vendredi 30 novembre 2012

Saint André !


30 Novembre   -    

Il faut le souligner : Nous fêtons aujourd’hui le premier des appelés par Jésus, André ! Avec Jean, il était un des disciples de Jean-Baptiste qui désigna Jésus qui passait près de lui comme l’“Agneau de Dieu“ (Jn 1.36sv). André et Jean suivirent Jésus aussitôt ! Et celui-ci, se retournant, leur demanda : “Que cherchez-vous ?“.

Cette interrogation du début de l’évangile de Jean, est, pour ma part, fort émouvante : elle forme une inclusion avec la fin du récit de Jean où Jésus ressuscité demande à Marie de Magdala : “Qui cherches-tu ?“ (Jn 20.15).
“Que cherchez-vous ?““Qui cherches-tu ?“.
- Aux deux disciples, Jésus leur dit : “« Venez et vous verrez ! ». Ils allèrent donc ; ils virent où il demeurait ; et ils demeurèrent avec lui…“.
Et à Marie de Magdala, Jésus précise qu’il monte vers son Père et vers notre Père, vers son Dieu et vers notre Dieu !
- André, après avoir demeuré avec Jésus, alla “trouver son frère Pierre et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie ! »“.
Marie de Magdala, elle, va trouver les disciples de Jésus pour leur dire : “J’ai vu le Seigneur. Voici ce qu’il m’a dit !“.

C’est tout le thème de toute rencontre - baptismale, religieuse… - avec le Seigneur : le chercherdemeurer avec lui – puis l’annoncer, le proclamer… !

Ainsi, André va proclamer à son frère Simon : “Nous avons trouvé le Messie !“. “Eurèkamen !“ : “Nous avons trouvé !“ - Chose amusante : c’est le même verbe employé par Archimède qui sort de sa baignoire, ayant trouvé le principe hydrostatique. “Eurèka !““J’ai trouvé !“. “Eurèka !“ : c’est l’enthousiasme. “Eurèka !“ : Le Messie !  Puisse notre foi dire toujours : “Eurèka !“

Et tout naturellement, “André amena Simon à Jésus !“ qui lui dit : “« Tu es Simon, le fils de Jean ; tu seras appelé Kephas », ce qui veut dire Pierre“. Quand on change de nom dans la Bible, c’est tout un programme de vie. Aussi est-il bon de remarquer ici que Simon-Pierre va devenir le “chef des apôtres“, lui qui, pourtant, avait été amené à rencontrer Jésus par l’intermédiaire de son frère André !...

Il en est souvent ainsi dans la genèse de bien des vocations. On pense à l’un… et c’est l’autre qui est appelé. C’est le libre choix de Dieu qui parfois étonne notre jugement rationnel bousculé par un aspect apparent d’injustice…, d’un manque de discernement !
Ce n’est pas Esaü qui est choisi pour devenir “Israël“. C’est Jacob qui deviendra “Israël“, Jacob, ce “Tordu“ - c’est la signification de son nom -, qui, après avoir volé de droit d’aînesse de son frère, a accompli pas mal de coups tordus ! Les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées !
Regardez encore le groupe des apôtres : Jacques et Jean surnommés “fils du tonnerre“ ; ce ne devait pas être tous les jours facile avec ces fougueux… Simon, “le zélote“, un politique, celui-là, à coup sûr ; avec lui, valait mieux éviter certaines conversations ! Judas, “Iscariote“, pas très recommandable, finalement, celui-là ! Nous aurions fait, sans doute, d’autres choix ! Plus sûrs, évidemment !
Je crois que c’est Marie qui, “méditant en son cœur“, dit St Luc, a trouvé le principe des choix de Dieu qui, chante-t-elle, “disperse les orgueilleux et élève les humbles, renvoie les riches et comble les affamés“, etc…

Ceci dit sans pour autant, bien sûr, affirmer qu’André était un homme orgueilleux ou riche, mais pour souligner que les choix de Dieu peuvent étonner parfois !

Puis, Jésus rencontre Philippe qui, lui aussi, était de Bethsaïde, ville grecque. André et Philippe parlaient grec. Vous connaissez la petite scène où des Grecs qui, voulant faire la connaissance de Jésus, s’adressent à André et Philippe.  Voyez : parler plusieurs langues, c’est quand même utile pour l’évangélisation !

Et ce sera ensuite Philippe qui parlera de Jésus à Nathanaël. C’est la puissance de la prédication, de la transmission de la foi. Car tous disent, à n’en point douter : “Eurèkamen !“ –“Nous avons trouvé le Messie !“ - “Eurèka !“. Jésus est vraiment pour eux, si je puis dire, la “trouvaille“ essentielle de leur vie !

Aussi, très rapidement, près du lac de Génésareth, Jésus appelle André et Pierre et leur dit : “Venez à ma suite ; je vous ferai pécheurs d’hommes !“. Les premiers apôtres !

Nous le savons : l’homme est sauvé par la foi en Jésus… “Si tu crois…“, disait souvent Notre Seigneur. Mais, pour croire, il faut avoir reçu la “Bonne Nouvelle“. Et pour recevoir la “Bonne Nouvelle“, il faut que le Christ ait envoyé un messager ! C’est ce que souligne St Paul, dans la lecture, à sa manière. Il s’exclame : “Comme il est beau de voir courir les messagers de la Bonne Nouvelle !“.

Dans son culte, l’Eglise romaine a toujours fait une place de choix à celui qu’elle présente en ces termes : “André, serviteur du Christ, digne apôtre de Dieu, frère de Pierre et son compagnon dans le martyre“. (Ant. Mgt). En effet, si l’on en croit certains récits, les deux frères auraient subi le même mode de supplice. André aurait été crucifié à Patras (Grèce) en présence du peuple, comme Pierre le fut à Rome dans le cirque de Néron.

L’Eglise de Constantinople a choisi pour patron l’Apôtre André en qui elle salue “le premier appelé“. Aussi les deux “Eglises-sœurs“ (Constantinople et Rome) ont-elles voulu faire de l’icône du “Baiser de Pierre et André“ l’image de leur marche vers l’unité. C’est cet icône que le Patriarche Athénagoras 1er remit au pape Paul VI lorsqu’ils échangèrent le baiser de la réconciliation sur le Mont des Oliviers, le jour de l’Epiphanie 1964.

Aussi prions à cette intention, en union avec nos frères orthodoxes, prions avec la simple et belle oraison du jour : “Permets, Seigneur, que l’Apôtre St André, après avoir évangélisé et guidé ton Eglise, ne cesse d’intercéder pour nous !“.

jeudi 29 novembre 2012

Anéantissement de “Babylone“ !


34 T.O. Jeudi 12/B -        (Apoc 18.1sv).

La lecture d’aujourd’hui est assez longue - même si elle n’est qu’un abrégé du chapitre 18ème de l’Apocalypse de St Jean - ; elle mériterait amples explications. Je me bornerai donc, dans le cadre d’une Eucharistie, à quelques réflexions seulement.

“J’ai eu encore une vision, dit St Jean ! Un autre ange descendit du ciel… !“. Comme précédemment, l’apparition de cet ange signifie une “intervention“ particulière de Dieu. 
Et cet “autre ange“ proclame la destitution, l’anéantissement de Babylone, de toutes les “Babylones“ qui ne sont que des “repaires de démons“, des “repaires de chacals“, dira Jérémie qui précisera que le temple de Jérusalem lui-même est devenu un “repaire de bandits, de brigands“, expression que Jésus reprendra lui-même en chassant les vendeurs du temple. Et Job de préciser que le “repaire de brigands“, c’est tout lieu “où l’on ignore Dieu !“ (Jb 18.21).

Et cela est à méditer grandement. Le “repaire de brigands“ - toute la Bible le crie -, c’est le lieu où l’homme se met à la place de Dieu et où il proclame orgueilleusement : “Je suis roi, je suis reine !“ (Apoc 18.7). A cause de son orgueil démentiel, toute “Babylone“ (même un temple comme celui de Jérusalem) sera châtiée.

Et si ce châtiment est souvent présenté comme l’action de “la colère de Dieu“ lui-même, ce châtiment résulte avant tout et surtout du fait que Dieu abandonne l’homme à son orgueil démesuré, à son égoïsme, à ses passions. “La colère de Dieu“ n’est rien d’autre que le fait que Dieu laisse faire, qu’il laisse faire la liberté de l’homme à toujours respecter, qu’il laisse faire ses forces de destruction, alors qu’il aurait voulu le sauver par amour.

En considérant Babylone et toutes les “Babylones“ qui étalent leur audace orgueilleuse à travers les siècles, il n’est qu’un seul mot qui résonne et lance une recommandation que notre lecture, déjà assez longue, ne transcrit pas : “Sortez !“. - “Sortez, o mon peuple, sortez de cette cité de peur de partager les fléaux qui lui sont destinés !“ (18.4). Sortez comme Noé est sorti du monde perverti en entrant dans l’arche…, sortez comme Lot est sorti de Sodome,… comme les Hébreux sont sortis d’Egypte… etc. Et le chrétien, s’il doit rester dans le monde, n’est pas de ce monde (Cf. Jn 17.16). Il lui faut en sortir… ! N’est-ce pas tout le sens de la vocation baptismale, de toute vocation religieuse ?

Bossuet avait bien compris cela, lui qui, dans son panégyrique sur St Benoît, s’écriait magistralement : “Toute la doctrine de l’Evangile, toute la discipline chrétienne, toute la perfection monastique est entièrement renfermée dans cette seule parole : « Egredere – Sors ! ». La vie du chrétien est un long et infini voyage durant le cours duquel, quelque plaisir qui nous flatte, quelque compagnie qui nous divertisse, quelque ennui qui nous prenne, quelque fatigue qui nous accable, aussitôt que nous commençons à nous reposer, une voix s’élève d’en-haut qui nous dit sans cesse et sans relâche : « Egredere – Sors ! », et nous ordonne de marcher plus outre. Telle est la vie chrétienne, et telle est, par conséquent, la vie monastique. Car qu’est-ce qu’un moine véritable, un moine digne de ce nom, sinon un parfait chrétien ?“  (1)

Toute la spiritualité chrétienne (et monastique particulièrement) est une “sortie de soi“ vers Dieu et donc vers l’autre. Je ne m’étends pas ; mais il est curieux de constater aujourd’hui que toute conversation est souvent ponctuée par : “Moi, je dis… ; Moi, je pense… ; Moi, j’ai fait…, Moi et Moi encore… !“. C’est l’orgueilleux langage babylonien qui toujours affirme : “Moi, je suis roi… ; Moi, je suis reine…“. Alors que l’attitude du chrétien devrait toujours être une “sortie de soi“ vers son frère et surtout vers Dieu-Vérité ! Mais sachons-le : ce “Moi babylonien“ sera châtié, anéanti parce que en lui, comme en la Babylone, on aura “trouvé le sang des prophètes, des saints et de tous ceux qui ont été immolés sur la terre“ (18.24), tant le “Moi“ est haïssable parce qu’il assassine toujours ce qu’il ne trouve pas en son “Moi“ !

Oui, Babylone sera détruite ! Alors éclatera au ciel un triple “Alleluia !“. C’est le seul endroit, dans tout le Nouveau Testament, où l’acclamation “Alleluia !“ est employée. Mais son chant nous introduit dans le mystère des noces de l’Agneau : “Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau !“. “Heureux… !“ : C’est la plus grande des béatitudes !

Je terminerai par une réflexion : l’écroulement de Babylone, du monde matérialiste et sans Dieu nous engagerait-il pas à sortir de ce monde, à totalement nous “démobiliser“ par rapport à l’urgence des tâches terrestres à accomplir.
Non point ! Certes, l’apocalypse critique le mensonge qui fait des réalités terrestres des nourritures éternelles. Elle nous détourne du culte des biens matériels et de leur accumulation qui ne peuvent qu’amener injustices catastrophiques pour les hommes. L’apocalypse nous sollicite de ne pas attendre un âge d’or terrestre, et surtout pas de nos propres forces ! En ce sens elle prophétise l’autodestruction de toute entreprise de type “tour de Babel“ !
Mais l’Apocalypse nous propose aussi de nous engager dans le monde selon sa vraie finalité qui est la gloire de Dieu !
“Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice. Tout le reste vous sera donné en plus !“

(1) Bossuet aura même une audacieuse mais profonde intuition : au ciel, en Dieu lui-même, il n’y aura nul repos, nulle satisfaction d’un retour sur soi-même. Il nous sera tellement ordonné de cheminer sans relâche qu’il ne nous sera même pas permis de nous arrêter en Dieu, quoiqu’il n’y ait rien au-dessus de lui à prétendre. Il y aura toujours de nouveaux progrès à faire, Dieu découvrant sans cesse à notre ardeur de nouvelles infinités. Vouloir enfermer Dieu dans les bornes de la satisfaction de notre perfection céleste serait entreprendre de resserrer l’immensité de sa nature ! Même au ciel, il nous sera ordonné : “Egredere“… Allez sans vous arrêter, surtout pas sur vous-mêmes ! Marchez de vertus en vertus si vous voulez être dignes de voir le Dieu des dieux !

mardi 27 novembre 2012

La moisson et la vendange !


34 T.O. Mardi 12/B       -          (Apoc 14.14-19.)

Dans toute la Bible, la vie est présentée comme un combat entre le “Bien“ et le “Mal“. C’est même un drame, notre drame ! Il a commencé aux premiers jours de la Création, se déroule tout au long des exils et des calvaires des hommes. Il s’achèvera dans la gloire divine. C’est ce que St Jean décrit tout au long de son apocalypse, et principalement au cours de plusieurs visions…

Celle que rappelle notre lecture d’aujourd’hui présente un “Fils d’Homme“, comme au début du livre [“Je vis comme un Fils d'homme revêtu d'une longue robe serrée à la taille par une ceinture en or“ (1.13)].
Cette expression “Fils d’Homme“ rappelle le contexte du livre de Daniel : Les empires de la terre se sont détournés de Dieu ; ce sont comme des “Bêtes“ qui montent de la mer. Ces “Bêtes“ sont dépossédées de leur puissance, les unes après les autres lorsqu’elles comparaissent devant le tribunal de Dieu représenté sous les traits d’un vieillard ! C’est alors  qu’apparaît sur les nuées du ciel “comme un Fils d’Homme“. Il s’oppose aux “Bêtes“ comme le Divin s’oppose au Mal, au satanique. Et il entraîne avec lui le “peuple des Saints du Très-Haut“ vers la victoire, vers la gloire finale, la gloire de Dieu.

C'est en ce sens que Jésus s’attribuera ce titre de “Fils d’Homme“ ; il se révèlera ainsi comme le Messie annoncé qui vient de Dieu (des “nuées du ciel“) pour faire monter tous les hommes vers la gloire divine !

Ce “Fils d’Homme“, dans la vision décrite par le texte d’aujourd’hui porte une faucille. Car il juge, selon l’expression de Notre-Seigneur lui-même dans la parabole de l’ivraie, que “lorsque le blé est mûr, on y met la faucille, car c’est le temps de la moisson !“ (Mth 4.29). “La moisson, précisera Jésus par ailleurs, c’est la fin du monde ; et les moissonneurs, ce sont les anges !“ (Mth 4.29).

Aussi, dans l’apocalypse de St Jean, les anges sont très actifs ! Le premier invite le “Fils de l’Homme“ à moissonner !

Le deuxième ange invite à vendanger : “Vendange les grappes de la vigne de la terre, parce que les raisins sont mûrs !“.
Il faut noter que, dans la Bible, la vigne est souvent le symbole du “Peuple de Dieu“. Et Jésus se désignera lui-même comme la vigne avec le peuple “qu’il s’est acquis par son propre sang“ (Ac.20.29)“Je suis la vraie vigne, dira-t-il ; et mon Père est le vigneron“ (Jn 15.1).
Et la vendange est jetée “dans la grande cuve de la colère de Dieu“.

Notre lecture s’arrête sur cette précision. Mais il faudrait poursuivre, me semble-t-il, avec le début du verset suivant (qui termine le chapitre 14ème: “On foula la cuve hors de la cité ; et de la cuve sortit du sang… !“
L’image rappelle un très beau passage du livre d’Isaïe : Pourquoi ce rouge à ton manteau, pourquoi es-tu vêtu comme celui qui foule au pressoir ? - À la cuve j'ai foulé solitaire ; et des gens de mon peuple, pas un n'était avec moiJe regarde : personne pour m'aider ! Personne pour me soutenir ! Alors… J'ai écrasé les peuples dans ma colère, je les ai brisés dans ma fureur, et j'ai fait ruisseler à terre leur sang. (Is 63.1sv).

Ce même texte sera utilisé par St Jean un peu plus loin (19.13,15) dans la vision du cavalier blanc dont le manteau est trempé de sang. Il “foule la cuve où bouillonne le vin de la colère de Dieu“ ; il la foule “hors de la cité“, précision qui rappelle, bien sûr, la croix du Christ, plantée sur le Golgotha, hors des murs de Jérusalem !

Restons, pour aujourd’hui, sur cette image :
- Le sang répandu, c’est le sang du Christ qui étant Dieu s’est fait “Fils de l’Homme“, fils d’homme comme nous, homme parmi les hommes (qui souvent se détournent de Dieu) !
- Le sang répandu, c’est le sang des martyrs, ces fils d’hommes si unis au “Fils de l’Homme“ qu’ils en partagent le sort !
- Mais ce sang du Christ et celui des martyrs dont s’enivrent les ennemis de Dieu, les persécuteurs de l’Eglise, sera leur perte.

- Et le Christ, ce “Fils de l’Homme“ et le peuple “qu’il s’est acquis par son propre sang“ (Ac.20.29), entreront en la gloire divine, comme autrefois Moïse et le peuple qui le suivait sont entrés en Terre promise. Tous chantaient le “cantique de Moïse“.

Et nous, nous sommes invités à chanter le cantique de l’Agneau, dit St Jean :
“Grandes et merveilleuses sont tes œuvres, Seigneur … ,ô Roi des nations. Seul, tu es saint ; et toutes les nations viendront se prosterner devant toi…“.

lundi 26 novembre 2012

L'Eglise !


34 T.O. Lundi 12/B               (Apoc 14.1sv.)

Face à la “Bête“ (le démon) dont il a été question précédemment, et face à ses adorateurs, l’Agneau se dresse avec ses cent quarante quatre mille. Ils portent son nom et celui du Père écrits sur le front.
Manifestement le contraste est voulu avec la vision précédente où la “Bête“ impose à ses adorateurs “une marque sur la main droite ou sur le front“ (13.16).

Et on peut déjà conclure : le peuple de Dieu est vainqueur de la Bête ! Il a refusé de se soumettre à la propagande idéologique. C’est un peuple de “dissidents“ qui reconnaît Dieu seul comme Maître. “Le vainqueur…, j’inscrirai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la cité de mon Dieu“ ! (3.12).

Le début de notre lecture nous parle de l’Eglise sur la terre, dénombrée en tant qu’“Israël nouveau“ : Cent quarante quatre mille : Douze mille multipliés par douze (12 tribus d’Israël ; 12 apôtres) ! St Jean emploie, là, les catégories juives pour décrire l’Eglise et le Christ, l’Agneau debout sur le mont Sion, sur Jérusalem. De même que Dieu était présent au milieu de son peuple au “lieu qu’il avait choisi pour y faire habiter son Nom“, de même Jésus est présent au cœur de son Eglise.
Cette vision de St Jean - l’Agneau debout avec les cent quarante quatre mille, après la vision de la “Bête“ et de ses adorateurs -, nous permet de porter un regard en profondeur sur l’invisible au-delà du visible. Sous une apparence de défaite, de faiblesse, de mort, l’Eglise persécutée est unie au Christ crucifié et ressuscité, à l’Agneau debout ; et elle est victorieuse avec lui !

Les versets suivants nous font passer à l’Eglise céleste, car il n’y a qu’une Eglise, celle du ciel et celle de la terre. L’Eglise persécutée sur la terre est unie au Christ ressuscité ainsi qu’à l’Eglise glorieuse du ciel.
Et cette Eglise céleste est rassemblée dans la louange. On y chante le cantique nouveau déjà mentionné au ch. 5ème (8-9), le cantique de la rédemption. Le cantique de Moïse qui chantait la libération d’Egypte n’était qu’une annonce de ce cantique de l’Eglise qui chante sa libération du péché et de la Bête !

Sur la terre, seuls les chrétiens fidèles, et parmi eux les martyrs, peuvent chanter ce même cantique. C’est dire qu’ils sont destinés à la gloire, parce qu’ils ont été touchés par la croix.

L’Apocalypse nous présente une nouvelle fois les martyrs comme les grands vainqueurs destinés à partager la gloire de l’Agneau, aussitôt leur sacrifice consommé.
Ils sont les rachetés de la terre“, les “rachetés d’entre les hommes“ (v/4), rachetés, par le sang du Christ, propriété du Christ.
Ils portent son nom sur le front et suivent l’Agneau partout où il va“, expression bien johannique pour dire qu’ils sont disciples de Jésus et de Jésus crucifié.
Ils sont “vierges(V/4) - non pas spécialement d’une virginité physique -, mais de la virginité spirituelle, de l’intégrité et de la fidélité de l’Eglise qui se garde de toute contamination avec l’idolâtrie du monde. Les prophètes n’avaient-ils pas comparé très souvent l’idolâtrie à un adultère envers Dieu, une prostitution ?
Et encore : “dans leur bouche, point de mensonge“ : dans l’Ancien Testament, le mensonge désigne souvent la religion des faux dieux.
Ils sont irréprochables ou encore “immaculés“ selon la traduction du mot grec en Ephésiens (1.4). Ce qui souligne qu’ils ne se sont pas hissés par leurs propres forces au-dessus de l’impureté générale, mais qu’ils ont correspondu à la grâce de Dieu.
Enfin les cent quarante quatre mille sont “des prémices pour Dieu et pour l’Agneau. Cette dernière qualification implique l’idée d’une vie offerte en sacrifice. Les prémices sont la partie la plus précieuse de la récolte ; ce sont les premiers fruits, ceux que l’on offre à Dieu !

St Jean regarde ses frères comme un peuple destiné au martyre. Ils se trouvent au point de départ d’une multitude de chrétiens fidèles, comprenant de nombreux martyrs dans l’avenir de l’Eglise.

Soyons nous-mêmes de ces chrétiens qui “suivent l’Agneau partout où il va“, c’est-à-dire jusqu’à la croix s’il le faut.

Nous devrions toujours nous préparer au martyre comme conséquence normale et possible de notre témoignage d’une “nouvelle évangélisation“ comme au temps de St Jean.

La vie monastique n’a-t-elle pas été comparée à une vie de martyr, à condition de n’être pas une vie repliée frileusement sur elle-même, avec la supposée sécurité de ses règles et croyances propres. C’est la tentation de tout chrétien dénoncée très souvent par le Christ lui-même.

C’est ainsi que nous pourrons chanter - et jubiler - avec le “cantique toujours nouveau“ !

dimanche 25 novembre 2012

Christ Roi !


Christ-Roi 12/B  -

 Dans le prétoire de Jérusalem, deux hommes se font face : le proconsul de la Rome impériale dont la puissance fait trembler toute la terre ; devant lui, un Galiléen, d'aspect misérable, un prophète abandonné de ses partisans et rejeté par les chefs religieux de sa nation. De son visage tuméfié par les coups, de sa digne attitude émane cependant une noblesse dont Pilate subit l'ascendant.
"Ainsi, tu es roi ?" lui demande le gouverneur. 
Et Jésus de répondre simplement : "Tu dis bien, je suis roi !".  

D’après St Jean, dès le début du procès, on a l'impression que les rôles sont renversés : c'est l'accusé qui juge, tandis que le juge hésite et s'excuse ; c'est en somme Pilate qui comparaît devant Jésus. Le Sauveur ne se départit pas de son calme, de sa dignité ; Pilate au contraire s'agite, s'affaire : il consulte les Juifs, interroge le peuple. Même enchaîné, Jésus est libre comme un roi ; Pilate est un esclave, écartelé entre sa conscience et ses intérêts, intrigué par cette réponse indéchiffrable de l'accusé : "Ma royauté ne vient pas de ce monde...  Je suis venu en ce monde pour rendre témoignage à la vérité !"  

Deux royautés, en effet, sont en présence, inconciliables : la royauté de la terre, avec le prestige des armes et de la richesse, et la royauté des âmes, qui ne dispose d'aucune autre force que celle de la vérité.
Mais que peut ce Roi inoffensif contre les puissances d'ici-bas ? Ainsi, Pilate le livre à la crucifixion en se lavant les mains.

Or, quelques semaines plus tard, cinq mille habitants de Jérusalem se serrent derrière Pierre et les apôtres, déclarant que Dieu a ressuscité Jésus de Nazareth d'entre les morts, et que le monde n'a pas et n'aura jamais d'autre sauveur que lui. C'était bien lui, le Roi !
 
Nous voici à plus de deux mille ans de ces événements. La scène s'est considérablement élargie. Les cinq mille premiers chrétiens sont devenus près du tiers du genre humain qui confesse la Royauté du Christ.
Sur un champ autrement plus vaste que le prétoire de Pilate, l'affrontement se poursuit entre les puissances du monde et le christianisme : celui-ci persistant à affirmer que le Christ doit régner sur la terre, celles-là répliquant que l'humanité n'a pas besoin de lui, qu'il a fait faillite, qu'après vingt siècles il n'a pas réussi à établir la justice, la paix et que la science doit prendre la place de la foi. 
Et pourtant la parole du Christ demeure : "Je suis roi, mais ma royauté ne vient pas de ce monde".  

Cette parole du Seigneur contient deux affirmations catégoriques :
- D'une part : "Je suis roi". Après sa résurrection il dira à ses apôtres : "Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre. Allez… Faites des disciples dans toutes les nations, jusqu'au bout du monde". L'ordre est formel et renferme la promesse du succès. Le règne de Dieu se développera à la façon d'un grain de sénevé. Cette promesse se réalise de plus en plus et se réalisera.
- D'autre part, la royauté du Christ "ne vient pas de ce monde". Sur la manière dont se propagera le christianisme, aucun programme n'a été arrêté. L'Esprit-Saint y pourvoit selon les circonstances. Ce qui a été prévu en revanche, c'est que les disciples et les prédicateurs de l'Évangile rencontreront la contradiction, les mauvais traitements, les haines injustes, la prison et la mort. 
L’affrontement du prétoire de Pilate se poursuit de siècle en siècle.

Ces deux affirmations de Jésus sont aussi certaines l'une que l'autre : le progrès de l'Evangile sur la terre et l'opposition du monde à l'Evangile. St Jean, surtout, le soulignera fortement. Si nous acceptons la première, la seconde ne saurait nous effrayer : elles se concilient si l'on n'oublie pas que la Royauté du Christ n’est pas de ce monde, alors même qu’elle doit être vécue dans le monde par le témoignage des chrétiens !  

 Le christianisme n'a pas à chercher des triomphes sur le plan terrestre, dans l'ordre temporel. Ce n'est pas son rôle. Sans doute, on soulignera l'influence, au cours des siècles, de certains rois ou chefs d'Etat chrétiens. Certes !  Mais un grand historien, béatifié par Jean-Paul II en la cathédrale de Paris, le 28 Août 1997, au cours des JMJ, Frédéric Ozanam, écrivait quelques neuf mois avant le coup d’état du 2 Décembre 1851 qui provoqua la restauration de l’Empire : "Nous n'avons pas assez de foi, nous voulons toujours le rétablissement de la religion par des voies politiques ; nous rêvons d’un Constantin qui tout d'un coup et d'un seul effort ramène les peuples vers Dieu. C'est que nous savons mal l'histoire de Constantin, comment il se fit chrétien précisément parce que le monde était déjà plus qu'à moitié chrétien, comment la foule des sceptiques, des indifférents, des courtisans qui le suivirent dans 1'Eglise, ne firent qu'y apporter l'hypocrisie, le scandale, le relâchement. Non, les conversions ne se font pas par les lois, mais par les consciences".

La royauté du Christ ne vient pas de ce monde. Lorsque le christianisme lie son sort à celui des puissances temporelles, il en partage très souvent les revers. Au contraire, lorsqu'il a été combattu par les puissances de ce monde, sa condamnation à mort lui a préparé de prodigieuses résurrections. “Le sang des martyrs, disait Tertullien, est semence de chrétiens !“. C’est donc avant tout la sainteté des chrétiens qui est la force du Royaume de Dieu ici-bas !

Jésus-Christ n'a apporté au monde ni des doctrines humaines ni des découvertes scientifiques, mais une puissance de sainteté. C'est là sa véritable Royauté qui ne vient pas du monde, mais de Dieu. Il est venu sanctifier les hommes par la foi en sa personne et l'obéissance à ses préceptes. "Quiconque est pour la vérité écoute ma voix".

Le christianisme progresse dans la mesure où il demeure lui-même face aux diverses sociétés humaines. Il ne progresse que s'il reste dans "l’ordre de la sainteté". C’est ce qu’a fortement rappelé le récent Synode des évêques à Rome. Quand le christianisme se compromet avec l'ordre temporel, il perd aussitôt quelque chose de sa pureté, il en est amoindri, altéré, défiguré. Finalement les hommes le rejettent, mais en réalité ils ne rejettent que ses déformations.  

Tous les révolutionnaires, les réformateurs du monde se proposent toujours de rétablir la dignité de l'homme, de détruire les servitudes, d'instaurer la fraternité, de supprimer les guerres, d'établir le règne de la paix. Mais l’erreur est d’oublier que ces principes à promouvoir sont de l'ordre de la sainteté, de la Royauté de Dieu, du Christ !  

Ainsi pour régner, Jésus n'a pas besoin d'un Constantin ou d'un Charles-Quint; il a besoin de disciples aimants, fidèles, dévoués, courageux …et saints. C'est à cette condition que nous ferons progresser la Royauté de Jésus-Christ, "qui ne vient pas de ce monde".

jeudi 22 novembre 2012

Ste Cécile


22 Novembre   -   

J’avoue n’avoir pas eu le temps de préparer la fête de Ste Cécile, patronne des musiciens, de tous ceux qui chantent, de tous ceux qui chantent le Seigneur, qui chantent pour le Seigneur ! Aussi, je vous transmettrai quelques notes prises naguère, de St Augustin principalement.

L’évêque d’Hippone affirmait : "Il prie deux fois, celui qui chante bien" !
Bien chanter !
Joseph Samson (Maitre de chapelle en la cathédrale de Dijon, naguère) tempêtait :
"Si le chant n'est pas là pour me faire prier, que les chantres se taisent !
Si le chant n'a pas la valeur du silence qu'il a rompu, qu'on me restitue le silence !"

Mais alors, comment bien chanter ? Surtout si je ne suis pas en forme (cela arrive, n’est-ce pas)  - ou - si mes compagnons, compagnes ne sont pas là pour m’aider et m’entraîner ?
. 
Saint Augustin nous répond :                    “ Chantez à Dieu le cantique nouveau !
Dépouillez ce qui est vieux, vous qui connaissez le cantique nouveau !
Homme nouveau, Testament nouveau, Cantique nouveau !
Le cantique nouveau ne concerne pas les hommes anciens.
Les hommes nouveaux sont les seuls à l’apprendre, car ils sont renouvelés par la grâce loin de leur ancien état, et ils appartiennent désormais au Testament nouveau, qui est le Royaume des Cieux. C’est pour lui que soupire tout notre amour, et qu’il chante le cantique nouveau.
Chantons le cantique nouveau non par notre bouche mais par notre vie. Chantez-lui le cantique nouveau, chantez bien.
Chacun se demande comment chanter pour Dieu. Chante pour lui, mais évite de chanter mal. Il ne faut pas blesser ses oreilles. Chantez bien, mes frères !“

Cependant, dans son commentaire du psaume 32ème, il précise :
“Qui peut oser chanter devant Dieu, lui qui juge le chanteur, à qui n'échappe aucune fausse note ?
Rassure-toi. Il t'indique la manière de chanter : Contente-toi de jubiler. Bien chanter devant Dieu, c'est jubiler.
Qu'est-ce-à-dire? Renonce à comprendre, renonce à dire avec des mots ce qui se chante dans le cœur.
Regardez ceux qui chantent : moissonneurs, vendangeurs, et les autres : leur joie s'allume d'abord avec les paroles des chansons, mais bientôt elle les envahit ; ils laissent les mots et l'on n'entend que leur seule jubilation. Musique sans paroles, parce que le cœur exprime ce qui ne peut se dire.
A qui cela convient-il mieux qu'au Dieu ineffable.  
Ineffable : tu ne peux dire ce qu'il est. Tu ne peux le dire et tu ne peux pas garder le silence. Ouvre donc ton cœur au-delà des mots pour que déborde ton allégresse plus grande que la parole“.

Ainsi donc, que toute notre vie jubile devant Dieu !

Et à toutes familles, quelles qu’elles soient, - familles qui doivent être des “Eglises domestiques“ - si menacées aujourd’hui, je forme un vœu priant :

* Familles où les enfants se sentent aimés, sont protégés et encouragés à devenir des "grands", accompagnés dans leur découverte de la vie ;
familles où l'on se chamaille, mais où éclatent aussi rires et cris de joie ;
familles où des amis viennent chercher un peu de chaleur humaine et spirituelles dans les moments de solitude...
Familles, jubilez devant Dieu et bénissez-le !

* Familles où les adolescents trouvent des limites pour se construire et des repères pour prendre leur indépendance ; où ils se sentent soutenus dans les moments difficiles.
Familles où les jeunes apprennent à devenir des adultes responsables de leur vie, où ils sont reconnus et aimés tels qu'ils sont, même si les chemins qu'ils choisissent sont différents de ceux de leurs parents...
Familles, jubilez devant Dieu et bénissez-le !

* Familles où les parents s'épanouissent dans une vie équilibrée entre travail extérieur et présence au foyer ; où chacun sait prendre du temps pour soi et du temps pour l'autre.
Familles où un dialogue ouvert permet à l'amour de grandir toujours plus.
Familles non pas repliées frileusement sur elles-mêmes, mais ouvertes, prêtes à accueillir l'autre...
Familles, jubilez devant Dieu et bénissez-le !

* Familles où les Anciens ont leur place, où ils connaissent le bonheur de voir grandir leurs petits-enfants, de leur donner le temps que les parents n'ont pas toujours ;
familles où chacun s'enrichit de la présence des autres...
Familles, jubilez devant Dieu et bénissez-le !


Implorons Ste Cécile. Avec elle, que toutes les familles de la terre, quelles qu’elles soient, puissent “bien chanter“ par toute leur vie, le “cantique nouveau“ afin que le cœur de chacun puisse toujours jubiler devant le Seigneur !

mercredi 21 novembre 2012

Présentation de Marie au Temple


21 Novembre        

En 543, on fit, à Jérusalem, la dédicace de la basilique Sainte-Marie-la-Neuve, érigée sur la colline de Sion, face à l’esplanade du temple. Les Eglises d’Orient ont rattaché à cette dédicace le souvenir de l’“Entrée au Temple de la Vierge Marie“ que rapportent certains récits anciens. (1)

Même si, historiquement, on peut douter de la “Présentation de Marie au temple“, cet évènement supposé - qui n’était pas d’ailleurs d’une stricte obligation religieuse en Israël - peut être regardé comme un corollaire de convenance à toutes les venues du Seigneur au temple de Jérusalem.

- Si Jésus fut présenté au temple comme prémices de sanctification pour tous les hommes, Marie, sa mère, ne devait-elle pas, elle aussi, être présentée au temple comme “Première sanctifiée“, “Première consacrée au Seigneur“ ? “Elle occupe, dit le Concile Vatican II, la première place parmi ces humbles et ces pauvres qui espèrent et reçoivent le salut du Christ avec confiance“ (L.G. 55).

- Si Jésus est venu au temple pour le purifier en y chassant tous les vendeurs divers qui s’y trouvaient, Marie, sa mère, ne devait-elle pas y venir, elle la toute pure, comme tout adonnée au véritable culte divin, “en esprit et vérité“ ? (Jn 4.24).

- Si Jésus annonça la destruction du temple pour le rebâtir en trois jours en son corps, Marie, sa mère, ne devait-elle pas, elle aussi, être présentée comme “le temple spirituel de la sainte gloire du Christ notre Dieu“ selon une belle expression de la liturgie byzantine. Et c’est en ce sens que Paul VI, après le Concile Vatican II, déclara Marie “Mère de l’Eglise, Temple de Dieu, elle qui fut “le sanctuaire de l’Esprit-Saint“ (Vat. II L.G. 53).


C’est ainsi que la fête de la “Présentation au temple de Marie“, la “Vierge Immaculée, Mère de Dieu“, “toujours unie à son Fils, coopérant à l’œuvre du salut à titre absolument unique“ (Vat. II AL 5) est devenue
- le symbole de la présentation à Dieu, par le baptême, de tout homme afin qu’il en soit sanctifié,
- le modèle de toute vie consacrée à Dieu par des vœux religieux,
- un appel à Marie, l’indispensable soutien des prêtres. Marie, “la Mère du Grand Prêtre éternel, la reine des apôtres“ (Vat. II VMP 18), aide grandement le prêtre à être “intimement uni au Christ, Médiateur de la nouvelle Alliance“ (Id).

Marie, encore enfant, ne se doutait pas des effets de sa consécration plénière à Dieu : être “la Mère du Fils de Dieu !“. Peu à peu sans doute, et surtout au jour de l’Annonciation, elle en prit conscience.
Comme toute juive, elle lisait les Ecritures, les méditait et reconnaissait ainsi que les événements de sa vie étaient comme déjà inscrits, annoncés par les Livres Saints. Son “Magnificat,“ rempli de citations bibliques, le prouve suffisamment… !


Marie méditait… et reconnut ainsi en son propre Fils la “Sagesse éternelle de Dieu“ dont il est question dans la lecture de ce jour.

La SAGESSE, dans l’Ancien Testament, est en quelque sorte personnifiée. C’est une créature.  Mais, c’est une créature qui existe avant la création du monde : “Le Seigneur m’a créée au commencement.
“Commencement“ ! Il me plaît (après ce que j’ai dit lundi à propos de l’Apocalypse), de souligner que c’est le même terme qui est employé au début du livre de la Genèse : “Au commencement, quand Dieu créa…“. - Au commencement du “premier“ jour, mais “premier“ (“erad“ en hébreu) au sens de UN, de “unique“, comme si l’écrivain ne savait pas qu’il y aura un second, un troisième jour…  etc. C’est l’“Unique“ jour, le Jour Unique de Dieu, le Jour éternel…, ce jour qui sera manifesté au “Jour de la résurrection“ ! 
Ainsi la révélation de la Sagesse dans l’Ancien Testament “frôle“, si je puis dire, la révélation du Nouveau Testament, même s’il y a un dépassement considérable : “Au commencement était le Verbe…, dira St Jean ; et le Verbe était Dieu !“.

Cette Sagesse inspire Dieu créant le monde au “Jour unique“, au jour éternel de Dieu ! Et lorsque le monde est créé, elle vient converser avec les enfants des hommes.
Et dans un autre livre (Siracide), “la Sagesse a bâti sa maison… Elle a préparé un festin“. Et sa maison  est celle de Jacob ; elle est bien plantée ici-bas et s’élève très haut vers le ciel (Cf Sir 24.8), comme l’échelle du patriarche (Cf Gen 28) qui s’écrit alors : “Dieu est dans le lieu ; et je ne le savais pas !“ (Gen 28.16). Le “festin“ de Dieu… Le “Lieu“ de Dieu…  Faisons “action de grâces“ ! Faisons Eucharistie !

Et Il est facile encore de penser - et c’est la raison du choix de ce texte - à la demeure de Dieu parmi les hommes, à la Vierge Marie, Mère du Christ, Mère de l’Eglise, demeure de Dieu pour les hommes… qui unit ciel et terre.

St Jean a bien compris tout cela en commençant sa première lettre :Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, vu, … contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ; - car la Vie s'est manifestée : nous l'avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue - ...ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Tout ceci, nous vous l'écrivons pour que notre joie soit complète".

(1) – Pro-évangile de Jacques (2ème s. ?) – Evangile du pseudo-Matthieu 6ème s. ?)

lundi 19 novembre 2012

Apocalypse !


33 T.O. Lundi 12/B       -           (Apoc 1.1sv.)

Pour beaucoup, le style “apocalypse“ paraît étrange, déconcertant ! Pourtant, le mot “apocalypse“ (“apocaluptein“) signifie : “lever un coin du voile“ !
Et pour “lever le voile“, il faut faire “jouer“ sa mémoire : on interroge le passé pour mieux discerner l’avenir. “Sans mémoire, il n’y a pas d’avenir“, disait Elie Wiesel. Et Dom Guéranger affirmait que seuls ceux qui regardent le passé sont capables d’envisager l’avenir !

Encore faut-il bien mener ce “jeu“ de la mémoire ! Comme dans tout “jeu“, il y a des règles !

- Les religions dites “naturelles“ ont en général une mémoire “cyclique“, comme la terre qui sans cesse tourne autour du soleil : “ce qui a été, c’est ce qui sera. Ce qui s’est fait se fera ! Rien de nouveau sous le soleil !“, disait le pessimiste Ecclésiaste (Qo. 1.9). En cette dialectique, on interroge le passé pour prévoir un avenir identique, puisque tout tourne en rond !

- D’autres religions ou théories encore actuelles entretiennent des nostalgies pour un passé révolu, un “âge d’or“ en quelque sorte. Le temps est alors regardé comme un facteur de dévaluation qui doit aboutir à un anéantissement… En regardant le passé, on affirme que tout va vers sa perte ! Et l’on va en s’indignant : “Où va notre terre ?“. – Savez-vous que certains prédisent la fin du monde au 21 décembre prochain… !

 - Dans la Bible, il y a toujours comme un “progrès“ qui se manifeste tout au long de l’histoire qui se déroule. Pour autant, il ne faudrait pas trop simplifier avec certaines théories sur le temps de l’histoire en lequel, si je puis dire : « Grand “T“ égale petit “t“ plus 1 ». C’est un peu plus compliqué que cela !
+ Certes, on constate, en regardant le passé, qu’il y a un “progrès“ du “Bien“,  qui englobe le “bien matériel“ même si nos sociétés de consommation en abuse !
+ Mais, on constate encore, et malheureusement, qu’il y a aussi un “progrès“, une progression dans le “Mal“ !
+ Et, comme dans la parabole de l’ivraie, le “Bien“ et le “Mal“ croissent en même temps de sorte que, souvent, si l’on veut arracher l’ivraie - le mal -, ce n’est pas sans dommage pour le bon grain - le bien  - ! On pourrait trouver de récents exemples historiques, surtout au Moyen-Orient !
+ Aussi, faut-il attendre ! - Et c’est là que le style apocalyptique a toute sa place ! - !l faut attendre et atteindre aussi le “temps du discernement“, à l’aide, comme on l’a dit, des “signes du temps“ qui surgissent du passé pour mieux orienter l’avenir. Savoir discerner dans le temps du vieillissement, de la dégénérescence, le temps d’une naissance, d’une re-naissance.

Dans la rhétorique apocalyptique, nous ne vivons pas dans un temps donné, mais dans plusieurs temps à la fois, dans un “mélange de temps“ : temps du Bien et temps du Mal, temps de discernement en vue d’un temps de plénitude… ! Aussi, St Pierre avait raison d’affirmer : “Il y a une chose que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur un seul jour est comme mille ans ; et mille ans comme un seul jour“ (2 Pet 3.8). Aussi en conclut-il que le Seigneur n’a pas de retard à notre égard comme certains l’affirment… Il est toujours là en son jour millénaire, son jour éternel ! Il veut simplement faire preuve de patience envers nous en vue de notre totale conversion ! (Cf. 2 Pet 2.9).
Ainsi donc, en ce “mélange des temps“ qui peut parfois obscurcir notre vision, il y a toujours une force d’avenir. “C’est pourquoi, dit St Paul, nous ne perdons pas courage. Et même si en nous, l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour“. Car “notre objectif n’est pas ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas. Ce qui se voit est provisoire ; ce qui ne se voit pas est éternel“ (2 Co. 4.16).

C’est dans cette perspective que le langage apocalyptique trouve toute sa place ! ll y a le “temps du Bien“ ; et il y a le “temps du Mal“. Et il  y a encore le “temps du discernement“ qui nous fait percevoir le “temps final“ de la plénitude“. Et tous ces “temps“ se combinent s’intègrent, se conjuguent dans une sorte de musique “Apocalypse now“. Peut-être, finalement, il n’y a que la musique, une symphonie, qui soit capable de véhiculer la richesse d’une telle complexité. Et dans une telle œuvre musicale, ce sera toujours l’optimisme qui sera l’accord final !

Je ne voudrais pas m’attarder. Ces quelques réflexions ne sont qu’une invitation à lire l’Apocalypse écrit pas St Jean dont le “regard d’aigle“ pénètre tous les temps.

J’ajouterai cependant que ces considérations sur “le temps“ et “les temps“ ne résultent pas d’une élucubration intellectuelle, d’une vision mystique, d’un heureux songe ! Non ! Elles s’inscrivent dans le réalisme d’un vécu, le réalisme d’une histoire, celle du peuple de Dieu, ce réalisme que sait discerner le “jeu“ de la mémoire.
- Ce peuple est né alors qu’il était voué à une “servitude“(avdout“ en hébreu) mortelle. Et soudainement, il passe à une situation de “service“ (avoda) de Dieu !
- A tous moments de son histoire, il courrait, par sa faute souvent, vers sa perte. Mais Dieu, toujours, aux moments des pires malheurs, le délivrait ! Tous les psaumes sont une action de grâce à Dieu, “au Dieu de délivrance“ !
- A l’heure où le peuple allait totalement disparaître dans l’exil babylonien, voilà qu’Ezéchiel le voit renaître de ses propres ossements. Et cela arrive…
- Et on pourrait multiplier les exemples pour affirmer et crier que dans les pires malheurs et calamités, notre Dieu est un “Dieu de délivrance“. Il a moult fois délivré son peuple dans le passé ; il le fera encore pour notre bonheur ! Il faut vivre de ce “temps de Dieu“ !

Et en vivant  ces temps “apocalyptiques“ qui s’intègrent, se conjuguent, s’entremêlent…, on apprend surtout que s’il y a l’optimisme comme accord final de cette “musique des temps“, il ne faut pas se faire d’illusions. Le disciple n’est pas plus grand que son Maître, le Fils de Dieu venu “dans le temps“ ! On sait, en regardant le passé, en contemplant la vie de Jésus, que l’Eglise rejoint son Seigneur en passant par où il est passé.
Si la vie de Jésus fut un conflit entre la Lumière et les Ténèbres…, et si sa Résurrection vient sur le fond d’un Vendredi-Saint où les Ténèbres recouvrent la terre, … et que Dieu semble laisser faire, … et que les hommes ont laissé faire les Ténèbres…, nous sommes certains cependant que cette situation va vers la victoire de la Vie !

Aussi sommes-nous invités à une vertu fondamentale dans le Christianisme : non pas la résignation - ce qui est abominable -, mais la “patience“, l’“upomônè“ . C’est la vertu principale du chrétien, selon l’Apocalypse. Elle donne la faculté de “tenir le coup“, dans la lucidité, jusqu’à ce que le “jour pascal“ se lève et que Dieu - notre “Dieu de délivrance“ -, sortant de son silence apparent, nous arrache à tous nos ténèbres… !

Cette vertu de la “patience“ s’entretient en scrutant, grâce aux Ecritures, le passé en lequel Dieu s’est manifesté pour mieux discerner la permanence du jour glorieux du Seigneur.
C’est l’exemple que nous donne St Pierre. Il se souvenait bien, lui, de la manifestation glorieuse du Christ au jour de la Transfiguration. Il avait vu ; il avait entendu. Dès lors et toujours, il fixait son regard vers cet événement “comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que luise le jour et que l’étoile du main se lève (en son cœur) en nos cœurs“ (2 Pet 1.19).

Et dites-moi : chacun d’entre nous n’a-t-il pas fait, un jour ou l’autre, l’expérience d’une lumière de Transfiguration qui fait “espérer contre toute espérance“ ? (Rm 4.18).