3e
Dimanche du "Temps Ordinaire" - 2014.A
"Jésus quitta
Nazareth et vint habiter Capharnaüm !".
Vous dites
peut-être de temps en temps, face à une pagaille, à un désordre matériel ou
moral, face à une situation rocambolesque ("abracadabrantesque" !) : "Quel Capharnaüm !".
Cette petite ville,
ou plus vraisemblablement ce village, n'avait pas bonne réputation. Dans la
même invective Jésus citera cette bourgade avec Chorazin, Bethsaïde et tous les
bourgs des bords du lac de Génésareth qui malgré les nombreux miracles
accomplis en cette région n'ont pas fait pénitence, ne se sont pas convertis (Cf. Mt 11.20 sv).
C'est pourtant là qu'après
l'arrestation de Jean- Baptiste, Jésus vient habiter.
C'est de là qu'il ira annoncer
la "Bonne Nouvelle" !
C’est là, à ce carrefour
important de routes (croisement
d'"autoroutes romaines"), en ce lieu de brassage d’hommes qui
obligeait à un poste de douane, c’est là qu’un jour, il s'arrêtera, passera à
ce poste de douane et dira simplement à Lévi, le fils d'Alphée : "Viens, suis-moi !" (Mc 2,13).
Ce poste frontière
était "aux confins de Zabulon et
Nephtali". Mais n'y regardons pas de trop près ! Matthieu ne veut pas faire
œuvre ni de géographe ni d'historien. On ne parlait plus guère, à son époque,
de Zabulon et de Nephtali, mais de la Galilée.
L'important, c'est
de remarquer que Jésus commence sa mission à ce "carrefour des nations", en pleine masse humaine,
bariolée et diverse, comme le fera son disciple Paul à Corinthe. A tous il dira
: "Voici que le Royaume vient ! Il est
là parmi vous !".
Quelque trois ans
plus tard, en la première aurore du jour pascal, il donnera rendez-vous à ses
amis, en leur disant : "Je vous
précède en Galilée !". Et, leur apparaissant en cette
région, il confiera sa mission à ses amis en leur disant : "Allez, enseignez toutes les nations".
Isaïe, huit siècles
plus tôt, avait chanté cette aspiration à l'universalité que rappelle la
première lecture : "Dieu glorifiera
la route de la mer au-delà du Jourdain, la contrée des nations. Le peuple qui
marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; sur les habitants du sombre
pays une lumière a resplendi" (Isaïe, 8,23 ; 9,1). C’est d’ailleurs
ce passage d'Isaïe qui a été retenu pour la fête de Noël, rappelant ainsi la
venue de Dieu parmi les hommes.
Jésus ne se retire donc
pas au désert, comme Jean-Baptiste ;
il ni ne prêche pas
à Jérusalem comme les officiels de la Religion, les experts de la Torah.
Il n'ira même pas à
Tibériade, toute proche, le nouveau centre politique.
Il ne se rendra pas
non plus à Césarée, la résidence romaine.
Jésus choisit ce
lieu de passage où I'on rencontrait la variété des hommes de toutes races et de
toutes conditions.
Et là, tout simplement, il demande à Simon et à son frère André - hommes
simples, des pêcheurs du lac - de l'accompagner et ils s'en vont avec lui. Il
fera de même avec Jacques et Jean qui, eux aussi, laissent leurs barques et
leurs filets et le suivent sur les vagues de la marée humaine.
Et il est précisé
juste après le passage de notre évangile : "les
foules de la Galilée, de la Décapole, de la Judée et de la Transjordanie
viennent à lui !". Dès le début de sa vie publique, Jésus veut
mettre tous les hommes en mouvement. Il ouvre à "toutes les nations"
des chemins nouveaux de rencontre, de rassemblement, d’unité.
Il dit être
lui-même "le chemin" sur lequel les hommes peuvent aller
au-delà d'eux-mêmes.
Il réoriente
l'histoire vers Dieu
; il soulève, par la dynamique du Royaume de Dieu, la pesanteur de l'humanité.
Et pour cela, il
libère du poids du péché. Il guérit de l'injustice, de la haine, de la violence
et de toutes les maladies qui amenuisent la puissance d'aimer. Il fait passer
un souffle de fraternité et incite sans cesse à la paix pour que naisse une
humanité nouvelle à la mesure de l'amour de Dieu pour tout homme !
Au lieu de tracer
des frontières entre les pays, les races et les classes sociales, selon la
règle du plus grand profit ou du pouvoir le plus puissant, Jésus veut rassembler
des hommes qui échangent et partagent. L'universalité ne peut être pour lui
que fraternité d'hommes qui se reconnaissent fils d'un même Père et disent
ensemble : "Que ton règne vienne
!". Il est bon de le souligner à l'issue de la semaine de prière pour
l'unité des chrétiens.
Mais
malheureusement, aujourd'hui comme hier, il y a encore des tendances à refaire
des "Jérusalem" qui toujours condamnent et tuent les prophètes, ces "fous
de l'amour universel", qu’ils soient Jean Paul II, Mère Térésa, l’Abbé
Pierre et bien d'autres que l'on a moralement ou physiquement tués.
Certains - et il
faut peut-être prendre la réflexion à notre propre compte - certains chrétiens
enferment la "Bonne Nouvelle
annoncée à toutes les nations" en leur petite mentalité souvent
orgueilleusement mesquine qu’ils prétendent imposer autour d'eux et partout. Et
- chose comique si elle n’était pas parfois tragique - c’est eux qui crient le
plus fort : "Il faut s'ouvrir au
monde !", disent-ils, en oubliant
que la seule brèche
ouverte sur l’univers, c’est le cœur transpercé du Christ en croix,
que le seul chemin
qui rassemble dans la véritable unité, c’est le Christ qui, parce qu’il est
Dieu et homme, peut conduire les hommes vers Dieu. Lui seul fait l’unité.
Il faut donc être
d’autres Christs, des “Christophores” pour collaborer à la paix, à l’union des
hommes entre eux ! Nous prions pour l’unité des chrétiens, nous prions pour la
paix dans le monde. Et c’est bien ! Mais que notre prière, si elle nous permet
de juger les actes, ne soit jamais sélective vis-à-vis des hommes. Le
Christ, venu à ce “carrefour des nations” qu'était Capharnaüm appelle tout
homme à lui, à la communion avec Dieu ! Il est important de se le dire, de
se le redire !
Aussi, notre
mission est claire : aujourd'hui, - qu'on le déplore ou non - c'est le monde
entier qui est devenu le "carrefour des nations", par un immense
brassage de populations, par les courts et les longs voyages devenus si
faciles, par la mondovision et tous les autres moyens de communication.
Par le jeu mondial
des interdépendances de tous ordres, il est plus facile à l'un d'entendre cette
invitation : "Viens, suis-moi
!", et à un autre de répondre à cet appel : "Allez ! De toutes les nations, faites des disciples !". Par toute notre vie, soyons "sel de la
terre", soyons cette petite mesure de levain qui fait monter toute la pâte
humaine vers Dieu !
Dans cet
extraordinaire carrefour des nations, la "Bonne Nouvelle", toujours
aussi fraîche, aussi neuve, peut encore rassembler les hommes dans un même
mouvement de fraternité, vers le Royaume de Dieu.
Puissions-nous,
tous et chacun, travailler efficacement à ce rassemblement, à cette unité !
C'est la mission de tout baptisé ! Y pensons-nous ?