Sainte Famille 13/A
Fête de la Sainte
Famille ! Fête de famille ! Or, la
famille semble aujourd’hui malmenée, ébranlée, et même combattue dans certaines
de ses valeurs. Pourtant, ces semaines, autour de Noël, soulignent, d'année en année,
le bienfait du tissu familial. Dans un monde violent, égoïste qui bouscule
et désempare, Noël avec Marie, Jésus et Joseph, apparaît comme une halte de
tendresse, un dernier refuge.
Mais, en lisant
l'évangile, il faut aussi le reconnaître : la famille de sang ne peut prétendre
suffire, puisque Jésus est venu fonder une FAMILLE NOUVELLE : la famille
spirituelle des croyants.
Nous appartenons à
ces deux familles. A l'une par les liens du sang ; à l'autre comme disciples du
Christ. Entre les deux familles, des affrontements sont parfois inévitables.
Comment les vivons-nous ?
FAMILLE DE LA TERRE
Remarquons tout
d’abord que le Christ a voulu être membre à part entière d'une famille
terrestre normale. "Jésus était
de bonne famille ! A la bonne heure !", s'était exclamé naguère Mgr de
Quelen (1).
Joseph assumait ses
responsabilités comme tout père, prenait des décisions, se savait au service
d'une mission divine. C'est par lui et avec Marie que Jésus, enfant et jeune
homme, sera introduit dans les coutumes et les traditions des gens de Nazareth
en Galilée. Il sera “le fils du
charpentier Joseph”, enraciné dans une vraie famille, elle-même
enracinée dans un village ordinaire.
Tel est l'exemple
que Jésus oppose aux détracteurs de la “cellule familiale”.
Plus encore, au
cours de sa vie publique le Christ se fera le défenseur de quelques aspects
essentiels de l'institution familiale.
Contre les caprices
ou les ambitions qui brisent l'unité, il recommande un amour vivant et
fidèle, en continuité d'affection : “Que
l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni !” - Epoux et épouse “ne seront plus deux, ils ne font qu’un !”.
Et l'enseignement
de l'Eglise ne cesse de répéter : Une solide cellule familiale, pleine
d'amour, permet au jeune, encore fragile, de se structurer, de s'équilibrer,
avant de se lancer dans les affrontements de la vie, avant de "batailler la vie" comme on
disait naguère. Et si l'ensemble des cellules familiales d'une nation est sain,
vigoureux, celle-ci pourra faire face courageusement aux événements du monde,
et y jouer son rôle.
Jésus rappelle encore
aux enfants le devoir de reconnaissance envers leurs parents,
collaborateurs de Dieu pour leur donner la vie. Il stigmatise l'attitude
révoltante de ceux qui refusent de les assister dans leur vieillesse sous
prétexte qu'ils ont consacré leur argent à l'entretien du temple. L'argent, les
biens déclarés "korban", c'est-à-dire "offrande sacrée"
pour le temple ne doivent certes pas être prétexte à abandonner père et mère (Cf. Mc 7.11). Ce texte peut
s'appliquer d'ailleurs à bien des situations. Il y a priorité d'obligation
envers les parents. Il y a priorité dans l'ordre de la charité ! On l'oublie
trop souvent !
Certes, aujourd'hui
la famille - comme la société - est en pleine évolution. Ainsi chaque couple,
très vite, veut son autonomie complète et décide de son rythme de vie. -
L’enfant, lui, veut s'ouvrir très tôt aux connaissances les plus diverses.
Vite, il veut prendre des initiatives qui semblent l’éloigner de la
famille.
Beaucoup plus
qu’autrefois, les parents sont dans l'obligation de partager leur rôle éducatif
et instructif avec l'école ou toutes sortes d'organisations complémentaires...
Malgré tout cela,
la famille reste le lieu privilégié d'une sécurité, d'une affection attentive,
d'un espace de liberté et de compréhension nécessaires au développement
harmonieux de ses membres.
Cependant la famille
de la terre
- Jésus va le redire - n'est pas un ABSOLU.
FAMILLE DU ROYAUME
Jésus ne méprise donc
pas la famille selon la chair. Il y a été fidèle. Cependant, il vient en
marquer les limites. Il vient en créer une autre.
Il quitta Nazareth, comme pour
prendre de la distance avec le passé. Il fut vite entouré d'une foule d'auditeurs,
hier encore inconnus. Entre Lui et eux, de jour en jour, des liens de plus en
plus forts se créèrent.
Un jour on lui dit
: “Ta mère et tes frères sont là ; ils te
cherchent”. La réponse fut calme et nette : “Qui sont ma mère et mes frères ?” Et parcourant du regard ceux
qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : “Voici ma mère et mes frères. Quiconque
fait la volonté de mon Père, voilà mon frère, ma sœur et ma mère”.
Et si Marie est
devenue la Mère de la famille du Royaume de Dieu, Mère de l'Eglise, c'est qu'en
étant mère de Jésus, elle est entrée pleinement et totalement dans les projets
du Christ, Fils de Dieu qui s'est fait fils d'homme pour que les enfants des
hommes deviennent enfants de Dieu !
La famille humaine
n'est pas un but en soi. L'enfant n'est pas sa possession. A la stupéfaction de
ses parents, Jésus l'avait déclaré lors du pèlerinage de ses douze ans à
Jérusalem : “Ne dois-je pas être aux
affaires de mon Père ?” La famille doit
préparer ses membres à mieux prendre place dans la famille du Royaume. “Qui aime son père ou sa mère, sa femme, ses
enfants, ses frères, ses sœurs plus que moi, n'est pas digne de moi !”.
Notons que dans les
premiers siècles - et c'est parfois encore actuel -, se convertir au Christ
signifiait souvent briser les liens avec sa famille humaine, au prix parfois de
sa propre vie. Et au long des siècles, beaucoup de saints furent obligés de se
démarquer de leur famille de sang pour suivre les appels de l'Esprit et
préférer la famille du Royaume de Dieu. L'exemple le plus pittoresque n'est-il
pas celui de St. François d'Assise (dont parle souvent notre pape François) ?
Et à l'heure
actuelle, encore, dès qu'un chrétien cherche un style de vie plus évangélique,
plus généreux, il trouvera souvent des obstacles parmi ses proches. L'histoire
de bien des vocations le rappelle !
LE CENTUPLE
Les fêtes de Noël (et
même celles aussi du premier de l'An) nous redisent un peu plus fort les joies
de la famille humaine. Il faut les conserver, les promouvoir, surtout en notre
temps où la famille souffre terriblement. Prions pour les familles qui
souffrent énormément de l'érosion du véritable amour. Le sens de ce mot est
tellement devenu ambigu, étant souvent synonyme de passion, de possession, de
narcissisme. L'être aimé ne doit pas être, ne sera jamais mon
"sosie". Ce mythe de Narcisse est particulièrement fort à notre
époque où l'on aime que soi-même ! Au contraire, la famille doit être le lieu
où éclate le "moi" (souvent haïssable) : l'homme regarde sa femme et
réciproquement. Et tous les deux regardent les enfants. La famille doit être le
lieu d'une "sortie de soi", de son petit bonheur personnel pour se
consacrer au bonheur des autres !
C'est en ce sens
que la famille humaine n'est pas un but en soi. Et la fête d’aujourd’hui - et
celle de Noël - nous rappellent que tous, nous sommes destinés à entrer, un
jour, pleinement dans la Famille de Dieu : Père Fils, Esprit-Saint. En cette
Famille où chaque Personne n'est pas complaisance de soi, mais élan vers
l'autre.
Que les familles de
la terre s’y préparent. Que la famille humaine soit signe réalisateur de la Famille
divine
Et que Celui qui
est venu créer cette NOUVELLE FAMILLE, celle du Royaume de Dieu, donne force et
générosité à ceux et celles qui, sans mépris pour les liens du sang, veulent
suivre les appels de l'Esprit pour se consacrer totalement au service du Fils
de Dieu ! “lls recevront au centuple en
ce temps-ci... et dans le monde à venir, la Vie éternelle.
(1) évêque de Paris, au
moment de la Révolution.