mercredi 29 octobre 2014

"Encore un temps et la moitié d'un temps !"

29 Octobre 2014 - 

Je me permets de transmettre à mes lecteurs le "mot" que j'adresserai aux Moniales "La Paix Notre-Dame", en ce jour de mon anniversaire : occasion de solliciter, simplement et seulement, une pensée de prière à mon intention. Grand merci !

Faute de temps - il passe si vite, n'est-ce pas -, je ne prononcerai pas d'homélie aujourd'hui ! Mais je tiens à vous remercier de vos prières, de l'Eucharistie que je vais célébrer, selon votre demande, "à mon intention" (!), à l'occasion de l'anniversaire de mon temps !

Pour parodier un ancien prêtre qui naguère fut votre "confesseur", je vous dirai que dans 27 ans... - une durée qui parait encore longue mais que vous avez toutes dépassée comme un éclair de temps -... que dans 27 ans donc, j'aurai 100 ans ! Si Dieu me prête encore vie ici-bas !
Car avec le psalmiste je peux dire : "70 ans, c'est la durée de notre vie" - je suis donc désormais en "survie" - "ou 80 pour les plus vigoureux" (Ps 90.10). On verra !

Il est vrai que le prophète Isaïe est plus optimiste : "Je jubilerai au sujet de Jérusalem" - et nous formons tous ici-bas une Jérusalem, espérance de celle de l'éternité -, "Je jubilerai au sujet de Jérusalem, car là, il n'y aura plus de vieillard qui n'accomplisse ses jours ; le plus jeune mourra centenaire !" (Is 65.20).

Autrement dit, il nous est proposé, finalement, de toujours rester jeunes, en la jeunesse de Dieu, en son jour éternel - ("en son jour unique" - "Yom erad", dirait le prophète Zacharie).
Si bien que nous pouvons nous renvoyer réciproquement ce compliment qu'un prêtre égyptien adressait à des Grecs, compliment que nous rapporte Platon (Timée 21.B) : "Vous autres, Grecs, vous êtes toujours des enfants. Un Grec n'est jamais vieux... Vous êtes toujours jeunes dans vos âmes !".
Compliment que nous pouvons transposer : "Vous autres, Chrétiens, vous êtes toujours des enfants - des enfants de Dieu ! Un Chrétien n'est jamais vieux ! Vous êtes toujours jeunes en vos âmes !".

Et St Augustin de conclure à notre intention : "Quaerite ergo, o Juvenes, Christum ut juvenes maneatis !" - "Cherchez donc le Christ, jeunes gens, pour rester jeunes !".

Je peux donc, en ce jour de mon anniversaire, formuler un souhait à l'adresse des plus anciennes : "Parce que vous avez cherché le Christ, vous êtes de plus en plus jeunes ! Ce sont les jeunes qui, parfois, sont vieux, claudiquant, encombrés qu'ils sont de leur savoir et de leur suffisance. Mais vous que l'on dit "anciennes", vous nous quitterez au terme - encore lointain - de votre "'enfantement" spirituel avec la récompense promise par le Maître au bon et fidèle serviteur, promesse accordée "in saecula saeculorum !".

dimanche 26 octobre 2014

Aimer Dieu et le prochain

T.O. 30e Dimanche -                              

Permettez-moi d'abord de vous transmettre une histoire !
Un vieux prêtre demandait malicieusement :
"Comment peut-on affirmer que la nuit est finie et que le jour commence ?"
- “Serait-ce, répond un de ses auditeurs avec un sourire, quand on peut voir un animal au loin et distinguer si c'est un mouton ou un chien ?”
 - “Non !”, répondit le prêtre.
Plusieurs réponses fusent, toutes insatisfaisantes.
- “Alors, quand est-ce ?”, demande-t-on.
- “C'est quand vous verrez le visage de n'importe qui et discerner que c'est votre frère ou votre sœur. Car si vous ne pouvez voir cela, c'est encore la nuit”.

De même, l'évangile d'aujourd'hui veut déchirer le voile des ténèbres de toutes les nuits qui enferment l'homme dans l'orgueil et la suffisance du non-Amour ou de l’amour égocentrique !
"Dieu est Amour !", dit St Jean.
Et Jésus, Dieu fait homme, d’affirmer : “Je suis la lumière du monde !”.
Dès lors, l’amour seul, cet amour qui vient de Dieu-Père, manifesté en son Fils Jésus-Christ, transmis à nous par leur Esprit commun, l'Esprit d'Amour, est la seule lumière de vie.
S'il est une lumière qui éclaire le cœur de l'homme depuis la création du monde, c'est bien l'Amour... Car le cœur de l'homme, créé à l’image de Dieu-Amour, pourquoi est-il fait... sinon pour aimer et être aimé ?
Et cet amour, quand il vient de Dieu en nous-mêmes, dissipe toutes les nuits même celle du tombeau depuis le soleil du matin de Pâques.

C'est tellement vrai qu'il n'y a pas de mot plus utilisé dans la langue française (et aussi dans d'autres langues) que le verbe “aimer”. Le plus utilisé et le plus difficile à utiliser ! Car cette réalité de l'Amour peut recouvrir et sa caricature et sa grandeur. Et on balbutie toujours quand on parle de l'Amour, de cet amour pascal mis au cœur de tout baptisé pour qu’il le manifeste avec évidence. Telle est bien pourtant la vocation de tout disciple du Christ !

C’est pourquoi, aujourd'hui, Jésus veut nous ramener à l'essentiel. Il dit que l'Amour est le grand et le seul commandement.
Nous n'aimons pas trop aujourd’hui assimiler l'amour à un commandement... ; pourtant naguère - je m'en souviens - n’a-t-on pas chanté comme une évidence : “Je ferai un domaine où l'amour sera loi, où l'amour sera roi”. Au-delà de la rime, cette phrase veut nous rappeler qu'aimer c'est aussi décider d'aimer et non une simple impulsion. Aimer, c’est un acte de volonté pour en faire une règle de vie, une loi de vie, une lumière de vie qui éclaire nos ténèbres. Ne serait-ce pas là l’objet principal de la liberté de l’homme : choisir d'aimer ? Et correspondre ainsi à sa vocation originelle d'être créé à l'image et à la ressemblance de Dieu-Amour ? Etre libre et capable d'aimer !

Mais le Christ va plus loin : il révèle que l'Amour de Dieu et l'amour du prochain sont indissociables, un peu comme le recto et le verso d'une même réalité : différente mais inséparable !
C'est comme un secret que Dieu nous confie pour éviter de vivre dans l’imagination d’un amour propre, dans l'enfermement d'un amour de soi !
C’est comme un secret que Dieu nous confie pour nous éviter encore d’imaginer que Dieu soit le concurrent et le rival de l'homme ! On n'aime pas Dieu au détriment de l'amour du prochain !
Non ! Car Dieu - et Jésus l’affirme par toute sa vie terrestre - est à la source de l'amour humain. Il vient le vivifier sans cesse pour qu'il ne soit pas pollué dans les eaux stagnantes du caprice et de la médiocrité.
En fait, c'est Dieu qui donne la mesure - la démesure peut-être - de l'amour humain. Et on découvre qu’aimer son frère c'est déjà faire l'expérience de Dieu, c’est déjà faire déjà l’expérience de l'éternité. Rien moins que cela. (La fête de la Toussaint qui approche le soulignera à sa façon).
Un auteur spirituel (Mgr Ghika) écrivait : "Rien ne rend Dieu proche comme le prochain. Pour qui voit Dieu lointain, le prochain ne sera jamais bien proche ; pour qui ne voit pas le prochain bien proche, Dieu restera toujours lointain !"

C'est en ce sens que Notre Seigneur nous invite à aimer notre prochain comme nous-mêmes !  Comme nous-mêmes :
- non point d'un amour narcissique qui nous ferait contempler notre image dans tous les miroirs déformants de la flatterie et de l'égoïsme,
- mais d'un amour qui nous fait reconnaître notre véritable dignité de fils, de filles de Dieu. C'est ainsi que le psalmiste pouvait s'écrier : "Mon Dieu, je te rends grâce pour la merveille que je suis (Ps 139.14)", parce que créée à ton image et ressemblance. On pourrait dire autrement : "Je suis aimable parce que je suis aimé !".

Il s’agit donc d’être envahi de l’amour de Dieu, de reconnaître cet amour de Dieu déposé en notre cœur, signifié par notre baptême, alimenté par l’Eucharistie et la prière pour mieux le transmettre. St Bernard avait compris cela. Il écrivait : “L’amour est une grande chose si néanmoins il retourne à son principe, s’il remonte à son origine et à sa source, s’il en tire comme une nouvelle eau pour couler sans cesse”.

Lorsque le commandement de l'Amour n'est plus reconnu comme l'expression la plus belle de la dignité de l'homme créé à l’image de Dieu-Amour, c'est alors le règne de toutes les décadences qui riment avec toutes les violences.

Toute la vie du Christ n'a été que la révélation de cet Amour porté à sa perfection, lui qui dira pour l’annoncer et l’accomplir : “Il n'y a pas d'amour plus grand que de donner sa vie pour ceux qu'on aime... ”.
Oui, c’est par l’amour et dans l’amour de Dieu que nous pouvons alors comprendre le fondement de notre foi : ce mystère pascal du Christ - ce mystère de mort et de vie - réactualisé par l’Eucharistie afin que nous en vivions de plus en plus. Oui, ce n’est que dans l’amour même de Dieu que nous pouvons comprendre que
s’il y a la croix, il y a surtout la joie,
que s’il y a la passion, il y a surtout la résurrection,
que s’il y a le don, il va jusqu’au pardon, un au de-là du don.

L’amour c'est la signature de Dieu au cœur de l'homme ; car vivre, c'est aimer ; et aimer, c'est faire vivre. C’est la seule lumière de vie qui dissipe toutes les nuits. Tout le reste en dépend.

Le vieux prêtre avait raison : Le jour commence quand en tout homme, en toute femme, on peut discerner que c'est notre frère, notre sœur !

dimanche 19 octobre 2014

Dieu et César

T.O. 29e Dimanche -                                                “Rendez à César ce qui est à César…
et à Dieu ce qui est à Dieu !”

“César”, nous le connaissons bien, n’est-ce pas ! Evidemment, ce n’est plus l’empereur romain, mais l’empire que représente pour nous le règne de l’argent !
“César”, on le discerne bien dans la recherche du pouvoir sous toutes les formes que nous offre la foire des vanités humaines !
Et pourtant, “César”, n’est pas toujours un monstre, n’est pas forcément mauvais ! “César”, ce sont les hommes, c’est vous, c’est moi, nous tous, placés dans l’ambiguïté des réalités humaines au cœur desquelles Dieu a voulu s’incarner.

“Rendez à César… et à Dieu ce qui est à Dieu !”
Pour comprendre cette parole qui a fait couler tant d’encre, il faut d’abord rejeter catégoriquement ce contre-sens simpliste, fréquent et très actuel jusqu’en certains milieux politiques, contre-sens qui consisterait à opposer, dans une séparation radicale, les réalités du monde et celles de la foi. Car si on accepte un tel fossé, on relègue les chrétiens à la sacristie et la foi chrétienne à n’être qu’un gadget supplétif à la vie.

Dans la phrase de Notre Seigneur, il ne s’agit pas de César ou de Dieu, mais bien de César et de Dieu.
- Sinon, d’une part, on accuse facilement les chrétiens de se mêler de ce qui ne les regarde pas et les prêtres de ne pas nettoyer leur sacristie !
- Sinon, d’autre part, certains chrétiens ne s’estimeraient tels que dans leur église paroissiale ou petites assemblées de fidèles ; ailleurs, ils ne seraient qu’ouvriers, bâtisseurs, commerçants, etc… A un directeur commercial placé devant un choix difficile, on demandait la réaction du chrétien, il répondit : “j’agis en directeur commercial” ! C’est la tentation de toujours : il ne s’agit pas de “César ou Dieu”, il s’agit de “César et Dieu”.

Facile, direz-vous ! Certes !  Jésus n’a pas dit que le suivre serait une mince affaire !
Et en l’occurrence, la tentation est subtile. Car il faut bien distinguer ce qui relève des affaires du siècle et ce qui relève du Royaume d’En-Haut, des Béatitudes, sans pour autant confondre les deux ordres, sans pour autant, non plus, dresser entre eux un mur infranchissable.
Et reconnaissons qu’il est difficile, dans un monde où les réalités politiques et religieuses interfèrent, de vouloir sauvegarder l’indépendance de deux domaines sans paraître se contredire !
 “Rendez à César ce qui est à César et en même temps à Dieu ce qui est à Dieu” ! Ce sera toujours le paradoxe chrétien : “Mes petits enfants, vous êtes dans le monde, mais vous n’êtes pas du monde !” Ce serait si facile ou bien de s’évader hors du monde ou bien de se plonger totalement dans le monde, ou de faire les deux mais à des moments très différents !

Que c’est difficile de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ! Boutade de Jésus, certes, mais qui s’applique à tous les instants de notre vie. Jésus ne pourrait-il pas nous dire :
- Ne mêlez pas Dieu à toutes vos petites histoires plus ou moins claires ou sordides sous prétexte qu’il est Maître Souverain et Providence. Ne mettez pas Dieu où vous, vous voulez qu'il soit ! On ne s’approprie pas Dieu !
- Ne le mettez pas de votre côté quand cela vous arrange.
- Ne l’excluez pas, non plus, quand, par exemple, la morale de l’Evangile vous gêne !

Certes, Dieu est présent à tout ce qui arrive ! “Pas un cheveu de notre tête ne tombe sans sa permission !” Ce n’est pas une raison pour aller croire qu’il nous traite en assistés. Dieu nous veut pleinement responsables, capables de dominer la terre, de cultiver cette plantation qui nous est prêtée pour quelques années et qui s’appelle : la Vie !
Rendons grâce à Dieu de nous laisser à nous-mêmes dans le risque de notre liberté, dans les aléas des circonstances historiques, dans le courage de nos capacités. Car c’est cela être homme ! C’est peut-être encore cela “rendre à César ce qui est à César” !
Rendez à vous-mêmes le meilleur de vous-mêmes qui vous est si facilement fauché dans ce siècle où tant de choses nous aliènent. Rendez à l’homme ce qui est à l’homme. Rendez-lui sa dignité. Il n’y a pas de honte à être “César” de ce monde !

Et c’est peut-être en ce sens que nous comprenons bien la réponse de Notre Seigneur : “Montrez-moi une pièce de monnaie, demande-t-il. De qui est cette image ?” - “De César !” “Et bien, rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu !” Ce qui semble sous-entendre qu’il existe quelque part dans le monde un objet portant l’image et l’inscription divine. Rappelons-nous le commencement de la création : “Faisons l’homme à notre image”, dit Dieu !
- Ici, un denier à l’image de César ! Signe d’origine, d’appartenance, signe du droit de l’empereur à lever l’impôt ! Dieu lui-même a appelé le roi Cyrus (selon Isaïe -  1ère lect.) pour lui soumettre les nations.
- Là, l’homme à l’image de Dieu ! Signe d’origine également, d’appartenance, signe du droit de Dieu sur l’homme !

Et comment l’homme est-il véritablement image de Dieu ? Là encore la Genèse nous aide à interpréter : Dieu a confié le monde à l’homme pour qu’il l’embellisse, le perfectionne, pour qu’il soit son collaborateur, son partenaire dans la création : Soumettez la création ! Elle est à vous !
C'est l’enseignement de St Paul : “Tout est à vous”, le monde est à vous, vous êtes rois, “césars” de la création. “Mais vous, vous êtes à Dieu !”

Alors, rendez à Dieu ce qui est à Dieu !
- Rendez-lui la création qu’il vous donne d’embellir, d’épanouir. C’est le sens de la prière de l’offertoire de l'Eucharistie : “Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain, ce vin, fruits de la terre et du travail des hommes. Ils deviendront Pain de vie, Vin du Royaume de Dieu !“
- Donnez rendez-vous à Dieu en ces beautés de la Création, en l’embellissant ! Que tout ce que vous disposez soit, par vous, signe de la présence de Dieu
- "Tout est à vous, mais vous-mêmes êtes à Dieu !". Rendez-vous à Dieu, c’est-à-dire encore passez votre vie à marcher vers Lui dans une recherche passionnée. Se rendre, au sens de s’abandonner, de se livrer à Dieu ! Car, dit Dieu : "Je suis le Seigneur ; il n'y en a pas d'autre !"

Oui, rendez à César, oui rendez à ceux qui ont responsabilité politique, sociale, économique… ; autrement dit rendez à l’homme ce pouvoir d’organiser le monde pour le Bien Commun de tous, rendez à l’homme sa véritable dignité ! C’est bien votre domaine donné à vous par le Créateur !
Mais rendez à Dieu ce qui est à Dieu. Rendez cet homme créé à l’image de Dieu, à son effigie, rendez-le dans les mains de Dieu !

Dieu a créé l’homme à son image. Il faut d’abord reconnaître cet “icône” vivante de Dieu qu’est l’homme, disait naguère le pape Jean-Paul II. Cette image de Dieu étant reconnue, tout l’agir humain doit en découler, tout l’agir humain en toutes ses composantes : personnelle, sociale, économique, politique !

Oui “rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu !”
Car “tout est à vous, mais vous, vous êtes à Dieu !”
C'est alors que l'on pourra dire de nous comme St Paul à ses chers Thessaloniciens : Sans cesse je garde le souvenir
"de votre foi active, 
de votre charité qui se met toujours en peine, 
de votre persévérante espérance en Notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père, sachant, frères, qu'il vous a choisis" pour annoncer en toute circonstance humaine la "Bonne Nouvelle" du salut de Dieu !

vendredi 17 octobre 2014

Même mission pour tous !

T.O. 28e Vendredi -

La lecture d'aujourd'hui - avec celle d'hier - fait partie d'une seule et longue phrase..
Aussi, je me permets de la rattacher à ce que St Paul a voulu nous dire hier.

Selon son habitude, l'apôtre a commencé par une "bénédiction", une "action de grâce". L'action de grâce est le fondement de toute spiritualité juive. Le croyant - quel qu'il soit - doit être sans cesse en "action de grâce", en "eucharistie", c'est-à-dire vivre sans cesse en un immense "merci" pour tout ce que Dieu donne : "Béni soit le Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus-Christ..." !
Puisse toute notre vie être, individuellement et fraternellement, une louange à la gloire de Dieu, Père Fils et Esprit-Saint !

"Béni soit le Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus-Christ..." !
Certes, il est "Père de Notre Seigneur Jésus-Christ", ce Jésus que les croyants confessent comme "Seigneur" ("Kurios" - Dieu) du fait de sa résurrection. Mais son action de "Père" qui a sa source en lui-même, il l'exerce par l'Esprit-Saint (il s'agit de "bénédictions Spirituelles") en son Fils, le Christ qui, dit l'apôtre, récapitule tout, réunit tous les êtres en lui-même !
Finalement, l'action de Dieu-Père, c'est tout l'Amour que s'échangent les Personnes de la Sainte-Trinité - Famille de Dieu - et qui rejaillit, par pure bonté divine, sur tous les hommes - Famille humaine -, sur tout le créé. Nous sommes nés de Dieu-Trinité, déjà destinés à vivre en Dieu-Trinité, Père, Fils, Esprit-Saint, à vivre en leurs liens d'amour divins, liens si forts qu'il n'y a qu'un seul et unique Dieu !

Et l'apôtre semble insister : Bénir pour Dieu, c'est tout donner, se donner lui-même ! En donnant son Fils, Dieu-Père, sous la motion de son Esprit d'Amour qui les unit, donne tout, tout ce qu'il peut donner de lui-même à l'homme, à tous les hommes.
Et le Christ lui-même "parfaite image du Père", poussé par le même Esprit-Saint, s'est entièrement donné et à son Père et, de ce fait, aux hommes, selon l'éternel dessein d'un Dieu-Amour, prévu avant même la création. "Il nous a choisis en Lui avant la fondation du monde !". Dans le Christ, il nous a "destinés", "choisis", "appelés", répète l'apôtre.

Et il est bon d'insister : le choix de Dieu est une disposition antérieure à l'acte de créer : "Il nous a choisis par avance" !
L'initiative de Dieu est absolue et appelle toute l'humanité sans exception à la communion avec lui. L'élection de Dieu ne comporte aucune sélection au sein de l'humanité. Le choix de Dieu n'est ni partial ni partiel. Il consiste à aimer tous les hommes, même si, seuls, les chrétiens peuvent comprendre un tel dessein. Il n'y a absolument pas dans les termes "choisis par avance", "destinés", "appelés" le déterminisme discriminatoire qu'on y a lu par la suite pour fonder la doctrine d'une prédestination restreinte.

Voilà bien la "source" de toute fraternité : l'amour de Dieu-Père pour tous les hommes en son Fils Unique, le Christ. Jésus ne dira-t-il pas : "Tous, vous êtes frères !" (Mth 23.8)...Et dans cette même lettre aux Ephésiens, il encouragera : "Devenez imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés ; vivez dans l'amour comme le Christ nous a aimés et s'est livré lui-même à Dieu pour nous, en offrande et victime, comme un parfum d'agréable odeur" (5.1).

Et St Paul, ensuite, après avoir énoncé le dessein éternel de Dieu-Père, l'envisage dans sa concrétisation historique ! A travers deux modalités : le choix d'Israël et l'appel aux nations. C'est l'objet de notre courte lecture d'aujourd'hui.

"Dieu nous a destinés à devenir son peuple !". Il s'agit là du peuple d'Israël choisi parmi toutes les nations. "Il a voulu que nous soyons ceux qui d'avance espéraient dans le Christ pour que soit chanté sa gloire !". L'élection du peuple d'Israël n'est pas pour ce peuple un bien à garder pour lui seul. C'est au Christ qu'il doit se référer sans le savoir comme signe de l'amour de Dieu pour toute l'humanité. Car le Christ est destiné aux Juifs comme à toutes les nations. Savons-nous accepter, nous aussi, chrétiens, qui savons le dessein d'amour de Dieu pour toute l'humanité, cette mission : la connaissance du Christ n'est pas pour notre seul profit, mais également pour tous ceux que la Providence nous fait approcher.

C'est pourquoi St Paul souligne ensuite cette mission pour nous qui, dans le Christ, avons écouté "la Bonne Nouvelle du salut", grâce à l'Evangile que nous avons reçu. Et le but est le même : "pour que soit chantée la gloire de Dieu !". Qu'elle soit chantée par nos vies, certes. Qu'elle soit chantée par nos œuvres en faveur des hommes, nos frères. Qu'elle soit chantée par toute notre vie pour que la Vie de Dieu soit manifestée à tout homme sans exception !

Grande mission ! Aussi, pour cette mission, demandons sans cesse l'aide de l'Esprit Saint. "Seuls sont enfants de Dieu, dira St Paul aux Romains, ceux qui se laissent presser (pousser, mouvoir) par l'Esprit-Saint" pour que le Christ soit pleinement manifesté, au jour de la plénitude de la gloire de Dieu, sur toute l'humanité, sur toute la création !

jeudi 16 octobre 2014

Fils du Père, frères en Christ, par l'Esprit-Saint !

T.O. 28e - Jeudi - 

[Homélie adressée aux membres du "Mouvement Sève" au Mans, dont le thème de réflexion porte sur la "Fraternité"..

Tout le texte de la lecture de ce jour - le début de la lettre aux Ephésiens - est, dans le texte grec, une longue et même phrase - une longue "période", comme l'on dit - que le célèbre Loisy a qualifiée de "somptueux galimatias", tant Paul veut souvent tout dire et tout à la fois !

Et, selon son habitude, l'apôtre commence sa lettre par une "bénédiction", une "action de grâce". L'action de grâce est le fondement de toute spiritualité juive. Le croyant - quel qu'il soit - doit être sans cesse en "action de grâce", en "eucharistie", c'est-à-dire vivre sans cesse en un immense "merci" pour tout ce que Dieu donne : "Béni soit le Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus-Christ..." !
Puisse toute notre vie être, individuellement et fraternellement, une louange à la gloire de Dieu, Père Fils et Esprit-Saint ! Si nous savions le "don de Dieu" au bénéfice de tous les hommes !

Ce cri de "bénédiction" de Paul est suscité par la découverte que "nous" sommes les purs bénéficiaires d'un acte de bonté de la part de Dieu à notre égard. Et cela, avant même la création ! "Il nous a bénis, choisis !". Le pronom "nous" n'est pas, là, un pluriel d'auteur, ne concerne pas uniquement les chrétiens d'origine juive, mais englobe tous les chrétiens, toute l'humanité... "Dieu a tant aimé le monde", dira St Jean (Jn 3.16).

Certes, seuls, les chrétiens peuvent "bénir" Dieu puisqu'ils sont seuls à comprendre la grâce qui suscite la bénédiction. Mais cela ne veut pas dire que cette grâce leur est réservée. C'est à la totalité de l'humanité que revient la totalité de la bénédiction. Et cela "avant même la création !".

Et c'est en comblant toute l'humanité de "toutes sortes de bénédictions" que Dieu révèle son identité de "Père".
Certes, il est "Père de Notre Seigneur Jésus-Christ", ce Jésus que les croyants confessent comme "Seigneur" ("Kurios" - Dieu) du fait de sa résurrection. Mais son action de "Père" qui a sa source en lui-même, il l'exerce par l'Esprit-Saint (il s'agit de "bénédictions Spirituelles") en son Fils, le Christ qui, dit l'apôtre, récapitule tout, réunit tous les êtres en lui-même !
Finalement, l'action de Dieu-Père, c'est tout l'Amour que s'échangent les Personnes de la Sainte-Trinité - Famille de Dieu - et qui rejaillit, par pure bonté divine, sur tous les hommes - Famille humaine -, sur tout le créé. Nous sommes nés de Dieu-Trinité, déjà destinés à vivre en Dieu-Trinité, Père, Fils, Esprit-Saint, à vivre en leurs liens d'amour divins, liens si forts qu'il n'y a qu'un seul Dieu !

Et l'apôtre semble insister : Bénir pour Dieu, c'est tout donner, se donner lui-même ! En donnant son Fils, Dieu-Père, sous la motion de son Esprit d'Amour qui les unit, donne tout, tout ce qu'il peut donner de lui-même à l'homme, à tous les hommes.
Et le Christ lui-même "parfaite image du Père", poussé par le même Esprit-Saint, s'est entièrement donné et à son Père et, de ce fait, aux hommes, selon l'éternel dessein d'un Dieu-Amour, prévu avant même la création. "Il nous a choisis en Lui avant la fondation du monde !".

Et il est bon d'insister : le choix de Dieu est une disposition antérieure à l'acte de créer : "Il nous a choisis par avance" ! L'initiative de Dieu est absolue et appelle toute l'humanité sans exception à la communion avec lui. L'élection de Dieu ne comporte aucune sélection au sein de l'humanité. "Choisir" pour Dieu d'un choix qui anticipe la fondation du monde embrasse donc tout l'univers créé. Le choix de Dieu n'est ni partial ni partiel. Il consiste à aimer tous les hommes, même si, seuls, les chrétiens peuvent comprendre un tel dessein. Il n'y a absolument pas dans les termes "choisis par avance" le déterminisme discriminatoire qu'on y a lu par la suite pour fonder la doctrine de la prédestination restreinte.

La disposition de Dieu a donc pour finalité la filiation qui ne consiste pas  en un acte numérique déterminé (les uns et non les autres), mais un acte d'amour qui vise en nous un résultat sans limite : "devenir des fils pour lui". Autrement dit encore, en nous destinant à devenir des fils, Dieu nous aime du même amour dont il aime le Fils, comme l'ensemble du texte le suggère. Aussi, pour ma part, je n'aime pas beaucoup cette distinction que l'on fait parfois entre "frères en chrétienté" et "frères en humanité". Nous sommes tous frères d'un même Père qui nous regarde en son Fils, tous appelés à devenir "saints et immaculés en sa présence" !

Voilà bien la "source" de toute fraternité : l'amour de Dieu Père pour tous les hommes en son Fils Unique, le Christ. Jésus ne dira-t-il pas : "Tous, vous êtes frères !" (Mth 23.8). Et St Pierre exhortera à être des frères aimants, des "philadelphes" (I P. 3.8). St Paul précisera par ailleurs : "Pour ce qui est de la philadelphie (amour fraternel), c'est de Dieu lui-même que vous avez appris à vous aimer les uns les autres !" (I Thess. 4.9). Et dans cette même lettre aux Ephésiens, il encouragera : "Devenez imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés ; vivez dans l'amour comme le Christ nous a aimés et s'est livré lui-même à Dieu pour nous, en offrande et victime, comme un parfum d'agréable odeur" (5.1).

Comment alors doit être vécu et retransmis entre frères cet amour reçu de Dieu ? La lettre de Paul le dira un peu plus loin (4.1sv) :
- en toute humilité, c'est-à-dire dans une prudence de l'intelligence selon l'étymologie du terme employé,
- et douceur, "Bienheureux les doux", disait Notre Seigneur
- avec patience, cette patience qui est l'une des caractéristiques de Dieu dans l'Ancien Testament,
- vous portant les uns les autres avec amour !"

Ces trois vertus - humilité, douceur, patience - sont des vertus humaines. Mais, en terre chrétienne, elles doivent être exercées dans le Christ. C'est à ce titre que les membres d'une communauté - quelle qu'elle soit - doivent en vivre. Ainsi les frères ne sont pas seulement appelés à se "supporter" par pure convivialité humaine, mais en fonction de l'amour qui vient de Dieu par le Christ qui nous a "portés", qui nous porte vers le Père ! Les frères du Christ doivent donc non seulement "se supporter" (c'est parfois le cas !), mais "se porter" les uns les autres !

C'est ainsi que nous formons un seul Corps, le "Corps du Christ" ! C'est ainsi que les frères du Christ peuvent, en toutes circonstances, doivent témoigner, par leur unité d'amour, qu'"il n'y a qu'un seul Dieu, Père de tous, qui règne sur tous, agit par tous et demeure en tous" (4.4-6).

Cette unicité que, par amour, forment les frères dans le Christ, doit manifester l'impossibilité de la division en une pluralité qui serait la négation de l'unité ! - De plus, ce "Corps" constitué de frères n'est pas comme un appendice du Christ, mais son "Corps vivant", tête et membres. C'est l'Eglise, qu'elle soit domestique, familiale, communautaire..., universelle !

Encore faut-il ajouter, bien sûr, que ce Corps - le "Corps du Christ" - ne peut pas se contenter d'un anonymat pour chacun de ses membres, mais il se structure de telle sorte que chacun a sa place en fonction des dons reçus eux-mêmes et non de la position que chacun s'attribuerait à sa guise.
La liste de ces dons est longue ; et nous la retrouvons en d'autres lettres (I Corinthiens, Romains). Ces dons caractérisent les frères en Jésus-Christ : apôtres, prophètes, évangélistes, pasteurs, enseignants etc. etc.
Et St Paul fera allusion en sa lettre surtout à certaines positions sociales : maris et épouses, enfants et parents, maîtres et esclaves,

En toutes circonstances, c'est l'amour unique de Dieu, Père, Fils, Esprit-Saint qui doit se manifester en nous grâce au Christ. Aussi St Paul dira en sa lettre : "Maris aimez vos femmes comme le Christ a aimés l'Eglise", comme il dira à Philémon d'aimer Onésime son esclave, de l'aimer non plus comme esclave, mais comme frère en Jésus Christ pour l'éternité !

J'ai déjà été trop long. Aussi puis-je conclure simplement : Dieu aime tous les hommes de toute éternité. Et cet amour doit nous constituer de plus en plus à être frères d'un même Père, en son Fils Jésus Christ, sous l'action de l'Esprit-Saint ! St Paul dira encore : "Seuls sont enfants de Dieu - et donc frères entre eux - ceux qui se laissent pousser, conduire par l'Esprit-Saint !" (Rm 8.14).

samedi 11 octobre 2014

L'habit de noces !

T.O. 28e Dimanche - 

Autrefois - il y a sans doute longtemps - dans beaucoup de campagnes françaises, on voyait les jeunes revêtir, chaque dimanche, l'habit qu'ils portaient le jour de leur mariage. Il était soigneusement entretenu ; et, de fête en fête, la vie entière prolongeait le grand jour, jusqu'au dernier matin où l'on partait, dans le vêtement nuptial, vers les noces éternelles.
Tout au long des années, l'épouse l'entretenait jalousement : un point par ici, une reprise par là… Toute une vie de vigilance pour que le costume demeure propre et beau. Il était l'unique vêtement de fête en un temps qui ne connaissait guère l'abondance... Mais il était aussi le signe d'une fidélité vivante, le symbole des noces perpétuelles.

Lorsque Jésus raconte la parabole des invités qui ne veulent pas aller à la noce, on est heureux de voir la salle du banquet se remplir avec tous ceux, "mauvais ou bons", qui déambulaient dans les rues.
Mais la fin du récit peut nous heurter : voilà qu'on jette dehors brutalement un pauvre hère qui n'avait pas le vêtement de noce ! Comment aurait-il pu avoir son habit de fête ?  On l'avait poussé de la rue dans la salle du festin...  Et de toute manière, aurait-il eu le moyen de se payer chez le marchand un complet de l'époque ?

Cet incident est invraisemblable, bien sûr ! Mais dans "l'histoire" de la parabole - et la signification d'une parabole l'emporte toujours sur le récit lui-même -, cet incident doit bien vouloir dire quelque chose. 
Bien sûr, les savants qui étudient les évangiles diront que cet épisode - que ne rapporte pas le texte parallèle de l'évangile de Luc - était une autre parabole, bien distincte. Et Matthieu, brutalement, sans artifice ni liaison littéraire, l'aurait comme soudée à la précédente. Sans doute ! Mais alors, pourquoi ?

Il faut peut-être se rappeler que lorsque Matthieu écrit son évangile, il est bien vrai que des hommes de tous horizons sont à la table du festin : les chefs des Juifs ont refusé l'invitation du Roi, ils ont même tué son Fils Jésus...;  et, depuis, dans les communautés chrétiennes où l'on célèbre le repas du Seigneur, on voit se côtoyer Grecs, Romains, Juifs, sans distinction de nationalité, de religion, de condition sociale.
Toute la rue, toute l'humanité a été invitée par Jésus. Il a offert à tous une saveur de vivre, inconnue, dans la vigilance de l'amour, sous le regard aimant de Dieu-Père.

Mais cela veut-il dire, pour autant, que l'on puisse vivre n'importe comment, et que la foi nouvelle puisse couvrir n'importe quelle conduite ? D'autres écrits de ce temps-là - en particulier la lettre de Saint Jacques - réagissent contre cette pente si facile, contre cette manière de penser et de vivre !
Et si l'évangéliste Matthieu a voulu, lui aussi, rappeler l'ambition de Jésus sur tous les hommes et son invitation universelle, il a voulu rappeler également l'exigence d'être des "hommes nouveaux" comme aimera à le dire St Paul.

Dieu nous invite tous ; il invite tous les hommes ! Certes ! Mais nous avons tous à changer de vie. Tous ! Comme les paysans d'autrefois, il nous faut, toute la vie, entretenir le costume de nos noces de baptême. St Paul ne manque pas d'audace lorsqu'il écrit aux Chrétiens de Rome et de tous les temps : "Revêtez le Seigneur Jésus-Christ".

Or, l'homme qui n'a pas revêtu l'habit nuptial est peut-être légion, aujourd'hui encore. Certes, il fait bien partie des invités, mais il n'a pas jugé utile de revêtir l'habit de fête, ce qui veut dire que ses sentiments profonds ne s'accordent pas à la circonstance.

Combien de membres apparents de l'Eglise, et même de "pratiquants" du dimanche, voire de chaque jour - vous parfois et moi-même également - oublient simplement de "revêtir le Christ", comme dit St Paul, de se laisser pénétrer de son Esprit jusqu'à vivre, dans les gestes quotidiens, l'évangile de l'amour. Notre présence physique en une l'église, en une chapelle correspond-t-elle vraiment, toujours, à une présence dans l'Eglise, Corps de Jésus-Christ ?  - Comme une branche desséchée qui gêne et dénature la vigne, un membre mort déforme le visage du Christ, et, quand ils sont nombreux, ils encombrent l'assemblée de l'Eglise jusqu'à provoquer l'allergie de ceux qui n'en sont point et qui, pourtant, cherchent une raison de vivre et un salut au-delà de tant d'espoirs déçus.

Sans doute, ce personnage insolite de la parabole, cet homme dépourvu de robe nuptiale devrait-il nous inquiéter plus que les autres, à cause de l'image que trop souvent nous en reproduisons ! - "France, qu'as-tu fait de ton baptême  ?", demandait naguère  Jean-Paul II.

Chaque dimanche - voire chaque jour -, ici ou ailleurs, nous revêtons à nouveau notre habit de noce baptismale. Nous venons le rafraîchir en quelque sorte, le brosser. Puissions-nous repartir tout imprégnés de notre jeunesse spirituelle et manifester, la semaine durant, notre fidélité spirituelle au Christ, l'époux de la noce.

mardi 7 octobre 2014

Notre-Dame du Rosaire

7 Octobre 2014 - Marie et l'Eucharistie

Est-il utile de redire ce que représente  l’Eucharistie dans une vie chrétienne ? “Si tu savais le don de Dieu ?”. Oui, si on connaissait ce "don de Dieu" mis à notre portée, qu'est l'Eucharistie, quelle force vivifiante n'y puiserait-on pas ? L’Eucharistie avec la communion qui l'achève, c'est l’acte par excellence !
un acte d'adoration : “nous t’adorons” ;
une action de grâces : “nous te rendons grâce pour ton immense gloire” ;
un acte de pardon : “Toi qui enlèves le péché du monde, prends pitié de nous” ;
un acte de supplication : “toi qui enlèves le péché du monde, reçois notre prière”.

En célébrant l’Eucharistie, nous donnons à Dieu ce que nous pouvons lui offrir de meilleur : le Corps et le Sang de son Fils. Il n'est pas de geste plus élevé ici-bas : ce don est unique ! Et ce “merci” ("eucharistie") qui monte de la terre au ciel est digne de Dieu.

Et il n'est pas de bienfait plus fécond pour tous et pour tous les temps. Car il actualise en nous les bienfaits infinis du mystère pascal du Christ ! L'Eucharistie est le sacrement par excellence en tant qu'il contient le Christ lui-même mort et ressuscité pour nous ! 

Et en ce mystère pascal du Christ, nous sommes conviés, avec Marie, en récitant notre "rosaire", à retenir tous les événements de la vie du Christ et à les méditer en notre cœur (Cf Luc 1.19,51).

Nous voilà associés à Marie :
Par l’Eucharistie, nous montons au Calvaire avec Marie ;
Avec elle, nous participons aux souffrances de son Fils ;
Avec elle, nous sommes de plus en plus envahis de la Vie du Ressuscité !
Avec elle, nous comprenons mieux au pied de la croix et au matin de Pâques tous les événements de la vie de son Fils.
Avec elle, Mère du Christ et notre mère, nous sommes unis les uns avec les autres comme des frères !                   

Qu’il serait triste de réduire l’Eucharistie à un acte privé de dévotion personnelle ; c’est l’acte ecclésial par excellence qui forge en nous un véritable sens apostolique en abolissant nos petites idées souvent étroites.

Qui mieux que Marie pourra nous introduire dans ce mystère eucharistique ? Personne ne s'est associé comme elle au mystère pascal célébré par l’Eucharistie.
Elle se tint debout au Calvaire pour s’unir, en notre nom, à la mort rédemptrice de son Fils.
Elle lui apporta sa “compassion”, c'est-à-dire la fusion d'âme la plus grande qui soit.
Oublieuse d'elle-même, Marie entrait dans ce mystère de mort et de vie avec une foi sans pareille.
A travers les souffrances de l'agonie, elle adorait le mystère de salut qui s'achevait devant elle.
Jusque dans ses larmes, témoignage de son amour de Dieu et des hommes, elle adhérait sans réserve à ce mystère pascal, se livrant plus que jamais à la tendresse de Dieu pour tous les hommes.

Personne mieux que Marie ne pourra nous faire vraiment participer à l’Eucharistie. “Après la sainte communion, écrit St Louis-Marie de Montfort, vous introduirez Jésus-Christ dans le cœur de Marie. Vous le donnerez à sa Mère, qui le recevra amoureusement, le placera honorablement, l'adorera profondément, l'aimera parfaitement, … et lui rendra, en esprit et en vérité, plusieurs devoirs qui nous sont inconnus dans nos ténèbres épaisses” (Traité, n. 270).

Quelle suppléance ! Il suffit de savoir que Jésus et Marie sont ensemble chez moi, que Marie parlera pour moi, m'apprendra les silences d’adoration. Et d’un coup, nous voilà loin de nos misérables actions de grâces toujours si déficientes, si dérisoires, si bornées à nous-mêmes !
Avec Marie, j'ai infiniment mieux à donner au Seigneur que mes pauvres sentiments tantôt froids, tantôt romanesques et par trop émotifs. Je n'ai plus à craindre de m'approcher les mains vides et de Lui offrir moins que l'étable de Bethléem. A qui se plaindrait de son indigence, Jésus pourrait répondre : je ne vous demande que le cœur de ma Mère.

Et en Lui offrant le cœur de Marie nous serons de plus en plus dévorés d’un authentique zèle missionnaire : notre communion personnelle s'élargira à la dimension du monde. Elle se continuera par l'action apostolique courageuse, fidèle, et justement “ecclésiale”, seule manière qui ne trompe pas, étant à l’opposé d’un retour sur soi.


samedi 4 octobre 2014

La vigne du Seigneur

T.O. 27e Dimanche 

"Frères, ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, dans l'action de grâce, priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes". A première vue, cette formule de Paul paraît étonnante. Il s'adresse à une communauté en difficulté, une communauté persécutée et voilà qu'il insiste sur la paix du cœur.
Mais n'est-ce pas c'est l'écho même de la parole du Seigneur après sa résurrection : "Ne craignez pas, c'est moi". C'est une invitation à s'en remettre à la puissance invraisemblable du Seigneur qui nous entoure de partout et qui commande notre vie, malgré, parfois, les contradictions apparentes. [Et aujourd'hui, elles semblent bien nombreuses !]

Car "Dieu est Amour", aimait à répéter St Jean. Et il y a même beaucoup de psychologie amoureuse dans la portrait passionné que l'Ecriture nous donne de Dieu. Le cantique d'Isaïe est tellement une déclaration d'amour : "Mon bien-aimé avait une vigne…" -  Oui, Dieu crée, ne cesse de créer; Dieu a choyé sa vigne et ne cesse pas de la choyer. Dieu a donné la terre et le monde entier, notre intelligence et nos sens, la beauté et le plaisir. Tout ! Il nous donne tout. Car "Dieu est amour", non pas comme un bienfaiteur condescendant ou supérieur. Dieu est Amour par un immense désir qui veut tout nous donner et nous construire nous-mêmes "à son image et ressemblance". Oui, entre Dieu et nous, c'est une histoire d'amour comme il est dit dans le chant de la vigne du prophète Isaïe…

Mais nous refusons parfois, souvent même, cet amour qui veut nous rendre saints, nous attacher à tout ce qui est "pur et juste, comme dit Paul, à tout ce qui est digne d'être aimé et honoré, tout ce qui s'appelle vertu et qui mérite des éloges…".  Oui, nous refusons, et cela va jusqu'à tuer en nous-mêmes l'Envoyé de Dieu, son propre Fils que nous jetons hors de cette vigne que Dieu a planté pour nous.

Et Matthieu, aujourd'hui, nous livre, dans sa parabole, le mystère de cette vigne. Nous y trouvons ce refus constant au cœur de l'homme d'accepter le mystère du Seigneur et de s'engager. Les vignerons qui ne sont que des serviteurs sont impitoyables face à leur maître. Ils tuent ceux qui arrivent pour travailler à cette vigne, jusqu'au Fils. Voilà pourquoi Jésus conclut : "La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C'est là l'œuvre du Seigneur, merveille à nos yeux". La pierre rejetée, la pierre méprisée, la pierre qu'on met de côté sans qu'on s'occupe d'elle : voilà le mystère du Seigneur pour le bien de sa vigne.

Il n'y a pas de plus grande chose à annoncer : "La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle". Cette pierre, c'est le Christ, cette pierre qu'on a rejetée, qu'on rejette avec mépris comme si le Christ n'avait aucun sens. Mais le Christ est devenu, devient la pierre qui donne sens à tout. Elle est "l'œuvre de Dieu, une merveille à nos yeux".

Comme Isaïe, nous devons chanter le chant de la vigne : "Je chanterai pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne". Cette vigne que le Seigneur a faite, c'est le "Corps du Christ" - tête et membres -. Sans lui nous ne pouvons rien faire. Nous sommes les sarments du cep, comme dit Jésus par ailleurs, nous sommes les sarments que Dieu veut absolument pour sa vigne. Le Seigneur nous demande d'entrer dans ce mystère de participation à sa vigne, de porter du fruit, du fruit en abondance. Nous avons à être le fruit de la vigne que le Seigneur a cherché tout au long de l'Ancien Testament et qu'il n'a pas suffisamment trouvé. "Il en attendait de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ?".

Nous avons à demander d'être dans le Christ des êtres baptisés, c'est-à-dire des êtres qui s'appuient sur cette pierre angulaire pour que l'édifice grandisse. Nous sommes des êtres pris pour cette œuvre, pour cette construction. La vie chrétienne n'est pas simplement une pratique plus ou moins développée. C'est l'expérience du Royaume de Dieu, de ce Royaume qui nous est donné, de cette pierre qui est vraiment la pierre angulaire, la pierre du sauvetage du monde. Le monde est bâti sur la pierre angulaire, et quand le Seigneur a construit le monde, c'est dans le Christ qu'il a tout construit. "Tout fut par lui", dit St Jean.

Demandons au Seigneur d'entrer dans ce mystère de construction de l'Eglise - "Corps mystique du Christ", comme on l'a dit -, de participer à cette construction et, pour que cela se fasse, de croire vraiment que la construction de l'Eglise est quelque chose d'inouï, que c'est la réalité première.
Par-delà toutes les apparences contradictoires à travers le monde, autour de nous et parfois en nous-mêmes, par-delà tous les empires et tous les états, ce qui compte dans le mystère de Dieu, c'est la construction sur cette pierre angulaire, le Christ. Il n'y a rien d'autre. Le Seigneur n'a d'yeux que pour cela, il n'a d'yeux que pour son Fils.
Demandons-lui de nous voir dans son Fils, de nous regarder dans son Fils, alors nous pourrons nous aussi le regarder dans son Fils. Ce sera notre joie, noire paix, et le Seigneur nous prendra au plus profond de nous-mêmes et nous serons un peuple qui porte du fruit, un fruit qui demeure, le fruit de la charité, le fruit de la Vie éternelle.

Oui, Dieu crée, ne cesse de créer, de planter sa vigne à nous donnée, transmise…  En somme, Dieu n'a jamais cessé, et apparemment il ne cesse pas encore maintenant d'aimer sa vigne et de s'en plaindre, de la choyer et de la détruire, d'en espérer et d'en être déçu.

Cela vaut du peuple d'Israël, dans la prophétie d'lsaïe, cela vaut des contemporains de Jésus, et cela vaut, aujourd'hui de l'Eglise et, pour en venir à quelque chose de plus personnel, cela vaut de vous et de moi. 

jeudi 2 octobre 2014

Les "Anges gardiens" !

2 Octobre 2014 

Les "anges gardiens" ne sont pas ces petits bébés joufflus, potelés et emplumés qu'une certaine tradition baroque nous a appris à imaginer ! Notre "Credo" rectifie avec bonheur : "Je crois en Dieu, créateur du monde visible et invisible". Oui, nous croyons que notre monde visible est comme la frange d'un univers beaucoup plus grand, beaucoup plus vaste, qui est composé, constitué de créatures invisibles et spirituelles. Et St Paul affirme : "C’est dans le Christ qu’ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles : trônes, seigneuries, principautés, puissances ; tout a été créé par lui et pour lui"  (Col 1,16).

Mais ce qui est plus important encore, c'est que le rapport entre ce monde visible et le monde invisible n'est pas celui que l'on pense. Nous pensons facilement que, d’une part, nous sommes dans la partie la moins intéressante de la création, sujette aux aléas, aux détresses, aux misères que nous connaissons tous, et, d'autre part, il y aurait une autre partie du monde, infiniment plus calme, pacifique, qui ne se donnerait même pas la peine de s'intéresser à nous.

Or, ce que nous enseigne la Révélation, à propos des anges, nous dit tout le contraire.
Ce qu'est un ange ? C'est à la fois un "messager de Dieu" et un "veilleur", un "gardien". Il faut imaginer l'ensemble de la création comme une immense famille, dans laquelle il y a des aînés et des derniers ; et les derniers, c'est nous, c'est l'humanité. Or, dans chaque famille, généralement, les aînés montrent beaucoup de sollicitude et d'affection pour ceux qui viennent après. La sollicitude des anges, c'est précisément d'être les frères aînés ; et c'est pour cela qu'ils voient la face de Dieu. Ils voient la face de Dieu, ils vivent et ils contemplent déjà ce que nous sommes appelés à contempler et à vivre un jour en plénitude. C'est pour cela que le Christ dit un jour à propos des petits enfants : "leurs anges voient la face de Dieu".

Mais les anges ne se contentent pas de nous précéder dans ce "face à face" avec Dieu ; ils veulent nous y introduire. Et c'est là le rôle des anges : être des "veilleurs", des "gardiens" qui, peu à peu, prennent soin de nous, avec beaucoup d'affection et de tendresse, et qui éveillent notre cœur à cette sensibilité à "l'au-delà" divin. Voilà l'œuvre des anges ! St Basile écrivait : "Chaque fidèle a à ses côtés un ange comme protecteur et pasteur pour le conduire à la vie".

Il est bon d’ailleurs de rappeler ici que l’"Ange Gardien" est une vérité de foi fondée sur l’Ecriture. Le psaume 90ème que nous aimons lire au soir d’une journée, nous apprend que le Seigneur a prescrit pour nous à ses anges de nous garder dans tous nos chemins et de nous porter sur leurs mains pour que nos pieds ne heurtent quelque pierre. Dans l’évangile selon St Matthieu, Jésus parle des anges des petits enfants qui voient sans cesse la face de Dieu dans le ciel (18.10). Dans la lettre aux Hébreux, il est dit que les anges "destinés à servir sont envoyés en mission à cause de ceux qui doivent hériter du salut" (I.14) ; et c’est ainsi que les Actes des Apôtres présentent la délivrance de St Pierre (12.16).

Les Pères de l’Eglise parlent de l’"Ange Gardien" comme une aide, un protecteur pour chaque chrétien. Déjà, au 2ème siècle, le "Pasteur" d’Hermas enseigne que tout homme a son "Ange Gardien" qui l’inspire et le conseille pour pratiquer la justice et fuir le mal. Au 3ème siècle, la croyance à l’Ange Gardien est si ancrée dans l’esprit chrétien qu’Origène lui consacre de nombreux passages. St Hilaire de Poitiers, dans son commentaire de l’Evangile selon St Matthieu, montre l’"Ange Gardien" présidant aux prières des fidèles et les offrant à Dieu par le Christ Sauveur.
Et dans le même sens, on pourrait citer St Grégoire de Nazianze, St Grégoire de Nysse, St Cyrille d’Alexandrie, et bien d’autres...

Les anges sont ceux que Dieu a envoyés pour nous guider jusque dans la vraie Terre Promise : la vie avec Dieu dont ils désirent nous rendre participants. Nous touchons ici la mission propre des "Anges gardiens", également exposée dans le livre de l’Exode (23.20-23a) : "Je vais envoyer un ange devant toi pour te garder en chemin et te faire parvenir au lieu que je t’ai préparé".

Notre ange gardien nous remet sans cesse en mémoire ce à quoi nous sommes appelés. C’est en ce sens là qu’il nous "garde" durant notre pèlerinage terrestre. Cet office, il l’accomplit d’abord et avant tout par le service de louange et d’adoration qu’il rend à Dieu, lui qui, comme nous le rappelle Jésus dans l’Evangile, voit sans cesse la face du Père qui est aux cieux (Mt 18,10).

En effet, l’homme est créé pour louer et adorer Dieu. Les dernières pages du livre de l’Apocalypse nous rappelle que tout le bonheur du ciel - notre salut -, c’est d’être devant Dieu, de le bénir, de le louer, d’entrer dans l’adoration (Ap 22,3-5), dans cette vie d'Amour que s'échangent les trois Personnes divines.

Puisse notre Ange nous garder dans la louange et l’adoration de notre Dieu. St Augustin disait : "Notre exercice ici-bas, ce doit être la louange de Dieu, car notre bonheur dans l’éternité, ce sera la louange de Dieu. Nul ne peut devenir propre à cet avenir, s’il ne s’y exerce dès maintenant. C’est bien pourquoi, dès aujourd’hui, nous louons Dieu" !