lundi 21 mai 2012

La gloire de Dieu !


Pâques 7  - Mardi                                (Jean 17.1 sv)

Il est à noter que les mots “gloire“, “glorifier“ sont employés six fois dans notre évangile d’aujourd’hui !
Vous vous souvenez  certainement du sens du mot “gloire“ dans la Bible. En hébreu, le mot “kabod“ signifie : “être lourd“, “ce qui donne de l’importance, de la magnificence“. Ainsi, la gloire de  l’olivier, c’est son huile !

Or, Dieu, personne ne l’a jamais vu ! Il “habite une lumière inaccessible“ (I Tim. 6.16) que l’œil ne peut soutenir ! Cependant son Etre de lumière impénétrable - sa transcendance, dirions-nous - rayonne !
Si la lumière du soleil que l’œil ne peut soutenir dévoile tout ce qui existe sur terre, les rayons divins, eux, créent ce qu’ils illuminent en même temps : “Les cieux racontent la gloire de Dieu“. La gloire de Dieu, c’est sa manifestation : “Tout don vient d’en haut, du Père des lumières !“, dira St Jacques (Jac. 1.17). Et il reste vrai que la création est le premier livre de la connaissance de Dieu : “depuis la création, les perfections invisibles de Dieu sont visibles dans ses œuvres. Aussi sont-ils inexcusables ceux qui ne lui rendent ni gloire ni actions de grâce“ (Rm 1.19 sv).

Bien plus, Dieu s’est fait homme en Jésus Christ : “Il a habité parmi nous ; nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père“. (Jn 1.14). Fils de Dieu, il est “le resplendissement de sa gloire, l’effigie de sa substance“ (Heb 1.3).

Aussi, le premier signe que posa Jésus fut celui de Cana : “tel fut le premier signe ; il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui !“ (Jn 2)   (1). 

Et le dernier signe qu’annonçait le miracle de l’eau changé en vin (2) fut le signe de son sang répandu pour la multitude (avec sa résurrection) : “L’heure est venue où le Fils de l’homme va être glorifié“ (Jn 12.23), où la splendeur de sa puissance divine sera la plus manifeste aux yeux de la foi. Car ce n’est qu’avec les yeux de la foi que cette gloire divine est reconnue : “si tu crois, disait Jésus à Marthe, tu verras la gloire de Dieu !“ (Jn 11.40).

C’est avec cette foi que nous pouvons lire l’évangile d’aujourd’hui, en compagnie de Jean, le contemplatif !

- “Père, donne-moi la gloire que j’avais au commencement du monde !“.
En Dieu, tous les rayons lumineux du “Père des lumières“ se focalise en son Fils, Verbe de lumière (Cf. Jn 1.9). La gloire de Dieu-Père rayonne sur son Fils (Cf. II Co. 4.6). Il est “le Seigneur de gloire“ (I Co. 2.8), cette gloire qu’Isaïe avait déjà eu le privilège de contempler, précisera St Jean (cf. Jn 12.41).

- Et en Dieu, le Fils est entièrement “tourné vers le Père“ (Jn 1.1). (3). La gloire du Fils rejaillit sur Dieu Père : “Tout ce qui est à moi est à toi… !“. “Père, priait Jésus, glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie !“

- Et l’échange de cette gloire entre le Père et le Fils est comme leur respiration commune, un souffle commun : leur Esprit. L’Esprit est la gloire et du Père et du Fils. Et la résurrection de Jésus est leur gloire commune : “Dieu le Père l’a ressuscité d’entre les morts“ (Gal 1.1) avec son Esprit (Rm 8.11).

Voilà la vie “glorieuse“ au sein même de la Trinité que Jean contemple !

Bien plus, désormais, la gloire du Christ ressuscité, gloire qu’il tient du Père avec le Saint-Esprit, se reflète en ses disciples, les transforme à son image et ressemblance “de gloire en gloire“ (II Co. 3.18).
Avec le Christ, les chrétiens se savent déjà “citoyens des cieux“ (Cf. Col. 3.1) ; ils doivent “briller comme des foyers de lumière“ (Ph 2.15sv).
Ici-bas, leur vie est un cheminement vers la “gloire éternelle dans le Christ(I Pet 5.10), à laquelle Dieu les a appelés (I Thess 2.12).
La souffrance même sera transfigurée (I Pet 4.14).La tribulation du moment nous prépare, bien au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire“ (II Co 4.17).
Car le Christ nous a aimés ; il s’est livré lui-même pour l’Eglise qui est son Corps ; “il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante de gloire, sans tâche ni ride, mais sainte et immaculée“ (Eph. 5.25.27).

Alors on peut dire : chrétiens, nous sommes destinés à participer à cette “gloire éternelle dans le Christ“ (I Pet 5.10), lorsqu’à la fin des temps, “le Fils de l’homme viendra dans la gloire de son Père avec ses anges“ (Mc 8.38).

La gloire du Christ ressuscité nous enserrera  dans ces liens d’amour que s’échangent éternellement le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Nous connaîtrons que Dieu est UN et comment il est UN. Là, nous serons connus et nous connaîtrons. Là, nous nous connaîtrons et nous nous reconnaîtrons dans la gloire de l’amour du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Tel sera notre partage à la fin, sans fin, quand le Christ apparaîtra nous donnant “la couronne de gloire qui ne se flétrit pas ( I Pet 5.4).

(1)A rapprocher de Ex. 14.31 : Les Hébreux virent le prodige (traversée de la mer rouge, signe fondateur de l’identité du peuple) ; Ils crurent en Dieu et en Moïse son serviteur.
(2) A remarquer qu’en hébreu, vin se dit : “sang de la grappe“ !
(3) “pros théon“, en grec. “pros“ qui marque une orientation active, incessante. A remarquer que c’est la même expression que l’évangéliste emploiera dans la réponse de Jésus à Marie de Magadala : “Je monte vers mon Dieu (“pros ton theon“) qui est votre Dieu“ (Jn 20.17).



En raison de soins médicaux auxquels je dois me soumettre, je ne pourrai assure lé suivi de ce “blog“, durant un mois environ.
Je le regrette fort.
Mais que mes lecteurs soient assurés de ma prière silencieuse et très fraternelle, durant ces semaines prochaines !
En ce temps pascal, je vous redis : “Le Christ est ressuscité ! Et il nous envoie son Esprit !“
Et l’Esprit fait la “Communion“ !
Bien fraternellement et respectueusement en Notre-Seigneur et Notre-Dame !  fr. M.G.



Pour retrouver les principaux textes, voir Blog :  http://mgsol.blogspot.com/ 

dimanche 20 mai 2012

La vraie vie !


7ème dimanche de Pâques 12 -  


On dirait que le chrétien est comme tiraillé entre deux mondes.
“L’Eglise connaît deux genres de vies, écrivait St Augustin. L’une est dans la foi, l’autre dans la vision. L’une pour le temps du voyage, l’autre pour la demeure d’éternité. L’une sur la route, l’autre dans la patrie. L’une dans le travail et l’action, l‘autre dans la récompense de la contemplation”…

Oui, le chrétien est comme entre deux mondes. Ce monde-ci et un autre. Et il faut parfois beaucoup d’espérance, de connivences intérieures pour aimer ce monde-ci et pouvoir parler de l'“autre monde”, encore invisible.  Et chacun s’en va répétant comme le poète Rimbaud : “La vraie vie est absente”. Qui ne le sent pas parfois ?

On peut le sentir lorsqu'une certaine forme de réussite légitime nous échappe totalement : un projet familial, social, professionnel, une relation amicale…, que sais-je ? Qui n’a pas vu un homme, une femme dont la vie était comme décolorée et le monde éteint, parce qu’une ambition légitime, une affection réconfortante, une grave maladie faisaient place brusquement à un vide abyssal ?  “La vraie vie est absente”. On a beau répéter partout qu'il faut se contenter de ce monde, ce monde ne nous contente pas. Notre cœur est plus grand que ce monde.

Pourtant l'hypothèse chrétienne, celle de Jésus, est qu'il y a une présence dans ce monde que l'homme ne perçoit pas du premier coup, qui doit lui être annoncée, révélée : “Le Royaume de Dieu est déjà là”, répétait Jésus. Et beaucoup pressentent, d’une manière ou d’une autre, que ce monde-ci n'est qu'allusion à un autre monde. 
“Allusion ou Illusion ?“, diront les railleurs ? Et certains trop meurtris par des circonstances de vie vont répétant : “La vraie vie est absente”.

Et que dire de la mort elle-même ? Elle qui a l’impudence de faire disparaître tout ce qui a précédé, de discréditer la vie actuelle : tout le passé est englouti de façon aussi rapide qu'un texte d'ordinateur par une erreur de manœuvre. Disparue... non sauvegardée. Est-ce possible ? “La vraie vie est absente”, dira-t-on encore.

Cependant, elle existe, cette vie plénière ! Je ne connais pas d'homme qui n'ait pas envie d’y croire. Même celui qui affirme ne pas croire comme cet homme embarqué par des amis pour un séjour à Lourdes et qui honnêtement reconnaissait : “Oui, j’ai écouté et bien entendu… Tout cela je le reconnais : on dirait que ces discours décrivent mon pays d’origine que je voudrais retrouver. Mais voilà, je ne crois pas”. Oui, il peut y avoir en un homme la nostalgie de Dieu en lequel il pourrait croire simplement. Mais il y a ce détersif puissant, ce virus spirituel du doute qui fait disparaître Jésus et son message, sans enquête, sans instruction, sans même un procès à la façon de Pilate.

Ceux que j'évoque ici sont tout près de nous. Nous les connaissons, les aimons… …. Et je me permettrais de leur dire : il faut toujours persévérer dans l'“attente”, dans l'attente de Dieu. Car si l’on va criant douloureusement parfois : “La vraie vie est absente”, on ne perd cependant jamais son temps à paraître “loin de Dieu”. Car si nous pensons être loin de Dieu, Lui, Dieu, nous sollicite sans cesse, nous cherche dans les méandres de notre liberté.

Et si l’on se dit - parce que croyants quand même plus ou moins et souvent moins que plus - que la vraie vie n’est pas totalement absente, c'est parce que, la plupart du temps, on a eu près de soi de vrais témoins de cette vraie vie. Peut-être déjà dans sa famille ou un ami…  Quelqu'un dont on a senti qu'il y avait dans sa vie une netteté, une droiture, un courage à vivre malgré les épreuves. Une existence qui, par sa densité, a été la découverte du mystère de l'homme, d’un sens de la vie et de son orientation vers Dieu. Sans ces témoins, on ne serait pas le même !

C’est cela l'Église. C'est ce que les apôtres ont été, tous, les uns pour les autres. Voilà pourquoi nous disons que l'Église est “apostolique”, c’est-à-dire fondée sur le témoignage des apôtres.
Peut-être avez-vous été vous-mêmes ces témoins pour d'autres. N'est-ce pas cela une communauté chrétienne ? Elle est “force de témoignage” qui semble contredire, malgré les apparences contradictoires, cette affirmation lancinante : “La vraie vie est absente !”.    
Oui, nous ressentons toujours vivement la “force d’un témoignage”.  J’ai rencontré une personne très équilibrée, peu encline à de rapides emballements. Elle avait rencontré Mère Térésa. Lorsqu’elle en parlait, sa voix changeait de ton. La “force du témoignage” !

Mais, malheureusement, nous ne savons guère nous arrêter pour laisser la “force d’un témoignage” - la force d’une présence - faire en nous son œuvre. Pourtant, nous avons la grâce d’avoir un Dieu “irréfutable”… ! Je veux dire qu'il est sans défense, “innocent” comme disait Claudel lors de sa conversion, si loin du Dieu des puissances, des hiérarchies et des démonstrations péremptoires.
Saurons-nous le reconnaître pour ne plus dire : “La vraie vie est absente !”.

Il suffit de lire le récit simple de la vie du Christ, de ses rencontres et finalement de la passion. Alors nous pourrons proclamer un Dieu à qui le dernier des derniers - je pense à ce larron tout près de Jésus en croix - peut avoir envie de dire : “Souviens-toi de moi quand tu seras dans ton paradis”la vraie vie n’est pas absente ! Un Dieu qui ne prétend à rien qu'à ouvrir un avenir pour sortir l'homme de ses contradictions. Voilà la divine présence qui contredit cette affirmation : “La vraie vie est absente !”.

“Père, priait Jésus, je ne te demande pas de les retirer du monde !“.

Alors, l'homme chrétien entre deux mondes ? Peut-être, mais il y a une présence dans ce monde que l'homme ne perçoit pas du premier coup : “Je parle ainsi, en ce monde, pour qu'ils aient en eux ma joie. Je ne demande pas que tu les retires du monde mais que tu les gardes du Mauvais”.
Alors, sachons crier, malgré les épreuves diverses : “Non, la vraie vie n’est pas absente !“.

jeudi 17 mai 2012

Où est le Christ ?


Ascension 2012

 Au début de sa vie publique, Jésus avait appelé ses disciples : “Venez, suivez-moi !“ - Et ils l'avaient suivi.
A la fin de sa vie terrestre, il les envoie : “Allez dans le monde entier !“.  Et ils étaient partis !

“Venez !“ – “Allez !“ : c'est là le rythme de toute relation du chrétien avec le Christ :
- Dans un premier temps, le Christ appelle ! C'est la vocation : “Venez !“ – Jésus appelle aujourd’hui encore ! Jésus nous (vous) appelle !
- Dans un second temps, le Christ envoie : C'est la mission : “Allez !“. Jésus nous (vous) envoie aujourd’hui encore !
               
Et ces deux temps sont inséparables. Le Christ nous dit toujours : “Venez !“ - “Allez !“.
+ Il n'y a pas de vocation, d'appel sans mission, sans envoie ! Tout chrétien a une mission dans le monde ! Même un moine ! Même une moniale !
+ Et il n'y a pas de mission, d'envoie, sans vocation, sans appel. Avant d’être envoyé, il faut être appelé, sinon on risque fort d’être missionnaire de son caprice !

Chrétiens, religieux, prêtres, savons-nous répondre à l'appel du Christ ?
Chrétiens, religieux, prêtres, savons-nous répondre à l'envoi du Christ ? ?
               
“Venez !“, dit Jésus. Mais souvent, nous allons là où il n'est pas ! Car avons-nous remarqué deux petites phrases très significatives  :
- “Pourquoi cherchez-vous parmi les morts Celui qui est vivant ?“, disait l'ange au matin de Pâques !
- “Pourquoi restez-vous à regarder le ciel ?“, demandait l'ange au matin de l'Ascension !

 Le Christ n'est ni dans les tombeaux, ni dans les nuages !

+ Non, le Christ n'est pas dans les tombeaux ! Or, trop souvent, nous lui rendons un culte nostalgique, comme à un cher disparu. Nous croyons bien qu'il vit, certes ! Mais si loin de nous ! Alors, il n’est pas étonnant que nous soyons attristés parfois de ne pas le trouver comme Marie-Madeleine, au matin de Pâques !

+ Et le Christ n'est pas davantage dans les nuages ! Or, notre pensée du Christ est souvent une évasion hors du réel, un refuge à notre mélancolie, nos difficultés. Il est si facile de se duper soi-même en croyant aimer l’Invisible… et en ne chérissant finalement que son propre égoïsme !

“Venez !“, dit Jésus ! Alors, où donc le trouver ? - “Où est-il donc ton Dieu ?“, nous demande-t-on souvent. - Jésus est bien monté au ciel. Mais le ciel que rejoint le Christ, c'est l'intimité avec le Père dans l'Esprit-Saint, c'est l'univers de la charité que s'échangent les trois Personnes divines. Et cet Univers est hors de l'espace, hors du temps, c'est-à-dire que cet univers est présent à tous les espaces et à tous les temps. Il m'est donc présent, cet Univers, aujourd'hui !

Et pour manifester cet univers de l’amour divin, Dieu s’est fait homme en Jésus-Christ qui nous a donné qu’un seul commandement : aimer Dieu et aimer ses semblables. Voilà le ciel où le Christ est monté ! Le Ciel, c'est l'Amour triomphant de tout mal et qui, en moi, aura sa plénitude au-delà de la mort que le Christ a vaincu au matin de Pâques ! Laissons-nous donc envahir par ce ciel-là, avec le Christ qui nous répète : “Je ne vous donne qu'un seul commandement : Aimer !“.

Et si nous vivons de ce ciel-là, ce ciel de Dieu-Amour, de cette présence du Christ en nous, nous saurons le reconnaître également dans l'Eglise qui n'est pas d'abord une institution plus ou moins pesante ! L'Eglise, c'est l'assemblée de tous ceux qui accueillent la présence du Christ, qui essayent de témoigner de son amour de tous les hommes. Un chrétien ne peut être véritablement chrétien s'il est seul. Il doit faire partie d'un Corps vivifié par la vie du Christ. Même pour un moine, même pour une moniale !

Enfin, - troisième manière de la présence du Christ monté au ciel -, si nous savons reconnaître le Christ vivant en nous-mêmes, si nous le reconnaissons dans la vie de l'Eglise, alors, nous reconnaitrons facilement sa présence par les Sacrements et spécialement par l'Eucharistie ! L'Eucharistie est la trace du Christ dans le sillon de notre temps, la trace de sa vie offerte et glorifiée désormais.   L'Eucharistie est la continuation de cette présence divine et humaine du Christ, par laquelle nous pouvons aller à Dieu et, allant à Dieu, en même temps, à tous nos frères.

Voilà, en quelques mots, les manières de la présence du Christ aujourd'hui : en nous-mêmes, dans l'Eglise, dans les Sacrements.

Ce sont comme des lieux de sa présence ; et il nous dit : “Viens" ! - Et en même temps, il nous dit : "Allez !" - Sachons-le bien : si nous entendons l'appel du Christ : “Venez à moi !“, nous ressentirons en nous-mêmes ce désir d'aller, d’une manière ou d’une autre, vers nos frères, les hommes, pour témoigner de la présence de Dieu dans le monde…, du Christ, Lumière du monde ! Un monastère ne doit-il pas être en notre monde souvent enténébré, comme l’affirmait le pape Paul VI, un lieu ou brille la lumière du Christ ressuscité ?

C'est d’ailleurs le symbole du cierge pascal qui nous dit : “Le Christ est Lumière d’amour pour notre monde !“. Si vous allez à lui, vous serez illuminés de sa présence ; et il vous dira : Vous aussi, soyez, avec moi, soyez Lumière du monde !“ - Soyez-le aujourd'hui et demain ! Ce sera déjà le Règne de Dieu, un chemin vers le ciel !


lundi 14 mai 2012

St Matthias


14 Mai 2012  

                « Comme le Père m'a aimé, moi aussi, je vous ai aimés. - Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».

                 Ici, Jésus précise ce qu'il avait dit précédemment. Le premier commandement, c'est d'aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces. Le second commandement est semblable au premier : Aimer son prochain comme soi-même. - Et Jésus avait nettement précisé : il ne faut jamais séparer ces deux commandements !

                Autrement dit, c'est dans la mesure où l'on aime Dieu que l'on peut véritablement aimer le prochain comme soi-même. Et c'est pour bien éviter toute ambiguïté que Jésus nous dit : Comme le Père m'a aimé, comme je vous aimés, de ce même amour, aimez-vous les uns les autres.  Car, ce n'est que dans ce sens que l'on peut véritablement aimer son prochain comme soi-même. Sinon on risque souvent, sans la référence à l'amour de Dieu, on risque de déformer ce précepte de l'amour du prochain comme soi-même.

En effet, en voulant aimer l’autre comme soi-même, on risque alors de tout faire reposer sur ce "moi" que je fais centre de la morale. Et je risque de tomber très vite dans le subjectivisme, en faisant de moi-même un dieu, un dieu qui, bien sûr, ne serait plus le Dieu vivant et véritable qui sans cesse nous dit : « Soyez saints, comme moi-même je suis saint » ! Il s'agirait alors plutôt du dieu construit de mes mains comme une idole !

                Si j'aime mon prochain comme moi-même, sans cette référence à Dieu, je risque de ne pas le considérer comme un "autre", je risque de l'assimiler à moi-même, de lui imposer de façon impériale et dominatrice, mes idées, mes goûts, mes certitudes et mon comportement. Je deviens source absolue de vérité, de justice et de bonheur. Et si mon "Moi" est égoïste, orgueilleux, brutal, vindicatif, alors je plains ceux que j'aimerais comme moi-même, car ils devraient se soumettre ou se démettre, s'aligner de façon uniforme sur mon portrait-robot.

                 Et cela n'est pas une vue chimérique ! Il suffit de regarder autour de soi. Qu'ils s'agissent des sociétés totalitaires, qu'ils s'agissent des divisions en nombre de foyers ou groupes sociaux quels qu'ils soient, c'est souvent cette règle du "Moi" qui gouverne.
- Les dictatures quelles qu'elles soient, aboutissent toutes à l'oppression de l'homme par l'homme. Car il n'y a qu'un seul modèle : le Chef. Il aime son peuple comme lui-même, il l'oblige à s'identifier à lui, à être heureux comme il l'entend. Sinon c'est la guerre, les sévices divers.
- Bien sûr, nous crions alors notre indignation. Et pourtant ! Ce "Moi" envahissant, nous le retrouvons au niveau de nos rapports humains les plus immédiats. "Je t'aime", dit-on, "je t'aime comme moi-même", c'est-à-dire comme moi-même je t'imagine. Alors, je me bâtis un idéal de la personnalité de l'autre, de son caractère, de son tempérament ; et je lutte pour que l'autre soit copie conforme de ce modèle que j'ai forgé. L'autre n'a pas, - plus ou moins, bien sûr - n'a pas le droit d'exister différent, de vouloir autrement que moi-même. Et alors, les conflits naissent, si les deux "Moi" s'agressent pour la conquête du pouvoir unique. Et le résultat, on le devine… …

                Décidément, si "aimer comme soi-même" n'est pas replacé dans le courant de l'amour de Dieu, c'est finalement très dangereux. Et Jésus Christ est justement venu parmi nous, il vient en nous pour faire éclater notre "Moi" égoïste, cupide, orgueilleux afin d'y substituer son "Moi" de Fils de Dieu. Il vient nous apprendre à aimer : « Je vous donne un commandement nouveau : "Aimez comme je vous ai aimés" ». Jésus Christ, Fils de Dieu fait homme, est le centre unique et universel de référence morale.

                 Et retenons encore deux de ses paroles, pour mieux comprendre comment il nous a aimés :
- "Comme le Père m'a aimé, moi aussi, je vous ai aimés" - Jésus a donc un autre Centre, source de son être, de sa vie, de ses pensées, de ses actes : Celui qu'il appelle "mon Père" et "votre Père". Il nous révèle sa paternité universelle. Il introduit à l'intérieur de nos rapports humains sa propre relation avec son Père, avec son Esprit. La Trinité, voilà notre modèle. Aimer comme Dieu aime.
- "Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir". - Jésus met son "Moi" de façon totale et désintéressée au service des autres : "Il n'y a pas de plus grande preuve d'amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime".

                 Par l’Eucharistie, Jésus renouvelle le sacrifice de sa vie pour chacun d'entre nous, comme à la Cène, comme à la Croix. Et par notre communion, nous invitons le Christ à vivre en nous, à aimer en nous, par nous : c'est Lui qui doit aimer à travers moi. "Il est plus que moi-même !" s'écriait St Augustin. C'est ainsi que je peux aimer mon prochain comme moi-même, car je suis devenu un "autre Christ". C'est le Père qui continue à aimer et à sauver le monde à travers lui, à travers nous.

                "Je vous donne un commandement unique, un commandement nouveau : c'est que vous vous aimiez les uns les autres, comme le Père m'a aimé, et comme je vous ai aimés".

jeudi 10 mai 2012

Concile de Jérusalem !


Pâques 5 Jeudi -            Ac 15, 7-21 - Ps 95 - Jn 15, 9-11

La lecture d’aujourd’hui nous plonge profondément dans le premier Concile de l’histoire de l’Eglise, à Jérusalem vers  48 ap. J.C.  - St Luc, avec un art littéraire consommé, manifeste, là encore, sa préoccupation : même si Pierre, Jacques et Paul sont inséparables comme “colonnes de l’Eglise“, il veut toujours mettre en valeur cependant la primauté de Pierre.

Ainsi, après la conversion de Paul sur le chemin de Damas, Luc l’avait fait “disparaître“ de son récit et avait porté son attention sur Pierre qui, profitant d’une période de tranquillité, avait évangélisé Lydda (Lods, actuellement, l’aéroport d’Israël) et Joppé (Jaffa, tout près de Tel-Aviv, où l’on peut encore visiter la maison de “Simon le Corroyeur“ chez qui séjourna Pierre - Ac. 9.43).
 
 Puis, il avait baptisé le centurion Corneille, à Césarée, au cours d’une sorte de nouvelle “Pentecôte pour les païens“ :  “Pierre, dit Luc, parlait encore quand l’Esprit Saint tomba sur tous ceux qui écoutaient la Parole… ; et tous les croyants circoncis qui étaient venus avec Pierre furent stupéfaits de voir que le don du Saint Esprit avait été réparti aussi sur les païens(Ac 10,44). Et le chef des apôtres de conclure : "Peut-on refuser l'eau du baptême à ceux qui ont reçu l'Esprit Saint aussi bien que nous  ?"  (Ac 10,47). Le premier à faire entrer les païens dans l’Eglise, ce n’est pas Paul, c’est Pierre !

C’est seulement après avoir montré cette primauté de Pierre que St Luc “remet en scène“ Paul que Barnabé va chercher à Tarse pour l’amener à Antioche de Syrie d’où partira le premier grand voyage missionnaire.

Il me plaît, ici, de faire une remarque : entre le chemin de Damas et le premier voyage missionnaire, il y a la durée d’une dizaine d’années ! Dix ans ! Qu’a donc pu faire pendant tout ce temps le bouillant Saul devenu Paul, formé autrefois à l’école de Gamaliel (disciple de son aïeul Hillel, plus tolérant que Shammaï, son rival dans l’interprétation de la Tora) ?  
 
Paul indique seulement qu’il se rendit en Arabie (Gal.1.17) en précisant que “le mont Sinaï est en Arabie“ (Gal 4.25) ! Ce qui soulève une grande question historique et géographique ! Il est vrai que la tradition du Sinaï dans la péninsule égyptienne ne date que du 3ème s. (La fameuse pèlerine Egérie en fait mention pour la première fois !). Cette tradition serait due à des chrétiens qui auraient fui les persécutions. Et elle fut accréditée par Ste Hélène qui y fit construire une chapelle, puis, au 6ème siècle, par l’empereur Justinien qui ordonna la construction d’un monastère-forteresse pour la sécurité des religieux et des pèlerins. Quoi qu’il en soit, Paul semble assimiler le Sinaï à la sainte montagne de l’Horeb en Arabie, là où Elie s’était réfugié et avait rencontré Dieu “dans le bruissement d’un souffle ténu“ (m-à-m. : dans une “poussière de silence“ ou dans “l’éclatement d’un silence“ - I R. 19.12).
 
Aussi, j’aime à penser que Paul, cet élève de Gamaliel, en cette montagne sainte, relut toute les Ecritures à la lumière du Christ ressuscité, comme Jésus l’avait fait avec les deux disciples d’Emmaüs : “En commençant par Moïse et les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait“. (Lc  24.27). Il est clair, en tous les cas, que Paul qui n’avait pas une bibliothèque à sa disposition durant ses voyages (Internet n’existait pas !) mentionne très souvent l’Ancien Testament pour annoncer la “Bonne Nouvelle“ de Jésus-Christ.

Et puis, cette mise à l’écart - dix ans durant - est tout à fait dans la pédagogie divine ! Quand Dieu suscite un homme pour une action importante, il commence par lui dire : “Va te cacher !“.
- Il y a Moïse : quarante ans dans le désert avant l’aventure du peuple élu !
- Il y a Elie. Dieu lui dit : “Va-t-en… et cache-toi au torrent de Kérit“ (I R. 1.17).
- Il y a, bien sûr, Notre Seigneur lui-même : trente ans de vie  cachée et trois ans de vie publique seulement !
- Il y a donc Paul … et beaucoup d’autres à sa suite.

Quoi qu’il en soit du retrait de Paul, c’est encore Pierre que St Luc fait parler en premier, au Concile de Jérusalem . Se souvenant, sans doute, de la conversion de Corneille, Pierre affirme : “Dieu a donné l’Esprit Saint aux païens comme à nous, sans faire aucune distinction. Ce serait tenter Dieu que “de leur imposer un joug que ni nos pères, ni nous-mêmes n’avons eu la force de porter“.

L’assemblée fait silence pour écouter Paul et Barnabé exposer ce qui s’était passé pendant les deux années de leur voyage missionnaire.

Puis c’est Jacques qui prend la parole.  
 
Il y a là une remarque à faire fort intéressante et importante, mais difficile de développer en quelques lignes.
 
Jacques forme son argumentation à partir du prophète Amos qu’il doit aimer à cause de ses exigences et rigueurs spirituelles. C’est un terrible, ce petit prophète Amos, sévère, implacable…, au point d’en être parfois fort impoli. Rappelez-vous : il apostrophe vertement les grandes dames de la cour de Samarie qui s’adonnent, sans vergogne, aux plaisirs de la vie. Il va jusqu’à les traiter - rendez-vous compte ! - de “vaches de Bashan“, ces vaches bien plantureuses que l’on élevait sur les plateaux du Golan (Os. 4.1).  - Sans aller jusqu’à ces impolitesses, discourtoises pour le moins, Jacques se montre un apôtre exigeant et sévère, lui aussi : “A quoi cela sert-il que quelqu’un dise : « J’ai la foi » s’il n’a pas les œuvres ? ….Comme le corps sans l’âme est mort ; de même aussi, sans les œuvres, la foi est morte“. (Jc 2.14sv ).

Ainsi donc, Jacques cite le prophète Amos, ce petit prophète qui va jusqu’à remettre en question l’élection du peuple élu quand il rapporte les paroles de Dieu : Je n'ai connu que vous de toutes les familles de la terre ; c'est pourquoi je vous châtierai pour toutes vos fautes(Am. 3.2).

Par la suite, on a éprouvé le besoin, chez les scribes, de tempérer la sévérité de ce prophète par une conclusion plus rassurante (et c'est la citation de Jacques au Concile de Jérusalem) : “Je rebâtirai la hutte branlante de David…, dit Dieu, afin qu’ils possèdent le reste d’Edom et toutes les nations sur lesquelles mon Nom a été prononcé“ (Am. 9.11-12).
- “Edom“, dans la tradition juive, évoque l’ennemi traditionnel. La restauration d’Israël est conçue comme une revanche sur cet ennemi.
- Une revanche signifiée par le verbe “posséder“ (“rache“ : “conquérir“).
 
Voilà ce qu’exprime le texte de tradition hébraïque : une exaltation du peuple d’Israël qui doit conquérir toutes les nations : “…afin qu’ils conquièrent  le reste d’Edom  et toutes les nations…“.!

Mais - chose remarquable - Jacques choisit cette citation non dans la tradition hébraïque mais dans la transcription des Septante (écrite deux siècles av. J.-C. à Alexandrie) : “…afin que le reste des hommes cherche le Seigneur ainsi que les nations païennes sur lesquelles mon Nom a été prononcé“.

Un sens grandement différent dû à deux petits changements :
- “Edom“ est devenu “Adam“. (il suffit de changer la prononciation sous les mêmes consonnes : Edom, Adam : même écriture en hébreu. Le texte hébreu - la Massore - (tradition de Jérusalem) ne prit sa forme définitive qu’au 9ème siècle ap. J.C, avec les “punctatores“ qui fixèrent des points sous les consonnes pour définir la prononciation).
Ainsi l’ennemi traditionnel, “Edom“ devient “Adam“, toute l’humanité !
- Et devant le verbe “posséder“, “conquérir“ (“rache“), les traducteurs de la Septante se sont permis d’ajouter une consonne, un daleth (d), ce qui donne non plus “rache“, mais “drache“ qui veut dire chercher (d’où dérive le mot plus connu “midrash“, chercher Dieu !).

C’est ainsi que le texte primitif - hébraïque -
“Je rebâtirai la hutte branlante de David… afin qu’ils possèdent le reste d’Edom et toutes les nations sur lesquelles mon Nom a été prononcé“.
devient :
“Je rebâtirai la hutte branlante de David… afin que le reste des hommes cherche le Seigneur ainsi que toutes les nations …“.

Quel changement ! Quelle ouverture ! On est passé d’une revanche sur l’ennemi traditionnel à une vocation adressée à toute l’humanité pour partager la connaissance - réservée jusque là au peuple élu - du seul Dieu vivant et vrai ! C’est toute l’humanité qui se met à chercher le Dieu d’Israël et non plus Israël qui prend sa revanche contre son ennemi traditionnel !

Un sens grandement différent que permettent les subtilités et le génie de la langue hébraïque, cette langue que Dieu a choisie pour parler aux hommes, selon une pédagogie qui doit permettre à l’homme d’évoluer peu à peu vers la vérité toute entière…

En citant Amos d’après la tradition des Septante, Jacques souligne une ouverture : cette possibilité qu’a tout homme (même païen) d’entrer en relation avec le Dieu Unique ! Jacques fut souvent qualifié de “judéo-chrétien“ (on dirait aujourd’hui traditionaliste !). C’est vite dit ! En fait, Jacques se montre très accueillant, moins que Paul et Barnabé peut-être (?), aux païens convertis.
 
Avons-nous cette même ouverture, cet esprit d’universalité de l’Eglise du Christ ?
 
Jacques, me semble-t-il, est un “sage“ qui sait établir des tremplins afin d’éviter des ruptures. En parlant comme il l’a fait, il s’est montré certainement un grand modérateur !

Cependant, on le devine : il y a eu certainement de fortes tensions au sein de la Communauté chrétienne, lors de ce Concile de Jérusalem. St Luc, dans le livre des Actes, ne les dissimule pas. Elles ont existé tout au long de l’Ancien Testament… tout au long de l’histoire de l’Eglise. St Luc nous donne une bonne leçon aujourd’hui en nous présentant St Jacques, intelligent et pieux certainement ; il ouvre la porte de l’Eglise non avec fougue (comme l’aurait voulu Paul, peut-être), mais avec grande sagesse. Il ne fait pas de distinction entre les personnes.

Il demande simplement aux convertis du paganisme de s’abstenir des idoles (des habitudes idolâtriques), des unions illégitimes et des viandes étouffées et du sang (le sang était alors symbole de la vie ; et la vie vient de Dieu !). Après tout, il n’est pas interdit de rappeler ces paroles en notre temps, en notre monde oublieux de Dieu, où tout est soumis à l’idole de l’Economie, où on mange  n’importe quoi, n’importe comment et n’importe quand, et où on donne un statut légal aux unions illégitimes !

J’ai été trop long ! Veuillez m’en excuser. Mais le texte en valait la peine. C’était aussi pour compenser mes silences de ces jours-ci et … aussi… sans doute, mes silences futurs, sans pour autant perdre la parole !

Pour retrouver les principaux textes, voir Blog : http://mgsol.blogspot.com/

lundi 7 mai 2012

Evangile pour les "païens" !


Pâques 5 Lundi – St Paul face aux païens !       (Ac 14, 5-18 - Ps 113 B -  Jn 14, 21-26)

            Par les passages plus ou moins morcelées que la liturgie nous présente, il est bien excusable de perdre le fil de la lecture des Actes des Apôtres et particulièrement du premier grand voyage missionnaire de St Paul. Mais il n’est pas difficile d’en reconstituer la continuité pour peu qu’on prenne le temps de feuilleter les chapitres 13 à 15. Je me permets de vous conseiller cette lecture. 
(La manière dont se sert St Luc pour rapporter les évènements, est elle-même, porteuse d’enseignement et il serait dommage de se priver d’admirer l’art du narrateur en ne faisant pas une lecture suivie du récit).

                Partis d’Antioche de Syrie, les apôtres étaient passés par Chypre. De là ils avaient accosté à Antalya probablement (petit port qui existe toujours), et avaient gagné Pergé au nord, puis Antioche de Pisidie où les Juifs n’avaient pas apprécié leur prédication. Chassés, ils vont vers l’est : Iconium, aujourd’hui Konya où les touristes sont attirés par les spectacles qu’offrent les “derviches tourneurs“ qui cherchent l’extase en tournoyant jusqu’à l’épuisement
[Le plus célèbre, le plus connu en Occident est Rumi - 13ème s -. L’une de ses phrases les plus célèbres était : “Si tu ne veux pas mourir, vis dans l’amour ; si tu meurs dans l’amour, tu vivras”.].
Quand on parcourt la Turquie actuelle on s’étonne de voir que cette région qui fut l’une des premières à être évangélisée n’ait gardé presque aucune trace de christianisme.

   A Iconium, de nouvelles intrigues forcent Paul et Barnabé à continuer leur route en Lycaonie, à Lystres et à Derbé.

     Dans cette région, à la différence de celles parcourues auparavant, il n’y a pas de juifs, ni de synagogues. On est en pleine région païenne. La prédication de la Bonne Nouvelle s’adapte et prend un tour nouveau.         « Les dieux, » disaient les gens, après la guérison d’un impotent, « sous forme humaine sont descendus parmi nous ».
[A remarquer au passage que Barnabé avait plus de prestance que Paul. C’est Barnabé qu’on prend pour Jupiter et Paul n’est qu’un dieu secondaire, Hermès. De fait, si l’on en croit un texte apocryphe attribué à Ste Thècle, Paul n’était pas très avantagé physiquement. Il nous est décrit comme chauve, petit de taille et les jambes torses].

       La prédication s’adapte ; impossible, là, de démontrer la messianité de Jésus sur la base d’une démonstration faite à partir de la Bible que les païens ignoraient totalement, - comme c’est le cas de plus en plus à notre époque de laïcisation !! -.

                 Paul éveille la foi des païens en leur faisant entendre ce premier langage que Dieu parle depuis les origines de monde, celui de la nature, comme dans la lettre aux Hébreux et celle aux Romains.
- He 11,1-3 : «Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par une parole de Dieu, de sorte que ce que l'on voit provient de ce qui n'est pas apparent ».
- Rm 1,19-21 : « Ce qu'il a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir à l'intelligence à travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité, en sorte qu'ils sont inexcusables ; puisque, ayant connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu, comme à un Dieu, gloire ou actions de grâces, mais ils ont perdu le sens dans leurs raisonnements et leur cœur inintelligent s'est enténébré »
                Ce mode de prédication est toujours actuel, même chez les scientifiques, ceux que ne s’encombrent pas les préjugés !

                Après ce séjour chez les païens, Paul et Barnabé, intrépides, retournent dans les villes qu’ils ont évangélisées précédemment, surmontant les souvenirs des mauvais traitements subis. Et ils procèdent, en nommant des anciens et des responsables, à une première organisation institutionnelle des églises. C’est ce que la liturgie nous fera lire demain.

                Je crois que la principale leçon à retenir aujourd’hui, c’est celle de la souplesse de la prédication chrétienne. St Paul et les apôtres, ne pouvant plus faire référence à l’histoire du peuple élu, aux prophètes, s’inspirent des lois de la pédagogie divine que manifeste la création toute entière. C’est un véritable “aggiornamento“. C’est ce qu’a voulu faire Vatican II. C’est ce que nous devons faire : s’adapter aux gens tels qu’ils sont et là où ils en sont, pour faire progresser nos interlocuteurs vers la vérité tout entière… Elle s’adresse aux hommes tels qu’ils sont, là où ils en sont pour les faire progresser vers la plénitude des temps et la venue du Royaume. 

                 Demandons à l’Esprit-Saint la force et l’intelligence de savoir témoigner. Oui, prions l’Esprit Saint ; c’est lui qui nous mène, dit l’Evangile, vers la Vérité tout entière, selon ce que chacun est capable de porter.


dimanche 6 mai 2012

Demeurer dans le Christ !


5ème dimanche de Pâques 12

                Voici une page d'évangile capitale : c'est le cœur même de notre foi.
- Depuis quelques semaines surtout,  nous allons proclamant de dimanche en dimanche ce slogan pascal : “Le Christ est ressuscité !“ - “Oui, vraiment il est ressuscité !“ - "Seigneur, tu es vivant !".
- Et Dimanche dernier, nous avons contemplé Jésus comme notre berger, le bon pasteur qui nous conduit vers le Père.

                Mais aujourd'hui c'est encore plus profond :
- Jésus n'est pas quelqu'un d'extérieur à nous en qui nous croyons !
- Jésus n'est pas seulement notre guide, notre compagnon, notre ami, notre frère !
- Jésus est en nous. Jésus vivant est en nous, Jésus est notre vie !
Il est vivant et Il nous fait vivre de sa vie divine. Il est la vigne et nous sommes les sarments. De même qu'en ce printemps, la sève monte du tronc pour irriguer les branches qui se couvrent de feuilles, de fleurs et bientôt de fruits, de même, depuis le jour de Pâques, la vie de Jésus ressuscité se communique à nous par les sacrements.

                Il nous faut en prendre de plus en plus conscience : Etre chrétien, ce n'est pas seulement affirmer l'existence de Jésus, fils de Dieu, Sauveur, mort et ressuscité. Etre chrétien, c'est vivre, dès cette terre, de la vie même de Dieu
communiquée par le baptême,
alimentée par l'eucharistie,
renforcée par la confirmation,
et retrouvée, s'il le faut, par le sacrement du pardon.

                "Je vis, disait St Paul, mais ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi".

                Un chrétien est quelqu'un qui reçoit en permanence de Jésus ressuscité cette sève de vie divine que l'on appelle la grâce (parce que c'est cela qui nous rend “saints“, “à l'image de Dieu“).

                Au jour de notre baptême, nous qui sommes par nature comme des arbres sauvages, nous avons été branchés, greffés sur Jésus Christ ; c'est sa vie divine, sa vie surnaturelle qui passe désormais en nous, et ainsi nous pouvons porter du fruit.

Jésus l'affirme sans ambages : "Sans moi, vous ne pouvez rien faire". Rien dans l'ordre surnaturel, rien dans l'ordre de la sainteté : il suffit de relire les béatitudes et le sermon de la montagne.
Sans la grâce de Jésus, qui peut garder le cœur droit, tendre la joue gauche, donner à ceux qui sont dans le besoin, regarder sans envie ce qui ne nous appartient pas, pardonner jusqu'à soixante dix sept fois sept fois ? Etc…

                Mais c'est aussi St Paul qui disait : "Je puis tout en Celui qui me rend fort".

                Ce que Jésus veut, c'est notre divinisation, que nous devenions les temples du Saint-Esprit, recevant de Dieu même les énergies divines qui nous permettent de vivre notre existence d'hommes et de femmes comme des fils et des filles de Dieu, portant toutes sortes de fruits (ces fruits que St Paul énumérait à ces Gaulois émigrés au nord de la Turquie actuelle, que l'on appelait les Galates) : charité - joie - paix - patience - serviabilité - bonté - douceur et maîtrise de soi. Tels sont les fruits de l'Esprit-Saint.

                Aussi, St Augustin, avec réalisme, proclamait :
« Si donc tu veux savoir que tu as reçu l'Esprit, la vie de Dieu, interroge ton cœur ! Si tu y trouves : charité - joie - paix - patience - serviabilité - bonté - douceur…, sois en paix ! Ces vertus ne peuvent s'y trouver sans qu'y soit aussi l'Esprit de vie. Car l'Apôtre a raison de crier : "La vie de Dieu a été répandue dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné".
                Et si ton cœur te condamne, c'est-à-dire, s'il t'accuse intérieurement de n'avoir pas les fruits de l'Esprit, dis-toi encore que “Dieu est plus grand que ton cœur, et il connaît tout“, comme l'affirme St Jean. Et si tu peux cacher aux hommes le fond de ton cœur, cache-le à Dieu aussi, si tu le peux. Cependant, comment le lui cacherais-tu, lui à qui un célèbre pécheur, plein de crainte et de repentir disait : "Où aller loin de ton Esprit ? Où aller loin de ta face?".  Il cherchait à fuir pour échapper à l'Esprit de Dieu qui scrute reins et cœurs ; et il ne savait où fuir…    
Fuis donc plutôt vers lui, toujours, en te confessant à lui, non en te cachant de lui. Tu ne peux en effet te cacher de lui ; mais tu peux lui confesser tes fautes ! Dis-lui : "Tu es mon refuge" ; alors tu te nourriras de son amour qui seul conduit à la vie ».

                Voilà pourquoi Jésus insiste : "Je suis la vigne, et vous les sarments : sans moi, vous ne pouvez rien faire".

                Mais prenons conscience encore que l'inverse aussi est vrai : la vigne a besoin des branches pour porter du fruit.
En un sens, Dieu a “besoin des hommes“, comme on l’a dit. Et c’est vrai d’une certaine manière :  il a besoin de nous pour que sa vigne produise des fruits quotidiens d'amour, de justice et de paix. Une vie d'homme, de femme, livrés à la grâce de Dieu, doit produire des fruits merveilleux de sainteté qui sauvent le monde : voyez St Benoît, un St Vincent de Paul, une mère Térésa, et tant d'autres… …
                Il faut pendre conscience de notre vocation à être des sarments de la vigne qui portent de beaux fruits.
               
                Nous sommes dans le mois de mai, mois consacré à Notre Dame ! Comment ne pas évoquer Marie, la toute sainte ?
Une femme, une femme de notre terre, a vécu cela en plénitude : Marie, "pleine de grâce" - Marie, toute donnée à Dieu, toute habitée de son Esprit, Marie qui a donné, par l'Esprit Saint, ce fruit merveilleux : Jésus. - "Et Jésus, le fruit de vos entrailles est béni".  

                Marie toute sainte et toute aimée de Dieu, de nous, pauvres pécheurs : donnez-nous toujours Jésus pour que nous ayons la vie de Dieu ! Et que nous soyons en paix ! C’est, ce sera “La Paix Notre-Dame !“