jeudi 31 octobre 2013

Hymne à l'Amour de Dieu !

30e T.O. -  Jeudi         (Rm 8, 31-39)

En raison des fêtes liturgiques et de diverses circonstances, il est toujours difficile de suivre le développement d'une lettre de St Paul que le missel nous propose, telle celle adressée aux Romains que nous suivons depuis une ou deux semaines.

Cependant, en cette lettre, nous avons bien perçu, au long des jours, ce que St Paul a voulu mettre en lumière : l'Evangile qu'il annonce, avec joie et persévérance, révèle avant tout la "justice" de Dieu envers nous (comprenons notre "sanctification"). Cette "justice" divine est un don gratuit de son amour pour tout homme, pour chacun d'entre nous. Cette "justice" se manifeste en nous par la foi, toujours grandissante : "ex fide in finem", une justice "allant de la foi à la foi" (I.17). Et St Paul, restant "Hébreu, fils d'Hébreu", démontre qu'un tel mode de "justification", de "sanctification", bien loin de contredire l'Ancien Testament, l'accomplit parfaitement !

Puis dans une deuxième partie, il affirme qu'à l'homme "justifié", "sanctifié", l'amour de Dieu - cet amour manifesté en Jésus Christ mort et ressuscité - assure notre salut
- négativement : en nous délivrant du péché et de la mort, et même de la Loi (mosaïque),
- positivement : en nous octroyant la "Vie de l'Esprit", de cet Esprit divin qui nous fait "enfants de Dieu" ! "L'esprit de Dieu atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu", vient-il d'affirmer (8.16 cF. 8.11).

Et après avoir achevé de décrire le développement de cette "Vie de Esprit" en nous, et ayant énuméré toutes les raisons qui fondent l'espérance chrétienne, St Paul veut conclure - c'est notre texte d'aujourd'hui -.
Il le fait à sa manière qui est celle d'une flamme qu'il ressent en lui-même, celle d'un enthousiasme débordant. En phrases ardentes où l'on aurait tort de chercher un rythme prémédité, il lance un hymne de confiance triomphante !

"Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?".
Dans cette simple phrase que notre foi doit retenir en toutes circonstances, Paul affirme d'abord qu'aucun ennemi - absolument aucun - n'est assez puissant pour prévaloir contre l'amour de Dieu à notre endroit !
Et pourquoi ? Parce que son Fils mort sur la croix nous en est un garant.

Peuvent suivre alors les interrogations particulières qui tendent au même but : écarter de nous toute crainte !
Ni les épreuves de la vie : détresse, angoisse, faim, dénuement,
ni la mort elle-même,
ni les puissances, celles d'en haut ou celles des profondeurs...,,
ni ce qui est du temps ou de l'espace...,
rien "ne pourra nous séparer de l'amour du Christ, manifesté en Jésus Christ !"

Bien plus, Paul avait lancé cette interrogation : "Qui accusera les élus de Dieu ?". Qui pourrait le faire ?
- Certains rapportent cette phrase au "jugement final" : Qui, au dernier jour, accusera les élus de Dieu, puisque "Dieu justifie !".
- La plupart voient dans cette phrase un futur indéterminé en rapport avec la situation des "élus", c'est-à-dire des chrétiens, dans la vie présente : "C'est dès à présent, commente le P. Lagrange, qu'il n'y a pas de condamnation pour eux. L'apôtre l'a déjà fortement affirmé au début de ce chapitre : "Il n'y a plus, maintenant, aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ !" (8.1). Et le verset 35ème qui parle de détresse, d'angoisse, de faim, etc. indique bien certaines situations du temps présent !".
Il serait donc mieux de traduire finalement : "Qui oserait accuser les élus de Dieu ?" ! Aujourd'hui ou demain ?

C'est surtout St Jean qui insistera sur cet aspect du "jugement" à la fois temporel et éternel :
Le "jugement", dit-il se réalise dès le moment où le Père envoie son Fils dans le monde pour manifester, disait St Paul, l'amour de Dieu qui "justifie" à travers le temps et l'espace.
Car, insiste St Jean, Jésus n'est pas venu pour juger le monde mais, au contraire, pour le sauver (Cf. 3.17).
Mais, suivant l'attitude que chacun prend à son égard, le "jugement" s'opère aussitôt, en ce momen : qui croit ne sera pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé parce qu'il a refusé la Lumière ("Qui croit en lui n'est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au Nom du Fils unique de Dieu !" 3.18sv). St Paul ne disait pas autre chose : "La justice de Dieu s'est révélée, allant de la foi à la foi" (Rm 1.17), "par la foi en Jésus Christ pour tous ceux qui croient..." (Rm 3.21).

Le jugement est donc moins une sentence divine qu'une révélation du secret des cœurs humains. Ceux dont les œuvres sont mauvaises préfèrent les ténèbres à la Lumière (Jn 3.19sv). Pour les autres, Jésus vient guérir leurs yeux (9.19) pour qu'agissant dans la vérité ils viennent à la Lumière (3.21).

Le "jugement final", décrit par les évangélistes avec les imagerries de leur temps, ne fera finalement que manifester au grand jour ce clivage opéré dès maintenant dans le secret des cœurs.

St Paul ne fera que reprendre ce raisonement à sa façon : pour les croyants, il n'y a pas de condamnation : Dieu les justifie ; qui donc les condamnerait ? Sous l'ancienne Loi, le ministère de Moïse était un ministère de condamanation, mais celui des serviteurs de l'Evangile est un ministère de grâce (2 Co. 3.9) et de réconciliation (5.19sv). C'est cela qui nous donne pleine assurance pour le jour du jugement (I Jn 4.17) : l'amour de Dieu pour nous s'est déjà manifesté dans le Christ , si bien que nous n'avons plus rien à craindre.

Que notre vie personnelle soit donc toujours une louange à l'amour de Dieu dont rien ne pourra nous séparer.
Que toute vie communautaire - familiale ou religieuse - chante à longueur de jours cet amour de Dieu pour tout homme !
Que notre vie ecclésiale nous prépare à la liturgie céleste qui sera une louange à l'Amour de Dieu, cette liturgie dont la fête de tous les Saints que nous allons célébrer n'est qu'une anticipation prophétique.

lundi 28 octobre 2013

La Vie dans l'Esprit !

30e T.O. -  Lundi               (Rm 8, 12-17)

Nous sommes aujourd’hui dans le chapitre 8ème de l’épître aux Romains qui pourrait être intitulé : "La vie du chrétien dans l’Esprit !". La lecture du jour commence au verset 12ème. Il faudrait la reprendre, me semble-t-il, dès le début de ce chapitre...

St Paul, après la confession pathétique qu’il a faite de la lutte intérieure qui fut la sienne, qui est la nôtre aussi, nous dit - et on a toujours besoin de s’en persuader -, qu’il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus !

Bien des chrétiens, en effet, traînent trop facilement des sentiments de culpabilité stérile!

D'ailleurs, il faudrait, spirituellement, éviter tout amalgame et bien distinguer la culpabilité et le repentir.
La culpabilité nous jette souvent dans cet "univers morbide de la faute" dont parlait naguère un certain Dteur A. Hesnard (disciple de Freud !), un univers en lequel on ne cesse de macérer sa faute jusqu'à épuisement ; et cela, la plupart du temps, sous la pression d'un orgueil bafoué !

Par le repentir au contraire, nous sommes appelés, comme David, à rebondir humblement pour devenir de plus en plus, avec la grâce miséricordieuse de Dieu, une "créature nouvelle", à devenir de plus en plus "fils de Dieu" ! - "Crée en moi un cœur pur", demandait David.

La culpabilité entrave souvent en nous cet élan de "fils de Dieu", au lieu d'accroître notre contemplation du Christ en croix, et de regarder avec émerveillement cette source divinement miraculeuse qui sort de son côté percé par la lance du centurion, et dont la puissance régénératrice est bien plus forte que celle du fleuve qui sortait du temple selon la vision du prophète Ezéchiel.
"Si notre cœur nous condamne, disait St Jean, Dieu est plus grand que notre cœur !" (I Jn 3.20). Par notre repentir véritable, que notre regard ne cesse jamais de se porter constamment "vers Celui qui a été transpercé" (Cf Za. 12.10 - Jn 19.34,37), pour notre rédemption !

Mais, pour autant, n’allons pas dire comme un illustre hérétique (Luther) : "Pecca fortiter et crede fortius" ("Pèche fortement et crois plus fortement encore !").

La foi, ranimée par notre repentir sincère,
porte notre regard vers le Christ en croix,
nous fait profiter de cette source qui sort du vrai Temple qu'il est désormais,
nous invite à vivre dans une reconnaissance éperdue
et fait ainsi rebondir toute notre vie en lui faisant reprendre un élan qui n’est rien moins que l’Esprit Saint en personne.
"Et si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous (Rm 8, 11).

Vivre dans l’Esprit, en enfant de Dieu, c’est encore chasser la crainte paralysante. "Aussi bien n'avez-vous pas reçu un esprit d'esclaves pour retomber dans la crainte, continue St Paul ; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : Abba ! Père !  L'Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu et cohéritiers du Christ !", (Rm 8, 15). C'est en ce sens que St François de Sales affirmait : "La peur (de Dieu) est plus redoutable que le péché".

Certains écrivains modernes ont cyniquement abusé de certains textes du Nouveau Testament. Je pense à André Gide, commentant la parabole de l’"enfant prodigue". Il fait dire au fils aîné, voyant son cadet revenant vers son Père qui l’accueille en le prenant dans ses bras et en organisant la fête où l’on tue le veau gras : "A mon tour maintenant. Je vais en faire autant, puisque le pardon est si facile !".

D’autres ont parlé, dans le même sens, du sacrement de réconciliation dont il serait trop facile d’abuser, l’absolution étant donnée si facilement.

Ces caricatures cyniques ne doivent avoir pour effet que de nous faire vivre plus authentiquement en la Vie divine, en cette vie selon l’Esprit !

St Augustin ne disait-il pas que les chrétiens doivent être "amoureux de beauté spirituelle, non comme des esclaves sous la Loi, mais en hommes libres, ressuscités par la grâce"…, à charge d’aimer les autres, non seulement comme nous-mêmes, mais comme Dieu nous a aimés !

Tel est le commandement nouveau de la nouvelle Alliance !

dimanche 27 octobre 2013

Prier !

30e Dimanche du T.O. 13/C   

Un jour, j'ai lu que prier, c'était dangereux ! 
Oui, prier comporte de grands risques : celui de s'isoler des autres, de se tromper sur Dieu et de gâcher sa vie !

La parabole du pharisien et du publicain est une parabole de combat. 
On la croit rassurante parce qu'on se range du côté du publicain - non sans pharisaïsme d'ailleurs -, alors que Jésus, en ce récit, a l'audace de déclarer : la prière peut séparer de Dieu et des hommes ! 

"Deux hommes montèrent au Temple pour prier.…!".
Le premier avait grande allure. Il faisait partie des pharisiens, hommes pieux, exigeants, des modèles pour les Juifs du temps, des "Justes" ! Mais alors, pourquoi la prière de ce Juste serait-elle refusée ? Aurait-il oublié quelque faute ? La parabole ne le laisse nullement entendre. Pas plus qu'elle n'insinue que le publicain fût meilleur qu'il ne le disait. Non, c'est clair : le pharisien était un "pur", un vrai ; et le publicain un de ces hommes véreux. Prier ne suppose donc pas une déclaration de "bonne conduite". Heureusement ! Pourtant, on entend souvent : “S'il m'arrive tel malheur, c'est que je le mérite sans doute ! - Si je ne suis pas exaucé, c'est que je ne suis pas assez saint !"
Or, rien n'est plus faux. Ce ne sont pas des bilans de moralité que Jésus confronte, mais deux attitudes à l'abrupt de la prière… !

De plus, l'un savait prier ; et l'autre ne savait guère. Le pharisien savait - ce que souvent nous ignorons - que toute prière doit commencer par l'action de grâces. Faut-il le taxer d'orgueil, de prétention, alors qu'il remercie Dieu d'être un honnête homme et qu'il lui présente l'offrande de sa vie ? Ce serait trop facile, et nous serions encore sur le terrain de la morale. - Non, ce n'est pas sur la façon de prier que porte l'accusation de Jésus. Il sait trop bien - lui qui nous a appris le "Notre Père" - que nous ne savons pas prier "comme il faut" !

La faille est plus profonde, plus difficile à déceler. Jésus va y porter le scalpel avec grande lucidité.

Dans l'homme qui semblait un modèle de santé religieuse, il diagnostique le mal le plus irrémédiable : sa prière l'a enfermé sur lui-même.
Il remercie Dieu d'être un bon pharisien. Il "pose" son existence face à Dieu. Il ne sait plus que l'homme a toujours à recevoir, à "renaître" de la bonté de Dieu. Ce n'est pas pour rien qu'après cette parabole, Luc nous rapporte la parole de Jésus : "Quiconque n'accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant n'y entrera pas ! " (18/17).
Or, le pharisien ne pense plus être un "enfant de chœur". Il est un adulte installé à son compte dans les affaires de Dieu. Il rend grâce pour son existence droite ; mais, ce faisant, il ignore qu'il a toujours à recevoir sa vie, dans une pauvreté radicale, de la grâce divine ; Il ne veut plus "renaître", tout accueillir de Dieu comme un enfant. Dieu n'est pas, pour lui, celui qui surgit avec le visage de la tendresse là où l'on attend celui de la justice. Dieu ne le surprend plus. Le pharisien ne parle que de lui en parlant de Dieu. Sans le savoir, il refuse Dieu.

Du même coup, il s'est "séparé" également des autres. Il n'est pas comme le reste des hommes, et en particulier comme ce publicain qui semble arriver juste à point pour fournir un terme de comparaison. Sa prière déclare cette distance. Face aux hommes, comme face à Dieu, le pharisien est installé à son compte. Il n'a pas besoin d'eux. Il n'a plus à recevoir. Il a laissé derrière lui les hommes du commun. Il refuse l'humanité.

Oui, la prière a ses risques : elle peut emmurer en lui-même celui qui croit s'adresser à Dieu, elle peut bafouer Celui qu'elle croit louer, elle peut piétiner la solidarité élémentaire des hommes.

Mais alors, si la prière est à ce point dangereuse, si elle risque de s'enliser dans un narcissisme qui s'ignore, mieux vaut se contenter de vivre, sans s'aventurer dans ces zones spirituelles où dansent tant de mirages ! Tout le monde ne peut pas faire de l'escalade vers l'oxygène des sommets… de Dieu.
C'est vrai, mais tous ont besoin pourtant de respirer pour vivre ! Le besoin est grand de dilater les respirations de l'homme. Non, il ne faut pas renoncer à l'aventure de la prière !

Et cette aventure donnerait à la parabole de Jésus un aboutissement heureux : "Le pharisien eut un frisson soudain et se prosterna la face contre terre en disant : “Seigneur, aie pitié du pharisien que je suis. Ah ! Je suis bien comme les autres hommes qui sont si aveugles à regarder vers toi et à regarder leurs frères !”… Puis le pharisien se releva et descendit au fond du Temple, à côté du publicain, pour partager son silence et sa prière" ! La trajectoire de la prière, c'est toujours cette courte distance du pharisien au publicain. Il suffit de quelques pas intérieurs, il suffit de modifier son regard. Mais c'est déjà changer d'humanité et changer de Dieu

Changer d'humanité !  Car, en nous-mêmes, que de manières de s'isoler, de regarder de loin le reste des hommes ! Celui qui se met à distance des hommes est déjà loin de Dieu.
Prier, c'est d'abord recevoir en soi le monde entier, s'avancer vers Dieu avec tous les hommes dans son cœur, se mettre "dans l'axe de la misère humaine". Que serait la prière de quelqu'un qui oublierait tant de drames sanglants de par le monde, tant d'injustices et de souffrances à côté de nous, tant de grandeur, de fragilité et de misère dans notre humanité ? Est-il possible de prier sans entendre la voix de Jésus : "J'ai eu faim, soif, j'étais malade, en prison... !". Prier, c'est d'abord être avec tout le monde. Car Dieu, depuis l'Incarnation, habite la foule des hommes. Prier, c'est partir en humanité. Et conséquemment peiner pour changer l'humanité, autour de nous et en nous. Combien de saints ont compris cette exigence, ne serait-ce Ste Thérèse de l'Enfant-Jésus qui, n'ayant pas quitté son cloître, fut déclarée "Patronne des missions" !

Et c'est aussi changer de Dieu !  Car la manière dont l'homme traite l'homme atteint Dieu, et la manière dont l'homme traite Dieu atteint l'homme. Qui détruit Dieu détruit l'homme ; et qui tue l'homme tue Dieu. Le pharisien, établi loin des hommes, dressait devant lui l'image d'un Dieu qui lui ressemblait : Dieu n'était pour lui qu'un "détour" pour ne pas sortir de lui-même.

Quel Dieu nous donnons-nous lorsque nous prions ? Pas facile de répondre ! Mais n'oublions pas le mot terrible d'un écrivain : "J'ai cessé de croire en Dieu le jour où j'ai rencontré un homme meilleur que lui !".

Prendre le sentier de la prière, c'est percevoir que Dieu est autre que l'image de Lui que nous secrétions nous-mêmes. Prier, c'est consentir à la mort du dieu que nous avions habillé de notre propre image.

Oui, prier, c'est "dangereux". La prière est un combat à mort. Il faut que quelqu'un meure. Si l'homme tente d'y maîtriser Dieu, de le ramener à lui, il y tue Dieu et son humanité. Ou bien, c'est l'homme qui accepte de mourir, pour se prêter à l'invasion des hommes, à l'invasion de Dieu.

Sans mourir, nous ne pouvons ni voir Dieu ni aimer les hommes. Le combat de Jacob avec l'ange ne cesse pas dans la nuit de l'histoire. La prière est cette aventure de mort et de vie entre les mains de Dieu. Péguy le disait bien : ce qui fait le chrétien, ce n'est pas l'étiage, le niveau de vie morale…, ce qui fait le chrétien, c'est qu'il donne la main ! A Dieu et aux hommes tout à la fois !

vendredi 25 octobre 2013

Le Christ vainqueur !

29 T.O. Vendredi 13        -  (Rm 7, 18-25)

Dans la lecture d'aujourd'hui, St Paul nous fait une confession pathétique : "Le bien que je veux, je ne le fais pas ; et le mal que je ne veux pas, je le fais !". Car il y a "le péché qui habite en moi !". - "Qui me délivrera ?" - "Pour cette délivrance, grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ, Notre Seigneur !".

A travers cette "confession", on devine où se trouve la source principale de la connaissance exceptionnelle dont St Paul se vante sans complexe dans ses lettres, cette connaissance de l'histoire du salut - de toute histoire, de notre histoire - qui trouve son accomplissement dans le Christ : "Gloire à Dieu par le Christ", par le Christ ressuscité, le Christ toujours vivant. Lui seul délivre, délivre l'homme !

Cette "connaissance" exceptionnelle, il la doit au drame personnel qu'il a vécu tout au long de sa vie et qui taraudait sa conscience : le drame de son peuple en lequel, depuis des siècles, le dessein d'amour de Dieu pour l'homme se manifestait et dont la révélation plénière se trouve dans le mystère pascal du Christ, mais révélation que les Juifs, ses compatriotes n'admettaient pas ! C'était toute sa souffrance, son angoisse !

Dans sa seconde lettre aux Corinthiens, Paul avait fait allusion au "voile" que Moïse était obligé de mettre sur son visage ; il rayonnait tellement de la gloire divine depuis l'Alliance conclue avec Dieu sur la montagne du Sinaï que les hébreux ne pouvaient le supporter (Cf. Ex 34.33sv).
Alors, Paul parle dans cette lettre d'un "voile" qui empêche ses compatriotes de lire l'Ancien Testament dans sa vraie signification de l'histoire du salut. Il écrivait : "Leur entendement s'est obscurci. Jusqu'à ce jour, en effet, lorsqu'on lit l'Ancien Testament, ce même voile demeure.  Il n'est point retiré ; car c'est le Christ qui le fait disparaître. C'est quand on se convertit au Christ que le voile est enlevé ! Car le Seigneur, c'est l'Esprit (un Esprit toujours libérateur Cf. Rm 8.2 ; Gal. 5.1) ; et où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté (comme cette liberté donnée au Hébreux depuis l'alliance du Sinaï). Et, nous tous qui, le visage découvert, réfléchissons, comme en un miroir, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, allant de gloire en gloire, par l'Esprit du Seigneur !". (2 Co. 3.14-18).

Cette connaissance exceptionnelle du dessein de Dieu, de Dieu qui veut, tout au long de l'histoire (et de notre propre histoire), libérer l'homme de toute entrave et du péché lui-même, St Paul l'avait pleinement reçue de la "lumière" du Christ ressuscité, sur le chemin de Damas. Dès lors, en quelques instants, il avait vécu de quoi mériter le nom d'"apôtre" qu'il revendiquait de pouvoir porter comme les autres. Pourquoi ? C'est que le "critère" d'apôtre - rappelons-nous l'élection de Mathias (Cf. Ac. 1.21sv) -, c'est d'être témoin de la résurrection du Christ qui illumine toute l'histoire du salut, toute l'histoire humaine, collective ou personnelle.

Les Douze apôtres, malgré les trois années de familiarité avec Jésus, avaient fortement peiné à rejoindre le Christ dans la solitude de ses options messianiques de "Serviteur souffrant" annoncé par Isaïe... C'est seulement après la résurrection du Christ qu'ils ont compris, très lentement encore, la signification de ce qu'ils avaient vécu, l'enseignement du Maître, la portée de la victoire du Christ sur la mort et donc sur le mal, sur le péché !

Au contraire, pour Paul, Hébreu, fils d'Hébreu, ancien pharisien, ce fut comme un "coup de foudre" sur le chemin de Damas. Avec le même zèle qu'il avait jadis déployé en persécutant la jeune Eglise chrétienne, avec ce même zèle qu'il reconnaissait facilement chez ses compatriotes, il a relu toute sa vie personnelle antérieure à la lumière des Ecritures, avec le l'éclair fulgurant du Christ mort et ressuscité. Comme les disciples d'Emmaüs, il fit cette expérience : "Commençant par Moïse et par tous les prophètes, le Christ leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait" (Lc 24.27).

Et cette connaissance exceptionnelle du mystère du Christ ressuscité s'est transformée aussitôt, chez Paul, en prédication : "Malheur à moi si je n'annonce pas l'Evangile" (I Co. 9.16),
cet Evangile de la Résurrection du Christ ("Si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vide, et vide aussi votre foi !" I Co. 15.14).,
cet Evangile du Christ toujours vivant, à tel point qu'il nous est plus présent que s'il était encore sur terre !

Peut-être que l'apôtre a parfait cette "connaissance" en relisant "toutes les Ecritures" au cours de cette sorte de "retraite" d'une bonne dizaine d'années (entre sa conversion et sa mission). "Retraite" dont il parle dans sa lettre aux Galates  : "Je suis parti pour l'Arabie" (Gal 1.17), où la tradition juive situe la montagne de l'Alliance ("Car le mont Sinaï est en Arabie" Gal 4.25), où l'on peut facilement faire mémoire de Moïse et d'Elie, les "rencontrer", comme Jésus le fit sur la montagne de la Transfiguration : il s'entretenait avec ces représentants de la Loi et des Prophètes ; "Ils parlaient de son "exode" qui allait s'accomplir à Jérusalem" (Lc 9.31).
Ne serait-ce pas à cette occasion, en Arabie, que s'est épanouie et affirmée chez Paul, en relisant et méditant la Loi et les Prophètes à la lumière du Christ ressuscité, cette pleine "connaissance" du dessein d'amour de Dieu pour l'homme, de l'histoire du salut dont il parle si souvent dans ses lettres (principalement celles aux Romains et aux Galates) ?

C'est avec cette "connaissance" qu'il nous redit aujourd'hui : seule la grâce de Dieu est capable de nous apporter la délivrance par Jésus Christ.
Le Christ a vaincu la mort ; il a donc vaincu le péché (le péché étant cause de la mort. cf. Rm 5.12). Il a vaincu le péché en nous-mêmes alors même que l'on puisse, aussi longtemps que l'on vit dans un "corps mortel", retomber sous l'emprise du péché et "se plier à ses convoitises" (Cf Rm 6.12). Mais un jour, la victoire du Christ sera totale en nous ! "O Mort, où est ta victoire ?" (I Co. 15.56). Désormais, le chrétien, justifié par la foi (Gal 3.26sv ; Rm 3.21sv ; 6.2sv) a rompu avec le péché ; il devient avec le Christ ressuscité un être nouveau (Rm 6.15), une "créature nouvelle" (2 Co. 5.17).

Rendons grâce à Dieu d'avoir suscité, dès le début de l'Eglise, un "Saul de Tarse" pour s'adresser à nous, païens, et nous dire que la grâce du Ressuscité peut nous sanctifier, nous "justifier". Il nous apprend à lire les Ecritures pour mieux décrypter en notre propre histoire et en celle de tous les hommes, l'histoire du salut en Jésus Christ !

jeudi 24 octobre 2013

Le "feu" du Christ, la "Paix" du Christ !

29 T.O. Jeudi 13        -  (Lc 12, 49-53)

"Je suis venu apporter un feu sur la terre !"

Le feu, dont il est ici parlé, est Celui que prédit le précurseur Jean-Baptiste : l’Esprit-Saint qu’apportera Celui qu’il annonce : "Celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, celui-là m’avait dit : ‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est Lui qui baptisera dans l’Esprit Saint’". (Jn 1.33) ; - "Il vous baptisera dans l'Esprit-Saint et le feu !" (Lc3.16)

Le feu est un feu divin : c'est le feu du Messie - le Christ - qu’annonçaient les prophètes, un feu qui purifie le cœur, le débarrassant de toutes les scories ; c'est le feu de son Esprit qu'il nous insuffle !

Le feu de l’Alliance Nouvelle dont nous avons tous besoin, au plus profond de nous-mêmes, passe de l’extérieur à l’intérieur, comme le dit St Paul aux Romains : "Pour nous mener à la "Vie éternelle", la Vie même de Dieu !"

Seul le feu de l’Esprit Saint peut créer ce cœur nouveau sollicité par David (Ps. 51ème) qui annonçait ainsi le langage de l’Alliance Nouvelle prédit par les prophètes du temps de l’exil : "Crée en moi un cœur pur, renouvelle en moi un esprit de générosité !".

Le feu, dont parle Jésus, est aussi le seul qui peut harmoniser nos relations avec les autres, - non pas avec le monde pour lequel Jésus a dit qu’il ne priait pas (Jn 17.9) -, mais nos relations avec nos "prochains les plus proches", qu’il s’agisse du couple dans le sacrement du mariage, qu’il s’agisse des rapports dans les communautés vouées totalement au Seigneur, qu’il s’agisse de ceux qui ont consacré leur vie à la prédication de l’Evangile, etc.
St Paul parle de ce feu aux Corinthiens lorsque des tiraillements apparaissent entre ceux qui se réclament les uns d’Apollos, les autres de Pierre, les autres de Jacques. Seul le feu peut purifier l’édifice dont il a posé le fondement : "De fondement, en effet, nul n'en peut poser d'autre que Celui qui s'y trouve, c'est-à-dire Jésus Christ. Que si sur ce fondement on bâtit avec de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, de la paille, l'œuvre de chacun sera mise en évidence. Le Jour du jugement, en effet, la fera connaître, car il doit se révéler dans le feu ; et c'est ce feu qui éprouvera la qualité de l'œuvre de chacun. Si l'œuvre bâtie sur le fondement subsiste, l'ouvrier recevra une récompense ; si son œuvre est consumée, il en subira la perte ; quant à lui, il sera sauvé, mais comme à travers le feu"(1 Co 3, 11-15)

Ainsi ce feu purificateur, s'il annonce l'harmonie, la paix, commence toujours par de douloureuses et inévitables cautérisations.

La lecture des Actes des Apôtres, de toute la Bible relue dans le regard de "Celui qui a été transpercé" (Za 12.19 - Jn 19.37), devrait nous éviter de perdre notre temps en vaines stupéfactions devant les divisions qui ont toujours existé et qui existeront jusqu’à la fin des temps.
L’ivraie a été semée dans le champ en même temps que le bon grain ! Le bon et le mauvais croissent simultanément, tellement entremêlés que si, par des solutions simplistes, on coupe l’ivraie, on coupe aussi les épis qui poussent sur le bon grain. L’optimisme biblique est lucide et sans illusion !
Le disciple de Jésus monte à Jérusalem par les mêmes chemins que lui, pour y trouver à son heure, un baptême, et une coupe qui ressemble à celle dont il est parlé à Gethsémani. Le caractère baptismal est déjà posé au plus profond de notre être comme une programmation à vivre, dans l’Esprit Saint, les mystères du Christ avant de le rejoindre dans la gloire.

Alors, au lieu de perdre notre temps en de vains étonnements sur les tiraillements qui existent toujours parmi nous, prions l’Esprit d’opérer en nous et dans les relations avec les autres les purifications que lui seul peut faire par le feu.

En méditant ce matin sur les impressionnantes paroles de Jésus dans l’Evangile, je pensais à cette paix, cette paix du Christ que le prêtre rappelle durant l'Eucharisties, avant "l’échange de la paix" entre les participants, cette paix proposée avant la communion sacramentelle, avant le chant de "l’Agneau de Dieu" : "Seigneur Jésus Christ, tu as dit à tes apôtres, je vous laisse la paix, je vous donne ma paix, ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Eglise !".

Cette paix est la paix que Jésus donne aux apôtres frileusement enfermés au Cénacle, dans la peur. Leur comportement n’a pas été très brillant au cours du drame de la Passion. Mais Jésus a pris sur Lui seul et pour toute l’humanité le feu purificateur qui nous vaut gratuitement une paix surabondante.
"Je vous donne ma paix !"
"Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des Juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit : "Paix à vous ! "  (Jn 20,19) 
C’est sur ce texte que l’Eglise se fonde quand elle parle du sacrement de réconciliation !

J'aime beaucoup cette réflexion du patriarche Joseph, figure du Christ. Il a été naguère vendu par ses frères. Ceux-ci viennent à lui pour lui demander secours en temps de famine. Finalement Joseph se fait connaître et leur pardonne. Il leur donne même surabondance de biens ! Mais avant de les renvoyer, de peur qu'entre eux ils ne recherchent les responsables de leurs méfaits à son égard, il leur dit simplement : Et maintenant : ne vous disputez pas en chemin ! (Cf. Gen. 45.24). Désormais, c'est vraiment inutile !
Le Christ qui, par son mystère pascal, nous propose surabondance de biens éternels, ne nous fait-il pas la même recommandation : ne vous disputez-vous donc pas en chemin... ! "Tout est accompli, achevé !" (Jn 19.30).

La paix du Christ ! Une paix à laquelle nous ne croyons pas suffisamment ! Une paix qui nous vient gratuitement, à charge pour nous d’en devenir des relais pour les autres et pour le monde entier !

lundi 21 octobre 2013

Jean-Paul II

22 Octobre - Bienheureux Jean-Paul II

Même absent (c'est la retraite des Moniales de la "Paix Notre-Dame" prêchée par un prédicateur qui me remplace !), je me permets de souligner que demain sera proposée, liturgiquement, la fête du Bx Jean-Paul II !
C'est une occasion de rappeler que ce grand pape sera canonisé avec le pape Jean XIII, le 27 avril prochain en la fête de la Divine miséricorde créée par le pape polonais.

Souvenons-nous : Au moment des obsèques de Jean Paul II en 2005, était monté le cri de l’immense foule : "Santo subito !" ("Qu’il soit fait saint, tout de suite !"). Et le pape Benoît XVI avait choisi de ne pas tenir compte du délai obligatoire de cinq ans pour ouvrir la cause de béatification et de canonisation de son prédécesseur.

Jean XXIII avait lancé le grand Concile œcuménique Vatican II (1962-65) avec cette grande idée : "L'Église ne doit pas seulement s'occuper des catholiques mais du monde". Et de fait, il a conservé surtout l’image d’un pasteur proche des gens... de toute personne créée "à l'image de Dieu".*

En associant Jean XXIII et Jean-Paul II, le pape François souligne, me semble-t-il l'unité de l'Eglise dans sa diversité, à travers ces deux grands témoins de la foi, apparemment si différents l'un de l'autre.
Il veut rendre hommage, également, à la grande œuvre du Concile Vatican II ouvert par Jean XXIII, terminé par Paul VI et mis en œuvre par Jean-Paul II !

Aussi, le pape François fait-il souvent l'hommage du "bon pape Jean" qu'il cite fréquemment et dont il a rappelé l’image de "bon prêtre de campagne, avec un sens de l’humour si grand !". Face au monde qui "change" si rapidement, le pape Jean XXIII éprouvait le sentiment de la nécessité d'une nouvelle manière de s'adresser à l'homme du 20ème siècle.

Et, à sa suite, c'est le pape Paul VI qui eut l'idée de parler d'une "nouvelle évangélisation nécessaire". En 1975, il lançait son exhortation apostolique intitulée en français : Annoncer l'Évangile (Evangelii Nuntiandi). Il y parle des "temps nouveaux pour l'évangélisation". Il précisait que "les conditions de la société nous obligent à réviser les méthodes, à chercher par tous les moyens, à étudier comment faire arriver à l'homme moderne le message chrétien". Paul VI lançait ainsi un appel à un renouveau missionnaire !

Quatre ans plus tard, soit le 9 juin 1979, alors qu'il est en voyage en Pologne, le pape Jean-Paul II emploie pour la première fois, de manière explicite, l'expression "nouvelle évangélisation".

Peu de temps après, en 1983, nous retrouvons Jean-Paul II à Port-au-Prince, (dans le cadre du 500ème anniversaire du travail missionnaire en Amérique latine). Il y disait,  - et cette citation est importante - : "La commémoration du demi-millénaire d'évangélisation aura sa pleine signification dans la mesure où elle est un engagement [...] non de ré-évangélisation, mais d'une nouvelle évangélisation. Nouvelle en son ardeur, dans ses méthodes, dans son expression". Au fil des années, Jean-Paul II va populariser l'expression "nouvelle évangélisation" et il en précisera le sens.

Quel est donc le sens de l'expression "nouvelle évangélisation" ? Pour le comprendre, il peut être utile de passer par son contraire, c'est-à-dire, l'évangélisation plus traditionnelle, ou ce que Benoît XVI appellera l'évangélisation "classique".
L'évangélisation traditionnelle ou classique désigne principalement l'annonce de l'Évangile aux nations qui n'en ont pas entendu parler (ad gentes). C'est généralement l'activité missionnaire traditionnelle de l'Église, ou ce à quoi nous faisons probablement spontanément référence quand nous pensons à la "Mission" et aux "missionnaires".

Un grand nombre de convertis dans nos pays ont été évangélisés de cette manière. Malheureusement, nombre d'entre eux ne sont pas demeurés des membres actifs dans la foi catholique. Plus triste encore, des pays jadis fervents, sont devenus des nations qui n'ont de chrétien que le nom. C'est cette situation que Paul VI et Jean-Paul II avaient en vue en parlant du besoin d'une évangélisation nouvelle.

Cela signifie donc, en contraste avec l'évangélisation plus traditionnelle, que la nouvelle évangélisation vise principalement les personnes qui ont déjà eu contact avec l'Évangile et l'Église. Ces personnes, pour des raisons diverses, n'ont toutefois pas fait la rencontre personnelle avec le Christ, et leur foi n'a pas eu l'occasion de se développer. La nouvelle évangélisation s'adresse prioritairement à ces personnes, par un effort de revitalisation ou de réveil de la foi dans des milieux déjà porteurs d'une certaine tradition ou du moins d'une imprégnation chrétienne. Mais c'est un christianisme endormi !

Et pour nous encourager à cette nouvelle évangélisation, je me permets de vous transmettre quelques citations du pape Jean-Paul II :
"C'est de la foi qu'il faut partir pour pratiquer la charité."               

Demandons à Marie de nous apprendre cette joie de savoir transmettre autour de nous cette richesse de la foi qui est union à Dieu par son Fils Jésus, Dieu fait homme. C'est cette union à Dieu qui donne le vrai bonheur malgré les difficultés et souffrances que nous pouvons traverser.


P.S. : Sur ce sujet, je me permets de vous signaler l'intéressante intervention du Cal Vingt-Trois, lors des journées "Essentiel'Mans". Vous pouvez la trouver sur "Google" en tapant : "kto replay"

dimanche 20 octobre 2013

La mission !

29e Dimanche du T.O. 13/C   

En cette "Journée missionnaire universelle",
il est bon de se redire : nous sommes, nous devons être missionnaires parce que chrétiens. Il est bon de nous rappeler cette évidence. Car la mission n'est pas une spécialité ; elle est un devoir pour tout baptisé : il a été "appelé" pour être" envoyé". Une telle exigence nous concerne donc tous. Aussi faut-il nous demander quelles sont les conditions d'une authentique mission. Si vous le permettez, j'en retiendrai trois :
- Le missionnaire doit être envoyé.
- Le missionnaire doit transmettre la foi.
- Le missionnaire doit prier.

1. Le missionnaire doit être envoyé.
Il n'est pas inutile de le rappeler, car bien des gens - et même des chrétiens - se croient une mission parce qu'ils se la sont donnée à eux-mêmes ! Or cela est absolument contraire à l'esprit chrétien, évangélique !

Nul n'est missionnaire de lui-même - pas même le christ qui a déclaré : "Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même". La mission du chrétien est participation à la mission du christ qu'il a reçue du Père : "comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés". Et qui a-t-il envoyé dans le monde ? Pierre et les Apôtres ! Et après eux, leurs successeurs : le Pape et les évêques. (cf. Vat. II). Ce sont eux qui, à leur tour, donnent mission à ceux qui veulent collaborer au salut des hommes en Jésus christ !

La mission, la nôtre, sera toujours divine et jamais humaine. Ceux qui organisent leur vie chrétienne et leurs diverses activités apostoliques selon leurs propres critères et jugements font obligatoirement fausse route ; et - la plupart du temps - n'en reçoivent guère de joie sinon celle - bien modeste - que peuvent donner les hommes. Et souvent, d'ailleurs, ils sont tiraillés entre ce qu'ils pensent et ce que pense l'Eglise, entre ce qu'ils font et ce que fait l'Eglise au nom du Père par Jésus christ et sous l'action de l'Esprit-Saint. Cela est très important, me semble-t-il : nous sommes des envoyés de Dieu et non de nous-mêmes !

2. Le missionnaire doit transmettre la foi !
"Cela va sans le dire ; cela va mieux en le disant !" (selon la célèbre formule de Talleyrand, appliquée à autre chose que la foi, évidemment !). Le missionnaire ne transmet pas son idéologie : en témoignant de sa propre foi, il doit transmettre la foi des apôtres, et reçue, vécue dans l’Eglise. Dans la deuxième lecture, St Paul invite son disciple Timothée : "Tiens-toi à ce que tu as appris et dont tu as acquis la certitude". Le missionnaire reçoit la foi au sens d’un contenu "donné" par le Christ, l’Eglise. Et il a, sans cesse, à en vérifier le bien fondé, de sorte que vivent de plus en plus sa relation avec Dieu, sa relation avec ses frères.

Il a à en “vérifier le bien-fondé” pour lui-même ! D'abord ! C’est-à-dire réfléchir sans cesse à tout ce que le Christ nous a dit et nous transmet encore par l’Eglise. Il ne s'agit pas de se cramponner à des formules dogmatiques ou à des rites liturgiques sans souci de leur origine et de leur développement. Il s'agit - conformément à la parole de la première lettre de St Pierre - "d'être toujours prêt à rendre raison de l'espérance qui est en nous, avec douceur et respect". Si nous sommes parfois si peu "missionnaires", n'est-ce pas parce que notre foi n'est pas suffisamment éclairée ?

Certes, il n'est pas nécessaire d'être théologien pour faire son salut et être missionnaire ; mais il ne suffit pas de se contenter des souvenirs vagues et à moitié oubliés du lointain catéchisme de notre enfance

Jean-Paul II, Benoît XVI et, aujourd'hui, notre pape François ont souvent recommandé aux prêtres de cultiver leur foi. On pourrait faire, me semble-t-il, la même recommandation à tout chrétien ! Certains disent qu'ils préfèrent "partir de la vie", pour rencontrer Dieu, car ils aiment le concret. Et c'est bien ! Mais "partir de la vie" est bon à condition que cette démarche soit sans cesse confrontée avec la Parole de Dieu qui doit inspirer et régir toute notre vie.

3. Le Missionnaire doit prier !
Les lectures d'aujourd'hui nous apportent un enseignement sur la prière !  Dans la première lecture, l'auteur du livre de l'Exode nous décrit Moise les mains étendues dans l'attitude du "priant", intercédant pour son peuple. Et dans l'Evangile, Jésus lui-même nous invite, par une parabole, à une prière inlassable et même importune. Oui, si le missionnaire ne prie pas, il se décourage vite devant l'échec ou se glorifie vite de ses succès.

Si Thérèse de Lisieux, au fond de son Carmel a été déclarée patronne des Missions, c'est qu'elle offrit sa vie monotone et héroïque, comme une prière, pour l'extension de l'Eglise. Alors, "il faut prier sans cesse", comme le demandait St Paul, lui le Missionnaire par excellence !
Et cette affirmation doit nous interroger : "Sur qui comptons-nous? Sur Dieu ou sur nous-mêmes ?" C'est tout le sens de la question de l'évangile   : "Le Fils de l'Homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?" A voir le petit nombre que nous sommes à prier, chaque dimanche, la question se pose en effet. Et nous-mêmes dans nos journées, quelle place laissons-nous à la prière ? Serions-nous en reste par rapport à certains qui n’ont pas reçu la Révélation du Christ, comme Gandhi qui affirmait : "La prière est la clef du matin et le verrou du soir".

Oui, avons-nous un rendez-vous quotidien avec Dieu ? Oh je sais, on dit : "Je n'ai pas le temps !”. Et c’est vrai parfois ! Ou encore : “je ne prends pas le temps... !”. Et c’est encore plus vrai. Car prier, c'est d'abord prendre du temps pour Dieu, lui accorder un peu de notre temps. Si on aime quelqu'un on prend le temps d'être avec lui, de l'écouter, de lui parler, de l'aimer. La prière est ce rendez-vous avec Dieu ; elle nous expose au rayonnement de son Amour comme on s'expose au soleil.

Et puis, si vous avez véritablement que très peu de temps, je me permets de vous rappeller une façon de prier qui est très ancienne et qui n'exige que deux ou trois secondes, temps suffisant pour élever son âme vers Dieu dans un acte d'offrande, d'action de grâces, de demande. Si au cours de la journée, on utilise très souvent cette manière de prier qui ne dure que le temps d'un souffle, d’une respiration, alors, je crois qu’on parvient vite à respirer la vie même de Dieu. Et respirant cette vie divine, on est comme naturellement disposé à l'insuffler aux autres par le souffle d'une parole évangélique, d'une parole missionnaire.

N'oublions donc pas : Le Chrétien doit être missionnaire. Car c'est un envoyé qui transmet ce qu'il a reçu du Christ avec qui il communie sans cesse par la prière. Le Christ a besoin des hommes, de vous-mêmes comme de moi-même !

Aussi, pour terminer, je vous livre quelques réflexions récentes du pape François sur la prière. Chacun pourra en faire, me semble-t-il, son profit :
Lorsqu’un chrétien prie, il ne s’éloigne pas de la foi, il parle avec Jésus ! Mais prier, ce n’est pas "dire des prières". Une chose est de prier, et une autre de dire des prières ! Comme le dit Jésus : "Quand tu pries, va dans ta chambre et prie le Père dans le secret, dans un cœur à cœur !".
Le pape mettait en garde : ceux qui ne prient pas, abandonnent la foi et la transforment en idéologie moraliste, sans Jésus ! La foi, pour ainsi dire, devient une idéologie. Et l’idéologie ne rassemble pas. Jésus n’est pas présent dans les idéologies avec sa tendresse, son amour, sa douceur. Les idéologies sont rigides, toujours !
Quand un chrétien devient disciple d’une idéologie, il a perdu la foi : il n’est plus un disciple de Jésus, il est devenu le disciple de cette manière de penser. La connaissance de Jésus est transformée en une connaissance idéologique et même moraliste, qui ferme la porte avec toutes ses prescriptions.
La foi devient une idéologie et l’idéologie fait peur, l’idéologie chasse les gens, éloigne, éloigne les personnes et éloigne l’Église des personnes. C'est une maladie grave d’être un chrétien idéologue, "sans bonté". 

jeudi 17 octobre 2013

La "Justice de Dieu" (3)

28e T.O. 13. Jeudi    -      (Rm 3.21-29)

St Paul nous a enseigné que la "Justice de Dieu" s'exerce avec grande miséricorde : il pardonne aux pécheurs qui accueillent la "vérité" de son amour pour tout homme. Mais à ceux qui "ont changé la vérité de Dieu par le mensonge" (1.25), Dieu ne peut que les laisser, les "livrer", selon le terme de St Paul, "à leur intelligence sans jugement pour faire ce qui ne convient pas" (1.28), une incompatibilité absolue étant établie entre Dieu et le pécheur se détournant de Lui. Il y a un "abîme", dit Dieu, dans la parabole de Jésus, au riche Lazare qui se trouvait dans les tourments après sa mort ! (Lc 16.23)

Et cette situation peut se révéler autant pour "le païen que pour le Juif" (2.10,11), d'autant plus que ce dernier a reçu le bénéfice de la Loi (du Sinaï) et des promesses. Et St Paul de développer ce raisonnement à l'adresse de ses compatriotes. Il dira en substance : ce n'est pas la circoncision de la chair qui compte, c'est celle du cœur à laquelle tout homme est appelé (2.29). Et la révélation faite aux Juifs, loin de les dispenser de la "Justice de Dieu", les oblige encore bien davantage !

Finalement conclura St Paul : "Les Juifs comme les Grecs sont sous l'emprise du péché" (3.9), "la Loi ne donnant que la connaissance du péché" (3.20).

Alors, l'apôtre d'affirmer catégoriquement et fortement ce qui lui tient à cœur : "Indépendamment de la Loi, la 'Justice de Dieu'" - qui veut sauver les hommes pécheurs ; et tout homme est pécheur, et, de ce fait, privé de la gloire de Dieu - "... la 'justice de Dieu' a été manifestée, gratuitement" (3.21) miséricordieusement, "en vertu de la Rédemption accomplie en Jésus Christ, lui que Dieu a destiné à servir d'expiation par son sang" (3.24-25).

Le salut ne peut venir que de Jésus-Christ, veut affirmer l'apôtre qui emploie une formule qui, prise littéralement, nous paraît énigmatique : "Dieu l'a exposée propitiatoire par son propre sang". Cette formule se réfère à l'arche d'Alliance et à la cérémonie du "Grand pardon" - le "Yom Kippour" -. Mais peu importe. Il serait trop long d'en donner toute une page d'explications.

Elles nous apprendraient cependant : nulle part dans les textes du Nouveau Testament, il n'est suggéré que cette "Rédemption accomplie par Jésus Christ" ait été envisagée comme un prix, une rançon versée à l'ennemi de l'homme, le Démon. Cette pensée qui fut courante n'est pas scripturaire. C'est à Dieu seul qu'a été offert "le sang précieux du Christ" (Cf. I Pet 1.19).
D'ailleurs, il est bon de souligner que, dans la Bible (grecque), les mots "Rédempteur", "Rédemption" et le verbe correspondant "racheter" étaient des termes techniques exclusivement employés - au sens religieux - en relation avec la libération d'Egypte, "la maison de servitude" (Dt 7.8). L'idée de "libération" était toujours très liée à celle de l'Alliance du Sinaï : Dieu ne "délivre" son peuple que pour se l'"acquérir", en faire "un royaume de prêtres et une nation consacrée" (Ex.6.6-7 ; 19.6 ; Cf.I Pet 2.9 ; Tite 2.14).
Ainsi "Peuple saint" et "Rachetés de Dieu" sont des termes équivalents (Cf. Is 62.11-12). Dès l'Ancien Testament, le terme "Rédemption" ne dit pas moins "union à Dieu" que "libération du péché". Deux aspects d'une même réalité de l'Alliance avec Dieu !
Et rien d'étonnant alors si cette notion (à double face) peut s'appliquer à la première ou à la seconde venue du Christ (1/ Rm 3.24 ; Col. 1.14 ; Eph. 1.7. - 2/ Lc 21.28 ; Rm 8.23 ; Eph. 1.14 ; 4.30). Dans les deux cas, il s'agit d'une "délivrance", mais plus encore d'une "acquisition" : Dieu nous appelle à Lui pour vivre de sa vie !

Mais cette activité miséricordieuse de la "Justice de Dieu" ne peut s'opérer sans que l'homme y collabore, y participe. Et il le fera par la FOI.  
En se donnant au Christ par la foi, l'homme fait sienne l'expiation que le Christ a offert à Dieu pour notre "délivrance", pour que le pécheur puisse devenir juste !

La FOI doit donc être tout en même temps une démarche de l'homme envers Dieu et un don de Dieu par Jésus Rédempteur, comme dans une alliance..., une Alliance sainte ! Alliance offerte autant au Juif qu'au païen !

Et, dans cette Alliance, comme en toute alliance, chacun a sa part d'activité, des "œuvres" à accomplir. St Augustin remarque que si l'homme est justifié par la FOI sans les œuvres de la Loi mosaïque, cela n'exclut nullement l'obligation d'accumuler des "œuvres de justice", des œuvres qui s'ajustent à Dieu, à la vérité de l'Amour de Dieu pour tout homme. En ce sens la "foi seule" que prônaient Luther n'a pas de sens dans le contexte des écrits de St Paul (Les Protestants le reconnaissent depuis longtemps).

Cependant, ne commettons pas l'erreur inverse, très courante encore : si le croyant - l'homme de foi - accomplit des œuvres conséquentes à sa foi, ces œuvres ne méritent nullement la justification, le salut, ne nous font pas "gagner le ciel" comme l'on dit. Les œuvres de foi ne sont que des signes (indispensables), des conséquences de la foi, des témoignages de la foi, en quelque sorte. St Jacques le soulignera fortement : "A quoi bon dire que l'on a de la foi si l'on a pas d'œuvres ?" (Jc 2.14).

Nous pouvons conclure en cette année de la FOI : Dieu en sa "justice" nous offre une alliance, une adhésion à son Amour - "Dieu est Amour", répétait St Jean - à son Amour pour tout homme. Sachons y répondre avec un grand élan de foi et nous produirons des "œuvres" de foi conformes à la "justice de Dieu", des œuvres qui témoigneront de la bonté de Dieu.

C'est le fondement même de tout apostolat : non pas l'application stricte à des consignes plus ou moins morales, mais un débordement de l'Amour miséricordieux du Seigneur qui nous traverse pour aller vers nos frères. St Thomas d'Aquin définissait la prédication comme une "communication aux autres du fruit de ce que l'on a contemplé" ("Contemplata aliis tradere"). On peut dire, par analogie, que l'apostolat, c'est la communication aux autres de la vie du Christ en nous ! L'homme de foi ne vit pas d'un rituel si élogieux soit-il, il vit déjà de la vie même de Dieu. Et cela se voit, transparait !

Aux Moniales de la "Paix Notre-Dame" :
J'arrête là le commentaire de la lettre de St Paul, puisque demain c'est la fête de St Luc et qu'ensuite vous serez "en retraite", écoutant avec grand profit un prédicateur plus éloquent que moi, à n'en point douter.
Pour me disculper quelque peu, je me permets de rappeler ce que je j'avais souligné : la difficulté de cette lettre de Paul aux Romains. Et cela pour plusieurs raisons, entre autres celles-ci :
- D'une part, Paul, habituellement, n'écrivait pas. Il dictait. Or il était très prolixe au point de discourir jusqu'au milieu de la nuit et d'endormir parfois ses auditeurs, comme Eutyque qui écoutant Paul à Troas fut pris d'un profond sommeil et tomba du troisième étage (Cf. Act 20.9) -. Paul étant donc prolixe, son secrétaire ne pouvait prendre que quelques notes, des résumés, ce qui explique souvent la grande concision des écrits de l'apôtre.

- D'autre part, l'apôtre Paul vous aurait fourni certainement, s'il était parmi vous, des explications plus appropriées que les miennes. Evidemment ! Mais je pense que cela aurait durer des jours et des jours, Paul restant bavard. Vous me serez gré, au moins, de n'avoir utilisé qu'une dizaine de minutes durant ces trois jours derniers, sans trop vous endormir, je l'espère.