mardi 30 octobre 2012

Amour conjugal !


30 T.O. Mardi 12/B       -    Le chrétien dans la société !        (Eph. 5.31-5.33)

Les exhortations de St Paul ne visent pas seulement les individus comme il vient de le faire dans sa lettre, mais également les groupes sociaux : les femmes et leur mari ; les enfants et leurs parents ; les esclaves et leurs maîtres (1).

Bien sûr, les considérations de St Paul concernant des groupes sociaux se retrouvent chez les philosophes de l’Antiquité, tels Aristote, Epictète, Sénèque. Et la tradition juive aborde aussi ces sujets. Certes ! Mais les propos de St Paul ne sont tant philosophiques ou culturels que motivés uniquement, comme toujours, par la personne du Christ et par la vie du chrétien en lui !

Les chrétiens doivent découvrir que c’est aussi dans les structures humaines que l’Evangile doit être annoncé, vécu ! Parce que la “Bonne Nouvelle“ concerne tous les hommes en tant qu’individus, elle concerne aussi les structures dans lesquelles ils ont choisi de vivre ou se trouvent pris bon gré, mal gré ! La foi au Christ n’est pas une fuite du monde ; elle doit se vivre dans le monde tel qu’il est ! Il ne s’agit certes pas de révolutionner le monde en changeant les structures - serait-ce toujours possible et opportun ? -. D’ailleurs, aucune de ces structures n’est idéale ; mais toutes peuvent être évangélisées. Autrement dit, toute situation sociale doit être vécue avec le Christ, que ce soit dans la sphère de l’affectivité (rapport époux-épouse), la sphère de l’éducation (parents-enfants) ou la sphère socio-économique (maître esclave). C’est d’abord cela qu’il faut retenir du discours de Paul : Le Christ avant tout ! Par Lui, avec Lui, en Lui !

Ainsi, l’apôtre va-t-il expliquer ce que doit être l’amour humain, l’amour conjugal avec et dans le Christ !
Comme dans sa lettre aux Colossiens (13.18-19), il s’adresse aux épouses et aux maris mais en y ajoutant des considérations sur le Christ et l’Eglise. Amour conjugal et amour du Christ pour l’Eglise, deux thèmes qui vont se croiser, se conjuguer sans cesse rendant quelque peu difficile l’interprétation du texte !

Certes, les femmes doivent être soumises à leur mari comme Paul le dit aux Colossiens (3.18 – Cf. Tt 2.5 ; I Pet 3.5). Mais cette soumission est en référence au Seigneur.
La consigne de Paul n’est pas une réaction à un désir éventuel d’émancipation de la part des épouses qui s’appuierait sur ce que Paul disait aux Galates (3.28) : il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus“.
Le motif est autre. Et St Paul s’en explique par une comparaison : “Le mari est la tête de la femme comme le Christ est la tête de l’Eglise, lui le Sauveur de son Corps“. Si on peut dire que le Christ est “tête“ de l’Eglise, c’est en fonction de sa mission qui se caractérise par la puissance et la perfection de son amour, comme l’apôtre l’a souligné un peu plus haut (2.15-16) : Il a voulu, à partir du Juif et du païen, créer en lui un seul homme nouveau, et les réconcilier avec Dieu, tous les deux, en un seul corps, au moyen de la croix. Ainsi l’Eglise ne peut être qu’en référence à l’amour du Seigneur comme à sa source. Elle est son corps dont il est le principe vital. Le Christ est “tête“ parce qu’il révèle la primauté de son amour, comme l’enseigne encore la lettre aux Colossiens (1.17-18) : “Il est, lui, la tête du corps, qui est l'Eglise…  Car il a plu à Dieu… de tout réconcilier par lui et pour lui, ayant établi la paix par le sang de sa croix“. Oui, répète St Paul, “le Christ est “tête“ de l’Eglise, lui, le Sauveur de son Corps !“.

Ainsi, la soumission de l’épouse à l’égard du mari est analogue à celle de l’Eglise à l’égard du Christ, c’est-à-dire qu’elle est de l’ordre d’un amour rendu parce qu’il est d’abord reçu ! Ce que Paul demande à l’épouse n’a rien à voir avec une obéissance servile et absolue envers le mari. Il s’agit d’une obéissance “en tout“ dans l’amour, obéissance qui est une manière de répondre à l’amour dont on a entendu et senti la profondeur. Telle doit être l’attitude de l’Eglise vis-à-vis de son Seigneur. Telle doit être l’attitude de l’épouse vis-à-vis de son mari !

Et la conséquence est claire : si, dans cette comparaison que prend Paul, le mari est la “tête de la femme“, c’est parce que son agir envers la femme est à l’image de celui du Christ envers l’Eglise, et non en raison d’une supériorité quelle qu’elle soit.

Aussi, Paul va insister longuement : “Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise !“. Il s’agit d’un amour de donation absolu qui n’a rien à voir avec une condition sociale, même pas avec le seul amour de désir. Le mari est appelé à aimer sa femme “comme le Christ a aimé l’Eglise“, jusqu’au don de soi, au point de ne rien retenir pour lui.

Et St Paul de développer ce qu’est l’amour du Christ pour l’Eglise : “Il s’est livré pour elle“… jusqu’au don total de soi. Ce qui a un triple effet :
- en se livrant, il a sanctifié l’Eglise
- en se livrant, il l’a rendue digne de lui, par la purification du baptême, digne de lui dont l’amour dépasse toute connaissance. Alors, avait déjà dit l’apôtre, “vous connaîtrez l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu !“ (3.19).
- en se livrant, il lui a donné sa vocation d’être sainte, irréprochable : J'éprouve à votre égard, dira Paul aux Corinthiens, une jalousie divine ; car je vous ai fiancés à un époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ“ (II Co. 11.2).

C’est à cette profondeur du mystère de l’amour de Dieu pour les hommes, du Christ pour l’Eglise que le mari est appelé à découvrir la qualité de l’amour qui le lie à sa femme. L’amour que le Christ a pour l’Eglise est la mesure et le symbole de celui que le mari doit avoir pour la femme.

Aussi, St Paul ajoute que le mari doit aimer sa femme “comme son propre corps“. Autrement dit, le mari est invité à reconnaître sa femme comme un autre lui-même. “Celui qui aime sa femme s’aime soi-même“, non pas dans la complaisance de soi, mais dans la perspective où Jésus demande d’“aimer son prochain comme soi-même“ (Mth. 22.39), et de l’aimer sans mesure comme lui-même nous en a donné l’exemple.

Et St Paul de conclure à sa façon, lapidaire souvent : “Ce mystère (de l’amour) est grand ! Et je le dis en pensant au Christ et à l’Eglise !“.

(1) On trouve des recommandations semblables dans la lettre aux Colossiens, mais moins développées.

lundi 29 octobre 2012

“Imitateurs de Dieu“ !


30 T.O. Lundi 12/B       -            (Eph. 4.32-5.12)

St Paul vient d’exhorter les Ephésiens : “Je vous adjure de ne pas vous conduire comme les païens !“. Recommandation qui traverse les siècles !

Et la source de son exhortation n’est pas tant simple morale humaine que l’Esprit-Saint lui-même : “Ne contristez pas l’Esprit-Saint !“ (4.30). Il est bon de se le dire et redire : La Morale chrétienne n’est pas tant une observance de rites, de règles de conduite qu’une recherche permanente de ne pas “contrister l’Esprit-Saint“ qui veut habiter nos cœurs pour nous former à être véritablement “fils de Dieu“ ! “Tous ceux qu'anime l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu“, dira St Paul aux Romains. (1)

Et l’œuvre de l’Esprit-Saint a une finalité : “en vue du jour de la délivrance !“, autrement dit en vue du jour où toute l’humanité réconciliée… (païens et Juifs, avait dit St Paul, et, de ce fait, réconciliation de tous les hommes devenus “Corps du Christ“ avec Dieu – Cf. Ch. 2) …où toute l’humanité réconciliée entrera dans la gloire de Dieu-Père ! En cette attente, avec l’aide de l’Esprit-Saint, il faut rejeter ce qui est contraire à l’avènement de ce jour béni.

Aussi, dit l’apôtre - et c’est le début de notre lecture -, “soyez bons, compatissants les uns pour les autres“. Et surtout : pardonnez-vous les uns aux autres puisque Dieu vous a pardonnés dans le Christ !“. Puisque nous sommes tous, sans exception, des “graciés de Dieu“, la gratuité doit être le fondement de notre comportement envers le prochain et cela jusqu’au pardon, s’il le faut !

Il s’agit donc, insiste St Paul, de devenir les “imitateurs de Dieu“, non seulement en fonction du pardon reçu mais surtout à cause de l’amour qui le motive puisque de Dieu nous sommes “ses enfants bien-aimés !“.
Etre les “imitateurs de Dieu !“ ! Si ce thème se réfère à la théologie de l’“Alliance“ en général (“Soyez saints, parce que je suis Saint !“ Lv 19.2 etc), c’est la première fois qu’il est demandé aux chrétiens “d’imiter Dieu !“. Généralement, St Paul exhorte les chrétiens à “imiter le Christ“ ou de l’imiter, lui, Paul - mais à travers l’apôtre, c’est encore le Christ que l’on doit imiter -. Jamais dans le Nouveau Testament, il n’est question d’“imiter Dieu“ ! Même si l’on peut rapprocher cette expression de la recommandation de Notre Seigneur : “Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait !“ (Mth 5.48). l’exhortation à “imiter Dieu“ peut paraître prétentieuse, hors de propos !

Et cependant - et c’est sur ce point qu’il faut insister comme le fera St Jean -, si les croyants sont invités à “imiter Dieu“, il est juste qu’ils le fassent  puisqu’ils sont  “ses enfants bien-aimés“. Ils ont, doivent avoir avec Dieu un rapport d’engendrement dans l’amour. Etre “imitateur de Dieu“, c’est se conduire dans l’amour comme de vrais “fils de Dieu“, à travers le Christ, le Fils Unique !

Oui, les croyants sont invités à faire comme le Christ, Fils de Dieu, qui, par amour pour le Père et pour nous, “s’est livré“ par l’offrande de toute sa vie. Pour le Christ, “aimer“ et “se livrer“, c’est tout un !
Aussi le sacrifice du Christ dont il est question désigne l’offrande intérieure du Christ, l’offrande de toute sa vie ici-bas jusqu’à son terme. Si l’expression “s’offrant à Dieu en sacrifice d’agréable odeur“ (“qui pouvait lui plaire“, selon la traduction du lectionnaire) est empruntée, certes, au langage rituel de l’Ancien Testament  (Cf. Nb 28), elle ne s’applique pas dans le Nouveau Testament (2) à la mort du Christ seulement ! “L’offrande et le sacrifice d‘agréable odeur“ du Christ est “l’offrande et le sacrifice de toute sa vie“ et ne se résume pas à un rite d’expiation, si important soit-il.
C’est pourquoi il doit en être de même pour un chrétien. Abandonnant toute idolâtrie, il consacre toute sa vie à l’amour de Dieu, et, de ce fait, à l’amour de ses frères ! Comme le Christ ! St Paul explicitera sa pensée en sa lettre aux Romains : “Je vous exhorte à offrir vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu : c'est là le culte spirituel que vous avez à rendre. Ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait !“ (Rm 12.1-2).

Et St Paul d’envisager ensuite, de façon un peu abrupte et sans transition, une série de situations négatives qui sont des obstacles à cette offrande de soi-même. Ces recommandations de l’apôtre (débauches, impuretés, cupidité etc…) s’accordaient certainement à ce que pensaient bien des Juifs ou des Stoïciens par exemple. Mais St Paul veut surtout souligner que celui qui appartient au Christ doit vivre de ses mœurs s’il veut vraiment avoir part au “Royaume du Christ et de Dieu“ !

“Autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ! Vivez comme des fils de lumière !“.
La conduite des croyants consiste à “être enfants de lumière“ selon leur vocation à la filiation dans le Christ. Il ne s’agit pas tant de combattre “les fils des ténèbres“ que d’adhérer au Christ “Lumière du monde“ !

Et le fruit de la lumière, dira ensuite l’apôtre,
c’est la “bonté“ qui est le propre de Dieu,
c’est la “justice“ qui est adéquation à la volonté de Dieu,
c’est la “vérité“ qui, elle, est conforme à sa Parole.

Ainsi la “lumière“ - nous disons : la foi - n’est pas le fruit d’une abstraction intellectuelle si élevée soit-elle, c’est suivre le Christ “Lumière du monde“ ! Et c’est ainsi que dans le Christ, nous parviendrons à “imiter Dieu“ lui-même ! La Morale de Paul est bien celle-ci qu’il exprime aux Corinthiens : “Suivez la voie de l'amour, à l'exemple du Christ qui vous a aimés et s'est livré pour nous, s'offrant à Dieu en sacrifice d'agréable odeur“  (2 Co 5.9).

C’est ainsi que nous cheminons dans la foi en discernant, conclut St Paul, “ce qui plaît au Seigneur !“ (5.10).


(1) L’expression de St Paul - “Ne contristez pas l’Esprit-Saint !“ -, (proche de celle employée dans sa lettre aux Thessaloniciens : “N’éteignez pas l’Esprit !“  I Thes. 5.19), est unique dans le Nouveau Testament. C’est à remarquer !

(2) sauf dans la “Lettre aux Hébreux“

dimanche 28 octobre 2012

Voir !


30ème Dim. T.O. 12/B             (Mc 10.46sv)

 Vous avez certainement bien entendu ! 
St Marc nous présente un homme. Il nous rappelle son nom, son prénom, sa famille, son adresse. C'est Bartimée, le fils de Timée. Il habite Jéricho. Il est là au bord de la route, à la sortie de la ville. Il est immobile, à l'écart de la circulation. Car c'est un aveugle. Et il tend la main. C'est donc aussi un mendiant.
Or Jésus vient à passer et vous savez la suite...

C’est vrai : Bartimée est un des privilégiés que Jésus a guéris : “Que veux-tu que je fasse pour toi ?”. – “Seigneur, que je voie”. – “Va, ta foi t'a sauvé !”.

Il me semble entendre certaines réflexions : “Un miracle, et après : qu'est-ce que cela change pour nous ? Un aveugle a été guéri par Jésus à Jéricho, il y a 2000 ans ! Tant mieux pour lui ! Mais en quoi cela nous concerne-t-il ?”.

Et ces réflexions se conjuguent avec bien des réactions quand on lit dans les journaux, qu’on écoute à la radio, qu’on regarde à la télévision les actualités si souvent assombries par des nouvelles, des images sinistres, parfois terrifiantes.
Et voilà qu’à l’église, on nous raconte une histoire qui finit bien, mais pour un aveugle d'autrefois. On ferait mieux de parler de sujets plus actuels, parler de la vie d'aujourd'hui ! Sans doute !

Et si cet évangile justement parlait de nous ? Car Bartimée, c'est moi, c'est vous, c'est chacun de nous. Prenons le temps d'écouter, car c'est quand même Dieu qui nous parle ici. 

Il est question d'un aveugle...
Mais cet aveugle, c'est nous. C'est chacun de nous. C'est notre monde qui marche à l'aveuglette C’est l’humanité enténébrée. Reconnaissons-le...  Nous sommes si souvent aveugles qu’il nous arrive de dire : “Je ne sais plus où j'en suis... Je suis désorienté... Je ne vois pas clair” ... Ou bien, par rapport à la foi elle-même : “Je suis dans le brouillard ... Je suis un peu perdu”. – Et puis de cet état déjà sinistre, il y a encore cette constatation : “Il y a des gens que je ne veux même plus voir !”. Que d'aveuglements, finalement !

Il est question d'un mendiant...
Eh bien ! Le mendiant, c'est nous, … et peut-être pas assez finalement. Je veux dire que cette mendicité, il faut nous la souhaiter, car elle se résume à être ouvert, disponible, à tendre la main ou à prendre la main que l'on nous tend pour voir plus clair ! 

Il est question d'une rumeur...
Bartimée entend une rumeur, une foule qui piétine. “Qui est-ce?”. -  “C'est Jésus de Nazareth !”. Quand il apprend que c'est Jésus qui passe, il a envie de s'approcher. Il jette son manteau derrière lui et il s'élance.

Aujourd'hui encore, Jésus passe sur nos routes. Il faut entendre la rumeur autour de lui ! Jésus passe ! La rumeur s'entend, mais où donc ? Partout où Jésus est annoncé. Partout où il est célébré. Partout où des gens se rassemblent pour l'écouter, pour parler de Lui !

Et n’est-ce pas là, en cette année de la foi, notre responsabilité de faire entendre la rumeur de Jésus qui passe, la faire entendre à ceux et celles qui sont près de nous !

Une église paroissiale, une maison de prière, un prieuré ne doivent-ils pas être des lieux de rumeurs, de cette rumeur de Jésus qui passe, qui veut passer ?

Et pour ceux qui célèbrent un baptême, un mariage ou autre instant religieux, ne doivent-ils pas, avant tout, faire entendre la rumeur de Jésus qui passe ?

Et ceux qui s’engagent d’une manière ou d’une autre à la suite du Christ, dans diverses activités, ne font-ils pas entendre la rumeur de Jésus qui passe ?

Le Synode des évêques à Rome n’a-t-il pas été finalement une rumeur de Jésus qui passe en notre monde. L’entendons-nous cette rumeur ? Et dans cette “rumeur“, les Pères du Synode, dans leur discours de clôture, indique que la première expression de la vie de la foi, c’est “le don et l'expérience de la contemplation. C'est seulement avec un regard d’adoration sur le mystère de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit que peut jaillir un témoignage crédible pour le monde“. Et ils expriment leur gratitude “pour tous ceux qui, hommes et femmes, consacrent leur vie à la prière et à la contemplation dans les monastères et les ermitages“. - “Etre rumeurs de Dieu“, c’est un devoir pour tous !

Oui, Jésus passe ! La rumeur doit s’entendre. Pour nous qui, ce matin, venons participer à l’Eucharistie, Jésus ne passe-t-il pas ? Il y a toute une rumeur de paroles, de chants… !

Oui, Jésus désire toujours “être avec“, avec les hommes de notre temps. A nous de faire rumeur de son passage, d’une manière ou d’une autre ! En cette "année de la Foi !

Chacun pourrait dire les passages de Jésus dans sa vie et avouer aussi les passages manqués par négligence ou désintérêt.  Il est vrai que, comme pour Bartimée, il se trouve toujours des gens, des circonstances aussi, pour nous décourager, nous dissuader, nous dire que ce passage et cette rumeur sont inutiles, voire irréels !

Mais remarquons-le bien :
malgré les obstacles
... en dépit de ceux qui voulaient le faire taire,
Bartimée s'est jeté aux pieds de Jésus et a lancé ce cri de confiance : “Prends pitié de moi... Seigneur fais que je voie.”. Et pour lui commence l'aventure de la foi que St Marc résume en disant : “il se mit à suivre Jésus !“. C'est la définition de tout disciple, celui qui marche à la suite de Jésus.

Ayons, ce matin, la simplicité confiante de Bartimée en acceptant de crier nous aussi :
- notre désir de voir,
- notre désir de voir la réalité du monde à la lumière de l'évangile,
- notre désir de voir les réalités de notre vie comme Dieu les voit,
- notre désir de voir ceux et celles qui nous entourent avec le regard de Jésus
- “Seigneur, fais que je voie !“.

Cela peut tout changer car, de la qualité de notre regard, dépend la qualité de notre cœur.

Aussi, je terminerai par une anecdote qui pourrait s'intituler : ”L’histoire d'un regard”. Une anecdote qui dira mieux que tous les discours combien il est important :
- d'avoir les yeux ouverts,
- de voir avec le cœur,
- d'emprunter le regard d'amour de Jésus.

C'était dans le train Nantes-Paris. Un homme est près de son fils. Le petit garçon se gifle sans arrêt. Toutes les trois minutes, il lance un cri d'angoisse, difficile à supporter. Le père s'occupe de son enfant qui est donc handicapé mental profond, avec une grande tendresse ; mais dans son regard on peut lire la douleur et la lassitude.

Voilà un arrêt ! Quelques grands jeunes - quelque peu bruyants -  montent et s'installent pas très loin de l’enfant et de son père un peu isolés. Le petit garçon, à leur vue, reste un instant calme, puis recommence sa plainte gémissante. L'un des jeunes se lève et vient s'asseoir en face du petit. Il prend ses mains dans les siennes et le regarde dans les yeux. Aussitôt un échange s'établit. Jusqu'à Paris, il restera près du petit, prenant la relève du père qui le regarde avec gratitude.

A Montparnasse, les deux hommes se serrent longuement la main, échangeant peu de mots, puis se perdent, chacun de son côté, dans la foule anonyme…

Aucune parole… mais un regard seulement…

Voir ou ne pas voir ! De la qualité de notre regard dépend la qualité de notre cœur. “Seigneur fais que je voie !”.

mercredi 24 octobre 2012

L'Eglise !


29 T.O. Mercredi 12/B       -      -   (Eph. 23.2-12)

Le verset qui précède notre lecture décrit la condition de Paul : “Moi, Paul, prisonnier du Christ… !“. Le terme “prisonnier“, qui évoque certainement une situation historique, réelle, donne lieu ici, cependant, à une interprétation métaphorique (le terme étant suivi du génitif) : Paul est prisonnier du Christ parce qu’il appartient au Christ (génitif de possession), ou encore : il est prisonnier par amour du Christ (génitif objectif). C’est un titre que Paul revendique ! Osons-nous nous revêtir de cette même qualification ? Par notre baptême, par notre profession religieuse, ne devons-nous pas être “du Christ“, “au Christ“ ?

Et cette situation de “prisonnier“ est loin, paradoxalement, d’être inopérante : “Prisonnier du Christ pour vous, les Nations !, dit l’apôtre. Avons-nous cette dimension universelle ? Avons-nous suffisamment conscience que notre vie de baptisé, loin d’être “repliement sur soi“ (“selon la chair“, disait l’apôtre) doit être éminemment apostolique, comme je l’ai suggéré dimanche dernier en rappelant la belle expression d’Edith Stein : “Etre devant Dieu pour tous !. Pour tous… !

Car il y a un mystère qui parait invraisemblable mais que Paul veut révéler :
- c’est le mystère du Christ dont il a déjà parlé,
- ce mystère dont il a “l’intelligence par révélation“,
- ce mystère qui proclame que l’ensemble des croyants fait désormais partie d’un même groupe, d’un même “corps“, le “Corps du Christ“,
- ce mystère, aussi étonnant qu’imprévisible, qui est qualifié de “création“ ! 
(la création n’étant pas regardée ici dans sa dimension horizontale - l’origine du monde -, mais bien plutôt dans sa dimension “transcendantale“, verticale : tout fut créé, tout est créé par le Verbe, dira St Jean !).

Pour exprimer le caractère inouï de ce mystère, Paul oppose ce temps de jadis où tous les hommes sans exception ignoraient ce mystère, et ce temps actuel - maintenant - où certains (les apôtres, les prophètes) connaissent ce mystère par révélation et reçoivent mission de l’annoncer, le proclamer !
Par ce mystère - St Paul le souligne encore -, les païens sont “co-héritiers“, “co-incorporés“, “co-bénéficiaires“ de la promesse faite à Abraham et accomplie en Jésus-Christ. C’est un point absolument essentiel pour l’apôtre. Il venait déjà d’écrire : Dieu, “riche en miséricorde“, est un Dieu qui “vivifie ensemble“ (ou avec), qui “ressuscite ensemble“ (ou avec), qui “fait asseoir ensemble“ (ou avec)…,  de sorte que tous les croyants, par la foi, deviennent “Corps du Christ“ !

Une telle réalité, inconcevable pour l’homme, ne peut relever que de l’initiative divine dans le Christ ! C’est ainsi que l’extraordinaire nouveauté qu’on appelle, trop communément peut-être, “Eglise“ ne peut être que qualifiée de “mystère“ !
Tout en évitant le terme de “peuple“ (terme que l’apôtre n’emploie pas pour parler de l’Eglise),  St Paul s’attarde sur cette nouveauté inattendue qu’est le “groupe des croyants“ : les chrétiens, issus des nations païennes, constituent au même titre que ceux issus d’Israël, le “Corps du Christ“, de sorte qu’on ne peut annoncer désormais le Christ sans annoncer et proclamer en même temps le “Corps“, le “corps des croyants“, l’Eglise, objet de la même foi ! Bossuet avait bien raison : “L’Eglise, c’est Jésus-Christ, mais Jésus-Christ répandu et communiqué !“.

Aussi, Paul est heureux d’être devenu serviteur (ou ministre) de cette Bonne Nouvelle“, selon, dit-il “le don de la grâce de Dieu qui m’a été donné !“. Cette fonction de “serviteur“, de “ministre“ est un présent royal constitutif du service de l’Evangile qui se déploie selon l’énergie de la puissance de Dieu. Cette expression rappelle celle que l’apôtre emploie dans sa lettre aux Colossiens (1.29) : “Je me fatigue à lutter, avec son énergie (de Dieu) qui agit en moi avec puissance !“, cette énergie divine qui est de même nature que celle qui a arraché le Christ de la mort (Cf. Col 2.12 ; Eph. 1.19-20).

On ne peut pas ne pas remarquer que ce vocabulaire de “puissance“ contraste avec la protestation de faiblesse qui suit : “à moi, le moindre de tous les saints“.
Cette expression que l’on retrouve par ailleurs (Col 15.9 ; I Tim. 1.13) qui peut décrire la situation de Paul dans la Communauté chrétienne, évoque surtout le persécuteur de jadis à qui est confiée désormais la tâche de l’annonce de l’Evangile aux païens !
Et, bien plus, cette fonction apostolique - dont personne n’est digne -  ne peut être exprimée que par des paradoxes. Ce qui peut paraître excessif dans l’expression (puissance divine - faiblesse humaine) révèle non pas tant un état psychologique chez St Paul (comme l’interprétait St Augustin), que la force immense de Dieu à l’œuvre dans le cœur de l’apôtre et, par lui, dans le monde ! Dieu agit par les pauvres moyens que nous sommes ; et il agit toujours avec puissance divine !

Oui, il est grand le mystère de la foi ! Il est grand le mystère de l’Eglise !

mardi 23 octobre 2012

Eloignement devenant proximité !


29 T.O. Mardi 12/B   -   (Eph. 2.12-22)

L’épître aux Ephésiens est l’un des textes les plus difficiles du Nouveau Testament. Considérée comme le “waterloo“ des exégètes, elle fut l’objet de bien des débats contradictoires au cours des siècles, au point qu’on s’est demandé si elle était de St Paul ! Elle paraît, en effet, étrangère au corpus paulinien à cause des développements inédits sur le Christ, sur l’Eglise, sur les rapports entre Juifs et chrétiens, sur l’eschatologie, alors même que bien d’autres thèmes dépendent de la pensée de St Paul. Une lettre cependant si riche qu’elle rivalise avec celle adressée aux Romains comme ayant exercé une très forte influence sur la pensée et la spiritualité chrétiennes.

Après une adresse et une bénédiction - car en Israël, on ne peut rien faire sans bénir Dieu ! -, la lettre entre dans un grand thème d’actualité, me semble-t-il, en notre “année de la foi“ : “la connaissance du Christ par l’Eglise !“.

Hier, Paul rappelait, en un raccourci saisissant (2.1-3) que l’humanité est “enfermée dans le péché“. Réflexion non point métaphysique recherchant l’origine du mal, mais simple réflexion qui veut souligner que l’humanité est dans une situation de mort. N’est-ce pas encore actuel selon les propos du Cal de New-York, président du synode romain, en son discours d’ouverture ?

En cet état, disait St Paul, causé autant par le péché que par suite de la fragilité humaine, nous sommes soumis aux “désirs de la chair“, ce mot exprimant la “fermeture sur soi“ (c’est toujours d’actualité !), et, de ce fait, la résistance à l’Esprit ! C’est toujours corrélatif !
“Nous sommes, nous tous, dit Paul, voués, par nature, à la colère… !“.
Cet anthropomorphisme de “la colère“ permet à l’homme d’imaginer la réaction inévitable de Dieu face au péché qui détruit l’homme et avec lequel Dieu est incompatible.
Cela ne veut pas dire que toute l’humanité est réprouvée, mais pour Dieu elle est regardée “comme enfermée dans la désobéissance“ (Rm 11.32), l’homme étant incapable de s’ajuster à Dieu (un des thèmes des épitres aux Galates et aux Romains). (N.B. : On le sait, ces réflexions furent  utilisées comme fondements du dogme du péché originel)

Face à cette situation, Dieu agit avec efficacité. Son action est commandée par ce qu’il est : non seulement “Miséricordieux“, mais “riche en miséricorde“, à cause de son grand amour ! C’est ce qu’ont rappelé certains évêques du Synode, face à la tentation de vouloir tout “institutionnaliser“ en vue de l’évangélisation. Ce n’est plus d’actualité, notre société n’étant plus chrétienne ! Il faut être avant tout des chrétiens qui témoignent, par nos actes et nos paroles éventuellement, que notre Dieu est un Dieu d’amour qui, dit St Paul, “vivifie ensemble“, ressuscite ensemble“, “fait asseoir ensemble“. Il ressuscite ensemble par le Christ, car l’opposition de l’humanité à Dieu est si profonde qu’il faut, pour la dépasser, l’énergie que Dieu a mise, par son Esprit, pour ressusciter le Christ d’entre les morts. Or, la résurrection du Christ peut devenir spirituellement nôtre ! C’est cela qu’il faut avant tout proclamer : Oui, le Christ est ressuscité ! Ce fut le “kérygme“, la première proclamation des apôtres, ne l’oublions pas !

Et ce salut dans le Christ est donné gratuitement, durablement, totalement. Mais il ne peut être reçu que “dans la foi“, réponse à l’initiative divine. Que “l’année de la foi“ nous soit donc profitable !

Et aujourd’hui, dans notre lecture, Paul invite les Nations à faire mémoire de leur état “dans la chair“, elles qui, n’appartenant pas au peuple élu, Israël, sont “sans Messie“, totalement étrangères à la première Alliance et à ses promesses. Elles ignorent donc l’espérance que le Christ seul a pouvoir de révéler parce qu’il est lui-même “Espérance“ (Cf. Rm 4.18 ; I Thes. 4.13). Elles sont “sans Dieu“, et même de ce Dieu d’Israël qu’elles ignorent !

Mais cela est du passé ! Il n’en est plus ainsi ! Désormais, il y a un avenir : “vous les éloignés de jadis, dit St Paul, vous êtes devenus proches par le sang du Christ !“. Avec le Christ, la distance devient proximité.
Les termes “loin“ et “proche“ sont empruntés à Isaïe (57.19), cité peu après. Le prophète proclamait la paix à tout Israël : à ceux qui étaient “loin“, exilés à Babylone ; et à ceux qui étaient “proches“ de Jérusalem. Mais Paul réinterprète ce texte, montrant que la promesse faite à Israël qui, dans la paix et l’unité retrouvées, devait attirer toutes les Nations vers Jérusalem, dans un élan de conversion au Dieu Unique (Cf ch. 60sv), est désormais accomplie d’une manière inattendue et d’une façon “double“, si je puis dire.

C’est par le sang de la croix que le Christ est notre “Paix“ ! Paix pour tous !

-  Paix d’abord entre Juifs et Nations ; des deux, il en a fait un seul peuple ; Israël et les Nations ne sont plus deux entités qui  s’opposent mais qui sont unies l’une à l’autre pour former un tout. Autrement dit, cette union est une réconciliation de l’humanité tout entière, une refonte religieuse dans l’unité, par le Christ qui est “notre Paix“ à nous tous ! (N’est pas là l’esprit œcuménique dont témoigna le pape Jean-Paul II à Assise ?).

Mais il faut bien noter que cette unité résulte d’une destruction : le Christ “abat une barrière, un mur de séparation“. Cette barrière évoque, semble-t-il, la clôture réelle dont parle Flavius Josèphe dans sa description du temple, clôture qui interdisait l’accès au Temple aux non-Juifs, sous peine de mort (Malheureusement, il y a toujours des barrières de ce genre !). Pensant peut-être également au voile du temple qui se déchire à la mort du Christ en croix, St Paul affirme que le Christ a fait tomber la “haine“ entre Juifs et les Nations. Et il l’a fait en supprimant la Loi avec ses commandements et ses interdits, ses observances si ridiculement rituelles… Le Christ, en abolissant  “dans et par sa chair“ le “mur de séparation“ a réduit à rien la Loi. Et c’est ainsi qu’est supprimé l’obstacle qui empêchait les Nations d’avoir accès au temple, de s’approcher de Dieu. Puissions-nous, en cette année de la foi, ne pas faire obstacle à tout homme qui cherche Dieu, ne serait-ce qu’en l’ignorant !

- C’est ainsi que le Christ est encore “Paix“, “en créant en lui un seul Homme nouveau“. Et cet “Homme nouveau“ que le Christ crée en lui est tout à la fois le Christ lui-même, “Verbe de Dieu fait chair“, et toute l’humanité qui résulte de ce qu’il est. C’est une création nouvelle ! Le Christ réconcilie les deux composantes de l’humanité “en un seul corps“. Et le mot “corps“ dans l’épitre aux Ephésiens est toujours appliqué à l’Eglise.

Ainsi donc la paix ainsi introduite au sein de l’humanité est liée à la mort de la haine !
+ Le Christ fait disparaître le motif de la haine en détruisant le mur de séparation, en annulant la Loi
+ le Christ, en sa mort, a subi la haine, il l’a prise sur lui, il s’en est chargé pour la clouer sur la croix ! 

Alors oui ! La paix et la réconciliation ouvrent désormais “le libre accès auprès du Père“ pour tous…
Ainsi, l’humanité tout entière, étant créée dans le Christ, peut bénéficier d’un accès auprès du Père ; elle n’est plus “étrangère“ à Dieu ; elle devient membre de la famille de Dieu ; elle est intégrée “dans la construction qui a pour fondement les apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c’est le Christ lui-même !“

Alors nous sachons reconnaître désormais notre vocation : être “demeure de Dieu dans l’Esprit“ !

dimanche 21 octobre 2012

Au service de l'évangélisation.


28ème Dim. T.O. 12/B

 “Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir”. Toute la vie de Jésus pourrait se résumer en cette petite phrase.

Jésus est venu pour servir !
Ce mot “SERVIR” rappelle les prophéties d'Isaïe  (1ère lect.) connues sous le titre de “CHANTS DU SERVITEUR”, et qui annonçaient avec un réalisme stupéfiant les souffrances et le sacrifice du Messie : “Ce sont nos souffrances qu'il portait et nos douleurs dont il était chargé… Il a été transpercé à cause de nos crimes… (lsaïe 53).

La veille de sa mort, avant le repas de la Pâque, Jésus s'était agenouillé devant ses apôtres, comme un serviteur, et leur avait lavé les pieds, disant : “Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous avez raison. Si donc je vous ai levé les pieds, moi, Seigneur et Maître, vous aussi, vous devez faire de même. Je vous ai donné un exemple…”.

Durant toute sa vie, Jésus s'est mis
au service de son Père,
au service de sa mission,
au service du salut des hommes. “Il a donné sa vie pour la multitude !“
Et St Paul a bien résumé tout cela : “Lui qui était de condition divine…, il s'est dépouillé, prenant la condition de SERVITEUR… Il s'est abaissé... C'est pourquoi, Dieu l'a souverainement élevé... ”.

Dieu lui-même est humble et discret, comme un serviteur !
“Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir”. Or, Jésus qui déclare cela est le Fils du Père, l'Image parfaite du vrai Dieu, “le resplendissement de sa gloire et l'expression de son être”. (Héb. 1, 3).

Si, par son attitude, par tout son être, Jésus nous révèle le vrai Dieu, cela ne doit-il pas corriger certaines idées trop humaines que nous nous faisons souvent sur Dieu, sur sa puissance, sa gloire, en prenant ces termes en un sens trop humain ? N'y aurait-il pas en Dieu quelque chose qui ressemblerait à la discrétion, à l'humilité du serviteur dont a fait preuve Jésus, Fils de Dieu?

Car ce qui est premier en Dieu, dans la pensée de Jésus, ce n'est pas sa toute-puissance comme on l'entend habituellement, c'est bien plutôt la puissance de son amour, sa tendresse pour ses créatures, sa discrétion et son respect pour chacun de nous. Jésus ne s'est jamais imposé comme un maître ; de même, ne nous étonnons pas que Dieu ne s'impose pas à nous, qu'il ne nous éblouisse pas de l'éclat de sa gloire, du moins habituellement.
Admirons au contraire sa délicatesse, sa discrétion, à quel point il respecte nos libertés, à quel point il veut nous laisser pleinement libres de nous attacher à lui ou de le refuser. Il nous appelle à l'aimer librement, tout en nous aidant si nous le désirons, tout en se mettant au service de notre liberté. N'est-ce pas cela qu'on appelle la Grâce ? - Dieu qui se fait notre serviteur pour nous aider, nous éclairer, nous guider, dès que nous faisons appel à lui.

Et cela même, il le fait toujours avec discrétion, sans prendre notre place, sans briser nos décisions personnelles ; il nous fait signe, et ses signes, habituellement, n'ont rien de fulgurant, pas plus que l'étoile des Mages, pas plus que le Nouveau-né dans l'étable de Bethléem, pas plus que ce bruit d'une brise légère qu'entendit un jour le prophète Elle sur la montagne de Dieu, à l’Horeb.

Et Jésus nous laisse même entendre qu'à la fin des temps, “Dieu lui-même prendra la tenue de travail, fera mettre à table ses propres serviteurs, et passera pour les servir”. (Lc 12, 37).

L'Église n'est pas faite pour dominer, mais pour servir.
“Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir”. Si ce fut là la ligne de conduite de Jésus, ce doit être aussi la ligne de conduite de l'ÉGLISE.

Le monde n'est pas au service de l'Eglise, mais c'est l'Église qui doit être au service des hommes, comme l’a rappelé le pape Benoît XVI aux membres du Synode romain. L’Eglise doit être servante, comme le Christ lui-même a été serviteur. Elle n'est pas faite pour dominer, mais pour servir. “Ceux qu'on regarde comme chefs des nations, disait Jésus, commandent en maîtres... Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand, qu'il se mette à servir…”.

Mais quel service l'Église doit-elle rendre aux hommes ?    
Tout simplement, leur révéler Jésus-Christ ! C'est là le plus grand service que l'Église puisse rendre aux hommes, car en lui est le secret de la vraie vie, de l’Amour, du véritable Amour, celui qui part du cœur de Dieu révélé en son Fils, Jésus Christ. “L’évangélisation, a dit encore le pape Benoît XVI lors de l’inauguration de l’“Année de la foi“, l’évangélisation c’est le feu de l’Amour (divin) qui se propage !

En cette “Année de la foi“, proclamons par toute notre vie que la foi en Jésus peut apporter une grande lumière au monde qui cherche son chemin souvent dans le brouillard.
Ce chemin vers la vraie vie, Jésus l'a suivi le premier : et nous savons qu'il passe par la croix, c’est-à-dire par la lutte contre la course à l'argent, l'orgueil, le mensonge, la violence, la haine. Comme l’ont plusieurs fois souligné les Pères du Synode, à Rome, après le pape lui-même, ce chemin est un appel à la sainteté adressé à tout évêque comme à tout simple chrétien, a-t-on encore ajouté avec l’humour de l’humilité !

L'Église doit donc avoir une mentalité de servante ; elle est l'épouse de Jésus-Christ qui a pris la condition de serviteur. Elle est doit imiter sans cesse la Vierge Marie, la servante du Seigneur, la servante de ses frères. Benoît XVI sollicite chaque chrétien, en cette année de la foi, à prier Notre-Dame, avec le chapelet (le Rosaire) à la main.  Ainsi, dit-il, “soyons à l’école de Marie, modèle de foi, étoile de l’évangélisation !“. Sachons puiser notre force, à l’exemple de Marie au pied de la croix s’il le faut, dans la foi au Christ, vainqueur de la mort et du péché, au Christ qui a dit : “Je ne cherche pas ma propre gloire !”. Il ne voulait, au prix de sa vie humaine, que révéler l’Amour du Père pour tout homme !

Etre d’humbles serviteurs !
Face aux grandes questions actuelles de notre monde, avouons simplement que la foi ne nous donne pas des réponses toutes faites, pas plus sur le meilleur régime politique que sur la manière idéale de résoudre une crise économique.
Cependant avec les hommes, nous cherchons, mais toujours dans la confiance, l'espérance et l’amour, clef de toute évangélisation… Il nous faut être avec nos frères…, comme Jésus l’était, a encore rappelé Benoît XVI, auprès des deux disciples sur leur route d’Emmaüs. Etre avec tout homme dans la “joie de l’Amour“, a dit le Cal Barbarin…

Et si nous pensons que nous n’avons pas toujours, selon les circonstances de nos vies, les moyens apparents d’être serviteurs de l’évangélisation, il reste toujours le témoignage de la prière. “Le premier moyen de l’évangélisation, a dit le pape, c’est la prière !“.  Car les apôtres n’ont pas bâti l’Eglise en “élaborant une constitution“, mais en se rassemblant pour prier dans l’attente de la Pentecôte ! Et l’Archevêque de Cracovie, l’ancien secrétaire du pape Jean-Paul II, de proclamer dernièrement à Rome : “L’évangélisation part du dialogue de l’homme avec le cœur miséricordieux de Dieu. L’évangélisation, c’est d’abord un cœur à cœur !“. Et le primat anglican Roman Williams, présent lui aussi à Rome, d’ajouter : “La contemplation est la clé de l’annonce de l’évangile !“.- “Etre devant Dieu pour tous !“, disait Ste Thérèse-Bénédicte de la Croix, Edith Stein ! C’était la grande intuition de Thérèse de Lisieux, patronne des missions.

Ne prétendons pas être le levain dans la pâte, ni la graine dans la terre. C'est Dieu lui-même qui est levain et semence. Nous, nous sommes serviteurs du Royaume, pétrisseurs et semeurs. “Sel et lumière, tel est le rôle que nous propose Jésus. Donner du goût au présent, et éclairer l'avenir”, de tout notre cœur, mais sans prétention, à la manière d'un “bon et fidèle serviteur !“.

vendredi 19 octobre 2012

St Luc


18 Octobre   -   

Je me dois d’être court ce soir, en cette Eucharistie inhabituellement tardive !
Mais je me dois aussi de rendre hommage à St Luc que j’affectionne particulièrement !
Je soulignerai rapidement deux aspects de sa personnalité qu’il est toujours profitable de méditer.

- Il a chanté, tout au long de son évangile, l’amour de Dieu, la grande bonté de Dieu à l’égard de l’homme. C’est à lui que nous devons la célèbre parabole : “Un homme avait deux fils…“ (15.11).
- Païen converti, il avait certainement fréquenté les “grandes écoles“ comme l’on dit, les universités(La Tradition dit qu’il était médecin et même peintre !). Il maniait la langue grecque avec grande dextérité et pureté pour bien suggérer les sentiments du cœur du Christ, et aussi les sentiments d’un cœur de chrétien envahi par la charité et la force de l’Esprit Saint.
- Il le faisait parfois non sans humour mais toujours avec grande délicatesse, une délicatesse, a-t-on dit, presque féminine. Ne l’a-t-on pas appelé “l’Evangéliste des femmes“ ? (Cf par exemple l’épisode de Lydie dans les Actes !)
- En tous les cas, c’était le parfait “kallosagathos“, le parfait gentleman, l’“honnête homme“ au sens du 17ème siècle. Il avait la manière très aimable de présenter même les exigences de la vocation du baptisé…

- Et - deuxième caractéristique - il a chanté magnifiquement la jeunesse de l’Eglise par son second écrit : les “Actes des Apôtres“.
- Il nous montre la rapide expansion de l’Eglise en Samarie et sur la côte méditerranéenne, avec St Pierre notamment…, et jusqu’à Antioche d’où sans doute il était originaire.
- Tout en démontrant l’action de l’Esprit Saint qui soufflait comme un vent du large gonflant les voiles des navires et les cœurs des premiers missionnaires, il insistait sur l’importance de la prière pour être véritable témoin du Christ.
- Au cours de sa seconde mission, St Paul le prit avec lui, quelque temps ; et Luc sut relater les actions de ce grand missionnaire (pas toujours facile peut-être, en rapport à sa finesse, sa délicatesse et sa sensibilité).
- Paul, plus tard, le retrouva à Philippes et devait le garder auprès de lui.
- Quand Paul eut été exécuté à Rome, Luc quitta la ville. Et, dès lors, nous perdons sa trace. La tradition - avec Grégoire de Nazianze notamment - affirme qu’il fut martyr pour la foi en Jésus Christ.

Le message de Luc est un message de salut, de miséricorde, de pardon. Selon le mot de Dante, Luc est le “scribe de la mansuétude du Christ“.

Mais si son Dieu semble bon jusqu’à la faiblesse pour le pécheur, c’est pour réaliser son redressement qui ne peut pas ne pas être pénible. Point de guérison sans renoncement : “Quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut être mon disciple“ (14.33). Luc, ami du parfait humanisme, nous invite aimablement mais fortement à la conversion persévérante et toujours actuelle, aujourd’hui, demain et jusqu’au jour final où - nous l’espérons - nous entrerons définitivement pour les noces éternelles dans le Royaume de Dieu.