dimanche 29 décembre 2013

Famille et famille !

Sainte Famille  13/A

Fête de la Sainte Famille ! Fête de famille ! Or, la famille semble aujourd’hui malmenée, ébranlée, et même combattue dans certaines de ses valeurs. Pourtant, ces semaines, autour de Noël, soulignent, d'année en année, le bienfait du tissu familial. Dans un monde violent, égoïste qui bouscule et désempare, Noël avec Marie, Jésus et Joseph, apparaît comme une halte de tendresse, un dernier refuge.

Mais, en lisant l'évangile, il faut aussi le reconnaître : la famille de sang ne peut prétendre suffire, puisque Jésus est venu fonder une FAMILLE NOUVELLE : la famille spirituelle des croyants.
Nous appartenons à ces deux familles. A l'une par les liens du sang ; à l'autre comme disciples du Christ. Entre les deux familles, des affrontements sont parfois inévitables. Comment les vivons-nous ?

FAMILLE DE LA TERRE
Remarquons tout d’abord que le Christ a voulu être membre à part entière d'une famille terrestre normale. "Jésus était de bonne famille ! A la bonne heure !", s'était exclamé naguère Mgr de Quelen (1).
Joseph assumait ses responsabilités comme tout père, prenait des décisions, se savait au service d'une mission divine. C'est par lui et avec Marie que Jésus, enfant et jeune homme, sera introduit dans les coutumes et les traditions des gens de Nazareth en Galilée. Il sera “le fils du charpentier Joseph”, enraciné dans une vraie famille, elle-même enracinée dans un village ordinaire.
Tel est l'exemple que Jésus oppose aux détracteurs de la “cellule familiale”.

Plus encore, au cours de sa vie publique le Christ se fera le défenseur de quelques aspects essentiels de l'institution familiale.

Contre les caprices ou les ambitions qui brisent l'unité, il recommande un amour vivant et fidèle, en continuité d'affection : “Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni !” - Epoux et épouse “ne seront plus deux, ils ne font qu’un !”. 
Et l'enseignement de l'Eglise ne cesse de répéter : Une solide cellule familiale, pleine d'amour, permet au jeune, encore fragile, de se structurer, de s'équilibrer, avant de se lancer dans les affrontements de la vie, avant de "batailler la vie" comme on disait naguère. Et si l'ensemble des cellules familiales d'une nation est sain, vigoureux, celle-ci pourra faire face courageusement aux événements du monde, et y jouer son rôle.

Jésus rappelle encore aux enfants le devoir de reconnaissance envers leurs parents, collaborateurs de Dieu pour leur donner la vie. Il stigmatise l'attitude révoltante de ceux qui refusent de les assister dans leur vieillesse sous prétexte qu'ils ont consacré leur argent à l'entretien du temple. L'argent, les biens déclarés "korban", c'est-à-dire "offrande sacrée" pour le temple ne doivent certes pas être prétexte à abandonner père et mère (Cf. Mc 7.11). Ce texte peut s'appliquer d'ailleurs à bien des situations. Il y a priorité d'obligation envers les parents. Il y a priorité dans l'ordre de la charité ! On l'oublie trop souvent !

Certes, aujourd'hui la famille - comme la société - est en pleine évolution. Ainsi chaque couple, très vite, veut son autonomie complète et décide de son rythme de vie. - L’enfant, lui, veut s'ouvrir très tôt aux connaissances les plus diverses. Vite, il veut prendre des initiatives qui semblent l’éloigner de la famille. 
Beaucoup plus qu’autrefois, les parents sont dans l'obligation de partager leur rôle éducatif et instructif avec l'école ou toutes sortes d'organisations complémentaires...
Malgré tout cela, la famille reste le lieu privilégié d'une sécurité, d'une affection attentive, d'un espace de liberté et de compréhension nécessaires au développement harmonieux de ses membres.

Cependant la famille de la terre - Jésus va le redire - n'est pas un ABSOLU.

FAMILLE DU ROYAUME 
Jésus ne méprise donc pas la famille selon la chair. Il y a été fidèle. Cependant, il vient en marquer les limites. Il vient en créer une autre.

Il quitta Nazareth, comme pour prendre de la distance avec le passé. Il fut vite entouré d'une foule d'auditeurs, hier encore inconnus. Entre Lui et eux, de jour en jour, des liens de plus en plus forts se créèrent.
Un jour on lui dit : “Ta mère et tes frères sont là ; ils te cherchent”. La réponse fut calme et nette : “Qui sont ma mère et mes frères ?” Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : “Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de mon Père, voilà mon frère, ma sœur et ma mère”. 
Et si Marie est devenue la Mère de la famille du Royaume de Dieu, Mère de l'Eglise, c'est qu'en étant mère de Jésus, elle est entrée pleinement et totalement dans les projets du Christ, Fils de Dieu qui s'est fait fils d'homme pour que les enfants des hommes deviennent enfants de Dieu !

La famille humaine n'est pas un but en soi. L'enfant n'est pas sa possession. A la stupéfaction de ses parents, Jésus l'avait déclaré lors du pèlerinage de ses douze ans à Jérusalem : “Ne dois-je pas être aux affaires de mon Père ?”   La famille doit préparer ses membres à mieux prendre place dans la famille du Royaume. “Qui aime son père ou sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs plus que moi, n'est pas digne de moi !”.

Notons que dans les premiers siècles - et c'est parfois encore actuel -, se convertir au Christ signifiait souvent briser les liens avec sa famille humaine, au prix parfois de sa propre vie. Et au long des siècles, beaucoup de saints furent obligés de se démarquer de leur famille de sang pour suivre les appels de l'Esprit et préférer la famille du Royaume de Dieu. L'exemple le plus pittoresque n'est-il pas celui de St. François d'Assise (dont parle souvent notre pape François) ?

Et à l'heure actuelle, encore, dès qu'un chrétien cherche un style de vie plus évangélique, plus généreux, il trouvera souvent des obstacles parmi ses proches. L'histoire de bien des vocations le rappelle !

LE CENTUPLE  
Les fêtes de Noël (et même celles aussi du premier de l'An) nous redisent un peu plus fort les joies de la famille humaine. Il faut les conserver, les promouvoir, surtout en notre temps où la famille souffre terriblement. Prions pour les familles qui souffrent énormément de l'érosion du véritable amour. Le sens de ce mot est tellement devenu ambigu, étant souvent synonyme de passion, de possession, de narcissisme. L'être aimé ne doit pas être, ne sera jamais mon "sosie". Ce mythe de Narcisse est particulièrement fort à notre époque où l'on aime que soi-même ! Au contraire, la famille doit être le lieu où éclate le "moi" (souvent haïssable) : l'homme regarde sa femme et réciproquement. Et tous les deux regardent les enfants. La famille doit être le lieu d'une "sortie de soi", de son petit bonheur personnel pour se consacrer au bonheur des autres !

C'est en ce sens que la famille humaine n'est pas un but en soi. Et la fête d’aujourd’hui - et celle de Noël - nous rappellent que tous, nous sommes destinés à entrer, un jour, pleinement dans la Famille de Dieu : Père Fils, Esprit-Saint. En cette Famille où chaque Personne n'est pas complaisance de soi, mais élan vers l'autre.

Que les familles de la terre s’y préparent. Que la famille humaine soit signe réalisateur de la Famille divine

Et que Celui qui est venu créer cette NOUVELLE FAMILLE, celle du Royaume de Dieu, donne force et générosité à ceux et celles qui, sans mépris pour les liens du sang, veulent suivre les appels de l'Esprit pour se consacrer totalement au service du Fils de Dieu ! “lls recevront au centuple en ce temps-ci... et dans le monde à venir, la Vie éternelle.             

(1) évêque de Paris, au moment de la Révolution.

samedi 28 décembre 2013

"Espoir pour ton avenir !"

28 Décembre  - Saints Innocents.

Je n'ai pas eu le temps de faire une homélie en bonne forme, ce qui ne serait pourtant que respect pour ceux qui me lisent...

Cependant je me permets de vous livrer quelques réflexions, à bâtons rompus, qui vous permettront, je l'espère de mieux comprendre l'évangile de ce jour.

1. Dans l'évangile il est question de Bethléem !
Bethléem, lieu de la naissance du Christ !
Bethléem, lieu du massacre des Saints Innocents !
[Bethléem, lieu où St Jérôme étudia la Bible... à notre profit !]
Bethléem encore, lieu traditionnel de la tombe de Rachel. Le livre de la Genèse en fait d'ailleurs mention précise (ch. 35ème) : Rachel meurt en donnant naissance à Benjamin. Et, est-il dit, "elle fut enterrée sur la route d'Ephrata, c'est-à-dire Bethléem". C'est clair !

2. Mais la citation de Jérémie que fait St Matthieu dans l'évangile note, elle, différemment : "Une voix, à Rama, s'est fait entendre. C'est Rachel qui pleure ses enfants...".
Rama n'est pourtant pas Bethléem ! Rama est à neuf km au nord de Jérusalem, tandis que Bethléem est au sud.
Et le premier livre de Samuel (ch. 10) fait une allusion à cet endroit différent de la tombe de Rachel : Saül part à la recherche des ânesses de son père - un certain M. Kish -. Recherche infructueuse. Alors il va trouver un "voyant" - c'est le prophète Samuel - qui en profite (sur ordre de Dieu quand même !) pour, en cachette, le sacrer premier roi en Israël ! Et le récit se termine par ces paroles de Samuel adressées à Saül : "Après m'avoir quitté, tu rencontreras deux hommes, près de la tombe de Rachel, à la frontière de Benjamin...". C'est Rama !

3. Alors, la tombe de Rachel est à Bethléem ou à Rama ?
Il faut cependant remarquer que, d'après les historiens, les Bédouins prenaient l'habitude de vénérer leurs ancêtres non pas obligatoirement là où ils étaient morts, mais là où c'était pour eux le plus facile de se rencontrer. Or, Rama est à la frontière des tribus de Manassé, Ephraïm et Benjamin. C'est donc là qu'on venait vénérer l'ancêtre, Rachel, y faire mémoire.

4. Et Jérémie vient conforter cette version. Il fait une complainte à Rama : "A Rama une plainte amère se fait entendre. C'est Rachel qui pleure ses fils... Car ils ne sont plus...".
Matthieu arrête là sa citation. C'est dommage pour nous, mais non pour ceux à qui ils s'adressaient (Juifs) qui connaissaient la Bible par cœur et qui pouvaient eux-mêmes poursuivre : "Cesse ta plainte, sèche tes yeux ! Car il est une compensation pour ta peine ; ils vont revenir du pays ennemi. - oracle du Seigneur Dieu - ; ils vont revenir, tes fils, sur leur territoire. Il y a donc espoir pour ton avenir" (Jér. 31/17).

"Il y a un espoir pour ton avenir !" Jérémie écrit à l'époque où le fameux Nabuchodonosor, roi de Babylone, a pris Jérusalem. Et il y a un gouvernement collaborateur - cela arrive, même dans la Bible ! - qui s'est formé à Rama. Il y rassemble les prisonniers avant leur départ pour l'exil. Et Jérémie, malgré les circonstances contradictoires, proclame au nom du Seigneur : "Il y a un espoir pour ton avenir !. Tes fils reviendront !".

5. "Il y a un espoir pour ton avenir !". Voilà ce que veut souligner St Matthieu après le massacre par Hérode, à Bethléem. Oui, malgré ce qui se passe (morts, malheurs...etc.), il y a un espoir pour votre avenir depuis qu'un enfant est né à Bethléem (le Christ). Il y a un espoir pour tous.

C'est la grande leçon que Matthieu veut transmettre : il y a un espoir pour tout homme même dans les pires conditions !
Et nous sommes comme Ephraïm, le descendant de Rachel qui se lamente, d'après Jérémie : "Toi, Seigneur, tu es mon Dieu. Mais honte et déshonneur sur moi ! Ma jeunesse a été un scandale. J'en supporte les conséquences !". Et Dieu répond : "Ephraïm est pour moi un fils chéri. En mon cœur quel émoi pour lui ! Je l'aime, j'en ai pitié, grand pitié". Déjà dans l'Ancien Testament, l'amour de Dieu pour Israël est l'amour d'un père qui a profondément pitié de l'enfant prodigue.

6. Alors, la tombe de Rachel à Bethléem ou à Rama ?
Peu importe pour Matthieu ! Il se moque (attitude fréquente dans la Bible) des précisions topologiques, chronologiques ou autres pour lesquelles il montre une certaine désinvolture.
Mais, s'il le fait, c'est pour mieux faire ressortir la signification providentielle que tel ou tel événement a pris, prend dans la méditation du peuple de Dieu !

Quand on va à Jérusalem, il ne faut surtout pas "pinailler" sur le lieu de tel ou tel événement de la vie du Christ. D'ailleurs, on peut toujours dire - à part quelques lieux bien précis et peu nombreux - : si ce n'es pas ici, c'est à côté !
Et alors, on se met plus facilement à l'école de ce grand scribe qu'est St Matthieu qui, dira-t-il, "tire de son trésor du neuf et de l'ancien" !
- de l'ancien : à propos de la tombe de Rachel avec ce qu'elle comporte de méditation à Bethléem ou à Rama peu importe !
- du neuf : Depuis le Christ, "il y a un espoir pour ton avenir !". Il y a une espérance qui nous anime.

Et St Paul parlera d'une "persévérante espérance en Notre Seigneur Jésus Christ !" (I Thess. 1)

Que le Christ né à Bethléem nous donne cette persévérante espérance.

En ce sens et en ces jours qui célèbrent la naissance du Fils de Dieu, je vous redis : "Saint et joyeux Noël !".

vendredi 27 décembre 2013

Aller vers Dieu !

27 Décembre  - St Jean "le théologien" !

Quand je pense à St Jean, je pense toujours également à St Pierre ! Rappelons-nous : Jésus appelle d'abord Pierre et son frère André, puis, très vite, Jacques et son frère Jean !
Deux fratries qui s'entendaient bien ; deux familles de pécheurs qui devaient plus ou moins travailler ensemble sur le lac de Tibériade. Alors, Pierre et Jean : deux grands amis certainement ! Même si celui-ci semble avoir été plus jeune que l'autre.

Il suffit pour s'en rendre compte de se reporter à la fin du quatrième évangile. Au bord du lac, Pierre, après son malheureux reniement, se trouve "restauré" dans sa fonction de chef de l'Eglise par Jésus ressuscité. Alors, ce Pierre, toujours vif et impulsif - comme l'amour peut l'être souvent - s'inquiète de son grand ami, du sort du "disciple bien-aimé" du Seigneur qui, au cours du dernier repas avec Jésus, s'était penché sur sa poitrine pour recevoir confidences... ! Oui, il s'inquiète comme un ami s'inquiète de son ami !

Alors, Jésus a l'air de lui dire : "Mais de quoi te mêles-tu ?" : "si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe ? Toi, suis-moi !". Paroles un peu énigmatiques qui ont été commentées diversement.
Pour ma part, je retiens d'abord que chacun, dans la pensée de Dieu, reçoit une vocation particulière, une mission spécifique à accomplir - grande ou modeste aux yeux des hommes, mais toujours importante aux yeux de Dieu ! -.
Et cette diversité dans les vocations chrétiennes doit être respectée, même si elle semble parfois contredire les liens affectifs, familiaux, amicaux, tout en les resserrant dans un même amour, celui de Dieu ! Les chemins humains peuvent diverger entre deux amis, mais ils se resserrent toujours sur le chemin vers Dieu ! Je pense, par exemple, à St Basile et à St Grégoire de Nazianze. Et je pense - actualité oblige - à la rencontre de Benoît XVI et du pape François en la veille de Noël : deux personnalités très différentes qui se rejoignent si magnifiquement dans le Christ, Dieu qui s'est fait homme !

Ainsi, me semble-t-il, de Pierre et de Jean, de ces deux grands apôtres !

Pierre, lui, c'est un peu comme l'"Ordinaire du lieu", comme le Droit Canon le dit d'un évêque. C'est peut-être ce qu'il y a de plus difficile à trouver dans l'existence : quelqu'un capable de mettre de l'ordre, un bon ordre évidemment ! On trouve facilement des hommes extraordinaires qui font des choses extraordinaires. Mais un homme ordinaire qui sait "ordonner" les choses ordinaires, mettre de l'ordre, c'est plus difficile à trouver. C'est si difficile que cet homme ordinaire devient finalement extraordinaire. Telle fut, me semble-t-il, la fonction de Pierre. Et telle est la fonction de ses successeurs !

Mais il y a encore des personnes qui, tout en respectant l'ordre établi et même y conntribuent, vont vite, vont loin, si je puis dire, vont profond immédiatement. Tel est St Jean ! Et cette vitesse d'esprit, cette profondeur d'âme pour appréhender le réel, pour approcher Dieu lui-même se traduit parfois physiquement, visiblement !
Voyez dans l'évangile : Pour aller au tombeau du Seigneur, au matin de Pâques, Jean va plus vite que Pierre. Parce qu'il est le plus jeune ? Sans doute ! Mais plus encore ! Car, arrivé au tombeau, il se penche vers l'intérieur - la curiosité le poussant, évidemment - ; il voit linge et bandelettes bien rangés, mais laisse Pierre - le premier pape quand même ! - entrer le premier. Enfin lui-même entre. Et là, "il vit et il crut". Pierre, lui, restera un certain temps assez perplexe. Il faut dire que Pierre n'était pas au pied de la croix. Jean y était avec la Vierge Marie. Aussi, plus facilement sans doute "il vit et il crut".

Il faut se mettre à l'école de ce disciple que Jésus aimait parce que, peut-être, il savait comprendre par le cœur. On l'a appelé "Jean le Théologien" ! C'est que près de lui, comme au pied de la croix, il y a eu, il y aura celle qui est sans doute à l'origine de cette connaissance privilégiée de "Jean le Théologien", Marie, qui l'a aidé à placer la pensée néotestamentaire à son sommet, comme on le constate dans la lecture. Oui, on peut le souligner en ce temps de Noël : il y a eu près de Jean la Vierge Marie qui a eu du "Verne Incarné" en qui réside corporellement la plénitude de la divinité, une connaissance à nulle autre pareille.
Grâce à elle, Jean est le type même du théologien. Non pas celui qui élabore des systèmes - c'est affreux ! -, mais celui qui sait déchiffrer l'existence, qui médite comme Marie les événements qui deviennent alors mystères de la présence de Dieu parmi les hommes.
St Jean relèvera principalement sept événements qu'il appelle des "signes" - tel le premier d'entre eux, celui de Cana - ; ces signes sont pour lui tellement riches de significations qu'ils font éclater les frontières de temps et de l'espace. Ils deviennent signes de la présence permanente de Dieu parmi les hommes pour tous les temps et en tous lieux. Ces signes deviennent des mystères comme on parle des mystères du Rosaire.

C'est ainsi que, en bon théologien, St Jean, dans sa lettre, nous place au commencement : "Ce qui était au commencement", au commencement de tout. Car il sait, Jean, que tout - et notre existence elle-même - trouve son signe, son explication et son achèvement en ce "commencement".

Et St Jean nous montre que ce qui était au commencement, c'est la vie même de Dieu, cette Vie que s'échangent les trois Personnes de la Sainte Trinité. Beaucoup pensent que Dieu-Trinité c'est comme un monothéisme dévalué ou un rébus venant meurtrir notre intelligence. Avec St Jean, ce mystère de la Trinité est une confidence que Dieu a réservée pour la "plénitude des temps", dirait St Paul, a réservé dans la manifestation du Fils de Dieu qui s'est fait homme. Jésus est venu nous révéler non seulement que Dieu est "UN", mais comment il est "UN", pour que nous puissions vivre de cette unité : "Qu'ils soient "UN" comme nous sommes "UN", priait-il (Jn 17.20).
Dieu n'est pas un solitaire. Dieu est comme une famille, une harmonie..., un Amour totalement dénué de tout égoïsme, de sorte que chaque Personne divine n'est que pure relation avec les deux autres, pur élan vers elles. Et quand Jésus dit : "Qu'ils soient "UN" comme nous sommes "UN", ce n'est pas une vague comparaison. C'est le "signe" par excellence, c'est le mystère même de Dieu qui vient comme envelopper les Communautés chrétiennes appelées à vivre une Unité d'Amour divin qui soit, qui doit être le "signe" d'un Noël permanent, d'une incessante "épiphanie" (=manifestation) de Dieu !

Pour terminer rapidement sur cette élévation à laquelle Jean le Théologien veut nous faire parvenir, je reprendrai quelques mots du prologue de son évangile :
"Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu..." (1.1). Et le Verbe était "pros ton théon", était "pros" : relation, élan vers Dieu...
"Le Fils Unique nous l'a fait connaître" (Dieu). "Nous l'a fait connaître" : le sens du verbe (éxègèsato) n'est pas connaître intellectuellement, spéculativement, mais "conduire vers", conduire vers Dieu.
Le Verbe de Dieu s'est fait homme pour conduire les hommes vers Dieu. Aussi, à la fin de son évangile, Jean note les paroles de Jésus : "Je remonte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu" (Jn 20.18).
Autrement dit, le Fils unique de Dieu s'est incarné - insistons sur ce réalisme de l'Incarnation que Marie a du enseigner à Jean -...,
le Fils unique de Dieu s'est incarné non pas seulement pour nous faire connaître Dieu - il s'était déjà fait connaître de bien ders manières, dit la lettre aux Hébreux -...,
mais le Fils unique de Dieu s'est incarné pour nous conduire vers lui, comme lui-même est tourné vers le Père !

Voilà, nous dit St Jean, "ce qui est dès le commencement"....!

jeudi 26 décembre 2013

Dieu, notre "Voisin" !

26 Décembre  - St Etienne.

L'Eglise était encore en son berceau lorsqu'Etienne reçut des apôtres la mission d'organiser les repas destinés à la toute première Communauté chrétienne, repas qui étaient pris peut-être après l'Eucharistie, repas au cours desquels était réglée la gestion des biens mis en commun... Et, on le sait, ce fut cette circonstance qui amena l'institution des premiers diacres !

Il est très probable qu'en son ministère, Etienne fit merveille. "Il opérait, disent les Actes des apôtres (6.8), des prodiges et des signes remarquables parmi le peuple". Les Juifs s'en émurent et le citèrent devant le Sanhédrin.

Etienne était certainement de tempérament intrépide. Il se souvint que Jésus lui-même avait reproché aux Juifs d'avoir tué et lapidé les prophètes (Mth 23.34sv). Aussi, à son tour, s'adressant à ses juges, il leur déclara qu'en crucifiant le Christ, ils se sont montrés dignes de leurs pères qui ont mis à mort les envoyés de Dieu.

En outre, des témoins se présentent, l'accusant d'avoir blasphémer contre "LE LIEU", c'est-à-dire contre le temple de Jérusalem ! Avaient-ils tort ? En tous les cas, sans aucun doute, ils avaient énormément durci leur accusation - c’est fréquent cela -. Car Etienne lui-même n’avait-il pas dit lors de son procès : “Le Très-Haut n’habite pas des demeures faites de mains d’homme“ (Actes 7.48). C’est clair ! Et au moment de sa mort, il s’écrira : “Je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’Homme debout à la droite de Dieu…“ !

Autrement dit, il avait bien compris, Etienne, la signification du voile du temple qui se déchire au moment de la mort du Christ, événement que nous rapportent les trois évangélistes synoptiques.
Or, ce voile du temple cachait le lieu de la “Demeure“ de Dieu, la “shékhinah“, ce mot dont la racine signifie : “Le Voisin“, Dieu se faisant déjà “voisin“ de l’homme !
Et au moment de la déchirure du voile du temple qui cachait donc ce “voisinage“ de Dieu avec l’homme, celui-ci peut désormais commencer à “voir celui qui nous voit sans cesse“ ! Aussi, St Jean de conclure comme naturellement : “Et le Verbe s’est fait chair et il a habité (“voisiné“) parmi nous. Et nous avons vu sa gloire… !“.

Je ne sais plus pourquoi cette “mémoire de St Etienne“ est placée au lendemain de la Nativité du Christ. Cette fête du premier martyr pourrait bien se célébrer après Pâques… Mais finalement, il est heureux que ce soit au 26 Décembre pour nous aider à manifester notre foi en Jésus, Fils de Dieu qui s'est véritablement fait fils d'homme ! Quel beau témoignage rendit St Etienne, premier martyr, de la divinité de cet enfant que nous venons de vénérer dans une crèche, à l'exemple des bergers !

Aussi, aujourd’hui, avec St Jean et St Etienne certainement, derrière ce voile du temple qui s’est déchiré définitivement, on peut contempler "l’enfant Jésus avec Marie et Joseph…", cet enfant qui deviendra, par sa mort et sa résurrection, “pierre rejetée“ et pourtant “pierre maîtresse“ en vue de la construction du véritable TEMPLE de Dieu que St Etienne aperçoit au moment de sa lapidation. Car ce nouveau Temple, c’est bien le Corps du Christ - “Je contemple le Fils de l’Homme debout à la droite de Dieu…“, proclame-t-il au moment de sa mort -. C'est le Corps du Christ dont nous sommes appelés à devenir les membres… - ce que nous rappelle toute Eucharistie, ne l'oublions pas - avant de faire pleinement corps avec le Corps du Christ et d'entrer ainsi définitivement dans le temple de Dieu, la Jérusalem céleste !

Oui, derrière le voile du temple qui se déchira, il y a d’abord la crèche : “Et le Verbe s’est fait chair…“. C’est Dieu qui devient notre “voisin“… ! Dom Delatte aimait à remarquer que, normalement, dans la construction d'un monastère, l'église est la pièce principale : il n'y a pas besoin de "sortir" pour aller à l'église (la chapelle), pour aller "voisiner" avec Dieu et s'entretenir avec lui, prélude de notre union céleste avec Lui !

Aussi, St Etienne nous permet de nous redire : “SAINT ET JOYEUX NOEL“ ! Et sachons que le Fils de Dieu s'est fait fils d'homme afin de pouvoir mieux “voisiner“ avec nous tous, avec les fils des hommes !

mercredi 25 décembre 2013

Jésus, vrai Dieu et vrai homme !

25 Décembre - Nativité de Jésus - Jour

C'est la nuit la plus longue de l'année que l'Eglise a choisie pour célébrer la naissance de Celui qui est la LUMIERE, "Lumière, née de la Lumière", "vraie Lumière qui, venant dans le monde, illumine tout homme" (Jn 1/9). C'est au solstice d'hiver que la liturgie proclame son espérance dans le Christ, Soleil véritable et victorieux, "Lumière qui luit dans les ténèbres et que les ténèbres ne peuvent arrêter" (Jn 1/5).

... Au solstice d'hiver..., car toutes les religions - il est vrai - ont célébré, d'une manière ou d'une autre, cet espoir : le printemps reviendra à la fin de l'hiver ; demain, l'aube naissante dissipera la nuit.
Mais Noël n'est pas seulement une fête païenne liée au rythme de la nature. Elle commémore la naissance historique de Jésus au temps de l'Empereur Auguste, dans une bourgade du Proche-Orient. Elle "fait mémoire" de la venue de Jésus, "vrai Dieu né du vrai Dieu", qui, "pour nous, les hommes, et pour notre salut, a pris chair de la Vierge Marie et s'est fait homme".

Oui, ce Jésus est "vrai Dieu et vrai homme !". N'est-ce pas la grandeur de notre foi et, en même temps, la "pierre d'achoppement", "scandale pour les Juifs, folie pour les païens", disait déjà St Paul.
Et, depuis lors, - et aujourd'hui plus que jamais -, la puissance des ténèbres s'acharne à édulcorer le réalisme d'un Dieu qui se fait homme.
Certains adorent en Jésus le Dieu trois fois saint qui s'est manifesté sous des apparences humaines ! Sous des apparences humaines ! Il n'est donc pas "vrai homme" !
D'autres vénèrent en Jésus cet homme si grand, si sublime et saint, qu'il mérite, à n'en point douter, d'être divinisé ; mais il n'est pas "vrai Dieu" !

Le dilemme est toujours le même depuis vingt siècles. La formulation peut varier, mais ces deux tendances toujours actuelles ne sont que les héritières lointaines des antiques hérésies des premiers siècles chrétiens qui niaient, d'une manière ou d'une autre, le réalisme que veut célébrer la fête de Noël : la fête d'un Dieu - Unique et trois fois saint - qui s'est fait véritablement homme !

Que beaucoup nient la divinité du Christ, aujourd'hui, c'est évident. Et certains vont jusqu'à rejeter Dieu lui-même, commettant l'inversion sacrilège par excellence que décrit la Bible depuis la Genèse jusqu'à l'Apocalypse, et qui consiste à ériger l'homme en Dieu : c'est l'homme - cet homme si bien illustré en Jésus-Christ - qui devient unique référence de toutes choses, de toute loi, de toute société.

Mais la tentation de ne pas considérer le Christ comme "vrai homme" est tout aussi réelle. Même si elle est plus subtile et moins consciente, elle trompe nombre de chrétiens qui se veulent certainement très religieux.
Le Christ qu'ils adorent et qu'ils prient, c'est comme ils disent : "le Bon Dieu". Et ils entendent par là Dieu lui-même qui, pour se faire proche de nous, prend l'apparence d'un homme. Mais cet homme, Jésus-Dieu, n'a pu être comme nous, fait de chair et de sang. "Quoi, disaient les anciens hérétiques, un Dieu si spirituel, si immatériel qui prendrait chair corruptible dans le sein de la femme, quel sacrilège !". Certes, ce Jésus a bien eu un corps, mais tellement immatériel, tellement parfait qu'il n'a été finalement que le vêtement historique de Dieu qui se veut visible à nous, par bonté.

Et certaines dévotions mal surveillées finissent toujours par s'évanouir dans cette hérésie qui rétablit sous des apparences chrétiennes les manifestations divines de l'Ancien Testament, à la différence que le "Dieu terrible" du Sinaï s'est fait, par bonté, le "petit Jésus". Tout le réalisme chrétien d'un Dieu qui s'est fait homme s'est alors évaporé.

Et la religion devient vite mièvrerie ou système intellectuel qui a mis Dieu à sa place raisonnable, dans les hauteurs du ciel - "Gloria in excelsis Deo" -, mais que l'on ne peut atteindre éventuellement qu'en observant une morale convenable, terre à terre ou purement ritualiste, sans cette relation profonde d'un Dieu avec l'homme, sans cette relation profonde de Dieu avec chacun d'entre nous, cette relation que l'on appelle la FOI !

Chrétiens héréditaires, chrétiens depuis le berceau,
- n'avons-nous pas confondu parfois culture et foi ? Nous aimions Bach et Mozart et l'art roman ; et l'Evangile ne devient qu'un beau livre à offrir en cadeau de Communion...
- n'avons-nous pas confondu loisirs et culte, chaque Sacrement, et la "Profession de foi" et l'Eucharistie elle-même ne devenant qu'un rite qui précède réunion de fête familiale ?...,
- n'avons-nous pas confondu évasion et prière, refusant le dialogue avec les hommes, voire parfois un affrontement viril et salutaire, pour nous réfugier dans un monologue morose et souvent terne en face de notre Dieu ?

Alors est arrivé ce qui devait arriver : l'impitoyable athéisme qui sévit à toute époque détruit d'un léger souffle révolutionnaire toutes ces fausses attitudes spirituelles. Nos abris, nos sécurités, nos assurances s'écroulent.

Et apeurés devant ce carnage d'idoles, - "Dieu est mort", crie-t-on partout - on accuse facilement, et par des paroles et même par des actes violents parfois, la Société païenne et l'Eglise elle-même, "Corps" du Christ. On la quitte sur la pointe des pieds ou même avec grand éclat !

Et pourtant, pourtant… il y a deux mille ans, le Fils de Dieu s'est fait fils d'homme pour faire des hommes les enfants de Dieu. Dès lors, la foi - cette relation vitale avec le Christ, Dieu fait homme - consiste bien à le reconnaître
en ce couple d'indigents qui cherche une chambre d'hôtel,
en ce bébé abandonné au seuil d'une étable,
en cette famille exilée loin de sa patrie.
Sinon, il y a hypocrisie : on veut bien exalter Dieu, dans les églises et que l'on parle de Lui dans les sacristies, mais on méprise l'homme, celui qui, parfois, frappe à notre porte, et qui a faim de pain, de justice, d'amour. Or cela devrait être impossible depuis que Dieu s'est fait homme ! Qui méprise l'homme méprise Dieu.

En ce siècle où l'on va partout proclamant la "mort de Dieu", nous célébrons avec ferveur la naissance de l'Homme-Dieu : "Et le Verbe s'est fait chair ; il a établi sa demeure parmi nous !". Tous les faux dieux finissent par disparaître au long des siècles. Et il restera toujours qu'il y a deux mille ans, le Fils de Dieu s'est fait fils d'homme, pour faire des enfants des hommes des enfants de Dieu. - Dès lors, c'est tous les jours Noël, c'est tous les jours que Dieu nous demande humblement de naître en nous-mêmes ; c'est tous les jours qu'il nous demande, comme à Marie, de le révéler dans le cœur de chaque homme.

Non, ce n'est pas vrai que la gloire de Dieu puisse aliéner la gloire de l'homme. La gloire de l'homme n'écarte pas Dieu. La gloire de homme et la gloire de Dieu trouvent, dans le Christ, - Dieu fait homme -, leur merveilleux échange et leur achèvement..

St Irénée avait bien raison : "La gloire de l'homme, c'est la vision de Dieu. La gloire de Dieu, c'est la vie de l'homme !".

Puisse toute notre vie permettre à Dieu de renaître en nous-mêmes ; et de prolonger aussi son incarnation dans le cœur de tout homme.

Le Christ, Lumière...!

25 Décembre - Nativité de Jésus - Messe de l'Aurore

Un simple mot en cette Eucharistie de l'aurore, un mot très court pour ne pas abuser de votre fatigue, mais pour rappeler qu'en cette nuit, nos anciens attendaient l'aurore pour mieux fêter le Christ, Fils de Dieu, "lumière née de la Lumière", "vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme" (Jn 1.9).
Aussi, nous venons de prier avec l'oraison de cette messe : "Dieu tout-puissant, en ton Verbe fait chair une lumière nouvelle nous envahit" : une lumière qui nous permet, comme dira St Paul, d'"apparaître comme des sources de lumière dans le monde !" (Ph 2.15). Car, dit encore l'oraison de cette messe, cette lumière divine "éclaire nos cœurs pour qu'elle resplendisse dans toute notre vie !".

C'est notre mission dont nous n'avons pas à nous enorgueillir. Certes pas ! St Paul le souligne fortement : Dieu nous a manifesté sa tendresse, sa bonté. Il nous a sauvés, non à cause d'actes méritoires de notre part, mais du fait de sa grande "miséricorde". Il nous a envoyé son Esprit pour faire de nous des justes, des "justifiés", des "ajustés" à Dieu, de sorte que nous puissions devenir tous ensemble, comme dit Isaïe, "un peuple saint", dont les membres sont appelés les "Rachetés du Seigneur". Puissions-nous ressentir cet effet de la bonté de Dieu et que nous nous sentions profondément comme faisant partie de "La-Ville-qui-n'est-plus-délaissée", ville qui annonce la Jérusalem nouvelle, la Cité Sainte que décrit l'Apocalypse... !

Soyons donc remplis de joie en marchant à l'aurore du Jour de Dieu ! Marchons comme les bergers qui se hâtèrent vers Bethléem pour découvrir "Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans une mangeoire", pour découvrir, nous dira la prière sur les offrandes, "un homme, un petit enfant, manifesté comme Dieu !".

Rendons-nous souvent en la plus belle des crèches, celle que nous avons préparée en notre cœur ! Nous y méditerons avec Marie "qui retenait tous les événements, les méditant en son cœur".

Et alors, nous repartirons sans cesse comme les bergers : "ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu'ils avaient vu et entendu". Et, approfondissant notre foi en ce mystère que nous fêtons, nous y trouverons, annonce la dernière oraison, la force d'un meilleur amour sans cesse grandissant.

C'est en ce sens que nous pouvons nous dire et répéter : "SAINT NOËL !"

mardi 24 décembre 2013

Comme les bergers... Saint Noël !

24-25 Décembre - Nuit de Noël ! 

Comme autant de bougies autour de l’Enfant de la crèche, ces mots magiques de Paix, Justice, Joie, Tendresse, Innocence... illuminent notre rêve d'un monde pacifié, d’une humanité heureuse. Rêve ou espérance ? Osons dire en cette nuit de Noël : Espérance ! Heureuse espérance fondée sur la foi en un Dieu qui, pour devenir visible, s'est fait homme. A Noël, Dieu donne au monde l'Homme idéal : Jésus Christ en qui résident Paix, Justice, Joie, Tendresse, Innocence... Et cet Homme idéal, Jésus Christ, veut donner au monde Dieu lui-même, principe de tout bonheur parce que riche de Paix, Justice, Joie, Tendresse, Innocence... Admirable échange ! Merveille de l'Incarnation ! En Jésus, la communication est établie : Dieu et l'homme peuvent se rencontrer, échanger ! Pour que l'homme reçoive en son cœur Paix, Justice, Joie, Tendresse, Innocence...

Voilà donc le message de cette fête qui nous réunit : Dieu et l’homme se rencontrent ! Et l'évangile (de la messe de minuit) nous livre ce message à travers le cheminement des bergers vers la crèche. Et pour mieux saisir ce que requiert cet échange entre l'homme et Dieu, il est intéressant de suivre ces gardiens de moutons dans leur double démarche.

D’abord une certaine déroute. Oui, ces bergers acceptent d'être désemparés. Hommes paisibles, sans histoires, les voilà dérangés dans leur tranquillité. L'ange fait irruption dans leur vie et ils ont peur. C'est bien normal. Mais les voilà cependant rassurés par une parole réconfortante : “Ne craignez rien, je vous donne un signe... Vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une mangeoire”. Drôle de signe, avouez ! Pour des gens qui attendaient un Messie, un Sauveur prestigieux, on leur annonce un bébé dans une auge à bestiaux !

Et nous-mêmes ? Quels signes de Dieu attendons-nous ? Devant le mal qui nous accable, la souffrance qui nous blesse, ne sommes-nous pas en attente d'un Dieu tout-puissant ? Un Dieu magique qui, d'un coup de baguette, ferait disparaître la cause de tous nos malheurs ?
Noël nous révèle que la toute-puissance de Dieu n'est pas celle d'un potentat, mais celle de l'amour qui, toujours, présentera la non-violence à la violence, le pardon à l'injure, l'amour des ennemis à la haine.
Ainsi s'est manifestée la toute-puissance de Jésus, Fils de Dieu, dont nous célébrons la naissance en notre monde parfois si défiguré ! Homme parfait, il trouvera la force de résister à la puissance du mal par l'impuissance dont il témoignera : il acceptera en silence d'être abandonné, hué, bafoué, condamné.

Voilà ce qu'annonce déjà la précarité de la crèche, sur laquelle se profile l'ombre de la Croix. C'est le prix à payer pour être crédible puisque Dieu s’était déjà révélé comme “Dieu de tendresse, lent à la colère et plein d’amour”.
Les chrétiens, à Noël, n’accueillent pas un Dieu grand Maître de l'univers, venant régler tous les problèmes de la terre, mais ce Dieu touchant…, parce qu'il s'est laissé toucher dans sa chair par tout ce qui peut toucher l'homme. Dieu vulnérable, Dieu fragile, Dieu sensible ; voilà le signe qui, encore maintenant, nous est donné à travers tous ceux qui souffrent, sans que nous puissions parfaitement comprendre pourquoi Dieu ne vient pas les délivrer de tout mal. Et comme les bergers, nous nous présentons souvent comme décontenancés. Mais pas découragés pour autant, car nous ressentons en nous-mêmes cette même invitation faite aux bergers, à prendre notre bâton de pèlerin, à nous mettre en route pour aller voir et regarder !

Oui, les bergers nous invitent, en un second temps, à une mise en route. Ils étaient enfermés dans leur silence, les voilà maintenant qui s'entretiennent. Ils se parlent ! Communiquer entre frères, se rassembler en Eglise, partager l'écho de la nouveauté de cette parole que d'aucuns trouvent usée : “Jésus est né”, n'est-ce pas se prédisposer à communiquer avec Dieu ?
Tels les bergers qui se sont écriés : “Allons et voyons”, nous aussi, allons plus loin dans ce mystère de Dieu qui se fait homme. Voyons, à la lumière de la Résurrection, ce que signifie cette affirmation inouïe : Aujourd’hui, Dieu et l’homme se rencontrent ! Aujourd’hui !

Oui, parlons au présent, car si nous croyons que Jésus est vraiment ressuscité, toujours vivant, soyons logiques jusqu'au bout, croyons aussi qu'il est actuellement pleinement homme. Prodigieux de penser que là, en ce moment, au cœur du mystère de Dieu : Père, Fils, Esprit, se trouve l’homme, l’homme absolu : Jésus ressuscité et, grâce à sa résurrection, capable de nous communiquer quelque chose de son humanité. Bien sûr, ce corps que Dieu a tenu à prendre dans le corps d'une femme, Marie, sa mère, ce corps de chair est maintenant tout autre. Transfiguré. “Revêtu de la gloire divine”, dira St Paul.

Merveille d’espérance, car pour nous chrétiens, cette humanité du Christ, bien plus qu'un souvenir à raviver, et même plus encore qu'un modèle à suivre, c'est un “présent” à recevoir comme un don qui peut transfigurer notre vie personnelle, à recevoir comme un héritage collectif pour faire fructifier ce Corps que nous formons et qui s'appelle l'Eglise, Corps du Christ, dira St Paul, Corps du Christ que nous recevons sous le signe sacramentel de l’Eucharistie !

Oui comme les bergers devant la crèche, nous pouvons recevoir aujourd'hui le plus beau cadeau que Dieu puisse nous offrir, son humanité pleinement réussie. Et il nous la donne de bien des manières sous forme de grâce, comme on dit en terre chrétienne, afin que nos vies d'hommes et de femmes parviennent, comme dit St Paul, à “la taille adulte”, c'est-à-dire à un achèvement, un accomplissement total.
Recevoir cette grâce, c’est tout simplement accueillir la force de réaliser quelque peu ce que le Christ a accompli au cours de sa vie terrestre : les Béatitudes. C’est être nous-mêmes des “vivants mystères de l'Incarnation” en notre monde autant marqué par la recherche de Dieu que par une indifférence glaciale.

Si l’on s’efforce d’accueillir aujourd’hui cette grâce de l’Incarnation du Fils de Dieu, alors on verra que Paix, Justice, Joie, Tendresse, Innocence, Miséricorde, Pureté de cœur... se donnent la main pour dessiner, déjà en notre monde parfois défiguré, les traits du visage de Dieu que nous cherchons comme à tâtons.

Comme les bergers, nous trouverons le Nouveau-Né avec Marie et Joseph. Et avec eux, toute notre vie deviendra un chant : “Gloire à Dieu au plus haut du ciel et sur la terre, paix à tous les hommes qu'Il aime tellement !”

Saint et joyeux Noël
à tous et à chacun !

dimanche 22 décembre 2013

Joseph, père !

Avent 4.A 13-14  -    

“Voilà quelle fut l’origine de Jésus-Christ !”.

Quelle origine ?
Qu'on le veuille ou non, un être humain est une sorte de miracle. Il ne peut se comprendre - certains voudraient nous le faire croire ! - comme le simple produit de ses agencements génétiques, de l'accumulation de ses réflexes, ni même de son éducation.
Il demande finalement à être compris à partir d'un “autre bout” si je puis dire : à partir de son désir, de sa liberté, de sa "tête chercheuse", bref de son âme. Et cet “autre bout” de l'homme pointe vers un Autre comme le bourgeon d'une plante pointe vers le soleil et lui répond.

TOUT HOMME NAÎT D'EN HAUT  !
Oui, chaque être humain, finalement, est, doit être sans cesse, réponse à Celui qui lui donne d'être. Nous ne sommes pas assez conscients de cette réalité. Dieu est sans cesse présent à nous-mêmes. Mais nous-mêmes ne sommes pas suffisamment présents à Lui !
Oui, Dieu est toujours présent ! On ne pourrait pas remuer ne serait-ce que le petit doigt, une fourmi ne pourrait pas remuer une patte si Dieu ne donnait pas l'existence à chaque instant par une création continue.
L'homme se comprend non pas tant à partir de ses origines que certains d'ailleurs obscurcissent volontairement pour nier toute idée de création. L'homme ne peut se comprendre qu'à partir de son Origine divine. Tout homme naît d'en haut. “N’est-il pas écrit, disait Jésus aux pharisiens : "Vous êtes des dieux !" (Jn10, 34).

Oui, la véritable Origine de l’homme, c’est Dieu. Et il y a des personnes qui manifestent grandement, par leur naissance, par toute leur vie, cette relation existentielle de l'homme à Dieu. Il semble que Dieu nous les a donnés pour nous rappeler sans cesse notre source divine ! La Bible en désigne quelques-uns : Moïse, le "sauvé des eaux", Isaac, le fils de la vieillesse, Samuel, l'enfant inespéré, Jérémie appelé dès le sein de sa mère, et même Cyrus le païen qui libéra le peuple Juif de son exil à Babylone ! Et tant d'autres ! Et tant d'autres depuis Jésus Christ : les "Saints" qui jalonnent les siècles et témoignent qu'ils sont nés "d'En-Haut", de Dieu, de Dieu-Créateur à tout instant !

Certes, Jésus, lui aussi, a ses origines (humaines). Mathieu et Luc nous exposent sa généalogie, son terroir, son peuple, sa culture.
Mais il y a dans sa venue au monde une rupture des enchaînements normaux de la génération humaine : il est né de la Vierge Marie avant qu'elle-même et Joseph "aient habité ensemble". Il vient de Dieu de façon unique : "L'enfant qui est engendré en Marie ton épouse, vient de l'Esprit Saint !". Il est l'Emmanuel, Dieu parmi les hommes ! Voilà bien son Origine !
Après Marie, Joseph reçoit cet immense secret, ce grand mystère !

LA DÉCOUVERTE D'EN BAS !
Beaucoup - et sans doute sommes-nous de ceux-là -, beaucoup des disciples du Christ entreront, entrent toujours dans une véritable relation avec lui, dans une profonde foi en Jésus, Fils de Dieu et fils de la Vierge Marie, par une autre voie que celle de ce mystère, de ce secret qu'ont reçu Marie et Joseph.

Une voie qui paraît plus normale, la voie "d'en bas", si je puis dire.
Cette voie comportait, comporte toujours pour les disciples de Jésus
- la fréquentation de celui qui venait de Nazareth - "N'est-il pas le fils du charpentier ?" (Mth. 13.55), "le fils de Marie ?" (Mc 6.3),
- l'étonnement devant ses paroles et ses actes, l'étonnement devant "le message de grâce qui sortait de sa bouche !" (Lc 2.33), car "personne n'a parlé comme cet homme !".
- le bonheur de comprendre, grâce à lui, les Écritures, à l'exemple des disciples d'Emmaüs : "Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu'il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Ecritures ?" (Lc 24.32).
- l'approche du mystère de l'Alliance entre Dieu et les hommes manifesté en des moments privilégiés..., comme celui de la Transfiguration..., etc.
- Et il y aura surtout - et il y a toujours - le choc de la crucifixion et de la résurrection, "scabdale pour les Juifs, folie pour les païens !" (I Co. 1.23).

Alors, affirmant que "Dieu a ressuscité Jésus", ils reconnaîtront en Jésus - et tous les chrétiens aussi - le Fils Unique de Dieu. Oui, "le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire". - "Dieu a envoyé son Fils né d'une femme", dira St Paul (Gal. 4.4).

Alors, portant leurs regards vers ce chemin humain parcouru par le Christ, vers ses origines (humaines), ses disciples - et tous les chrétiens après eux - arriveront finalement à partager en plénitude le secret de Marie et de Joseph, reconnaissant pleinement son Origine divine : Jésus est venu de Dieu moyennant une déchirure dans la logique de notre monde : sa conception virginale. "L'enfant qui est engendré en Marie, ton épouse vient de l'Esprit-Saint", est-il annoncé à Joseph !

Oui, conscients que, dans le monde humain, aucun événement spirituel n'est sans manifestation matérielle, physique, les disciples comprennent que la conception virginale de Jésus est la trace physique de sa venue d'En Haut, de Dieu, comme ils ont compris que le tombeau vide est la cicatrice matérielle de la destinée divine de tout homme, grâce à la mort et à la Résurrection du Christ.

L’HOMME DÉBORDÉ PAR SA FOI
Joseph, lui, est entré dans cette foi en Jésus, Fils de Dieu et fils de Marie, par la réception d'un secret inouï, le secret d'une Origine divine dont personne - pas même lui, Joseph - ne pouvait totalement comprendre. Ce secret que Marie et Joseph accueillent fut également leur chemin de foi.
Les disciples, ayant vécu avec le Christ, n'accueilleront pas et ne comprendront pas tout l'enjeu de ce secret avant la nuit de la croix et le matin lumineux de Pâques. Ce secret sera, pour eux aussi, un chemin de foi !

Aussi, Joseph est pour nous le prototype de l'homme de foi, d’une foi dont il ne peut encore tout explorer ni tout comprendre, et dans laquelle pourtant il marche avec fidélité, comme on marche dans la nuit vers la lumière éclatante de l’aurore.

Tout en faisant la volonté de Dieu, il croit et découvre peu à peu le "mystère" de Marie, son épouse. Et il comprend encore que si le Fils de Dieu est ainsi donné aux hommes, alors chaque homme, "quelque part" si je puis dire, est une sorte de miracle : Son origine véritable, à lui aussi, se situe en Dieu, en son amour. Et c'est dans cette conviction qu'il exercera, qu'il exerce toujours sa paternité.

Mystère de l’origine et de la destinée de l’homme que va nous rappeler la belle fête de Noël.  Aussi St Jean écrira : "Voyez de quel grand amour le Père nous a fait don, que nous soyons appelés "enfants de Dieu" ; et nous le sommes !". Et je pense que St Joseph, l'homme de foi par excellence, a hérité de cette paternité divine. Aussi, sachons prier St Joseph. Avec lui nous sommes sûrs, comme il est dit des Mages, de trouver "l'enfant Jésus avec sa mère" (Mth 2.11).