mercredi 28 mars 2012

Mystère pascal actuel !

Car. 5 Mardi 12/B - (Jn 11.1sv)

La liturgie nous permet de choisir des passages d’évangile très significatifs pour le temps du Carême que nous vivons. Et vous avez retenu pour aujourd’hui celui de la résurrection de Lazare !
Admirable récit, le plus impressionnant des miracles de Notre Seigneur, plein d'émotions.

Il constitue la première partie d'un triptyque dont les deux autres faces sont l'onction à Béthanie et l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem.
Le lien de ces trois faits est très significatif, à l'approche de la Passion du Christ. En effet :
- le récit d'aujourd'hui annonce la mort rédemptrice de Jésus.
- L'onction à Béthanie, sa sépulture.
- L'entrée à Jérusalem son triomphe final.

Aussi, faut-il lire notre évangile avec cette perspective de la mort toute proche du Seigneur !

La résurrection de Lazare constitue en effet le dernier des signes de Jésus, comme dit St Jean. Mais il est en même temps un point de départ de la Passion parce qu’il va pousser à l'extrême la haine des autorités juives qui vont décider la mort de Jésus. St Jean le soulignera. Voilà ce qui constitue le caractère poignant de ce miracle : Jésus sait que ce miracle sera non seulement inutile, mais encore prétexte de sa condamnation à mort. Ainsi le récit de la mort de Lazare est d'abord l'annonce, la préfiguration, l'acceptation et, en quelque sorte, l'avant-goût pour Jésus de sa mort prochaine.
Sans doute, la résurrection de Lazare montrera que Jésus est source de vie et de résurrection. Mais c'est par sa mort que Jésus donnera Vie aux hommes. Epreuve que son ami Lazare annonce. Epreuve que tout disciple doit traverser pour acquérir la gloire divine que Jésus obtient par sa mort même. N'oublions-pas cet élément essentiel de notre foi ! Car tout passage d’évangile ne relate pas seulement un souvenir, un élément d’histoire de la vie terrestre de Jésus. C’est toujours un événement d’actualité…, si nous savons “faire mémoire“ : “Faites ceci en mémoire de moi… !“.

Et tous les détails du récit vont nous rappeler cette perspective :

Quand Jésus décide de partir, les disciples lui rappellent : Maître, les Juifs veulent te lapider ! Jésus maintient cependant sa décision. Et Thomas de s'écrier : "Allons, nous aussi, et nous mourrons avec lui". Sentiment que doit conserver tout disciple du Christ : il devra mourir avec son Maître, mourir à lui-même, à ses péchés. Thomas, sans trop le savoir, exprime une vérité profonde. "Si nous sommes morts avec le Christ, dira St Paul, nous ressusciterons avec lui".

Jésus arrive chez Marthe, Marie et Lazare. C'est déjà une petite communauté chrétienne dont le lien d'unité n'est pas celui du sang, mais de l'amitié : "Jésus aimait Marthe et sa sœur Marie, et Lazare". Aussi, les deux sœurs avaient prévenu le Maître : "Seigneur, si tu avais été là, notre frère ne serait pas mort". Peut-être auraient-elles été plus insistantes si elles n'avaient pas été conscientes du danger auquel Jésus s'exposait en se rapprochant de Jérusalem ! La mort avait atteint Lazare et rodait également autour de Jésus. Elle rôde toujours autour de nous…, en nous… !

Mais Jésus affirme que la maladie de Lazare n'aboutirait pas à la mort mais servirait à la gloire de Dieu. Ainsi en avait-il été pour le premier signe de Jésus, à Cana, pour la guérison de l’aveugle-né…, et pour bien d’autre “signes“ de Jésus !
De même, la mort de Lazare dont la résurrection serait le dernier miracle du Seigneur, était pour la gloire de Dieu ! Paroles qui ne peuvent s'entendre qu'avec un cœur rempli de foi ! Tout ce qui arrive, même la souffrance, même la mort, et la nôtre elle-même, tout est en vue de la gloire de Dieu ! "Cette maladie n'est pas mortelle, dit Jésus ; elle est pour la gloire de Dieu !“. Or la gloire de Dieu, c'est le salut de l'homme ! La résurrection de Lazare en est le signe, en même temps qu'elle annonce la mort du Christ qui sera aussi sa glorification en vue de la nôtre. C'est le mystère pascal qui est signifier là, mystère qui est au cœur de notre foi. !

En vue de cette glorification à manifester, Jésus avait tardé à se mettre en route après l'annonce de la maladie de son ami. Dieu semble toujours tarder à nous soulager. Jésus semble n'avoir pas d'autre raison d'attendre que de déconcerter les apôtres, d'exercer leur foi et la nôtre. Jésus aimait Marthe et Marie. Et pourtant, il tarde deux jours.
C'est parce que Jésus aime les deux sœurs qu'il les fait attendre afin de leur faire un don plus magnifique. Ayons ce sentiment de foi que si Dieu permet une épreuve, c'est pour nous faire un don plus grand. Chaque page de la Bible le crie, alors que nous ne le constatons pas toujours en nos propres vies. Jésus expliquera : "Celui qui vit et croit en moi ne mourra pas pour toujours".

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les détails de cet évangile. Souvenons-nous surtout : la mort de Lazare annonce celle du Christ en qui, nous aussi, nous devons mourir pour ressusciter avec lui, comme il a ressuscité Lazare. C'est là l'essentiel de notre foi que nous allons exprimer plus explicitement encore durant les jours prochains.

Demandons au Seigneur de vivre réellement de ce mystère de mort-résurrection qui doit se réaliser en chacun des moments de notre vie et surtout en celui de notre “dies natalis“, du jour de notre véritable naissance… en la gloire de Dieu !

lundi 26 mars 2012

Annonciation !

Annonciation – 25 Mars

L’évangile nous rapporte le merveilleux récit de la rencontre de la Vierge Marie avec Dieu, à Nazareth, le récit de l’ANNONCIATION !
Récit dont la simplicité peut ternir notre regard de foi !
Récit bouleversant cependant dans ce qu’il rapporte !

Car enfin, comment a-t-elle pu, Marie, cette toute jeune fille, comment a-t-elle pu vivre cet instant - et toute sa vie durant -, dans la perception - progressive sans doute - d’une si grande proximité avec Dieu au point que Dieu, prenant chair de sa chair, vivait en elle et qu’elle devenait sa Mère ? Marie, Mère de Dieu, proclamera le Concile d’Ephèse (431) ! Trente années de vie terrestre dans une proximité, une intimité incroyable avec Dieu ! Car son fils, “le fruit de ses entrailles“ est Dieu ! Elle le croit avec toute sa foi !

Oui, comment a-t-elle fait, Marie, cette toute jeune fille, pour assumer pareille situation, si délicate par rapport à Joseph, si lourde à porter ? Quelle femme au monde a-t-elle jamais eu responsabilité si grande que de répondre au nom de toute l’humanité et d’engager, par son attitude, l’histoire même du monde ?

Proximité redoutable avec Dieu, responsabilité écrasante devant les hommes ! Tel a été le destin, la vocation de Marie, cette toute jeune fille d’Israël que l’ange vient visiter à Nazareth !

Pour mieux comprendre Marie, pour mieux appréhender sa simplicité, son naturel en cet instant de grâce où Dieu la visite, faisons comparaison, contemplons ces géants de la foi que sont, par exemple, Moïse, Isaïe et Pierre. Regardons-les à ce moment de leur vie où, eux aussi, ils rencontrent Dieu ; regardons-les au jour de leur annonciation !

L’annonce faite à Moise, c’est celle d’une mission : “Va trouver Pharaon pour faire sortir d’Egypte mon peuple, les fils d’Israël“ (Ex 3.10). Et la réaction de Moïse, ce géant, est celle d’un homme qui a peur, qui recule, effrayé devant une telle responsabilité. Et il faut signes et prodiges, et toute la persuasion de Dieu, pour qu’au terme d’un dialogue pathétique, Moïse, enfin, accepte la mission !
Rien de tel chez Marie. Une question, une seule et tout de suite : “Voici la servante du Seigneur !“. Marie est simple, confiante, toute livrée à Dieu, sûre de son amour. Elle ne complique pas les choses, elle s’en remet à Dieu totalement : “Qu’il m’advienne selon ta parole !“.

L’annonce faite à Isaïe, avant d’être une mission, est d’abord découverte, révélation : Dieu est saint, trois fois saint. Isaïe est effrayé par cette rencontre avec Dieu : “Malheur à moi, s’écrie-t-il, je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures“ (Is 6.5). Au jour de son Annonciation, Isaïe se découvre, face à Dieu, radicalement pécheur ; et il a peur !
Rien de tel en Marie : troublée, certes, elle l’est par cette étrange salutation angélique : "Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi !" (Lc 1.28). Troublée, oui, parce que ne sachant pas parfaitement ce que cela veut dire ; troublée, mais non terrorisée. La proximité avec Dieu ne provoque pas en Marie l’effroi ressenti par l’homme pécheur. Parce qu’elle est Immaculée, Marie ne craint pas Dieu. Il fallait qu’elle fut absolument sans péché pour pouvoir soutenir, avec un si grand naturel, une telle proximité avec Dieu : “Il a jeté les yeux sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse !“ (Lc 1.48).

Pierre enfin. C’est au moment où, pour la première fois, au bord du lac, il rencontre Jésus qui monte dans sa barque et lui demande de jeter le filet ! Pierre est saisi d’effroi devant la pêche insolite après une nuit passée sans rien prendre. Alors il se prosterne aux pieds de Jésus : “Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur !“ (Lc 5.8). Et Jésus, le relevant : “désormais, tu seras pécheur d’hommes !“ (Lc 5. 10. Cf. Mc 1.17).
Rien de tel chez Marie, à Nazareth ! Elle ne se prosterne pas, elle ne proteste pas avec ostentation de son indignité. Sans aucun retour sur elle-même, dans la simplicité de son être profond, elle consent, elle se livre tout entière à l’amour de Dieu qui la choisit comme instrument pour se communiquer aux hommes !

Moïse, Isaïe, Pierre ! Trois géants de la foi !
Marie les surpasse tous. Elle se révèle entièrement au jour de sa rencontre avec Dieu :
Marie sans péché,
Marie sans crainte devant Dieu,
Marie toute humble parce que sachant que tout lui est donné,
Marie toute simple,
Marie toute livrée à Dieu dans la foi, la confiance et l’amour,
Marie, Immaculée jusque dans les profondeurs de son être.
Telle est Marie au jour de son Annonciation !

Aussi, n’hésitons pas à prier Marie avec cette formule bien connue retrouvée sur un papyrus égyptien datant du milieu du 3ème s., bien avant le Concile d’Ephèse :
“Sous l'abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu.
Ne repousse pas nos prières quand nous sommes dans l'épreuve,
mais de tous les dangers délivre-nous toujours“.

dimanche 25 mars 2012

Voir Jésus !

5ème Dimanche de Carême 12/B

“Nous voulons voir Jésus !”.

C'est avec ces paroles que quelques Grecs païens, sympathisants de la religion juive, harcèlent les disciples. Ce Jésus, dont ils ont tant entendu parler, dont ils imaginent sans doute la personnalité d’après de qu’ils ont entendu dire de son enseignement, de ses actions, de ses miracles…, ils voudraient maintenant le “voir“ de leurs propres yeux.

Oui, ils le verront, en effet, mais tel quel, si je puis dire, dans sa brutale réalité d'homme, non pas encore le Jésus de la gloire qu’ils voudraient contempler, mais le Jésus du trouble et de la tentation.

Car ce passage de l'évangile de St Jean raconte en fait l'ultime tentation de Jésus. Jean, nous le savons, n'a pas repris le récit de l'agonie dans le Jardin des Oliviers. Il le remplace par celui que nous venons d'entendre, comme une autre tentation et une autre agonie.

Ce récit avait cependant débuté par la solennelle annonce de l'heure, dont Jésus proclame qu'elle est désormais là : “L’heure est venue pour le Fils de l'homme d'être glorifié”. Et cette glorification - Jésus n'en doute pas un instant - passera nécessairement par la mort : “Oui, vraiment, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit”.

Mais soudain, le discours de Jésus s'arrête là.
Un bref silence, mais qui semble une éternité !
Et Jésus reprend sur un ton qui trahit une forte émotion, une sorte de panique presque : “Maintenant je suis bouleversé. Que puis-je dire ? Père, délivre-moi de cette heure ?”.

Jésus bouleversé ! Désemparé ! Troublé ! Comment est-ce possible ? Que se passe-t-il en lui ? - “Mon âme est triste à en mourir”, avait-il dit au jardin des oliviers, selon St Matthieu (Mt 26,38). C'est du même trouble qu'il s'agit ici, et de la même tentation, Et comme dans les trois récits de la tentation de Gethsémani, ici encore, Jésus supplie son Père pour que cette heure et ce calice lui soient épargnés : “Père, délivre-moi de cette heure !“. Mais, comme à Gethsémani encore, Jésus se reprend aussitôt, pour s'abandonner à la douce volonté de son Père : “Mais non ! C'est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom !”. En d'autres mots : que ta volonté soit faite, non la mienne !

“Nous voulons voir Jésus !”, demandaient ces quelques hommes, païens sans doute, mais chercheurs de Dieu ! “Nous voulons voir…“ ! Comme nous-mêmes ! Mais le seul Jésus que nous pouvons voir ici-bas est
un Jésus en route vers sa Passion et sa mort, un Jésus qui a peur, comme nous aurions peur à sa place,
un Jésus du trouble et de la tentation,
un Jésus à qui - malgré ses grands cris et ses larmes que la deuxième lecture nous a rappelés -, aucune épreuve d'homme ne fut épargnée, surtout pas la mort.

Mais, justement, c'est bien pour cela, pour cette heure-là, et pour ce trouble-là, et pour cette mort-là, que Jésus est venu auprès de nous : pour nous sauver une fois pour toutes de la tentation et de la mort.
Mais comment cela ? En nous invitant à marcher à sa suite, comme lui, avec lui, en lui, sur le même chemin inéluctable d'une même Passion et aussi - soyons-en certains - d'une même Pâque.

Après avoir parlé du grain qui doit mourir sous peine de rester seul, Jésus ajoute, en effet : “Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur”. Comme pour Jésus, aucun de ces troubles, aucune de ces tentations, rien ne sera épargné au serviteur qui veut véritablement le suivre.

C'est pour cela que les apôtres tout d’abord et que tout vrai disciple de Jésus, ensuite, s'est un jour laissé saisir par le Christ pour traverser toute mort quelle qu’elle soit, la traverser vers la lumière divine de Pâques ! C'est pour cela qu'il a décidé de marcher à sa suite.

Ce choix fondamental - je dirais baptismal - que partagent tous les chrétiens témoigne par là du peu de différences réelles entre les vrais disciples de Jésus. Le chemin du chrétien au monastère est à peine plus difficile que celui qui est dans le monde. Et celui du chrétien dans le monde est à peine plus facile que celui qui est au monastère. Si leur chemin est simplement différent, la direction, elle, est absolument la même, comme aussi son aboutissement : la Pâque du Christ.

Et aucun disciple de Jésus ne sera jamais dispensé de suivre - déjà dans les diverses tribulations de la vie comme à celle du dernier instant ici-bas… - …de suivre le Maître jusque-là,
jusqu'à l'étroit passage,
jusqu’au détroit pascal,
ces gorges de la tentation et de la mort,
dans lesquelles nous entrons sans cesse pour faire jaillir - dès ici-bas et au jour éternel - la lumière du matin de Pâques sur nous-mêmes et sur le monde.

Et c’est à travers toutes ces tentations, à travers toutes ces morts de notre vie - nous ne pouvons en douter désormais - que Jésus nous sauve, nous sauvera. Car c'est pour cette heure de trouble, et en même temps d'immense confiance, que, nous aussi, nous sommes là, priant à tout instant, comme Jésus : “Père, glorifie ton Nom !“ En nous-mêmes comme en ton Fils ! En ton Fils qui est désormais en ta gloire divine, cette gloire qu’il veut nous prodiguer. Car c’est pour cela qu’il est venu parmi nous, qu’il est toujours parmi nous, l’“Emmanuel“ !

“Nous voudrions voir Jésus !”, demandaient ces Grecs de Jérusalem. Nous aussi, nous voulons voir Jésus. Redisons avec ceux qui traversent grandes épreuves et la mort même : voir, connaître Jésus implique de passer par où Jésus est passé, de traverser la même épreuve en nous abandonnant à l’amour indéfectible de Dieu, Père : “Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur”.

Ne doutons pas du terme où Jésus nous attend,
ici-bas déjà par la force d’amour qu’il nous donne
et à notre jour pascal…, éternel !

samedi 24 mars 2012

“Avec autorité !“

Carême 4 - Samedi (Jr 11,18-20 - Jn 7,40-53)

Jérémie dont il est question en la lecture de ce jour, a vécu, bien avant Jésus, l’exclusion, la persécution…
- D’une part, Il fut en butte personnellement aux conspirations que firent contre lui ses compatriotes et sa parenté elle-même dans son village d’Anatoth. Et il fut en butte aux autorités religieuses de son propre pays !
- Et d’autre part, il connut la persécution dont souffraient les juifs d’Alexandrie qui restaient fidèles à leur identité, et se trouvaient par là même en butte aux tracasseries de la part de leurs congénères qui s’assimilaient trop facilement au paganisme ambiant.
Deux formes opposées d’oppositions, de persécutions toujours actuelles !

A travers ces textes de l’Ancien Testament (et bien d’autres) se profile la figure de Celui qui sera le “roc d’achoppement“ (Rm. 9.33 – 1 Pet 2.8) qui “doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël“ (Lc 2.34), pour reprendre le langage du vieillard Syméon s’adressant à la Vierge Marie lors de la Présentation au Temple.

L’Evangile, comme celui d’hier, nous fait assister à la fête de Soukkoth, (des tentes), près de la piscine de Siloé, à ces trois chapitres de St Jean auxquels on peut donner le titre, comme le fait la Bible de Jérusalem, de “La grande révélation messianique et le grand refus“.

Jésus, est-il, oui ou non l’Envoyé ?

La foule se divise. Les uns s’écrient : “C’est vraiment Lui, le grand prophète !“. On ne relira jamais assez le texte supposé connu du Deutéronome, la promesse de Moïse, entériné par Dieu Lui-même.
“Le Seigneur ton Dieu suscitera pour toi, du milieu de toi, parmi tes frères, un prophète comme moi, que vous écouterez. C'est cela même que tu as demandé au Seigneur ton Dieu, à l'Horeb, au jour de l'Assemblée : « Pour ne pas mourir, je n'écouterai plus la voix du Seigneur mon Dieu et je ne regarderai plus ce grand feu », et le Seigneur me dit : « Ils ont bien parlé. Je leur susciterai, du milieu de leurs frères, un prophète semblable à toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai… »" (Dt 18,15-21)

Comme la Samaritaine, une partie du peuple reconnaît en Jésus le Prophète. “La femme lui dit : « Je sais que le Messie doit venir, celui qu'on appelle Christ. Quand il viendra, il nous expliquera tout ». Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle »." ( Jn 4,25-26)

Ce sont les autorités responsables du peuple, plutôt que le peuple lui-même, qui est sceptique. Les gardes envoyés pour arrêter Jésus reviennent sans avoir accompli leur mission, et disent, comme la foule au bord du lac : “Jamais homme n’a parlé comme cet homme“. Il parle “avec autorité“. J'ai appris que sous cette expression, il y a, dans la tradition juive, la distinction entre
- les paroles que Dieu dit directement au Sinaï “avec autorité“,
- et les paroles qu’Il transmet par l’intermédiaire de Moïse.

Ici, on suggère que Jésus parle non pas comme les scribes - des intermédiaires, somme toute -, mais comme Dieu Lui-même, directement, au Sinaï : “avec autorité“ !

Et parmi les “autorités“ du peuple comme les scribes, se distingue cependant Nicodème. Celui qui, de nuit, alla trouver Jésus au cours de son premier séjour à Jérusalem, celui qui hésite longtemps, celui qui, en fin de compte, sera là à la fin de l’Evangile, pour recevoir le corps de Jésus à sa descente de Croix, avec Joseph d’Arimathie qui avait obtenu de Pilate la permission d’enlever le corps du Seigneur.

Aussi, la méditation de la liturgie d’aujourd’hui ne nous invite-t-elle pas à réfléchir sur ce fait que judaïsme et christianisme ne sont qu’apparemment deux religions. Jean Paul II l’a magnifiquement exprimé lors de sa visite à la Synagogue de Rome. Ne serait-il pas plus exact de dire que c’est un différent qui a surgi à l’intérieur du dessein de Dieu.

“La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, est devenue la pierre d’angle“ (I Pet 2.7). Cela vient de Dieu et nous invite à une méditation toujours plus approfondie sur ses voies qui ne sont pas nos voies.
“Car vos pensées ne sont pas mes pensées, et mes voies ne sont pas vos voies, oracle du Seigneur. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sont élevées mes voies au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées“.

Il faut bien avoir en tête ces paroles divines transmises par Isaïe, pour ne pas commettre, comme je dis souvent, des “inversions sacrilèges“ : c'est-à-dire : se mettre à la place de Dieu.
Mais la suite de l’oracle est à bien retenir aussi pour notre consolation :
“De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n'y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l'avoir fécondée et l'avoir fait germer pour fournir la semence au semeur et le pain à manger, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche ! Elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j'ai voulu et réalisé l'objet de sa mission“. (Is 55, 8-11)

Puissions-nous toujours accueillir la Parole de Dieu - “Et le Verbe s’est fait chair“ -. Le Christ - Verbe de Dieu - nous parle “avec autorité“ ! Sachons l’écouter !

jeudi 22 mars 2012

Tentation et humour de Dieu !

Carême 4. Jeudi - (Ex. 32.7sv)

Le désert est le lieu de la rencontre : Dieu conduit le peuple au désert, car : “au désert, je parlerai“, dit-il par le prophète Osée (2.16) - (avec un jeu de mots : “midbar, dibarti“) - Il le conduit au désert pour parler à son cœur et faire alliance avec lui ! Et Jésus lui-même se retirait au désert pour s’entretenir avec son Père… - Mais le désert est aussi le lieu de la tentation. Et Jésus lui-même fut tenté au désert…

Le désert est le lieu l’on expérimente le mieux comme les deux pôles de la condition humaine :
- Dégagé du superflu, on peut valoriser le bon usage de la création, le juste emploi des richesses de ce monde dans l’action de grâces envers le Donateur de tous biens et dans le partage équilibré avec ses frères.
- Et, en même temps, par une sorte de défoulement, on peut expérimenter des tentations de toutes sortes : tentation de la “grande-bouffe“, de l’apostasie… : c’est l’histoire du “veau d’or“ ! Le peuple dit à Aaron : “Fais-nous des dieux qui marchent à notre tête (que nous puissions “voir“ !), car ce Moïse qui nous a fait monter du pays d’Egypte (et qui a disparu dans la montagne de son Dieu !), nous ne savons pas ce qui lui est arrivé… !“. …Et c’est la révolte !

St Paul, se référant à cet épisode, recommandera : “Ces événements sont arrivés pour nous servir d’exemples afin que nous ne convoitions pas le mal comme eux le convoitèrent. Ne devenez pas idolâtres comme il est écrit : « Le peuple s’assit pour manger et pour boire, puis ils se levèrent pour se divertir ! »… Dieu est fidèle ! Il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces…“ (I Cor 10.1-20).

La tentation sournoise et première est peut-être l’impatience ! “Le peuple, est-il dit, vit que Moïse tardait à descendre de la montagne !“. (Ex 32.1). Il faut savoir attendre dans l’espérance. Attendre ! Quelle grande vertu finalement ! Le peuple, dans le désert, voulait voir Dieu, immédiatement : “Fais-nous un dieu qui aille devant nous !“. C’est la tentation de tout homme, d’un Pompée, par exemple, lorsqu’après la prise de Jérusalem, il viola l’interdiction de pénétrer dans le “Saint des Saints“, le lieu de la présence divine. Et il fut fortement déçu de ne rien voir, de ne rien trouver !

Dieu se laisse pourtant apercevoir, voir ! Mais c’est souvent après son passage qu’on s’en aperçoit : “Dieu était là, disait Jacob ; et je ne savais pas ! Mais maintenant, je le sais !“. De toute façon, il faut savoir attendre qu’il se manifeste dans toute sa gratuité. Et d’une manière souvent très inattendue ! Il faut prendre patience !

D’une manière inattendue ! Car il est bon de le remarquer : c’est quand le peuple hébreu fut éduqué à la transcendance de Dieu au point de ne plus oser prononcer le “Nom“ de Dieu, c’est quand le grand-Prêtre, une fois par an seulement, entrait dans le “Saint des Saints“ et bafouillait ce Nom de Dieu, c’est quand les Juifs avait le sens du sacré le plus développé que l’Incarnation se produisit, “à la plénitude des temps“. Il est venu parler aux hommes jusqu’à naître dans une crèche et cheminer sur nos chemins ! Face à la transcendance de Dieu que se font les hommes, Dieu réplique par une immanence… ! C’est l’humour de Dieu !

… Bref, le peuple, dans le désert, manque de patience ; et il cède à la tentation. C’est donc l’histoire du “veau d’or“.

Alors, “Dieu dit à Moïse : “Va, descends de la montagne, car ton peuple s’est perverti… !“. Voyez ! Cette phrase est encore pleine d’humour ! C’est comme dans les scènes de ménage quand l’un des enfants agit mal : il y en a toujours un qui dit à l’autre : ton fils, ta fille a fait ceci, a fait cela…“. Et voilà que Dieu dit à Moïse : “car ton peuple s’est perverti… !“ Et Oui, Dieu a de l’humour ! Plus qu’on l’imagine !

Et Dieu ajoute : “Laisse-moi faire ; ma colère va s’enflammer contre eux et je les exterminerai… !“. Quand Dieu dit dans la Bible : “Laisse-moi faire…“, laisse ma colère agir, c’est justement pour qu’on ne le laisse pas faire ! Dieu, par pédagogie si je puis dire, se met à notre niveau, à ce niveau de palabre-marchandage qu’Abraham avait pratiqué à Sodome et Gomorrhe, ce marchandage que Moïse utilise en s’adressant au Seigneur : “Pourquoi les Egyptiens diraient-ils : « C’est par malice que leur Dieu les a fait sortir pour les faire périr dans les montagnes et les effacer de la terre ! ». Ravise-toi, Seigneur… Souviens-toi d’Abraham, d’Isaac de Jacob… !“… Alors le Seigneur se ravisa du mal dont il avait menacé son peuple“.

Il y a, finalement, beaucoup d’humour dans ce texte à propos des tentations (même si on y succombe). Ayons cet humour de Dieu lui-même ! Ste Thérèse d’Avila écrivait : “Je ne me trouble pas quand je vois une âme aux prises avec des tentations très violentes. Car si elle a l’amour et la crainte de Dieu, elle en sortira avec de grands profits !“. Certes, mais cependant : Merci, Ste Thérèse, pour les tentations ! Je m’en passerai bien quand même !

Il est vrai pourtant qu’“à travers les tentations, l’homme se découvre facilement une âme vulnérable et isolée, et il acquiert cette humilité qui le ramène obligatoirement à Dieu“. (Isaac le Syrien, ermite syrien du 7ème s.).

Et si, direz-vous, nous succombons à la tentation ? Pensons alors à tous ceux qui intercèdent pour nous avec confiance, comme Moïse l’a fait pour son peuple. Et, avec grande contrition, adressons-nous au Christ, le grand-Prêtre par excellence, car “il est toujours en mesure de sauver d’une manière définitive ceux qui, par lui, s’approchent de Dieu, puisqu’il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur“ (Heb. 7.25).

Finalement, peut-être qu’au milieu de nos diverses tentations, Dieu se joue de nous avec humour ! Pour pouvoir enfin nous parler “cœur à cœur“ ! “Au désert, je parlerai - midbar dibarti“ !

mercredi 21 mars 2012

UN en Dieu !

St Benoît – 21 Mars

“Je ne prie pas seulement pour eux (mes apôtres), je prie aussi pour ceux qui, grâce à leurs paroles, croient en moi : Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi !“.

Etre un en Dieu !

St Benoît que les moniales, les moines fêtent aujourd’hui comme leur Père dans la foi, ne disait-il pas lui-même : “esclave ou libre, tous, nous sommes “Un“ dans le Christ… Parce qu’en Dieu il n’y a pas de partialité“ (Règle : ch. sur le P. Abbé). Le Patriarche des moines fait allusion ici aux paroles de St Paul : “il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus“. (Gal. 3.28). Aussi bien “est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés pour être un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d'un seul Esprit“. (1 Co.12.13). En Jésus, toutes distinctions doivent s’évanouir. Malgré la diversité des natures, des conditions, des tempéraments et que sais-je encore, nous sommes tous “Un“ en Jésus Christ. En lui, nous sommes tous fils d’un même Père : “Notre Père… !“. En lui, nous avons reçu le même Esprit ; nous avons part à la même nourriture, à la même vie !

Dieu a toujours eu un seul et même projet d'unité : il met l’humanité en marche vers lui-même, vers une Ville dont il est “l’architecte et le fondateur“ (Heb 11.10). Et cette Ville sera faite de “pierres précieuses !“, dit l’Apocalypse (21.19)… Mais au lieu de rentrer dans ce projet d'unité divine -"Que tous soient Un ! - ... de rentrer en ce projet avec enthousiasme, avec foi, confiance, amour, les hommes élaborent - et aujourd’hui encore - des contre-projets orgueilleux…, à cause de leur amour-propre grandement stigmatisé par St Benoît !

Que se passe-t-il alors. Au lieu de remonter vers son Créateur dans un élan harmonieux d’unité eucharistique, le monde, de par la faute de l’homme qui veut être roi de la création mais qui oublie d’en être le prêtre, d’en faire hommage à Dieu, retombe alors dans le chaos, dans la multiplicité du chaos, comme au lendemain de l’histoire de la tour de Babel. C’est la division absolue ! Et Dieu sait si elle est grande aujourd’hui de par le monde !

Mais Dieu ne renonce pas à son projet ! Toujours, il remet l’homme en route! Toujours ! Au moment où il s’égare loin de lui, Dieu suscite des prophètes pour réactualiser son projet d’Alliance avec l’homme. Abraham, Moïse, David… et bien d’autres… Et chose curieuse, - il faut le remarquer ! -plus on avance dans l’histoire, plus se manifeste une concentration en l’Unité divine : “Que tous soient Un !“. La postérité d’Abraham se concentre en douze tribus. Puis, il n’y a qu’une seule tribu, celle de Juda ; mais elle va en captivité, à Babylone. Cependant, un “reste“ revient ! Et arrive alors un personnage mystérieux dont il est très difficile de dire s’il est une collectivité ou une personne individuelle, - c’est une “personnalité incorporante“, disent les savants -. C’est le “Serviteur“ de Dieu, le “Fils de l’homme“. Alors, pour nous, chrétiens, apparaît au centre de ce mouvement de contraction, le Christ en la personne de qui apparaît, à la “plénitude des temps“, cette formidable Unité - que les Chrétiens défendront contre tous les assauts de la raison raisonnante -, cette Unité de nature humaine et de nature divine.

Et, après la résurrection du Christ, cette réalité va être annoncée, proclamée par les apôtres et tous les missionnaires. Alors, tous ceux qui répondent à cette proclamation - “Je prie pour ceux qui, grâce à leurs paroles, croient en moi“, avait dit Jésus -, s’incorporent, par le baptême, à la Personne du Christ, du Christ désormais “répandu et communiqué“, disait Bossuet. Nous participons à cette vaste, immense “récapitulation“ du monde dans l’Unité qui a été posée par Dieu au centre de l’humanité, une récapitulation qui, grâce au Christ toujours vivant, est capable de ressusciter tous ceux qui gisent à l’ombre de la mort !

Alors la création tout entière retrouve sa vocation originelle, revêt une physionomie liturgique dans l'harmonie de l'Unité divine : l’homme entre en ce Temple divin où le Christ - Verbe de Dieu - est parfaite et éternelle louange du Père, “resplendissement de sa gloire et expression de son être“ (Heb 1.3) dans l’Unité de leur Esprit commun !

Et St Benoît, en insistant, en sa Règle, sur l’Office divin qui est, doit être l’occupation principale de tout moine, de toute moniale, nous invite à participer dès maintenant, par notre incorporation au Christ depuis notre baptême, notre profession religieuse…, nous invite à participer à cette Liturgie divine, pour offrir à la Sainte Trinité une louange d’adoration, d’action de grâces qui, déjà, remplit et le temps et l’éternité. St Pierre n’écrivait-il pas : “Vous-mêmes, comme pierres vivantes, prêtez-vous à l'édification d'un édifice spirituel en vue d'offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu… Vous êtes une race élue… pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière“ (I Pe. 2.5.9). Avec St Benoît, redisons : “Par lui (le Christ), ne cessons pas d’offrir à Dieu un sacrifice de louange en tout temps, c'est-à-dire le fruit de lèvres qui confessent son nom“. (Heb 13.15). Aussi soyons toujours réconforter par le Christ lui-même : “je prie aussi pour ceux qui, grâce à leurs paroles (de louange), croient en moi“. Quelle grande mission !

vendredi 16 mars 2012

Commandement de l'Amour !

Carême 3- Samedi (Mc 12 28sv)

L'Evangile d'aujourd'hui aborde le sujet fondamental, celui du premier et du plus grand commandement : Aimer Dieu de tout son cœur.

Mais une question se pose immédiatement à nos esprits modernes et cartésiens : n'y-a-t-il pas contradiction, antinomie entre ces deux mots : commander et aimer. Comment est-il pensable qu'on puisse commander d'aimer ? S'il y a quelque chose qui - justement - ne saurait se commander, n'est-ce pas l'amour ?

Par ailleurs, qui dit obéissance à un commandement, conformité à une règle, dit acte de volonté capable de surmonter la passion du moment et les velléités d'un sentiment inconstant et fugitif. Il semble bien qu'il y ait là, justement, contradiction entre l'amour qui ne peut être que spontané ou ne pas être et la volonté qui n'a matière à s'exercer que là où la spontanéité fait défaut.

Et cependant Dieu nous commande de l'aimer ! Mais il s'agit d'abord de remarquer dans quel contexte : Et Notre Seigneur le rappelle, d'après St Marc, quand il formule sa réponse, en récitant la "profession de foi" d'Israël : "Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est un Dieu unique ; aussi, aimeras-tu le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton âme, de tout ton pouvoir".

Tout est accroché, si je puis dire, au premier mot de la formule qui a d'ailleurs donné son nom à cette "profession de foi" : "Shema, Israël" - "Ecoute, Israël". Cette écoute est la clef, pourrait-on dire, de ce premier commandement de l'Amour. L'impératif de ce premier commandement tombe avant tout sur ce mot "Ecoute" ; et le reste s'ensuit comme naturellement : "Ecoute, Israël, le Seigneur, ton Dieu, est l'unique Seigneur".

Autrement dit, si tu acceptes vraiment d'écouter, si tu réalises cette unicité du Seigneur, ton Dieu, si, écoutant, tu rends vivace en toi cette conviction qu'il n'est d'autre Dieu que lui, que tu lui dois tout,… alors, tu aimeras Dieu de tout ton cœur et de toute ton intelligence.

Il y a symétrie entre l'unicité de ce Dieu reconnue par l'écoute du cœur, et la totalité de l'Amour dont il est digne d'être l'objet. Il n'y a plus de commandement, il y a cette écoute, cette attention reconnaissante et aimante envers Dieu qui aime toujours le premier. Lorsque l'homme réalise, parce qu'il a su écouter, l'immensité de cet Amour prévenant de Dieu, son amour ne peut pas ne pas jaillir de son cœur : alors, "l'amour nous presse", dira St Paul !

Il s'agit donc, avant tout, d'écouter. Tout le tort de l'homme, c'est bien de se laisser distraire, de ne jamais véritablement écouter. Aucune génération n'a été plus bruyante que la nôtre. La radio, la télévision, le téléphone… nous sommes en permanence agressés. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà qu'on a inventé aujourd'hui le "walkman", voilà qu'on a eu l'idée de couvrir le bruit par le bruit… si bien qu'il devient difficile d'écouter les autres, d'écouter Dieu qui aime parler dans - et aussi par - le silence. Car - il faut bien le remarquer - Dieu nous a donné deux oreilles - et non deux langues, fort heureusement ! - : l'une pour écouter ce que l'on nous dit, l'autre pour écouter ce que l'on ne nous dit pas ! N'est-ce pas l'expérience de tous les amoureux ? Pour eux, le silence lui-même devient parole !

Oui, l'amour envers Dieu ne peut être commandé; mais il jaillit naturellement d'une âme attentive, d'un "cœur qui écoute". Tout homme a le désir de voir…, de voir Dieu lui-même ! Mais pour voir, il faut d'abord écouter. "Tu désires voir, disait St Bernard, écoute d'abord". Et St Paul avait déjà dit : La foi - cette initiation à la vision de Dieu -, "la foi vient de l'écoute".

La seule fois où dans l'Evangile, la voix du Père se fait entendre, c'est pour dire en parlant de son Fils : "Ecoutez-le". - Comme le Fils écoute le Père, il nous faut écouter le Fils pour aller vers le Père. "Oh ! Si seulement tu l'écoutais, commentait St Augustin, si seulement tu n'étais pas tombé au point de t'écouter toi-même ! Ecoute-le plutôt, Lui qui est la Parole éternelle. Mais, souvent, c'est toi qui parles ; et, bien sûr, en t'écoutant, tu te montes la tête !"

Oui, Dieu redit sans cesse, au fond du cœur de tout homme, ce verset du psaume : "Ecoute mon peuple, que je te parle". Il suffit d'écouter avec un "cœur noble et généreux", comme dit St Luc qui ajoute : "Faites donc attention à la manière dont vous écoutez". Oui, Dieu nous parle sans cesse -"Ecoute, Israël !"

A nous de l'écouter !


Note : Pendant quelques jours, je pense, je serai absent et indisponible. Mais je reprendrai mes "mots", dans huitaine de jours, j’espère.
Mais soyez-en persuadés :
JE N’OUBLIERAI PAS, PENDANT CE TEMPS, TOUS MES LECTEURS DIVERS. VOUS M’ETES UNIS PAR LA PRIERE. Et merci de la vôtre !

mercredi 14 mars 2012

Ecoute… la PAROLE !

Carême 3. Mercredi (Deut. 4.1sv)

“Maintenant, Israël, écoute les commandements…, les décrets que je vous enseigne… pour que vous viviez… !“ … “N’oublie pas… !“.

Ecouter ! On en revient toujours à cette première disposition pour être en “relation avec Dieu“. La foi ! C’est un mot abstrait trop souvent ! Mais la foi, c’est simplement “être en relation avec Dieu“ ! Et pour cela il nous faut avant tout ECOUTER ! “Shema Israël !“ - “Ausculta fili“, nous dit St Benoît.

Et je me dis parfois que si notre monde, tellement bruyant, n'entend plus Dieu, c'est parce qu'il a perdu le sens du silence sans lequel on ne peut écouter qui que ce soit. A force de bruit, à force de tintamarre, on parasite le langage…, le langage de Dieu surtout !

Il nous faut retrouver le silence… Mais le silence fait peur… ! Le silence donne d’abord l’impression d’un vide. Et comme la nature a horreur du vide, rien ne devient plus angoissant que le silence. Alors, on y remédie en faisant toutes sortes de bruit. Mais c’est là, souvent, le langage du démon. Car le bruit que font les hommes les empêche de penser et d'entendre la voix de Dieu. Et on en arrive à avoir peur, finalement, d'entendre cette voix. Moïse lui-même est pris de frayeur quand Dieu, pour la première fois, lui adresse la parole au buisson ardent (Ex 3.6). Oui, il nous faut nous habituer au silence de l'esprit, des yeux et de la langue. Impossible de trouver Dieu dans le bruit et l'agitation…

Et c’est dans le silence que l’on peut entendre alors la recommandation incessante des prophètes : “Ecoutez !“ (Am. 3.1 ; Jr 7.2). “Ecoutez !“, reprend à son tour Jésus lui-même (Mc 4.3,9).

Or, dans la pensée biblique, écouter, accueillir la parole de Dieu, ce n’est pas seulement lui prêter une oreille attentive, ce n'est pas simplement entendre,
- c’est lui ouvrir son cœur : “Donne à ton serviteur un cœur qui écoute“, demandait à Dieu Salomon (I R 3.9). Il s’agit d’être de “ceux qui entendent la Parole dans un cœur loyal et bon“ (Lc 8.15)
- c’est s’efforcer de mettre la Parole en pratique : “quiconque écoute ces paroles que je viens de dire et les met en pratique, peut se comparer à un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc“. (Mth 7.24 sv)

Et comme nous sommes en un lieu consacré à Marie - “La Paix-Notre-Dame“ -, regardons la Vierge Marie. Toute sa vie ne fut qu’une attitude d’écoute ! Marie est la femme de l'écoute !

Au moment de l'annonciation, nous pouvons déjà contempler en Marie l'attitude d'écoute, une écoute réelle, une écoute qui ne dit pas simplement “oui“, mais qui assimile la Parole, qui prend la Parole. Cette Parole intériorisée devient Parole en elle et pour elle, presque comme une forme de sa vie. Contemplons Marie pour vivre de son exemple, pour voir cette écoute active en nous, c'est-à-dire une écoute qui attire la Parole de façon à ce qu'elle entre et devienne en nous Parole, la reflétant et l'acceptant au plus profond du cœur. C’est ainsi, en quelque sorte, que la Parole devient incarnation. “Si Marie, commentait St Augustin, a eu la grâce de recevoir Le Verbe de Dieu en son corps, c’et qu’elle l’avait déjà reçu en son cœur !“

Nous constatons encore cette écoute de la Parole de Dieu dans le “Magnificat“ de Marie. Nous savons que ce chant est un tissu composé de paroles de l'Ancien Testament. Ainsi, Marie est réellement une femme d'écoute, qui “remuait“ en son cœur toute l’Ecriture, toutes les paroles de Dieu adressées aux hommes. Elle ne connaissait pas seulement certains textes, mais elle s'était tellement identifiée à la Parole - Verbe de Dieu - que les paroles de l'Ancien Testament devenaient comme un chant dans son cœur et sur ses lèvres. Sa vie était tellement pénétrée par la Parole, qu’elle était entrée dans la Parole, l'avait assimilée ; la Parole était devenue Vie en elle, se transformant ensuite à nouveau en paroles de louange et d'annonce de la grandeur de Dieu. N’est-ce là notre vocation : Que la Parole de Dieu chante, et par notre vie et par notre voix, les bienfaits de Dieu !

Il me semble que St Luc, se référant à Marie, dit au moins trois fois, qu'elle a assimilé et conservé les paroles de son divin Fils en son cœur. C'était, pour les Père de l’Eglise, le modèle de tout croyant qui conserve la Parole, qui porte en lui la Parole ; non seulement il la lit, mais il l'interprète avec son esprit pour savoir ce qu'elle doit nous dire aujourd’hui… … C’est alors que la Parole devient Parole en nous, Vie en nous, présence du Seigneur en nous !

Oui, que Marie nous aide à être parole d'écoute, parole silencieuse, et également parole de louange, de l'annonce, pour que la Parole, par une authentique écoute, devienne à nouveau chair en nous-mêmes, devienne ainsi présence de la grandeur de Dieu. Et c’est ainsi que nous comprendrons de plus en plus que les paroles qui ne donnent pas la lumière du Christ - Verbe de Dieu - augmentent souvent et désespérément l'obscurité en nous et autour de nous !

lundi 12 mars 2012

Baptême !

Carême 3. Lundi - Descendre… pour remonter… ! (II Rois 5.1-13)

Pour comprendre la geste, l’épopée de ce fier Syrien, Naaman, qui fut guéri de sa lèpre en se jetant sept fois (comme pour la création) dans le Jourdain, il faut se souvenir de la première démarche de Notre Seigneur, au seuil de sa vie publique : son baptême par Jean-Baptiste ! Jésus, lui aussi, accepte de descendre dans ce fleuve du Jourdain (dont le nom vient d’une racine - (Yarden) - qui signifie : “descendre“). “Lui qui était de condition divine, dira une des premières hymnes liturgiques reprise par St Paul (Phil.2), il n’a pas craint de s’anéantir (de descendre) en prenant la condition d’homme. Devenu semblable aux hommes, il s’est fait obéissant jusqu’à la mort sur une croix. Aussi, Dieu l’a-t-il exalté (l’a fait remonter) dans les cieux, lui conférant le Nom qui est au-dessus de tout nom“ !

Oui, Jésus descend en ce fleuve, il descend en quelque sorte au point le plus bas du globe jusqu’à la mer morte (symbole du péché du monde). Lui, le sans péché, il descend prendre la lèpre de l’humanité, “Agneau de Dieu qui prend sur lui les péchés du monde“. Puis il “remonte“, traversant ce Jourdain comme Moïse autrefois la mer rouge ; il remonte vers le temple de Jérusalem qu’il veut détruire pour le rebâtir en son propre Corps (“Détruisez ce temple ; et je le rebâtirai en trois jours…“). Aussi, à sa mort, du côté droit de ce nouveau Temple qu’est son Corps coule une nouvelle source, un nouveau Jourdain pour que tout homme puisse y descendre, et, purifié, puisse remontervoir déjà - le voile de l’ancien Temple se déchirant - Celui qui nous voit sans cesse“ !

C’est tout le sens de l’épopée de ce général Syrien que Jésus a repris dans la réalité de son Incarnation et de sa Pâques. Et désormais cette réalité doit s’achever en chacun d’entre nous, de notre baptême jusqu’à la vision céleste ! Le temps du Carême nous aide à reprendre cette démarche…

Il nous faut pour cela une première condition : l’humilité ! Accepter de descendre dans le Jourdain, ce que n’a pas compris, en un premier temps, notre “fier Sicambre“, Naaman le Syrien : les fleuves de son pays ne valaient-ils pas le fleuve du Jourdain. Les fleuves de notre monde qui coulent abondamment - celui de l’argent, du pouvoir… etc - ne sont-ils pas capables de nous guérir de tout mal et de nous donner “bonheur et prospérité“ ? Naaman accepta finalement l’humble sagesse de descendre dans la Jourdain pour y être purifié. “Il descendit dans le Jourdain !“. Cette phrase, lourde de signification, est intraduisible : “Il descendit dans descendre“ [= dans le fleuve “descendre“].

Plongés dans un nouveau Jourdain par le baptême, Il nous faut descendre au point le plus profond de nous-mêmes. C’est toujours là, dans ce mouvement d’humilité, que le Christ veut nous rencontrer “tels que nous sommes et là où nous en sommes“. N’est-ce pas à cette démarche que nous sommes tous invités durant le Carême ? C’est la première condition de toute conversion : l’humilité du fier Naaman ! Et c’est alors que le Christ nous fait remonter, comme Lui-même est remonté jusqu’à la gloire divine !

Jésus le signifiait à Zachée ! A cet homme qui d’abord se reconnaissait “petit de taille“, Jésus dit : Descends vite, Zachée ! (Descends de ton arbre !). Aujourd’hui, il me faut demeurer (descendre) chez toi !“. Jésus veut toujours descendre en ce fleuve “descendre“ qui coule dans le lit de notre existence pour nous faire remonter vers le Temple céleste.

C’est encore ce que disait Jésus à Nicodème. Avec lui, il va directement au fond du problème : “A moins de naître d’en haut (ou : de nouveau, comme pour Naaman), nul ne peut voir le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit et esprit !“. (David ne disait-il pas : “Vois, mauvais, je suis né… Crée en moi un cœur pur !“).

Dieu reste toujours fidèle à son Alliance première : il nous veut, purs de toute lèpre, “à son image et ressemblance“. Et cette Alliance éternelle prend désormais, depuis Naaman, depuis Jésus…, l’aspect d’une nouvelle naissance, d’une nouvelle création (signifié par le baptême). Nul n’entrera dans le Royaume s’il n’est pas bénéficiaire de cette nouvelle création (cf. Gal 1.3 - Rm. 7.14 sv, etc…).

Nous avons tous besoin de méditer cela (surtout en Carême) pour toujours et chaque jour prendre un nouveau départ durant notre “exode“ vers la “Terre promise“ !

dimanche 11 mars 2012

Le Temple !

3ème Dimanche de Carême 12/B

Il y a des événements dont on ne saisit le sens qu'après coup, quand la poussière qu'ils ont soulevée a eu le temps de se redéposer et que les souvenirs ont eu le temps de fermenter dans le cœur. L'épisode du temple est sans doute de ceux-là

Car il n'est pas simplement question, ici, pour Jésus, de nettoyer le sanctuaire de son aspect bruyant et commercial, comme pour le rendre à son silence, à sa majesté première. Certes, ce n'aurait pas été inutile, car le temple de Jérusalem, orgueil du peuple juif, était devenu un complexe polyvalent qui tenait lieu à la fois de cathédrale, de parlement - le Sanhédrin y siégeait -, et de banque - c'est là qu'étaient entreposés les trésors d'Israël -. Purifier le temple et le rendre à sa destination première, au culte envers Dieu aurait déjà été un but tant louable que très difficile, car c'était défier les trois pouvoirs réunis de la religion, de la politique et de l'économie.

Mais il faut aller encore beaucoup plus loin dans la réflexion. Non seulement il faut parler d'une véritable occupation du Temple par Jésus - St Jean et surtout St Luc le soulignent : "Il était chaque jour à enseigner dans le temple" -, ce qui, déjà, agace fortement les autorités juives… … Non seulement il occupe le temple, mais il parle purement et simplement de la destruction de ce temple, édifié à grand frais. D'ailleurs, n'avait-il pas déjà dit à la Samaritaine : "L'heure vient ou ce n'est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez Dieu".

LE TEMPLE, CORPS DU CHRIST.

Un passage de l'épître aux Hébreux nous aide à mieux comprendre encore ce que Jésus veut dire : "De sacrifice et d'offrande, tu n'as pas voulu, mais tu m'as façonné un Corps. Holocaustes et sacrifices ne t'ont pas plu. Alors, j'ai dit : 'Me voici… Je suis venu, ô Dieu, pour faire ta volonté'".

C’est clair : bien plus que des sacrifices, Dieu désire un Corps, une vie qui fasse sa volonté, qui est une volonté d'Alliance entre Dieu et l'homme, Alliance qui doit être manifestée dans l'amour mutuel.
C'est en lui-même, en son Corps que Jésus, Dieu et homme, va édifier le véritable Temple, le véritable Culte de la Nouvelle Alliance entre Dieu et les hommes : "Et le verbe s'est fait chair. Il a habit parmi nous. Et nous avons vu sa gloire, la gloire que, Fils Unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père" (Jn 1/14). - Et ce Corps va se dresser face aux trois pouvoirs religieux, politique, économique du temple terrestre. Il va être élevé en Temple nouveau de l'Alliance divine : "Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai".

Et St Jean de bien préciser : "Le temple dont il parlait, c'était son Corps", son Corps né du sein de Marie, son Corps d'enfant et de charpentier, son Corps qui avait parcouru les chemins et les bourgs de la Palestine, son Corps qui allait souffrir la torture et mourir sur la croix, son Corps qui ressusciterait le troisième jour ; voilà le Temple nouveau fait de vie et de travail, de joies et de luttes, de rencontres et de miracles, de souffrance et de mort, et toujours d'espérance de vie… …

LE TEMPLE, CORPS DU CHRIST, EUCHARISTIE.

Désormais il n'y aura plus d'autre Temple que ce Corps dont les membres vont se multiplier à travers le monde. Car son Corps, un jour, à la stupeur de tous, Jésus l'avait proposé comme nourriture pour la vraie vie. Et il allait bientôt l'offrir à ses compagnons en leur partageant le pain de la dernière Cène.

Dès lors, tous ses disciples peuvent, bien sûr, continuer d'utiliser des lieux de rassemblement, de prières, mais ce sera moins des lieux d'offrandes et de sacrifices que des lieux où ils viendront s'insérer dans le Corps sacrifié du Christ, dans son Sang offert, pour être finalement eux-mêmes son Corps, Temple de Dieu, et repartir le construire dans le cœur de tous les hommes : "Ce n'est plus moi qui vis, disait St Paul, c'est le Christ qui vit en moi", c'est son Corps qui grandit, c'est son Temple qui se construit.

Et là encore, ne faisons pas ce que j'appelle une "inversion sacrilège" : ce n'est pas nous qui construisons, qui nous construisons en accueillant le Corps du Christ ! C'est avant tout le Corps du Christ qui grandit, qui se développe quand il s'incorpore à nous, à notre vie. Et son Corps ressuscité devient, en nos corps, prémices, promesses de toutes les résurrections. Il y a comme une pénétration, une osmose. C'est cela, avant tout l'Eucharistie.

Bien sûr, il y a lieu de porter l'intérêt sur la beauté de l'office, de rendre plus signifiant, plus compréhensif ce qui s'accomplit, de privilégier l'aspect fraternel de nos assemblées, mais à condition cependant que tout se fasse pour que le Corps du Christ puisse se développer, grandir, pour que le Temple de la Nouvelle Alliance s’élargisse… à l’infini…

LE TEMPLE, CORPS DU CHRIST, CORPS DE L'EGLISE.

Il avait bien compris cela St Paul, lorsqu'il sillonnait le monde gréco-romain. Il avait connu le temple de Jérusalem et sa vaste esplanade. Il avait prêché devant le Parthénon, à Athènes. Il avait vu les splendeurs des temples sacrés. Et, cependant, d'Ephèse, capitale prestigieuse où l'on pouvait admirer le fameux temple d'Artémis, l'une des sept merveilles du monde, il avait l'audace d'écrire aux chrétiens de Corinthe où l'on visite encore les ruines lumineuses du temple d'Apollon, il écrivait avec hardiesse à cette communauté déjà déchirée par la désunion et les mesquineries : "Mais le Temple de Dieu, c'est vous !".

Et il avait raison : le Temple de Jésus est fait de "pierres vivantes" : "Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux". Il s'agit toujours du Corps du Christ qui grandit dans l'humanité souvent opaque. C'est un Temple de visages, de mains, de cœurs et d'esprits, dont le ciment est toujours à refaire dans la rencontre, le partage, l'accueil de l'Evangile et l'action de grâces commune.

"La Messe, il faudrait la refaire, dit-on parfois. Comment voulez-vous que les Jeunes viennent à l'église pour regarder le prêtre, là-bas, sans rien faire eux-mêmes". Et c'est vrai, d'une certaine manière : Les églises sont faites pour les hommes et non les hommes pour les églises. Et il est heureux qu'à la suite de Vatican II, la liturgie se soit adaptée et puisse s'adapter aux sensibilités de telle ou telle communauté, de tel ou tel pays.

Mais il ne faut pas pour autant oublier l'essentiel : "Le Temple de Dieu, c'est vous". Et ce Temple vit lorsque des hommes et des femmes laissent le ferment de l'Evangile travailler leur vie. Et ce Temple est alors partout, subtil et insaisissable comme la lumière. Et le secret de son bâtisseur invisible, secret que nous désirons connaître et nous approprier, surtout en ces temps qui nous conduisent vers Pâques, ce secret n'est-il pas ce mot d’une permanente actualité : "Résurrection" ?

samedi 10 mars 2012

L’amour d’un Père !

Carême 2. Samedi (Luc 15 1sv)

La parabole du Père de “l'enfant prodigue” est une bonne nouvelle, un “bourgeon d'espérance”, disait Péguy : Dieu restera toujours notre Père, quoi que nous fassions. Elle nous enseigne que tout n'est pas perdu.

Le plus jeune ne voulait plus être fils. Il est parti au loin. Pourtant, au fond de lui-même, il y avait toujours cette image du père, à la fine pointe de son être, presque inconsciente. Tombé dans le malheur, il aurait bien voulu redevenir fils, mais il en avait perdu toute dignité. Ne vivait-il pas comme les porcs ? Il se souvint cependant : “je retournerai vers mon père”.

Pendant ce temps, le père, lui, était resté père. Peut-être connaissez-vous le magnifique tableau de Rembrandt. Toute la lumière de cette toile vient du visage du Père, dont les yeux sont mi-clos, usés par la fatigue de l'attente. Il était orphelin de son fils et voilà qu'enfin il le retrouve.

Pour le fils à la tête de bagnard et aux sandales éculées par le long chemin, c'est une renaissance, une résurrection. Il est là, blotti contre son père, entre ses deux mains. On a commenté qu’il y a, sur le tableau, une main qui est masculine, tandis que l'autre est féminine. Dieu, un Père qui nous aime comme une mère, a-t-on dit. Aucune possession ni domination.

Une véritable re-création ! St Irénée parlait, lui, de Dieu le Père créant le monde de ses deux mains, le Fils et l'Esprit Saint. En tous les cas, dans ce tableau de Rembrandt, on dirait que le Père voûté s'appuie sur son fils revenu, et le fils se repose dans le sein de son père. Comme si Dieu avait besoin de l'homme pour se reposer tout comme l'homme a besoin du pardon de Dieu.

Mais la parabole continue. L'aîné, lui, était resté près du père. Il avait compris ses volontés, pensait-il. Toujours en règle, il travaillait fidèlement. Mais, hélas, en restant proche du père, il s'était éloigné de son frère. Celui-ci était définitivement oublié, rayé de sa mémoire. L'aîné avait, croyait-il, gardé la dignité de fils, en oubliant son frère ! Mais peut-on être fils sans être frère ?

On dirait parfois que ceux qui se croient les plus proches du Père sont en fait les plus éloignés. Celui qui n'était pas en règle rentrait dans la maison, et celui qui l'était restait dehors.

Cette parabole est donc une invitation à une conversion permanente ! Il nous faut apprendre que nous sommes aimés, que tout homme est aimé indépendamment de ses services, et donc que nous ne pouvons juger personne. L'amour de Dieu est gratuit. Dieu aime toujours l’homme, même lorsque sa liberté patauge lamentablement. Ce que Dieu aime en nous, ce n'est pas les services que nous lui rendons, mais tout simplement que nous sommes ses enfants. Le frère aîné avait oublié cela, il était devenu un banal serviteur. Le plus jeune, lui, n'avait pas oublié la bonté de son père... Quelle image nous faisons-nous donc de Dieu ? Un justicier ou un père ?

Le danger, en écoutant cette parabole, serait de mettre un nom sur le plus jeune et un autre sur l'aîné. En réalité, c'est en chacun d'entre nous qu'il y a un peu du prodigue et un peu de l'aîné. Lorsque nous avons de la peine à comprendre le plus jeune, et que nous avons envie de juger les autres, rappelons-nous cette part de nous-mêmes qui lui ressemble. Et lorsque nous avons de la peine à comprendre ceux que nous avons envie de qualifier de pharisiens, rappelons-nous cette part qui, en nous, ressemble à l'aîné.

De plus, ne peut-on voir, avec un peu d'audace, dans la figure du fils prodigue, celle de Jésus lui-même ? Lui, le Fils éternel, le premier-né de toute créature, ne s'est pas drapé de sa supériorité, mais il est allé rechercher ses frères puînés aussi loin qu'ils s'en étaient allés, il s'est identifié à eux, les invitant à revenir vers le Père. Sur la croix, il a été fait péché, nous dit S t Paul (2 Co V, 21). Il a vécu la solidarité jusqu'au bout avec toutes les victimes du péché. Or ces victimes, c'est chacun de nous.

La Passion selon St Luc se terminera par ces deux phrases de Jésus : “Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font - Père, entre tes mains je remets mon esprit” (Lc 23, 34-46). La parabole nous raconte le chemin pascal de Jésus, sa Pâque, son retour dans la gloire du Père, accompagné de tous les pécheurs qu'il était allé rejoindre dans leur déchéance. “Mon fils était mort et il est revenu à la vie !”. Joie pascale de Dieu au matin de Pâques.

Le rêve de tout père, c'est d'avoir ses enfants à la maison, non pour qu'ils en soient prisonniers, mais pour qu'ils puissent faire la fête. Dans cette parabole Dieu semble ne pas être exaucé.

Il nous est cependant permis de croire que Jésus n'a pas été jusqu'au bout de la parabole et, qu'un jour, à nouveau, les deux frères seront réunis autour de la table. C'est ce que nous célébrons dans toute Eucharistie. Tout à tour prodigue et fils aîné, nous sommes accueillis à la table eucharistique, avant-goût du festin du Royaume où, tous revenus dans la maison du Père, nous ferons sa joie éternelle.

jeudi 8 mars 2012

Espérance !

Carême 2. Jeudi (Jérémie 17.5-10)

Jérémie (lecture) reprend pratiquement le langage, les images du psaume 1er. En ces deux textes est résumé le message de toute la Bible : La vie est un combat en lequel nous sommes tous impliqués ! Un combat entre les ténèbres et la lumière. Il englobe tout le réel du temps et de l’espace… Les deux grands acteurs de ce combat sont le “fidèle“ et l’“infidèle“ :
- L’un refuse la lumière de Dieu. “Maudit soit l’homme qui se détourne du Seigneur“, disait Jérémie !
- L’autre se détourne du mal en s’appuyant sur Dieu : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance !“, disait Jérémie.
- Le premier va vers son malheur : “Il sera comme un buisson dans la steppe!“.
- Le second marche vers son bonheur : “Il sera comme un arbre planté au bord des eaux. Il ne craint pas la chaleur ; son feuillage reste vert… et il porte du fruit !“. Une image très parlante que l’arbre verdoyant en pays très chand ! C’est le “paradis“, mot d’origine perse qui veut dire justement “jardin“ !

La route du malheur est toujours ouverte. Notre société va vers sa perte, dirait Jérémie ! Non point que nous soyons tous des “méchants“, mais parce que nous avons raté le train de l’Espérance. Pourtant : Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance !“.

On a dit naguère : “Nous entrons dans la société industrielle !“, puis : “Nous sommes dans la société des loisirs !“ ; et maintenant, nous constatons que notre société est largement dépressive, sans espérance ! Pourquoi donc ?
- Parce que nous manquons d’intériorité en ne faisant confiance qu’au thermomètre très fantasque de l’opinion publique et des médias !
- Parce que nous n’avons plus de mémoire comme si le monde n’avait commencé qu’hier soir ou ce matin. Et nous nous enfermons dans la cage de l’aujourd’hui sans ni sur le passé, ni vers l’avenir, et donc sans regard vers les autres et… vers Dieu… ! L’homme se déclare dieu et s’isole. Sans Espérance !
- Parce que chacun, se retrouvant seul, se persuade à lui-même : “Ma vérité est la vérité !“. Et comme nous sommes des milliards, il y a alors des milliards de vérités… qui, bien sûr, s’opposent les unes aux autres. Et c’est le combat !

Oui, Jérémie avait raison : Maudit soit l’homme qui met sa confiance en lui seulement, en l’homme, uniquement ! Même si cet homme cherche et recherche de multiples thérapies (C’est très à la mode, croyez-moi !) aux malheurs qu’il engendre lui-même.

Il n’y a qu’une thérapie : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance“ ! L’espérance est le muscle cardiaque, le myocarde, de notre cœur spirituel. Et si ce muscle arrête de fonctionner, la vie s’arrête !

Et n’allez pas dire que cette image engage à une utopie. Une utopie est une espérance qui ne se fonde que sur les propres forces de l’homme. L’utopiste attend quelque chose de neuf, convaincu qu’il va lui-même le réaliser. L’homme d’espérance sait que Dieu seul peut lui porter secours pour qu’il fasse du neuf !

Toute la Bible crie cette espérance plus vivace que tous les défaitismes, espérance qu’entretenait Jérémie malgré les grands malheurs de son temps ! Et il en a connus ! Non pas l’espoir qu’inventent les hommes pour ne pas mourir. L’espérance vient au secours de l’espoir comme on greffe un rameau sauvage. L’espérance dit à l’espoir : “Tu ne te trompais pas. Ton seul tort, c’est de ne pas suffisamment lever les yeux !“. Peut-être faut-il que l’espoir craque pour que commence l’Espérance. La foi est peut-être un doute surmonté, l’espérance un désespoir surmonté ! “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance“, disait Jérémie.

Certes, les motifs de découragements sont toujours innombrables et pesants sur la ligne d’affrontement entre les ténèbres et la lumière !
- Oui, le monde est pourri quand des dictateurs peuvent faire disparaître des milliers d’hommes ! Mais le monde est béni quand le pardon peut répondre à la haine, la foi en la vie au massacre.
- Oui, il y a des conflits d’intérêts qui cherchent une solution par la violence. Mais ils sont millions ceux qui cassent le cercle vicieux de la vengeance.
- Oui, les médias multiplient le visage de l’horreur jusqu’à la nausée ; mais ils pourraient aussi multiplier le visage de l’Espérance en mettant le projecteur sur les générosités qui ne prennent parti d’aucune douleur.

Oui, il faut savoir regarder les ombres de notre monde et celles, plus cachées, de notre propre vie pour y discerner, dans la foi, les signes annonciateurs d'Espérance. Il faut savoir regarder nos vies à la lumière du Ressuscité que l'on célèbre chaque dimanche.

Et nous verrons comment nos nuits peuvent voir poindre l'aurore, comment nos croix peuvent devenir des brèches vers une résurrection, comment, humiliés par les épreuves les plus amères, nous pouvons sentir notre cœur devenir tout brûlant sur notre chemin d'Emmaüs.

Alors, nous expérimentons qu’avec l’Espérance, malgré les épreuves même très lourdes, nous ne risquons plus une “crise cardiaque“. Car nous aurons, comme dit St Luc, “un cœur noble et généreux“ ! (“Kalos (beau) agathos (bon), disaient les Grecs), : un cœur bon et beau à la fois, le “beau“ devant être surtout l’éclat du “bon“ ! “Moi, je scrute le cœur…“, disait Jérémie de la part de Dieu !

mardi 6 mars 2012

Là où Dieu "pleure en secret" !

Carême 1. Mardi (Isaïe 1.10sv)

La première lecture est le début du livre d’Isaïe, d’“Isaïe, le Grand“ suis-je tenté de dire. Car Isaïe est un grand Seigneur qui fréquente les Puissants de son époque ! C’est un fin diplomate dont le langage se manifeste en notre lecture : “Venons et discutons“, dit Dieu comme pour améliorer un traité, le traité de l’Alliance avec son peuple !

De plus, Isaïe a eu, au cours d’une vision dans le temple, la révélation de la transcendance de Dieu. Dieu, toujours premier ! C’est l’enseignement théologal qu’il tiendra constamment près de la petite source de Gihon, en contrebas de la Cité de David. De cette source, il fera creuser le fameux “canal d’Ezéchias“ pour alimenter la piscine de Siloë ; Il accompagnera les travaux de ses discours de grande foi au Dieu Sauveur, dans un style éclatant d’images et de poésie. Il est le grand “classique“ de la Bible, comparable à notre Bossuet qui, lui non plus, n’hésitait pas à sermonner les dignitaires de Versailles et le “Roi-Soleil“ lui-même !

Ainsi, notre “Bossuet biblique“ n’hésite pas à traiter rois et dignitaires de “chefs de Sodome“, et tout Israël de “peuple de Gomorrhe“. Rien que cela ! Accusation très lourde ! Car, dans la tradition biblique, quand on parle de Sodome, une image vient aussitôt à l’esprit exprimée par un mot terrible : “mahapekat sedom“ (= le “bouleversement de Sodome“) : face aux péchés des hommes, la terre s’est comme “retournée“, “renversée“, “révulsée“ (“hephek“ - Cf. Gen 19.25 ; Dt 29. 22). Car il y a comme une solidarité entre l’homme et la terre (entre l“Adam“ et l’“adama“). Voilà pourquoi Sodome et Gomorrhe se situent au point le plus bas du globe !!! Terre d’enfer inhabitable !

Etait-ce là un châtiment divin. Longtemps, on l’a pensé fermement !

Mais vint le prophète Osée qui met en doute cette logique du châtiment. C’est vrai, semble-t-il dire d’abord : à la vue des péchés des hommes, le cœur de Dieu s’est comme “retourné“ (même mot que pour Sodome : “hephek“) ; aussi, la terre elle-même fut “retournée“ (“hephek“) ! Cependant, il met en doute cette logique facile en affirmant (cf. 11.8sv) que le Seigneur renonce définitivement à un tel châtiment, car Dieu, lui, est “Saint“.

Autrement dit, Osée ne contredit pas la pensée courante de ses contemporains : Dieu récompense justes et châtie mécréants. Cependant il “met un bémol“, si je puis dire. Il fait une grande avancée dans la réflexion sur le mal. Ce petit prophète qui n’a point sa langue dans sa poche et qui appelle un chat un chat semble dire face aux turpitudes de son temps : le mal vient simplement du mal ! Si les rois et le peuple à leur suite se conduisaient selon la Loi du Seigneur, il n’y aurait pas de conséquences si néfastes…

Isaïe “le Grand“, disciple de ce petit prophète, ne fait que reprendre ce raisonnement qu’il assène devant les dignitaires de son temps : “Agissez bien et tout ira bien“. Et il développe (c’est notre lecture). “Et si vous agissez mal, alors ne vous étonnez pas !“. Bien sûr, le petit prophète comme le grand n’avaient pas totalement tort. Si l’homme se conduisait bien, sans égoïsme, sans mépris pour les plus faibles, tout irait un peu mieux ! C’est un grand pas !

Pourtant, j’aime l’image d’Osée : Quand le cœur de Dieu est “retourné“ à la vue du péché des hommes, ses enfants, alors la terre “se retourne“ ! Le cœur de Dieu “se révulse“, “souffre“! Mais Dieu semble admettre la conséquence : la terre, œuvre de ses mains, “se retourne“, elle aussi, “se révulse“. Et Dieu laisse le mal proliférer, se propager ! Pourtant, il est le “Tout-Puissant“ ! Il pourrait quand même arrêter ce processus du mal qui broie justes et injustes, sans distinction !

Alors, pourquoi ce “laisser-faire“, ce “silence” divin ? Ce sera la terrible question d’un Job et des psalmistes. Le silence de Dieu dont on parle tant ! Hans Jonas, philosophe juif dont la mère est morte à Auschwitz, cherche une explication dans la création elle-même : “Pour faire place au monde, dit-il, l’Infini, Dieu, a dû se “contracter“ en lui-même pour laisser surgir ainsi, à l’extérieur de lui-même, le néant à partir duquel le monde fut créé. Sans ce retrait de Dieu en lui-même, rien d’autre ne pourrait exister en dehors de lui !“. Autrement dit, en créant, Dieu, le Tout-Puissant, à renoncé à sa toute puissance pour permettre à l’homme d’exister, et d’exister vraiment libre ! – La Bienheureuse Edith Stein, cette juive convertie et morte en déportation, ne disait pas autre chose : “Dieu crée le monde comme la mer les continents : en se retirant“ !

A ce prix, le “laisser-faire“ de Dieu et son silence peuvent trouver un tout petit commencement d’explication (Car, sur ce point, il faut être très modeste et humble !). Et l’on comprend mieux la réflexion d’Osée : la souffrance de l’homme devient la souffrance de Dieu devenu volontairement impuissant pour que l’homme existe : son cœur “se retourne“ quand le mal “retourne“ l’œuvre de sa création ! “La souffrance des hommes trouve son prolongement dans celle du Créateur“, écrira cet autre Juif, Elie Wiesel, rescapé d’Auschwitz (Cf. “La nuit“). “Présent à sa création, Dieu en fait partie ! Il se retrouve dans la souffrance au cœur même de l’aberration du mal. C’est une solidarité au niveau de Dieu. Ce qui nous arrive le touche !“.

Commentant un verset de Jérémie selon lequel Dieu dit : “Je pleurerai en secret“ (Cf Jer.13.17 ; 14.17), un Midrash remarque qu’il existe un lieu nommé “secret“ ; et, lorsque Dieu est triste, il s’y réfugie pour pleurer…. Et un autre midrash d’ajouter : lorsque Dieu voit les souffrances de ses enfants, il verse deux larmes dans l’océan ; en tombant, elles font un tel bruit qu’on l’entend d’un bout du monde à l’autre… Mais lâchement, les hommes refusent encore de regarder le “pays où Dieu pleure“, ce “jardin de Gethsémani“ !

Est-ce enfin une réponse ? Pas totalement sans doute ! Et Elie Wiesel d’objecter à son propre raisonnement : “La souffrance de l’un (de Dieu) n’annule pas la souffrance de l’autre (de l’homme) ! Alors ?“. Alors, c’est encore une question. Une de plus !?

Quoique… ! Quoique le prophète Zacharie, au terme d’une semblable réflexion, fait dire à Dieu : “Ils regarderont vers moi, Celui qu’ils ont transpercé !“, Celui dont le cœur est “retourné“. Alors, “une source jaillira pour la maison de David !“, comme la source salvatrice de Gihon, au temps d’Isaïe. Elle jaillira “en remède au péché et à la souillure“ ! (Zac. 12.10 ; 13.1).

C’est là que notre foi chrétienne affirme : “Et le Verbe s’est fait chair !“. Dieu s’est fait homme ! Il s’est fait solidaire des hommes ; il a pris sur lui le péché des hommes. Car “il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis“ ! A l’excès du mal, Dieu, silencieux sur la croix, comme “pleurant en secret“, le cœur “retourné“, “transpercé“, répond par un excès d’amour. Et l’apôtre de nous répéter, lui aussi, près de la croix : “Ils regarderont Celui qu’ils ont transpercé !“ (Jn 19.37).

Qu’est-ce que cela change, vont encore demander tous les “Voltaire“ éternellement sarcastiques ? Et bien cela change tout, parce que le Christ - Dieu fait homme - est bien mort injustement sous le poids du mal ! Mais il est ressuscité, toujours vivant ! Et le grand Isaïe de nous dire : Dieu est le Transcendant ! Mais il s’est fait “Emmanuel“ (“Dieu avec nous“). Et au milieu de nous, il est éternellement, Lui, le Pur, l’Innocent, notre “Goël“, c’est-à-dire celui qui a droit de rachat pour le salut de tout homme !

samedi 3 mars 2012

"Transfiguration !"

2ème Dimanche de Carême B.12

Nous changeons tous au long de notre vie : notre corps, notre visage, notre allure générale se transforment. Loin de moi de faire offense à quiconque, mais prenez une de vos photos vieille de dix, vingt ou trente ans ; et vous aurez peut-être un peu de mal à vous reconnaître !

Nous changeons même d'un moment à l'autre. Imaginez-vous au moment d'une fête quelconque (familiale ou autre). Vous êtes tout souriant ! Mais si une mauvaise nouvelle vous arrive, vous voilà tout "défiguré", comme l'on dit ! Et si vous pouvez écarter le malheur de cette mauvaise nouvelle, la joie transfigure à nouveau votre visage !

Or, l'évangile d'aujourd'hui nous rapporte le récit de la transfiguration de Jésus : Jésus s'est montré à ses apôtres le visage transformé ! pourquoi ?

Jésus était alors en route vers Jérusalem et il savait parfaitement que là-bas, les autorités avaient décidé de le faire mourir. A plusieurs reprises déjà, Jésus avait prévenu ses amis ; il leur avait dit qu'il lui faudrait beaucoup souffrir, être rejeté, condamné à mort… et qu'il ressusciterait ! Alors, les apôtres étaient inquiets, troublés, déconcertés : ils ne comprenaient pas !

Aussi, Jésus décide de leur faire entrevoir un bref instant sa vie glorieuse de Fils de Dieu après sa résurrection. Comme pour leur dire : Oui, vous me verrez, défiguré, traité comme un maudit, rejeté comme un lépreux. Mais, même alors, gardez confiance : je ressusciterai et, avec la puissance de la gloire divine, je serai pour toujours avec vous.

Oui, ne cesse-t-il de répéter, je serai pour toujours avec vous ! Comme moi, vous cheminez, vous aussi, vers une vie tout autre, vers la transfiguration éternelle, là où Dieu essuiera toute larme de vos yeux (selon l’expression de St Jean dans l’Apocalypse), là où il effacera toute ride de vos visages qui retrouveront leur aspect originel, c’est-à-dire celui d'enfant de Dieu que Dieu a pensé de toute éternité ! Car, insiste St Jean, “nous sommes appelés « enfants de Dieu » ; et dès à présent, nous le sommes !“ … “Mais ce que nous serons n’a pas encore été (totalement) manifesté“. - “Lorsque le Christ paraîtra, nous lui serons semblables puisque nous le verrons tel qu’il est !“ (I Jn 3.1-2)

Aussi, cette transfiguration éternelle, il nous faut la préparer dès ici-bas. Et Jésus est venu. Jésus vient à nous, précisément pour nous y aider.
Aussi, la grande question qu’il nous faut nous poser est bien celle-ci :
qu'est-ce qui défigure nos vies ?


C'est d'abord le péché
, un manque de vie théologale, c’est-à-dire de relation avec Dieu, relation empreinte essentiellement de Charité, d’Amour. Oui, le péché, c'est un manque d'amour (envers Dieu et envers le prochain), qui se monnaie en égoïsme, manque d'attention aux autres, repli sur soi-même, injustice, orgueil, esprit de domination… et que sais-je encore ! Tout cela nous avilit, tout cela défigure nos vies, contredit notre dignité de fils et de filles de Dieu, d’enfants de Dieu. Il est bon d’y réfléchir en ce temps de carême !

On m'a rapporté cette anecdote : à un jeune Camerounais, chrétien, venu en notre pays, on a posé cette question : “Que pensez-vous des chrétiens de France ?“ - Et la réponse fut rapide : “Je suis étonné que, apparemment, la foi chrétienne ne change pas grand chose à leur manière de vivre : ils pensent beaucoup à leur pouvoir d'achat, au progrès de leur niveau de vie, à leurs distractions, à leurs vacances d'hiver et d'été, exactement comme ceux qui ne sont pas chrétiens. Chez nous, notre foi transforme - on pourrait dire : "transfigure" - notre vie. On vit notre foi en Dieu comme une fête perpétuelle. Quand on participe à l'Eucharistie, on est comme "transfiguré". Tout le monde chante, est joyeux; tout le monde participe.

Ce qui défigure encore nos vies et la vie du monde, c'est la souffrance, la misère. - Oui, la misère est avilissante pour l'homme. C'est pourquoi Dieu n'en veut certainement pas ! Aussi tout au long de sa vie, Jésus a lutté contre la souffrance humaine. Les évangiles sont remplis de ces récits où Jésus rend la vue aux aveugles, relève des paralysés, guérit toutes sortes de malades.

Et Jésus nous appelle, nous aussi, à lutter de toutes nos forces contre le mal et la souffrance. Ce qu'il a fait le premier durant sa vie terrestre en faveur des malheureux, il veut continuer à le faire maintenant par nos mains. Le Christ compte sur chacun de nous pour lutter contre toute souffrance qui défigure la vie d’un homme, d’une femme, de l'humanité. Le Christ, aujourd'hui, n'a pas d'autres mains que nos mains pour lutter contre la souffrance. Le Christ aujourd'hui n'a pas d'autre cœur que nos cœurs pour donner des preuves de son amour, pour donner de la joie, pour faire naître un sourire sur le visage de cet homme qui se morfond dans sa solitude, pour transfigurer les visages de nos frères en visages de Dieu !

Oui, quand nous faisons quelque chose ensemble pour rendre ceux qui nous entourent plus humain, plus heureux, le monde se “transfigure“ peu à peu en Royaume de Dieu. Car là où il y a l'amour, Dieu est là.

Ce qui défigure encore nos vies et le monde d'aujourd'hui, c'est le doute, le découragement, la peur. Aujourd'hui, bien des gens n'ont plus confiance en rien : ils sont déçus par bien des aspects de notre vie moderne du 21ème siècle. Aucune idéologie n'a répondu à leur espérance. Beaucoup même se mettent à consulter de soi-disant prédictions, des Nostradamus et autres semblables devins de tous genres. Les ouvrages d'astrologie, d'ésotérisme ne se sont jamais aussi bien vendus qu'à notre époque. Et regardez tous ces inquiets : leurs visages sont défigurés

Notre destin n'est jamais fixé d'avance. Il n'est pas inscrit dans les étoiles. Il nous est proposé par Dieu. Et c'est nous qui avons à le réaliser. Jésus nous montre le chemin : nous n'avons pas à avoir peur ; nous pouvons lui faire confiance. Comme dit St Paul : “Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Il nous a donné Jésus son Fils !“ (Rm 8.31). Et puisque le Christ est mort et ressuscité, puisqu'il intercède pour nous, pourquoi douter, pourquoi avoir peur, pourquoi nous décourager ? Que dès maintenant, l'espérance revienne transfigurer nos visages, malgré les difficultés qui sont nôtres !

Voilà, en général, tout de qui défigure nos vies et la vie du monde : le péché, le mal, la souffrance, le doute, la désespérance… En ce 2ème dimanche de Carême, Dieu nous redit à quelle transfiguration nous sommes appelés à la suite de Jésus.

Cette transfiguration, préparons-la dès maintenant en mettant plus d'amour dans nos vies.
Chaque fois qu'on pardonne,
chaque fois qu'on aide un voisin à retrouver le sourire,
chaque fois qu'on redonne à un frère courage et espérance,
on transfigure un peu la vie.

Cherchons, chacun, ce que nous allons faire pratiquement pour cela en ce temps de carême qui nous achemine vers la lumière, la lumière du Christ ressuscité, “transfiguré“, glorieux !

vendredi 2 mars 2012

Pardon !

Carême 1. Vendredi (Ez. 18.21sv - Math. 5.20)

On le sait, on le croit, on le crie et un peu trop facilement parfois pour alléger en quelque sorte notre sentiment de culpabilité : Notre Dieu est un Dieu de pardon ! Et il est vrai que toute la Bible proclame un “Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et fidélité… qui tolère faute, transgression et péché“ (Ex. 34.6sv). Si bien que le roi Ezéchias s’adresse ainsi à Dieu : “Mon amertume s’est changée en joie… Car tu as jeté derrière toi tous les péchés !“ (Is 38.17). Et Moïse de souvent intercéder : “Pardonne la faute de ce peuple autant que le commande la grandeur de ton amour…“ (Nb 14.9).

Et le Verbe de Dieu fait homme, le Christ n’est pas “venu pour les justes, mais pour les pécheurs“ ! (Mc 2.17). Il couronnera sa vie terrestre en versant son sang “pour le pardon des péchés“ (Mth 26.28), “lui qui, dans son propre corps, a porté nos péché sur le bois“ (I Pet. 2.24). Il est “l’agneau qui enlève le péché du monde !“ (Jn 1.29).

Mais n’oublions pas pour autant qu’il nous sollicite à prier Dieu, “Notre Père“, en ces termes : “Pardonne nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés“. Car “si vous remettez aux hommes leurs manquements votre Père céleste vous remettra aussi ; mais si vous ne remettez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous remettra pas vos manquements“. (Mth 6.14-15). Et St Paul de nous dire : “Pardonnez-vous mutuellement comme Dieu vous a pardonnés en Jésus Christ“ (Ephes. 4.32). “En lui, nous sommes délivrés, nos péchés sont pardonnés“ (Col 1.14). Alors, “Comme le Seigneur vous a pardonnés, faites de même, vous aussi“ (Col 3.13).

L'amour, le vrai, pardonne, dit encore St Paul ! Car le pardon est un prodige dont seul est capable l'amour qui nous est donné par l’Esprit d’Amour !
Et il y a le pardon que l'on reçoit de l'être que l'on a blessé et dont les larmes sont d'autant plus bouleversantes qu'elles sont larmes engendrées par l'amour qui nous est porté. -
Et il y a le pardon que l'on donne à l'être qui nous a blessés, parce qu'il est aimé de nous à l'infini.
Parce qu'il est totalement gratuit et n'est point donné en forme de marchandage, le pardon est rare, infiniment rare, tant il est le signe de l'amour porté à la perfection.

Regardez l’histoire de ce fils de Jacob, Joseph. Il me semble qu’elle n’est pas relatée dans les lectures liturgiques. Mais il est bon de s’y reporter ! Ce Joseph ne pardonne pas tout de suite à ses frères qui l’ont vendu à des étrangers, des marchands qui se rendaient en Egypte. En un temps de famine, ils viennent vers lui devenu grand intendant du Pharaon. Mais ils ne le reconnaissent pas. Joseph qui voit ses frères ne leur pardonne pas tout de suite. Bien plus, il leur fait même des “tours de cochon“, si je puis dire ! C’est seulement quand du cœur de l’un d’eux, Juda, s’échappe un sentiment d’humanité - "Je ne peux pas retourner chez mon père sans le petit Benjamin" - que Joseph ne se contient plus. Alors seulement il pardonne d’une façon tellement totale et gratuite que ses frères n’arrivent plus à y croire.

Peut-être qu’il y a toute une pédagogie à suivre pour arriver au pardon véritable, comme Dieu pardonne, comme le Christ pardonne.

Et je trouve très intéressant de faire un rapprochement entre ce Joseph qui pardonne finalement du fond du cœur et Jésus après la résurrection : “Là où se trouvaient les disciples, les portes étant closes par peur des Juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit : " Paix à vous !" (Jn 20.19). :
- A ses apôtres qui n’avaient pas eu une attitude très honorable durant la passion - loin de là -, Jésus leur dit pourtant immédiatement : “La Paix soit avec vous !“. En leur donnant sa paix, Jésus pardonne immédiatement, gratuitement, totalement.
- Et il y a l’attitude de Joseph qu’on croyait mort et qui apparaît à ses frères et qui - après quelques détours, certes - se réconcilie avec ses frères en leur pardonnant, lui aussi, gratuitement, totalement !

Et il faut aussi remarquer la réflexion que Joseph adresse à ses frères au moment où ils se remettent en route : “Ne vous disputez pas en chemin !“ (Gen 45.24). Autrement dit : maintenant que je vous ai pardonnés, la question n’est pas de savoir qui est responsable ! Quand même !

Sans doute y a-t-il toute une pédagogie du pardon à suivre pour parvenir de celui de Joseph, total mais progressif, à celui de Jésus, total mais immédiat. Demandons à l’Esprit-Saint de nous y aider
- lui qui travaille constamment à l’unité du Corps du Christ (Cf. I Co 12)
- qui est “Esprit de Communion“ (Cf. Eph. 4.3 – Phil 2.1).
- répandant le don suprême de la charité dans les cœurs (I Co. 13.2 etc).

Appliquons-nous, comme dit St Paul, “à conserver l'unité de l'Esprit par ce lien qu'est la paix. Il n'y a qu'un Corps et qu'un Esprit, comme il n'y a qu'une espérance au terme de l'appel que vous avez reçu ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tout et en tous“.

jeudi 1 mars 2012

Priez !

Carême 1. Mardi (Esther 14.1-14 – Math. 7.7-12)

L’histoire d’Esther est simple, même si la rédaction de ce livre est compliquée (deux traditions : hébraïque et hellénique).

Les Juifs sont en exil ! Mais Esther, belle jeune fille, a plu au roi… Elle devient sa “préférée“. Elle devient reine ! Cependant, le premier ministre, en quelque sorte, très puissant, cherche l’anéantissement du peuple juif !

Esther est donc dans une situation difficile et douloureuse : comment, sans déplaire au roi, lui révéler ce que trame son premier ministre qu’il estime afin de “sauver“ ses frères de race ?

Esther n’a qu’un recours : Dieu ! Elle prie Dieu avec une magnifique confiance. Et cette prière d’Esther doit être la nôtre lorsque nous traversons - et cela arrive - des moments très difficiles face à des épreuves intérieures ou extérieures : tout semble s’écrouler en nous-mêmes ou autour de nous ! Loin de se révolter ou simplement de “demander des comptes à Dieu“, de le mettre en devoir de résoudre le problème, Esther manifeste sa foi, son inaltérable confiance en Dieu : le Seigneur ne peut rejeter son peuple !

Tous les saints ont témoigné de cette confiance en Dieu au milieu des tempêtes de la vie. Le “Malin“ est assez rusé et trompeur pour que nos diverses souffrances deviennent obligatoirement des objections à la foi en Dieu. Thérèse de Lisieux, à la fin de sa vie ici-bas, Mère Térésa furent ainsi tentées…

“Espérer contre toute espérance“, disait St Paul. Telle fut l’attitude d’Esther en sa prière. L’Apôtre, lui, parle dans l’une de ses lettres d’un problème sérieux et douloureux qu’il devait affronter en permanence. “Trois fois (c’est-à-dire de nombreuses fois), dit-il, j’ai demandé au Seigneur de m’en libérer“. Et le Seigneur lui répondit : « Ma grâce te suffit : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (la faiblesse de tout homme !). C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort“ (2 Co. 12.7sv).

Voilà le message d’Esther, de Paul et de tous les saints : la confiance en Dieu, malgré les apparences humaines parfois contradictoires ! St Pierre exhortait les premiers chrétiens à avoir confiance en Dieu dans les persécutions elles-mêmes : “Décharchez-vous sur Dieu de tous vos soucis, puisqu’il s’occupe de vous“ (I Pier. 5.7).

C’est la leçon de Jésus dans l’évangile : “Quiconque demande, reçoit !“. Mais il faut le savoir : nous ne recevons pas toujours ce que nous désirons ; mais nous recevons toujours ce que notre Père du ciel désire pour nous, lui qui, par amour pour nous, donne “de bonne choses à ceux qui demandent !“. Et ces “bonnes choses“ sont toujours supérieures à nos désirs… !

Ayons donc confiance en toute circonstance puisque Dieu prend soin de nous quoi qu’il arrive ! “La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde…“, disait Jésus. Nous saurions alors que la prière et la grâce sont dans les mêmes relations qu’un cri avec son écho !

Beaucoup disent : La prière, c’est pour les moines, les moniales, les prêtres… ; ils ne se sentent pas assez vertueux pour s’adresser à Dieu. C’est un raisonnement fallacieux : les personnes qui ne veulent pas prier avant d’avoir acquis toutes les vertus ressemblent à une petite graine qui refuserait de se laisser mettre en terre avant d’avoir poussé ses racines, sa tige et ses feuilles.

Et si, dans la prière, on a l’impression que l’on n’a rien à dire, rien à donner et même rien à demander, on peut encore donner plus que tout : une prière, et quelle prière : une prière de pauvre…, Et le pauvre sollicite toujours la richesse ! N’est-ce pas la meilleure des demandes ? La richesse de Dieu !

C’est alors que la prière devient une manière de faire de sa pauvre vie une conversation avec Dieu. En ce sens, Ste Thérèse de Lisieux disait : “Pour moi, la prière, c’est un élan du cœur, un simple regard jeté vers le ciel, un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie… !“.

Il est vrai cependant que la véritable prière, même la prière de pauvre, exige un esprit d’humilité, un esprit d’abnégation de soi qui détourne notre pensée de nous-mêmes. Avec son humour habituel, St François de sales disait : “Ne vous amusez point, au temps de la prière, à vouloir savoir ce que vous faites et comme vous priez, car la meilleure prière, c’est celle qui nous tient si bien employés en Dieu que nous ne pensons point à nous-mêmes ni à ce que nous faisons“.

Et nous efforcer à être ainsi en Dieu en nous oubliant nous-mêmes éduque à pouvoir être en nos frères, quand il le faut. Car il faut remarquer la dernière phrase de l’évangile : “Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le donc pareillement pour eux“. Le signe de notre élan vers Dieu est peut-être l’élan que nous avons pour nos frères…! “Rien ne rend Dieu proche que le prochain. Pour qui voit Dieu lointain, le prochain ne sera jamais bien proche ; pour qui ne voit pas le prochain bien proche, Dieu restera toujours lointain“ (Mgr Ghika). Et Notre Seigneur de conclure : “C’est là en effet la Loi et les Prophètes !“.