samedi 31 mai 2014

La Rencontre avec Dieu !

31 Mai – Fête de la Visitation

"L'Esprit-Saint viendra sur toi et te couvrira de son ombre", avait dit l’Ange, lors de l’Annonciation.
La formule évangélique évoque la présence divine dans l'arche Sainte, couverte de l'“ombre du Très-Haut”, durant les quarante années du peuple hébreu dans le désert (Cf. Exode) ! Marie sera donc, par l'action de l'Esprit-Saint, une nouvelle "Arche" où Dieu reposera. Elle apparaît comme le Temple qui n’est pas fait de main d’homme à la plénitude des temps.

St Luc veut éveiller chez son lecteur le souvenir de la "shékinah", cette présence divine et libératrice qui descend sur Marie comme elle était autrefois descendue sur l’“arche d’alliance” pour le salut du peuple élu
Pour le salut du peuple… : c’est ce que chante Marie dans son Magnificat qui est bourrée d’allusions aux merveilles des délivrances que Dieu a déjà accomplies tout au long de l’histoire. (Il suffit, pour s’en rendre compte, de se reporter aux références que donne une bonne édition).
Certaines expressions de Marie sont d’ailleurs bien guerrières si on y regarde de près : “Déployant la force de son bras (comme au passage de la mer rouge) ; il disperse les superbes, renverse les puissants de leurs trônes" (comme Sennachérib au temps d’Isaïe), etc.

Mais si Luc “fait mémoire”, avec Marie, des merveilles de Dieu accomplies dans l’histoire, c’est pour mieux envisager l’avenir, le nôtre ! Il laisse entrevoir, pour tous les temps, une loi immuable de l'action de Dieu dans le monde, en chacun de nous !
Il ne veut pas restreindre l’action de l’Esprit Saint ni au passé, ni même seulement en Marie, devenue nouvelle “Arche d’Alliance” pour la naissance du Fils de Dieu… 
Il ne veut pas situer Marie uniquement dans un moment de l’histoire si grand soit-il (Incarnation)
Il veut souligner que l’Esprit Saint vient, à tout jamais et actuellement, “couvrir Marie de son ombre” fécondante.
Il nous enseigne que l’union de l’Esprit Saint et de Marie est conclue pour tous les siècles, et qu’aujourd’hui encore Jésus continue de naître invisiblement dans les âmes "par l'Esprit-Saint, de la Vierge Marie" (selon la formule du Credo). Aussi, Marie elle-même s'écriera : “Toutes les générations m'appelleront "Bienheureuse”. Marie, “Arche d’Alliance“, est devenue le chemin privilégié pour aller vers son Fils, vers Dieu. Tous les Saints ont compris cela (Grignon de Montfort…, particulièrement)

Et voilà pourquoi Marie, à peine enceinte, devenue nouvelle “Arche d’Alliance“, n’en reste pas à contempler le mystère qui s’accomplit en elle et par elle… ; elle part… elle part porter aux autres, au monde, le salut que Dieu prépare à la face de tous les peuples, comme dira le vieillard Syméon. C’est bien le sens de la Visitation de Marie à sa cousine Elisabeth. Plus une âme est unie à Dieu (et de quelle façon pour Marie !), plus elle veut conduire les hommes à rencontrer Dieu !
Marie concentre en elle le mystère de la “Rencontre“ de l’homme avec Dieu.
Elle concentre en elle
- la rencontre personnelle de Moïse avec Dieu lors de la vision du buisson ardent (“Sené“, en hébreu)…,
- la rencontre collective du peuple au pied de la montagne embrasée (Sinaï)...
- Et puis l’Arche d’Alliance transporte, d’étape en étape, cette expérience de la “Rencontre“, jusqu’en Sion, cette petite montagne que “Dieu a choisie pour y faire habiter son Nom“ et qui deviendra Jérusalem !

"Sené" - "Sinaï" - "Sion". Tout un cheminement (signifiée par cette allitération) qui s’achève en Marie, devenue la permanente “Arche d’alliance“ !

Et nous sommes là à la dernière étape, (à la “plénitude des temps“, selon l’expression de St Paul). St Luc semble faire allusion d’ailleurs à la dernière étape de l’Arche d’Alliance avant qu’elle n’arrive à Jérusalem :
- Il est dit dans le livre de Samuel (cf. 2 Sam. 6) que l’Arche d’Alliance demeura chez Obed-Edom de Gat trois mois, tout comme Marie demeura chez Elisabeth trois mois.
- Il est dit que lors du transfert de l’Arche vers Jérusalem “David dansait en tournoyant de toutes ses forces devant l’Arche de Dieu. Et Luc rapporte la remarque d’Elisabeth adressée à Marie : “lorsque ta salutation a retenti à mes oreilles, voici que l’enfant a bondi d’allégresse en mon sein“. Jean-Baptiste, le précurseur, est heureux d’annoncer la venue de Dieu, tout comme le jeune roi David !  Jésus est bien celui qui accomplit parfaitement les Ecritures…

Oui, Marie, “Arche d’Alliance“, veut nous conduire à cette “Rencontre“ avec Dieu ! Et de quelle manière ! On imagine volontiers Marie allant de Dieu aux hommes dans un mouvement de va-et-vient incessant, comme une distributrice des grâces divines. Ce n’est pas faux. Mais sa médiation est encore plus belle !
Comme l’Esprit Saint est entièrement tourné et vers le Père et vers le Fils, Marie, remplie de l’Esprit Saint et accueillant le Verbe de Dieu, est entièrement tournée et reste tournée vers le Père.
Et c'est en Lui - uniquement - qu'elle nous voit, en Lui qu'elle nous aime. Marie va aux hommes en Dieu, sans un seul instant détourner de Lui son regard. En Dieu, elle nous voit avec toutes nos misères et nous aime d'un amour qu'elle reçoit de Lui, d'un amour divin qui est la source permanente de notre vie, d’un amour qui nous atteint au plus profond de notre être.

Ainsi, lorsque nous disons en nous inspirant des paroles d’Elisabeth : "Le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes", elle regarde, contemple Dieu qui l'inonde éternellement de ses bénédictions. Et au fur et à mesure que montent vers elle nos pauvres "Je vous salue Marie", si péniblement égrenés, Marie les métamorphose en hymnes à Dieu, en doxologies trinitaires. Immanquablement, une magie s'opère : nous disons : "Marie" ; et elle, elle dit : "Dieu". Et Dieu veut bien entendre alors comme venant de nous ce qu'elle dit à notre place.
Marie est sans cesse tournée vers Dieu (pros ton théon") pour qu'à travers elle, Dieu nous entende, nous protège et nous exauce.
Jésus nous a dit en parlant des anges qui veillent sur nous ("anges-gardiens") qu'"ils voient sans cesse la face du Père qui est dans les cieux" ! Si les anges à qui Dieu confie le cheminement des hommes sur terre gardent leur regard fixé sur Dieu, que dire alors de Marie ? Elle voit Dieu, Elle se nourrit de Dieu, Elle est toute ruisselante de Dieu. Et elle nous porte dans ce "face à face" éternel pour que, dès ici-bas, chacune de nos âmes en soit imprégnée, comme une mère sait transmettre à son enfant tout ce qu'elle a. Au ciel, elle ne cesse de répéter son "fiat", son "Amen". Et dans son "Amen" résonnent tous nos "amen" qui de la terre montent vers Dieu et qu'elle ne cesse de présenter dans le sien.

Quel réconfort que d'être dans la certitude de "trouver grâce" auprès de Dieu par l'intermédiaire de Celle dont il est dit : "Tu as trouvé grâce auprès de Dieu".

Ainsi avec Marie, par elle, en elle, nous pénétrons, d'une manière certaine, dans le mystère de notre configuration au Christ : dépendants de sa Mère, abandonnés à elle, nous devenons comme Lui : "tourné vers Dieu" ("pros ton théon") comme le dit St Jean au début de son évangile ("Le Verbe était tourné vers le Père"), comme il le dira à la fin de son évangile : "Je monte vers mon Père..." ("pros ton théon").

Soyons donc totalement à Marie ; car Marie, elle, est au Christ ; et le Christ est à Dieu, son Père !

jeudi 29 mai 2014

Relier ciel et terre !

Ascension 2014

Triste fin, pourrait-on croire !
Après un rebondissement inattendu, Jésus semble abandonner ses apôtres qui regardent le ciel où il disparaît...
Le Vendredi Saint, tout semblait conclu.
Mais au matin de Pâques tout était à nouveau possible. Durant quarante jours, il leur avait manifesté sa présence plus forte que la mort.
Et maintenant, jour de l'Ascension, il les quitte... !

S'ils l'avaient suivi durant trois ans, c'est qu'il apportait un "plus", ce charpentier de Nazareth ! Les solides pêcheurs du lac de Galilée n'auraient pas abandonné leurs filets si Jésus ne les avait pas fait "rêver", si je puis dire, aspirer à un monde plus beau, à une vie qui en vaille vraiment la peine.
Ses paroles étaient d'or.
Son accueil était pour tous, sans jugements ni condamnation.
Sa bonté pour les pauvres et les malades était sans égale.
Était-ce donc simplement une parenthèse dans leur vie, dans l'histoire morose de notre humanité ?

Rassurons-nous tout de suite !
L'Ascension que nous fêtons aujourd'hui n'est pas une évasion. Jésus ne prend pas son envol dans des galaxies lointaines ! Mais il passe de l'autre côté du voile, de ce voile que peut percer désormais le regard de la foi, le regard de la foi pascale, depuis que le voile du temple s'est déchiré au moment de sa mort ! Le chemin du ciel est ouvert !

En effet, le cœur de la "Bonne Nouvelle" de Jésus, c'est sa Pâque, son passage vers le Père où il entraîne toute l'humanité à sa suite. Et le temps pascal qui rappelle cet événement, ce mystère, se déploie durant cinquante jours - pendant lesquels le cierge de la lumière du matin de Pâques nous éclaire - ... ce temps pascal se déploie en trois tableaux :
Le matin de Pâques, l'Ascension et la Pentecôte.
Une seule fête en un triptyque !

À Pâques, la tombe est vide !
La mort n'a pu garder sa proie, notre terre n'est pas le tombeau de l'amour - "la Charité ne passera jamais", dira St Paul ! (I Co. 13.8) -.
Lorsque Jésus ressuscita Lazare, on vit apparaître un homme prisonnier de ses bandelettes. Sitôt celles-ci ôtées, on put le reconnaître aisément. Quelques mois, voire quelques années de sursis étaient seulement offerts à Lazare.
Mais quand les femmes arrivent au tombeau, c'est un grand vide qu'elles découvrent : "Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ?, leur demandent les anges. "Il n'est pas ici, mais il est ressuscité". (Luc 24.5-6).Il est toujours vivant !

À l'Ascension, il nous est dit clairement où est ce Jésus dont le corps n'est plus dans le tombeau : il est "assis à la droite du Père". "Notre Père qui es aux cieux", nous a appris Jésus.
Expression paradoxale !
- Par son amour, Dieu est proche des hommes. Il est Père, "notre Père !". Mais il est aux cieux, hors de notre portée, comme le ciel qui enveloppe notre planète. Proximité et grandeur, tel est Dieu.
- Tel est aussi le mystère du Christ ! Ne cherchons pas à le situer géographiquement, bien sûr. Dieu est partout et de nulle part. Voilà pourquoi celui qui est aux cieux, nous pouvons le prier dans le secret de notre chambre. Son temple est le cœur des justes, disait saint Augustin. Le Christ est là !

À la Pentecôte, nous prenons conscience de la responsabilité qu'il nous laisse. À nous de poursuivre son œuvre.
Et l'Esprit du Christ nous est donné pour que nous affrontions toute peur et que nous puissions aller jusqu'au bout de la terre proclamer sa "Bonne nouvelle", la "Bonne Nouvelle" de la grandeur et de la proximité du Christ !
Dans le Cénacle de la Pentecôte, l'Esprit du Christ nous fait découvrir que nous sommes "Église", c'est-à-dire le "Corps du Christ", du Christ ressuscité. Nous devenons, nous devons être "présence du Christ" pour le monde d'aujourd'hui. Avec lui, nous sommes une seule chair et un seul sang, ainsi que nous le célébrons à chaque Eucharistie !

Voilà la Pâques du Christ : Matin de Pâques, Ascension, Pentecôte.

Aussi, l'Ascension est une fête joyeuse. St Luc le dit clairement : "les disciples s'en retournèrent à Jérusalem pleins de joie" (24.52). Comprenant mieux la Pâques du Christ, ils chantent leur "merci", leur "action de grâce" à ce Seigneur de gloire. Chantons, nous aussi, notre "action de grâce". Oui, grande action de grâce à Jésus qui s'en va !

Action de grâce ! Tout d'abord parce que Jésus, avec confiance, nous confie, en partant, sa mission. Désormais, c'est à nous de proclamer la "Bonne Nouvelle" aux pauvres, de réveiller l'espérance, d'inviter à l'amour. Lui, il s'était contenté de la Palestine ; nous, à la suite des Apôtres, nous sommes invités à aller jusqu'au bout du monde. Son aventure devient la nôtre. Quelle responsabilité !

Action de grâce ! Car l'Ascension manifeste que notre vie aboutit auprès de Dieu. Jésus ne l'a-t-il pas dit ? "Je pars vous préparer une place", disait-il. La destinée humaine débouche en plein ciel. Elle ne retourne pas au néant. La vie ne va pas à la tombe. Jésus a emporté avec lui un petit goût de la terre, disait Péguy.

Action de grâce ! Car Jésus n'abandonne pas les siens. La tâche sera rude, il est vrai ; mais il nous a promis l'Esprit Saint, force d'En-Haut, force du Père. Ce souffle qui a animé Jésus durant toute sa vie, nous habite dorénavant. Et lui-même, Jésus, sera avec nous jusqu'à la fin des temps. Nous ne le voyons plus, certes ; mais il nous voit ! Il est là !

Décidément, l'événement "Jésus de Nazareth" n'est pas une parenthèse au cœur de l'histoire des hommes. C'est une source qui jaillit encore, un flambeau que l'on se passe de génération en génération. "Allez de par le monde entier ; de tous les peuples, faites des disciples...".

Aussi, les anges de l'Ascension nous invitent à cesser de fixer le ciel !
Mais il fallait un instant le regarder pour voir où aboutit l'existence humaine. Maintenant, il est urgent de regarder la terre pour y faire déjà le ciel par l'amour divin reçu au matin de Pâques pour que la volonté de Dieu soit faite "sur la terre comme au ciel", là où Jésus nous précède.

Aussi, pour terminer, je vous transmets une parabole que je viens de lire, parabole héritée d'ailleurs des Pères de l'Eglise : un jour, un grand-père voulut faire découvrir à son petit-fils la beauté des arbres et l'importance de leur travail : "Ils rattachent la terre au ciel", lui disait-il. "Le ciel, en effet, c'est si léger. Si les arbres ne le retenaient pas fermement, il s'en irait loin de la terre".

L'arbre, expliquait-il, est comme une grosse corde tressée de plusieurs fils qui se desserrent et s'élargissent.
D'un côté, ce sont les branches qui accrochent le ciel ;
de l'autre, ce sont les racines qui pénètrent la terre.
Les racines cherchent leur chemin dans le sol tout comme les branches apprivoisent le ciel.
Et le travail des branches n'est pas plus facile que celui des racines. Celles-ci rencontrent un sol souvent rocailleux ; celles-là doivent résister au vent parfois houleux. "Le vent voudrait séparer le ciel de la terre. Mais les arbres tiennent bon. C'est une grande bataille, mon fils !"

Telle est la rude bataille des chrétiens : veiller à ce que le ciel ne s'échappe jamais de la terre. Et les Pères de l'Eglise d'ajouter paradoxalement à propos de la parabole : il s'agit sans doute d'un arbre, mais d'un "arbre renversé" ! Car nos véritables racines ne sont-elles pas déjà dans le ciel ?

En ces temps où la paix semble si compromise, sachons où sont nos véritables racines ! C'est plus urgent que jamais. C'est notre mission, celle de l'Eglise, celle de chaque chrétien : relier ciel et terre !

lundi 26 mai 2014

Lydie, Patronne de l'Europe !

Pâques 6 Lundi -                        Ac 16, 11-1

Avec la lecture d’aujourd’hui, nous rejoignons Paul, Silas et Timothée partis d’Antioche de Syrie pour un deuxième "grand voyage missionnaire".
Silas était un des émissaires envoyé de Jérusalem à Antioche après le Concile dit "de Jérusalem". Paul l’avait adopté pour compagnon après son désaccord avec Barnabé au sujet de Jean Marc (vous pouvez vous reporter aux Actes…).
Quant à Timothée, il l’avait pris en repassant à Lystres. Timothée, qui avait bonne réputation, devint son disciple préféré. Son père était grec, mais sa mère juive, pieuse : “J'évoque le souvenir de la foi sans détours qui est en toi, foi qui, d'abord, résida dans le cœur de ta grand-mère Loïs et de ta mère Eunice et qui, j'en suis convaincu, réside également en toi“. (2 Tm 1,5).

L’Esprit-Saint les pousse vers la Macédoine, vers l’Europe… ! Paul en rêve (le fameux "rêve du Macédonien" que Paul raconte !)… Ils s’embarquent à Troas, passent près de l’île de Samothrace et débarquent à Néapolis. Ils ne s’y arrêtent pas et gagnent immédiatement Philippes, ville de garnison romaine.

C’est là, à Philippes, que fut fondée la première communauté chrétienne d’Europe, à laquelle Paul adressera plus tard sa "lettre aux Philippiens", la plus personnelle peut-être des lettres de l'apôtre.
On parle beaucoup de l’Europe ces jours-ci ! Aussi, il serait bon que nous, chrétiens, nous nous attardions quelques instants sur cette "première Eglise chrétienne d’Europe" et sur les circonstances de sa fondation.

Il n’y avait pas suffisamment de juifs à Philippes pour qu’on y trouve une synagogue. La prière synagogale suppose la réunion de dix familles au minimum ! (C'est sans doute la raison pour laquelle l'intercession d'Abraham en faveur de Sodome et Gomorrhe s'arrête au nombre de "dix justes" que l'on pourrait trouver en cet endroit funeste !).

Aussi, le jour du Shabbat, Paul et ses compagnons retrouvent quelques compatriotes au bord de la rivière, là où ces quelques Juifs avaient sans doute pris l’habitude de faire la prière. Paul s’adressa aux femmes qui étaient réunies.

Au passage, il faut faire hommage à ces femmes juives qui furent les premières à recevoir l’Evangile en Europe.
Il y avait parmi elles, une certaine Lydie qui faisait du commerce de pourpre (profession qui suppose une certaine aisance de vie). Elle était originaire de Thyatire et faisait partie des “Craignants Dieu“, séduites par le judaïsme si elles ne s’étaient pas encore intégrées au peuple élu. Notons une fois de plus que c’est aux juifs que Paul s’adresse toujours en premier lieu : La Bonne Nouvelle est d’abord pour vous“, avait dit St Pierre dès le lendemain de la Pentecôte.

Vous avez certainement remarqué la phrase qui parle de la conversion de Lydie. "Le Seigneur lui ouvrit le cœur, de sorte qu’elle s’attacha aux paroles de Paul".
En relisant cette phrase, je me fais souvent cette réflexion : Certes, la présentation que l’on peut faire du message évangélique est importante : catéchèse adaptée, langage et message particuliers pour tel ou tel milieu social… avec explications littéraires, historiques, théologiques etc.. Et c’est bien ! Cependant il me semble que si l’Evangile est annoncé dans sa simplicité - lire la Parole de Dieu et la relire -, non seulement l’Evangile a en lui-même une puissance insoupçonnée de conviction sur celui qui l'accueille, mais, surtout ce lecteur ou auditeur profite d’une sorte de complicité de l’Esprit Saint qui "ouvre le cœur"  et l'interpelle d’une manière personnelle, souvent imprévisible. La Parole de Dieu obtient ainsi plus facilement et plus efficacement des résultats auxquels ne parviennent pas toujours les “préparations“, les “parcours“ les mieux adaptés…, les explications diverses...

Et c’est sans doute ce qui arriva à Lydie : “Elle était tout oreilles ; car le Seigneur lui avait ouvert le cœur….

Toute parole proférée est d'abord un appel vers l'autre, avant même d'exprimer un contenu déterminé. Elle provoque à sortir de soi-même et à se tourner vers celui qui parle. Contrairement à ce que l'on est tenté de penser, le fruit d'un dialogue ne dépend pas d'abord du fait que la parole prononcée soit comprise ou non, mais il dépend essentiellement de la manière dont l'interlocuteur s'apprête, dès le départ, à l'accueillir.

Et ce que disent là des philosophes, psychologues de la parole humaine est vraie également de la Parole de Dieu. Le salut que Dieu nous offre par sa Parole ne s'obtient effectivement qu'en l'accueillant avec humilité et simplicité, comme un enfant, dira Notre Seigneur (Cf. Mth 18.3; Mc 10.15).

Il ne suffit pas que les cieux répandent leurs bénédictions : rosée, pluie, neige. Il faut encore que la terre, pour devenir féconde, s'y ouvre : "Aperiatur terra ! Que la terre s'entrouve !", s'écriait Isaïe (45.8).
"Ephpheta" - "Ouvre-toi !", dira Jésus au sourd-muet qu'il s'apprêtait à guérir (Mc 7.34). Et ce n'est sans doute pas par hasard que cette parole du Seigneur nous a été transmise en araméen : le Christ a du la prononcer avec un accent si impressionnant et en l'accompagnant de gestes si frappants que les auditeurs n'ont jamais pu l'oublier. Et en prononçant cet impératif souverain, Jésus pensait au pauvre "sourd-muet", mais aussi à tous ceux qui, par l'écoute docile de sa parole, s'ouvriraient à l'appel de Dieu.

Et le lieu de cette écoute, c'est le "cœur" au sens biblique du mot, c'est à dire toute la personne dont le cœur est le symbole. La semence de la Parole divine ne peut donner du fruit au centuple que reçue par un "cœur noble et bon", dira St Luc, par un cœur qui la garde et qui lui permet de la mûrir par la patience (Lc  18.15). En employant la formule "en kardia kalê kai agathê" - "dans un coeur noble et bon" -, St Luc, fin lettré, reprend là l'idéal de vie et d'éducation cher aux anciens Grecs. Le "gentleman" grec était un "kalosagathos", un homme beau, noble et bon !

Et au "cœur noble et bon" s'oppose un "cœur endurci, impénitent" (Rm 2.5), "incirconcis" (Lv 26.41 ; Jr 9.25 ; Ez. 44.7,9 ...),  un cœur insensible aux manifestations de la volonté salvifique de Dieu. Un "cœur dur" "trouve dure" la Parole divine. Pour beaucoup de disciple de Jésus, sa promesse de l'Eucharistie fut une "parole dure" : "Cette parole est dure ; qui peut l'entendre ?" (Jn 6.60). Non point que la promesse du Christ eût été vraiment dure, mais ces auditeurs eux-mêmes étaient "durs" de cœur, incapables de lui faire confiance... - St Augustin, conscient d'avoir à attendre de Dieu qu'il ouvre son propre cœur, s'écrira : "Voici les oreilles de mon cœur devant toi, Seigneur ; ouvre-les !" (Conf 1.5).

Ce fut certainement cette qualité de cœur qui permit à Lydie de s'ouvrir à Dieu par l'intermédiaire de Paul. Elle avait ce "cœur noble et bon" dont parle Luc. Ce qui ne l'empêchait nullement d'avoir, au demeurant, un tempérament assez fort et décidé. St Luc le souligne avec grande finesse et humour. Il n’était pas dans l’habitude de Paul et de ses compagnons de se faire “entretenir“ si je puis dire. Paul, plus tard, aura la fierté d’affirmer qu’il travaillait de ses mains pour subvenir à ses besoins. Mais, semble dire St Luc, Lydie s’y prit si bien et avec une telle insistance que Paul et ses compagnons allèrent loger chez elle ! Et ce “gentleman“ qu’est Luc d’ajouter laconiquement non sans humour : Que l’on nous excuse ! Que voulez-vous ! “Elle nous y contraignit !“. On n’a pas pu faire autrement ! (“Ce que femme veut, Dieu le veut !“, dit-on ! Ce n’est pas toujours vrai quand même ; mais là, semble dire St Luc, ce fut le cas !).


Finalement, il serait souhaitable qu’on commémore cette première Communauté chrétienne d'Europe qui se fonde dans la maison de Lydie, la marchande de pourpre. Prions pour l'Europe, prions avec Lydie ! Sans que ce soit officielle, on pourrait prier ainsi : "Sainte Lydie, patronne de l'Europe, priez pour nous !"

dimanche 25 mai 2014

Départ et retour !

6ème Dimanche de Pâques 2014

"Avant de passer de ce monde à son Père ..."

Jésus fait ses adieux, et jamais l’expression ne semble pas avoir été aussi vraie : il s'en va vers Dieu, son Père. Il fait "ses dernières recommandations", comme on dit ; il confie ses "dernières pensées", celles qui spontanément viennent plus du cœur que de l'esprit.

Il y a sans doute peu de passages d'Evangile où l'intensité dramatique se noue avec une pareille intériorité : "Je m’en vais, je reviens". Drame du départ et du retour, drame d'absence et de présence : "Je m’en vais ... mais je ne vous laisserai pas orphelins. Je reviens".

"Ne soyez donc pas tristes ! Sous peu je serai de nouveau avec vous !"
Il ne s'agit pas d'une consolation facile ! Les paroles de Jésus sont d'une autre portée et d'une autre qualité : Il n'est pas encore parti qu'il revient déjà. "Je reviens" ! Ce présent est d'une actualité vibrante. Il revient d’une présence illimitée dans le temps et dans l'espace, il s'agit d'une présence universalisée et non plus localisée.

Oui, Jésus ne quitte les siens qu’en apparence pour aussitôt, au lendemain du drame du triomphe pascal, les rejoindre selon un nouveau mode de présence, inapparent, certes, mais aussi réel et plus profond que celui d'avant.

Jésus, en effet, avait vécu plusieurs années au côté de ses amis, dans cette relation difficile que nous connaissons bien et que nous vivons tous, les uns avec les autres. Notre communication, notre communion est souvent gênée par les imperfections et les trahisons du langage, par les limites de l'intelligence et du regard ; on ne parvient pas à percer les écrans de la chair. C'est ce qui fait qu'on se comprend parfois si mal.
Moi qui vous parle en ce moment, je peux dire avec un peu d'humour :
"Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis,
entre ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez,
entre ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez,
 il y a au moins dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer véritablement !"

Ainsi, que de scènes de l'Evangile pour attester ces dialogues de sourds entre Jésus et ses interlocuteurs, même ses disciples ! Que de fois, Jésus leur dit : "Mais vous ne comprenez donc pas ?".La Vierge Marie elle-même paraissait parfois ne deviner son Fils qu’au travers de quelques traits de lumière au cœur de l'obscurité.

Aujourd'hui, Jésus leur annonce - aussi clairement que possible - son départ charnel, mais en vue d'un retour en profondeur qu'ils ont peine à comprendre : il revient en Esprit, son Esprit : "D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant et vous vivrez". A sa présence à leur côté, il va substituer sa présence au dedans d'eux. Ainsi, la communication, toujours piégée par le relais déformant des sens, va bientôt revêtir la liberté de la communion intérieure.  Alors, "vous me percevrez vivant en vous et vous vivrez de moi", leur dit-il.

Et il est incontestable que la surprenante transformation que nous observons chez les Apôtres, après les événements de Pâques et de Pentecôte, tient à ce nouveau type de présence du Christ vivant en eux, les faisant passer de l'obscurité à la lumière et à la connaissance, de l'hésitation à l’action apostolique, de la peur au courage du martyr.

Et c'est aussi de cela que va naître, que naît l'Eglise !
Car le groupe d'amis, groupé autour de Jésus qu'ils reconnaissaient comme un prophète, un maître et un futur roi dont ils seraient ministres ..., ce groupe d'amis, vivant en eux-mêmes de la présence du Christ par son Esprit, devient une communauté qui déborde et témoigne d'amour et d'espérance en vue d'un Royaume au-delà des nations et de leur politique.
Et c'est à travers ces hommes, et leurs héritiers, à travers leur communauté et le peuple qu'elle engendre, que désormais le Christ agit dans le monde. L'Eglise est née ! Et quelles que soient les vicissitudes des temps et des cultures, quelles que soient les ombres qui traversent son histoire, l'Eglise continue de véhiculer la Parole du Christ, de susciter des témoins de sa présence, et de souffler sur le monde un vent d’espérance et de fraternité universelle.

Ainsi - nous l’avons entendu dans la première lecture - la présence de l'Esprit du Christ au sein de son Eglise a forgé des gens comme Philippe pour les envoyer partout et jusque parmi ces Samaritains méprisés, afin de les intégrer, eux aussi, par la foi, le baptême et l'imposition des mains, à la grande Famille chrétienne qui veut témoigner de la présence du Christ en tous temps et espaces !

Ainsi, nous affirme St Jean, la présence de l'Esprit de Jésus Christ au cœur de l'Eglise fait surgir des témoins capables de rendre compte de leur foi jusqu'au martyr.  St Pierre, dans la seconde lecture, vient de s'en faire l’écho : certes, c’est "avec douceur et respect", dit-il, que le disciple du Seigneur doit sans cesse "rendre compte de l'espérance qui est en lui" ; mais Pierre ajoute qu'à l'exemple du Maître il doit être prêt à souffrir l'injustice plutôt que d'y consentir. Et c'est bien en ce sens que prochainement nous fêterons à Chateau-du-Loir St Siméon Berneux, martyr (2ème centenaire), premier missionnaire en Corée actuelle

Telle fut donc l’action de l'Eglise naissante dans le monde, de l'Eglise animée par la puissance de l'Esprit, cette nouvelle forme de présence du Christ, présence qui se prolonge jusqu’à nous.

Oui, aujourd'hui, Jésus vient. "Il revient" toujours. Il vient à nous comme s'il n’en finissait pas de venir, de se présenter encore, de "frapper à la porte" : une proposition de dialogue sans cesse répétée qui attend une réponse vraie, car il n'y a pas de présence sans mouvement de conscience de l’un à l’autre, sans le sentiment d'être l'un à l’autre, l’un pour l’autre.

Mais alors, se pose à nous également une terrible question : l'Eglise des Apôtres qui manifestaient la présence incessante du Christ dans le monde, trouve-t-elle vraiment son reflet et son prolongement en la vie de chacun d'entre nous et, de ce fait, dans l'assemblée des chrétiens d'aujourd'hui ?

Il revient à chacun de nous, pour son propre compte, de répondre à cette redoutable question. Et c’est St Jean qui nous aide à répondre lorsqu'il affirme que le monde est incapable de recevoir l'Esprit du Christ. "Ce monde" de St Jean, c'est le monde du péché, caractérisé par l'épaisseur de sa suffisance et de son égoïsme, empoisonné par un climat d'erreur et d’orgueil, ouvert à une disposition psychologique et morale qui ferme l'homme sur lui-même, préoccupé des plaisirs matériels dont il fait une de ses préoccupations majeures. Oui, ce monde ne peut connaître Dieu !

Mais alors, sommes-nous de ce monde, oui ou non ?

"Bonne fête !", Maman !

BONNE FÊTE À TOUTES LES ‘MAMAN” !

La tradition de rendre hommage aux mères de famille est ancienne, puisque l'on en trouve explicitement des manifestations dans la civilisation gréco-romaine, où elle se confond avec un culte religieux.
L'Église naissante a supprimé ces traditions païennes à cause de sa référence à un culte païen ; et on ne retrouve pas trace de célébration de la maternité avant le XIème siècle, où une fête en l'honneur des mères, célébrée le jour de l'Annonciation, est attestée en 1042 dans l'Angleterre catholique.

La généralisation de cette fête en Occident ne survient toutefois qu'avec son apparition aux États-Unis : en 1907, une américaine, Anna Jarvis, souhaitant honorer la mémoire de sa mère, obtient l'autorisation d'organiser dans sa ville, à  Grafton, un service religieux en l'honneur des mamans, le deuxième dimanche du mois de mai, fête qui s'étend bientôt à toute la Virginie, avant d'être promue fête nationale par le président Wilson en 1914. La nouvelle fête se fait connaître en Europe lors du débarquement américain pendant la deuxième guerre mondiale : sur le front, les poilus découvrent avec stupeur que les Américains arborent le 17 mai un œillet blanc sur leur uniforme en l'honneur du “mother's day”, tandis qu'à l'arrière, les Français remarquent un inhabituel envoi massif de colis pour cette date.

PARALLELEMENT, EN FRANCE, la Grande guerre, après avoir saigné le pays, avait déjà donné une première impulsion à une future instauration d'une fête légale des mères. De ce point de vue, l'influence américaine n’a joué qu'un rôle secondaire. Les faits manifestent en effet très clairement que cette fête est indissociablement liée à la volonté politique de dirigeants français de promouvoir la natalité, volonté ancienne ! Une volonté déjà ancienne puisqu'en 1806, Napoléon pensait déjà à l'instauration d'une fête, en l'honneur des mères, au printemps, “quand renaît la nature entière”, mais il n'eut pas le temps de l'instaurer.  

A la fin du XIXè siècle, les premières célébrations sont établies sur l'initiative d'associations et de mouvements luttant contre la dépopulation : ainsi en va-t-il des fêtes locales promues par l'"Alliance Nationale contre la dépopulation", créée en 1897. Après la première guerre, les démarches pour l'instauration officielle d'une fête sont menées à l'instigation de personnalités soucieuses de l'avenir démographique. Ainsi, c'est Jacques Bertillon, président de l'"Association Nationale contre la dépopulation" qui, en 1919, propose au ministère de l'Intérieur l'organisation d'une fête des familles nombreuses, laquelle sera autorisée seulement l'année suivante ; la décision d'institutionnaliser cette fête en 1926 relève d'un vœu émis par le Conseil supérieur de la natalité.

Dans ces conditions, la nature de la fête des mères apparaît très explicitement à son origine comme une mise en valeur des familles nombreuses : la première fête nationale organisée en 1920 est explicitement autorisée par le ministère de l'Intérieur comme une “Journée nationale des ‘mères méritantes’”.  

Certes, les racines de cette fête ne sont pas sans mettre en avant un cruel paradoxe : le promoteur de la célébration de la maternité n'est autre qu'un système politique qui, par ailleurs, avait envoyé les enfants de la Nation se faire tuer sur les champs de bataille par centaines de milliers. Au moins, la célébration de la fête traduit-elle alors de la part de la société civile une conception de la maternité et de la famille reconnue dans sa valeur de cellule fondamentale de la société.

La fête telle qu'on la connaît et telle qu'on la célèbre aujourd'hui a considérablement évolué. Ainsi que le montre la multiplication des autres fêtes familiales, celle-ci ressort maintenant d'une opération commerciale :
- la fête des pères instaurée légalement en France en 1952, ne doit-elle pas son origine américaine à une marque de briquets,
- tandis que la fête des grand-mères est une invention des “café grand-mère”,
 - et que, ne voulant pas être en reste, la marque ‘Moulinex’ a tenté de lancer sans succès en septembre 2000 une “fête des belles-mères” ?

Plus profondément, la nature de la fête des mères apparaît aujourd’hui non plus tant comme une célébration des familles que comme une consécration du lien personnel de l'enfant à sa mère, indépendamment du cadre de la cellule familiale.

L'amour d'une mère Amour que nul n'oublie
Pain merveilleux qu'un Dieu Partage et multiplie !
Table toujours servie au Paternel foyer !
Chacun en a sa part et tous l'ont tout entier !     Victor Hugo

“Jésus  était Fils de Dieu ; il était aussi fils d’une bonne famille !  A la bonheur !” (Mgr Quelen, archevêque de Paris)

vendredi 23 mai 2014

Chrétien !

Pâques 5  - Vendredi   -                                    (Actes 15.22)

Lorsqu’un groupe se développe, s’accroît, s’élargit, il est normal qu’il rencontre des difficultés d’adaptation, des problèmes d’intégration, voire des situations de tensions… Il ne faut surtout pas s’en étonner !
C’est ce qui est arrivé à Antioche où très vite “grand fut le nombre de ceux qui se tournaient vers le Seigneur en devenant croyants“ (Act 11.31). Je ne m’attarderai pas sur ces querelles bien connues entre chrétiens d’origine juive et ceux d’origine grecque, romaine, querelles qui provoquèrent ce qu’on appellera le “Concile de Jérusalem“ !
Je soulignerai seulement ce que le pape François disait dimanche dernier à propos du conflit qui éclata à Jérusalem et qui provoqua l'"institution des diacres". Il est normal, disait-il, qu'il y ait des "affrontements" même entre chrétiens. Mais - et c'est peut-être un secret - qui dit affrontement doit dire discussion ; et qui dit discussion doit dire prière ! C'est l'enseignement des "Actes des apôtres" : Affrontement (ne pas en avoir peur ; le silence est souvent la pire des attitudes)... affrontement - discussions - prière ! Puissions-nous observer cette trilogie dans une union avec le Christ !

Aussi, je ferai plutôt une réflexion qui rejoint l’évangile à propos de cette ardente Communauté d’Antioche où, nous dit St Luc, “pour la première fois, le nom de « chrétien » fut donné aux disciples“ (Actes 11.26).

Que veut dire ce mot, chez St Luc ? C’est important pour nous qui nous disons chrétiens, de chrétiennes !

Il faut dire que les manuscrits (grecs) ont souvent hésité sur la prononciation : « christianoi » ou « chrèstianoi ». Différence d’une seule lettre !

Prenons d’abord la première hypothèse : "Cristiavoi" : “ceux qui appartiennent au Christ“ (I Co. 15.23). “Vous, vous êtes au Christ, dira St Paul ; et le Christ est à Dieu“ (I Co. 3.23). (cf. Gal 3.29). Le Chrétien est celui qui a une relation de dépendance avec le Christ, qui relève du Christ, gravite dans son orbite, qui est de “la maison du Christ(Cf. I Tim 3.15), (comme, par exemple, les hérodiens étaient “les gens de la maison d’Hérode“). Le chrétien se réclame de Christ !

St Jean définit l’être chrétien comme l’“être de Dieu“ (Jn 8.47 ; 1 Jn 3.10 ; 4.2-3) ou l’“être du Père (I Jn 2.16). St Paul parlera, lui, de l’“être dans le Christ“.


Bien plus pour St Jean, “celui qui est engendré par Dieu“ est, pour lui, le nom propre du chrétien (Jn 3.8 ; I Jn 2.29 ; 4.7 ; 5.1,4), un nom qui exprime son être profond.
Dans le Christ, nous sommes "fils de Dieu" à l'instar du "Fils Unique" qui est devenu notre "Frère", "Frère d'une multitude" !
St Jean souligne cette réalité de façon très forte ! Parce que "enfant de Dieu" le chrétien participe véritablement à la nature de son Père. Aussi, le même apôtre le désigne par “teknos“ qui veut dire "enfant engendré", de préférence à “uois“, "fils"… car un fils peut être simplement "adopté" ! Non, nous ne sommes pas des "fils adoptés", mais bien réellement "enfants engendrés de Dieu" ! Par le Christ, le "Fils Unique" ! En avons-nous suffisamment conscience ?

En conséquence, les chrétiens sont les serviteurs du Christ : “Accorde, Seigneur, à tes serviteurs, priaient St Pierre et St Jean, de dire ta Parole avec pleine assurance“ (Act 4.29). Et St Paul de noter : “Si j’en étais encore à plaire aux hommes, je ne serais plus serviteur du Christ“ (Gal 1.10). Et il parlera d’un chrétien, Epaphras, en disant : “ce serviteur de Jésus ne cesse de mener pour vous le combat de la prière“ ( Col 4.12).

Bien plus, les chrétiens sont même comme des soldats du Christ, résolus à mourir avec lui, comme ils vivent avec lui : “Si nous mourons avec lui, avec lui, nous vivrons. Si nous souffrons avec lui, avec lui nous règnerons…“ (II Tim. 2.11). Et, prêts à mourir pour le Christ, ils deviennent par lui, avec lui, en lui, des saints (Rm. 1.7) c’est-à-dire des consacrés à Dieu. Car Jésus étant l’“Oint“ de Dieu, c’est-à-dire “Messie“, c’est-à-dire “Christ“ (même signification), les chrétiens participent à cette même onction, de sorte que le baptême est une onction qui consacre les fidèles à Dieu et au Christ : “Celui qui vous affermit avec vous en Christ et qui vous donne l’onction, c’est Dieu !“ (II Co. 1.21). Ils sont donc “réservés“, séparés pour son culte et son service !

On pourrait résumer tout cela par cette phrase de St Paul : “Pour moi, vivre, c’est Christ !“ (Ph. 1.21). Et la forme grammatical de la phrase souligne que le verbe “vivre“ et le mot “Christ“ sont comme interchangeables ! "Vivre", c'est "Christ" !

On conçoit dès lors qu’une communion si intime avec le Seigneur fasse de la vie des chrétiens une révélation de la présence et de l’action de leur Seigneur : “Si l’on vous outrage pour le nom du Christ, heureux êtes-vous… Si c’est comme chrétien que l’un d’entre vous ait à souffrir, qu’il n’ait pas de honte et qu’il glorifie Dieu pour ce nom“ (I Pet 4.14-16). Et on sait avec quelle fierté les martyrs revendiqueront le titre de chrétiens, à commencer par Ste Blandine, première martyre en notre pays, à Lyon (177) : “je suis chrétienne“, proclamait-elle, haut et fort ! Peut-être se souvenait-elle que Jacques avait qualifié le titre de chrétien, blasphémé par les païens, de “beau nom“ (Jac 2.7). C'est l'exemple de Siméon Berneux que nous fêterons prochainement à Château-du-Loir !

Etre chrétien, c’est être véritablement en union avec le Christ qui nous a tant manifester l’amour de son Père pour tous les hommes… et qui nous demande de répandre cet amour de Dieu autour de nous, comme il nous le dit dans l’évangile : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés !“.  Et il poursuit : "Je vous ai choisis, je vous ai mis à cette place afin que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure…“. Que le “beau nom“ de chrétien soit donc pour chacun d’entre nous comme une prédiction de notre destinée. (“Nomen est omen“, comme on dit en latin : le nom est prédiction !). Le “beau nom“ de chrétien !

Après avoir parlé des « christianoi », il faudrait développer quelque peu le sens de « chrèstianoi ».

Le Chrétien manifeste la "chrèstotes" de Dieu, sa bénignité, sa bonté. Chez les païens, ce mot avait également le sens moqueur de "débonnaire", de "bonasse". Et bien, tant mieux si l'on dit du chrétien qu'il est "bonasse" - un peu fou -, pourvu qu'il manifeste "l'être chrétien", c'est-à-dire la bonté de l'amour de Dieu à l'égard de tout homme, à l'égard de chacun qui peut devenir véritablement "fils de Dieu", "celui que Dieu engendre" ne cesse d'engendrer jusqu'à son "dies natalis", son jour de naissance plénière au ciel !

dimanche 18 mai 2014

L'Eglise !

5ème Dimanche de Pâques 2014

Pour une fois, portons notre attention non sur l'Evangile, mais sur les deux premières lectures !

Nous y voyons, pris sur le vif, comment la Communauté des premiers Chrétiens a su faire face aux difficultés naissantes. Depuis le jour de la Pentecôte et cette belle unanimité où tous se comprenaient, le temps a passé, la Communauté a grandi !
Et maintenant on trouve, à côté des Juifs convertis, nombre de chrétiens d'origine grecque : ils ne se sentent pas à l'aise ; ils se plaignent qu'on les délaisse et l'unité de l'Eglise se trouve menacée.
Bref, les difficultés commencent : c'est le premier enseignement de cette lecture.
Difficultés venant du nombre : "comme le nombre des disciples augmentait" !
Difficultés de personnes, de milieux !
Difficultés de langues, d'habitudes, de mentalités entre les chrétiens Juifs et les chrétiens Grecs, sans doute encore minoritaires à Jérusalem.
Qu'il est parfois difficile de se supporter, même entre chrétiens !

Devant ces difficultés, que font les Apôtres ? Ils invitent l'assemblée des disciples à s'organiser ; c'est le deuxième enseignement.
Les Apôtres ne veulent pas imposer, régler directement le problème : c'est à la communauté de le faire ! Cependant ils suggèrent que, pour une plus grande unité et justice, on confère à des hommes une responsabilité nouvelle : être au service de la Communauté ; on les appellera d’ailleurs “serviteurs”.
On voit ainsi naître une fonction nouvelle dans l'Eglise, un service, ce que l'on appelle un "ministère" institué ; et pour ce ministère, les Apôtres imposent les mains à ceux qui sont choisis parmi les membres de la communauté pour qu'ils reçoivent l'Esprit Saint.
C'est toujours l'Esprit-Saint qui assure l'unité dans l'Eglise.

Enfin, et c'est le troisième enseignement de cette première lecture, les Apôtres disent ce qui est pour eux l'essentiel de leur mission : le service de la Parole et la Prière.
Ainsi les Apôtres ne veulent pas être ensevelis dans des tâches matérielles, même charitables ; ils veulent se consacrer à la prière, à l'annonce de l'Evangile et ils confient les diverses tâches à d'autres membres de la communauté.

Remarquons bien ces trois événements :
- Difficultés inévitables entre chrétiens,
- Répartition des taches au sein de la communauté,
- Importance primordiale de la Prière et de l'Annonce de l'Evangile  

Ces trois enseignements restent vrais pour nous, aujourd'hui encore. Il y aura toujours des crises dans l'Eglise, mais elles ne se résoudront pas sans que les chrétiens prennent leur responsabilité, sans que les prêtres se réservent du temps pour prier et évangéliser.

De nos jours, nous avons tendance à imaginer la Communauté des premiers chrétiens sur un mode idyllique, comme un âge d'or où il n'y aurait eu aucun problème ; mais les Actes des apôtres nous dit le contraire.
La foi ne supprime pas les problèmes entre les hommes ; simplement elle contribue à les résoudre dans la justice et dans l'amour. Ne nous étonnons pas qu'il y ait des difficultés dans l'Eglise d'aujourd'hui : elles sont de toujours ; mais à la lumière de la première Communauté chrétienne, apprenons à les surmonter dans la fidélité à l'Esprit-Saint.

Aujourd'hui aussi, nous avons un problème de nombre, mais c'est plutôt celui d'une diminution : moins de prêtres, moins de chrétiens, du moins chez nous.
Comme l'ont fait nos pères dans la foi, tout au long des siècles, nous avons à nous organiser autrement : un peu partout se fait une “prise en charge” par les laïcs pour la catéchèse des enfants, l'accueil des fiancés, la préparation au baptême et bien d'autres activités qui supposent temps et formation.
L'Esprit-Saint suscite de nouveaux ministères et la vocation de diacre permanent, restaurée par Vatican II, retrouve de l'importance. Peu à peu l'Eglise s'organise face aux problèmes d'aujourd'hui : elle retrouve comme une nouvelle jeunesse dans de nombreux pays ; et on pourrait donner bien des exemples.
Ne doutons surtout pas de l’action du Seigneur en son Eglise.

Et aujourd’hui, ne faudrait-il pas que tous les baptisés réfléchissent à leur rôle dans notre Eglise ?
C’est précisément ce dont nous parle St Pierre dans la deuxième lecture ; et c'est un rôle actif : dans la construction de l'Eglise, soyez "comme des Pierres Vivantes", nous dit-il !
Et, par deux fois, il précise que les baptisés doivent exercer dans leur vie une sorte de sacerdoce : sacerdoce saint, sacerdoce royal.

Il y a en effet un sacerdoce des baptisés que le Concile Vatican II a remis en lumière : tout baptisé est le prêtre de sa propre existence qu’il doit offrir à Dieu comme une offrande spirituelle, jointe à celle de Jésus Christ à la Messe, pour que le monde soit consacré à Dieu.

Voici ce que dit Vatican II à propos de ce sacerdoce des baptisés :
"En effet toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leur labeur quotidien, leur détente d'esprit et de corps si elles sont vécues dans l'Esprit de Dieu, et même les épreuves de la vie pourvu qu'elles soient patiemment supportées, tout cela devient offrande spirituelle agréable à Dieu par Jésus Christ.
Et, dans la célébration eucharistique, ces offrandes rejoignent l'oblation du Corps du Seigneur pour être offertes en toute piété au Père.
C'est ainsi que les laïcs consacrent à Dieu le monde lui-même, rendant partout à Dieu dans leur vie un culte d'adoration". (LG 34)

Dans quelques instants, nous allons célébrer l’Eucharistie !
C'est ensemble, prêtre et laïcs, que nous présentons à Dieu l'offrande spirituelle de notre vie jointe à celle de Jésus-Christ pour le salut du monde.
C'est ensemble que nous avons à construire l'Eglise, Corps du Christ, malgré nos diversités et même nos divergences. L'Eucharistie construit l'Eglise et doit faire de nous tous des membres actifs de la Communauté, des "Pierres Vivantes", à l'image de Jésus ressuscité sur lequel tout l'édifice est bâti.

En nous rapprochant du Christ et de son Esprit-Saint, que notre communion nous rapproche les uns des autres et fasse de nous des "Pierres Vivantes" du temple de Dieu que toute l’humanité est appelée à devenir un jour.
Alors, il est très important de nous demander si nous sommes réellement des "Pierres Vivantes" de ce temple de Dieu qu'est l'Eglise, ou comment le devenir.

Que le Saint-Esprit nous suggère la réponse.