mardi 22 janvier 2013

La maladie ! Guérir !


La maladie !

Je dois l'avouer et vous prévenir : Je serai absent pour raison de santé (pas grave, mais petite opération cependant). Je ne pourrai donc pas avoir, durant deux semaines environ, ce lien spirituel avec tous ceux qui ont la bonté de me lire ! Je prierez pour tous, assuré de la réciproque !

Mais n'est-ce pas une occasion de se poser une grave et grande question :

Qu'est-ce qu'être malade ? Et qu'est-ce que guérir ?

Certes, tout est dans le dictionnaire médical (ou par Internet, désormais l). À peine y a-t-il peut-être une maladie qui n'y est pas répertoriée. Et le traitement est prévu, les médicaments connus et disponibles.
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Mais être malade, est ce simplement avoir ce qui est marqué dans le dictionnaire ? Et guérir est-ce simplement suivre et réussir ce que le médecin a noté sur la prescription médicale ? Non ! Car la fièvre est bien plus et autre chose que ce qui se lit sur le thermomètre. C'est ce sentiment douloureux dans la tête et le corps, c'est le cœur qui bat dans les tempes, la transpiration abondante, c'est se sentir mal et inapte à tout.
Oui, la maladie a sa définition quantitative et médicale, mais elle a aussi sa définition humaine et qualitative.

Bien plus encore ! Etre malade, c'est vivre en rupture de relation. Avec tout !

D'abord avec son propre corps. Normalement mon corps m'obéit comme un bon et fidèle serviteur. Je lui dis d'aller et il va... Mais il suffit de peu de chose et ce corps docile devient un valet insubordonné : il n'écoute plus. Il faut que je m'explique avec lui. Car il y a rupture entre moi et lui. C'est la définition humaine, qualitative de la maladie. Et ces discussions interminables avec cette monture rétive, ne se trouvent dans aucun dictionnaire médical.

Mais il y a aussi rupture avec mon environnement. Il suffit de devoir rester un beau matin au lit et tout l'environnement change. Tous les bruits de la rue que je n'entendais jamais, je les entends maintenant. Ma chambre devient un lieu, non plus de repos mais de combat avec la maladie. Le papier contre les murs prend d'étranges formes que je n'avais jamais remarquées. Et puis, il y a mes vêtements bien rangés, mes souliers contre le mur...  Ils sont là comme sans propriétaire... Cela aussi est une rupture !

 Mais il y a encore rupture mes relations avec les hommes - parents, compagnons de travail - amis... -.  Au début ils viennent tous me rendre visite et me raconter tout ce qui se passe là où je suis habituellement. Mais après quelques jours, ils viennent moins. “Nous avons déjà été le voir”, disent-ils. Y retourner et lui raconter ce que nous vivons, alors qu'il doit se sentir "hors jeu", c'est ajouter sans doute à son mal !“. C'est cela aussi la maladie : être en rupture avec ses amis, ses voisins, ses compagnons de vie.

C'est aussi être en rupture avec soi-même. Qui devient malade - surtout si c'est la première fois et que c'est grave - se révolte contre lui-même dans un sentiment d'impuissance et de sourde culpabilité. Il perd la paix avec lui-même !

Mais il y a aussi une dernière rupture qui peut se faire jour : celle de notre relation de confiance avec Dieu. “Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Es-tu vraiment le père qui m'aime comme son enfant ? ...". Oui, la maladie, c'est le temps des grands "pourquoi ?" ! Pourquoi cette maladie ? Pourquoi moi ? Pourquoi si jeune ?

Oui la maladie c'est tout cela : ces cassures qui m'habitent en profondeur.

Et guérir, c'est quoi alors ?

C'est réparer toutes ces cassures, renouer toutes ces relations, retrouver son insertion dans son environnement, corporel familial et social, psychologique et religieux. C'est renouer - et souvent d'une autre façon - avec son corps, avec les choses, avec les hommes, avec Dieu. Ainsi l'on peut sortir d'hôpital parfaitement guéri selon le corps, mais pas selon l'âme : on n'a rien appris quant à la gestion de sa finitude.

C'est pourquoi il faut d'abord accepter - et comme c'est difficile parfois - les divers aides des personnes si dévouées pour nous, pour les malades : médecins, psychologues, thérapeutes divers, visiteurs... et tous ceux qui viennent au nom du Christ qui, lui aussi, a tant connu la souffrance ! ...
Car si le malade pose souvent la question du "pourquoi ?", seul le Christ peut lui répondre et le guérir spirituellement. C'est la raison d'être, profonde, du sacrement des malades. Il nous enseigne sur la Passion de Jésus et nous configure au Christ souffrant, mort et ressuscité. Il nous identifie à Celui qui sur la Croix a été habité par tous nos "pourquoi ?" ...et qui a traversé la mort dans une totale confiance dans l'amour du Père. Il s'est abandonné à Dieu sans avoir reçu une réponse à la question du pourquoi de la finitude et de la mort elle-même.

Mais une seule chose - la plus importante peut-être - reste à percevoir : les malades qui s'unissent à la croix du Christ dans la foi, sont porteurs d'un mystère. Selon la parole de Paul, “ils complètent dans leur corps ce qui manque aux souffrances du Christ en faveur de son Eglise”. Là nous touchons le mystère de la maladie qui n'est accessible qu'aux yeux de la foi : les malades sont les amis du Christ et en plus nos amis et ceux de l'Eglise : car ils rayonnent la force thérapeutique du Christ et de sa croix.
Devant un tel mystère, on ne peut que se taire, admirer et remercier nos frères et sœurs malades et leur demander d'intercéder pour nous pour les jours où nous aussi, nous entrerons obligatoirement, dans les jours des grands "pourquoi ?" et dans ce mystère de la maladie et de la mort elle-même.               

Soyons en communion avec tous nos frères malades qui, eux, consciemment ou inconsciemment, vivent du grand mystère pascal du Christ !

lundi 21 janvier 2013

Ste Agnès - Le Martyr !


21 Janvier 13 – Ste Agnès

Ste Agnès, fut d'abord vénérée et grandement admirée comme martyre, célèbre entre toutes. Son exécution, (accompagnée de récits merveilleux selon la légende), eut lieu, par décapitation, vers 303, durant la terrible persécution de Dioclétien. St Ambroise qui en fait le récit dans son célèbre ouvrage "De Virginibus“ (écrit en 375) fut fortement ému par le courage de cette jeune fille de douze ans seulement ! Il émaille son discours d’antithèses qui soulignent son enthousiasme admiratif :
- “Elle n’avait point l’âge pour le supplice et elle était capable d’en triompher !“.
- “Elle était maîtresse consommée en fait de courage, elle qui en était dispensée par son âge !“. ...

A l'occasion de la fête de cette petite fille devenue grande martyre, il est bon de nous rappeler que la vie chrétienne suppose cette héroïcité du sacrifice total de soi-même, et que la vie monastique fut d'abord conçue, après les persécutions, comme le succédané du martyre...

Quiconque adhère à Dieu par la charité doit avoir une horreur foncière du mal : Que votre charité, dit St Paul, soit sans feinte, détestant le mal, solidement attachés au bien..." (Rm 12.9). Il doit se garder pur, recomandation que fait St Paul à son disciple Timothée : "Garde-toi pur" (I Tim 5.22). Or, cette exigence est toujours un combat qui peut aller jusqu'au martyre...

Ainsi, le chrétien doit sans cesse se dévêtir du vieil homme corrompu, comme d'un manteau souillé : "Vous vous êtes dépouillés du vieil homme avec ses agissements..." (Col 3.9.). "Nous devons rejeter le péché qui nous assiège..." (Héb 12.1). Selon le précepte du Seigneur, le disciple doit être constamment "sur ses gardes“ : "Tenez-vous sur vos gardes, de peur que vos cœurs ne s'appesantissent dans la débauche, l'ivrognerie, les soucis de la vie" (Lc 21.34). Il faut toujours “prendre garde“, qu'il s'agisse de l'hypocrisie - ferment de corruption - ou de la doctrine des pharisiens : "Méfiez-vous du levain - c'est-à-dire de l'hypocrisie - des Pharisiens“. (Lc 12.1). "Méfiez-vous des scribes qui se plaisent à circuler en longues robes, qui aiment les salutations sur les places publiques, et les premiers sièges dans les synagogues et les premiers divans dans les festins. (20.46).
Bien des textes du N.T. indiquent que le diable, le monde ou l'"épithumia" - le désir, la passion - ne cessent de faire la guerre à l'âme : "je vous exhorte,disait St Pierre, à vous abstenir des désirs charnels, qui font la guerre à l'âme. (I Pet 2.11).

Cette pureté n'est pas affaire seulement de sanctification, de purification, mais de résistance et de lutte. De même que le Christ a supporté un violent assaut des pécheurs contre sa personne (Cf Héb. 12.3), ses disciples se caractérisent par un antagonisme radical contre le péché. "Le Royaume des Cieux, disait Jésus, souffre violence, et ce sont les violents s'en emparent" (Mth 11.12).

Aussi, le chrétien est essentiellement un combattant, ce que le Nouveau Testament - surtout avec St Paul - exprime sous des métaphores athétiques et militaires, ce qui suppose non seulement ascèse et entraînement rigoureux (Cf I Co. 9.25), mais une endurance et un courage inlassable dans les conjonctures les plus dangereuses : "Nous sommes pressés de toute part, mais non pas écrasés ; ne sachant qu'espérer, mais non désespérés ; persécutés, mais non abandonnés ; terrassés, mais non annihilés" (2 Co. 4.8-9).
Aussi bien, St Paul évoque le croyant comme un soldat de métier (I Tim 1.18), suppportant virilement tous les sacrifices de sa profession : "Partout des tribulations, disait St Paul : au-dehors, des luttes ; au-dedans, des craintes" (2 Co. 7.5).

Mais si les armes des chrétiens sont évoquées par des méataphores militaires et de lutte, par contre, le combat lui-même est désigné par référence au supplice du Seigneur qui "endura une croix" (Heb 12.2) et "une si grande contradiction de la part des pécheurs" (V/13). Le Maître, en effet, avait fait du portement de croix la condition essentielle du disciples : "Quiconque ne porte pas sa croix et ne vient pas derrière moi ne peut être mon disciple" (Lc 14.27). Il entendait par là un esprit d'abnégation, un renoncement effectif à soi-même qui pouvaient conduire - le cas échéant - jusqu'à la mort.

A une époque de persécutions, où les disciples supportaient de tels assauts de souffrances - "Rappelez-vous ces premiers jours, où après avoir été illuminés, vous avez soutenu un grand assaut de souffrances..." (Heb. 10.32) -, la perspective du martyre était parlante. C'est ainsi qu'il faut comprendre la remarque de la lettre aux Hébreux : "Ce n'est pas encore jusqu'au sang que vous avez résisté..." (Heb 12.4). Il semble d'ailleurs que certains magistrats du pouvoir persécuteur aient hésité parfois à prononcer des condamnations à mort, "n'osant aller jusqu'à l'effusion de sang", dit Eusèbe de Césarée (Histoire Ecc. VIII.4,4).

En tous les cas, accepter de suivre le Christ éventuellement jusqu'au calvaire, c'est de toute façon faire d'avance le sacrifice de sa vie.
Lorsque les apôtres mettent le Christ crucifié au centre du "kérygme", au centre de leur première prédication, ils le désignent d'abord comme auteur du salut, mais aussi comme le Maître que les disciples doivent imiter : "Le Christ ayant donc souffert dans la chair, vous aussi armez-vous de cette même pensée..." (I Pet 4.1) Le Christ est le Docteur d'une morale de crucifixion, à savoir : une opposition radicale soit aux ambitions et aux jouissances terrestres, soit aux passions et aux convoitises de la chair : "Ceux qui appartiennent au Christ Jésus, dit St Paul, ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises..." (Gal 5.24) - "Pour moi, dit-il encore, que jamais je ne me glorifie sinon dans la croix de notre Seigneur Jésus Christ, qui a fait du monde un crucifié pour moi et de moi un crucifié pour le monde" (6.14).

"Ceux qui apparatiennent au Christ...", dit St Paul. Ceux qui vivent du Christ, pourrait-on dire, qui vivent dans le Christ, qui vivent de son Amour, de cet Amour qu'est Dieu, Père, Fils, Esprit-Saint ! Voilà la source de tout renoncement, du renoncement à la vie d'ici-bas, s'il le faut.
Ceux qui adhèrent au Christ par la charité... C'est la seule explication que l'on peut donner pour expliquer un tel renoncement comme celui de Ste Agnès... et de tant d'autres ! Voilà pourquoi, les martyrs revendiquaient facilement et avec joie le titre de "Chrétien“ !
Que le Seigneur nous donne un peu de cet esprit de combat et, s'il le faut, de renoncement au milieu des difficultés, voire des dangers, que nous pouvons parfois rencontrer !

dimanche 20 janvier 2013

Les vraies Noces !


2ème Dimanche du T.O. 13.C

Tous les ingrédients de la fête sont réunis :
- les invités entourent les nouveaux époux, tout émus.
- Le repas s'avère succulent. Bien sûr !
- L’ambiance familiale est chaleureuse.
- C’est un mariage prévu depuis longtemps et qui a demandé grande énergie et grandes dépenses.

Et notons d'emblée avec quelle solennité l'évangéliste conclut la scène : “tel fut le premier des signes de Jésus. Il l'accomplit à Cana en Galilée. Il manifesta sa gloire ; et ses disciples crurent en lui”.
Il faut rapprocher cette phrase solennelle de celle qui est proclamée au sujet de Moïse conduisant le peuple d'Israël vers le "Dieu de l'Alliance" au Sinaï. Au moment de la traversée de la mer rouge, il est dit : "Israël vit la prouesse accomplie par Dieu. Le peuple crut en Dieu et en Moïse, son serviteur" (Ex 14.39).
Ainsi, à propos du miracle de Cana, St Jean répète en un raccourci : "Jésus manifesta sa gloire (une "prouesse accomplie par Dieu") et ses disciples crurent en lui !". Non seulement, Jésus est un nouveau Moïse qui entraîne vers une Alliance avec Dieu, mais lui-même manifeste la gloire divine "la prouesse de Dieu" en ce signe d'un mariage à Cana, posé comme signe de la possible Alliance de tout homme avec Dieu.

Tel fut le "premier" signe de ce qu'il accomplira en son mystère pascal : mystère de l'Alliance de Dieu avec l'homme !
- “Premier”, au sens chronologique : ce signe marque bien le début du ministère public de Jésus.
- “Premier” au sens où après Cana, suivront d'autres “signes” : les miracles et guérisons de toutes sortes que Jésus accomplira par la suite.
- Mais “premier” surtout au sens hiérarchique : c'est un acte prépondérant, primordial, fondateur, emblématique de tout ce qui suivra. Un acte par lequel s'exprime la signification de la venue du Fils de Dieu parmi les hommes : une Alliance de Dieu avec l'homme !

Ce mariage à Cana est comme l'occasion de révéler la véritable identité de Jésus. Oui, Jésus se révèle comme le véritable époux de l'humanité. Jean l'évangéliste n'hésite pas à appeler d'ailleurs Jésus “l'Époux”. Et Jésus lui-même se présentera ainsi. Aux pharisiens qui reprochent à ses disciples de ne pas jeûner comme les disciples de Jean-Baptiste, il répliquera : “Pouvez-vous faire jeûner les invités à la noce pendant que l’époux est avec eux ? Oui, un temps viendra ou l’époux leur sera enlevé…”. (Luc 5/34).

Très souvent on souligne la dimension paternelle de Dieu, de Dieu-Créateur, ou même sa dimension maternelle qui se traduit par des sentiments de tendresse et de miséricorde… Mais on n’a pas coutume de relever dans la Bible l'aspect nuptial de Dieu.
Et pourtant, cette dimension éclate à plusieurs reprises. Isaïe prophétisait : “Comme un jeune homme épouse une jeune fille, celui qui t'a faite, Dieu, t'épousera. Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de Dieu” (62.5). Et le prophète Osée nous présente l'image d'un Dieu épris d'Israël et qui va jusque dans le désert rechercher son épouse infidèle. L'apôtre Paul, lui-même, à propos de l'amour de Dieu qui nous presse et nous étreint, emprunte l'image de jeunes époux enlacés. Et il dira aux Corinthiens : “Je vous ai fiancés à un époux unique”. (II Cor 11/2)

Ainsi, pour Jésus, la célébration de toute noce qualifie, doit qualifier la relation intime et vivante que Dieu noue avec l'humanité, avec chacun d'entre nous. Et dans cette relation, on retrouve les traits spécifiques de la vie conjugale.

1. D'abord le choix libre.
Parler d'un Dieu époux, c'est prendre conscience que Dieu m'a choisi, qu'il m'a élu et aimé de toute éternité : “Tu m'as fait surgir du sein de ma mère et tu m'as mis en sécurité sur elle..., dit le psaume 22,  Dès le sein de ma mère, tu as été Mon Dieu !".
Aussi, parler d'épousailles entre Dieu et l'humanité.
c'est engager chacun à faire le choix de Dieu, à se déterminer pour Dieu,
c’est reconnaître cet amour divin qui m'est antérieur, qui me sollicite et m'invite sans cesse à lui répondre, à nouer avec lui une alliance de vie,
c’est être appelé à choisir, en toute liberté le Seigneur, à l'accueillir, à lui ouvrir les portes de son cœur et de toute sa vie,
c’est se confier à lui comme à son conjoint, à laisser son amour nous envahir. Car “aimer, n’est-ce pas être sans repos à cause d’un autre ?”, demandait un philosophe.

2. Aimer, c'est se choisir. Mais aimer, c'est aussi s'engager.
Tel est le sens d'une cérémonie publique de mariage :
Devant les parents, les amis, devant la société, deux personnes posent un acte officiel d'engagement.
Ils se promettent fidélité, assistance, soutien.
Ils savent que dans les moments difficiles, ils se feront un devoir, une règle de s'aimer. Et cet engagement est perçu comme la preuve d’un véritable amour.
Ils comprennent que "aimer", c'est durer en amour. C'est le point de départ d'une confiance réciproque et que l'on veut éternelle, pour toujours.

Or Dieu qui est comme un époux est toujours fidèle. Son amour ne connaît ni sautes d'humeur, ni états d'âme. Il est invariable, indéfectible. Et pour peu que nous nous éloignions de lui et que la distance se creuse entre lui et nous, voici que son amour se fait supplication, compassion. Comme le père du fils prodigue, son amour endure patience, souffrance.

Mais qu’en est-il en retour de notre fidélité ?
Tel est bien le drame de notre vie, souvent. Par faiblesse, par oubli de nos promesses baptismales, de nos professions de foi, de nos bonnes intentions initiales, nous nous reprenons, nous faisons des compromis, nous biaisons. Notre amour est incertain. Il est parfois, disait le prophète Osée, comme la rosée matinale qui s’évapore.

C’est en ce sens que St Jean note qu’à Cana, le vin manqua : “Ils n'ont plus de vin” se lamente Marie qui intercède auprès de son Fils.
“ll y avait six jarres de pierre” note St Jean. Le chiffre n'est pas anodin. C'est le chiffre de l'homme créé le sixième jour selon le récit symbolique de la Genèse. Les six jarres sont vides. Vide est l’humanité. Vide de ce vin qui traditionnellement est symbole d'amour, de joie.

À Cana, Jésus vient à la rencontre d'une humanité qu'il veut épouser, mais il la trouve privée d'amour. Il vient la rejoindre dans son incapacité à rendre amour pour amour. Il nous rejoint dans nos manques d’amour ! 

Nos insatisfactions, nos échecs, nos déceptions, nos épreuves sont bien à l'image de ces jarres vides. Cependant n’allons pas nous désespérer de nos vides, ruminer nos frustrations tout en essayant de les combler par des artifices trompeurs. Au contraire, sachons tout disposer - même nos privations et pauvretés, nos échecs et nos lâchetés -, sachons tout disposer en une immense coupe en laquelle l’amour miséricordieux de Dieu viendra déposer la tendresse et la joie d'un vin nouveau, d'un nouvel amour comme à Cana.

Et sachons encore - et surtout - être interpellés, nous aussi, comme les serviteurs de Cana par l'invitation de Marie : “Faites tout ce qu'il vous dira !”. Présentons nos jarres vides, nos mains vides, nos cœurs vides... comme autant de lieux où un amour nouveau, celui du Christ, viendra nous consoler de toute peine et nous apporter une joie indicible. La joie de l'Époux ! Dès aujourd’hui et pour toujours

Car Jésus veut nous faire comprendre que nous ne serons pas sauvés malgré nos faiblesses, mais à partir d'elles. C’est toujours aujourd’hui le "premier signe de Jésus" en nos vies !

samedi 19 janvier 2013

La Parole de Dieu


T.O. 1 Samedi  -  La Parole de Dieu   -      Heb. 4.12

"Elle est vivante, la Parole de Dieu, énergique et plus coupante qu'une épée à deux tranchants... Elle pénètre jusqu'au plus profond de l'âme... !“.

Oui, la Parole de Dieu qui entre simplement par les oreilles - "Shema Israël !“ - " Ecoute, Israël !" - doit descendre au plus profond de nous-mêmes, au plus intime de notre humanité. - "Et le Verbe s'est fait chair !", disait St Jean. Dans cette perspective, l'incarnation du Fils de Dieu - Parole éternelle du Père - demande que toute Parole de Dieu soit appropriée jusqu'à son "incarnation" en nous-mêmes !

Il se produit alors comme un phénomène étrange, à la fois une "nativité" et une "résurrection", en quelque sorte, un miracle quasiment : la Parole de Dieu interpelle celui qui l'écoute - tel qu'il est et là où il en est - et le transforme au point qu'il devient, selon une image très souvent employée dans la Bible, comme un arbre planté au bord d'un fleuve et qui porte du fruit en son temps et selon son espèce. "Il ressemble à un arbre planté au bord des eaux, dit le prophète Jérémie, qui tend ses racines vers le courant : il ne redoute rien quand arrive la chaleur, son feuillage reste vert ; dans une année de sécheresse il est sans inquiétude et ne cesse pas de porter du fruit". (Jer. 17.7-8).

La Parole de Dieu demande ainsi à être "incarnée" jusqu'au plus profond de notre être, produisant son fruit, de telle sorte qu'elle entraîne comme un rebondissement de tout l'être dans l'action de grâce : "Père, je te rends grâce...", priait souvent Jésus ! Dans cette action de grâce, la "Parole de Dieu" nous rajeunit déjà - elle rajeunit l'homme intérieur, dirait St Paul - à l'image de l'éternelle jeunesse de Dieu.

Cette alors que cette connaissance qui nous arrive imparfaitement par les oreilles nous prépare à la connaissance parfaite que l'on aura par la vision, dans l'éternité. Le pouvoir transformant de la "Parole de Dieu" en nous s'exercera au maximum ; et nous serons, comme disent les Pères de l'Eglise, "divinisés" : "ce que nous serons n'a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation (du Verbe de Dieu) nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est", nous dit St Jean dans un jeu de mots d'assonance comparable : "esométha" (semblables) - "opsométha" (verrons).

Aussi, pour le moment, nouos faut-il non seulement écouter, mais "ruminer" la "Parole de Dieu, à l'exemple de Marie qui retenait et méditait en son coeur. St Luc le souligne par deux fois (2.19,51). Ce n'est pas sans signification !

Et, pour nous encourger à imiter Marie, je ne peux m'empêcher de vous livrer (répéter peut-être ?) la parabole du P. Barthélémy (o.p., professeur à Fribourg) : Au lieu de lire commentaire sur commentaire, disait-il, il faut vous plonger dans la "Parole de Dieu" ! Peut-être serez-vous alors dans cette situation où se trouvait cette grenouille qui était tombée dans un bocal de lait dont les rebors étaient verticaux et glissants. Le lait n'étant pas son milieu naturel (comme la “Parole de Dieu“ n'est pas notre milieu naturel), la grenouille s'est mise à nager au maximum, croyant toujours, bêtement comme une bête, qu'elle trouverait une sortie. Et il n'y en avait pas ! Mais à force de nager et de se débattre, elle a senti que ça prenait forme sous ses pattes. C'est que le lait était devenu une motte de beurre... Et alors, elle a pu sauter... Et bien, ajoutait-il, ne craignez pas de nager et de nager encore dans la "Parole de Dieu"... et je suis sûr que vous pourrez sauter jusque vers Dieu !

En tous les cas, c'est en écoutant la "Parole de Dieu", en l'écoutant encore, en la ruminant que nous deviendrons peu à peu le “pauvre“ que Dieu aime : “Bienheureux les pauvres ; le Royaume des cieux est à eux !“ (Mth 5.3).
Car le pauvre, de pauvreté radicale, est celui, me semble-t-il, qui écoute toujours et que personne n'écoute.
Le pauvre a toujours écouté.
- A la maison, enfant, il écoutait son père, sa mère !
- A l'école, assis devant le professeur, il écoutait.
- Au catéchisme, à l'église, il écoutait le prêtre.
- Au dispensaire ou au patronage, il écoutait "la bonne sœur" comme on disait, qui lui prodiguait de bons conseils.
- Universitaire, il écoutait le Maître ; ou, apprenti, le contremaître.
- Et quand, le soir, il rentrait chez lui à la maison, c'était pour écouter encore son épouse, ses enfants, voire ses voisins !
Et lui, le pauvre, personne ne l'écoutait de la journée.
Le pauvre écoute toujours ! C'est peut-être cela, la racine de toute pauvreté. Quand on définit ainsi le pauvre : celui qui écoute toujours et que personne n'écoute, on rejoint une parole de l'Ecclésiaste : "La sagesse du pauvre est méconnue et l'on n'écoute pas ses paroles" (Qo 9,16).

Si nous voulons, nous-mêmes, accéder à la béatitude promise au pauvre, il nous faut, d'abord, faire ce qu'il fait : écouter toujours avant de parler. “Tu désires voir (Dieu), disait St Bernard, écoute d'abord !“.

Ce faisant, nous parvenons à cette expérience répétée à chaque page de la Bible : "Le pauvre a crié, Dieu écoute" (Ps 34,7). Dieu seul écoute le pauvre !

Toute expérience baptismale, toute vocation chrétienne, religieuse s'inscrit dans cette toute petite phrase : "Le pauvre a crié, Dieu écoute" ! Pourquoi ? Parce que Dieu lui-même n'a rien ; il EST seulement ! - Dieu EST ! Il n'a pas ! Et il l'a grandement manifesté : "Lui, de condition divine, ...il s'anéantit lui-même..., il s'humilia, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix ! Aussi Dieu l'a-t-il exalté..." (Eph 2.6sv).
A cause de cela, le pauvre est capable d'accueillir la “Parole de Dieu", de recevoir le “Verbe de Dieu“ qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour que tous les pauvres - qui savent écouter - deviennent riches de la vie même de Dieu !

vendredi 18 janvier 2013

"Lève-toi et marche !


T..O. 1 Vendredi   Mc 2.12 – “Lève-toi et marche !“

“Lève-toi et marche !“  Pour illustrer ce mot de l’évangile d’aujourd’hui, je citerai volontiers la phrase de Bergson : "Ce qui m'a frappé dans le Jésus des Evangiles, c'est cette consigne d'aller toujours plus avant, de sorte qu'on pourrait dire que l'élément stable du christianisme, c'est l'ordre de ne jamais s'arrêter"

Et, faute de temps - je l’avoue simplement -, j’illustrerai ce propos par le début du panégyrique de Bossuet sur St Benoît, texte qui peut inspirer tout chrétien, me semble-t-il.

« Toute la perfection de l’Evangile, toute la discipline chrétienne est entièrement renfermée dans cette seule parole : “Egredere !” - “Sors !”. 

La vie du chrétien est un long et infini voyage durant le cours duquel, 
quelque plaisir qui nous flatte, 
quelque compagnie qui nous divertisse, 
quelque ennui qui nous prenne, 
quelque fatigue qui nous accable, 
aussitôt que nous commençons à nous reposer, une voix s’élève d’en haut qui nous dit sans cesse et sans relâche : “Egredere !” - “Sors !”, et nous ordonne de marcher plus outre.  
Telle est la vie chrétienne !

Dans ce grand et infini voyage, où nous devons nous avancer sans relâche et marcher sans repos, je remarque trois états et comme trois lieux où nous avons coutume de nous arrêter.
ou bien nous nous arrêtons dans le plaisir des sens,
ou bien dans la satisfaction de notre esprit propre,
ou bien enfin dans la vue de notre perfection.
Voilà comme trois pays étrangers dans lesquels nous nous arrêtons et ensuite nous n’arrivons pas en notre patrie !

Et remarquons les divers progrès que fait l’âme durant ce voyage.
ou nous nous arrêtons au-dessous de nous ;
ou nous nous arrêtons en nous-mêmes ;
ou nous nous arrêtons au-dessus de nous.

Lorsque nous nous attachons au plaisir des sens, nous nous arrêtons au-dessous de nous !
C’est le premier attrait de l’âme encore ignorante, lorsqu’elle commence son voyage. 
Elle trouve premièrement en son chemin cette basse région ; elle y voit des fleuves qui coulent, des fleurs qui se flétrissent du matin au soir ; tout y passe dans une grande inconstance.
 Mais, dans ces fleuves qui s’écoulent, elle trouve de quoi rafraîchir sa soif ; elle promène ses désirs errants dans cette variété d’objets ; et quoiqu’elle perde toujours ce qu’elle possède, son espérance flatteuse ne cesse de l’enchanter de telle sorte qu’elle se plaît dans cette basse région.
“Egredere !” - “Sors !”. Songe que tu es faite à l’image de Dieu ; rappelle ce qu’il y a en toi de divin et d’immortel ; veux-tu être toujours captive des choses inférieures ?

Que si elle obéit à cette voix, en sortant de ce pays, elle se trouve comme dans un autre, qui n’est pas moins dangereux pour elle ; c’est la satisfaction de son esprit propre
Nuls attraits que ses désirs, nulle règle que ses humeurs, nulle conduite que ses volontés.
Elle n’est plus au-dessous d’elle, elle commence à s’arrêter en elle-même : la voilà dans des objets et dans des attaches qui sont plus convenables à sa dignité !
Et toutefois, l’oracle la presse et lui dit encore : “Egredere !” - “Sors !”.  Ame, ne sens-tu pas, par je ne sais quoi de pressant qui te pousse au-dessus de toi, que tu n’es pas faite pour toi-même ? Un bien infini t’appelle ; Dieu même te tend les bras : sors donc de cette seconde région, c’est-à-dire de la satisfaction de ton esprit propre.

Ainsi elle arrivera à ce qu’il y a de plus relevé et de plus sublime, et commencera de s’unir à Dieu.
Et alors, ne lui sera-t-il pas permis de se reposer ? 
Non, il n’y a rien de plus dangereux : car c’est là qu’une secrète complaisance fait qu’on s’endort dans la vue de sa propre perfection. Tout est calme, tout est apaisé ; toutes les passions sont vaincues ; toutes les humeurs, domptées ; l’esprit même, avec sa fierté et son audace naturelle, abattu et mortifié : il est temps de se reposer !
Non, non ! “Egredere !” - “Sors !”. Il nous est tellement ordonné de cheminer sans relâche, qu’il ne nous est pas même permis de nous arrêter en Dieu ! Car, quoiqu’il n’y ait rien au-dessus de lui à prétendre, il y a tous les jours à faire en lui de nouveaux progrès ; et il découvre, pour ainsi dire, tous les jours à notre ardeur de nouvelles infinités. Ainsi, nous enfermer en certaines bornes, c’est entreprendre de resserrer l’immensité de sa nature.

Allez donc, sans vous arrêter jamais : perdez la vue de toute la perfection que vous pouvez avoir acquise ; marchez de vertus en vertus, si vous voulez être digne de voir le Dieu des dieux. Telle est la vie chrétienne ! ».


Rien n’est un terme ici-bas. Tout est seuil, départ, commencement ! Le Seigneur nous a dit, nous dit et nous dura toujours : “Viens ; suis-moi !“ N’ayons pas peur de le suivre.
 A qui possède Dieu, rien ne manque ! "Dieu seul suffit !", disait Ste Thérèse d'Avila

mardi 15 janvier 2013

Sts Maur et Placide


Saints Maur et Placide, disciples de St Benoît  - 15 Janvier

Historiquement, on ne sait pas grand chose sur St Maur et sur St Placide, tant St Grégoire le Grand qui nous les présente mêle facilement le "merveilleux" et l'histoire !

Il est très probable, cependant, que St Maur, de par son père et de par sa mère, était de familles patriciennes les plus illustres de Rome où il naquit en 512. A douze ans, selon une pratique assez répandue, il fut confié aux soins de St Benoît qui le reçut avec allégresse et l'entoura de son affection spirituelle. Il le forma si bien au service du Seigneur qu'il put le proposer en exemple aux autres religieux plus âgés. Très austère, surtout durant la période du Carême, il était assidu à la prière et gardait un silence rigoureux !

Par contre, St Grégoire ne satisfait que peu notre curiosité sur St Placide. On apprend par le chapitre 9ème de ses "Dialogues" que, lui aussi fils d'une noble famille, fut présenté à St Benoît en même temps que Maur. Tandis que Maur, largement son aîné, pouvait recevoir quelques charges, Placide n'était encore qu'un enfant. Mabillon propose la date de 522 pour la "présentation" de ces deux jeunes à St Benoît.

Au chapitre 5ème des mêmes "Dialogues", nous voyons St Benoît, au cours d'une nuit, faire avec le petit Placide ("parvulo puerulo"), l'ascension d'un sommet pour y prier afin que le Seigneur y amène l'eau nécessaire pour la Communauté des moines !

On connait surtout le fameux épisode qui relate que Placide faillit se noyer en allant puiser de l'eau dans un lac tout proche. St Benoît dépêcha Maur pour le secourir. Celui-ci, par la force de l'obéissance, marcha sur les eaux pour ramener le jeune enfant sur la berge. St Grégoire veut, là, donner une leçon autant d'humilité que d'obéissance !

C'est tout ce que St Grégoire nous rapporte de Placide. Certaines traditions, peu fondées historiquement, attestent que St Placide, envoyé par St Benoît fonder un monastère en Sicile, à Messine, fut pris par les Sarrazins et mourut martyr. Mais rien n'est certain !

Il en est de même, pratiquement, pour St Maur. On sait cependant que St Benoît emmena avec lui son jeune disciple au Mont-Cassin pour y combattre l'idolâtrie et établir, avec son concours, un monastère qui deviendra, si je puis dire, comme la capitale de l'Ordre bénédictin.
L'histoire de la fondation de Glanfeuil à laquelle les moines de France son attachés - évidemment -, l'histoire de la mort de St Maur et celle des diverses translations de ses reliques sont moins fondées, reposant principalement sur une biographie d'un certain pseudo-Faustus...

Mais peu importe, finalement ! Tout le monde s'accorde pour retenir de ces deux disciples de St Benoît leurs grandes vertus d'obéissance et d'humilité, vertus qui, bien pratiquées, disposent fortement à accueillir le Christ en notre vie, "Lui qui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix ! Aussi Dieu l'a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom..." (Phil. 2.6sv).

Dès lors, sachons, à l'exemple des Sts Maur et Placide, que si l'humilité fut l'échelle par laquelle le Fils de Dieu descendit jusqu'aux fils des hommes, elle est aussi l'échelle qui nous permet de monter vers Dieu..., comme l'enseigne si bien et si fortement St Benoît.

La fête des Sts Maur et Placide est une occasion, peut-être, d'approfondir ces deux grandes vertus qui peuvent avoir, évidemment, de nombreuses déviances.

- Il faut toujours un grand acte de notre volonté libre pour obéir, à l'exemple du Christ qui disait : “Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé..." (Jn 4.34), et qui, la veille de sa mort, priait ainsi : "Père, ... que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se fasse !" (Lc 22.42). Oui, l'obéissance demande un acte de notre volonté libre, sinon on risque fort de ne pas obéir, mais de subir. Et ce n'est pas chrétien ! Il ne s'agit pas tant d'acquérir l'Amour, cette Charité divine que recommande si bien St Paul par exemple, ...de l'acquérir par obéissance que de pratiquer l'obéissance par amour...  Puissions-nous arriver à cette Vie d'Amour qui nous place toujours dans les mains providentielles du Seigneur à notre égard. Ste Thérèse de Lisieux osait écrire : "Le Bon Dieu fera toutes mes volontés au ciel, parce que je n'ai jamais fait ma volonté sur la terre" !

- Cette forme d'obéissance exige une grande humilité. Et en ce domaine, il est bon d'avoir beaucoup d'humour. On a dit que l'humilité, c'est s'oublier soi-même ! C'est surtout, me semble-t-il, simplement savoir en général se mettre à sa place ! Et c'est déjà beaucoup ! Et sachons que l'orgueil le moins facile à déraciner, c'est celui de ceux qui croient ne pas en avoir !
Là encore Ste Thérèse de Lisieux est une bonne enseignante : A une novice qui affirmait d'un air nâvré : "Oh ! Quand je pense à tout ce que j'ai à acquérir !“, elle rétorquait avec humour : "A perdre, voulez-vous dire !" - Car c'est Jésus qui se charge de remplir votre âme à mesure que vous la débarassez de ses imperfections... Vous voulez gravir une montagne. Or le Bon Dieu veut vous faire descendre : il vous attend au bas de la vallée fertile de l'humilité...".

Et pour terminer, je ne peux m'empêcher, ici, de citer la première abbesse de Solesmes, Cécile Bruyère : "Notre Seigneur remplit avec magnificence les âmes qui sont vides d'elles-mêmes...". Et Dom Delatte de commenter : "Les âmes qui reçoivent bien la grâce, la reçoivent toujours dans l'humilité...!“.

lundi 14 janvier 2013


T.O. 1 Lundi 13  -  l'épitre aux Romains

Avec la lettre aux Romains, nous sommes, avec Paul, durant l'hiver ou le printemps de l'an 56 ou 57 (au plus tard 58). Pour l'apôtre, son écrit se situe 21 ou 22 ans après sa conversion sur le chemin de Damas, 26 ou 27 ans après la résurrection du Christ !

Après moult réflexions émises tout au long des circonstances de ses voyages apostoliques, de son annonce de l'évangile, l'apôtre offre certainement dans cette lettre une véritable synthèse où il aborde les points les plus fondamentaux du dogme chrétien. Il présente cette synthèse non  pas tellement comme le résultat de réflexions personnelles, mais comme des "lettres de créance" auprès de cette Communauté de Rome qu'il ne connaît pas.

Aussi, il aborde simplement les problèmes qui préoccupaient sa pensée.
Il se trouve à un moment capital de sa "carrière" apostolique :
- Il estime avoir achevé sa tâche en Orient : "Depuis Jérusalem, dit-il, en rayonnant jusqu'à l'Illyrie, j'ai pleinement assuré l'annonce de l'Evangile du Christ" (15.20).
- Et il se dispose à inaugurer en Occident un nouveau champ d'apostolat : "J'ai un vif désir, dit-il, d'aller chez vous quand j'irai en Espagne" (15.23-24).

Auparavant, il lui reste une mission à remplir : aller à Jérusalem y porter le fruit des différentes collectes (15.25-26). Bien plus qu'une aumône, c'est, dit-il une obligation de justice (15.27) dont l'accomplissement doit affirmer et proclamer publiquement l'unité entre les chrétiens d'origine païenne avec ceux d'origine juive.

L'Unité, une préoccupation permanente de Paul ! Car un danger sérieux menaçait cette unité dans l'Eglise. Les crises des Communautés de Galatie et de celle de Corinthe venaient de le souligner. Bien plus, Paul n'est pas sûr de l'accueil que va lui réserver Jérusalem. Les Actes des Apôtres nous montrent que ses craintes n'étaient pas sans fondement ! (Ac. 21.20-26).

C'est pourquoi, en une émouvante supplication, il implore les chrétiens de Rome de lutter avec lui dans les prières qu'il adresse à Dieu  "non seulement afin qu'il échappe aux incrédules de Judée" (aux embûches des Juifs), mais aussi afin que "le secours apporté par lui à Jérusalem soit agréé des Saints" (15.30-31).

St Paul laisse donc apparaître ses préoccupation du moment, principalement le problème central de l'Evangile et de la Loi qu'il vient de traiter pour les Galates sur le point de "passer à un autre Evangile". (Gal 1.6). En sa lettre aux Romains, la polémique n'a plus sa raison d'être. Mais si le ton change, les questions abordées demeurent :
- justification et salut indépendamment de la Loi,
- Œuvre rédemptrice du Christ qui nous est communiquée par la foi en sa personne,
- Liberté chrétienne et vie dans l'Esprit,
- Unité du dessein salvifique de Dieu depuis Adam jusqu'à la parousie (rapports entre l'A.T. et le N.T.).


Après une salutation de circonstance et une affirmation de son union dans le Christ avec la Communauté de Rome qu'il ne connaît pas mais qu'il désire aller visiter, Paul termine son introduction par cette phrase lourde de signification :
"Je n'ai pas honte de l'Evangile!
Il est puissance de Dieu pour le salut...
(entendons par "salut" : délivrance du péché, du mal et acquisition de la vie même de Dieu).
Il est puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif d'abord, puis du Grec".

Origène écrira que pour posséder l'intégrité de cette vie divine, il faut passer de la foi (ex fide) du peuple ancien, à la foi (in fidem) du peuple nouveau. Il faut, pour posséder véritablement le Nouveau Testament, posséder l'Ancien Testament (contre l'hérésie de Marçion). Il faut affirmer que le Christ récapitule en lui-même toute l'histoire du salut (l'"économie" divine) depuis Adam jusqu'à l'introduction de tout homme qui croit dans la Vie divine (décrite par l'Apocalypse).

Il est bon de remarquer aussi que comme pour St Jean, l'Evangile que Paul proclame n'est pas un système, une théorie, un ensemble de dogmes, mais toute une pédagogie de Dieu vis-à-vis de l'homme qu'il appelle au salut, pédagogie qui comprend des vérités  à croire, une morale à pratiquer. La foi n'est pas simple adhésion intellectuelle, mais l'entrée spontané de l'homme dans le dessein salvifique de Dieu, le don total qu'il fait de lui-même au Dieu Sauveur !