samedi 28 juin 2014

les deux Colonnes de l'Eglise

Fête des Saints Pierre et Paul

Fête des Saints Pierre et Paul, colonnes de l'Eglise !
Sans nous attarder à telle ou telle scène de la vie de ces deux grands apôtres, essayons de mieux saisir pourquoi et comment, ils se sont mis en route si généreusement ? Comment, dans des circonstances très différentes, avec des tempéraments très contrastés, ils ont répondu à l'appel du Christ ?
Nous pouvons retenir deux étapes de leur cheminement :
L'un et l'autre, Fils de la Promesseils se mirent en route !

Fils de la promesse

Oui, Une première constatation, valable pour l'un comme pour l'autre : les grâces et les appels de Dieu sont d'abord venues à eux, parce qu'ils appartenaient au "peuple de la promesse", au "peuple de l'Espérance", au "peuple de l'Alliance", avec ses coutumes religieuses enracinées dans la vie quotidienne et les exigences spirituelles de la Loi et des prophètes.    

Comme tout Israélite, ils attendaient avec impatience la venue du Messie.    

Pierre et Paul - ils s'appelaient encore Simon et Saul -, portaient en eux les fortes convictions et les grands espoirs religieux de leur peuple. Ils manifestaient la foi et l'espérance de ce peuple : Dieu marchait avec son peuple choisi. Il ne l'avait pas abandonné malgré ses infidélités et ses égarements. Il l'aidait, pensaient-ils, sans cesse à se purifier.

Immense richesse du passé en laquelle bien des fidèles à Dieu se ressourçaient au gré des épreuves et des événements. Songeons à Zacharie, à Élisabeth, au vieillard Siméon, à la prophétesse Anne...

Simon, le pêcheur du lac de Galilée, en jetant ses filets, se redisait certains passages des livres sacrés, écoutés au jour du sabbat, à la synagogue. Il ruminait en son cœur, et se tenait prêt à se ranger aux côtés du Messie.

Saul, formé par le milieu intellectuel des docteurs de la Loi, à Jérusalem, pharisien passionné de l'Alliance du Sinaï, se préparait, lui aussi, par la stricte observance de la Loi et des nombreuses prescriptions ajoutées au fil des ans. Non pas certainement hypocrite et "sépulcre blanchi" comme certains, mais loyal et généreux, un peu à la manière de Nicodème, Joseph d'Arimathie, de Gamaliel, son maître.
Immense richesse spirituelle de ce peuple choisi !

Nous, héritiers de la nouvelle Alliance, peuple de baptisés dans la mort et la résurrection du Christ, ne méprisons pas toute notre civilisation chrétienne inspirée de l'Evangile. Elle a porté notre enfance et notre jeunesse. Peut-être faut-il la purifier de ses peurs, de ses poussières ? Mais elle reste une grâce de Dieu.

Pour nous et ceux qui nous entourent, la tentation est grande d'en faire fi avec orgueil, ou de l'oublier.
Sommes-nous assez fils de cette Église, voulue par le Christ, confiée à Pierre, à Paul et aux apôtres ?


Fils de la promesse, ils se mirent en route.

Simon et Saul, croyants sincères et généreux, eurent à faire un premier pas qui devait les mener si loin. Ce premier pas que ne fera pas le jeune homme riche, par exemple !

Pour Simon-Pierre ce fut très simple. Une rumeur se répandit jusqu'en Galilée. Elle disait qu'en Judée, sur les bords du Jourdain, un prophète s'était levé. Il baptisait et le peuple était dans l'attente. Rumeur qui va, qui vient.  Simon-Pierre en fut tout bouleversé.

Avec son frère André, ses cousins Jacques et Jean, ils décidèrent de partir sans plus attendre. Ce baptiseur ne serait-il pas le Messie tant attendu ? Ils abandonnèrent familles, filets, barques. Pierre venait de se mettre en route vers le Christ. Le premier pas, le plus difficile, celui qui oblige à décrocher, à prendre risque, était fait.

Saul, appartenait à la haute classe intellectuelle de Jérusalem ; il était pharisien, de ceux qui voulaient rétablir la Loi de Moise dans toute sa rigueur. Parmi eux des hypocrites, des ambitieux, des arrivistes, côtoyaient des "chercheurs du vrai Dieu". Saul était de ceux-là !

Pourtant, il ne prit pas attention à l'événement de Jésus de Nazareth, tellement il était enfermé dans les préjugés de son milieu qui attendait un Messie triomphant. "Que peut-il sortir de bon de Nazareth ?"

Plus tard, il entendit parler des disciples très remuants d'un certain Jésus crucifié et qui s'était présenté comme le Messie. Le Sanhédrin l'avait rejeté et condamné à mort, comme blasphémateur. Saul avait assisté à la lapidation de l'un de ses disciples, nommé Étienne.

Le mal, selon lui, se répandait. A Damas leur nombre allait croissant. Saul demanda de s'y rendre. Avec fougue et la rage au cœur, il quitta Jérusalem. En fait, avec la même loyauté que Simon-Pierre, il venait de se mettre en route…, vers le Christ. Et Saul deviendra l'apôtre des nations. Il contribuera fortement à faire pénétrer l'Évangile dans les civilisations grecque et romaine.


A la suite de Pierre et Paul, au cours des siècles, de nombreux chrétiens se sont mis en route vers la sainteté et ses engagements évangéliques. Et parfois au prix de leur vie, tel St Siméon Berneux que nous fêtons légitimement à Chateau du Loir. Tous risquèrent d'abord un premier pas. "Celui qui a mis la main à la charrue, ne regarde pas en arrière".

Et nous, sommes-nous de simples consommateurs de pratiques religieuses, ou de véritables apôtres des lieux où nous vivons ? Nous sommes-nous mis en route, nous aussi ? Véritablement, le temps presse.

Il y a cinquante ans, le Concile Vatican II a pris acte des grandes mutations de notre civilisation. Il a indiqué les grandes orientations nécessaires pour une présence d'Église. Certains chrétiens n'ont pas hésité à faire les premiers pas. Ils ont été partie prenante d'une liturgie plus vivante, d'une connaissance plus approfondie de la Bible et de l'Histoire de l'Eglise, des échanges missionnaires, de l'enseignement religieux. Ils sont entrés dans des organisations appropriées et forts diverses, à la mesure des problèmes de la faim, de la soif, de la misère dans le monde, de la justice, de la violence et des efforts pour la Paix.

Et nous-mêmes... ?

Lorsque Saul, sur le chemin de Damas demanda : "Que faut-il que je fasse ?", la réponse du Christ fut nette : "Va jusqu'à la ville ; tu trouveras un prêtre du nom d'Annanie. Lui te dira ce qu'il faut faire !" Le Christ a confié à son Église l'Avenir du Royaume. Une Eglise qui sans cesse se remet en marche. Elle nous invite, elle invite tous les chrétiens à en faire autant !

vendredi 27 juin 2014

Le Cœur de Dieu !

Fête du Sacré-Cœur de Jésus !  27 Juin 14

Fête du Cœur de Jésus ! - Fête du Cœur de Dieu !
C'est d'abord le prophète Osée qui donne à Dieu des sentiments d'un cœur humain, d'un cœur qui se fait proche de celui d'un homme !
"Quand Israël était jeune, je l'ai aimé...!" - "C'est d'Egypte que j'ai appelé (sauvé) mon fils", mon peuple ! "C'est moi qui lui ai appris à marcher..., le prenant par les bras" ! - "Je l'ai mené avec des liens d'amour. J'étais pour lui comme celui qui soulève un nourrisson tout contre sa joue ; et je lui tendais de quoi se nourrir...! Mais "mon peuple !" - "Il s'accroche à ses apostasies !"
"Mon cœur en moi s'est retourné !", comme la terre elle-même s'est retournée "face aux effets de ma colère" quand j'ai puni les péchés de Sodome et de Gomorrhe. "Mais je ne donnerai plus cours à l'ardeur de ma colère, je ne reviendrai pas détruire Ephraïm. Car je suis Dieu et non pas homme. Au milieu de toi, je suis Saint. Je ne reviendrai pas avec rage !" (Cf. Osée 11).

Voilà le cœur de notre Dieu !
Et Jérémie de développer ces sentiments du cœur de Dieu :  
"Mon affliction est grande. Tout mon être est défaillant !... Pourquoi m'offensent-ils avec leurs idoles, avec ces absurdités qui viennent d'ailleurs ?
A cause du désastre de mon peuple, je suis brisé. Je suis dans le noir ; la désolation me saisit ! ... Qui changera mes yeux en source de larmes pour pleurer jour et nuit les victimes de mon peuple ?" (Cf. Jér. 8).

Oui, le cœur de Dieu est fortement attristé à cause du péché de son peuple.
Et Dieu est toujours attristé quand nous péchons, quand nous nous éloignons de lui ! C'est pourquoi St Paul nous enjoint fortement "de ne pas attrister le Saint Esprit dont Dieu vous a marqués, dit-il, comme d'un sceau pour le jour de la délivrance" (Eph. 4.30). Dieu est grandement triste lorsque nous lui disons non pas : "Que ta volonté soit faite !", mais : "Que ma volonté soit faite !". C'est la faute par excellence : se prendre pour Dieu lui-même. L'inversion sacrilège qui est la racine de toute faute !

Et Jésus n'est venu sur terre que pour nous manifester cette tendresse, cet amour divin à notre égard : "Qui me voit, voit le Père !" (Jn 14.9), disait-il. "Et je dis ce que le Père m'a enseigné !" (Jn 8.28).

Et lorsque nous fêtons le Christ en les diverses circonstances liturgiques, lorsque nous célébrons l'Eucharistie, c'est toujours le "Cœur de Dieu" que nous célébrons, ce "Cœur" manifesté en le "Cœur" humain de son Fils, Jésus Christ !
Aussi, en contemplant ce Jésus, Fils de Dieu, ce n'est ni sa sagesse que nous célébrons bien qu'il soit le plus sage des hommes, ni son courage bien qu'il soit le plus courageux, ni sa paix bien qu'il soit le plus pacifiant. C'est son "Cœur" que nous célébrons et qui nous émeut si fortement ! Parce que c'est le "Cœur" même de Dieu !

La réalité du "Cœur sacré de Jésus", du "Cœur de Dieu", c'est la réalité des réalités ! Le "Cœur de Dieu" est le cœur du monde : "Au commencement était le Verbe. Et le Verbe était Dieu... Tout fut par lui !", dit St Jean.

"Qui donc est Dieu ?", demande-t-on. L'un y voit le sommet de la puissance, l'autre la source de l'Etre, un troisième la Lumière ! Rien de tout cela n'est faux ! Mais la réalité est infiniment plus grande : "Dieu est Amour !", ne cessait de dire St Jean à la fin de sa vie. Donc le tissu du réel, c'est l'Amour. Rien ne vaut que par l'Amour. En Dieu, être et aimer sont un seul et même verbe. Cette réalité inouïe, souveraine, fulgurante peut nous plonger dans une joie sans fin. Elle est la "Bonne Nouvelle" qu'il nous faut sans cesse annoncer, proclamer.

Oui, de toute éternité, Dieu a un "Cœur" qui bat. L'amour du Père pour son Fils éternel est une réalité qui ressemble à ce que peuvent éprouver les parents les plus affectueux : "C'est lorsque je suis devenu père que j'ai compris qui était Dieu", fait dire Balzac au Père Goriot !

Et l'on comprend : Si le Christ a tant insisté sur l'urgence de l'amour, c'est parce que, sans amour, nous n'avons aucune chance de survie ; c'est pour nous transmettre l'Amour de Dieu-Père : "Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés !" (Jn 15.9). C'est pour que nous puissions dire, à notre tour, à quiconque, comme Dieu le dit à chacun de nous : "Tu vivras ! Je t'aime dans ta différence. J'ai de l'estime pour toi ! Tu seras pour moi l'objet d'une éternelle joie. Ta peine est ma douleur ; ton bonheur est mon bonheur !".

Et bien davantage : Si le Christ a tant insisté sur l'urgence d'aimer, il y a un motif plus profond : "Comme le Père m'a aimé, moi aussi, je vous ai aimés... Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres...". Il s'agit de planter sur la terre ingrate des hommes la fleur divine de l'Amour. L'amour entre les hommes n'est pas une question de morale civique ou sociale ; ni une question de bonheur familial, communautaire. C'est une question de vie ou de mort : "Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères !" (I Jn 3.14).

Ainsi donc, le recours au "Cœur du Christ" n'est certes pas - loin de là - un ressenti sentimental ou douceâtre comme certaines expressions ou attitudes fraternelles pourraient le suggérer - ce qui n'est finalement qu'un amour propre renversé -..., ce n'est pas cet amour doucereux qu'affiche parfois une imagerie de guimauve et de mauvais goût. Rien de moins mièvre que l'amour du Christ envers tous les mal aimés de son époque. Rien de moins doucereux que ce cri : "Celui parmi vous qui n'aura jamais péché pourra lui jeter la première pierre !" (Jn 8.7). Rien de plus courageux que les reproches adressés à Simon, le pharisien, pour réhabiliter une femme "peu intéressante" ! Un amour qui prend de tels risques est toujours une cible. Et le Christ mourra pour interrompre, pensaient les éternels bien-pensants, ce genre de scandale qui sera pourtant repris par les saints, en tous temps et lieux, au risque également de leur vie !

C'est ainsi que les parias et les gueux peuvent reprendre espoir. Car il est heureusement proclamé aujourd'hui que le "Cœur de Dieu" continue de battre dans le cœur de tout homme !

C'est vrai pour aujourd'hui comme c'était vrai pour hier et avant-hier. Et pour cet "avant-hier", j'aime à citer David qui fut un "homme selon le cœur de Dieu" (Cf Ac. 13.22). Pourtant, cet homme -là - et c'est notre consolation - avait moult carences et manques, des défaillances, des fautes, des désespoirs. Mais, cependant, il était tout "transparent" devant Dieu, manifestant loyalement ses repentirs. Il se savait pardonné et vivait de multiples restaurations de l'âme, suivies de réadmissions au service de Dieu. Il exprimait souvent sa joie dans les psaumes, joie d'avoir retrouvé la relation avec son Dieu.
David était un homme qui nous ressemble tellement. Il nous donne envie de vivre de telles expériences avec Dieu, avec Dieu qui est Amour !

Il reste vrai que parler d'amour - fut-ce celui de Dieu - est souvent ambigu, équivoque. Il est évident que parler de Dieu aujourd'hui dans le langage des premiers siècles chrétiens, ou en parler aux hommes d'aujourd'hui dans le langage d'il y a seulement quelques décennies, c'est se condamner immédiatement à n'être pas compris, et c'est faire courir à Dieu le péril d'apparaître comme un mythe à reléguer au musé des antiquités.

Autrement dit, dès qu'on parle de l'amour de Dieu sans le vivre, on Le trahit, on en fait une idole, un mythe absurde, on en fait une limite et une menace ; et on devient athée ! Car le pire des athéismes, c'est justement de parler de Dieu sans vivre de Dieu. Comme si nous pouvions parler d'amour sans aimer ! Que mettrez-vous dans l'amour si vous en parlez sans aimer ? Et pas seulement à la manière du monde, sentimentalement, mais un amour qui risque sa vie à l'exemple du Christ !

mardi 24 juin 2014

Le Précurseur du Seigneur !

Jean-Baptiste 14

La figure de Jean-Baptiste domine l'histoire du peuple de Dieu ; et plus nous regarderons vers lui, comme ses propres disciples, plus nous découvrirons le vrai visage de Jésus qu'il ne cesse de désigner, de montrer. 
En effet, Jean se définit lui-même, dans l'Evangile de St Jean, comme l'ami de l'Epoux qui "se tient là et l'écoute !". Aussi dira-t-il : "Je ne suis pas le Messie ; je suis celui qui a été envoyé devant lui" (Cf. Jn 3.28-30). Il introduit Jésus - aujourd'hui comme hier -. Cet aspect caché et paradoxal de la vraie vie chrétienne - introduire le Christ en nous-mêmes, conduire le Christ dans le cœur de nos frères - est toujours à rechercher, à découvrir. A l'exemple de Jean Baptiste. 

Aussi, une phrase résume qui est Jean-Baptiste en profondeur, comme elle résume la vie chrétienne : "Il faut qu'il grandisse (Jésus) et que moi, je diminue". 
Cette consigne est d'une telle force qu'elle a présidé au choix même de la fête de ce grand saint : c'est à partir de sa fête que le soleil commence à décliner à l'horizon pour qu'à Noël, à la venue de Jésus, cette même lumière grandissante puisse devenir image de celui qui est Lumière de monde. "Il faut qu'il grandisse et que moi je diminue". - On peut dire que toute la vie humaine sanctifiée par le Christ est résumée en cette phrase : plus le côté charnel (comme dira St Paul), mélangé, double, meurt en nous, plus le Christ peut grandir en nous et nous transfigurer. "Il faut qu'il grandisse et que moi je diminue".

St Jean-Baptiste connaîtra ce terrible effacement. Humainement, il le connaîtra, lui, le grand prophète d'Israël qui faisait courir les foules, lui dont la naissance avait été accompagnée de signes éclatants et saluée par une explosion de joie et d'espérance par son père Zacharie et la Vierge Marie. 
Il allait mourir misérablement, victime des caprices d'une intrigante et de la misérable faiblesse d'un roi. Mais cet abaissement était une splendide prophétie des humiliations de la croix du Christ, prélude à sa gloire pascale !

Oui, Jean-Baptiste connaît bien ce terrible effacement. 
Humainement et spirituellement aussi. A vues humaines, sa destinée d’homme de Dieu est désolante : c'est le plus grand des prophètes, c'est le plus grand des enfants nés d'une femme, dira Jésus (Mth 11.11). Et pourtant, il ne semble pas entrer vraiment dans ce mystère du Royaume de Dieu vécu par Jésus, mystère qu’il pressent cependant et désigne : "Voici l'Agneau de Dieu !", dit-il à ses disciples qui vont le quitter pour suivre Jésus. Et Jésus ira jusqu'à dire que le plus petit dans le Royaume est plus grand que Jean-Baptiste (Mt 11,11). On pense ici à Moïse qui montre la terre promise mais qui n'y pénètre pas !

Il me semble que nous devrions demander une grâce au Seigneur, par l'intermédiaire de Jean-Baptiste : celle d'avancer dans notre chemin, attiré par l'amour divin, sans chercher à dominer les événements, à la manière humaine, sans chercher nécessairement à les comprendre totalement. Comme Jean-Baptiste !

Oui, Jean-Baptiste connaît ce renoncement, cet effacement. 
Bien plus, cet homme austère et rigoureux reçoit l'ordre de baptiser le Fils de Dieu 
pour lui permettre de rejoindre les pécheurs dans le Jourdain, 
pour qu'il vive déjà, liturgiquement par ce baptême, sa mort et sa résurrection,
pour qu’il puisse déjà être glorifié par son Père, reconnu par lui comme son "Fils bien aimé" et que "l’Esprit repose sur lui !"
Jésus lui-même désignera sa mort et sa résurrection comme un baptême : “Pouvez-vous, demandera-t-il à ses apôtres avant sa passion, pouvez-vous être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ?” (Cf. Mc 10.38).
En le baptisant, Jean l’introduit en ce baptême pascal dont nous bénéficions !
Jamais un être humain n'avait accompli une tâche aussi haute : baptiser Jésus, l’introduire en ce baptême de sa mort et de sa résurrection !

Or, le voilà, quelque temps plus tard, jeté en prison, isolé des hommes, traité misérablement. Il fait demander à Jésus : "Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?". On pressent les terribles questions qu'il se pose. Quel contraste entre l'expérience spirituelle du baptême de Jésus et la triste expérience du prisonnier ! Quel effacement ! Quel renoncement !

Mais il comprendra, Jean-Baptiste, que sa mort elle-même, comme tout le reste, comme toute histoire humaine, reçoit justement tout son sens de la mort et de la résurrection de Jésus !

A travers la victoire de Jésus sur la mort et sur le mal qui enchaîne l'homme, nous entrevoyons, sans bien comprendre mais dans une lumière tout autre, que le drame de St Jean-Baptiste est lié intimement à celui de Jésus : la douceur et la force invincible de cet homme, au cœur du Peuple de Dieu, rejoint la douceur et la force de Jésus. Leur mystère est exactement le même.

Oui, que Jean-Baptiste nous apprenne à marcher amoureusement, comme lui, au milieu des contradictions et des tristesses de cette vie, de tous ces malentendus navrants, de tous ces doutes, de ces "morts" incompréhensibles humainement parlant.
Qu’il nous apprenne à marcher en affirmant : le Christ est vraiment ressuscité !

Dans le Christ ressuscité, la destinée de Jean-Baptiste devient tout autre : nous nous rendons compte qu'il prend place, comme Abraham, en plein cœur du mystère chrétien. Alors ayons confiance, nous aussi : nos modestes existences, quelles que soient les contradictions qui les traversent parfois peuvent devenir très belles aux yeux de Dieu. Pour cela, il nous faut la foi de Jean-Baptiste, sa persévérance et surtout son humilité.

L'humilité est un secret divin, certainement le plus inconnu, le plus rare et pourtant le plus important. C’est parce qu'il a accepté de diminuer pour que Jésus grandisse que Jean-Baptiste est si grand. Il réalisait sans s'en douter ce mystère central sur lequel médite St Paul dans l'épître aux Philippiens : c'est parce que Jésus s'est abaissé par sa Passion, par sa mort que Dieu l'a souverainement exalté et lui a donné un nom qui est au dessus de tout nom.

Voilà l'ultime secret que nous pouvons demander à St Jean-Baptiste : c'est ce secret qui permettra au Seigneur de dire à chacun de nous ce que Zacharie disait à son fils Jean-Baptiste : "Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très Haut, tu marcheras devant la face du Seigneur pour préparer ses chemins, pour donner à son peuple de connaître le salut"

dimanche 22 juin 2014

Fête - Dieu !

Fête du "Saint-Sacremlent" ! 2014

Prononcer des paroles le jour de la fête du Corps et du sang du Christ nous met toujours en danger de parler trop légèrement. Parce que parler du Corps et du Sang du Christ, c'est rendre compte de ce que nous vivons chaque dimanche à la messe. Et ce que nous vivons est tellement riche et multiple ! D’ailleurs dans les textes liturgiques, les mots se bousculent, ainsi que les images et les récits pour nous aider à y réfléchir. De même, au cours des siècles, on a additionné les mots pour désigner ce moment qui est au cœur de notre réunion dominicale : le "Repas du Seigneur", "la Cène", "le Saint-Sacrifice", "l'Eucharistie", "la Communion"... Chacun de ces mots révèle un aspect du Mystère. Il est impossible d'en faire le tour. Il faut choisir en quelques minutes. Il faut choisir.

Aussi je vous propose de réfléchir aujourd’hui à deux questions seulement :

La première : vous vous la posez souvent. La “présence réelle du Corps et du Sang du Christ”, comment croire cela, comment le dire ?

La seconde : vous l'entendez souvent. Célébrer chaque jour ou chaque dimanche le Mystère de cette présence à la messe, à quoi ça sert ? A quoi ça vous avance ?

La première : La “présence réelle du Corps et du Sang du Christ” à la messe, comment le croire, comment le dire ?
“Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ?”. Qui a prononcé cette phrase ? Ce sont les premiers auditeurs de Jésus quand il a tenté de leur parler du “Pain Vivant”. St Jean nous le rapporte dans son évangile.

Et parmi nous, qui n'a pas un jour ou l'autre prononcé cette phrase ? Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? C'est vrai que ce langage sanglant nous choque : “manger la chair, boire le sang”. La question est de taille. Car il s'agit de la présence réelle du Christ à la messe.

La parole de l’Eglise est claire : pas question de minimiser cette réalité. La foi de l'Eglise est formelle. Et les chrétiens sont convaincus que c'est le Christ qu'ils reçoivent quand ils communient à la messe. Si cette affirmation continue de nous étonner, tant mieux, parce que l'Eucharistie est une réalité étonnante, merveilleusement étonnante.
Étonnante mais pas incompréhensible, mystérieuse mais pas absurde. Il ne nous est pas demandé de croire des absurdités.
“Manger la chair, boire le sang”, cette phrase au cours des siècles a alimenté les accusations les plus sordides contre le christianisme, religion cannibale. Et puis, nous, chrétiens de ma génération, nous avons tous en mémoire, n'est-ce pas, un souvenir d'enfance : nous étions quelque peu terrorisés à la pensée de mordre dans l'hostie ! Heureusement que notre foi en l'Eucharistie a grandi et que nous n'avons pas à croire des invraisemblances.

Mais alors que veut dire exactement l'Évangile avec ces mots-là ? D’abord, les exégètes nous éclairent : l'expression "Corps et Sang", dans la langue hébraïque, n'ont pas la même signification qu'en français. Le "corps", c'est la personne tout entière ; le "sang", c'est le la vie tout entière. Lorsque Jésus dit : “Ceci est mon Corps, ceci est est mon Sang”, c'est comme s'il disait : “C'est ma vie, c'est moi tout entier rendu présent, mystérieusement, par ce signe du pain et du vin”.

Quand on communie, on communie véritablement à sa personne vivante. Nos dents ne croquent pas une chair corporelle, mais nos cœurs, nos vies accueillent le Christ avec toute sa vie de Ressuscité. Et là, pas de comparaison possible. Sa présence n'est pas comme une présence matérielle, chimique. C'est la présence vivante du Christ ressuscité avec son Corps divinement glorieux ; c'est précisément la présence vivante d’une personne avec son amour surabondant qui se propose à une (notre) rencontre. Parce que Dieu, le Christ, avec sa vie glorieuse, se fait notre nourriture divine. Oui, les chrétiens choisissent de s'alimenter à ce Pain-là. Mais pourquoi ?

C'est la seconde question. Cette question formule une objection facile chez les plus jeunes et aussi, parfois, chez les moins jeunes : “La messe, à quoi çà sert ? Aller à la messe, à quoi çà nous avance ?” Moi, dit-on encore, je préfère rendre service de mon mieux, m’efforcer d’être solidaire des mes frères, comme le Christ, lorsqu’il était sur terre.

C’est une bonne question ! Que faisons-nous à la messe ? Quelle présence avons-nous à la messe ? Avons-nous une présence réelle ?  Ou répétons-nous des mots qui ne brûlent plus personne, des rites ponctuellement exécutés mais un peu vides de sens, au point qu'il n'y a guère d'incroyants qui, pénétrant à l'improviste dans l'une ou l'autre de nos assemblées dominicales, devineraient que le Christ est réellement au milieu de nous ?

Et pourtant, il s'agit bien d'une présence réelle, donc d'une présence active. La messe n'est pas d’abord une dévotion comme certains le pensent parfois. C'est une action comme le mot “Liturgie” le signifie : "leitos" - "urgos" : un travail en commun. En commun et avec Dieu et avec nos frères !
Aussi, l’Action eucharistique doit nous rendre actifs, acteurs dans le monde. La phrase de Jésus : “Faites ceci en mémoire de moi” ne signifie pas : “Faites ce repas en souvenir de moi”. Mais, “dans ce repas, j'offre ma vie par amour ; faites-en autant”. A la Cène, le Jeudi-Saint, Jésus a donné sa vie ; nous refaisons ce repas pour apprendre à donner la nôtre.

Bien sûr, l'Eucharistie est et doit être une communauté de table rituelle, mais c'est à nous d'en faire aussi une communauté de table réelle. Je veux dire : comment se nourrir réellement de la vie du Christ si, comme on le dit souvent, nous prenons notre parti des inégalités et des injustices diverses où les uns sont repus et les autres se retrouvent devant un grenier vide ? Ou beaucoup plus simplement si c’est une occasion de se retrouver, les uns d’une part et les autres d’autre part, comme le soulignait déjà St Paul, de se retrouver entre amis, en petits cercles bien agréables et humainement légitimes, mais fermés aux autres et donc à Dieu.

Ou encore, si nous communions chaque dimanche à la messe, il n’est donc pas question de nous excommunier après la messe. Pas question de dresser des barrières ne serait-ce et surtout entre membres d’une même famille, d'une même communauté. C'est donc bien après la messe que l'on sait si la messe a été vraiment vivante, c’est après l'Eucharistie que l'on sait si cette Eucharistie nous fait vivre.

vendredi 20 juin 2014

Vers l'Alliance éternelle !

T.O. 11 Vendredi -          (II Rois 11.1sv ; Mth 6.19sv)

Depuis quelques jours, la liturgie nous fait lire parfois des récits assez épouvantables, tel celui d'aujourd'hui ! Ce ne sont certes pas des contes à la manière de Mme de Ségur !

Le contexte historique comporte de multiples scandales politiques assortis de meurtres : tandis que le Royaume du Sud, autour de Jérusalem, est assez stable, on assiste dans le Royaume du Nord à une succession d'usurpateurs. Et c'est très "sauvage" !

Alors une question vient à l'esprit : pourquoi ces récits "sauvages" font-ils partie de la Bible, de la "Parole de Dieu" ? Pourquoi ? C'est qu'ils veulent souligner, me semble-t-il, une grande leçon que l'on retrouve tout au long de notre propre existence :
Si le peuple de Dieu garde l’identité qu’il a trouvée dans le désert, s’il conserve l’Alliance avec Dieu, il n’a aucune raison de craindre. La fidélité au Dieu de l’Alliance est le secret de sa réussite !  S’il est infidèle, la terre elle-même, cette terre promise et donnée par Dieu, devient une terre qui “vomit“ ses habitants ! C’est le chaos ! Car Dieu, par respect pour la liberté qu'il a donné aux hommes, permet alors les conséquences de leurs infidélités. Et ce sera, par exemple, un peu plus tard, l’invasion des rois Assyriens, la déportation à Babylone !

En ce sens, on peut faire une réflexion importante pour nous-mêmes : certes, Dieu est miséricordieux ! Il pardonne toujours. Il pardonne nos fautes. Mais il ne peut pas supprimer - sauf miracle ! - les conséquences de nos actes mauvais.
Si un enfant, par désobéissance, utilise un couteau dont l’usage lui est interdit et se blesse, sa mère peut pardonner sa désobéissance ; mais elle ne peut ôter la conséquence de sa désobéissance : la blessure ! Elle ne peut s’employer qu’à la soigner…, ce qui peut prendre du temps !
Pour nous, quand la blessure est plus spirituelle, elle peut être soignée par un accroissement de charité, de repentir… etc. (C’est le sens des indulgences, pas toujours comprises !). Et si cette blessure comporte un aspect visible (un vol, par exemple), il faut s’employer à la guérir par une “réparation“ adéquate (rendre l’objet volé…, compenser), ce qui, là encore, peut prendre du temps… 

Soyons attentifs à cette évidence : nos actes (même pardonnés et par Dieu - c’est évident - et parfois par les hommes) nous “suivent“ toujours…, et parfois très lourdement. C’est logique.

Cependant, la logique divine est encore celle-ci démontrée en Jésus Christ : du mal (conséquence de nos fautes), Dieu peut en faire du bien ! Et même un bien suprême !
Certes, le peuple de Dieu, le peuple de l’Alliance, sera déporté, en Assyrie, à Babylone…, conséquence de ses infidélités diverses. Alors il “crie“ vers Dieu. Et Dieu non seulement promet une délivrance, mais lui annonce surtout une “Nouvelle Alliance“, une alliance “perpétuelle“ (proclamée par les prophètes, tels Isaïe, Jérémie, Ezéchiel)

Car Dieu, lui, malgré notre déchéance, reste fidèle ! “Si nous sommes infidèles, lui, dit St Paul, demeure fidèle !“ (2 Tim 2.13). Une fidélité divine déjà expérimentée, justement, tout au long de l’histoire biblique.
Nous pouvons être sûrs de la fidélité de Dieu ! Pourquoi ? “Parce qu’il ne peut se renier lui-même“, dira St Paul ! Parce que Dieu est Amour ! Il reste fidèle par un amour purement gratuit, un amour qu’il veut renouveler, de telle sorte qu’après les infidélités et les repentirs, dira le prophète Osée, il y ait des "épousailles" encore plus belles que les "fiançailles" originelles, un amour qui va présider à une “Nouvelle Alliance“ qui ne sera rien moins qu’une nouvelle création.

Nous le savons : cette “Nouvelle Alliance“ sera établie par le Christ qui, lors de son baptême, descend dans le Jourdain (Yarden = descendre), dans ce fleuve qui descend jusqu’à la mer morte, symbole du péché du monde.
En y “descendant“, il prend sur lui toutes nos infidélités et remonte vers le temple qu’il restaure en son propre Corps ressuscité et glorifié. “Lui, de condition divine, s’est dépouillé, devenant semblable aux hommes… C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout Nom“ (Cf. Phil. 2.6 sv).

En lui, nous sommes déjà “re-créés“. Il est le Grand Prêtre (“Pontifex“, celui qui fait le “pont“ entre Dieu et les hommes) ; il est désormais le garant d’une nouvelle Alliance, dira la lettre aux Hébreux (Cf. Heb. 7.22 ; 8.7sv), scellée par son sang (Heb. 8.15 sv), instaurée par pur Amour divin, précisera St Jean (Cf. I Jean).

Cette “Nouvelle Alliance“ réalisée une fois pour toutes (Cf. Heb 9.25) est ré-actualisée par chaque Eucharistie. Ayons foi en ce mystère d’Amour - “Il est grand le mystère de la foi ! -“. Malgré nos infidélités, Jésus nous redit : “Celui qui croit en moi, même s’il meurt (par son péché), vivra !“ (Jn 11.25).

Et voilà pourquoi, ces récits sauvages que l'on trouve dans la Bible me semblent très instructifs. Ils montrent l’attitude de Dieu, du Dieu Unique, du Dieu vivant aux prises avec les hommes faits de chair et de sang (et nous le sommes encore !). A mon avis, ces récits valent tous les manuels de morale ! Voir de telles situations… et se rendre compte de leurs dénouements…, à court terme humain et à long terme divin c’est, me semble-t-il, plus précieux que tous les traités abstraits de morale qui donnent des principes précieux, certes, mais que peu de personnes ne lisent (sauf les professeurs !).

Il faut savoir regarder en face tous ces actes iniques que commettent les hommes (aujourd’hui encore) et les conséquences qu’ils entraînent. Et alors on enrichit notre mémoire de tous ces récits épouvantables pour éduquer ce que l’on appelle - dans la morale de la Somme théologique de St Thomas d’Aquin - la vertu de prudence qui est à la charnière des vertus intellectuelles et des vertus morales : La véritable prudence est une lumière qui nous est donnée pour que notre liberté s’exerce avec pleine lucidité ! "Si ton œil est limpide, tout ton corps sera dans la lumière", nous dit Notre Seigneur aujourd'hui !

lundi 16 juin 2014

Leçons de morale !

T.O. 11 Lundi            (I Rois 21.1sv ; Mth 5.38-42)

La liturgie nous fait lire aujourd’hui et demain un récit assez épouvantable… ! Ce n’est certes pas un conte à la manière de Mme de Ségur.
Le contexte historique lui-même contient de multiples scandales politiques assortis de meurtres : tandis que le Royaume de Juda, au sud, est assez stable, on assiste, au Royaume du Nord, à une succession d’usurpateurs ; c’est très sauvage ! Et le point culminant de ces horribles méfaits arrive avec la dynastie d’Omri et d’Achab.

Vous avez entendu le récit : Achab est jaloux, envieux du champ de Naboth ! On l'a dit : "Il n'y a aucun vice qui nuit tant à la félicité des hommes que celui de l'envie" (Descartes). "C'est, dit un proverbe chinois, comme un grain de sable dans l'œil" qui trouble tellement le discernement de l'esprit que "les méchants envient et haïssent : c'est leur une manière d'admirer !" (V. Hugo).
Mais Naboth refuse de vendre son champ ! Alors, "le roi, est-il dit, se couche sur son lit, détourne son visage et ne veut pas manger !“. C’est encore et toujours, plus ou moins, le symptôme d’une mauvaise humeur non pas d'un homme déçu, mais d'un grand adolescent trop gâté ! Avec l'envie on reste toujours un insatisfait puéril !

C’est à ce moment qu’entre en scène la reine Jézabel, son épouse ; elle était fille du roi de Tyr, une phénicienne qui avait une hiérarchie de valeurs de vie bien différente que celle enseignée par Dieu à son peuple ! De plus, elle avait introduit à la cour le culte du dieu Baal !

“Tu fais un joli roi !“ dit-elle à son mari, “Moi, je vais te donner la vigne de Naboth !“. Elle ne savait sans doute pas ce que devait être un roi selon le cœur du Seigneur. Vous pourrez, pour le savoir, vous reporter au chapitre 17ème du Deutéronome. Voici quelques caractéristiques :
- Le roi ne pourra être un étranger ! Cela se comprend. Mais dans le cas d’Achab, on peut se demander si c’est lui qui gouvernait ou sa femme, une “maîtresse-femme“, n’en doutons pas !
- Il ne devra pas multiplier le nombre de ses femmes, ce qui pourrait égarer son cœur ! Je ne fais aucun commentaire !
- Il n’accumulera ni or ni argent. C'est pourtant si fréquent chez les "Grands" de ce monde !
- Il lira la loi du Seigneur qu’il aura lui-même copiée.

Au fond, le roi n’a pour raison d’être que de faire régner la justice et la loi… Er s’il contredit à la loi, surgit alors un prophète… comme Elie.

Oui, Achab n’est pas un bon roi ! Il laisse faire sa femme, Jézabel, mettre à mort, par un inique procès, Naboth. (Cela aussi arrive de nos jours !). Elle s’empare alors de son terrain pour le remettre à Achab.

C’est alors qu’Elie surgit et dit à Achab : “Tu as assassiné ; et de plus, tu usurpes… Aussi, à l’endroit où les chiens ont lapé le sang de Naboth, les chiens laperont ton sang à toi aussi !“. Et il annonce un semblable châtiment à Jézabel. L’accomplissement de ces prophéties, vous pourrez la lire au second livre des Rois (ch. 9). C’est un bain de sang que vous n’approuverez certainement pas, bien sûr ! Et pourtant !

Et pourtant, ces récits me semblent très instructifs. Ils montrent l’attitude de Dieu, du Dieu Unique, du Dieu vivant aux prises avec les hommes faits de chair et de sang (et nous le sommes encore !). A mon avis, ces récits valent tous les manuels de morale ! Voir de telles situations… et se rendre compte de leurs dénouements…, c’est, me semble-t-il, plus précieux que tous les traités abstraits de morale qui donnent des principes précieux, certes, mais que personne ne lit (sauf les professeurs !).

Il faut savoir regarder en face tous ces actes iniques que commettent les hommes (aujourd’hui encore) et les conséquences qu’ils entraînent. Et alors on enrichit notre mémoire de tous ces récits épouvantables pour éduquer ce que l’on appelle - dans la morale de la Somme théologique de St Thomas d’Aquin - la vertu de prudence qui est à la charnière des vertus intellectuelles et des vertus morales : La véritable prudence est une lumière qui nous est donnée pour que notre liberté s’exerce avec pleine lucidité !

Ces récits sauvages sont donc destinés finalement à nous guérir par avance. Ce sont comme des électrochocs qui obligent à entrer dans la pensée de Dieu… Ils nous amènent à une morale compréhensible par tout un chacun.

C’est ainsi qu’il ne faut pas avoir peur de certains récits sauvages que l’on trouve parfois dans la Bible qui peuvent éclairer certains de nos comportements.
Ils nous font mieux comprendre alors les recommandations que Notre Seigneur nous donne dans l’évangile d’aujourd’hui : “Vous avez appris qu’il a été dit : « œil pour œil »… Et bien moi, je vous dis…“. Et Jésus nous a montré jusqu’où une vraie morale - une morale d’amour - peut conduire : sur une croix qui devient glorieuse le jour de Pâques.

Et j'ajouterai une remarque : Il est vrai que dans certains psaumes (formules de prières de toute l’Eglise !), on trouve des versets très durs, très vindicatifs. Certains veulent les supprimer comme indignes d’être prononcés par la bouche d’un priant ! On les met parfois en italique comme une invitation à les omettre ! Mais alors ces cris d’angoisse humaine et même de révolte, qui ne les reprendra pour les retourner en expressions de cris de prière, de supplication vers celui qui a dit : “Mon Dieu ! Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?“. Oui, qui les transformera en supplications légitimes sinon le priant au nom de toute l’Eglise, au nom de toute l’humanité ?

dimanche 15 juin 2014

Solitude - Communion !

Trinité 14

Il y a dans la Bible, tout au début de cette grande bibliothèque qui nous dit à la fois qui est Dieu et qui est l'homme, qui nous dit qui est l’homme dans sa relation avec Dieu, ...il y a un grand portique d'entrée. - Après avoir pénétré sur les sept marches de la Genèse, où l'on nous révèle que Dieu est créateur, et créateur par Amour, il y a deux phrases qui viennent éclairer tout le projet de Dieu et toute la dignité de l'homme.
Dieu dit : “Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance”. Et comme pour mieux nous faire comprendre ce que cela veut dire, on ajoute quelques versets plus loin : “Il n'est pas bon que l'homme soit seul !”.

Je crois que Dieu sait ce dont il parle car, en cette fête de la Trinité, on peut dire, de façon un peu paradoxale, qu'“Il n'est pas bon que Dieu soit seul”.

Avec Jésus Christ qui, à partir des Ecritures, nous explique tout ce qui le concerne, nous voici à cette étape où l'homme découvre que c'est le visage d'un Dieu Trinité - Père, Fils et Esprit - qui dit le mieux le chemin qui mène à la communion et qui lui fait dépasser toute solitude.

Mais avant d'aller plus loin, arrêtons-nous un moment sur cette solitude à laquelle personne n'échappe, pas même le Christ qui, dans son questionnement ultime sur la croix, disait : “Père, pourquoi m'as-tu abandonné ?”

Il n'y a pas de communion possible sans cette prise de conscience de la solitude. Elle est ce lieu décapant où l'homme se révèle unique..., se révèle “personne”, à nulle autre totalement semblable. Et s'il est unique, s’il est “personne”, c'est d'abord parce qu'il est seul, au sens qu'il n'est pas la photocopie d’un autre.
Cette solitude, ici-bas, est parfois l'expérience d'une brisure, d'une souffrance, d’un abandon peut-être... . Mais elle peut être encore le lieu d'un silence comme une expérience de vie intérieure, là où chacun peut redécouvrir ce qui l'habite au plus profond de lui-même. Ce lieu secret, silencieux est alors habité par la prière, la méditation, le recueillement.

Oui, il y a obligatoirement une solitude en l’homme, à la fois riche et tragique !

Mais aujourd'hui, Dieu veut nous réjouir en ces profondeurs de toutes nos solitudes pour indiquer le chemin d’un immense bonheur... ; car si la solitude est souvent ce qui fait saigner le cœur de l'homme, la communion est ce qui le guérit.
Et je crois qu'il n'y a d'amour possible que pour ceux qui ont accepté de ne pas renoncer à cette part de solitude qui devient alors le terreau fécond de toute relation vraie.

Oui, en cette fête de la Sainte-Trinité, Dieu nous redit que la vie est relation, et même que la vie naît de la relation.
Cette expérience trinitaire rejoint une des quêtes les plus essentielles de tout homme : être quelqu'un pour un autre dans une relation féconde, fidèle et respectueuse de chacun. Oui, voilà le véritable bonheur qui nous fait “à l’image de Dieu”. Parce que nous sommes créés “à la ressemblance de Dieu”, nous pouvons nous définir comme un besoin les uns des autres pour reconnaître et enrichir ce qu’il y a d’unique en chacun de nous. Toute véritable relation révèle ce qu’il y a de meilleur en l’un pour mieux affirmer ce qu’il a de meilleur en l’autre !

En touchant ainsi au mystère de Dieu, on touche aussi au mystère de l'homme.

Aussi, affirmons aujourd’hui avec force ce que le Christ nous révèle : Un seul Dieu en trois personnes… Le monothéisme de la foi chrétienne n'enferme pas Dieu dans la froideur d'une solitude céleste, mais il découvre le visage d’un Dieu en trois personnes distinctes que l'Amour partagé rassemble dans une unité si forte qu'on peut affirmer qu'il n'y a qu'un seul Dieu... mais non pas un Dieu seul !

Ce mystère d’un Dieu-Trinité est un véritable trésor de notre foi chrétienne. Aucune autre religion n'affirme l'unité et l'unicité de Dieu de cette façon. Mais cette originalité n'est pas une illusion ou une construction théologique, car ce mystère éclaire en fait l'identité profonde de l'homme.

Car, nous aussi, nous pouvons faire l'expérience de la Trinité, découvrir ce que c'est qu'être créé à l'image et à la ressemblance de Dieu.

1. c'est d'abord le chemin qui mène à la rencontre de l'autre dans une relation faite de communion et non pas de fusion : c'est toute la différence entre la tour de Babel et la Pentecôte. Grande leçon ! L’uniformité n’est pas un idéal !

2. c'est aussi faire l'expérience de la fécondité. L’amour devient fécond (c'est-à-dire porteur de vie) lorsqu'il s'inscrit dans une reconnaissance de ce qu’il y a d’unique en l’autre, lorsqu’il se nourrit de l'altérité.

3. c'est encore la conviction que la différence dans l’humanité - homme et femme - est un reflet de la vie trinitaire de Dieu.
Et cette conviction est une immense richesse pour la vie d’une famille. Cette conviction n’est pas seulement, ici-bas, la condition de la survie de l'humanité mais, plus profondément, c'est une façon de reconnaître la vocation de chacun dans le projet créateur et sauveur de Dieu. Un échange qui est collaboration au projet créateur et rédempteur de Dieu.

4. c'est encore la volonté de combattre toutes les solitudes stériles : l'accueil, la solidarité et le pardon sont des leviers puissants pour que l'amour triomphe de la haine et des exclusions.

5. c'est enfin - et parmi d'autres choses - le projet d'une vie solidement enracinée dans la vie de Dieu, Père-Fils-Esprit !

Un fleuve coupé de sa source se perd dans les eaux stagnantes et dans les marécages ; il nous faut sans cesse retrouver la saveur et la fraîcheur de ce qui peut irriguer notre vie...  l'Amour de Dieu-Trinité.

Célébrer la Trinité, c'est engager le combat contre la solitude pour que toute vie soit transfigurée dans la plénitude de l'Amour-Trinité.

Alors, au seuil de notre vie éternelle, devant Dieu Père-Fils-Esprit, nous proclamerons la beauté de toute la création à l’image de Dieu, la beauté de chacun de nous en Dieu-Trinité.
Et nous pourrons, en communion les uns avec les autres,  nous exclamer comme St jean de la Croix :

Que votre beauté, Seigneur, soit telle
     qu’en nous regardant mutuellement,
je paraisse semblable à vous en votre beauté ;
et que je me vois en votre beauté.
Cela aura lieu
     quand vous m’aurez transformé en votre beauté ;
Et je me verrai en vous dans votre beauté.
En votre beauté, je serrai vous.
En votre beauté, vous serez moi,

parce que votre beauté même sera mienne”.

samedi 14 juin 2014

Action de grâce et partage !

10ème T.O. Samedi  -    Action de grâce et partage !

Elie passe près d'Elisée et lui jette son manteau !
Geste simple d'un "appel" à un engagement total : Qu'Elisée prenne le manteau d'Elie pour lui succéder !
Le Seigneur Dieu avait fait cette suggestion à Elie qu'il avait voulu rencontrer en la montagne de l'Horeb où il s'était révèlé dans le simple signe d'un "murmure doux et léger" : "Tu oindras Elisée, fils de Shaphat, d'Avel-Mehola, comme prophète à ta place !" (I Rois 19.16)
Comme Elie, Jésus n'aura que des mots simples mais engageants pour traduire ses appels : "Viens, suis-moi !", mots qu'il ne cesse de répéter aujourd'hui encore !

Mais l'appel d'Elie, comme l'appel du Seigneur Jésus, demande toujours réponse rapide et totale !
S'il y a hésitations et surtout calculs de toutes sortes, Dieu, toujours soucieux de respecter la liberté qu'il a donnée à tout un chacun, dit simplement comme Elie à Elisée qui lui demande d'aller d'abord embrasser les siens : "Va-t-en, retourne là-bas ! Je n'ai rien fait !" - Je n'ai rien dit !

Alors, Elisée comprend et reçoit l'appel ! Il immole ses bœufs en signe de soumission à Dieu : il les fait cuire et en "donne à manger à ses gens qui mangèrent !". Cette phrase prophétise la multiplication des pains faite par Notre Seigneur... : Action de grâce envers Dieu et partage !

On dirait d'ailleurs que toute la vie d'Elisée est émaillée de ce signe eucharitique.
Il y a un épisode de sa vie assez amusant raconté à l'occasion d'une famine. Les "frères prophètes" qui entouraient Elisée formaient -disons - un "groupe charismatique" comme on en voit en tous temps. Toujours enthousiastes, ils faisaient fi parfois des règles d'hygiène élémentaires. Une fois, en temps de disette, ils pensent préparer un plat très "biologique" en ramassant toutes sortes d'herbes dans la campagne. Ils en firent un genre de potage qui fut une horreur ! On vint dire à Eliszée : "Il y a la mort dans la marmite !". On a beau être "charismatique", on conserve quand même un minimum d'odorat et de saveur des choses... Elisée arrive, "jette de la farine dans la marmite et dit : Versez aux gens et qu'ils mangent !" (1 Rois 4.28 sv). "Donnez vous-mêmes à manger", dira Notre Seigneur (Mh 14.16).

Un autre épisode est encore plus significatif  : "Un homme vient de Baal-Shalisha et apporta à l'homme de Dieu du pain de prémices : vingt pains d'orge et des grains frais dans un sac. Celui-ci ordonna : 'Offre au gens et qu'ils mangent !'. Mais son serviteur répondit : 'Comment servirai-je cela à cent personnes ?'. Il reprit : 'Offre aux gens et qu'ils mangent ! Car ainsi a parlé Dieu : 'On mangera et on en aura des restes !'. Il leur servit ; ils mangèrent et il y eut des restes, selon la parole de Dieu !" (2 Rosi 42).

On dirait que toute la vie d'Elisée est une permanente "eucharistie", se déroule sur un fond d'eucharistie. C'est dire probablement que toute réponse à l'appel de Dieu doit s'établir tout à la fois dans un geste vertical d'action de grâce envers le Seigneur.. et dans un geste horizontal de partage.

Jésus reprendra magnifiquement toutes ces données de bon sens et de foi :
"Et tandis qu'ils faisaient route, quelqu'un lui dit en chemin : 'Je te suivrai où que tu ailles !'. Jésus lui dit : 'Les renards ont des tanières ; et les oiseaux du ciel ont des nids. Le Fils de l'homme, lui, n'a pas où reposer la tête'.-  Il dit à un autre : 'Suis-moi !". Celui-ci lui dit : 'Permets-moi de m'en aller d'abord enterrer mon père !'. Mais il lui dit : 'Laisse les morts enterrer leurs morts. Pour toi, va-t-en annoncer le Royaume de Dieu'" (Lc 9.57).
La hiérarchie des valeurs est comme bouleversée, car il y a désormais, avec le Christ ressuscité que rappelle toute Eucharistie, une "tête de pont" par delà l'absurde, par delà la mort elle-même : "Laisse les morts enterrer les morts !". Toi, tu as à annoncer la "Bonne-Nouvelle" de la RÉSURRECTION, à annoncer le Royaume de Dieu, le Royaume de VIE !

"Un autre encore dit : 'Je te suivrai, Seigneur, mais d'abord permets-moi de prendre congé des miens !". Mais Jésus lui dit : 'Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière est impropre au Royaume de Dieu !" (Lc 9.61), au Royaume de vraie VIE ! - qu'annonce toute Eucharistie -. Ici, l'histoire de la charrue évoque, bien sûr, la réflexion faite par Elisée !

Nous avons toujours des progrès à faire pour vivre et annoncer l'Evangile de la Résurrection, l'Evangile de la VIE !

Et c'est bien en ce sens que Notre Seigneur nous dit aujourd'hui - et cette parole s'adresse à chacun d'entre nous - : "Votre parole sera oui, si c'est oui ; non si c'est non. Tout ce qui est en plus vient du Mauvais !".

Un "Oui" d'action de grâce et de partage ! Un "Oui" eucharistique ! Et cela suffit !