30e T.O. - Jeudi (Rm 8, 31-39)
En raison des fêtes liturgiques et de diverses
circonstances, il est toujours difficile de suivre le développement d'une
lettre de St Paul que le missel nous propose, telle celle adressée aux Romains
que nous suivons depuis une ou deux semaines.
Cependant, en cette lettre, nous avons bien perçu,
au long des jours, ce que St Paul a voulu mettre en lumière : l'Evangile qu'il
annonce, avec joie et persévérance, révèle avant tout la "justice"
de Dieu envers nous (comprenons notre
"sanctification"). Cette "justice" divine est un
don gratuit de son amour pour tout homme, pour chacun d'entre nous. Cette "justice"
se manifeste en nous par la foi, toujours grandissante : "ex fide in finem", une
justice "allant de la foi à la
foi" (I.17). Et St Paul, restant
"Hébreu, fils d'Hébreu", démontre qu'un tel mode de
"justification", de "sanctification", bien loin de
contredire l'Ancien Testament, l'accomplit parfaitement !
Puis dans une deuxième partie, il affirme qu'à
l'homme "justifié", "sanctifié", l'amour de Dieu - cet
amour manifesté en Jésus Christ mort et ressuscité - assure notre salut
- négativement : en nous délivrant du péché et
de la mort, et même de la Loi (mosaïque),
- positivement : en nous octroyant la "Vie de l'Esprit", de cet
Esprit divin qui nous fait "enfants
de Dieu" ! "L'esprit de
Dieu atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu", vient-il
d'affirmer (8.16 cF. 8.11).
Et après avoir achevé de décrire le développement
de cette "Vie de Esprit" en nous, et ayant énuméré toutes les
raisons qui fondent l'espérance chrétienne, St Paul veut conclure - c'est notre
texte d'aujourd'hui -.
Il le fait à sa manière qui est celle d'une flamme
qu'il ressent en lui-même, celle d'un enthousiasme débordant. En phrases
ardentes où l'on aurait tort de chercher un rythme prémédité, il lance un
hymne de confiance triomphante !
"Si Dieu est pour nous, qui sera
contre nous ?".
Dans cette simple phrase que notre foi doit retenir
en toutes circonstances, Paul affirme d'abord qu'aucun ennemi - absolument aucun
- n'est assez puissant pour prévaloir contre l'amour de Dieu à notre endroit !
Et pourquoi ? Parce que son Fils mort sur la croix
nous en est un garant.
Peuvent suivre alors les interrogations particulières
qui tendent au même but : écarter de nous toute crainte !
Ni les épreuves de la vie : détresse, angoisse,
faim, dénuement,
ni la mort elle-même,
ni les puissances, celles d'en haut ou celles des
profondeurs...,,
ni ce qui est du temps ou de l'espace...,
rien "ne
pourra nous séparer de l'amour du Christ, manifesté en Jésus Christ !"
Bien plus, Paul avait lancé cette interrogation : "Qui accusera les élus de
Dieu ?". Qui pourrait le faire ?
- Certains rapportent cette phrase au "jugement
final" : Qui, au dernier jour, accusera les élus de Dieu, puisque "Dieu justifie !".
- La plupart voient dans cette phrase un futur
indéterminé en rapport avec la situation des "élus", c'est-à-dire des
chrétiens, dans la vie présente : "C'est
dès à présent, commente le P. Lagrange, qu'il
n'y a pas de condamnation pour eux. L'apôtre l'a déjà fortement affirmé au
début de ce chapitre : "Il n'y a plus, maintenant, aucune condamnation pour
ceux qui sont en Jésus-Christ !" (8.1).
Et le verset 35ème qui parle
de détresse, d'angoisse, de faim, etc. indique bien certaines situations du
temps présent !".
Il serait donc mieux de traduire finalement :
"Qui oserait accuser les élus de Dieu ?" ! Aujourd'hui ou demain ?
C'est surtout St Jean qui insistera sur cet aspect
du "jugement" à la fois temporel et éternel :
Le "jugement", dit-il se réalise dès
le moment où le Père envoie son Fils dans le monde pour manifester, disait
St Paul, l'amour de Dieu qui "justifie" à travers le temps et
l'espace.
Car, insiste St Jean, Jésus n'est pas venu pour
juger le monde mais, au contraire, pour le sauver (Cf. 3.17).
Mais, suivant l'attitude que chacun prend à son
égard, le "jugement" s'opère aussitôt, en ce momen : qui croit ne
sera pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé parce qu'il a refusé la Lumière ("Qui croit en lui n'est pas jugé ; qui ne croit pas est
déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au Nom du Fils unique de Dieu !" 3.18sv). St Paul ne disait pas autre
chose : "La justice de Dieu s'est
révélée, allant de la foi à la foi" (Rm 1.17), "par la foi en Jésus Christ pour tous ceux qui croient..."
(Rm
3.21).
Le jugement est donc moins une sentence divine qu'une révélation du secret
des cœurs humains. Ceux dont les œuvres sont mauvaises préfèrent les
ténèbres à la Lumière (Jn 3.19sv). Pour les autres, Jésus vient guérir leurs yeux (9.19) pour qu'agissant dans la vérité
ils viennent à la Lumière (3.21).
Le "jugement final", décrit par les évangélistes avec les imagerries de leur
temps, ne fera finalement que manifester au grand jour ce clivage opéré dès
maintenant dans le secret des cœurs.
St Paul ne fera que reprendre ce raisonement à sa façon : pour les
croyants, il n'y a pas de condamnation : Dieu les justifie ; qui donc les
condamnerait ? Sous l'ancienne Loi, le ministère de Moïse était un ministère de
condamanation, mais celui des serviteurs de l'Evangile est un ministère de
grâce (2 Co. 3.9)
et de réconciliation (5.19sv). C'est cela qui nous donne pleine assurance pour le jour du
jugement (I Jn 4.17) : l'amour de Dieu pour nous s'est déjà manifesté dans le
Christ , si bien que nous n'avons plus rien à craindre.
Que notre vie personnelle soit donc toujours une louange à l'amour de Dieu dont
rien ne pourra nous séparer.
Que toute vie communautaire - familiale ou religieuse - chante à longueur de jours
cet amour de Dieu pour tout homme !
Que notre vie ecclésiale nous prépare à la liturgie céleste qui sera une louange à
l'Amour de Dieu, cette liturgie dont la fête de tous les Saints que nous allons
célébrer n'est qu'une anticipation prophétique.