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Mai – Fête de la Visitation
"L'Esprit-Saint viendra sur toi
et te couvrira de son ombre", avait dit l’Ange, lors de
l’Annonciation.
La formule évangélique évoque la
présence divine dans l'arche Sainte, couverte de l'“ombre du Très-Haut”, durant les quarante années du peuple hébreu
dans le désert (Cf.
Exode)
! Marie sera donc, par l'action de l'Esprit-Saint, une nouvelle "Arche" où Dieu reposera. Elle
apparaît comme le Temple qui n’est pas fait de main d’homme à la plénitude des
temps.
St Luc veut éveiller chez son
lecteur le souvenir de la "shékinah", cette présence divine et libératrice
qui descend sur Marie comme elle était autrefois descendue sur l’“arche
d’alliance” pour le salut du peuple élu…
Pour le salut du peuple… : c’est
ce que chante Marie dans son Magnificat qui est bourrée d’allusions aux merveilles
des délivrances que Dieu a déjà accomplies tout au long de l’histoire. (Il suffit, pour
s’en rendre compte, de se reporter aux références que donne une bonne édition).
Certaines expressions de Marie sont
d’ailleurs bien guerrières si on y regarde de près : “Déployant la force de son bras (comme au passage de la mer rouge) ; il disperse les superbes, renverse les puissants de
leurs trônes"
(comme
Sennachérib au temps d’Isaïe), etc.
Mais si Luc “fait mémoire”, avec
Marie, des merveilles de Dieu accomplies dans l’histoire, c’est pour mieux
envisager l’avenir, le nôtre ! Il laisse entrevoir, pour tous les temps, une
loi immuable de l'action de Dieu dans le monde, en chacun de nous !
Il ne veut pas restreindre l’action
de l’Esprit Saint ni au passé, ni même seulement en Marie, devenue nouvelle “Arche d’Alliance” pour la naissance du
Fils de Dieu…
Il ne veut pas situer Marie uniquement
dans un moment de l’histoire si grand soit-il (Incarnation)…
Il veut souligner que l’Esprit Saint
vient, à tout jamais et actuellement, “couvrir Marie de son ombre” fécondante.
Il nous enseigne que l’union de
l’Esprit Saint et de Marie est conclue pour tous les siècles, et qu’aujourd’hui
encore Jésus continue de naître invisiblement dans les âmes "par l'Esprit-Saint, de la Vierge
Marie" (selon
la formule du Credo).
Aussi, Marie elle-même s'écriera : “Toutes
les générations m'appelleront "Bienheureuse”. Marie, “Arche d’Alliance“, est devenue le
chemin privilégié pour aller vers son Fils, vers Dieu. Tous les Saints ont
compris cela (Grignon
de Montfort…, particulièrement)
Et voilà pourquoi Marie, à peine
enceinte, devenue nouvelle “Arche
d’Alliance“, n’en reste pas à contempler le mystère qui s’accomplit en elle
et par elle… ; elle part… elle part porter aux autres, au monde, le
salut que Dieu prépare à la face de tous les peuples, comme dira le
vieillard Syméon. C’est bien le sens de la Visitation de Marie à sa cousine
Elisabeth. Plus une âme est unie à Dieu (et de quelle façon pour Marie !), plus elle veut
conduire les hommes à rencontrer Dieu !
Marie concentre en elle le mystère
de la “Rencontre“ de l’homme avec Dieu.
Elle concentre en elle
- la rencontre personnelle de
Moïse avec Dieu lors de la vision du buisson ardent (“Sené“, en hébreu)…,
- la rencontre collective du
peuple au pied de la montagne embrasée (Sinaï)...
- Et puis l’Arche d’Alliance
transporte, d’étape en étape, cette expérience de la “Rencontre“, jusqu’en Sion, cette petite montagne que “Dieu a choisie pour y faire habiter son
Nom“ et qui deviendra Jérusalem !
"Sené"
- "Sinaï" - "Sion". Tout un cheminement (signifiée par
cette allitération)
qui s’achève en Marie, devenue la permanente “Arche d’alliance“ !
Et nous sommes là à la dernière étape,
(à la
“plénitude des temps“, selon l’expression de St Paul). St Luc semble
faire allusion d’ailleurs à la dernière étape de l’Arche d’Alliance avant
qu’elle n’arrive à Jérusalem :
- Il est dit dans le livre de Samuel (cf. 2 Sam. 6) que l’Arche
d’Alliance demeura chez Obed-Edom de Gat trois mois, tout comme Marie
demeura chez Elisabeth trois mois.
- Il est dit que lors du transfert de l’Arche
vers Jérusalem “David dansait en tournoyant de toutes ses forces devant
l’Arche de Dieu. Et Luc rapporte la remarque d’Elisabeth adressée à Marie
: “lorsque ta salutation a retenti à mes
oreilles, voici que l’enfant a bondi d’allégresse en mon sein“.
Jean-Baptiste, le précurseur, est heureux d’annoncer la venue de Dieu, tout
comme le jeune roi David ! Jésus
est bien celui qui accomplit parfaitement les Ecritures…
Oui, Marie, “Arche d’Alliance“, veut nous conduire à cette “Rencontre“ avec Dieu !
Et de quelle manière ! On imagine volontiers Marie allant de Dieu aux hommes
dans un mouvement de va-et-vient incessant, comme une distributrice des grâces
divines. Ce n’est pas faux. Mais sa médiation est encore plus belle !
Comme l’Esprit Saint est entièrement tourné
et vers le Père et vers le Fils, Marie, remplie de l’Esprit Saint et
accueillant le Verbe de Dieu, est entièrement tournée et reste tournée vers le
Père.
Et c'est en Lui - uniquement - qu'elle nous
voit, en Lui qu'elle nous aime. Marie va aux hommes en Dieu, sans un seul
instant détourner de Lui son regard. En Dieu, elle nous voit avec toutes nos
misères et nous aime d'un amour qu'elle reçoit de Lui, d'un amour divin qui est
la source permanente de notre vie, d’un amour qui nous atteint au plus profond
de notre être.
Ainsi, lorsque nous disons en nous
inspirant des paroles d’Elisabeth : "Le
Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes",
elle regarde, contemple Dieu qui l'inonde éternellement de ses bénédictions. Et
au fur et à mesure que montent vers elle nos pauvres "Je vous salue Marie", si péniblement égrenés, Marie les
métamorphose en hymnes à Dieu, en doxologies trinitaires. Immanquablement, une
magie s'opère : nous disons : "Marie"
; et elle, elle dit : "Dieu".
Et Dieu veut bien entendre alors comme venant de nous ce qu'elle dit à notre
place.
Marie est sans cesse tournée vers Dieu (pros ton théon") pour qu'à travers elle,
Dieu nous entende, nous protège et nous exauce.
Jésus nous a dit en parlant des anges qui
veillent sur nous ("anges-gardiens") qu'"ils voient sans cesse la face du Père
qui est dans les cieux" ! Si les anges à qui Dieu confie le cheminement
des hommes sur terre gardent leur regard fixé sur Dieu, que dire alors de Marie
? Elle voit Dieu, Elle se nourrit de Dieu, Elle est toute ruisselante de Dieu.
Et elle nous porte dans ce "face à face" éternel pour que, dès
ici-bas, chacune de nos âmes en soit imprégnée, comme une mère sait transmettre
à son enfant tout ce qu'elle a. Au ciel, elle ne cesse de répéter son
"fiat", son "Amen". Et dans son "Amen" résonnent
tous nos "amen" qui de la terre montent vers Dieu et qu'elle ne cesse
de présenter dans le sien.
Quel réconfort que d'être dans la certitude
de "trouver grâce" auprès
de Dieu par l'intermédiaire de Celle dont il est dit : "Tu as trouvé grâce auprès de Dieu".
Ainsi avec Marie, par elle, en elle, nous
pénétrons, d'une manière certaine, dans le mystère de notre configuration au
Christ : dépendants de sa Mère, abandonnés à elle, nous devenons comme Lui : "tourné vers Dieu" ("pros
ton théon") comme le dit St Jean au début de son évangile ("Le Verbe était tourné vers le
Père"), comme il le dira à la fin de son évangile : "Je monte vers mon Père..." ("pros ton
théon").
Soyons donc totalement à Marie ; car Marie,
elle, est au Christ ; et le Christ est à Dieu, son Père !