écrivait St Ambroise, “Celui qui vient frapper à ta porte désire entrer. Mais il dépend de toi de l’accueillir ! … Ouvre donc la porte de ton âme. Élargis l’espace de ton esprit et accueille le Seigneur qui te fait visite. Tu découvriras alors les richesses de sa simplicité, les trésors de sa paix, la suavité de sa grâce ! Le Christ lui-même reste dehors, si tu fermes la porte de ton âme. Oh ! certes, il pourrait entrer ; mais, il ne veut pas s'introduire de force, il ne veut pas contraindre ceux qui le refusent. Sois attentif et vigilant. Car s’il trouve la maison fermée lors de sa venue, il se retire. Il s’éloigne avant même d’avoir frappé si ton cœur ne veille pas ; mais, s’il veille, il frappe et il te demande de lui ouvrir et de l’accueillir ! “
Puissions-nous toujours veiller pour accueillir le Seigneur-Dieu qui, en chacun de nous, veut toujours se faire homme ! …

2. La crèche !
Je vous invite maintenant à regarder la crèche
- Aux enfants : Car si vous invitez Jésus dans la crèche de votre cœur, il y aura aussi, bien sûr, tous ceux qui étaient près de Jésus en la nuit de Bethléem. Qui voyez-vous d’abord près de Jésus.
Il y a Marie, la maman de Jésus. Bien sûr. Comme toutes les mamans, elle est toujours là près de son enfant, lui prodiguant tous les soins dont il a besoin…
- Aux adultes : Il y a la Vierge Marie, c'est celle qui est toujours là ! Elle est là depuis les origines. Elle est là à la naissance.
Une maman est toujours là !
Elle est sera à la Présentation au Temple. Elle y sera pour retrouver son fils parmi les docteurs. Elle sera aux Noces de Cana, le premier des signes de Jésus. Elle sera au pied de la Croix. Marie, elle est là tout le temps, quand on besoin d’elle, quand on a besoin d’une mère ! Elle sera là à la Pentecôte au point de départ de la prédication apostolique. Et aujourd’hui, elle est là si nous voulons aller à Jésus… Sachons que lorsque nous disons notre chapelet, nous empruntons le cœur, l'intelligence, la sensibilité, l'intuition de la Vierge Marie pour connaître le Verbe Incarné en qui habite la plénitude de la Divinité. Aller à Jésus par Marie !

- Aux enfants : Et qui y a-t-il encore près de Jésus ?
… Bien sûr, il y a encore St Joseph. C’est difficile de parler de Joseph, car de lui, les évangiles ne nous rapportent aucune parole ! C’est le grand silencieux. Il est là pour nous apprendre que pour recevoir Jésus, il nous faut faire silence…, un grand silence en notre cœur. Pour écouter, faire silence !
- Aux adultes : Je me suis demandé si Jésus n'avait pas voulu avoir près de lui comme une image vivante de son Père Céleste, Celui qui n'a pas besoin de paraître. Il est ; et cela suffit. Joseph est là ; et cela suffit. Il est là silencieusement, comme nous le sommes parfois près d’une personne en très grande joie ou en très grande douleur. Et notre présence suffit ! Etre là près du Seigneur ; et cela suffit !

- Aux enfants : Et qui y a-t-il encore près de Jésus ?
Oui… les bergers ! Dans l’évangile, ils représentent les pauvres par excellence. Ils veulent nous dire que pour accueillir Jésus, il faut vider notre cœur de nous-mêmes, faire le vide, faire de l’espace pour Jésus…, être attentifs !
- Aux adultes : Il y a les bergers qui sont habitués à être toujours attentifs…, attentifs à leurs troupeaux. Les bergers sont moins que les autres victimes de cette maladie dont nous sommes tous victimes : le divertissement, la distraction, l'aveuglement. C’est quand Moïse était berger qu'à l'Horeb, il fait l'expérience de la rencontre de Dieu. Rappelez-vous le buisson ardent : Moise fait un détour pour voir ! Et Dieu voit que Moïse fait un détour pour voir ; C’est alors qu’il l’interpelle ! Oui, parce que attentifs, nous faisons parfois des détours en notre vie, des détours au plus profond de nous-mêmes pour voir… pour être sur la trajectoire de Dieu qui passe au plus profond de notre être. Car Dieu qui est Celui qui est et qui n'a pas besoin de paraître. Et il cherche des gens qui vivent au plan de l'être et non au plan du paraître.

3. Etre là !
- Aux enfants : Enfin - et je terminerai par là - que trouve-t-on encore dans la crèche… et souvent au fond de la crèche… pour réchauffer Jésus ?
Oui, il y a l’âne et le bœuf ! On ne conçoit pas une crèche sans un âne et un bœuf.
- A tous : Mais d'où sortent-il ? On n'en parle pas dans l'Evangile. C’est le prophète Isaïe - ce grand prophète de la foi - qui en parle, lui qui a annoncé l’“EMMAUEL“ : Dieu avec nous ! Et que dit-il ? Oh ! Cette simple réflexion :
Is. 1.3 : "Le bœuf connaît son possesseur, et l'âne la crèche de son maître. Mais Israël ne connaît pas, mon peuple ne comprend pas".

Et vous vous rappelez : Hérode, à l'arrivée des Rois Mages, convoque les scribes et les interroge. Et les scribes disaient : “Tout le monde le sait, c'est de Bethléem que doit venir le Messie”. Les scribes savent, mais ils ne sont pas là, à la crèche ! Ils ne se dérangent pas !
Tandis que les Mages qui n'y connaissent rien, ces païens - on les nommait avec mépris les “akoum“, ce qui veut dire : “adorateurs d'étoiles“, - ils viennent, eux, à la Crèche. Ils sont là ! C’est le scandale par excellence ! Le peuple élu, préparé par une pédagogie spéciale à la venue du Messie, n'est pas là ou bien reste indifférent ; Et même, il s'opposera à la prédication de la Bonne Nouvelle !
Oh ! Il ne s’agit pas de se reporter en arrière seulement ! Nous-mêmes issus de cette nation que l’on a appelé “fille aînée de l’Eglise“, ne sommes-nous pas tous finalement victimes de l'aveuglement. Ne plus être là sur la trajectoire de Dieu qui passe, qui ne cesse de passer en nos vies !

Et je fais cette réflexion autant pour moi que pour vous-mêmes. Car il y a une phrase terrible dans Jérémie qui m'a beaucoup frappé :
Jer. 2.8 : "Les dépositaires de la Loi ne m'ont pas connu, Moi !"
On peut savoir la Bible par cœur - et c'est terrible de savoir cela - et ne pas être là quand se présente celui dont toute la Bible parle. Accumuler des connaissances sur la Bible et ne pas être là sur la trajectoire de Dieu qui passe, qui vient nous chercher pour nous prendre tels que nous sommes, là où nous en sommes, à notre niveau, pour nous conduire vers lui ! Ne pas être là ! C’est terrible, cela !

“Alors qu'ils étaient là !“, dit simplement St Luc en parlant de la nativité de Notre-Seigneur !
Nous serions-nous dérangés..., comme les bergers ?
Etre là quand Dieu est là ! Sainte fête de Noël !

vendredi 23 décembre 2011

Elie !

Avent 23 Décembre (Mala. 3.1sv)

La lecture nous invite à méditer sur les dernières lignes de la littérature prophétique avec le prophète Malachie.
Si on se reporte au texte biblique, on remarque que Moïse et Elie sont évoqués conjointement dans ces derniers versets du dernier des prophètes :
“Souvenez-vous de la Loi de Moïse, mon serviteur, à qui j'ai donné, à l'Horeb, des lois et des coutumes pour tout Israël. Voici que je vais vous envoyer Elie, le prophète, avant que ne vienne le jour du SEIGNEUR, jour grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils, celui des fils vers leurs pères pour que je ne vienne pas frapper la terre d'interdit“. (Mal 3.22-24)

Dans la lecture que nous propose la liturgie d’aujourd’hui, on ne parle pas de Moïse comme pour mieux concentrer notre attention sur Elie. On met l’accent sur Elie qui personnifie le prophétisme ; et on omet d’évoquer Moïse qui personnifie la Loi et les observances du Sinaï. Comme dans le récit de la Transfiguration, tel qu’il est rapporté dans St Marc, Elie passe avant Moïse : “Elie leur apparut avec Moïse ; ils s'entretenaient avec Jésus“. (Mc 9.4)

Il n’est peut-être pas sans importance de s’arrêter sur cette remarque. Car il en va de la différence qu’il y a entre la lecture chrétienne de la Bible et la lecture de l’Ancien Testament que l’on fait à la Synagogue.

Chez les Juifs, l’Ancien Testament est constitué de la “Loi“, des “Prophètes“ et des “Ecrits“. Et l’énumération se fait en ordre décroissant. Prééminence est donnée à la Torah, à la Loi que l’on lit d’un bout à l’autre, de manière continue tout au long de l’année (1). La lecture des prophètes vient ensuite ; elle se fait de manière discontinue, un passage étant choisi pour illustrer le texte qu’on a lu auparavant dans la Torah. Ensuite, en troisième lieu, viennent les Ecrits, avec une place privilégiée donnée aux psaumes. (Ainsi fait-on aujourd’hui. Au temps de Notre Seigneur, ce n’était pas encore aussi codifié !)

En Terre chrétienne, il y a une différence fondamentale. La lecture des Ecritures se fait rétrospectivement à la lumière fulgurante de la résurrection du Christ. Quand Jésus apparaît aux apôtres après sa résurrection, “il ouvre leur intelligence, est-il dit, à la compréhension des Ecritures“ (Lc 24.45) qui, dans une lumière nouvelle, apparaissent comme préparant, annonçant et préfigurant ce qui arrive à “la plénitude des temps“ (à Noël et Pâques - Il ne faut pas séparer ces deux fêtes comme l’a rappelé récemment le pape Benoît XVI dans une de ses catéchèses).

On ne considère plus la Torah, les prophètes, les Ecrits dans un ordre d’importance décroissante, mais, au contraire, dans un ordre de progression dans la connaissance de Dieu qui se manifeste à Noël et Pâques. Tout se concentre non pas sur une LOI, si importante soit-elle (pour mieux “s’ajuster“ à Dieu), mais sur une Personne : le Christ, Dieu fait homme, le “JUSTE“ par excellence qui nous entraîne en la vie même de Dieu !

Dans la perspective de la Synagogue, on dira même que si le peuple avait été fidèle à la Torah, Dieu n’aurait pas eu besoin de le rappeler à l’ordre par les prophètes.
Dans la perspective chrétienne, les prophètes apportent un supplément de révélation à la Loi, en nous préparant à “changer nos cœurs“ pour accueillir Dieu lui-même ! (2). Et c’est ainsi que Elie (le premier et le plus grand des prophètes) passe avant Moïse dans la lecture chrétienne de la Bible,
comme sur la montagne de la Transfiguration,
comme nous le fait méditer le texte de ce jour qui nous mène à l’avant-veille de cette “plénitude des temps“ où Dieu envoya son Fils né d’une femme, où Dieu, dans la nuit de Noël, déversera gratuitement la grâce d’une “Nouvelle Alliance“ qui n’est rien moins qu’une nouvelle création, accomplie parfaitement à Pâques !

La réflexion peut paraître un peu technique et subtile. Elle est cependant d’importance. Plus qu’à une LOI, c’est à une PERSONNE qu’il nous faut nous attacher : le CHRIST, Dieu fait homme, mort mais ressuscité, qui veut vivre en nos cœurs si nous savons l’accueillir !
Que ce soit la grâce de Noël 2011 !


(1) La Loi est écrite à la main par des scribes spécialisés, enveloppée de draperies somptueuses, couronnée une fois roulée, et déposée dans un “tabernacle“ où elle est vénérée comme le Saint Sacrement chez nous.

(2) On le constate d’ailleurs facilement : le Deutéronome, mis dans la bouche de Moïse, reflète la réforme du roi Josias qui se fit à la veille de la destruction de Jérusalem en 586 av. J.-C . Elle est fortement influencée par la prédication du prophète Jérémie qui parle de la Nouvelle Alliance où la Loi sera inscrite dans le cœur : Deut. 29.3 : “Moïse convoqua tout Israël, et il leur dit : Vous avez vu vous-mêmes tout ce que le Seigneur a fait sous vos yeux… Pourtant, jusqu'à aujourd'hui, le Seigneur ne vous avait pas donné un cœur pour reconnaître, ni des yeux pour voir, ni des oreilles pour entendre“. (C’est ce que Dieu fit à la “plénitude des temps“, à Noël-Pâques !).

mercredi 21 décembre 2011

Voeux !

Sainte fête de Noël… Heureuse année 2012 !

Bonne… Heureuse… … ! Et je sais pourtant que pour beaucoup, pour vous peut-être, il y a des jours, des semaines où l'on croit vivre un interminable cauchemar : la télévision nous montre d'horribles scènes ; la radio fait écho à toutes les violences ; les journaux nous détaillent les effets divers de la "crise" européenne, voire internationale… !

Et le cauchemar devient plus brutal quand le malheur se rapproche : maladie, cancer, dépression, accident. L'atmosphère, alors, se fait lourde ; et on ne voit plus qu'il fait soleil !

Pour conserver un équilibre, certains se blindent, prennent distances, oublient…, fuient…, ne serait-ce que l'information. Ils se protègent dans le cercle de la famille et des amis proches où l'on peut sourire malgré tout, et partager des instants d'amour, d'affection et de bonheur.

Et si, en cette approche de Noël, on ouvrait les yeux avec le regard d'un enfant qui, lui, malgré les pleurs qui peuvent parfois l'embuer, cherche toujours à voir ce qu'il y a de beau, de bon autour de lui.
Oui, regardons avec lui : des centaines de millions d'enfants, à travers les cinq continents, s'endorment le soir dans un océan de douceur ; des milliards d'hommes et de femmes échangent aujourd'hui la tendresse. Certes, la télévision ne nous montre pas souvent ces événements menus et constants qui tissent, réparent, embellissent l'étoffe de la vie en tous lieux de la terre. Les feux de l'actualité sont toujours braqués sur l'événement à sensation et l'on oublie les miracles infinis de l'existence quotidienne : effort, imagination, dévouement, invention, sympathie, humour… tous ces mille fils aux couleurs vivantes qui prolongent l'immense tapisserie de la vie individuelle et collective des hommes.

Et c'est avec ce regard d'enfant - celui de Bethléem qui veut vivre dans les cœurs de tous les enfants de la terre - que je vous redis mes vœux, en vous invitant, malgré les malheurs divers, à regarder la "face positive" de l'univers, la vôtre, intérieure, et celle du monde, extérieure !

C'est avec ce regard d'enfant que l'on peut joyeusement admirer tous ceux qui œuvrent pour embellir le monde et la vie, et se joindre à eux dans l'immense chantier de la Beauté, de la Bonté. Car il serait indécent de murmurer comme le Christ lui-même nous y invite : "Notre Père", si l'on ne cherchait pas à vivre en frères.
Après, au-delà seulement, il sera permis d'ajouter comme un enfant toujours confiant : "Délivre-nous du mal" !


P. Marcel GUILLET
Prieuré “La Paix Notre-Dame“
72500 FLEE

mgsol@wanadoo.fr

mardi 20 décembre 2011

Jésus, Fils de Dieu, notre frère !

Avent - 20 Décembre Annonciation ! (Lc .1-26-38)

L’ange dit à Marie : “Tu concevras et enfanteras… Et celui qui va naître sera appelé Fils de Dieu !“.

Marie ne comprend pas tout ce qui lui est dit ni tout ce qui lui arrive ! “Comment cela va-t-il se faire… ?“, ose-t-elle demander ! Elle en sait assez cependant pour deviner que le Seigneur lui demande d’être tout entière disponible, corps et âme, à Celui qui vient, le Messie annoncé par les prophètes - l’Emmanuel ! - !
Elle dit “Oui“ librement. Et grâce à ce “Oui“ spirituel conjugué avec le “Oui“ de Dieu, le “Verbe“, la “Parole“ se détache, en quelque sorte, de la bouche du Créateur ; elle se fait chair ; elle habite désormais parmi nous ! Ce que St Jean exprimera plus tard : “Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu… Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut… Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique… Nul n'a jamais vu Dieu ! Le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l'a fait connaître…“. Voilà le grand mystère qui commence en Marie, grâce à Marie…

Le corps de Marie va connaître les transformations biologiques que vivent toutes les mères. Mais il en est de même, également, pour sa relation à un Dieu qui n’est plus lointain, qui devient si proche ! Comme l’annonçait la Tora que Marie connaissait par cœur comme toute juive, il lui est dit de façon particulière : Tu n’as pas besoin “d’aller aux cieux, ni au-delà des mers“, pour rencontrer la “Parole“ - le Verbe de Dieu ! - ; “Cette Parole est tout près de toi ; elle est dans ta bouche ; elle est dans ton cœur !“ (Cf. Deut 30.11-14).

Dès lors, quand Marie s’adresse à ce “fils de David“ et “Fils de Dieu“ qu’elle porte en elle, elle peut lui dire : “mon enfant !“. Et Dieu lui-même - comme il le fera au jour du baptême par Jean et au jour de la Transfiguration -, dit avec elle, en elle et comme elle : “Tu es mon Fils bien-aimé !“. Oui, Marie est la femme qui a pu dire “nous“ avec Dieu ; et, avec lui, s’adresser au Fils de Dieu en disant : “mon fils !“.

Remarquons encore que le mystère de l’Alliance de Dieu avec l’homme se réalise et dans le silence de Dieu et dans le silence de Nazareth ! La “Parole de Dieu“ ne se révèle le plus souvent que dans le silence ! Dieu entre dans nos vies à pas feutrés, si je puis dire, pour nous redire toujours la même confidence, comme à Adam, comme à Moïse, comme à Elie : “Tu es mon fils bien-aimé ; je te donne toute ma tendresse !“. - Mais, bien sûr, ce n’est qu’en Jésus, fils de Marie (dès l’Annonciation) que le sens plénier de cette “Alliance“ inouïe est révélé…
Et si nous savons écouter la voix de Jésus tout au long de sa vie publique, cette voix qui relaie celle du Père, alors nous l’entendons nous dire avec amour divin : “Vous êtes tous mes frères !“. Mais il faudra le silence de sa croix et le souffle de la Pentecôte pour percevoir totalement cette réalité grandiose qui fera dire à St Paul : “Ceux que Dieu a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, afin que celui-ci soit le premier-né d’une multitude de frères…“ (Rm 8.29).

Aussi, il n’est pas étonnant que Marie soit toujours là ! Aujourd’hui comme hier ! Elle est toujours là : à l’Annonciation comme Mère du Christ et à la Pentecôte comme Mère de l’Eglise, corps du Christ ! A Cana qui annonce sa présence au pied de la croix ! Elle est toujours avec son Fils, donc toujours avec nous. Et dans cette Alliance qu’elle inaugure au jour de l’Annonciation grâce à son “fiat“, c’est désormais par elle que nous pouvons redire, en Jésus, notre “Oui“ de fils, nous aussi, à Dieu le Père !

lundi 19 décembre 2011

Nos annonciations !

Avent - 19 Décembre (Lc 5.1-25)

Il y a beaucoup d’“annonciations“ dans la Bible ! Aujourd’hui nous sont relatées celles faite à Anne, au temps du prêtre Eli, et celle faite à Zacharie.
Et, si nous sommes attentifs, nous avons tous, nous aussi, durant notre vie d’ici-bas des “annonciations“ de la venue du Seigneur. Mais comme Zacharie, nous manquons facilement de discernement, de foi et d’espérance pour les reconnaître, les accepter.

Pourtant tout le temps de l’Avent nous invite à manifester cette venue permanente de Dieu - l’Emmanuel - qui veut toujours faire alliance avec l’homme, avec chacun d’entre nous. Car tous, nous avons une “place particulière“ dans le cœur de Dieu ! Cette “place particulière“ n’est pas réservée aux prêtres seuls, aux religieux, religieuses seuls ! Et à cet appel de Dieu, à cette “vocation“ personnelle, Dieu nous fait moult signes, nous fait des “annonciations“, durant notre vie ici-bas ! En sommes-nous seulement conscients ?

Il nous faut toujours être attentif, être en éveil, veiller afin de voir celui qui vient sans cesse en notre vie.
“Veiller”, oui, c’est l’un des maître-mots de ce temps de l’Avent. Etre attentif à cette présence du Christ qui, de jour en jour, dans les modestes réalités de nos vies et par de multiples intermédiaires annonciateurs, vient, ne cesse de venir à nous.

“Veillez donc“, répète St Paul ! Malheureusement, ce mot, en français, n’évoque pas l’image vigoureuse du verbe que St Paul a forgé, tout exprès, à cet effet. Sans doute que je me répète, mais pour évoquer le “Veilleur“, l’homme d’espérance, Paul le représente comme un guetteur : “Apo-kara-dokein“,
un guetteur qui dresse la tête et tend le cou (kara)
pour épier (dokein)
et tâcher de découvrir au loin (apo) ce à quoi il s’attend.

“Apo-kara-dokein“. A vrai dire, cette attitude ne peut être qu’éprouvante. On est tous tentés de laisser tomber la tête, comme les vierges de l’évangile qui cèdent au sommeil, incapables alors de chanter celui qui va venir.
Non ! “Apo-kara-dokein“ : dresser la tête pour voir au plus loin possible celui qui vient ; être guetteur comme le vigile au sommet des caravelles d’autrefois qui seul pouvait crier le premier : “Terre !“ ‘

“Veillez donc !“, répète St Paul avec tous les apôtres. Autrement dit, les chrétiens doivent être - surtout à un certain âge, c’est plus facile - des “insomniaques vigilants“ : Grègoreite“, d’où est venu le prénom très chrétien : Grégoire ! Un Grégoire, c’est un homme qui “veille“, qui “guette“.

Alors, je conclurai avec le Cardinal Newman :
“Savez-vous véritablement ce que c'est que de veiller ?
Savez-vous ce que c'est que d'attendre un ami, et de le voir tarder ?
Savez-vous ce que c'est que d'être dans l'anxiété au sujet d'une chose qui peut arriver ou ne pas arriver ?
Savez-vous ce que c'est que d'avoir un ami au loin, d'attendre de ses nouvelles, et de vous demander jour après jour ce qu'il fait en ce moment, et s'il est bien portant ?
Savez-vous ce que c'est que de vivre pour quelqu'un qui est près de vous, à tel point
que vous lisez dans son âme,
que vous prévoyez ses désirs,
que vous souriez de son sourire,
et que vous vous attristez de sa tristesse,
que vous êtes abattus lorsqu'il est ennuyé,
et que vous vous réjouissez de ses succès ?

Oh certes, vous le savez ! Et bien, VEILLER DANS L'ATTENTE DU CHRIST EST UN SENTIMENT QUI RESSEMBLE A CEUX-LA, autant que les sentiments de ce monde sont quelque peu capables de figurer ceux d'un autre monde". (Cardinal Newman 1801-1890)

Soyons donc des vigilants pour accueillir le Seigneur qui vient !

dimanche 18 décembre 2011

Le vrai temple de Dieu !

4ème Avent B 11-12 -

On a toujours un peu le goût du spectaculaire ! Les journalistes le savent bien : les nouvelles que les médias transmettent sont souvent présentées comme de l'inédit, du sensationnel. Et ce n’est pas nouveau !

La 1ère lecture nous parle d’un roi - David - qui habitait un palais de cèdre à Jérusalem. Or, l'Arche d'alliance, symbole de la présence de Dieu au milieu de son peuple, reposait encore, elle, sous une simple tente, comme au temps où les Hébreux étaient nomades dans le désert. David pense que ce n'est pas bien. Il décide la construction d'un Temple en l'honneur de Dieu. Pour Dieu, n'est-ce pas, rien n'est trop beau ! Il faut quelque chose de grandiose, de magnifique, et - pourquoi pas le dire - du spectaculaire !

En France, au Moyen Âge, on a construit de splendides cathédrales : rien n'était trop beau, trop riche pour Dieu ! A Rome, à la Renaissance, on a construit la basilique St Pierre et tout son environnement ; rien n'était trop beau pour Dieu ! Il fut un temps dans l'histoire de l'Eglise où les messes étaient devenues de splendides spectacles : rien n'était trop beau pour Dieu!
Et c'est toujours ce que pensent instinctivement bien des croyants. Mais Dieu, lui, qu'en pense-t-il ?

D'après le Livre de Samuel, le roi David s'ouvre de son projet à un homme inspiré de Dieu, le prophète Nathan. Celui-ci lui répond d'abord : “Tu as raison ton projet est très bon !” Mais la nuit suivante, Nathan réfléchit à la lumière de Dieu : et en quelque sorte il se fait cette réflexion : ce qui fait avant tout la gloire de Dieu, ce ne sont ni de beaux temples, ni de belles cathédrales, ni de riches œuvres d'art, toutes choses spectaculaires qui viennent d'un bon sentiment et qui ne sont pas mauvaises, mais qui ne sont pas l'essentiel aux yeux de Dieu. Ce que Dieu veut d'abord, c'est que son règne grandisse à l'intérieur des cœurs et des esprits, c'est que l'on bâtisse peu à peu un monde de justice et de fraternité parmi les humains, un monde qui soit le signe du Royaume de Dieu qui grandit. Les plus beaux temples que Dieu veut habiter et qu'il faut lui préparer, ce sont nos cœurs, des cœurs aimants, disponibles à sa volonté, et ouverts aux autres. Saint Paul dira aux premiers chrétiens : Mais “le Temple de Dieu, c'est vous-mêmes !” (I Co. 3.17).

Mais cela, ce n'est guère spectaculaire. Et pourtant, c'est ainsi que grandit le Royaume de Dieu d'après l'évangile : “Il en est du Royaume de Dieu comme d'un cultivateur qui a jeté la semence en terre ; qu'il dorme ou qu'il soit debout, la nuit ou le jour, la semence germe et grandit, il ne sait comment ... ”. (Mc 4.26-27)

Dans quelques jours, ce sera Noël. Il y aura un peu partout des eucharisties joyeuses, célébrées avec ferveur ; et c’est bien ! Il y aura des festivités familiales ; depuis un mois déjà, tout cela se prépare. Mais redisons-le : l'essentiel, c'est que nous ouvrions nos cœurs à l'amour, à l'amour de Jésus-Christ et à l'amour de nos frères, et que le règne du Christ grandisse en nous et autour de nous. Oui, c'est en nous-mêmes que le Christ veut renaître et établir sa demeure.

Pensons à ce récit de l'ANNONCE A MARIE (Evangile). Que s'est-il passé exactement ce jour-là ?
Rien de spectaculaire ! Tout est resté dans le secret de Marie ; elle était dans de telles dispositions d'amour et d'accueil à tout ce que Dieu désirait qu'elle est devenue elle-même le Temple de Dieu pour donner à l'humanité son Sauveur : “L'Esprit-Saint viendra sur toi, et la Puissance de Dieu te prendra sous son ombre. C'est pourquoi l'enfant qui va naître de toi sera saint, il sera Fils de Dieu !”

Et, le jour de la NAISSANCE DE JESUS, rien de spectaculaire non plus : la naissance d'un bébé dans une étable où se sont réfugiés les parents parce que l'hôtellerie du village affichait complet. Tout se réalise dans le silence, dans la discrétion. Seuls quelques pauvres bergers vont s'approcher ; ils seront les seuls à avoir la révélation de ce qui s'est passé.

Alors, il faut le redire : aux yeux de Dieu, ce qui compte surtout, ce ne sont pas les choses extraordinaires… Ce qui compte aux yeux de Dieu, c'est que le message d'amour du Christ se répande de plus en plus, son message d'amour, de fraternité et de paix. Ce qui compte aux yeux de Dieu, c'est qu'il y ait de plus en plus de cœurs, comme celui de Marie, pleinement ouverts à Dieu et aux autres, prêts à prendre tous les risques pour que toute l'humanité devienne de plus en plus belle, de plus en plus digne du Christ qui a voulu en faire sa demeure.

Tout au long de l'évangile, nous voyons Jésus faire appel à des gens simples, mais ardents, généreux : des pêcheurs, des publicains, des femmes peu considérées à l’époque. On voit Jésus soulignant la valeur des moindres gestes, comme celui de cet enfant qui apporte cinq petits morceaux de pain pour nourrir des milliers de personnes ; qu'est-ce que cela ? Presque rien ! Oui, mais ce “presque rien“, comme le plus petit geste d'amour gratuit, a une valeur immense.
Tout au long de sa vie terrestre, Jésus a repoussé la tentation du sensationnel ou du spectaculaire. Il n'a utilisé que des moyens pauvres, y compris la croix. Il en sera ainsi tout au long de l'histoire de l'EGLISE. Au cours des siècles, chaque fois que l'Eglise a connu des périodes de puissance, ce furent en même temps des périodes de tiédeur spirituelle et de décadence.
Et chaque fois au contraire que des hommes ont travaillé à la remettre dans le droit chemin de l'évangile, ce fut par un retour à la pauvreté, à la simplicité, à l'humilité. Voyez St Bernard, St François d'Assise, St Vincent de Paul. Et voyez encore les messages de Bernadette Soubirous à Lourdes ou de Thérèse de Lisieux. Le Royaume de Dieu ne progresse pas à coups de sensationnel, mais discrètement, dans le silence, en profondeur, dans la vie et le cœur des gens, à la manière d'une semence qui germe et grandit sans qu'on s'en rende compte.

Le petit enfant de Bethléem que nous allons fêter est le meilleur symbole de la faiblesse, de l'impuissance, de l'inefficacité, surtout quand on sait comment sa vie s'est terminée. Mais “ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes” (I Cor. 1.25). Et de fait, depuis 2000 ans, le message du Christ a changé radicalement le cours des choses. Ce message d'amour gratuit qui va jusqu'au pardon, jusqu'au sacrifice, ce message qui reste une “Bonne Nouvelle“ pour les hommes de bonne volonté, ce message que nous allons entendre dans quelques jours, ce message a déjà transformé le cours de l'histoire et purifié la conscience des hommes. Et cela continuera !

Ce message de Jésus, chaque fois que nous le mettons en pratique d'une manière ou d'une autre, en famille, au travail, en communauté de vie, dans nos divers engagements, ce n'est peut-être qu'une goutte d'eau aux yeux des hommes, mais c'est aux yeux de Dieu une perle précieuse et une avancée pour son Royaume. Aucun acte d'amour n'est perdu pour le Christ. Chaque fois, c'est un peu plus de beauté que nous apportons au Monde nouveau et à l'Humanité nouvelle inaugurée par Jésus il y a 2000 ans. Telle est la force de l'évangile (2ème lecture) : un levain capable de soulever le monde. C’est alors que le véritable temple de Dieu se construit !

vendredi 16 décembre 2011

“Maison de prière !“

Avent 3 Vendredi - “Ma maison, une “Maison de prière ! “ (Is 56.1-8)

Le prophète Isaïe (Les exégètes vous parleront du 3ème ou 4ème Isaïe, mais peu importe) était un esprit très universaliste. Il prévoit une “Maison de Dieu“ comme “universelle Maison de prière“. Il prédit l’entrée dans le temple de tous ceux qui, habituellement, y étaient exclus !

- Il y avait d’abord les boiteux et les aveugles, en conséquence d’une malédiction prononcée à leur encontre par David lors de la conquête de la colline de Sion : Il marcha, est-il dit, contre les Jébuséens qui habitaient le pays. Or ceux-ci lui dirent : "Tu n'entreras pas ici ! Les aveugles et les boiteux t'en écarteront" ! “Mais David s'empara de la forteresse de Sion…“ … et il fut dit : "Les boiteux et aveugles, David les hait". C'est pourquoi il fut prescrit : “Aveugles et boiteux n'entreront pas au Temple“. (Cf. 2 Sam. 5.7-8).
Seul, le Messie pouvait les y réintroduire. Aussi, on voit Jésus guérir nombre d’aveugles et de boiteux ; et on comprend mieux la réponse qu’il fit à Jean-Baptiste : “Allez dire à Jean : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés…“ (Lc 7.22). On comprend mieux que, juste avant sa passion et sa résurrection, il guérit l’aveugle de la piscine de Siloë au sud du temple, et le paralytique de la piscine de Bethzatha au nord du temple. Ils peuvent entrer dans le temple ! C’était symbolique : ne sommes-nous pas tous des aveugles et des boiteux guéris par Jésus qui nous fait entrer en son Temple qui est son Corps, au point que St Paul dira : “Le temple de Dieu est saint ; et ce temple, c’est vous !“ (I Co. 3.17).

- Il y a une deuxième catégorie d’exclus : les étrangers parce qu'ils n'ont pas de racines dans le Peuple élu ; et les eunuques, car ils n'ont pas d'avenir ! Alors, d’après le passage d’Isaïe (qui, dans la version liturgique, a été tronqué des v/ 4-5 ; on peut le regretter ! - (1) -), Dieu console ces derniers : “s’ils observent mes sabbats et sont fermement attachés à mon alliance, je leur donnerai dans ma maison un monument et un nom ; ce sera mieux que des fils et des filles !“. - “Un monument et un nom“ ! “Yad vashèm“.
Et c’est par cette expression que les Juifs ont nommé le “lieu-mémorial de la shoah“, à Jérusalem ! Le martyre d’étrangers à Israël, qui n’ont pas eu de descendants (comme les eunuques), est reconnu comme avoir une fécondité mystérieuse pour la “Maison d’Israël“ !
Et nous, chrétiens, grâce au mystère pascal du Christ, nous intégrons cette réalité mystérieuse, en vue du Royaume de Dieu : “Il y en a, dit Jésus, qui se sont rendus eux-mêmes eunuques à cause du Royaume des cieux“ qui sera “Maison de Dieu“, “Maison de prières“ où éternellement, nous chanterons : “Gloire à Dieu au plus haut des cieux !“. C’est ce que tous les “Consacrés“ essayent de signifier par toute leur vie de prière !

“Comprenne qui peut comprendre“, ajoutera Jésus !
A ce sujet, je ne peux m’empêcher de vous citer Georges Bernanos : “Nous nous faisons généralement de la prière une si absurde idée. Comment ceux qui ne la connaissent guère - peu ou pas - osent-ils en parler avec tant de légèreté ? … Si la prière était réellement ce qu'ils pensent, une sorte de bavardage, le dialogue d'un maniaque avec son ombre, - ou moins encore, une vaine et superstitieuse requête en vue d'obtenir les biens de ce monde -, serait-il croyable que des milliers d'êtres y trouvassent jusqu'à leur dernier jour, je ne dis pas même tant de douceurs - ils se méfient des consolations sensibles - mais une dure, forte et plénière joie. Oh ! Sans doute, les savants parlent de suggestion. C'est qu'ils n'ont sûrement jamais vu de ces vieux moines, si réfléchis, si sages, au jugement inflexible, et pourtant tout rayonnants d'entendement et de compassion, d'une humeur si tendre. Par quel miracle ces demi-fous, prisonniers d'un rêve, ces dormeurs éveillés, semblent-ils entrer plus avant chaque jour dans l'intelligence des misères d'autrui ? Etrange rêve, singulier opium qui, loin de replier l'individu sur lui-même, de l'isoler de ses semblables, le fait solidaire de tous, dans l'esprit de l'universelle charité. - Hélas ! On croira sur place les psychiatres, et l'unanime témoignage des saints sera tenu pour peu ou pour rien. Ils auront beau“ dire… ! “On se contentera de hausser les épaules. Quel homme de prières a-t-il pourtant jamais avoué que la prière l'avait déçu ?“. (Journal)

Mais qu’est-ce que la prière ? Il y a toutes sortes de prières… ! Oui, mais fondamentalement qu’est-ce que prier ?
Personnellement, je pratique et j’encourage cette forme de prière que Bernanos décrit ailleurs, dans son “Journal d’un curé de campagne“. C’est la prière du “pèlerin russe“. Un dimanche, il avait entendu le pope, dans son prêche, rappeler le mot de St Paul : “Priez sans cesse”. Il alla lui demander comment s’y prendre... Le pope ne savait pas trop…
Alors il partit d’église en ermitage. Il posait partout la question mais personne ne connaissait la réponse... jusqu’au jour où un saint homme, au fond des bois, après avoir éprouvé le sérieux de son désir, lui donna le secret. Il fallait prier du plus profond de son être, avec le souffle même qui donne vie à chaque instant… Il fallait dire en inspirant : “Jésus-Christ, fils de Dieu, Sauveur”, et en expirant : “Aie pitié de nous, pécheurs”.

Si on s’applique à ‘respirer’ cette “prière de Jésus”, on constate avec joyeuse surprise que respiration et invocation demeurent tressées l’une à l’autre. Et c’est ainsi qu’on arrive à prier sans cesse, et que Jésus devient compagnon de vie. Toujours, il est là ; et, parfois, à l’instant le plus inattendu, il est là … dans la gorge…, dans la vie !

Certes, on peut prendre quelque liberté : les deux versants de la formule peuvent paraître un peu trop longs pour les respirations… vieillissantes. On peut les remplacer par deux invocations brèves. Avec l’inspiration, on peut dire simplement : “Jésus”, et avec l’expiration : “Pitié”. Ou, plus souvent : “Jésus… Merci”. Ainsi, selon la couleur du jour, on multiplie imploration ou action de grâces.

C’est ainsi que, parfois, la prière se “réduit”, se simplifie et devient permanente ! Peut-être faut-il faire autrement, je ne sais… ! Pourtant…, en bien des moments, il y a plaisir à reprendre ce monologue simplet devant Jésus toujours présent… !

Au fond, la prière, c’est un souffle…, un souffle de vie! S’il vous plaît, en toutes circonstances, que votre souffle devienne ainsi prière permanente ! Et ce sera tout bénéfice et pour vous, et pour moi. Car votre prière devenant permanente, vous ne pourrez pas me refuser de parfois penser et à Jésus et à moi-même ! Merci !“.

(1) Is. 56.4-5 : "Que l'eunuque ne dise pas : " Voici, je suis un arbre sec." Car ainsi parle le Seigneur aux eunuques qui observent mes sabbats et choisissent de faire ce qui m'est agréable, fermement attachés à mon alliance : Je leur donnerai dans ma maison et dans mes remparts un monument et un nom meilleurs que des fils et des filles; je leur donnerai un nom éternel qui jamais ne sera effacé“.

jeudi 15 décembre 2011

Présence de Dieu !

Avent 3 Jeudi - (Is. 54.1-10 – Lc 7.24-30)

La lecture d’aujourd’hui - ainsi que l’évangile d’ailleurs - nous donnent l’occasion de reprendre la question d’hier, de poursuivre notre réflexion de foi.

Dieu est-il là ou n’y est-il pas ?
“Si Dieu existait, cela n’arriverait pas… !“. Combien de fois cette petite phrase est pensée et même exprimée à l’occasion de telle ou telle catastrophe ou simplement au moment d’une grande difficulté de vie, d’une grave maladie ou d’un deuil jugé prématuré ! Il arrive aussi de penser que Dieu n’intervient pas beaucoup et dans notre pauvre monde et dans nos vies parfois tristes ou trop monotones. Comme si Dieu était quelqu’un de très lointain qui, peu à peu, nous aurait oubliés.
Dieu est-il là ou n’y est-il pas ?

Pourtant Isaïe proclame aujourd’hui : “Crie de joie, femme stérile (oui, notre vie semble si stérile, parfois !). Ne crains pas… ; tu ne seras pas confondue… ; tu ne penseras plus au déshonneur d’avoir été abandonnée !“.

Dieu est-il là ou n’y est-il pas ? C’est ce sentiment qui courait parmi le peuple de Dieu en bien des moments de son histoire. Et parmi les Juifs d’hier et d’aujourd’hui également… ! Durant la shoah, Dieu aurait-il oublié ? “Crie de joie, répète Isaïe et d’autres prophètes… Le Seigneur te rappelle… Il vient !“. Elie Wiesel se rappelait tout à la fois cette question et cette affirmation qui couraient parmi les prisonniers d’Auschwitz !

Dieu est-il là ou n’y est-il pas ? C’est ce même sentiment qu’éprouvaient les contemporains de Jésus, si impatients de la venue du Messie - d’un “Libérateur“ - ; et ils lorgnaient vers les puissants du moment ou vers tel ou tel exalté qui excitait l’espérance de la venue salvatrice du Messie ! Mais, à chaque fois, c’était un feu de paille qui les consumait très vite eux-mêmes.
Et Jésus, lui, de désigner un homme de désert, Jean-Baptiste, comme “messager de Dieu“ ! Il ne vit pas dans les palais mais dans l’aridité d’une vie qui semble stérile. Est-ce possible ?

Dieu est-il là ou n’y est-il pas ? Et toujours, la même question est lancée aujourd’hui. Et toujours, nous sommes tentés de lorgner, nous aussi, vers les puissants, les héros du moment. Et toujours Jésus nous invite à rencontrer ceux qui, dans leur désert, annoncent sa venue. Car Dieu aime se rendre présent dans des gestes très simples de bonté, de pardon, dans des petites choses destinées à grandir comme le grain de sénevé de la parabole.

Dieu est-il là ou n’y est-il pas ? C’est vrai, Dieu semble bien déconcertant. Rarement il procède comme l’imagine notre intelligence pourtant si bornée souvent ! Alors, on dit qu’il nous oublie. - Regardez donc bien, nous dit Isaïe. N’y a-t-il pas d’humbles signes sur la route désertique de votre vie, signes d’une véritable “libération“ qui va se réaliser ?
Mais ces signes ne s’aperçoivent qu’avec les yeux de la foi. Le Seigneur ne nous a pas promis de tout réaliser tout de suite - nous sommes si impatients ! -. Si Pierre et les douze apôtres n’avaient pas eu cette conviction et cette patience, ils se seraient vite découragés, eux qui n’étaient qu’une poignée de pauvres hères se heurtant à l’indifférence et à la persécution.

Dieu est-il là ou n’y est-il pas ? En fait, c’est souvent à l’intérieur de nous-mêmes que se trouve l’obstacle principal à la venue du Seigneur. C’est en nous que se trouvent le doute qui aveugle…, la peur qui paralyse…, l’orgueil qui raidit…, l’égoïsme qui interdit de partager… et que sais-je encore… !

Dieu est-il là ou n’y est-il pas ? C’est pourtant dans notre vie apparemment aride - comme celle de la “femme stérile“ - que Dieu veut descendre - c’est son habitude, il faut le savoir -, qu’il se fait “Emmanuel“ (“Dieu avec nous“), alors même que mille difficultés et souffrances semblent nier sa venue. C’est pourtant ainsi que Dieu, souvent, nous fait acquérir la foi en sa présence, cette foi du Centurion au moment même de la mort du Seigneur en croix : “Vraiment, cet homme était Fils de Dieu !“ (Mc 15.39) !
C’est dans la mort elle-même que cet homme découvre la “Vie“, la “Vie divine“ du “Fils de Dieu !“ - cette “Vie“ que s’échangent éternellement les trois Personnes divines - ! Car “la Vie s’est manifestée…, écrira St Jean. Nous vous annonçons cette Vie éternelle qui était tournée vers le Père et qui s’est manifestée à nous !“ (I Jn 1.2).En lui (dans le Christ, mort mais ressuscité) était la Vie. Et la Vie est la lumière des hommes. Et la lumière brille dans les (nos) ténèbres. Et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée“ (Jn 1.4). Alors, si cette “Vie“ est encore plus ou moins cachée en nos ténèbres, nous en serons pleinement émerveillés au jour lumineux de la manifestation du Seigneur. Nous nous écrirons alors avec force : Dieu était là ! Il est là !

Isaïe avait raison : “Quand les montagnes changeraient de place, quand les collines s’ébranleraient, mon amour pour toi ne changera pas, et mon alliance de paix ne sera pas ébranlée, a déclaré le Seigneur dans sa tendresse pour toi“.

Dieu est-il là ou n’y est-il pas ? Ne crains pas, répétait Jésus. Je suis avec toi. “Je suis !“.

mercredi 14 décembre 2011

Foi - Espérance !

3 Avent Mercredi 11-12 - Foi et espérance au-delà de toute question

Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?“

Impossible d’oublier les questions et peut-être le doute de Jean-Baptiste ! Il est en prison. Hérode l’a fait enfermer dans la forteresse de Machéronte, sur les hauteurs de la mer morte. Comment ne pourrait-il ne pas s’interroger ? Il sait qu’il est à la merci de ce monarque fantasque. Et pourtant, pourtant, il a été fidèle à sa mission de prophète, dénonçant courageusement les mauvaises conduites de son temps (qui sont toujours actuelles !). Que fait donc Dieu à qui il a consacré toute sa vie ? Et puis, Jésus, son cousin, est-il vraiment son envoyé ? “Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?“

Je ne sais si la question de Jean-Baptiste affleure à vos lèvres. L’affirmer serait une grande impertinence de ma part. Ce que je sais : cette question est souvent posée à un prêtre ; et vous l’avez certainement entendue vous-mêmes. Face au malheur du monde, au milieu de grandes épreuves, on demande : “Où est Dieu ? Que fait-il ?“. Et du Dieu que les chrétiens prient, on affirme de plus en plus son absence… Il n’est que le souvenir d’un passé révolu, d’une culture qui s’efface de plus en plus… Pire : des hommes qui se disent chrétiens s’égorgent en certains pays ; ou commettent des actes abominables… ! Et nous allons sur le chemin de notre vie répétant comme les deux disciples d’Emmaüs : Et nous qui espérions qu’il allait délivrer notre monde. Or…, voici plus de deux mille ans…, depuis deux mille ans !!! (Cf Luc 24.21). Et “rien de nouveau sous le soleil“ !

Pourtant il nous est répété particulièrement en ce temps de l’Avent : “Le Royaume de Dieu est proche ; il est au milieu de vous“ - “Allez rapporter à Jean ce que vous voyez : les aveugles voient ; les boiteux marchent ; les lépreux sont guéris ; la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres !“. Nous avons mission de répéter notre conviction de foi, inlassablement : “Le Royaume de Dieu est là, ne le voyez-vous pas ?“. – Et St Jacques ne dit-il pas : “Prenez donc patience, frères, jusqu'à la venue du Seigneur. Voyez le cultivateur : il attend le fruit précieux de la terre sans s'impatienter... Vous aussi, prenez patience, ayez le cœur ferme, car la venue du Seigneur est proche“. (Jc 5.7-8).

Et pour illustrer la comparaison de St Jacques, je me permets de vous transmettre ce qui pourrait être un conte de l’Avent, afin de balbutier quelques bribes d’une réponse toujours bien fragile à l’aune de notre pauvre intelligence humaine :
Un jeune homme rêve : il se voit entrer dans un grand magasin. Derrière le comptoir, se tient un Ange qui fait office de vendeuse : “Que vendez-vous ?“, lui demande le jeune homme. “Tout ce que vous désirez“, lui répond l’Ange avec grande courtoisie. Alors le jeune homme se met à énumérer : “Dans ce cas, je voudrais bien la fin des guerres dans le monde ; je voudrais plus de justice, plus de tolérance, plus de générosité…, surtout envers les plus pauvres. Et surtout je voudrais davantage d’amour dans les familles, du travail pour tous…“. Mais l’Ange lui coupe aimablement la parole en lui disant : “Veuillez m’excuser, jeune homme ; mais je pense que vous ne m’avez pas bien compris : ici, on ne vend pas des fruits ; on ne vend que des graines“.

Jésus nous l’a pourtant bien dit : Dieu est un Semeur. Il a semé, il sème encore des graines de justice dans le cœur de l’homme, des germes de réconciliation, des germes de pardon, des germes d’amour et de tendresse. Pas des fruits, des semences seulement ! C’est à nous de les faire éclore et pousser. C’est à nous de faire marcher les boiteux, d’éclairer les aveugles, de donner parole aux sans-voix, de servir les pauvres (“Ils sont nos maîtres“, disait St Vincent de Paul !). Les mains du Christ, le regard du Christ, la tendresse du Christ doivent passer par nos mains, nos yeux et notre cœur pour que ce que Dieu a semé deviennent fleurs, arbres et récoltes abondantes !

Et puis, d’immenses champs de par le monde n’offrent-il pas de beaux fruits divins ? Je le sais comme vous : l’Ennemi a semé aussi de l’ivraie qui s’y mélange ; et Notre Seigneur nous dit lui-même : “Laissez l’un et l’autre croître ensemble jusqu’à la moisson“ (Cf Mth 13.24). Jusqu’à la moisson !

Prenons donc patience… et parfois “en espérant contre toute espérance“ (Rm 4.18), et cela grâce à notre confiance en Jésus-Christ, grâce à la foi qu’il nous donne. Or, la foi n’est-elle pas “une manière de posséder déjà ce que l'on espère, un moyen de connaître des réalités que l'on ne voit pas“ (Heb 11.1).

Aussi, à tous : bonne route sur le chemin de votre vie. Et même, et surtout s’il est rude, trop rude, je me permettrai de vous fredonner le jour de Noël : “Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière… Oui, un enfant nous est né… On proclame son Nom : “Dieu-fort, Prince-de-la-paix, Père-à-jamais !“ (Is 9.1sv)

mardi 13 décembre 2011

Le repentir !

3 Avent Mardi 11-12 -

L’un dit “oui” et l’autre dit “non” ! Cependant, celui-ci fait le “oui” et celui-là fait le “non” ! C’est assez fréquent, n’est-ce pas ? Il reste vrai que dire “oui” et l’accomplir… dans la vie religieuse, le mariage…, comme c’est parfois difficile ! Il nous faut toujours avoir les yeux fixés sur le Christ qui veut nous conduire au “oui” total que nous cherchons d’abord, peut-être, au travers de nos diverses négations. Il veut nous conduire jusqu’au bout de son “Oui” !

Pour nous aider, Jésus nous enseigne : “Un homme avait deux fils…”. Le premier répond : “Non” ! Le second répond : “Oui !”.

Et Jésus semble préférer le premier : celui dont la vie restera à jamais marquée par un refus premier, celui qui a dû revenir, brisé dans son amour-propre et mendiant d’une miséricorde ! Pourquoi cette préférence ? C'est parce qu'à côté de la vertu de constance, il y a la route du repentir, qui reste le plus sûr accès à la vigne du Seigneur. Que nous ayons dit “oui” à Dieu ou d’abord dit “non”, nous avons tous à faire la découverte de ce passage essentiel, nécessaire, inévitable : la pâque du repentir.

Dans le cas d'une générosité spontanée, d'un “oui” immédiat, nous courons le risque de trop nous appuyer sur nous-mêmes. Alors, l'expérience de nos faiblesses, l'humiliante brisure d'un échec peut-être peuvent, par le repentir, nous ramener vers Dieu : “Va désormais travailler à ma vigne !”.

Peut-être sommes-nous de ceux qui sont toujours fidèles à leur “oui” initial. Le pli est pris depuis l’enfance…, religieuse ou conjugale. On acquiesce à tout ce qui est demandé… Cependant quand la foi bouscule les vieilles habitudes, c’est parfois le repli derrière mille excuses très raisonnables. Et le “oui” initial glisse…, glisse dans l’anonymat d’un conformisme réconfortant mais insatisfaisant !
Mais loin de nous abandonner à cette vacuité suffisante, le Christ s'ingénie à nous faire comprendre que nos petites réussites humaines sont chimères… Et, un jour, nos propres forces venant à manquer, le repentir d’un subtil orgueil nous conduit à mieux écouter : “Va désormais travailler à ma vigne !”.

Et ceux qui s’engagent sur un refus premier, qui font la rugueuse mais libérante expérience de leur faiblesse extrême ressentent souvent, sur le chemin chaotique de leur désarroi, une présence miséricordieuse qui les accompagne toujours et les conduit jusqu’à ce regard de pardon que le Seigneur jette un jour sur eux. Le souvenir de cette miséricorde divine ne peut s’effacer. Ils savent, eux, désormais… ils savent alors répondre à l’invitation permanente : “Va désormais travailler à ma vigne !”.

Oui, quelque soit notre cheminement, la porte unique du salut reste celle du repentir !

Car l'essentiel n'est pas de rester “juste”, - ce n'est pas possible ! -, mais de devenir “saint”, c’est-à-dire un incessant repentant. Jésus n'est pas venu pour les justes mais pour les pécheurs, parce que les justes qui ne cherchent pas à se convertir sans cesse, ne sont plus des justes, mais des satisfaits…, alors que les pécheurs repentis, par leur abandon en la miséricorde de Dieu, provoquent sa joie et sont sanctifiés…
Oui, il n'y a que des pécheurs ! “Moi le premier”, disait St Paul. Et parce que nous sommes “tous pécheurs”, nous sommes “tous appelés” à devenir des saints ! Malgré notre péché ! Mieux : “par la grâce de nos péchés”, osera dire St Augustin. Un Père du désert affirmait : “Celui qui reconnaît son péché est plus grand que celui qui ressuscite un mort”. Il entre en la Vigne éternelle du Seigneur ! “Va désormais travailler à ma vigne !”.

Nous ne sommes, nous, peut-être, ni de ceux qui ont vraiment dit “oui”, ni de ceux qui ont carrément répondu “non”. On ne dit jamais définitivement “non”, et on ne dit jamais pleinement “oui”.
Il n'y a que le Christ qui n'ait été que “oui” en tout.
Et Marie dont la vie a été tournée d'emblée vers Dieu par un “oui” sans mélange et sans retour. Notre Dame du “Oui”, priez pour nous, maintenant, et à l’heure de notre mort ! C’est avec elle que nous pouvons, dans la confiance, l’humilité et la joie, entendre la voix du Père, pleine d'autorité et de tendresse tout à la fois, nous redire en cet instant même : “Mon enfant, va travailler à ma vigne” !

lundi 12 décembre 2011

Je suis un âne !

Avent 3 Lundi

Elle est digne d’un conte de Perrault, cette histoire de Balaam (Nb 24). Je crois qu’on l’a déjà entendue au fils de l’année, dans le temps ordinaire ! Il faut la raconter aux enfants quand on en a l’occasion ; avec un talent narratif, ils en seront émerveillés, tout “esbaudis“, réjouis, j’en suis sûr !

Le roi de Moab (à l’est de la mer morte) voit d’un mauvais œil les Hébreux s’installer à l’ouest. Alors, il demande à un “Voyant“ célèbre, à ce Balaam qui a une réputation de magicien (Il doit être l’ancêtre de nos “Rois-mages“, il faut le savoir ! De plus, il arrive du pays d’Abraham, il faut le savoir !) de venir maudire ce peuple d’immigrés ! C’est toujours, plus ou moins, d’actualité !

Pour faire court, Balaam, monté sur son âne, va pour maudire le peuple de Dieu. Mais cet âne voit soudainement sur le chemin l’ange de Dieu lui barrer le passage, une épée à la main. Une première fois, il se cabre ; une seconde fois il dévie contre la muraille, blessant quelque peu son cavalier ; une troisième fois, il se couche. Alors, Balaam, en colère, le rudoie.

Et voici que l’âne se met à parler ! Et oui, un âne qui parle ! Savez-vous que cela arrive ? - “Pourquoi me battre ; je t’ai toujours été fidèle ! Mais regarde donc… !“. Et Balaam voit l’ange de Dieu lui barrant la route comme une armée, l’empêchant d’aller maudire le Peuple de Dieu !

Il faut bien le remarquer : c’est un âne qui d’abord voit l’ange de Dieu. Dès lors, l’âne de notre vie évoque certains moyens que Dieu prend pour nous parler. Car cet âne de Balaam prend la parole, figurez-vous ! Certains pensent que les ânes ne parlent pas. Ils ont tort. Ce sont des ânes ! Car l’âne de Balaam symbolise toutes les voies de nos vies qui semblent sans issue, rudes, escarpées et fatigantes… et qui mènent finalement à quelque chose…, à Dieu.
Quand on vieillit et que l’on voit le passé, on a une grande dévotion pour l’âne de Balaam, pour tous ces “ânes“ qui se sont manifestés en notre existence, des messagers de Dieu, finalement !

Et puis, l’âne a un grand rôle dans la Bible… C’est l’animal messianique par excellence… ! Rappelez-vous l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem ! C’est pourquoi on le voit déjà dans nos crèches. Avec le bœuf ! Les évangélistes n’en parlent pourtant pas. D’où viennent-ils donc ? Ils viennent d’Isaïe (1.3), ce grand prophète de la foi : “Le boeuf connaît son possesseur, et l'âne la crèche de son maître, Israël ne connaît pas, mon peuple ne comprend pas !“ – Lâchez un âne ou un bœuf n’importe où, sans entraves… Ils reviendront toujours vers leur maître. Puissions-nous avoir la fidélité de ces animaux dont on se moque si facilement parfois, en nos pays ! Car l’âne biblique n’est pas celui, vengeur, de La Fontaine, encore moins celui, hésitant, de Buridan !

Mais revenons à ce Balaam qui comprend finalement qu’il doit, non point maudire, mais bénir ! Et c’est l’un des oracles de cet “homme au regard pénétrant“ que présente notre lecture d’aujourd’hui. Il voit un “astre“ se lever. C’est l’étoile de David, l’étoile du “Messie-Roi“ ; c’est l’étoile de la crèche ; c’est l’étoile de l’“Emannuel“, Dieu-avec-nous ! Alors Balaam, au lieu de maudire, bénit Dieu et son peuple !

Finalement, j’aimerais bien être cet âne de Balaam ! Il a bien rempli sa mission, cet âne : désigner la présence de Dieu en nos vies.

Aussi bien humblement comme un âne, je vous dis : "Dominus vobiscum" - "Le Seigneur avec vous !".

dimanche 11 décembre 2011

Témoigner !

3ème Avent B 11-12 -

Les trois premiers évangiles (synoptiques) présentent facilement Jean-Baptiste comme le prédicateur de la pénitence, de la conversion. “Vêtu de poil de chameau“, se nourrissant “de sauterelles et de miel sauvage“ (Mc 1.6) à l’exemple d’Elisée et de ses disciples-prophètes vivant autrefois dans des cabanes au bord du Jourdain (c’étaient les premières communautés charismatiques), Jean-Baptiste vitupérait : “Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion“ (Mth 3.7-8 ; Lc 3.7-8). “C’est au fruit que l’on reconnaît l’arbre !“, dira Jésus (Mth 12.33). Et St Paul de commenter : “Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur…“ (Gal 5.22). C’étaient déjà les fruits du “Serviteur-souffrant“, selon Isaïe, et non de l’homme qui veut dominer…, l’homme de pouvoir !

Le 4ème Evangéliste, lui, nous montre en Jean-Baptiste surtout l’homme du témoignage. D’ailleurs, Jean, l’Apôtre bien-aimé, a conçu tout son livre comme un procès fait à Jésus. Et, à chaque page, une question ne cesse de se poser : “Qui est donc cet homme de Nazareth ?”. Question à laquelle on répond ordinairement sous la forme d’un témoignage en faveur de la dignité, de l’œuvre de Jésus. Et le Christ lui-même, en cet évangile, témoigne en sa faveur, insistant sur son identité : “Je suis le bon pasteur ; je suis le pain de vie ; je suis la lumière du monde” (10.11 ; 6.48 ; 8.12), ou encore plus simplement mais plus audacieusement : “Je suis !” (8.28), expression qui désignait le Nom même de Dieu révélé au Sinaï (Ex. 3.14).

Aussi, le meilleur titre pour l’ouvrage de St Jean serait non pas : “Evangile”, expression que l’Apôtre n’a jamais employée, mais “témoignage” ; ce mot revient près de cinquante fois sous sa plume. Son ouvrage commence par le témoignage de Jean-Baptiste - c’est ce que l’on vient d’entendre : “Il était venu comme témoin“ - ; et il se ferme sur celui de l’Apôtre bien-aimé lui-même : “C'est ce disciple qui témoigne de ces faits et qui les a écrits, et nous savons que son témoignage est véridique“ (21.24). Et toute la structure interne de son évangile est faite des témoignages les plus divers, le plus important étant celui du Père céleste lui-même : “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint” (1.33) et encore : “Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore” (12.28).

Ainsi Jean-Baptiste témoigne. Il témoigne négativement, car, dit-il, je ne suis pas, je ne suis ni le Messie, ni Elie, ni le prophète. Je ne suis pas la lumière… Et il témoigne positivement : c’est le témoin de la lumière ; il est la voix d’un autre qui vient après lui.

“Il faut qu’il grandisse et que je diminue”, dit-il encore (3.30). Disparaître pour que Jésus transparaisse, telle est sa ligne de conduite. Et l’évangéliste multiplie les contrastes : Jean est le Serviteur, Jésus est le Maître. Jean est la lampe qui brille jusqu’à ce que vienne le Soleil. Jean est une voix, Jésus est la Parole incarnée. Jean est l’ami de l’époux, Jésus est l’époux. Jean baptise dans l’eau, Jésus baptise dans l’Esprit. Jean est envoyé comme précurseur, Jésus est envoyé en qualité de Fils.
Bref, Jean-Baptiste n’existe que pour témoigner en faveur de Jésus. Il est le type parfait du témoin !

Témoins de Jésus, du Christ, le sommes-nous, nous aussi, nous qui nous disons du Christ, “chrétiens” ? Toute la mission du chrétien est également de témoigner que toute sa vie est en référence non à lui-même, mais au Christ. Le chrétien-témoin consacre sa vie à celui qui doit venir, qui doit se manifester en nos frères, en tous les hommes. Toute la mission du chrétien est de préparer les voies au Seigneur, à Dieu qui est venu parmi les hommes, il y a plus de 2000 ans, mais qui veut venir encore actuellement au milieu d’eux. Est-ce bien la préoccupation de notre témoignage : non imposer sa personnalité si estimable soit-elle, mais s’effacer pour que le Christ seul grandisse en tout homme, en nos frères ?

Oui, sommes-nous assez chrétiens, sommes-nous assez “témoins” comme Jean-Baptiste, un témoin qui intrigue sans cesse et à qui l’on pose toujours la question : “Mais qui donc es-tu ?” ; un témoin qui peut alors répondre : “Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas”. - Etre témoin, c’est chercher à tourner les regards non vers soi-même - quelle aberration -, mais vers Jésus. C’est peut-être avoir de l’influence, mais pour la mettre entièrement au service du Christ, car le chrétien est celui qui, comme St Paul, ne veut rien savoir d’autre que Jésus, et Jésus mort et ressuscité, toujours vivant ! La seule louange que l’on pourrait faire des témoins du Christ, des chrétiens, ne serait-ce pas cette parole d’un converti : “Le Christ m’a appelé par mon nom, grâce à des gens qui savaient son Nom” (Maurice Clavel). Le grand St Augustin ne disait-il pas lui-même : Je ne suis que le répétiteur du seul Maître, le Christ !

Voilà ce qu’est le témoignage : dire le Nom du Christ et le proclamer par tous nos actes. Le témoignage se fait dans le monde, à travers tous les domaines où nous pouvons agir : famille, travail, loisir, milieu social et politique… partout…, partout. C’est dans nos relations et en nos divers milieux de vie que l’on peut, que l’on doit prononcer le Nom de Jésus avec une chance de communiquer notre foi. Notre foi est morte si elle reste cachée en nous-mêmes, si elle n’est pas missionnaire, criant sans cesse…

Oui, le Seigneur est au milieu de nous ! Le connaissons-nous ? Il est présent par sa Parole, par sa grâce. Il est présent dans l’Eucharistie. Il est présent actuellement parmi nous : “Quand deux ou trois sont rassemblés en mon Nom, je suis au milieu d’eux” (Mth 18.20). Nous ne réalisons pas assez cette présence parce que nous ne la cherchons pas toujours ; nous n’en vivons pas suffisamment ! Parce que nous nous cherchons nous-mêmes avant de chercher le Seigneur !

Oui, le Christ est au milieu de nous ; et nous n’y pensons pas. Et alors, le monde ne le reconnaît pas. Pour beaucoup qui se disent “agnostiques”, Dieu n’existe pas ; ou, du moins, on ne peut le connaître : il est inaccessible. Ou pire encore : l’existence elle-même de Dieu est indifférente, comme l’affirment nos contemporains ! Pourtant Dieu s’est fait connaître “à bien des reprises et de bien des manières”, comme le dit la lettre aux Hébreux (1.1), “et, à la fin, en son Fils” ! Et c’est lui dont Jean-Baptiste atteste la présence encore cachée. Aujourd’hui encore, cette présence reste trop cachée. Alors, soyons d’autres précurseurs là où nous nous trouvons. Et nous révélerons cette présence, nous témoignerons de cette présence dans les Ecritures, dans l’Eglise, dans les sacrements, dans le prochain, dans le monde. : “Je suis avec vous tous les jours…“, disait Jésus (Mth 28.20).

Comme Jean-Baptiste, nous avons à être des témoins du Christ. Mais pour cela, il nous faut son humilité : “Il faut qu’il croisse et que moi, je diminue”, car “je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale”. C’est l’humilité, cette vertu sur laquelle St Benoît insiste tant, qui nous fera véritable témoin du Christ, cette vertu qui nous manque plus que nous ne le pensons !

Demandons cette grâce à Notre Dame, elle qui s’est faite “humble servante du Tout-Puissant". Et alors, de même qu’elle a reçu Dieu en son corps, nous le recevrons en notre cœur, en notre vie pour le présenter à tous les hommes. St Augustin, en l’un de ses sermons de Noël, disait : Si Marie a eu la grâce de recevoir le Fils de Dieu en son corps, c’est qu’elle l’avait déjà reçu en son cœur ! Nous aussi, nous pouvons recevoir le Christ en notre cœur, en notre vie, en détournant nos regards de nous-mêmes pour les fixer de plus en plus vers lui, le Christ, qui sans cesse vient comme il est venu… Voilà la réalité, la seule qui importe. Prions pour qu’une nouvelle ’incarnation“ s’accomplisse en nous, de sorte que nous puissions dire avec St Paul : “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi !“ (Gal 3.20). Alors, Noël sera chaque jour !

samedi 10 décembre 2011

Elie - Jean-Baptiste

Avent 2 Samedi - (Si. 48.1sv - - Mt. 17.10sv)

Jean-Baptiste, l’une des plus grandes figures de l’Avent, nous interpelle tous ! Et Notre Seigneur nous répète aujourd’hui ce qu’il nous affirmait Jeudi : “Et si vous voulez bien comprendre, le prophète Elie qui doit venir, c’est lui !“.
Elie ! Jean-Baptiste ! Il est vrai qu’il y a plusieurs points communs entre le premier des Prophètes et le précurseur de Jésus.

1. Tous deux sont des personnages fascinants. Hommes rudes à la parole tonitruante. - Implacablement fidèles à leur découverte de l’irruption de Dieu dans l’histoire des hommes, ils ont, tous deux, et de façon absolue, le sens du “vertical“ ! Ils sont tellement remplis de la présence de Dieu qu’ils brûlent leur vie avec ardeur sans se consumer, comme le buisson ardent de Moïse.
Remarquons au passage : ce buisson ardent de Moïse (“Sené“, en hébreu), fut le premier élément de la Révélation de Dieu au peuple d’Israël, avant l’Alliance au “Sinaï“, révélation manifestée ensuite de façon permanente à Jérusalem, sur le mont “Sion“ où le Christ est mort et ressuscité : “Sené“, “Sinaï“, “Sion“ : assonances, allitérations qui peuvent souligner tout le pèlerinage biblique de notre vie ! - Ce fut le témoignage de vie d’Elie et de Jean-Baptiste : Dieu avant tout !

2. Cependant tous deux ont leur faiblesse. Dégoûté par les violences de son époque - c’est toujours d’actualité -, par les injustices (de la reine Jézabel, notamment) - c’est toujours d’actualité -, Elie est découragé - et c’est encore d’actualité -. Il fait en quelque sorte une “dépression“ ! Et oui ! Cela arrive, même aux plus grands saints !
Il en est de même pour Jean-Baptiste. En sa prison, il s’inquiètera, se tourmentera, s’effondrera ! Sa mission était-elle celle que Dieu lui demandait ? Ne s’est-il pas trompé ? Sa vie a-t-elle eu un sens ? Ce Jésus, son cousin, qu’il a désigné comme le Messie annoncé par Isaïe, est-il vraiment l’“Envoyé“ de Dieu ?
Là encore, même les plus grands saints ont éprouvé cette sorte d’interrogation. Il ne faut pas s’en étonner ! Ne jamais s’étonner des ruses du Malin !

3. Mais Elie se redresse ; il est réconforté et marche, malgré tout, vers la montagne de l’Horeb, la montagne sainte (qui fut peut-être la montagne du Sinaï - mais c’est une autre question… historique -). Et là, grâce au silencieux passage de Dieu, en la solitude terrible du désert, il renouvelle l’Alliance conclue avec Moïse.
De même, au fond du silence affreux de sa prison, Jean-Baptiste reçoit de Jésus la confirmation de sa mission divine ! “Allez dire à Jean : « Les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent ! »“ (Lc 7.22). Oui, il faut parfois passer par le creuset de la solitude ou de l’épreuve pour entendre le Seigneur qui passe. A l’infidèle, Dieu n’avait-il pas dit par le prophète Osée (2.16) : “Je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur“ - avec ce joli jeu de mots : “midbar, dibarti“ : “au désert, je parlerai“. C’est parfois presque imperceptible et cependant indubitable : Dieu passe, comme pour Elie (I Rois 19.12), “dans le bruissement d’une brise légère !“. Il faudrait même traduire : “dans une poussière de silence“, ou mieux : “dans l’éclatement d’un silence“ !

4. Enfin, réconforté par le “Dieu de l’Alliance“, Elie va proclamer le “Dieu Unique“ face à toutes les religions polythéistes de son époque, face à toutes les turpitudes que l’homme peut commettre. Il en sera de même pour Jean-Baptiste qui signera son témoignage de la transcendance de Dieu par son propre sang !

Ce sont plusieurs situations assez communes entre Elie et Jean-Baptiste. Ce sont plusieurs situations qui ponctuent parfois notre cheminement terrestre :
+ Découragement par toutes sortes de difficultés !
+ Renouvellement de notre vocation de baptisé, de religieux, de prêtre…, par, notamment, l’Eucharistie, ce “pain du ciel“ (comme pour Elie) qui réactualise l’Alliance entre Dieu et l’homme conclue une fois pour toutes par le Christ !
+ Proclamation de la transcendance de Dieu dont toute notre vie veut témoigner… jusqu’à son terme !

Je le sais : ces situations alternent souvent dans notre existence d’ici-bas où “le Royaume des cieux subit la violence… !“ Sachons-le ! Aussi, retenons encore les paroles de ce Sage de l’Ancien Testament, Sirac : “Heureux ceux qui se sont endormis dans l’amour du Seigneur, car nous aussi, nous posséderons la vraie vie !“

Alors à tous, à chacun : Courage sur ce chemin de la vraie vie !