jeudi 27 février 2014

Richesse -Pauvreté !

7ème sem. du T.O. Jeudi

La lecture d'aujourd'hui est une forte diatribe contre les riches, contre la richesse !

On dirait que St Jacques reprend les grandes invectives du terrible Amos contre les riches de la cour de Samarie. Et il est vrai que Notre Seigneur lui-même sera d'une intense sévérité vis-à-vis de la richesse. Il suffit de nous rappeler la "parabole du riche et du pauvre Lazare".

Mais pour nous, pour vous qui avez fait "vœu de pauvreté", pour un chrétien, qu'est-ce que la richesse ?

En bien des endroits de l'Evangile, Jésus souligne que la racine de la richesse qui engendre moult injustices atroces, c'est l'amour de soi-même, c'est l'égoïsme, l'amour de soi au détriment de l'amour de Dieu et, par voie de conséquence, au détriment der l'amour du prochain. En ce sens, "le Moi est haïssable !".

Et toute la pédagogie de Dieu à l'égard de son peuple, toute la pédagogie du Christ à l'égard de chacun de nous consiste à nous faire sortir de nous-mêmes, de cet "ego haïssable" pour nous tourner vers l'Autre qu'est Dieu, et, en même temps vers les autres. Cette pédagogie divine inspirera St Benoît, une pédagogie qui consiste à nous faire progresser jusqu'à "aimer comme Dieu aime !".

Ce n'est que progressivement qu’on arrive à "aimer comme Dieu aime !".

Un enfant est d'abord un être "égocentrique". Il a besoin, pour croître, d’un égocentrisme nécessaire : s’il n'arrive pas à s’aimer lui-même, à cause de certaines circonstances familiales ou autres, il ne pourra jamais aimer les autres.
Mais au fur et à mesure qu’il grandit, sa personnalité prend de la consistance ; il devient accueillant, capable d’intégration.
Et alors normalement, l’état adulte, d’après ce que disent les psychologues, se caractérise par la relation, par l'oblation de soi-même !

Eh bien, chez le peuple de Dieu, il y a une croissance analogue tout au long de l'"Histoire Sainte" :
il y a d'abord un peuple qui, pour garder son identité (telle qu’il l’a acquise au Sinaï et dans la traversée du désert), ne trouve pas d’autres moyens que de pratiquer (à la façon égocentrique d'un enfant) le "ḥerem", l’anathème vis-à-vis des populations du pays dont il prend possession : les cananéens, par exemple, qui avaient des mœurs épouvantables.
Et puis, au fur et à mesure qu’il grandit, il devient capable d’intégration, d’accueil.
Et - en allant très vite - à la plénitude des temps, St Paul part répondre à l’attente des îles lointaines : "Tout est à vous, vous êtes au Christ. Et le Christ est à Dieu !". Une puissance d’intégration..., une puissance de tout récapituler dans l’unité posée au centre : le Christ... Dieu !

Et bien, nous sommes tous à des étapes semblables. Normalement, une personnalité se construit ainsi en suivant ces étapes. C’est important de voir cela ! Et, au fond, ce qui fait la perfection de l’Ancien Testament, c’est précisément son imperfection. Si Dieu avait donné d’un seul coup, à ce ramassis d’esclaves qui sortaient d’Égypte la Loi parfaite, cette "Loi d'amour" (aimer comme Dieu aime) aurait glissé comme de l’eau sur les plumes d’un canard.
Et c’est justement parce que Dieu a pris ce peuple tel qu’il était et là où il en était (c'est encore sa façon de nous prendre chacun d'entre nous!), qu’il l’a éduqué progressivement par cette pédagogie dont nous apprenons les lois…

Et dans le Nouveau Testament, c’est encore plus merveilleux : le Christ donne au fur et à mesure qu’on est capable de porter… Et même, il dit avant de quitter ses apôtres : "J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous n’êtes pas encore capables de les porter… l’Esprit vous mènera vers la vérité tout entière….".

Si l'on a compris que la Bible est une pédagogie irremplaçable, alors, à l’école des apôtres, des évangélistes, des Pères de l'Eglise, à l'école de St Benoît, à l'école de l'Eglise elle-même qui, grande éducatrice, nous fait suivre les progressions de cette pédagogie divine, nous arrivons peu à peu à nous détacher des richesses, c'est-à-dire à nous détacher de nous-mêmes pour nous offrir et à Dieu et à nos frères !

Voilà notre idéal. C'est l'idéal de la vie chrétienne et donc de la vie monastique : nous débarrasser des richesses de ce monde, c'est-à-dire nous débarrasser de nous-mêmes pour vivre de la vie même Dieu. Or "Dieu est Amour !", aimait à répéter St Jean.

Ne soyons pas étonnés parfois de nos lenteurs...!
Dieu est un grand pédagogue à notre égard. Il use de patience envers nous. Mais il nous mènera au but, à Lui-même.

Et nous allons répétant avec persévérance les mots de la célèbre parabole du "pèlerin russe" : "Je n'ai rien, Je ne suis rien ; Je ne désire qu'une chose : arriver à Jérusalem pour être avec le Christ, avec le Christ en gloire !".

mercredi 26 février 2014

Richesse - Pauvreté !

7ème T.O. Mercredi  -    

St Jacques reprend ici un thème qui est constant dans toute la Bible et que St Paul rappellera sans cesse : la seule richesse, c'est Dieu ! "Tout est à vous !", dira-t-il. Certes ! Au matin de la création, Dieu n'a-t-il pas dit à Adam, à l'homme : "Remplissez la terre, dominez-la ! Soumettez poissons de la mer, oiseaux du ciel et bêtes sur la terre !" (Gen 1.28). "Tout est à vous ! Mais vous, vous êtes au Christ ; et le Christ est à Dieu !" (I Co. 3.21).

Mais en nous créant, en nous confiant toute sa création, Dieu maintient son projet : il met l'homme en marche vers une ville dont lui seul est "l'Architecte et le fondateur" (Heb 11.18). Et cette ville sera faite de pierres précieuses, dit l'Apocalypse ; il n'y aura pas deux pierres précieuses semblables (Cf. Apoc. 21).

Mais l'homme, pourtant créé "à l'image et ressemblance" (Gen 1.28) de Dieu, s'est comme désintéressé de Dieu ; il oublie Dieu. Et au lieu de rentrer dans le projet divin avec enthousiasme, avec foi, confiance et amour, il élabore un contre-projet à celui de Dieu. Et les hommes font des briques ! "Faisons des briques et construisons une tour !" (Gen 11.4), nous-mêmes ! - "Nous ferons des affaires et nous aurons du bénéfice" - nous seuls ! -, rapporte St Jacques dans le même sens. "Vous vous glorifiez en faisant les fanfarons !", en vous mettant à la place du Créateur.

"Toute cette gloriole est mauvaise !", ajoute St Jacques !
- Elle est mauvaise pour l'homme lui-même ! On le sait depuis toujours ! Car faire des briques et encore des briques pour construire orgueilleusement une tour qui monte à l'assaut du ciel conduit systématiquement à faire des briques et encore des briques pour construire des pyramides à un pharaon quel qu'il soit, dans la servitude d'une Egypte quelle qu'elle soit !
- Elle est encore mauvaise cette gloriole, car en faisant des briques et encore des brique par orgueil, les hommes ne se comprennent même plus ; ils sont obligés de se séparer. Rappelons-nous l'histoire d'Abraham et de Lot à Béthel, dans la montagne de Samarie. Tous deux reviennent d'Egypte ; ils reviennent avec beaucoup de richesses. Et alors, dans le récit, il y a une phrase curieusement pertinente : "Ils avaient de trop grands biens pour pouvoir vivre ensemble !" (Gen 13.6). Alors, ce fut la séparation, la division ; et l'on connait la suite ! "D'où viennent les guerres, les conflits ?", nous demandait hier St Jacques.  "Vous êtes pleins de convoitise et vous n'obtenez rien ; alors vous tuez !"

Mais alors, comment vivre ici-bas ? "Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'argent", nous dira Notre Seigneur, dimanche prochain. Alors comment vivre ? Peut-être que St Paul a trouvé la formule, lui qui disait que l'important est d'être finalement de ceux "qui usent de ce monde comme s'ils n'en usaient pas !" (I Co. 7). Et il ajoutais avec pertinence : "Car la figure de ce monde passe. Et je voudrais que vous soyez exempts de soucis !"

Oui, le péché du monde, c'est bien l'orgueil de la richesse qui nous fait si facilement oublier Dieu ! N'oublions pas qu'en nous créant, Dieu nous destine aux épanouissements d'une fécondité divine... Et, malheureusement, nous tombons dans les esclavages de la production : faire des briques terrestres, en encore des briques !

Et l'avertissement de St Jacques et de tout la Bible nous concerne tous ! On est tous tentés d'achanger cette logique de fécondité avec Dieu contre l'esclavage de la production : faire des briques et encore des briques !
On peut faire des briques si l'on est curé de paroisse, par exemple : on ne pense qu'à ce que l'on fait ; on élabore plans, projets... et on oublie de prier !
On peut faire des briques même si l'on est moine ou moniale : on est tellement pris dans l'action de sa fonction quelle qu'elle soit : concocter des plats pour ses frères et sœurs ou prendre soin des cierges de dévotion, peu importe ! On risque toujours d'élaborer son système à soi et, finalement, d'adorer l'oeuvre de ses mains !

Aussi, n'oublions pas : il n'y a qu'une seule richesse véritable : Dieu lui-même ! Et n'oublions surtout pas alors de laisser vivre le Christ en nous - c'est le sens de toute participation à l'Eucharistie - de laisser vivre le Christ en nous, "lequel s'est fait pauvre de riche qu'il était" (2 Co. 8.9), afin de nous transmettre sa richesse, sa richesse divine !  
Et notre pape François a bien raison de nous rappeler le sens de la véritable pauvreté, à la suite de St François d'Assise qui disait : "Je connais Jésus pauvre (et crucifié) ; et cela me suffit !". En tous les cas, évitons tout orgueil, car, disait, avec raison, Ste Thérèse d'Avila : "Nous sommes tous des pauvres devant Dieu !".

Et, finalement, si c'étaient les pauvres - les éternels pauvres de cœur - qui ont le secret de l'espérance ?

mardi 25 février 2014

Prier !

7ème T.O. Mardi  

"Vous priez, mais vous ne recevez rien, parce que votre prière est mauvaise !"

Qu'est-ce donc que prier comme il faut ?
Je ne saurais bien vous répondre, car je crois que la prière est un secret, un secret d'amour entre Dieu et chacun d'entre nous..., un secret qui dépasse le langage et même la raison... Un secret difficile à divulguer, car seuls les habitants du ciel peuvent le comprendre et nous aider nous-mêmes à l'approfondir. Un secret qui est déjà comme un accès au Royaume de Dieu !

Ici-bas, il nous faut plutôt regarder des témoins de la prière. Ils sont - fort heureusement - nombreux !
Un des plus grands, me semble-t-il, est le roi David. Parce que ce roi - si actif, si nerveux, si impétueux et même grand pécheur - priait ; il priait tout le temps. Les psaumes qui lui sont attribués l'attestent : "Du roi David quand il coupait (malicieusement) le manteau de Saül..., de David quand le Seigneur le délivre de ses ennemis..., de David quand il fuyait..., de David après sa faute..." etc. Sa vie était une prière. Il chantait sa vie devant Dieu - avec heurs et malheurs -  ! Il priait tout le temps !

Autrement dit, il ne faut pas attendre d'avoir une disposition parfaite pour commencer à prier, sinon - c'est certain - on risque de ne jamais prier.
Certes, il faut des moments privilégiés pour la prière ; et St Benoît nous en parle suffisamment. Et notre vocation n'est-elle pas de prier au nom de l'Eglise, pour l'Eglise, pour tous les hommes, durant de longues heures, chaque jour ?
Cependant, il faut prier en toutes circonstances et principalement en les circonstances douloureuses, difficiles, pénibles et même en ces moments qui peuvent nous entraîner à nous détourner de Dieu. C'est là que David est pour nous un grand Maître en spiritualité. C'est un Maître parce que, en toutes circonstances - et surtout en la circonstance de ses errances, de ses fautes -, il n'a jamais été un "Tartuffe". Il nous enseigne que la première disposition à la prière, c'est simplement de laisser Dieu balayer le fond de son cœur : "Tu aimes la vérité au fond du cœur !" (Ps 50). Oui, la prière est vérité et amour ! Elle une preuve, comme je le disais hier, que la charité ne peut se faire sans la vérité ; et la vérité ne peut s'exprimer sans la charité !

Ainsi donc, avec David, on prie non seulement quand on peut prendre la position parfaite (et il y a des spiritualités qui enseignent cela !), mais dans toutes les circonstances de l'existence telle qu'elle se présente ! Au lieu de se cacher - tels Adam et Eve en leur paradis terrestre - derrière les arbres du jardin de notre cœur quand on a péché - car le juste peut pécher jusqu'à sept fois (indéfiniment) dit le livre des Proverbes (Prov. 24.16) -, on laisse la lumière de Dieu balayer le fond de son cœur dans une véritable repentance qui est bien autre chose qu'une culpabilité morbide. Et Dieu, alors, peut nous prendre par la main pour nous relever - "le juste pourra tomber sept fois, il se relèvera !" (id) - ... Dieu nous relèvera pour une plus grande communion avec lui !

Ainsi, le premier réflexe de la prière, c'est d'entendre cette invitation, non seulement au début de chaque jour, mais à chaque instant : "Aujourd'hui (en ce moment), n'endurcissez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur !" (Ps 94). Entendre cette invitation pour mieux répondre : "Seigneur, viens à aide, Seigneur, à notre secours !".
Dieu nous donne alors une grâce toujours plus grande, nous dit St Jacques. Car il est dit : "Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne sa grâce aux humbles !". Et David à qui fut promis un descendant pour qui Dieu sera un Père (2 Sam 7.14), nous conduit directement à la prière de Marie, la Mère de Jésus : "Le Seigneur a porté son regard sur son humble servante... Il vient en aide à Israël selon sa promesse". Marie, elle aussi, nous enseigne l'humilité pour prier.

Et avec elle, très vite, nous nous immergeons dans l'action de grâce et allons répétant, sans la savoir précisément, cette prière que tout Juif - et donc Marie, et donc Jésus lui-même - ne cessait de répéter : "Béni sois-tu, Seigneur, Roi de l'Univers, qui tous les matins (à chaque instant), dans ta tendresse, renouvelle l'œuvre de ta création", et ce, jusqu'en moi-même - "crée en moi un cœur pur" -, car "sans toi je ne suis rien !".

Et ensuite - comme naturellement - le priant se laisse envahir par la Parole de Dieu, se laisse ensemencer par le Verbe de Dieu, afin d'être un ce des arbres qui, selon leurs espèces, selon les temps, donnent des fruits, 30, 50, 100 pour un !

Il est dit que Jésus s'éloignait souvent pour prier, pour tout recevoir de son Père, pour toujours accueillir l'Amour de son Père et le transformer en Amour filial sous l'action de leur Esprit commun, leur Esprit d'Amour. Et sa prédication ne devait être que comme le prolongement de cet échange d'amour avec son Père
St Luc - cet évangéliste de la prière, a-t-on dit - nous rapporte qu'après la mission des soixante-douze disciples, "Jésus tressaillit de joie sous l'action de l'Esprit-Saint" en précisant : "Tout m'a été remis par le mon Père ; et nul ne connait qui est le Fils si ce n'est le Père, ni qui est le Père si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler" (Lc 10.22). Et après leur avoir transmis la prière par excellence, le "Notre Père", Jésus, toujours sous l'action de l'Esprit-Saint, dit : "Combien plus le Père donnera-t-il l'Esprit-Saint à ceux qui l'en prient !" (Lc 11.13). Demander l'Esprit-Saint ! Car "nous ne savons pas prier comme il faut", nous dit St Paul, mais "l'Esprit qui est en nous pousse des gémissements inénarrables !" (Rm 8.26).

Prier, c'est donc recevoir en toute humilité, comme le roi David, comme la Vierge Marie - l'Esprit Saint, l'Esprit de Jésus qui, en nous, vient prier, et ce, encore une fois, lorsque l'on est à la chapelle, à l'église, mais en chaque souffle de notre vie ! Inspirer l'Esprit-Saint et l'expirer devant Dieu en action de grâce, et devant nos frères en témoignage !

Il y aurait, bien sûr beaucoup à dire encore. Mais pour terminer selon l'esprit de St Jacques, je vous transmets un texte anonyme gravé sur une plaque de bronze dans un Institut de réadaptation à New-York

"J'ai demandé à Dieu la force pour atteindre le succès ;
il m'a rendu faible afin que j'apprenne humblement à obéir.

J'ai demandé la santé pour faire de grandes choses ;
il m'a donné l'infirmité pour que je fasse des choses meilleures.

J'ai demandé la richesse pour pouvoir être heureux ;
il m'a donné la pauvreté pour pouvoir être sage.

J'ai demandé la puissance pour obtenir l'estime des hommes ;
il m'a donné la faiblesse afin que j'éprouve le besoin de Dieu.

J'ai demandé un compagnon afin de ne pas vivre seul ;
il m'a donné un cœur afin que je puisse aimer tous mes frères.

J'ai demandé toutes les choses qui pourraient réjouir ma vie ;
j'ai reçu la vie afin que je puisse me réjouir de toutes choses.

Je n'ai rien eu de ce que j'avais demandé,
mais j'ai reçu tout ce que j'avais espéré.

Presque en dépit de moi-même,
les prières que j'avais formulées ont été exaucées.

Je suis, parmi les hommes, le plus richement comblé !". 

lundi 24 février 2014

Charité et Vérité !

7ème T.O. Lundi

"Ne mentez pas contre la vérité !", nous dit St Jacques aujourd'hui !

Mais "qu'est-ce que la vérité ?", demandait Pilate.

Saint Augustin explique avec une heureuse concision :
"Qu’est-ce-que la vérité ? Le Fils de Dieu !", le Verbe de Dieu !

Et dans un discours sur Noël, il affirme : "Avec cette fête, nous célébrons le jour où s’est accomplie la prophétie : « La vérité a surgi de la terre et la justice s’est penchée du ciel !». La Vérité qui est dans le sein du Père a surgi de la terre parce qu’elle fut aussi dans le sein d’une mère. La Vérité qui régit le monde entier a surgi de la terre parce qu’elle fut soutenue par les mains d’une femme …".

Demandons à Marie d'accueillir, en plus grande profondeur, ce mystère :
- Le Fils de Dieu s'est fait fils d'homme !
- Le Verbe de Dieu s'est fait verbe d'homme !
- La Parole divine s'est faite parole humaine !
- La Vérité qui était en Dieu s'est manifestée sur la terre !

A l'exemple de Marie, c'est à nous de recevoir cette Vérité divine !
Et le signe que nous cherchons cette Vérité divine manifestée sur la terre, n'est-il pas d'abord la réception du Fils de Dieu par le sacrement de l'Eucharistie ?

Mais remarquons bien encore : la Vérité que le ciel ne suffit pas à contenir a surgi de la terre pour être couchée dans une mangeoire.
À l’avantage de qui un Dieu si sublime s’est-il fait si humble ?
À l'avantage de qui un Dieu si grand se fait si petit dans les simples signes d'un pain et d'une coupe ?
Certainement avec aucun avantage pour lui,
mais avec un grand avantage pour nous, si nous croyons, comme le souligne Notre Seigneur dans l'évangile.

La vérité se fait donc dans l'humilité. C'est alors qu'elle coïncide avec la charité, une charité divine qui s'est manifestée pour notre avantage.
Car, dit St Paul, "l'Amour de Dieu a été répandu en nos cœurs !" (Rm. 5.5).

Ainsi donc :
- La Vérité, c'est le Fils de Dieu !
- La Charité, c'est le Fils de Dieu !
Dieu est à la fois Vérité et Charité.

Dès lors,
- la Vérité ne peut se faire sans la charité,
- la charité ne peut se faire sans la vérité !

Aussi, dans nos rapports les uns avec les autres, il n'y a qu'une seule question : comment faire la vérité sans amoindrir la charité ; et comment faire la charité sans cacher la vérité ?
Si l'on pose la question : "qu'est-ce que la vérité ?", on pose en même temps cette autre question : "qu'est-ce que la Charité ?"

Nous ne pouvons répondre humainement
La vérité est indéfinissable !
La charité est indéfinissable.
La vérité, c'est le Fils de Dieu !
La charité, c'est le Fils de Dieu !
Dieu est à la fois Vérité et Charité.

Et comme Dieu ne donne pas son nom (comme à Moïse), les théologiens, les chrétiens ont beaucoup de mal à cerner ces deux concepts. Ils sont quelque chose de divin qu'on ne peut décrire totalement !
On rencontre seulement des hommes, des femmes de vérité, de charité. Et on dit : c'est merveilleux ! Heureusement qu'ils existent !

Et St Paul, St Jacques, aujourd'hui, de nous décrire les effets de la vérité, de la charité chez ces hommes et ces femmes.

On ne peut qu'affirmer : la vérité qui est aussi charité, c'est ce sans quoi tout n'est rien !

Et pourtant, cette vérité, cette charité nous sont données par l'Eucharistie pour que toute notre vie devienne de plus en plus Vérité et Charité, c'est à dire Vie en Dieu par Jésus Christ !

dimanche 23 février 2014

Libérer l'Amour !

7ème T.O. Dimanche

Nous avons tendance - tous sans exception - à filtrer le message du Christ : nous laissons passer les paroles qui nous plaisent, qui nous sont favorables, qui sont en accord avec notre pensée ; et nous ignorons plus ou moins celles qui nous hérissent, nous étonnent en les passant sous silence. Ainsi les antithèses du "Discours de Jésus sur la montagne" selon St Matthieu, nous les admettons avec difficulté ; et elles nous semblent relever du Royaume de l'utopie.

Pourquoi Jésus insiste-t-il jusqu'à l'invraisemblance sur les thèmes du pardon et de la condescendance ?

C'est que, me semble-t-il, la société juive - en laquelle Jésus s'est pleinement incarnée, ne pouvant donc pas l'ignorer -, est une société éclatée, rongée par les rancœurs et les haines :
- Il y avait d'abord, bien sûr, la forte opposition entre les Juifs et l'Occupant romain dont la célèbre "Pax Romana" que celui-ci maintenait avec dureté n'était pas sans procédés arbitraires et outranciers : les exécutions capitales (crucifixions) n'étaient pas rares, ce qui provoquait séditions périodiques rapidement matées !
- De plus - chose plus grave encore -, le Peuple de Dieu lui-même offrait le triste spectacle de ses sectes, factions, clans tant sur le plan politique avec la dynastie hérodienne détestée que sur le plan religieux avec intrigues multiples !
- Et ces divers pouvoirs divergents - romain, hérodien, juif - s'entendaient cependant pour soulever des impôts exorbitants, si bien qu'au temps de Jésus, il y avait une assez forte émigration. On sait, par exemple, que les parents du futur St Paul quittèrent la Haute Galilée et s'installèrent à Tarse afin d'échapper à ces pressions fiscales et sociales, ruineuses pour un artisan commerçant !

Face à cette société éclatée - que Jésus pleinement homme ne pouvait ignorer -, quelle était sa position ? Par les formules antagonistes que nous rapporte St Matthieu, Notre Seigneur veut d'abord alerter l'opinion et tenter de promouvoir une société plus fraternelle avant qu'il ne soit trop tard. Et on sait que ce fut trop tard ! La chute de Jérusalem en 70 sera due autant par raison politique romaine que par les divisions extrêmes et cruelles qui régnaient alors dans la ville ! A l'avance, Jésus pleura sur Jérusalem !

Si je me suis un peu attardée sur le contexte social qui existait au temps de Jésus, c'est pour m'interroger : Cette société juive n'est-elle pas également la nôtre ?
Il nous suffit de regarder, d'écouter, de consulter les mass-médias pour constater que les rivalités d'idées - objectives parfois et nécessaires - entraînent souvent haine et divisions profondes. Inconsciemment, on veut l'anéantissement physique ou moral de ses ennemis. Et si Jésus, aujourd'hui comme en son temps, ne nous dit pas d'acquiescer à leurs idées ou opinions, de nous engager à leur côté pour une lutte que nous avons sans doute raison de rejeter, il nous dit cependant et simplement : au dessus des diversités de pensée et d'action, il y a l'amour de Dieu qui, lui, fait tomber ses bienfaits sur tous les hommes sans distinction. Il y a l'amour de Dieu qui toujours respecte l'homme.

D'ailleurs, les antithèses de Jésus portent moins sur l'opposition entre sa justice et celle des Juifs, entre la justice d'un chrétien et celle de celui qui ne l'est pas, qu'entre l'amour gratuit et l'amour intéressé.
Autrement dit, Jésus est venu libérer l'amour que tel ou tel système - celui des pharisiens ou le nôtre - peut parfois enfermer dans un espace plus retreint - social, voire parfois religieux -. Notre amour très légitime pour notre idéal de vie et pour ceux qui le partagent doit-il nous empêcher de regarder au-delà ? Le peuple d'Israël avait-il vocation de s'enfermer dans une terre, si sainte soit-elle ? Sa mission, d'après les Prophètes, n'était-elle pas de communiquer à la terre entière le message de Dieu qui lui était confié, son message d'amour pour tout homme ?

Ainsi, Jésus vient élargir les frontières de la Terre Sainte jusqu'à lui faire recouvrir la terre entière.
Il veut libérer l'amour !
Et libérer l'amour, c'est lui donner comme espace toute l'humanité, adversaires et ennemis compris.
Libérer l'amour, c'est l'arracher à toute limitation !
Pour Jésus, l'Amour ne jaillit ni de la chair ni du sang, ni d'une volonté d'homme, mais d'un cœur habité par l'Esprit de Dieu.
Aussi, Jésus ne parle que de l'imitation de Dieu et, mieux encore, de la communion avec Dieu. Si je crois en Jésus Christ, je ne puis que me laisser posséder par lui et me lancer avec lui sur les sentiers de la charité, à l'exemple d'un St Paul, par exemple ! "L'Amour du Christ nous étreint", disait-il (2 Co. 514). "Revêtez-vous de l'Amour" (Col 3.14), de cet "amour qui se met toujours en peine" (I Thess. 1.3) pour tout homme !
Et revêtir cet Amour peut nous mener très loin, jusqu'au bout du monde et même au martyre, comme St Siméon Berneux, ce natif de Chateau du Loir que nous fêterons prochainement dans le Diocèse. Cet Amour peut nous mener jusqu'au bout de soi-même !

Et nous voyons, tout au long de l'Evangile, qu'avec Notre Seigneur, la notion de prochain ne cesse de s'élargir. Pour le Juif, c'est tout autre Juif ou sympathisant religieux. Pour Jésus, c'est aussi un Samaritain, à la fois un étranger et un hérétique.
En tous les cas, Jésus porte l'insistance sur la nécessité de briser et de dépasser le cercle étroit que tout cœur d'homme estime ne pas pouvoir franchir sans inquiétude. Et cependant Jésus sait qu'un cœur d'homme est capable d'aimer jusque là ! Il n'y a pas de limites à l'amour. Mais pour en arriver là, il faut connaître ce dont est capable le cœur de Dieu révélé en celui de son Fils : "Père, pardonne-leur !". Il n'est d'amour des ennemis que si le Père nous accorde ce "don du pardon". Il ne le refuse pas à celui qui le lui demande, qui le lui demande sincèrement.

Oui, Jésus nous engage aujourd'hui à nous poser cette question : avons-nous le souci de pardonner ? Ne gardons-nous pas finalement rancune ? A la fin de cette messe, au moment où nous allons nous apprêter à nous unir au Christ, saurons-nous dire avec une sincérité entière : "Pardonne-nous comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ?".

Et pour illustrer mon propos, je me permets de vous transmettre l'anecdote d'un religieux dominicain que j'estime bien, le P. Gérard Bessière : "J'avais, disait-il naguère - j'ai toujours et à jamais, au grand pays de Dieu - une jolie vieille amie de 76 ans. Une ou deux fois pas an, elle envoyait un mot et venait faire un brin de causette. Toujours bien mise, bien peignée... On aurait dit une poupée de sa Bretagne natale qu'elle aimait retrouver chaque été.
Ce matin-là, on m'a téléphoné qu'elle attendait en bas. Que se passait-il pour qu'elle arrive sans prévenir ? Je suis descendu bien vite. Un rien de désordre dans ses vêtements. Elle m'a expliqué : elle venait d'être molestée par quelques jeunes, dans le métro. Elle a raconté, avec des yeux de petite fille étonnée, puis elle a sorti une enveloppe de son sac à main : « Voici, Père, c'est une petite charité... Vous la donnerez à une œuvre qui s'occupe de jeunes... Vous voyez bien qu'il faut les aider, ces pauvres jeunes !». Pas un mot de colère ou de haine. Le réflexe de l'amour !

Un émerveillement silencieux m'a rempli le cœur. Elle n'avait sans doute même pas pensé aux paroles de Jésus : « Moi je vous dis de ne pas riposter au méchant... aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent !»".

mercredi 19 février 2014

Les "langages" de Dieu !

6ème T.O. Mercredi  -    

St Jacques qui ne ménage pas ses recommandations pour que nous soyons véritablement disciples du Christ, insiste aujourd'hui sur l'écoute de la Parole de Dieu ! Il faut être plus lent à parler, dit-il en quelque sorte, qu'à écouter. Et il est vrai que pour cela, si nous n'avons qu'une seule langue (fort heureusement !), nous avons deux oreilles, l'une pour écouter ce qui se dit, et l'autre pour écouter ce qui ne se dit pas !

Dans la Tradition juive dont l'auteur se réclame, il n'est pas concevable que l'on puiise prier sans avoir d'abord écouté la Parole de Dieu !
"Shema Israël !" - "Ecoute, Isaël !".

Et il est une chose que l'on trouve  assez fréquemment et dans la tradition juive et dans la tradition patristique chrétienne : c'est que le péché a émoussé la fine pointe de notre intelligence humaine. L'intelligence n'est même plus capable de se mettre à l'écoute pour comprendre le premier langage que Dieu prend pour nous parler : celui de la nature, de la création, quoique ce langage dans la nature existe toujours.

Alors, Dieu parle parfois - autre langage - d'une manière nouvelle pour remédier à cette espèce d'abrutissement de notre raison raisonnante. Il parle comme en frappant sur la table - à la manière d'un professeur qui frappe sur son bureau pour mieux se faire entendre de ses élèves - ... ! Dieu frappe, Lui, par des prodiges, des merveilles…, comme au Sinaï (éclairs, tonnerre, feu... etc.) et en d'autres circonstances de l'Histoire Sainte et de l'Histoire de l'Eglise. Hier, en la fête de Ste Bernadette, nous rappelions les "merveilles" des apparitions de Notre Dame... qui nous instruisait de son "Immaculée Concpeiton", de nos devoirs de disciples de son Fils !

Ce n'est pas, pour Dieu, la manière habituellle de parler : Lui qui "EST" n'a pas besoin de paraître !
D'ailleurs, spychologiquement parlant, ceux qui n'ont pas de consistance dans l’être font beaucoup de bruit ; et ceux qui font beaucoup de bruit, souvent, n'ont pas beaucoup de consistance dans l’être. Dieu est "Celui qui est" ! L’interprétation du texte grec n'est pas différente de l’interprétation hébraïque : "ὁ ὢν" : "Celui qui est".  Il EST ; et cela devrait nous suffire.

Il y a une espèce de proportion inverse entre l’être et le paraître. Dieu qui est n'a pas besoin de paraître ; et si on vit au plan du paraître, on risque de dire finalement qu'Il n'existe pas, alors que c'est nous qui sommes distraits, à cause de notre "aveuglement", disait Isaïe, à cause de nos "divertissements", disait Pascal !
Alors oui ! Dieu parle parfois par des prodiges…  !

Il parle encore - troisième langage - par la "folie" de la prédication, disait St Paul. (1Co. 1.21) :"Les hommes, ayant refusé de connaitre Dieu par la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication".
"Je perdrai la sagesse des sages", disait Dieu par le prophète Isaïe (29.14).

Et alors commence ce langage en lequel - et c'est curieux -, il y a toujours des paradoxes ou, comme dit Chesterton, "des vérités qui marchent sur la tête pour se faire remarquer". Ce sont les femmes vierges qui enfantent, les puînés qui remplacent les aînés, des pécheurs qui deviennent prédicateurs, des derniers qui deviennent premiers etc…

Et puis Dieu marque toujours sa liberté dans le déroulement de son dessein d'amour à l'égard de l'homme... Et cela aboutit - quatrième langage, si vous voulez  - à ce que Dieu lui-même descend vers l'homme par des démarches insensées : du ciel à la crèche, de la crèche à la croix, de la croix au tombeau et au plus profond des enfers ; et puis il rebondit jusqu'au ciel !

Et Dieu dit encore - dans un dernier langage - qu'il veut non pas seulement se faire connaître, mais s’unir à sa créature !
Et l'on découvre  que c'est par des démarches également insensées que nous devons nous-mêmes répondre à la Parole de Dieu, au "Verbe de Dieu", qui sans cesse nous invite...
Et c'est alors que l'on fait l'expérience, en même temps, de la présence de Dieu comme la Bien-Aimée du Cantique des cantiques :  "J'entends mon Bien-aimé. Voici qu'il arrive, sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines" (Ct 2.8) : de la crèche à la croix... etc

Il faut entendre ces divers langages divins pour parvenir à celui que Dieu lui-même veut adresser à tout homme  : "Je lui parlerai au coeur" (Osée 2.16). C'est "coeur à coeur" que Dieu veut nous parler, discrètement, mystérieusement, comme pour le prophète Elie : dans "l'éclatement d'un silence" (2 Rois 19.12).

Savons-nous "écouter" Dieu et lui parler véritablement et déjà nous unir à lui ? Dans l'attente, dit St Jean,  du moment où "nous serons semblabes à Dieu parce que nous le v errons tel qu'il est !" (I Jn 3.2)

mardi 18 février 2014

Une confidente de l'Immaculée Conception !

18 Février - Ste Bernadette     

Nous connaissons tous la vie de Ste Bernadette, la confidente de l’Immaculée Conception, à Lourdes en 1858.

Ses parents, très humbles et pourtant besogneux, tombèrent de la pauvreté dans la misère. Mais ils étaient riches d’une simple et grande foi en Dieu. Ils donnaient certainement l'exemple d'une "sainte famille" ! 
Bernadette aimait beaucoup sa mère, son père, ses frères et sœurs ! Religieuse, elle s'évanouit pratiquement à l'annonce du décès de sa mère ; s'étant reprise, elle accepta vite ce calice, dit-elle, que le Seigneur lui présentait.
Plus tard, son père étant également décédé et étant l'aînée de ses enfants, elle aura le souci matériel et surtout spirituel de ses frères et sœurs. A l'un de ses frères, militaire, elle écrira : "Je te recommande surtout d'être bien fidèle à tes devoirs de chrétien !".

Bernadette, de nature très chétive, était gravement atteinte d’asthme. Trop faible pour suivre régulièrement l’école, elle était, à l'âge de 14 ans encore, une enfant inculte ne sachant ni lire ni écrire !
Cependant, malgré ce handicap, elle manifesta très vite un grand attrait pour la prière, le recueillement.
Jeune enfant, elle avait quand même appris le "Notre Père", le "Je vous salue Marie" et le "Je crois en Dieu". Ses prières, c’était finalement d'abord et avant tout le rosaire !
A Bartrès, gardant son troupeau de brebis, elle fabriquait de petits autels pour entretenir sa ferveur.
Plus tard, religieuse, même fatiguée, elle ne prenait rien le matin pour observer le "jeûne eucharistique" alors en vigueur, et ne pas se priver ainsi de la communion. Elle manifesta toujours, d'ailleurs, une grande dévotion envers le sacrement de l'Eucharistie.

Les faveurs de Notre Dame ne détruisirent aucunement sa personnalité. Au contraire. Elle était simple, candide, vive, gaie, avec parfois des réparties promptes, pleines d’esprit. On connaît celle qu’elle adressa à l’évêque de Tarbes qui s’étonnait que Notre Dame lui ait demandé de manger de l’herbe : "Nous mangeons bien de la salade !", répondit-elle !
Elle était même espiègle. Obligée par le médecin à prendre du tabac, elle fit un jour éternuer toute sa classe en donnant une prise à ses compagnes.
On la disait tenace dans ses idées. "J’ai toujours été entêtée, disait-elle ; aussi, la Sainte Vierge m’en a punie en me faisant demander trois fois comment elle s’appelait !"

Pour résumer sa vie, de façon schématique, on peut dire que Ste Bernadette fut, en quelque sorte, une martyre de corps, de cœur et d'âme :

- une martyre de corps !
Inutile d'insister sur ce point ! On le sait : sa vie fut une vie de souffrance physique jusqu'à sa mort, à l'âge de 35 ans seulement.
Une fois religieuse, sa grande activité fut la souffrance. Elle avait de fréquentes crises d'asthme qu'elle supportait, la nuit, assise sur son lit avec un crucifix à la main.

- une martyre de cœur !
A Nevers, ses supérieures, ayant peur qu'elle ne manifestât trop orgueil en raison des apparitions de Notre Dame, la traitèrent avec froideur et même rigueur, l'humiliant souvent et ne lui manifestant guère d'affection et même de simple considération.
Pourtant, elle-même avait le désir d'une vie cachée et humble.
Déjà, lors de la bénédiction de la statue de la Vierge Marie qui sera placée à la grotte, elle se cacha parmi ses camarades pour ne pas être reconnue.
Et quand les Religieuses de Lourdes l'accompagnaient pour qu'elle soit bien reconnue, elle leur reprochait d'être ainsi, par leur faute, regardée "comme une bête curieuse".
Et l'un des motifs de sa vocation religieuse fut son désir, dira-t-elle, de vivre cachée et dans l’humilité.
Mais pour ses supérieures, à Nevers, ce désir manifesté ne devait pas paraître suffisant !
Une fois entrée au noviciat, elle dut faire un bref récit des apparitions de la Vierge Marie. Et, à partir ce moment, elle ne devait plus en parler, on ne devait plus lui en parler. Un silence qui facilita finalement son ambition : "se faire oublier" - "être compter pour rien" - ""Je suis venue ici pour me cacher", disait-elle.
La Congrégation des Sœurs de la charité de Nevers avait été fondée au 17ème siècle pour soigner les pauvres et instruire les enfants. Bien des fois, on lui fit remarquer qu'elle ne pouvait accomplir ni l'un ni l'autre des buts de cette Congrégation. Après l'émission solennelle de ses vœux, on ne lui attribua aucune fonction ou charge selon la coutume, faisant remarquer à l'évêque du lieu que l'on ne savait pas quoi lui attribuer, n'étant capable de rien !
Elle aida cependant la Responsable de l'infirmerie ou l'on remarqua sa délicatesse et sa bonté envers les malades. Puis, elle fut envoyée à la sacristie pour remplir de modestes tâches.
Notre Dame le lui avait bien annoncé : elle ne devait pas être heureuse en ce monde d'ici-bas, mais dans l'autre. Et, de fait, même à Nevers, elle ne reçut guère de marques d'affection simplement fraternelles.

- une martyre d'âme !
Certes, peu à peu, l'amour de Dieu envahit grandement son âme ; elle en vivait. L'amour de Dieu animait ses actes, inspirait, soutenait ses efforts, lui faisant regarder tout événement comme la volonté de Dieu ! "Jamais me décourager, écrivait-elle, mais voir la volonté de Dieu en tout ce qui arrivera, le remercier de tout !  - "O Marie, priait-elle, ma Bonne Mère, accorde moi la grâce de tout faire, de tout souffrir par amour !".
Elle était, a-t-on dit "comme l'apôtre de Marie, inspirant l'esprit de prière et surtout le désir du ciel" qui ne quittait pas sa pensée. On connait sa réplique lorsqu'on lui demanda si la statue en marbre de la Vierge Marie qu'on allait placer à la grotte ressemblait à la Vierge Marie lors des apparitions. "La différence, dit-elle, est comme de la terre au ciel !"

Elle souffrit grandement de cette "différence" qui se manifestait si souvent dans la société, dans le monde. Quand vint la guerre de 1870, elle considéra cette guerre désastreuse comme un châtiment pour la France. Elle écrivait à la Supérieure de l'hôpital de Lourdes : "Nous aurions plus besoin de pleurer que de nous réjouir, en voyant notre pauvre Franc si endurcie et si aveugle !".

De plus, cette "différence de la terre au ciel" fut l'occasion d'un combat en elle-même !  Elle dira à la fin de sa vie : "C'est sans doute bien douloureux de ne pouvoir respirer ; mais c'est bien plus pénible d'être torturée par des peines intérieures. C'est terrible !". Quelques jours avant sa mort, en l'entendit s'exprimer ainsi : "Va-t-en Satan !". Elle confiera à l'aumônier que le démon avait voulu l'effrayer, mais qu'elle avait invoqué le Nom de Jésus et que tout avait disparu.

Ses dernières paroles furent : "Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour moi, pauvre pècheresse, pauvre pécheresse !".

Que nous soyons agressés de corps, de cœur ou d'âme, le remède vient toujours par Marie : "Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs !".

lundi 17 février 2014

La persévérance

6ème T.O. Lundi

"Ce qui n'est pas clair n'est pas français", a-t-on dit (Antoine de Rivarol) ! Aussi passe-t-on le plus clair de notre temps à chasser les ombres. Et puisque nous commençons aujourd'hui la lecture liturgique de la lettre de St Jacques, permettez-moi d'essayer de tirer au clair la confusion qui règne facilement entre les personnages du Nouveau Testament qui portent le nom de Jacques.

1. Il y a Jacques dit "le Majeur", apôtre du Seigneur et frère aîné ("majeur") de Jean, tous deux étant dénommés "boarnègès", fils du tonnerre, à cause probablement de leur tempérament vif et ardent...
Avec Pierre, ces deux frères participent à des événements importants de la vie de Notre Seigneur : Transfiguration, résurrection de la fille de Jaïre ; ils seront les témoins "endormis" de la prière de Jésus à Gethsémani... etc.
Jacques fut le témoin de la troisième apparition de Jésus après sa mort, sur les bords du lac de Tibériade. C'est l'épisode la pèche miraculeuse.
Il est le seul apôtre dont la mort est rapportée dans le Nouveau Testament : "Hérode fit périr par la glaive Jacques, frère de Jean" (Act 12.2). Nous sommes probablement en l'an 44.

2. Il y a également Jacques dit "le Mineur" ou "le Petit" qui est mentionné dans les récits de la Passion pour identifier l'une des "Marie" qui étaient près de Jésus en croix et ensuite près de son tombeau (1)

3. Il y a un autre apôtre du nom de Jacques, le fils d'Alphée qui a été longtemps confondu avec Jacques "le Mineur".

4. Il y a encore Jacques, "le frère de Jésus" : figure prestigieuse du christianisme primitif. Il ne fut pas, de son vivant, "évêque de Jérusalem" parce que ce titre n'existait pas à cette époque. Cependant, dès que cette fonction commença à exister, on n'hésita pas à l'attribuer à ce Jacques tant son influence fut grande et respectée... (Concile de Jérusalem..., rapports avec Paul...).
Paul dit lui-même que ce Jacques gouverna d'abord l'Église de Jérusalem avec Céphas et Jean (Ga 2,9), mais après la mort de Jacques, le fils de Zébédée (Ac 12,2), et après l'arrestation dont Pierre s'échappa miraculeusement (donc dès 44), il régna seul à Jérusalem (Ac 12,17) jusqu'à sa mort en 62.  

St Jérôme (en particulier avec Eusèbe de Césarée... etc.) tenta, pour diverses raisons, de prouver que ce Jacques "frère du Seigneur" est le même que Jacques, le fils d'Alphée, l'un des Douze et que Jacques le Mineur. Bien que cette identification ait été, à une certaine époque acceptée par l'Église catholique - surtout en Occident, ce qui provoqua confusion pendant longtemps -, elle n'est plus soutenue aujourd'hui. L'état actuel de la recherche nous dit que ce Jacques "évêque de Jérusalem" ne fut jamais l'un des Douze.

5. Et enfin, il y a Jacques, l'auteur de la lettre qui porte son nom. Il est difficile d'attribuer cette lettre à l'un des autres "Jacques". On pense plutôt que notre auteur fut un disciple de Jacques l'"évêque de Jérusalem" et qu'il écrivit vers l'an 80.

L'écrit ressemble plus à une collection de sentences qu'à une lettre. On sent que l'intention de l'auteur n'est pas de donner un exposé de la foi, de rappeler l'enseignement de l'Evangile. Il se borne à y faire référence.
On l'a souvent - et à tort - opposé à St Paul. Probablement sensible aux relations sociales, il réagit vigoureusement contre certains chrétiens dont la foi (trop théorique sans doute - cela arrive ! -) n'a aucun effet sur leur comportement. Il insiste donc sur la nécessité des œuvres : "comme le corps sans âme est mort, de même la foi sans les oeuvres est morte" (Cf. (2.14-26). St Paul, lui aussi, attend que la foi se fasse agissante. Et s'il condamne certaines œuvres, c'est qu'elles sont trop acccomplies dans un esprit d'orgueil, en oubliant que notre seule force, c'est le mystère pascal du Christ et non notre force banalement humaine pour se conformer à une Loi : "Si la justice s'obtient par la Loi, dira-t-il, Christ est donc mort en vain !" (Gal 2.21)

Il reste que l'écrit donne l'essentiel de toute une réflexion chrétienne en matière de morale pratique.
Et le document s'achève par une forte incitation à la prière qui doit soutenir toute l'existence chrétienne. Elle peut même devenir source de santé pour les malades.

Après ces quelques réflexions, il serait bon maintenant d'entrer dans le texte lui-même ! Il ne m'en reste guère le temps. Aussi, je vous propose aujourd'hui qu'un seul mot à méditer : celui de la persévérance, malgré les épreuves ! St Jacques et St Paul se retrouveraient facilement sur ce mot.

Dans l'Ancienne Alliance, la fidélité de Dieu envers son peuple était en fonction de la fidélité de celui-ici à son égard, ce qui rendait les bénédictions divines faites "au commencement" fort aléatoires, comme le souligne le livre du Lévitique : "Si vous repoussez mes lois et rompez mon alliance en ne mettant pas en pratique tous mes commandements, j'agirai de même, moi aussi, envers vous". (Lev 26.15-16). Et le Livre du Deutéronome est encore plus précis (Cf. Det. 26.17-18 ; 28.15-69 ; cf Am. 4.6-12).

La Nouvelle Alliance établie par Jésus Christ, elle, est éternelle (Cf. Heb 8.8-9).
D'une part, elle est conclue par l'amour immuable de Dieu : "Quoi donc, s'écrie St Paul, si quelques-uns ont été infidèles, leur infidélité va-t-elle annuler la fidélité de Dieu ? Certes non !" (Rm 3.3). Et il s'écrie encore : "Si nous sommes infidèles, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même" (2 Tm 2.13). Et souvent l'apôtre manifestera son "espérance de la vie éternelle promise avant tous les siècles par le Dieu qui ne ment pas !" (Tit 1.2).
D'autre part, l'Ancienne Alliance obligeait sans procurer les moyens de remplir les obligations souscrites. Le Dieu de la Nouvelle Alliance, lui, ayant déjà donné le salut par son Fils - "Il n'a pas épargné son propre Fils mais l'a livré pour nous tous ! Comment, avec lui, ne nous accordera-t-il pas toute faveur ?" (Rm. 8.32) -, nous acccordera tous les moyens nécessaires pour persévérer (Cf. I Thess. 8.24 ; II Thess 3.3 ; I Co. 1.9 ; Phil. 1.6).
Il accordera même le pardon des fautes. Car il est fidèle dans sa miséricorde : "Si nous confessons nos péchés, lui, fidèle et juste, pardonnera nos péchés et nous purifiera de toute iniquité" (I Jn 1.9). C'est qu'il est bien plus grand que notre propre cœur, comme le souligne St Jean : "Si notre cœur venait à nous condamner, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît tout" (I Jn 3.20).

En conséquence, soyons persévérants. Et que "notre persévérance, nous dit St Jacques, s'accompagne d'une conduite parfaite", la plus possible. "Restons indéfectiblement attachés à la profession de notre erspérance, dit la lettre aux Hébreux, car celui qui a promis est fidèle. Et faisons attention les uns aux autres pour nous stimuler dans la charité et les œuvres bonnes" (Heb 10.23).


(1) "Il y avait des femmes (près de la croix), entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset, et Salomé" (Marc 15.40)
Et "Quand le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates..." (16.1).
"A leur retour du tombeau, elles rapportèrent la aux Onze et à tous les autres" ce qu'elles avaient vu. "C'étaient Marie la Magdaléenne, Jeanne et Marie, mère de Jacques" (Lc 24.9-10).