jeudi 29 août 2013

De l'Ancienne à la Nouvelle Alliance

29 Août - Martyre de Jean-Baptiste

Hier, si nous avions poursuivi la lecture de la lettre de St Paul aux Thessaloniciens, nous aurions entendu l'apôtre affirmer avec grande assurance que sa prédication n'est pas une parole d'homme mais la Parole de Dieu qui est à l'œuvre en nous. St Augustin que nous fêtions avait, en quelque sorte, cette même et forte conviction : "Je ne suis que le répétiteur extérieur du Maître intérieur qui seul instruit les cœurs !".
Aujourd'hui, St Paul, tout heureux de la "foi active" en ses chers Thessaloniciens les encourage à échanger "entre eux et à l'égard de tous les hommes un amour de plus en plus intense et débordant comme celui que nous avons, dit-il, pour vous".
Et demain, il se permettra de leur demander avec la même assurance de suivre ses instructions, de l'imiter comme lui-même imite le Christ.

Parlant ainsi, l'apôtre manifeste la conviction que, devenu de plus en plus disciple du Christ, c'est en son nom qu'il parle et que son comportement moral imite celui du Verbe incarné qui, ressuscité, est toujours vivant parmi les hommes !

Il exprime par là l'idéal de la santé morale à chercher et qu'il a héritée du judaïsme. Cette santé morale est tout simplement la sainteté souhaitée par exemple par le Lévitique : "Soyez saints, car moi, votre Dieu, je suis saint !" (Lv 19.2). Il nous répètera ce souhait demain : "La volonté de Dieu, c'est que vous viviez dans la sainteté, en vous gardant de la débauche... Ainsi, précisera-t-il, celui qui rejette mes instructions, ce n'est pas un homme qu'il rejette, c'est Dieu lui-même, Lui qui vous donne son Esprit-Saint !"

"Pour moi, dira-t-il encore, vivre, c'est le Christ" (Phil 1.21). "Ce n'est pas moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi !" (Gal 2.20). Autrement dit, dans l'Ancien Testament comme dans le Nouveau, la morale c'est d'être sans cesse en relation, en "alliance" avec Dieu, de l'accueillir en nous de sorte que notre manière de vivre, nos mœurs soient déjà divines ! "Soyez saints, car moi, votre Dieu, je suis saint !"

Voilà la morale chrétienne : Vivre déjà de la vie même de Dieu, de "Dieu-Amour", nous disait hier St Augustin ! Pour cela, Dieu nous donne sa "grâce" qui nous permet de redevenir "à son image et ressemblance", tels qu'il nous a pensés au matin de la création. Voilà l'important, semble nous dire St Paul ! Cette "vie-avec-Dieu", cette vie de relation, d'alliance avec Dieu-Amour, par grâce, est infiniment supérieure à la vie morale des préceptes de la Loi, insistera-t-il.

Cependant la prédication de la "grâce" divine - caractéristique de l'Alliance Nouvelle -, de cette grâce qui nous appelle à être saints comme Dieu est saint, peut être mal interprétée et favoriser une licence qui serait une caractéristique de la véritable liberté. Hier, St Augustin aurait pu nous en parler, lui qui se disait "amoureux de la beauté spirituelle, non plus comme des esclaves sous la loi, mais comme des êtres libres dans un régime de grâce". Et nous connaissons sa règle d'or : "Aime et fais ce que tu veux !". Encore faut-il bien comprendre : Aime, aime d'abord, aime de l'amour même de Dieu... ; c'est à l'intérieur de cet amour - s'il est authentique - que s'exerce la liberté, que l'on peut faire ce que l'on veut !
Aristote que suivra St Thomas d'Aquin, avait raison de définir la liberté : non pas une volonté arbitraire, autocratique de faire ce que l'on veut, mais "le pouvoir de se déterminer soi-même vers le bien qui nous convient". Or le bien suprême qui nous convient est à n'en point douter l'Amour même de Dieu en nous, cet Amour que nous essayons de partager déjà ici-bas et qui nous unira parfaitement au jour éternel. C'est à l'intérieur de cette sphère de l'Amour divin que doit s'exercer totalement et parfaitement notre liberté ! St Jean ne dira pas autre chose, à sa façon.

Quand St Paul oppose la grâce à la Loi (surtout dans ses lettres aux Galates et aux Romains), il le fait souvent sur un ton polémique que lui imposent ses contradicteurs. Il faut le savoir ! St Jacques, l'évêque de Jérusalem, dans la lettre qui lui est attribuée, se permettra de faire des précisions morales mais qui découlent du même principe : l'Amour de Dieu ! Et St Pierre dans sa seconde lettre écrit : "Notre cher frère Paul vous a aussi écrit selon la sagesse qui lui a été donnée... Il se rencontre... dans ses lettres... des points obscurs que les gens sans instruction et sans fermeté détournent de leur sens - comme d'ailleurs les autres Ecritures - pour leur propre perdition" (II Pet 3.15).

Des gens qui détournent de leur sens même les Ecritures ! Cela est arrivé dans l'histoire de l'Eglise. Bien des fois ! C'est dire que le témoignage de la vie des saints - Paul, les apôtres et bien d'autres - est encore plus important que leurs paroles et écrits.
Hier, nous avions St Augustin. Sa vie fut toute tournée vers le Christ et l'Amour de Dieu...
Aujourd'hui, nous célébrons Jean-Baptiste. 
A sa naissance on a voulu l'appeler Zacharie, nom traditionnel dans la famille, qui veut dire : "Dieu se souvient". Il se souvient de sa fidélité à son alliance comme le chantera Marie. Il se souvient aussi des infidélités du peuple élu à cette alliance. Mais son père refuse et, encore muet, il écrit : "Son nom sera Jean !", ce qui veut dire : "Dieu fait grâce !", car le Dieu fidèle est toujours miséricordieux !

Et Jean sera le précurseur de Dieu qui s'incarne pour faire grâce ! Formé dans la tradition sacerdotale (son père était "grand-prêtre !), Jean-Baptiste est à la charnière de l'Ancien et du Nouveau Testament ; et les évangiles ne nous cachent pas qu'il aura du mal à faire le passage du premier au second, au Nouveau Testament.
Il faut souvent invoquer le précurseur du Christ. Il nous montre comment doit être vécu tout "passage" dans l'Eglise et dans notre propre vie, tout "passage" qui doit se traduire par une sorte de métamorphose avec le paradoxe des dépassements et des continuités tout à la fois. Avec ce grand Saint, bien des situations s'éclairciraient, même si légitimement on se pose des questions, comme lui-même qui, de sa prison, demande à Jésus : "Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?".

Oui, plusieurs fois dans les évangiles, est évoqué le désarroi de Jean-Baptiste, celui qui est pourtant au somment de l'Ancien Testament et dont Jésus, apprenant sa mort, fait un magnifique panégyrique :
"Qu'êtes-vous allés voir au désert ? Un roseau agité par le vent ? ... Un homme vêtu de façon délicate ? ...  Un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu'un prophète. C'est celui dont il est écrit : 'Voici que moi j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route devant toi !'.
En vérité je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n'en a pas surgi de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui.
Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu'à présent, le Royaume des Cieux souffre violence, et des violents s'en emparent.
Tous les prophètes en effet, ainsi que la Loi, ont mené leurs prophéties jusqu'à Jean.
Et lui, si vous voulez m'en croire, il est cet Elie qui doit revenir.

Que celui qui a des oreilles entende !" (Mth 11.7-15).

mercredi 28 août 2013

Le seul "Enseignant" : Dieu-Amour !

28 Août - St Augustin !   

Que pourrais-je faire de mieux aujourd'hui, en cette fête de St Augustin, que de citer ce grand prédicateur, ce théologien de l'Amour qu'est Dieu, ce grand docteur de l'Eglise ?

Mais il fut un prédicateur, un docteur qui ne faisait que s'effacer devant le véritable Maître et Docteur : le Christ ! Dieu seul instruit, enseigne, répétait-il. "Vous voulez vraiment savoir ?", disait-il. N'avez-vous pas tous entendu ce sermon (que je viens de vous adresser) ?  Combien sortiront d'ici sans avoir rien appris.   -  En ce qui me concerne, je me suis pourtant adressé à tous. Mais à ceux à qui cette "onction" (l'onction de l'Esprit-Saint dont parle St Jean dans sa première lettre) ne parle pas, ceux que l'Esprit-Saint n'instruit pas de l'intérieur, ils reviennent chez eux sans avoir rien appris !

L'enseignement de l'extérieur, c'est en quelque sorte, une aide et des avertissements. Mais il a sa chaire dans le ciel celui qui instruit les cœurs. C'est pourquoi il dit lui-même dans l'Evangile : 'Ne vous faites pas appeler maître sur la terre. Un seul est votre maître, le Christ !'.

Qu'il vous parle donc lui-même à l'intérieur, puisque aucun homme ne s'y trouve, car même si quelqu'un se trouve à ton côté, il n'y a personne dans ton cœur.

Que dis-je ! Que ton cœur ne soit pas vide de toute Présence ! Que le Christ soit dans ton cœur ! Que son onction soit dans ton cœur afin que ce cœur altéré ne soit pas dans la solitude et privé des sources où il peut se désaltérer.
Il est donc à l'intérieur, le maître qui enseigne ; c'est le Christ qui enseigne ; c'est son inspiration qui enseigne. Là où il n'y a ni son inspiration, ni son onction, nous faisons retentir en vain nos paroles à l'extérieur ! Elles sont comme les soins du cultivateur pour un arbre. L'homme travaille à l'extérieur : il donne l'eau et apporte tout son zèle à la culture. Quels que soient les soins qu'il donne à l'extérieur, est-ce lui qui forme les fruits ? Est-ce lui qui revêt la nudité des branches avec l'ombre des feuilles. Accomplit-il quelque chose de tel à l'intérieur ?
Mais qui l'accomplit ? Ecoutez le cultivateur, c'est-à-dire, voyez ce que nous sommes et écoutez le maître qui est à l'intérieur : 'C'est moi qui ai planté, c'est Apollo qui a arrosé ; mais c'est Dieu qui a fait croître. Et celui qui plante n'est rien, celui qui arrose n'est rien ; mais celui qui donne la croissance, c'est Dieu' (I Co. 3.6-7).
Nous vous disons donc ceci : soit que nous plantions, soit que nous arrosions avec nos paroles, nous ne somme rien ; mais celui qui donne la croissance, c'est Dieu, c'est-à-dire que c'est 'son onction qui vous instruit de toutes choses' (I Jn 2.27). Moi, dira encore le grand docteur, je ne suis que le répétiteur extérieur du maître intérieur qui seul instruit les cœurs". (Commentaire de la 1ère lettre de St Jean 3.13).

Et que nous dit aujourd'hui ce grand répétiteur extérieur pour que nous puissions entendre le maître intérieur ?

"Rappelez-vous avec moi, frères, les deux préceptes de charité ! Ils doivent vous être parfaitement connus ; il ne suffit pas qu'ils vous parviennent à l'esprit quand nous en parlons devant vous ; ils ne doivent jamais s'effacer de vos cœurs. Repensez-y sans cesse : il faut aimer Dieu et le prochain !

L'amour de Dieu est premier dans l'ordre du précepte. Mais l'amour du prochain est premier dans l'ordre de la pratique.
En effet, celui qui t'ordonnerait d'aimer... ne pourrait pas te présenter le prochain comme premier objet de ton amour et Dieu comme le second ; mais il t'ordonnerait d'abord d'aimer Dieu et ensuite le prochain !   -  Cependant, toi, parce que tu ne vois pas encore Dieu, c'est en aimant le prochain que tu mérites de voir Dieu ; en aimant le prochain, tu purifies ton œil pour voir Dieu. St Jean le déclare formellement : 'Si tu n'aimes pas ton frère que tu vois, comment pourras-tu aimer Dieu que tu ne vois pas (I Jn 4.20) ?'.

On te dit : 'Aime Dieu !'. Si tu me demandes : 'Montre-moi celui que je dois aimer !', que te répondrai-je sinon ce que Jean lui-même enseigne : 'Dieu, nul ne l'a jamais vu !' (Jn 1.18) ? Néanmoins, pour que tu n'ailles pas t'imaginer que cette vision de Dieu t'est totalement étrangère, le même apôtre dit encore : 'Dieu est Charité et celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu !' (I Jn 4.4.16). Aime ton prochain par conséquent et contemple en toi-même la source de ton amour : c'est là que tu verras Dieu autant qu'il te sera possible.

Commence donc par aimer ton prochain ! 'Partage ton pain avec l'affamé, emmène dans ta maison le pauvre sans abri ; si tu vois un homme nu, couvre-le et ne méprise pas ceux qui sont tes proches par leur origine ! (Is. 58.7)'. Si tu fais cela, qu'obtiendras-tu ? 'Alors, ta lumière éclatera comme l'aurore!' (Is 58.8). Ta lumière, c'est ton Dieu ; il sera pour toi l'aurore...

En aimant ton prochain, en prenant soin de ton prochain, tu fais du chemin. Où diriges-tu tes pas sinon vers le Seigneur ton Dieu, vers celui que nous devons 'aimer de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit' (Mt 22.37) ? Nous ne sommes pas encore parvenus jusqu'au Seigneur, mais nous avons le prochain avec nous. Porte donc celui avec qui tu marches afin de parvenir jusqu'à celui avec qui tu désires demeurer". (Hom. sur Jean 17.7-9).

"Je ne sais si on pourrait exalter la charité à nos yeux de façon plus magnifique qu'en disant : 'Dieu est Amour !'.
Eloge bref et éloge considérable, bref dans son expression et considérable par le sens !
C'est vite dit : 'Dieu est Amour !' Voilà qui est très court ! Si tu comptes, il n'y a qu'une phrase !
Si tu pèses, quel poids ! 'Dieu est Amour. Et celui qui demeure dans l'amour, demeure en Dieu et Dieu en lui !' (I Jn 4.16).

Que Dieu soit ta demeure et, toi, sois la demeure de Dieu !
Demeure en Dieu et que Dieu demeure en toi !
Dieu habite en toi pour te contenir ; tu demeures en Dieu pour ne pas tomber, car voici ce que dit l'apôtre de la charité même : 'La charité ne tombe jamais' (I Co 13.8). Comment peut tomber celui que Dieu contient ? (Commentaire 1ère lettre de St Jean 9.1).

mardi 27 août 2013

Hardiesse

21e T.O. Mardi 13/C                                                      I Thess. 2.1sv

Je me permettrai aujourd'hui de ne retenir qu'une phrase de notre lecture, à propos de l'élan missionnaire que St Paul manifestait à l'égard de ses chers Thessaloniciens : "Alors que nous venions de souffrir et d'être insultés à Philippe, comme vous le savez, nous avons trouvé en notre Dieu la hardiesse pour vous prêcher son Evangile en un dur combat !"

La hardiesse - la "parrhésia" -, mot que l'apôtre emploie souvent !

Ecrivant plus tard aux Galates (en 57, alors que la lettre aux Thessalociens date de 50-51), St Paul précise que le but de la mission du Christ, de son Incarnation et de la Rédemption était de conférer aux hommes la dignité de "fils de Dieu" ! "Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils... afin de nous conférer l'adoption filiale. Et la preuve que vous êtes des fils, c'est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! Aussi n'es-tu plus esclave mais fils ; fils, et donc héritier de par Dieu" (Gal 4.4-7).

Dès lors, l'objet de toute prédication évangélique est d'annoncer, de transmettre avec hardiesse cet appel de Dieu : faire de tout un chacun un "fils de Dieu" !   -  Par leur incorporation au Christ... - par la foi : "vous êtes tous fils de Dieu, par la foi, dans Christ Jésus" (Gal 3.26) -, ...les chrétiens ont reçu en conséquence l'Esprit de Jésus, le Fils par nature ! C'est l'Esprit de Jésus qui leur donne une mentalité filiale, la possibilité de vivre conformément à leur nouvel état de fils de Dieu. Sans cet Esprit, ce serait pure prétention invraisemblable. L'apôtre rappellera souvent : "Tous ceux qu'anime l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu...., Vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : Abba, Père ! L'Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. Enfants, et donc héritiers ; héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ, puisque nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui" (Rm 8.14-17).

Aussi, selon St Paul, les chrétiens ont un double privilège :
D'une part, ils ont le droit, la "hardiesse" d'appeler Dieu "Abba" - Père", absolument comme tout fils s'adressant à son Père. Avons-nous cette profonde hardiesse de dire à Dieu : "Père", comme nous l'a enseigné Notre Seigneur lui-même ? Trop souvent, nous sommes encore dans la crainte et allons répétant comme le fils prodigue : "je ne mérite plus d'être appelé ton fils, traite-moi comme l'un de tes mercenaires" (Lc 15-18). Et nous ne disons plus avec assez de conviction : "Notre Père, qui es aux cieux..." !
D'autre part, les chrétiens sont les héritiers directs des biens de leur Père, à l'instar des enfants légitimes. Par l'adoption - grâce à la foi - les chrétiens sont introduits dans la "Famille de Dieu" ! Avons-nous vraiment conscience de cette réalité ?

Tel est l'enseignement de St Paul qu'il répétera avec hardiesse comme aux Ephésiens : "De cet Evangile je suis devenu ministre par le don de la grâce que Dieu m'a confiée en y déployant sa puissance : ... annoncer aux païens l'insondable richesse du Christ..., mettre en pleine lumière la dispensation du Mystère : ce dessein éternel que Dieu a conçu dans le Christ Jésus notre Seigneur, et qui nous donne d'oser nous approcher (de Dieu) en toute confiance par le chemin de la foi au Christ. Ainsi, je vous en prie, ne vous laissez pas abattre par les épreuves que j'endure pour vous ; elles sont votre gloire !" (Ephes. 3.10-12).

Avons-nous suffisamment conscience de cet appel de Dieu en cette année de la foi ? Avons-nous cette hardiesse de nous approcher de Dieu-Père en toute confiance, cette confiance fondée sur "le dessein éternel de Dieu en Jésus-Christ", dessein qui doit se déployer dans l'Eglise, dira St Paul, et donc, présentement, dans notre Eglise ! Et cela, malgré toutes sortes de difficultés !

Car cette hardiesse - cette "parrhésie" qui est la principale caractéristique de l'espérance chrétienne - exclut toute timidité ou crainte : "En possession d'une telle espérance, nous nous comportons avec beaucoup d'assurance",  dira l'apôtre (II Co. 3.12), ce qu'énoncera St Jean à sa façon : "Bien-aimés, si notre cœur ne nous condamne pas, nous avons pleine assurance devant Dieu" (I Jn 3.21). Le croyant s'avance donc vers le Dieu très Saint, la tête haute, sans redouté d'être repoussé ou condamné : "En ceci consiste la perfection de l'amour en nous, dira St Jean : que nous ayons pleine assurance au jour du Jugement" (I Jn 4.17).

Oh, certes ! Le chrétien doit se défier de lui-même, mais il est si sûr de Dieu et de son accueil (Cf. Phil. 1.20 ; I Jn 2.28) que rien n'atténuera sa hardiesse qui est le secret de sa persévérance. Aussi, dira la lettre aux Hébreux, "ne perdez donc pas votre assurance ; elle a une grande et juste récompense" (Heb 10.35).

Le croyant aura même - c'est la seconde note de sa hardiesse - une joyeuse fierté, selon une expression de la lettre aux Hébreux (3.6), d'être appelé à une si haute destinée avec la certitude de la voir s'accomplir. Cette certitude le maintient dans la joie, "la joie de l'espérance" dira l'apôtre (Rm 12.12), malgré tant de sources possibles de tritesse ici-bas : "Vous aurez à endurer, avait dit Jésus ; mais ayez confiance, moi j'ai vaincu le monde" (Jn 16.33). Nos batailles sont gagnées d'avance, puisque le Christ a remporté la victoire, avant que nous ne fussions nés. Aussi bien, les chrétiens, "enhardis", affirment leur certitude, de sorte que, affirme encore la lettre aux Hébreux (13.6), "nous pouvons dire avec hardiesse : Le Seigneur est mon secours ; je ne craindrai pas. Que peut me faire un homme ?".

Dieu nous appelle donc à être enfants de Dieu, non plus des esclaves, sujets de la loi, mais des êtres libres sous l'influence de l'Esprit de Jésus. Or, pour un Grec (à qui s'adresse St Paul) franchise, asssurance, hardiesse caractérisent le citoyen par opposition à l'esclave. Il en est de même dans le Nouveau Testament. Il y a pour un chrétien une conscience de responsabilité, suggérée par exemple par St Luc : "De celui à qui on a confié beaucoup, on demandera davantage" (12.48)... ; à chacun de faire valoir les talents confiés... Et chacun - femme incluse - doit pouvoir agir et prendre la parole pour traduire ses convictions et édifier ses frères. La hardiesse chrétienne, soumise, bien sûr, aux impératifs de la foi et de la charité, est loin de l'omerta pratiquée parfois dans certains milieux écclésiaux et qui a été - on ne le sait que trop - "cette conspiration du silence" (Y. Queffélec), souvent très néfaste.

Quoi qu'il en soit des dérives, le chrétien, enhardi par la richesse du Christ, est, doit être missionnaire pour annoncer l'Evangile là où il se trouve, sans redouter les réactions hostiles ou l'indifférence. Cette "hardiesse" dont parle St Paul, est la source efficace de son témoignage et la condition de la diffusion de la foi en Jésus ! Aussi, il dira souvent : Soyez donc mes imitateurs pour annoncer l'Evangile de Dieu ! Avec hardiesse !

jeudi 15 août 2013

Marie : de la terre au ciel !

Assomption 2013

15 Août ! Une fête que l'on célèbre un peu partout ! Une grande fête : on célèbre “l’Assomption de Marie”. Mais, “l’Assomption de Marie”, c'est quoi au juste ?

Certains avouent que Marie était la grande inconnue de leur foi. Nous-mêmes, nous convenons que, parfois, nous sommes discrets, trop discrets, dans l'admiration que nous portons à celle que toutes les générations proclament “bienheureuse”.
D'autres reprochent à l'Église d'en dire trop : Marie montée au ciel ! Ils nous soupçonnent d'entretenir un rêve... Rêver au ciel en oubliant la terre, le réel de tous les jours et les drames de l'actualité. Mais si c'était un rêve, j'aurais honte de vous en parler ce matin.

Prenons le temps de réfléchir au sens de cette fête. La vie de Marie, y compris son Assomption, a inspiré d'innombrables artistes. On trouve des tableaux dans presque toutes les églises. Eh bien ! Je vous propose de prendre le temps de contempler deux tableaux. Ce sont les deux textes que nous venons d'entendre :
- l’Apocalypse, un tableau un peu abstrait, comme certaines peintures.
- l’évangile de Matthieu, un tableau figuratif.

Le premier, le texte de l'Apocalypse, est un peu déroutant comme une peinture moderne difficile à déchiffrer par les non-initiés. C’est vrai : le livre de l’Apocalypse est écrit en langage “codé”. Et pour cause : c'étaient des pages qu'on se passait “sous le manteau”, en un temps de persécution, pour se redonner confiance. Avec des images saisissantes, l'Apôtre Jean décrit la violence des persécutions contre les chrétiens :
“Le dragon se tenait devant la femme qui allait enfanter afin de dévorer l'enfant dès sa naissance”.

La femme dont il est question, ce n'est pas tout d’abord Marie. Il s'agit de la Communauté des premiers chrétiens, de l'Eglise naissante aux prises avec les persécutions, principalement celles des empereurs romains. Cette Communauté qui enfante un monde nouveau voulu par le Christ va-t-elle être balayée, dispersée par le dragon ? Non, dit l’Apôtre ! Et, avec des mots non moins saisissants, il annonce la victoire certaine du Christ et de ceux qui lui font confiance :
“Voici maintenant le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu et le pouvoir de son Christ”.

En contemplant ce tableau, ne pensons pas seulement au lointain passé, comme si le message ne convenait qu'aux premiers chrétiens. Reconnaissons qu'il dépeint le drame de l'humanité de tous les temps, de notre temps, et qu'il lance un message d'espérance dont nous avons bien besoin nous aussi. Ils sont nombreux, en effet, aujourd'hui, ceux qui perdent confiance et se demandent où est Dieu dans ce monde de violence, de haine et d'injustice. Les paroles de St Jean ne sont pas de trop pour nous dire que le Christ, qui a affronté l'injustice et la mort, nous promet que l'amour et la vie auront le dernier mot.

Et, bien sûr, en ce jour du 15 Août, comme l'Église nous y invite, comment ne pas reconnaître Marie également dans cette femme que décrit St Jean ? C'est elle qui a enfanté le Sauveur et qui, la première, l'a rejoint dans sa résurrection. C'est la foi de l'Église, quand elle proclame l'Assomption de Marie ! Et Marie est près de nous pour nous aider à croire d’abord et à préparer notre propre victoire avec son Fils.

Le second tableau est plutôt une peinture figurative plus facile à déchiffrer. Elle dépeint une scène de la vie quotidienne : la visite de Marie à sa cousine Élisabeth. Deux cousines qui se rencontrent... ! Un épisode de la vie ordinaire. Et c’est bien ! En effet, il ne faudrait pas mettre Marie à part, au “septième ciel”, et oublier que cette jeune femme de Palestine, comme beaucoup de femmes aujourd’hui, faisait chaque jour la cuisine, lavait le linge, ramassait les figues et les raisins, et prenait le temps de parler aux voisines autour de la fontaine. Il n’y avait pas de supermarchés en ce temps-là ! - Et comment oublier, trente ans plus tard, l'autre image, atroce. La femme de 50 ans debout à côté de son fils agonisant sur une croix !

Marie a vécu l'existence humaine partagée par beaucoup de femmes, Mais, pourquoi dit-on que toutes les générations la diront “bienheureuse” ? Qu'a-t-elle donc de si différent, cette femme ordinaire, cette femme presque invisible qu'on pressent derrière les pages de nos évangiles ?

Elle a dit OUI à Dieu, toujours, et cela suffit ! Sa cousine Élisabeth le lui dit : “Bienheureuse es-tu parce que tu as cru”. Et Marie ajoute : “Désormais tous les âges me diront bienheureuse !”. Marie est bienheureuse d'avoir cru à la parole de Dieu, de l'avoir mise en pratique dans une vie tout ordinaire.
Elle a atteint la “Gloire !” Dans la langue hébraïque, le mot “gloire” veut dire : “ce qui fait du poids”. Sa vie tout ordinaire a “fait le poids” aux yeux de Dieu parce qu'elle a dit OUI à Dieu dans les petits détails de la vie quotidienne.

Bonne leçon pour nous qui avons tendance à croire que notre vie est trop ordinaire pour être importante. Marie nous dit que l'extraordinaire – cet extraordinaire de la femme de l’Apocalypse - est possible dans l'ordinaire d'une vie toute simple.

Enfin, Marie nous apprend à prier. Elle a trouvé le premier mot de la prière : OUI, ME VOICI. OUI !

Avons-nous quelque chose de plus important à dire à Dieu chaque matin : Me voici, Seigneur… Inspire-moi à tout moment la parole qu'il faut dire ou le geste qui convient.

Et le dernier mot de la prière : MAGNIFICAT !... MERCI !

Ces deux mots suffisent à toute vraie prière : OUI – MERCI, même si entre ces deux mots, on y met les instants de notre vie, surtout ceux qui sont difficiles à déchiffrer, comme c’était difficile pour Marie qui cependant retenait tout en son cœur et méditait en silence.

Et c’est peut-être là le principal que Marie nous apprend aujourd’hui, elle qui n'a presque rien dit, sauf deux mots : oui et Magnificat. Et aujourd’hui, nous la contemplons dans la gloire de son Fils ressuscité !

mercredi 14 août 2013

Règne de l'Immaculée !

Saint Maximilien Kolbe - 

Raymond Kolbe, le futur saint Maximilien (canonisé par le Pape Jean-Paul II, le 10 octobre 1982), est né le 7 janvier 1894 de modestes tisserands polonais. Enfant violent, indépendant, entreprenant et têtu, il éprouve souvent la patience de sa mère qui s'écrie un jour : "Mon pauvre enfant, que deviendras-tu ?".

La réprimande provoque chez l'enfant une véritable conversion. Il devient sage et obéissant. Il disparaît souvent derrière une armoire où se trouve un petit autel de Notre-Dame de Czestochowa. Là, il prie et pleure. "Voyons, Raymond, lui demande sa mère, pourquoi pleures-tu comme une fille ? - Lorsque vous m'avez dit : "Raymond, que deviendras-tu ?", j'ai eu beaucoup de peine et je suis allé demander à la Sainte Vierge ce que je deviendrai... Elle m'est apparue, tenant deux couronnes, l'une blanche et l'autre rouge. Elle m'a regardé avec amour et m'a demandé laquelle je choisissais ; la blanche signifie que je serai toujours pur et la rouge que je mourrai martyr. J'ai répondu : "Je choisis les deux !"

Depuis cette apparition, le futur Saint conservera un amour indéfectible pour la Vierge Marie. Ayant lu les écrits de St Louis-Marie Grignion de Montfort, il consacre sa vie à la Sainte Vierge. Il écrira plus tard : "De même que l'Immaculée est à Jésus, à Dieu, de même chaque âme va, par Elle et en Elle, à Jésus, à Dieu ; et cela beaucoup mieux que sans Elle !".

Attiré par Marie, Raymond Kolbe embrasse la vie religieuse chez les Franciscains et devient "frère Maximilien Marie".

Tout l'apostolat du P. Maximilien Kolbe ne se comprend qu'à partir de sa dévotion à la Vierge Marie.

- Conscient de la puissance de l'Immaculée contre le mal, il fonde la "Mission de l'Immaculée" sur cette parole de Dieu au serpent : Elle (la Sainte Vierge) t'écrasera la tête (Gn 3, 15). Le but de son œuvre est d'obtenir "la conversion de tous les pécheurs"...

- En 1919, on l'envoie dans un sanatorium où les secours religieux font défaut. Bien que lui-même malade, il entreprend un apostolat auprès de ses compagnons, à l'aide de la "médaille miraculeuse". Il gagne si bien les cœurs et les esprits qu'on l'invite à donner des conférences qui sont l'occasion de conversions.

- Il prend conscience encore que "de nos jours, le plus grand poison est l'indifférence religieuse...". C'est avec l'aide de Marie qu'il combat ce fléau en fondant "la Cité de l'Immaculée". Tout y est consacré à Marie. Nombreux sont ceux qui viennent à lui... "Nous vivons, dira-t-il, d'une idée fixe, si l'on peut s'exprimer ainsi, volontairement choisie et aimée : l'Immaculée !".

- La presse, dont l'influence ne cesse de grandir, lui apparaît comme un terrain privilégié d'apostolat. Il lance, en vue de l'évangélisation, la revue : "Le Chevalier de l'Immaculée", qui devient bientôt la plus importante publication de Pologne. En 1939, son tirage atteindra un million d'exemplaires.

Un jour, vers 1930, il rencontre, dans un train, des étudiants japonais. La conversation s'engage et le Père offre des "médailles miraculeuses". En échange, les étudiants lui donnent de petits éléphants en bois qui leur servent de fétiches. Depuis ce temps, le saint ne cesse de penser à la grande pitié de ces âmes sans Dieu. Aussi, il demande d'être envoyé au Japon. Après quelques atermoiements, il obtient toutes les autorisations. Il part avec quatre frères. À force de travail, d'audace, de prières et de confiance en l'Immaculée, ils parviennent à créer le "Jardin de l'Immaculée".
Deux ans après, le Père Maximilien s'embarque pour fonder aux Indes. Aux prises avec de grosses difficultés, il prie Ste Thérèse de Lisieux : n'avait-il pas convenu avec elle, jadis étudiant à Rome, qu'il prierait chaque jour pour sa canonisation, mais qu'en retour elle serait la patronne de ses œuvres ? Ste Thérèse honore le contrat. Tous les obstacles tombent comme par enchantement.
Mais, exténué et miné par la fièvre, l'apôtre de Marie Immaculée doit rentrer en Pologne, en 1936.

En Septembre 1939, la guerre s'abat sur le pays. Le Père Maximilien s'adonne, avec plus d'ardeur que jamais à l'apostolat. "Si le bien consiste en l'amour de Dieu et en tout ce qui jaillit de l'amour, le mal, dans son essence, est une négation de l'amour", lit-on dans la publication de son dernier article. Voilà le vrai conflit. Au fond de chaque âme, il y a ces deux adversaires : le bien et le mal, l'amour et le péché. St Augustin avait déjà exprimé ce conflit. "Deux amours ont fait deux cités : l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu a fait la cité terrestre ; l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi a fait la cité céleste" (Cité de Dieu, XIV, 28).

Le 17 février 1941, la Gestapo arrête le Père et quatre autres frères et les enferme en la prison de Varsovie. Le Père y est violemment frappé en tant que religieux et prêtre. Il écrit : "L'Immaculée, Mère très aimante, nous a toujours entourés de tendresse et veillera toujours. Laissons-nous conduire par Elle, de plus en plus parfaitement où qu'elle veuille et quel que soit son bon plaisir, afin que, remplissant nos devoirs jusqu'au bout, nous puissions, par amour, sauver toutes les âmes".
Quelques jours plus tard, le Père Kolbe est transféré au camp d'Auschwitz.

Bientôt hospitalisé, à la suite des sévices endurés, il confesse à longueur de nuits, malgré l'interdiction et la menace de représailles. Il sait convertir en bien le mal lui-même, et explique un jour à un malade : "La haine n'est pas une force créatrice. Seul l'amour est créateur. Les souffrances ne nous feront pas plier, mais elles doivent nous aider, toujours davantage, à être forts. Elles sont nécessaires, avec d'autres sacrifices, pour que ceux qui resteront après nous soient heureux".
Il fait partager à ses compagnons l'expérience du mystère pascal, où la souffrance vécue dans la foi se transforme en joie. "Le paradoxe de la condition chrétienne, dira Paul VI, éclaire singulièrement celui de la condition humaine : ni l'épreuve ni la souffrance ne sont éliminées de ce monde, mais elles prennent un sens nouveau dans la certitude de participer à la Rédemption opérée par le Seigneur et de partager sa gloire" (Exhortation Apostolique sur la joie chrétienne, 9 mai 1975).

Et nous connaissons bien la suite : À la fin de juillet 1941, un prisonnier du bloc 14, celui du Père Maximilien, s'est évadé. Le chef de camp avait prévenu que, pour chaque évadé, dix hommes seraient condamnés à mourir de faim et de soif. Un des malheureux désignés pour la mort s'écrie : "Oh ! Ma pauvre femme et mes enfants que je ne reverrai plus !". Alors, au milieu de ses camarades stupéfaits, le Père Maximilien se fraie un chemin, sort des rangs et déclare : "Je voudrais mourir à la place d'un de ces condamnés", et il désigne celui qui vient de se lamenter. - "Qui es-tu ?", demande le chef du camp. - "Prêtre catholique", répond le Père. Car c'est comme prêtre catholique qu'il veut donner sa vie. L'officier, étonné, garde un moment le silence puis accepte l'héroïque proposition.

Dans le bloc de la mort, les geôliers se rendent compte qu'il se passe quelque chose de nouveau. Au lieu des cris de détresse habituels, ce sont des chants qu'ils entendent. La présence du Père Maximilien a changé l'atmosphère de l'affreuse cellule. Le désespoir a fait place à une aspiration pleine d'espérance, d'acceptation et d'amour, vers le ciel, vers la Mère de Miséricorde. À la veille de la fête de l'Assomption, seul le Père Maximilien est pleinement conscient. Au moment où les gardes entrent pour l'achever, il est en prière. Voyant la seringue, il tend lui-même son bras décharné à la piqûre mortelle. C'est le 14 Août 1941.

De son vivant, le P. Maximilien Kolbe aimait à répéter : "Sur cette terre, nous ne pouvons travailler que d'une seule main, car de l'autre nous devons bien nous cramponner pour ne point tomber nous-mêmes. Mais au Ciel, ce sera différent ! Point de danger de glisser, de tomber ! Alors nous travaillerons bien plus encore, de nos deux mains !". 

Confions-nous donc désormais à St Maximilien Kolbe déclaré par Paul VI et Jean Paul II "martyr de l'Amour" ! Il ne cesse, au ciel, de travailler de ses deux mains pour notre bien, comme l'avait promis également Ste Thérèse de Lisieux. Demandons-lui particulièrement de savoir nous donner à Dieu et à nos frères, et cela par notre union à Marie Immaculée : Retenons son enseignement, appliquons-le : "De même que l'Immaculée est à Jésus, à Dieu, de même chaque âme va, par Elle et en Elle, à Jésus, à Dieu ; et cela beaucoup mieux que sans Elle !"

lundi 12 août 2013

"Frémir" de Dieu !

T.O. 19 - Lundi  -  Ste Jeanne-Françoise de Chantal

Il y a deux ans, j'avais résumé la vie de Ste Jeanne-Françoise de Chantal que nous fêtons aujourd'hui, une vie toute dévouée à l'Amour de Dieu, selon la grande spiritualité du "Traité de l'Amour de Dieu" de St François de Sales, son "père spirituel" et l'initiateur de l'"Ordre des Visitandines" qu'elle fonda.

Le Saint évêque de Genève affirmait que l'Amour "fait son séjour sur la plus haute et relevée région de l'esprit, là où il fait ses sacrifices et holocaustes à la Divinité. Car l'Amour n'a point de forçats, ni d'esclaves, mais réduit toutes choses à son obéissance avec une force si délicieuse que comme rien n'est fort que l'amour, rien non plus n'est si aimable que la force".

"Amour, Amour, je ne sais plus autre chose", disait Ste Jeanne-Françoise de Chantal à la fin de sa vie. Comme l'apôtre St Jean lui-même, très âgé, ne faisait que répéter son ultime message : "Dieu est Amour !".

Au mot "amour" trop commun à son goût, St François de Sales préférait le mot "dilection" - désuet de nos jours -, mot qui exprimait un amour de choix, d'élection. L'amour est pure "adhésion", disait-il en son style inimitable du 17ème siècle, "parce que, par elle, - par cette adhésion - l’âme demeure prise, attachée et collée à la divine Majesté”. Et il ajoutait : C’est ce que Dieu requiert de nous, qu’entre tous nos amours, le sien soit le plus cordial, dominant sur tout notre cœur ; le plus affectionné, occupant toute notre âme ; le plus général, employant toutes nos puissances ; le plus relevé, remplissant tout notre esprit ; et le plus ferme, exerçant toute notre force et vigueur".

Or, par coïncidence, c'est ce qu'exprime notre lecture d'aujourd'hui du Temps Ordinaire. "Et maintenant, Israël, que te demande le Seigneur ton Dieu ? Rien d'autre que de craindre le Seigneur ton Dieu, de suivre toutes ses voies, de l'aimer, de servir le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme, de garder les commandements du Seigneur... !".

"Rien d'autre que de craindre le Seigneur !". Je préfère mille fois la traduction littérale qui correspond d'ailleurs à la spiritualité et aux expressions de St François de Sales et de Ste Jeanne-Françoise de Chantal : "Rien d'autre que de "frémir" du Seigneur ton Dieu!" (traduction A. Chouraqui). Un "frémissement" qui est comme une "adhésion" spontanée et libre envers Dieu !

Il y a quelque temps, j'ai accueilli une personne qui demandait à voir un prêtre : baptisée, elle n'avait pratiquement pas été élevée dans la religion chrétienne. Mais elle conservait ce "frémissement", cette "fides qua" dont parle St Augustin, ce "par quoi je crois", une sorte d'adhésion à Dieu - qui est grâce divine -, une adhésion qui se situe bien au delà de la raison en laquelle cependant peut s'exprimer la "fides quod" de St Augustin : "ce que je crois", les formules de notre Credo, par exemple.
Mais c'est la "fies qua", cette "adhésion", ce "frémissement" de Dieu qui importe avant tout. Certains intellectuels, philosophes... peuvent avoir une connaissance approfondie de "ce que" nous croyons ("fides quod"), sans avoir, malheureusement, ce "frémissement", cette "adhésion" spontanée envers Dieu ("fides qua"). Sachons faire ce discernement pour nous-mêmes. Ne soyons surtout pas de grands savants sans foi !

La foi exclut donc la crainte au sens commun du terme.
Quant à son passé, le fidèle ne doute pas d'être justifié par le baptême.
Quant au présent, il se sait dans la voie du salut, comme sauvé déjà en acte.
Quant à l'avenir, "l'Esprit, dit St Paul, nous fait attendre de la foi les biens qu'espère la justice". (Gal 5.5.).
Si le fidèle s'attache au Christ immuable - "le même hier et aujourd'hui, il le sera à jamais" (Heb 13.8) -, c'est qu'il s'appuie sur son secours indéfectible, de sorte que la foi exclut toute crainte : "En toute assurance, dit la lettre aux Hébreux (13.6) nous pouvons dire avec hardiesse : Le Seigneur est mon secours; je ne craindrai rien !".

Aussi, dans la Bible, la crainte de Dieu est à peu près synonyme de notre vertu de religion : un respect souverain de Dieu, de la transcendance de Dieu. C'est en ce sens que l'impie de craint pas Dieu, ne tient pas compte de ses préceptes : "Il y avait dans une ville, rapporte St Luc dans l'une des paraboles du Christ, un juge qui ne craignait pas Dieu et n'avait de considération pour personne" ; (Luc 18,2,4 - Cf. Rm 3.18).
Aui contraire, les croyants qui sont des adorateurs (Cf. Lc 1.50 ; Ac. 10.22 ; 13.16), vivant dans une humble obéissance à la volonté divine, "marchent" et "se sanctifient dans la crainte de Dieu", cette crainte qui est vénération ressentie comme un "frémissement", une "adhésion" totale à Dieu Créateur et Rédempteur. "Les Eglises dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie, dit encore St Luc, s'édifiaient et vivaient dans la crainte du Seigneur et elles étaient comblées de la consolation du Saint Esprit" (Ac. 9.31). "Purifions-nous donc de toute souillure, disait St Paul, achevant de nous sanctifier dans la crainte de Dieu" (II Co. 7.1), dans cette "adhésion" à Dieu, aurait traduit St François de Sales, dans ce "frémissement" de Dieu toujours ressenti.

"Il n'y a pas de crainte dans l'amour, disait encore St Jean. Au contraire, le parfait amour bannit la crainte, car la crainte implique un châtiment, et celui qui craint n'est point parvenu à la perfection de l'amour" (I Jn 4.18).

La crainte c'est la "reverentia" (révérence), l'"obsequium" (soumission, obéissance) inspirés par le Sacré : l'âme pleine de révérence et de sujetion devant la Majesté divine est comme anxieuse de lui rendre l'honneur et le service qui lui sont dûs. Autrement dit, crandre Dieu, c'est le glorifier : "Craignez Dieu et glorifiez-le" (Apoc 14.7). Glorifier Dieu ! N'est-ce pas la vocation de tout baptisé, et, a fortiori, de toute vie consacrée ?

dimanche 11 août 2013

Vigilance !

19e Dimanche T.O. 13/C

La lecture de l’évangile que nous venons d’entendre nous rappelle le grand devoir de la vigilance, de l’attente du retour du Seigneur. C'est l’un des thèmes fondamentaux des Evangiles et des écrits du Nouveau Testament.

Les Chrétiens sont ceux qui attendent le Seigneur
Il doit venir ! Il vient !
Il viendra pour chacun de nous le jour de notre mort ; ce sera la rencontre définitive avec le Seigneur.
Il viendra aussi pour le monde, comme il l’a dit lui-même, comme le rappelle souvent St Paul.
Il viendra dans sa gloire, comme il est venu dans l’humilité lors de son premier avènement, écrivaient les Pères de l’Eglise.

Or, l’heure où il viendra pour chacun de nous ou pour le monde entier est inconnue : “Le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit”, explique St Paul  (I Th 5/2). C’est cette inconnue qui doit commander notre vigilance !

1. Il faut être prêt.  - C’est le sens des images employées par l’évangile : “Restez en tenue de service !”. - “Gardez vos lampes allumées !”. - “Soyez comme des gens qui attendent leur maître pour lui ouvrir dès qu’il arrivera !”.

Etre prêt ! Donc nous efforcer d’être toujours comme nous voudrions être au moment où paraîtra le Seigneur pour nous. Cette pensée devrait nous aider à tenir bon au milieu des tentations de toutes sortes, à faire la volonté de Dieu, notre Père.

Cette volonté, nous la connaissons par l’Evangile dont nous entendons un passage chaque dimanche, voire chaque jour, mais que nous devrions aimer à relire souvent de façon personnelle. L’Evangile contient les paroles de la Vie éternelle. Oui, aimons relire la Parole de Dieu ! Redisons-le : La "table du Pain" et la "table de la Parole" sont absolument de même importance depuis que le Verbe s'est fait chair ! Nous vénérons à juste titre le "Saint-Sacrement", et souvent nous négligeons de lire avec compréhension la Parole de Dieu, de la proclamer avec respect et grande attention. Le Concile Vatican II le dit expressément : "De même que l'Eglise reçoit un accroissement de vie par la fréquentation assidue de mystère eucharistique, ainsi peut-on espérer qu'un renouveau de vie spirituelle jaillira d'une vénération croissante pour la Parole de Dieu qui demeure à jamais !" (Dei Verbum 26).

La volonté de Dieu nous est manifestée encore, pour chacun de nous, par les événements de notre vie qu’il faut toujours inscrire dans le mystère pascal du Christ, ce mystère de mort et de vie ! Rien ne vient au hasard. Le hasard n’existe par pour le chrétien. Le hasard, a-t-on dit, c’est Dieu qui vient incognito. Tout est voulu ou permis par Dieu qui veut notre bien en ce mystère pascal du Christ !

Oui, le chrétien cherche, par sa vigilance, cette volonté de Dieu sous tous ses aspects, y adhérant le plus possible. Oh ! Certes ! Chacun a ses défaillances ; mais l’important, c’est de recommencer toujours, de toujours orienter sa volonté vers le bien. La vigilance, c’est de ne jamais renoncer à cette orientation, de la garder, de la reprendre dès qu’on l’a perdue. 
 
St Paul (Cf Rm 8.19 ; Phil. 1.20) a forgé un néologisme pour stigmatiser cette attitude d’attente. Il utilise le substantif “apokaradokia“ qui évoque la silhouette du guetteur : il dresse la tête (kara) pour épier (dokein) et tâcher de découvrir au loin (apo) celui qui doit arriver.
"Apokaradokia" - C’est l’homme d’espérance qui observe attentivement et se tient prêt pour le moment favorable.

2. Etre Prêt ! Et pour cela il faut être détaché du monde présent même si nous devons bien en user !
Nous ne sommes qu’en passant ici-bas. Les deux premières lectures le soulignent fortement ! Dans ce monde si beau, quand il n’est pas défiguré par le péché, nous sommes comme des voyageurs, des pèlerins qui marchons vers un but bien précis, car “notre cité, à nous, dit encore St Paul, est dans les cieux”. Nous marchons vers cette cité, dit la lettre aux Hébreux “dont Dieu seul est l’architecte et le fondateur“.

Toutes les réalités de ce monde, tous les biens créés doivent être pour nous des chemins vers Dieu.
Or, trop souvent nous en faisons des demeures, nous nous y installons en propriétaires. Pourtant, être chrétien, c’est être pèlerin, être toujours en route, ne jamais s’installer sur quelque parking, fût-il sacré ! Nous n’avons pas d’itinéraire bien fixé, pas de carte bien tracée : tous les chemins de vie mènent vers la “cité d’en-haut !”. "Marche devant ton Dieu ! Marche avec ton Dieu !". C'est un leitmotiv constant dans la Bible !
Aussi, cette marche, même sans itinéraire bien précis, n’est pas non plus une errance absolue ; c’est surtout un chemin de foi. “Abraham partit, est-il dit, ne sachant où il allait”. Au 4ème s., un Père de l’Eglise commentait avec humour : “Signe qu’il était dans la bonne direction” !

Oui, nous sommes tous en marche !
Le peuple de Dieu est un peuple qui marche !
Dieu lui-même, après tout, est sans domicile fixe. C'est ce qu'il signifiait à David : on ne peut enfermer Dieu, même dans un temple sacré ! Et ici-bas, en Jésus,Dieu n'avait pas eu où reposer la tête. Pour nous les hommes, il descendit du ciel ; il s’est fait homme, est mort, est descendu aux enfers ; il monta au ciel ; il reviendra dans la gloire… Quel exode ! Quelle marche ! 
Ainsi, notre foi est une fidélité moins à un passé (souvent pétrifié), qu’à un avenir ; chaque jour est un défi. Il faut sans cesse partir “de commencement en commencement par des commencements sans fin”, disait St Grégoire de Nysse


3. Etre prêt ! Etre toujours en mouvement ! 
Pour attendre la venue du Seigneur avec un grand désir !
C’est précisément pour cela qu’on doit être détaché : pour avoir le cœur plus disponible, plus ouvert aux réalités qui ne passent pas, à celles de Dieu, à Dieu. “Là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur”.
Le chrétien doit réellement désirer la rencontre avec son Seigneur. C’est dans la logique de sa foi.

Déjà il désire cette rencontre durant son voyage terrestre !  
- Abraham, au chêne de Mambré, a accueilli “celui qui passe” ; Or celui qui passait était trois - Dieu Trinité - !
- Le père de l’enfant prodigue a veillé et a couru pour une réelle rencontre.
- Le bon samaritain s’est arrêté.
- A Emmaüs, le pain a été partagé, et ils reconnurent le Seigneur.
Oui, nos routes ont leurs refuges ; nos déserts ont leurs oasis pour des rencontres, déjà ! Et peut-être, d’ailleurs, que “nos vrais voyages, ce sont les autres” (M de Certeau), puisque là où est l’amour, Dieu est là !

Plus encore, car une ultime étape s’ouvre au pèlerin d’éternité.
St Augustin l’évoque magnifiquement : “Je te cherchais dehors, et je ne t’ai pas trouvé ; car tu étais en moi et moi je n’étais pas chez moi”.  Oui, notre grande aventure, elle est en vous ; elle est en moi. Peut-être au cœur d’un amour ; peut-être sur un lit de souffrance, dans le drame d’une déchirure, d’une solitude ou d’un deuil.
Les grandes routes sont aussi au dedans de nous !

Oui, notre pèlerinage se fait ainsi dans la foi ! Non dans l’ignorance puisqu’il nous est déjà donné de rencontrer Dieu en ce monde, près de nos frères et en nous-mêmes ! Mais dans la foi ! La lettre aux Hébreux le dit très bien : “La foi est la manière de posséder déjà ce qu’on espère et de connaître les réalités qu’on ne voit pas”. – Connaissance dans l’obscurité, mais absolument certaine et qui doit être la grande lumière de notre vie.

Ainsi le chrétien vit dans l’attente plénière de la venue du Seigneur. Les premiers chrétiens utilisaient une expression araméenne qui est passée dans notre liturgie : “Marana tha” : “Notre Seigneur, viens”. St Paul la cite à la fin de la première lettre aux Corinthiens. Et toute la Bible se termine magnifiquement par ces mots de l’Apocalypse : “Amen ! Viens, Seigneur Jésus !”.

 “Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus. Nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire”.

Nous attendons ! Et nous ne serons pas trompés dans notre attente. “Heureux les serviteurs que le Maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller !”. C’est la béatitude des béatitudes. “Vraiment je vous le dit, il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour”. C’est un retournement inouï : le Maître se fera le serviteur de ses serviteurs.

Y a-t-il dans tout l’évangile une expression plus bouleversante de l’Amour dont le Seigneur nous aime ?