lundi 29 septembre 2014

La Paix de Dieu !

Fête de Saint-Michel 2014  - 

La fête de Saint Michel rappelait primitivement la dédicace de l’église qui lui était consacrée à Rome sur la voie Salaria, un des plus antiques sanctuaires de la Ville Sainte !

Et très vite, cette fête est devenue la fête des principaux anges dont les noms sont connus : Michel, Gabriel, Raphaël…, et ainsi également la fête de tous les anges. D’ailleurs les prières de la messe parlent beaucoup plus des anges que de St Michel lui-même… ou Gabriel, Raphaël… On peut même faire un parallèle : si la fête de St Pierre est devenue la fête de l’Eglise d’ici-bas, la fête de St Michel est la fête de toute l’Eglise du ciel, à laquelle nous sommes appelés à nous associer dès maintenant et pleinement au jour éternel.

Le culte des anges en général et celui de St Michel en particulier est très ancien. On en trouve trace dans de vieux manuscrits (sacramentaire léonien, martyrologe hiéronymien). Et, vous le savez : St Benoît fait mention très souvent des anges, de St Michel, considéré comme le défenseur de l’ordre établi par Dieu dès le commencement. Et justement, si St Benoît aime à citer les anges, c’est qu’il était un homme qui aimait l’ordre, “amator ordinis”. Et cela parce que l’ordre est source de paix, non seulement de cette paix extérieure, absence de guerre, de conflits, mais surtout de cette paix intérieure qui est la conséquence de l’union avec Dieu. La paix, c’est le sentiment de l’ordre, c'est-à-dire que tout est en place en soi-même, autour de soi, selon la volonté de Dieu.

En cette fête de St Michel, il me plaît de souligner cet aspect : car il nous importe de garder en son âme cette sérénité, ce calme, cette tranquillité qui viennent de la paix intérieure qui nous unit si fortement à Dieu. Lorsque notre âme est trop inquiète et manque de confiance par suffisance, lorsque notre esprit vagabonde et nous plonge dans des combats intérieurs que nous voulons vaincre par nos propres forces orgueilleuses, il n’y a plus la paix… On voit le diable partout, et surtout où il n’est pas ! Et c’est le trouble incessant ! Il nous faut alors entendre le cri de St Michel : “Qui est comme Dieu ?” A lui seul, il faut se confier… Sur Lui seul, il faut s'appuyer !

“La chose la plus importante, disait Dom Guéranger, est de ne jamais perdre le calme et de conserver la paix dans son âme. Qui se laisse troubler ne s’appartient plus et cesse d’entendre la voix intérieure de Dieu”.
Son oreille est bouchée, et il n’entend que sa propre voix qu’il finit - astuce suprême du démon - par attribuer à Dieu lui-même. On enferme Dieu dans ses pauvres petites idées. On se prend pour Dieu même. Et c’est la guerre intérieure. “Qui est comme Dieu ?”, avertit St Michel.
Dans le cours de la vie, bien des choses peuvent choquer. Faut-il pour cela perdre la paix de l’âme ? Assurément non ! Il n’y a de mal que dans ce qui nous sépare de Dieu. Et ce qui nous sépare de Dieu, c’est de se prendre soi-même, plus ou moins consciemment, pour Dieu !  Et le plus curieux, c’est que l’on devient alors facilement despote pour les autres et pour soi-même, sous prétexte de combattre le démon et chez les autres et en soi-même. On est en état de guerre permanente. Et ce n’est plus la paix.

Oh, certes, la vie chrétienne est un combat, et parfois un combat rude, à l’instar de celui que St Michel a mené et mène encore et mènera jusqu’à la fin des temps. C’est lui qui est chargé d’annihiler les ambitions de Satan à se faire Dieu. C’est lui qui consommera sa ruine définitive. En nous-mêmes ! Et si nous savons l’invoquer à chaque instant où le démon cherche à faire de notre âme son temple et non celui du Seigneur, il viendra à notre aide en poussant son cri victorieux qui rappelle la seule question que nous devons nous poser : “Qui est comme Dieu ?”

Protecteur du peuple de Dieu en butte aux attaques incessantes de l’Ennemi éternel, il est, de ce fait, le défenseur de chacun d’entre nous et tout spécialement à l’heure de la mort, à ce moment où la lutte contre Satan devient, selon la Tradition juive et chrétienne, devient plus dure et plus serrée.
Je me souviens d'un apophtegme des Pères du désert que je me permets  de vous transmettre de mémoire : Un saint moine était près de mourir. Satan lui apparut, lui disant : "Bravo ! Tu m'as résisté tout au long de ta vie. Tu es le plus fort !". Et le saint homme de lui répondre : "Attends encore trente secondes !". Et au bout de trente seconde, il mourut sans avoir cédé à la tentation de l'autosatisfaction, de l'orgueil !
Oui ! Confions-nous à St Michel. Dieu lui a confié le soin de toutes les âmes pour les conduire éternellement près de lui

Aussi, devons-nous avoir une dévotion toute particulière à St Michel. Puissions-nous, tous, être sous sa protection pour parvenir, dans la paix et la joie, à la demeure éternelle au moment où le Seigneur des anges et des hommes, l’aura choisi.

C’est la prière que nous pouvons faire aujourd’hui : “Fais, Seigneur, que nous sayons protégés sur cette terre par ceux qui, dans le ciel, servent toujours devant ta face”.

dimanche 28 septembre 2014

Repentir - miséricorde divine - Pardon

T.O. 26 Dimanche - 

Pour la plupart d'entre nous, nous commençons par répondre à Dieu comme le second des deux fils que l'évangile nous présente aujourd'hui. Nous lui disons : oui ! Comment pourrions-nous faire autrement ? Nous nous sentons responsables et du côté de ceux qui sont généreux pour s'engager pour Dieu, pour son Royaume. Il existe en nous, depuis toujours peut-être, comme un réflexe de générosité, que nous tenons presque comme un bien héréditaire, transmis de père en fils, et qui nous autorise, semble-t-il, à nous classer, sans examen véritable, du côté du bien, du côté de ceux qui se dévouent pour la bonne cause.

Mais cette générosité, apparemment sans faille, ne suffit pas à Jésus ; à cette droiture, presque naturelle, il manque quelque chose. Cette droiture naturelle est trop consciente d'elle-même, s'appuie sur elle-même, mais se referme aussi sur elle-même. Elle ne s'est pas encore heurtée à ses propres limites, n'a pas encore fait le tour de ses impossibilités. Elle ne s'est pas encore brisée dans un échec.

C'est pourquoi Jésus insiste sur le premier des deux fils : celui qui a commencé par faillir et dont la vie restera à jamais marquée par cet échec initial. Celui dont la générosité a été blessée dès le début, et qui a dû rentrer petitement, pauvrement, par la porte du repentir. Celui qui a dû se tenir devant Jésus, brisé dans son amour-propre et mendiant le pardon. C'est sur cette attitude que Jésus insiste : l'attitude de celui qui a commencé par dire non, mais qui, s'étant repenti, est allé quand même, comme à la dérobée, travailler dans la vigne.

Ceux qui ont trouvé la porte du repentir n'ont plus de générosité à eux. Toute leur générosité vient désormais du regard de pardon que le Seigneur, un jour, a posé sur eux. Et ceux-là savent ; ceux-là peuvent, ceux-là osent. Ils sont désormais les premiers : Zachée, le publicain ; Marie, la pécheresse ; et ce merveilleux inconnu que nous vénérons sous le vocable du bon larron. Ayant trouvé la porte du repentir, ils nous précèdent dans le Royaume.

Trouver la porte du repentir, ce n'est pas seulement un chemin qui nous conduit vite au Royaume de Jésus.  Mais c'est le seul chemin. Il n'y en a pas d'autre. Il nous faut tous passer par la porte du repentir, tôt ou tard, sans quoi il n'y aurait pas de part pour nous au Royaume, comme pour Pierre qui s'entêtait à ne pas vouloir être lavé par Jésus, au soir du Jeudi Saint. Il nous faut prendre garde, nous aussi, de ne pas nous entêter dans notre générosité, de ne pas demeurer prisonnier de nos œuvres, de notre bonne volonté, de nos réussites. Jésus ne peut pas nous abandonner ainsi à notre seule générosité. Il s'ingénie à nous sauver, à organiser notre vie de telle façon qu'il ne nous reste que peu de choses pour nous glorifier, et même que tout semble perdu pour nous, qu'il n'y ait plus que sa miséricorde.

Nous résistons longtemps à cette "ruse divine", si je puis dire. Nous voudrions sauver la face, mais un jour, au moment où notre générosité coutumière vient de nous trahir une bonne fois, nous nous retrouvons soudain dans le champ de la miséricorde, mêlés aux derniers des pécheurs, à ceux et celles qui précéderont les justes au Royaume. C'est alors seulement que nous savons vraiment rendre grâces et pleurer de joie en reconnaissant l'amour infini de Dieu.

Le saint Curé d’Ars avait bien compris cela : “Le plus grand plaisir de Dieu est de nous pardonner !“ - “Ce n’est pas le pécheur qui revient à Dieu pour lui demander pardon ; mais c’est Dieu lui-même qui court après le pécheur et qui le fait revenir à lui !“. - “Nos fautes, disait-il encore, sont des grains de sable à côté de la grande montagne des miséricordes de Dieu !“. Dieu est comme le berger qui porte la brebis retrouvée ; bien plus, il devient, en Jésus, l’agneau qui porte le péché du monde !

Croire à l'infinie miséricorde de Dieu, à son pardon absolu, c'est notre seul salut ! Nous sommes si faibles, pauvres, pécheurs ; nous sommes tellement "pure vacuité", disait le P. Sertillanges, que Dieu est notre seul recours, selon l'expression des psaumes ! Dieu faisait comprendre à Catherine de Sienne : Tu es celle qui n'est pas ; je suis Celui qui suis ! Si tu gardes en ton âme cette vérité, jamais l'ennemi ne pourra te tromper ; tu échapperas à tous ses pièges, tu acquerras sans difficulté toute grâce, toute vérité, toute clarté !".

Ce qui est merveilleux dans la Bible, c'est que Dieu prend toujours les hommes tels qu'ils sont et là où ils en sont. Et, grâce à son pardon incessant, gratuit, il les amène peu à peu à la perfection, à cette perfection d'être "à son image, à sa ressemblance", dès maintenant et pour l'éternité !

Cependant, il faut souligner que l’’Evangile nous montre ce que la prise de conscience du don et du pardon de Dieu pour chacun de nous doit avoir pour conséquence : nous devons être pour les autres ce que Dieu est pour nous ; nous comporter avec les autres avec la même gratuité que Dieu a manifestée pour nous !
Nous avons tous des sentiments de culpabilité qui continuent à traîner au fond de notre conscience ; le meilleur moyen de les exorciser est de nous comporter pour le prochain comme Dieu s’est comporté avec nous. “Lorsque tu vas présenter ton offrande à l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens  présenter ton offrande”. (Mt 5, 23-24). "Dieu pardonne beaucoup, a-t-on dit, sauf à ceux qui ne savent pas pardonner !". Et le Saint Curé d’Ars disait encore de façon assez catégorique : “Le Bon Dieu ne pardonnera qu’à ceux qui auront pardonné : c’est la loi !“.

Je crois que nous avons tous un effort à faire pour rétablir la hiérarchie des valeurs. Les meilleurs auteurs spirituels disent que le meilleur moyen de se débarrasser des scrupules et de nous faire pardonner les fautes que nous commettons tout au long de notre existence, est d’adopter pour les autres le comportement de bienveillance, d’accueil, et de gratuité de Dieu à notre égard, de faire pour eux ce que Dieu a fait pour nous. C'est alors que nous ressemblons à Dieu. Car si l'erreur, la faute sont humaines, le pardon, lui, est divin.

Ceux qui pardonnent véritablement sont souvent des êtres qui ont été eux-mêmes blessés. Mais, plutôt que d’étendre la contagion du mal qu’on leur a fait, ils l’arrêtent à eux-mêmes ! Ils en épuisent le venin. Au lieu de garder des poings serrés prêts au pugilat, ils ouvrent les mains pour toute générosité. Et la bonté finit par submerger la souffrance et la rancune.
Cette “transmutation“ qui s’accomplit souvent dans le secret est l’acte à la fois le plus humain et le plus divin…, le plus rédempteur ! Ceux qui pardonnent, non seulement transfigurent leurs propres blessures grâce au rayon divin du soleil de Pâques, mais contribuent à guérir la plaie qui court toujours sur le visage de l’humanité et qui la défigure depuis les origines : la violence ! 

Le repas eucharistique où le Seigneur nous accueille est d'abord celui des pauvres, des pécheurs pardonnés. Ceux qui sont encombrés de leur générosité, de leurs œuvres se sont déjà excusés ; le Seigneur les renvoie les mains vides. Mais ceux qui crient du fond de leur misère, et qui, malgré cette misère, gardent soif de sainteté, le Seigneur les accueille et les comble de son amour. C'est le seul acte chrétien qui sauve !

lundi 22 septembre 2014

Projet et contre projet !

T.O. 15 Lundi - Ecouter, voir le projet de Dieu

On le sait : les livres sapientiaux ont recueilli les sentences que la mémoire d'un "peuple de l'oreille" a glanées au cours de son histoire mouvementée, en réfléchissant à son passé religieux et au contact de diverses civilisations.

Ces livres émettent souvent des recommandations pour un "bien-vivre-ensemble". Et nombre d'entr'elles peuvent être encore observées avec grand bénéfice. On peut dire que c'est la sagesse des anciens qui nous est transmise, à l'exemple d'un père de famille très aiment à l'égard des siens : "Mon fils, est-il dit, n'oublie pas mon enseignement" qui n'est finalement que l'enseignement de Dieu, de la Loi divine !

Jésus ne nous présente-t-il pas Dieu lui-même comme un Père très aimant, comme véritablement "Notre Père" !
Et St Benoît en transmettant ses consignes (sa "Règle") commence ainsi : "Ecoute, ô mon fils ; tends l'oreille de ton cœur !".

Et c'est dans ce même esprit qu'il faut accueillir les sentences de l'évangile, comme celle que nous avons entendue et qui, de prime abord, est quelque peu déconcertante : "Soyez attentifs à la manière dont vous écoutez, car, si quelqu'un possède, on lui donnera ; et si quelqu'un ne possède rien, on lui enlèvera même ce qu'il croit posséder !".

La formule semble exprimer finalement une expérience de tous temps, de tous lieux : il faut faire valoir son bien sous peine de le perdre. "C'est en forgeant que l'on devient forgeron", disons-nous. Faute de travailler, le risque est grand de tout perdre. Et cette sentence se vérifie en tous domaines : matériel, artistique, intellectuel... et aussi, et surtout peut-être, dans le domaine spirituel.

Car en notre évangile, il est fait référence à un bien spirituel qui nous est donné pour éclairer notre vie : la lampe dont il est question, n'est-elle pas la lumière de la foi, cette "Lumen fidei" dont nous a magnifiquement parlé le pape François en son encyclique. Cette "Lumière" nous a permis, nous permet de "rencontrer Dieu" - je dirais de "faire l'expérience intime de Dieu" -, de rencontrer Dieu et de rencontrer nos frères en Jésus, Dieu fait homme.
Et si nous ne tenons pas ferme en cette foi, en cette "rencontre avec Dieu", nous ne pourrons nous maintenir, disait déjà le prophète Isaïe (7.9) dans un jeu de mots célèbre que rappelle le pape (ta'aminu - ta'aménu) : "Si vous ne tenez pas fermes (dans la foi) vous ne pourrez tenir", vous ne vous maintiendrez pas !
Et le prophète dira de ceux qui, finalement, laissent de côté la lampe de la Lumière divine :
- Ils regardent sans regarder : ce sont des aveugles, totalement !
- Ils entendent sans comprendre : ce sont des sourds totalement !
Oui, ils ont tout perdu. "Celui qui ne possède rien, disait St Luc, qui ne possède plus cette lumière, on lui enlèvera même ce qu'il croit posséder". Car, déjà, il n'a plus rien !

Aussi, St Marc, dans un contexte semblable (parabole du semeur) conclura : "Faites donc attention à ce que vous entendez" (4.23). Et pour St Marc, l'objet de l'attention, c'est l'enseignement du Seigneur, sa Parole, qui exige grande attention. St Luc nous dit aujourd'hui : "Faites donc attention à la manière dont vous écoutez !"

Si tous les évangélistes insistent ainsi sur la façon d'écouter, sur la manière d'accueillir la "Lumière" de Dieu - la foi -, c'est qu'il y a grand danger de distraction, - de "divertissement", disait Pascal -, danger d'autant plus grand qu'il peut être sournois, danger de tout perdre.

Toute la Bible nous avertit. Il suffit de remonter au début de l'humanité pour s'en convaincre.
Vous savez sur quel fond de tableau commence l'histoire d'Abraham,  notre "Père dans la foi"..., c'est-à-dire l'histoire de chacun de nous :
L'humanité - l'homme créé pourtant "à l'image de Dieu" - s'est comme désintéressée de Dieu, n'a pas écouté, et même a élaboré comme une sorte de contre-projet à celui de Dieu. Il y a un symbole extrêmement impressionnant, dans la Bible, que l'on retrouve tout le temps : "faire des briques !". "Faisons des briques et construisons une tour...". C'est la fameuse tour de Babel. "Faisons des briques !" (nilbenah levenim) (Gen 11.3). On retrouve cela avec les pyramides d'Égypte.

Dieu a éternellement un projet ; il met l'homme en marche vers une ville dont il est, Lui seul, "l'architecte et le fondateur" (Heb 11.10) ; et cette ville sera faite de pierres précieuses, dit St Jean. - C'est la Jérusalem nouvelle décrite par l'Apocalypse (Apoc 21.11sv), cette "Jérusalem", but de notre pèlerinage terrestre !
Et au lieu d'écouter, de rentrer dans le projet de Dieu avec enthousiasme, foi, espérance et amour, l'homme élabore des contre-projets : il "fait des briques !".
On est fait pour les épanouissements de la fécondité (humaine et divine tout à la fois) et voilà que nous tombons dans les esclavages de la production : "faire des briques !" Et encore des briques !
Or, nous sommes tous tentés d’échanger cette logique de fécondité contre la production, l’esclavage de la production : "faire des briques" !

Et on peut faire des briques en étant curé, par exemple si on ne pense qu'à ce que l'on fait, à ce que l’on élabore, à ses plans, ses idées, ses projets et que l’on oublie de... prier tout simplement ! Au lieu de mettre Dieu au centre !

On peut "faire des briques" quand on prêche, quand on "fait" des "retraites" ; on est tellement pris par son action, son art oratoire, ses idées, par le plan des prédications diverses… etc, ce qui est, certes, très nécessaire. Mais, en fait, on risque toujours d'élaborer son système à soi et d'adorer l’œuvre de ses mains..., de sa tête, de son intelligence !

On peut "faire des briques" lorsque l'on est moine, moniale, de faire grande attention à la manière de chanter (si nécessaire), mais en oubliant finalement de louer Dieu véritablement (même s'il y a quelques fausses notes !)... Il y a une façon d'organiser ses journées, son travail en observant parfaitement la "Loi", les préceptes, les traditions, comme les pharisiens au temps de Notre Seigneur, et d'oublier de reconnaître Dieu en toutes choses !
Bref, on peut admirer, promouvoir la beauté architecturale de sa cathédrale en oubliant totalement le Saint-Sacrement !
C'est ce que j'appelle facilement "l'inversion sacrilège" ! On oublie Dieu !

Et alors que ce passe-t-il ? Au lieu de remonter vers son Créateur dans un grand élan d'action de grâces, de convergence eucharistique où il trouve son harmonie, l'homme retombe dans le chaos, dans la multiplicité du chaos qui disperse, distrait et nous entraîne au néant. C'est l'histoire de la tour de Babel à répétition.

Aussi St Luc nous redit aujourd'hui : "Soyez attentifs à la manière dont vous écoutez, car, si quelqu'un possède, on lui donnera, et si quelqu'un ne possède rien, on lui enlèvera même ce qu'il croit posséder !".

dimanche 21 septembre 2014

Le mal !

T.O. 15 Dimanche - Action divine !

"Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes pensées au-dessus de vos pensées !", nous dit Dieu à travers le prophète Isaïe. Et Notre Seigneur nous pose une question cruciale sur l'action divine qui nous paraît parfois incompréhensible : "Ton œil doit-il être mauvais parce que je suis bon ?"

Cet évangile des "ouvriers de la onzième heure" nous rappelle un des paradoxes et l'un des scandales les plus importants de notre foi.
- Le paradoxe : Dieu a accepté d’être vaincu par l'homme. C'est clair dans la parabole comme dans le combat de Jacob avec l'ange : "Voyant qu'il ne pouvait pas le vaincre", dit le texte biblique en parlant de l'Ange en face de Jacob. Et dans la parabole d'aujourd'hui, il y a un aveu fait par Dieu lui-même de la consistance de notre liberté : l'homme peut utiliser même la bonté de Dieu pour le refuser : "Ton œil doit-il être mauvais parce que je suis bon ?"
- En face de ce paradoxe, un scandale, le plus terrible qui soit : celui du mal. Comment affirmer la bonté de Dieu devant le mal partout présent ? Ne serait-ce que celui du chômage à travers le monde, ce mal qui engendre des conséquences si néfastes. Terrible question toujours renaissante : comment affirmer la bonté de Dieu devant le mal qui s'étale et gangrène nos sociétés, même les plus favorisées économiquement.
Et, là, il faut rester très modeste. On ne peut proposer que quelques bribes de la pensée chrétienne de tous les siècles.

Car on peut dire...  bien sûr... on peut dire :
- Et d’abord - car il faut, une bonne fois, commencer par un constat simple - : Nous avons tous fait le rêve d'une création parfaite. Or c'est une idée impossible. Il n'y a pas d'univers parfait. S'il existait, cet univers, mais il serait Dieu lui-même.  Un exemple peut nous aider à comprendre : c'est aussi contradictoire de vouloir un univers parfait que de vouloir une vitesse infinie. Il y aura toujours une plus grande vitesse. Ainsi de la création. S'il y a une création et qui n'est pas "Dieu Parfait", elle est obligatoirement limitée.  Oui, on peut dire, il faut dire cela !

- On peut encore ajouter, bien sûr : Il est laissé à notre liberté de suppléer aux limites inévitables du réel, aussi scandaleuses, voire insupportables que nous apparaissent parfois ces limites. C'est la splendeur de notre possibilité de créer. Nous avons un pouvoir du meilleur, un pouvoir de nous dépasser pour faire grandir la création. Dieu nous a confié ce pouvoir de bonté : et c'est cela la liberté, cette possibilité de choisir un "plus", un "davantage".
Oui, on peut dire, il faut dire cela !

- A cela il faut ajouter encore une autre réflexion. Car cette liberté dont nous jouissons, il faut reconnaître que nous l'utilisons souvent très mal. Là, nous sommes nous-mêmes défaillants. Personne n'aura vraiment rempli sa "feuille de route", personne ne peut prétendre avoir accompli le "contrat".

Ainsi donc,
Premier constat : les limites obligatoires au monde créé.
Un deuxième : une liberté, notre liberté créatrice
Et le troisième tient en un mot : Solidarité !
Car c'est vrai, par ma faute, il y aura une partie du plan du monde qui n'aura pas été rempli ; cependant, la "Communion des Saints" y supplée et y suppléera. A chaque époque, il a, il y aura toujours des Vincent de Paul, des Sr Emmanuelle et des Mère Térésa qui se lèvent et se lèveront pour accomplir ce que je n'aurais pas fait. Nous ne sommes pas seuls, nous faisons partie de la Famille humaine, et c'est le formidable miracle du dépassement de soi pour les autres, de la "Communion" entre les hommes ! St Paul le souligne à sa façon : "Je voudrais bien m'en aller pour être avec le Christ ; mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est beaucoup plus nécessaire" pour encore propager le "Bien", le "Bon" de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ !

Oui, on peut dire tout cela. On pourrait ajouter : même un non-chrétien peut éventuellement dire cela. On appellera peut-être la "solidarité" autrement que "communion des saints", mais c'est bien la raison de tout effort humain : apporter sa pierre à l'édifice du monde.

C'est vrai ; et c'est là, justement, que demeure une ultime question, la plus terrible : car si, finalement, j'admets, pour tout cet édifice de l'univers créé, et ses limites obligatoires, et notre liberté créatrice mais défaillante, et notre solidarité difficile, si j'admets bien tout cela, il reste cette question fondamentale : mais pour quoi fallait-il tout cet édifice lui-même ?
Émerge alors en nous-mêmes non plus seulement le scandale du mal mais celui de l'existence de ce monde lui-même, formulé parfois jusqu'à la limite de la révolte par l'homme : "Si le monde, dit un romancier, si le monde permet le supplice d'un enfant par une brute, je ne m'oppose pas à Dieu mais je rends mon billet. Laissez-moi m'enfuir de ce monde. Car que vaut cette harmonie où il y a un tel enfer ? Je ne veux pas qu'on souffre davantage. Je me hâte donc de rendre mon billet d'entrée dans un tel monde. Non que je ne veuille pas qu'il y ait un Dieu, éventuellement ; mais très respectueusement, je lui rends mon billet d'entrée dans un tel monde !"
C'est peut-être notre propre cri avec notre envie de fuir devant le mal !

Ici, nous sommes à l'ultime question : devant la souffrance de l'innocent, je reste totalement désarmé. Et je constate bien que la révolte n'arrange rien : le mal ne peut être combattu avec les armes du mal, c'est évident. Mais alors, je reste avec mon interrogation suppliante, avec ma question angoissée, celle du Job de tous les siècles : "Pourquoi, pour quoi, Seigneur ?"

Alors, ici, chacun de nous est invité, par la voix qui a lancé les mondes et les univers, à entrer dans ce murmure où c'est Dieu lui-même qui, vaincu par l'homme en quelque sorte, où c'est Dieu lui-même qui se confesse.
Mais il ne se confesse que si nous nous confessons nous aussi. Il ne se confesse que sur la Croix et, nous, au pied de la Croix. Il se confesse en prenant la souffrance du monde ; nous nous confessons en lui remettant notre souffrance. La rencontre ne peut avoir lieu que là, à la Croix. L'étape ultime n'est plus seulement une réponse, c'est une présence. Là, il a pris sur Lui le mal jusqu'à l'agonie et le supplice. Là, il a rempli par sa présence notre supplication. C'est à ce prix, nous dit St Paul, que "la grandeur du Christ sera manifestée en mon existence", en admettant, en comprenant que les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées.

Car désormais,
chaque fois que, devant le mal, nous entendons une voix demander : "Où est Dieu ?",
chaque fois que notre corps, que notre cœur, que notre esprit est écrasé et qu'il redemande : "Où est Dieu maintenant ?",
et chaque fois que l'obscurité fait naître en nous tous la question : "Où est-il donc, ton Dieu ?",
sachez que depuis le Jardin des Oliviers, que depuis le Golgotha, que depuis le gibet du Calvaire, on peut entendre, on a le droit d'entendre, venue de notre souffrance elle-même, la seule réponse : "Il est ci, sur la Croix, dans le mal du monde !"

Oui, sans doute, il y a bien une réponse notionnelle au problème du mal. Mais elle est insuffisante. "Pourquoi, Seigneur, pour quoi ?"
Seul l'amour peut pressentir l'ultime réponse : les limites obligatoires du créé, l'échec possible de notre liberté, la faillite éventuelle de notre solidarité, tout cela n'a de sens que parce que toute cette création limitée nous permet cependant d'exister et nous destine à nous rendre semblables à Dieu, à nous unir à Lui, à nous perdre en Lui. L'univers serait bien une farce atroce s'il n'était pas destiné à nous rendre "capables" de nous unir à Dieu ! 

Et pour atteindre ce but, Dieu lui-même, en Jésus-Christ, comme vaincu paradoxalement par Jacob, par Job, par l'homme souffrant de tous les temps, Dieu est venu se confesser à lui de l'imperfection obligatoire de ce monde créé qui nous donne cependant d'exister. Et cette confession amoureuse, il l'a faite dans la souffrance partagée, sur la Croix, portant sur Lui le mal pour nous en sauver : Lui, de condition divine, il s'est fait homme créé, limité, il s'est anéanti pour nous élever, pour que l'homme devienne Dieu.

Et nous adhérons à ce plan divin qu'en suivant son exemple, en venant au pied de sa Croix pour confesser, à notre tour, le mal qui est en nous, en le lui offrant pour qu'il le purifie dans sa souffrance partagée, et qu'en le purifiant sur sa Croix, il nous élève jusqu'à sa gloire ! C’est tout le sens du sacrement de réconciliation malheureusement si oublié.

En refusant l'idée de ce sacrement, c'est comme si on refusait définitivement la seule réponse au mal parce qu'on refuse alors la possibilité même de l'attirance de Dieu qui est venu partager nos limites, nos souffrances, par amour, pour nous en libérer. On refuse alors qu'il puisse nous aimer.

Puissent ces quelques balbutiements sur une question si difficile pour notre entendement humain - car les chemins de Dieu ne sont pas nos chemins -, nous faire percevoir, du moins, la justesse de la confidence pleine de tendresse de Notre-Seigneur : "Faut-il que ton œil soit mauvais parce que je suis bon ?"

jeudi 18 septembre 2014

Résurrection des corps !

24 T.O. Vendredi 12/B       -  (I Co. 15.12-20)

St Paul aborde, dans sa lettre aux Corinthiens, le thème principal de sa prédication, et qui est le fondement de la foi chrétienne : la Résurrection du Christ et, conséquemment, notre propre résurrection.
Cette prédication essentielle avait été pour lui l'occasion d'un échec cuisant à Athènes ; il en avait beaucoup souffert, lui qui avait rencontré le Christ vivant sur le chemin de Damas : Paul, lui avait dit en quelque sorte le Christ, tu continues à me persécuter en persécutant corporellement mes frères, mes disciples, eux qui sont destinés à vivre pour toujours avec moi !

Depuis lors, l'apôtre s'attachait à présenter cette réalité de la Résurrection chez les Corinthiens devenus disciples du Christ. Mais la pensée philosophique grecque véhiculait encore chez certains des préjugés contre la matière : le corps, pour une Grec, n'était finalement qu'un tombeau, qu'une prison dont il fallait sortir pour atteindre la vie véritablement, la vie plénière de l'esprit sans le corps !
L'apôtre évoquera à nouveau cette pensée contraire à la foi chrétienne à son cher Timothée : Quant aux bavardages impies, écrira-t-il, évite-les. Ceux qui s'y livrent... se sont écartés de la vérité en prétendant que la résurrection a déjà eu lieu ; ils renversent ainsi la foi de plusieurs(II Tm 2 16-17).
“La résurrection a déjà eu lieu !“, disent certains. Paul vise ceux qui faisaient allusion au baptême conçu, reçu comme une "résurrection spirituelle". Et, de ce fait, ils niaient alors la résurrection des corps !

Ainsi, dans sa lettre aux Corinthiens, Paul ne se lasse pas de répéter les mêmes mots, les mêmes expressions comme dans une argumentation pressante : certains disent, accuse-t-il, qu’il n’y a pas de résurrection des morts ! Mais s’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi. Raisonnement qu’il reprend pratiquement aussitôt une seconde fois ! Il argumente :
- S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et toute notre espérance s’écroule ! (v/12-19)
- Mais heureusement, le Christ est ressuscité. Et nous serons tous vivifiés par lui (V/ 20-28).
- Sinon, tout ne serait qu’inconséquence ! (V/29-30). Alors, dira-t-il, cyniquement, "mangeons et buvons, car demain, nous mourrons !".

Sans doute, Paul argumente-t-il du fait que le Christ et les hommes ont commune nature ! Et grâce à ce lien, il y a relation causal : si notre résurrection, qui est un effet de celle du Christ, doit ne pas avoir lieu, c’est que la cause n’a pas été posée. Cette pensée logique s'appuyait sur la notion de ce qu'on appellera par la suite : le "Corps mystique" du Christ : si le Corps ne ressuscite pas, pourquoi la tête (le Christ) serait-elle ressuscitée ? Cette idée est très belle et très juste en soi ! Paul l’avait probablement présente à la pensée ; il la présuppose et l’esquissera un peu plus loin et la formulera par ailleurs. Mais, en notre texte, il ne l’exprime pas expressément !

Il préfère, semble-t-il, appuyer son argument sur cette réflexion qui lui paraît encore plus importante : si le Christ n’est pas ressuscité, non seulement notre foi est sans appui, mais nos péchés demeurent en nous, ces péchés si impitoyablement décrits au chapitre 6ème de sa lettre et dont les Corinthiens se figuraient être délivrés ! St Paul marque, là, une profonde et irréversible relation entre “Résurrection du Christ“ et “Rédemption“ : seul le Christ glorifié donne l’Esprit qui efface les péchés ! Un chrétien est déjà ressuscité (Rm 6.1-7 ; Col 3.1) parce que l’Esprit est, en lui, prémices du monde à venir (Rm 8.11-25 ; 2 Co. 5.5). – Si en effet nous croyons que Jésus est mort et qu'il est ressuscité, de même aussi ceux qui sont morts, Dieu, à cause de ce Jésus, à Jésus les réunira… Ainsi nous serons avec le Seigneur, toujours“. (I Thess 4.13sv).

Un Christ vaincu par la mort ne peut avoir détruit le péché dont la pénalité est la mort ; si la mort a été plus forte que lui, c’est que le péché conserve sa domination. Bien sûr, en cette argumentation, il faut avoir à la pensée la thèse que Paul défendra toujours : il y a un lien entre la mort et le péché ! Et, dans cette optique, l’apôtre de préciser les conséquences : si le Christ n’est pas ressuscité, “ceux qui sont morts dans le Christ sont perdus !“. Et nous ici-bas, “si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes !“. Nous sommes sans espérance véritable !

“Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement...". Cette dernière phrase a fait couler beaucoup d’encre, selon l’importance que l’on donne à l’adverbe “seulement“ !
- Si le Christ n’est pas ressuscité, notre espérance serait ridicule si elle ne porte que pour la vie présente, seulement ! Cela reviendrait à dire comme les chrétiens auxquels faisaient allusion Paul à Timothée : la résurrection a déjà eu lieu par le baptême. Et cette force baptismale devrait nous donner - plus ou moins, certes -, mais devrait nous donner quand même le bonheur dès ici-bas !
Réflexion qu’un prêtre entend souvent à l'occasion de telle ou telle souffrance ou épreuve : Si Dieu existe, si le Christ est ressuscité (en moi, par le baptême)…, tous ces malheurs ne devraient pas arriver !
Et puis, autre conséquence : renoncer aux jouissances légitimes du temps présent comme l’ont fait les apôtres - et Paul lui-même, et bien d'autres après lui -… serait alors une duperie, une stupidité si notre espérance suppose que l’on ne puisse attendre du Christ que des avantages terrestres ! Quel malheur !

- Et en faisant porter l’adverbe “seulement“ sur le verbe “espérer“ ou sur l’ensemble de la phrase, on peut encore argumenter : si nous n’avons “rien qu’une espérance“ seulement, -[et, bien plus - loin de moi cette pensée -, “rien que pour cette vie seulement“,] alors oui, “nous sommes les plus à plaindre des hommes !“

Mais non !, affirme fortement l'apôtre.
Nous le savons bien : notre espérance n’est pas sans objet puisque le Christ est ressuscité ! Et, dès lors, les chrétiens ont mis une fois pour toutes leur espérance dans le Christ-Sauveur, le médiateur unique !
Il écrira encore à son cher Timothée :
“Il n’y a qu’un seul Dieu,
qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes,
un homme : Christ Jésus
qui s’est donné en rançon pour tous…
Voilà mon témoignage !“  (I Tim 2.5)
Parce que le Christ est bien ressuscité !

Puissions-nous toujours vivre de cette grande réalité ! Le Christ est bien ressuscité... Il vit en nous pour nous amener à une vie plénière en sa gloire !

dimanche 14 septembre 2014

La CROIX !


Fête de la Croix glorieuse du Christ 2014

Voici qu'aujourd'hui la liturgie nous remet en mémoire le Calvaire, lieu de souffrance où deux mondes se sont affrontés. 
- celui de la haine, de la violence, de la peur et de l'orgueil : quand tous les coups sont bons pour écraser l'autre dont on veut se débarrasser !
- et puis celui du pardon et d'un amour sans limite !

Toute la Bible décrit ce combat, surtout le livre des psaumes : Oui, la vie est une combat qui exclut l'indifférence ! Pour ce combat, il y a deux camps, deux ennemis. Et le choix est exigence, risque ! On ne peut s'y soustraire !

Et pour ce combat, chacun a sa route, sa voie... Il y a la route des Ténèbres et la route de la Lumière, la "lumière de la foi" - "lumen fidei", dira le pope François. Ces routes se partagent l'universalité du réel et elles coexistent dans le temps et dans l'espace où elles définissent la frontière d'une guerre. Et sur cette ligne s'inscrivent les déchirements de l'histoire et tous nos drames personnels.

La plénitude des temps, la réalisation des promesses divines pourront seules faire cesser ce meurtrier combat. C'est un drame, c'est notre drame ! Il a commencé aux premiers jours de la Création, se déroule aux exils et aux calvaires de l'histoire, il s'achèvera dans la gloire divine.

D’après les psaumes, les deux grands acteurs de ce duel sont l'Innocent et le Révolté. Tous deux disent non : 
- l'un refuse la voie de Lumière ; l'autre celle des ténèbres. 
- l'un dit non à l'iniquité du monde ; l'autre à la souveraineté de Dieu. 

Et, devant le Calvaire du Christ que nous rappelle la liturgie, chacun doit choisir son camp ! En sachant que la croix tant redoutée des condamnés n'est devenue la croix glorieuse qu'après la résurrection. En ce jour pascal apparut alors avec éclat le destin et le sens de la vie de l'homme : la vie plus forte que la mort ; l'amour plus fort que la haine ! – Oui, deux mondes s’y sont affrontés et s’affrontent toujours ! Car le drame de l'immense combat continue et continuera de siècle en siècle et semblera parfois tout engloutir.

Alors, sans relâche, les disciples du Christ, ayant médité sur l'intensité d'amour enclose dans sa mort, doivent empêcher, chaque jour, que notre monde redevienne un enfer de souffrance ! Ils doivent faire la preuve éclatante et glorieuse qu'un monde d'amour est possible, sans, pourtant, que l'autre soit éliminé totalement ici-bas ! Au calvaire – et nous y sommes souvent -, chacun doit choisir !

Autour de la croix du Christ, nous remarquons d'abord les soldats. Ils sont les exécutants, les bourreaux. Ils sont les exécuteurs de la peur de Pilate, qui s'en "lave les mains". Il élude ses responsabilités ; il veut sauver la face et sa place ! Serions-nous de son côté ?

Il y a le groupe compact de l'orgueil et de la haine : les docteurs de la Loi, pharisiens, garants de la condamnation portée par le Sanhédrin. Ils n'ont pas voulu remettre en cause leurs certitudes devant la Vérité du Christ ; elle menaçait leurs privilèges religieux. Ceux-là, à la différence de Nicodème, l'un des leurs, n'ont pas essayé d'accueillir la nouveauté de la tendresse de Dieu. "Il en a sauvé d'autres ; qu'il se sauve lui-même. Il à mis sa confiance en Dieu ; qu'il le sauve maintenant, s'Il tient à lui ; car il a dit : Je suis le Fils de Dieu". Bref, ils se moquent et leurs moqueries se répercutent en échos jusqu'à nous. Car il y en a toujours de ces entêtés qui ne veulent pas accueillir la vérité de l'Amour de Dieu. Et leur entêtement se manifeste par des moqueries à l’égard des autres. 

Voici encore les truands, pris au piège de la violence et d'une force qui les domine. L'un d'eux, en croix lui-même, exhale son impuissance ; il blasphème ; il provoque ; il cherche une échappatoire ; il n'arrive pas à sortir du cercle de la violence. 

Enfin, il y a ceux qui sont pris de panique, lors des risques à prendre. Les Apôtres, d'abord. Pour eux, tout bascule : leurs projets trop humains des réussites faciles ; leurs convictions mal purifiées. Ils se cachent. Les chrétiens se cachent aussi, parfois ! 

Et ainsi le drame du Calvaire va se répétant de siècle en siècle. Aux heures des grandes mutations de toutes les époques, quand sont en jeu un certain nombre de valeurs essentielles, les passions se réveillent ! Ce qui est au fond du cœur se manifeste. Tout un monde d'oppression, de domination, d'orgueil et de violence sort de l'ombre pour planter des croix et y accrocher leurs victimes.

Aujourd'hui encore, dans des dizaines de nations, on les voit à l’œuvre, ces tenants de ce monde de ténèbres, au grand jour de leur légalité. Ils emprisonnent, torturent, essaient d'écraser et d'anéantir les personnes avant de les tuer. Il est inutile de le nier ; au contraire, il faut le crier ! Des responsables ne peuvent plus défendre la justice, lorsqu'ils risquent des complications. La peur fait taire les autres. "Je ne connais pas cet homme", dira Pierre à propos de Jésus !

Et même avouons-le : ce que l'on voit avec éclat dans certaines parties du monde, existe aussi en miniature dans notre vie quotidienne et toute proche. Ils sont innombrables les petits qui se débattent au milieu de toutes sortes d'abus, d'injustices, de pression, de mépris. Autour d'eux l'indifférence ou le silence des égoïstes. Ils tiennent à leur tranquillité. – Et cela dans le monde social, sans doute, mais aussi au sein même de nos familles tristement divisées parfois !

Ces humbles ont besoin du Christ pour éclairer leur chemin de croix : "Celui qui voudra sauver son âme la perdra". Oui, le vrai chrétien ne peut rester indifférent. "Si quelqu'un veut faire route avec moi, qu'il se charge de sa croix". On ne peut loyalement s'en décharger sur les autres !

Oui, notre seul exemple, c’est le Christ ! Au calvaire, au milieu de toute cette turpitude acharnée, le Christ met intensément sa confiance en Dieu, son Père. Il murmure : "Père, je remets ma vie entre tes mains". Aucune trace de désespoir ; aux moqueries des uns et aux blasphèmes des autres, voilà la réponse.

Alors que tout semble s'écrouler, Jésus témoigne d’un monde de pardon et l’amour déborde de son cœur. "Père pardonne-leur ; ils ne savent ce qu'ils font". Il témoigne d'un monde d'espérance contre toute espérance : "Ce soir, tu seras avec moi en paradis". 

Le Royaume de Dieu ne fait que commencer. Et Marie reçoit une mission qui s'étendra à tous ceux qui croiront au Christ. "Mère voici ton fils", lui dit Jésus en désignant Jean qui nous représente. 

A la suite du Christ, aujourd'hui encore et depuis la résurrection, des chrétiens témoignent en toutes circonstances. En des circonstances parfois très difficiles. Nous en connaissons. Ils forment le témoignage de la croix du Christ, de sa croix victorieuse de tout mal par amour. 

Oui, la croix d’infamie des condamnés est devenue glorieuse par tout l’amour dont le Christ lui-même l’a embellie… et encore par tous les gestes d’amour et de pardon qu’elle a suscité depuis deux mille ans ! 

Oui, au Calvaire et devant tous les calvaires du monde et de nos vies, c’est là que nous avons à choisir : 
- le chemin de la haine. 
- ou celui de l’amour, avec le Christ ressuscité ! 

Oui, la vie est un combat qui exclut l'indifférence ! Et pour ce combat, chacun a sa route, sa voie... Il y a la route des Ténèbres et la route de la Lumière. Mais le chrétien sait que sa route aboutira à la croix glorieuse du Christ !

lundi 8 septembre 2014

Etre demeure de Dieu, avec Marie !

8 Septembre : Nativité de la Vierge Marie            (Michée 5.1’4 ; Mth 1.1-23)

La lecture du prophète Michée nous emmène directement à Bethléem : “Toi, Bethléem Ephrata, le plus petit clan de Juda, c’est de toi que je ferai sortir celui qui doit gouverner Israël“.
- Bethléem, c’est la ville de David, parce qu’il y est né !
- Jérusalem, c’est la ville du roi David qui a choisi Sion, cette toute petite montagne, pour que Dieu vienne “y faire habiter son Nom“ !

- Jérusalem, c’est la ville des accomplissements éclatants…
- Bethléem, c’est la ville des origines obscures.

Entre l’époque de David et la naissance du Messie, à la plénitude des temps, un grand silence plane sur cette bourgade de Bethléem. Il n’est rompu, dans l’Ancien Testament, que par deux textes : le livre de Ruth, - Ruth qui est nommée paradoxalement, elle la Moabite, dans la généalogie du Christ selon St Matthieu ; et ce texte de Michée que la liturgie invite à méditer en ce jour.

“Après un temps de délaissement, dit Michée, viendra un jour où enfantera celle qui doit enfanter“. St Luc fait allusion à ce verset dans le récit de la nativité de Jésus : “Or il advint, comme ils (Joseph et Marie) étaient là, que les jours où elle (Marie) devait enfanter furent accomplis“ (2.6). L’évangéliste a bien compris que ce verset de Michée avait une valeur prophétique non seulement comme annonce de la naissance du Messie, successeur de David, nouveau roi en Israël, mais relativement aussi à celle que Dieu avait prédestinée de toute éternité à être sa mère et dont nous célébrons aujourd’hui la naissance. Comme elle était à Bethléem... où elle devait enfanter ...
Bethléem, lieu caché des origines du Messie…

Et le lieu de la naissance de sa mère est encore plus obscure tant les grandes œuvres de Dieu ne se déchiffrent que peu à peu tout au long de l’existence. Le Seigneur choisit également chacun d’entre nous pour une mission ; et nous partons, comme Abraham, comme tant d’autres, comme la Vierge Marie, “sans savoir où nous allons“ pour accomplir une œuvre que nous avons à déchiffrer jour après jour.

Oui, le lieu de naissance de La Vierge Marie reste bien obscur. Au temps des croisades, on avait cru découvrir ce lieu en la ville de Sepphoris, naguère capitale secondaire d’Israël, en basse Galilée, à quelques kilomètres au nord de Nazareth. Et l’on y voit aujourd’hui encore les restes d’une basilique bâtie à cette époque en l’honneur de Sts Anne et Joachim.

D’autres livres, apocryphes, très exploités par l’iconographie traditionnelle localisent la maison de la naissance de Marie à proximité du temple de Jérusalem. Et l’Eglise vénère toujours cette tradition tant occidentale qu’orientale ; cette tradition nous a valu une des plus belles réussites architecturales chrétiennes en la ville sainte : l’église Sainte Anne près de l’emplacement du temple.

Historiquement, rien n’est sûr, évidemment. Cette tradition est un bel exemple des transpositions que l’on a souvent fait des certitudes théologiques les plus belles en des lieux et espaces qui viennent les conforter. Marie, dans cette hypothèse, serait née près du temple parce que n’est-elle pas, Marie, le nouveau temple du Seigneur, la nouvelle arche de Dieu, la demeure de Dieu au sens plénier, demeure qui n’est pas faite “de mains d’homme“ (cf. Mc 14.58) et que la présence divine envahit à la plénitude des temps ? “Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme“ (Gal 4.4).

L’évangile de ce jour, lui, nous invite à concentrer notre attention, à l’école de Matthieu, ce “bon scribe qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien“ (Mth. 13.52), sur le texte qui fait charnière entre l’Ancien et le Nouveau Testament, cette généalogie de Jésus qui résume toute l’Histoire sainte en la faisant converger vers ce verset : “Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, en laquelle fut engendré Jésus que l’on appelle le Messie“.

Cette généalogie se termine à Joseph. Mais Matthieu, à propos de Marie, se souvenant du mystère de la “Demeure“ de Dieu au milieu de son peuple, élargit aussitôt la perspective en dépassant les continuités dynastiques de l’Ancien Testament : “La Vierge concevra et mettra au monde un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel qui se traduit : ’Dieu avec nous !’“. Marie est bien le temple de Dieu ! La Demeure de Dieu ! En cela, Matthieu rejoint Luc qui, lui aussi, se réfère au thème si riche de signification, ce thème de la “Demeure“ : “La puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre ; et celui qui naîtra de toi sera appelé Saint et Fils de Dieu !“ (Lc 1.35). C’est, dans l’exode, le langage de la Gloire divine qui remplit la “Demeure“ quand sa construction est achevée : “La nuée couvrit la tente du rendez-vous ; et la gloire de Dieu emplit la demeure“ (Ex 40.30), texte qui sera repris par Salomon lors de l’inauguration du temple de Jérusalem : “La nuée remplit le temple de Dieu… La gloire de Dieu remplissait le temple !“.

Finalement, en cette fête de la nativité de Marie, la liturgie nous invite à méditer sur la prédestination éternelle de celle qui devait être la “Théotokos“, la “Mère de Dieu“ !
La Vierge Marie, déclarée bien plus tard Immaculée, est la première personne humaine parvenue au terme de la destinée de tout homme : être demeure de Dieu ! Et si ce dessein de Dieu n’est pas encore accompli en chacun de nous, en toute l’humanité, il existe déjà, à l’état de projet, dans la pensée de Dieu et signifié dans la Vierge Marie : la naissance terrestre de la Vierge Marie est immédiatement déjà sa naissance céleste ; et elle annonce la nôtre.
En Marie, Dieu signifie ce qu’il veut accomplir pour chacun de nous, et ce qu’il accomplira : “ce qui est dernier dans l’ordre de l’exécution est premier dans l’ordre de l’intention“, dit l'adage philosophique. Et cette intention est annoncée en Marie : être “demeure de Dieu“ !

Aussi, faut-il sans cesse demander l’aide puissante de Marie pour parvenir, nous aussi, à être la demeure remplie de la nuée de la gloire de Dieu, à être demeure de Dieu, à être “fils de Dieu“ !

dimanche 7 septembre 2014

Correction fraternelle

T.O. 23ème Dimanche -

Les évangiles des trois dimanches qui viennent et que nous pourrions intituler respectivement : - “la correction fraternelle” - “Les deux débiteurs” - et “le bon Maître de la Vigne” -, ces trois évangiles pourraient recevoir un titre commun tiré du dernier texte : “Pourrions-nous avoir l’œil mauvais, alors que lui (le Seigneur) est bon ?” 
Tout le chapitre 18ème de St Matthieu, d’ailleurs, traite de la vie entre frères, en communauté où le plus grand, c’est le plus petit, le plus humble qu’il ne faut ni mépriser ni surtout scandaliser, mais accueillir comme le Christ. Et même, il faut, comme un bon pasteur, aller à la recherche de celui qui s’égare.

Et c’est dans un tel contexte que Notre Seigneur nous demande, aujourd’hui, de savoir “gagner notre frère”, car nous sommes tous frères étant tous fils de notre Père des cieux ; nous sommes tous frères, même de celui qui a péché gravement. Il s’agit alors de “gagner son frère”.

L’expression signifie obtenir quelque chose au terme d’une démarche difficile, coûteuse peut-être. C’était le mot par lequel les missionnaires chrétiens - comme St Siméon Berneux que nous fêtons à Château du Loir - disaient leur joie d’avoir pu attacher quelqu’un à la foi en Jésus-Christ.
St Paul lui-même faisait l’impossible pour “gagner le plus grand nombre” d’hommes, pour “gagner les juifs…, gagner les sujets de la Loi…, gagner les sans-Loi., gagner les faibles”. Et dans l’une de ses lettres, il met ce mot en parallèle avec le terme “sauver” (I Co 9/19-22).
St Pierre emploie l’expression dans le même sens, lui qui demande eux femmes de “gagner” leurs maris qui refusent de “croire à la Parole” (I Pet 3/1).

Il faudra donc “reprendre” son frère afin de le “gagner”. Car il ne faut pas se tromper : l’Eglise est une communauté de pécheurs, de pécheurs sans cesse pardonnés mais toujours fragiles. Jésus lui-même ne s’est pas fait illusion : il savait qu’on retrouverait toujours les mêmes misères humaines qu’il a rencontrées dans sa petite communauté apostolique. Il serait grave de s’en étonner et surtout de s’en scandaliser et de mépriser ou critiquer le coupable. “C’est en aimant que vous devez corriger, dit St Augustin. Si vous n’agissez pas ainsi, vous devenez pire que celui qui a péché. Il a fait un mal et il s’est ainsi blessé gravement. Vous, vous méprisez cette blessure de votre frère, vous vous montrez pire en l’ignorant ou en le critiquant, vous vous montrez pire que lui en l’outrageant”.

C’est dire que toute démarche envers un frère gravement coupable doit s’inspirer d’une grande charité toute empreinte de délicatesse. Seules la charité et la délicatesse peuvent rendre possible une “correction fraternelle”. C’est la manière indispensable que le Seigneur attend et exige de nous : “Va !, dit-il, reprends ton frère, seul à seul”. Alors que trop souvent nous manquons de discrétion, nous divulguons inconsidérément… “Pourquoi, demande St Jérôme, faire savoir à un autre le péché de ton frère, si ton frère le reconnaît et s’en corrige ?” - “Médire des hommes enseigne à médire de Dieu ; et c’est déjà médire de Dieu !”. Il nous faut donc insister : il n'est pas bon de divulguer trop facilement et de parler sans cesse des faiblesses de nos frères. Sachons dissiper ce tort avant de vouloir "corriger" nos frères !

Et Notre Seigneur de nous indiquer que plus l'affaire est grave, plus la "correction fraternelle" se pratique par étapes : d'abord un dialogue "seul à seul", puis, s'il le faut, avec plusieurs "témoins"..., et finalement "en Eglise" ! Mais la plupart du temps, il n'est pas nécessaire d'en arriver à ce dernier stade. Heureusement !

Et encore, sachons discerner et de pas faire d'amalgame : Unité, union n'est pas obligatoirement uniformité totale. L'Eglise elle-même a toujours fait cette distinction, même avec les plus grands de ses fils qu'elle respecte et qu'elle canonise : - St Thomas d'Aquin, appelé pourtant le "Docteur commune", n'était pas pour la définition du dogme de l'Immaculée Conception. Il y eut même "dispute" avec St Bonaventure... Et l'Eglise n'a alors exclu ni l'un ni l'autre. - Au 2ème Concile d'Orange (529), on n'a pas adopté les conclusions du grand St Augustin sur la liberté et la prédestination... Si l'Eglise agit ainsi envers des personnages aussi grands et respectables, n'avons-nous pas le devoir d'avoir le même regard sur nos petites divergences légitimes ?

Oui, la "correction fraternelle" exige beaucoup d'humilité. Cependant l'humilité ne consiste pas à s'effacer, mais à être dans une attitude de vérité, ni trop haut, ni trop bas, si je puis dire. St Paul dit à son disciple Timothée d'avoir un esprit non pas de timidité, mais d'assurance : "Ce n'est pas un esprit de crainte que Dieu a donné, mais un Esprit de force, d'amour et de maîtrise de soi" (II Tim. 1.7).
Ainsi donc, si quelqu'un n'est pas d'accord avec l'Eglise, de façon notoire, c'est un devoir de lui demander de s'expliquer ; s'il persiste dans l'erreur, on a le droit de lui dire : "Ecoutez ! Pensez comme vous l'entendez, agissez selon votre conscience ; mais ne dites pas que vous pensez à la place de l'Eglise, parce que l'Eglise ne pense pas ainsi". On a parfois le devoir d'agir ainsi, de le faire au service de la vérité !
Mais là encore, il faut toujours faire une distinction, comme l'enseigne l'Ecriture Sainte, entre l'accusation et la "correction fraternelle". Le Démon, lui, le Satan, dit l'apocalypse, est le grand "accusateur de nos frères" (Cf Ap. 12.10). Et souvent avec grande habileté, il nous pousse à toujours présenter la Vérité de telle manière qui ne fait qu'enfoncer un frère en son mal alors que la question, normalement, est de l'en tirer. La "correction fraternelle", elle, est toujours positive, pleine d'espérance !

La première lecture de ce dimanche nous l'indique à sa façon : Le "guetteur", dit Ezéchiel, est chargé d’annoncer aux habitants d’une cité l’approche d’un malheur pour qu’ils prennent, en temps utile, les dispositions opportunes. Ainsi, ajoute-t-il, le prophète est chargé, lui aussi, de dire au peuple de Dieu, le mal imminent, le châtiment qui le menace afin de le pousser à une opportune conversion. Et Ezéchiel précisait que cette tâche devait être exercée, non seulement auprès du peuple, mais au bénéfice de chacun de ses membres.

Ce sens de la responsabilité n’est plus l’apanage du seul prophète, mais il est exigé de chacun des disciples du Christ. Il appartient à tout disciple de s’employer, par une parole opportune, en toute charité et délicatesse, à “gagner” celui qui est son “frère”, fils d’un même Père, ayant droit au même héritage, comme devant vivre éternellement avec lui dans la Cité sainte d’où “le mien” et “le tien” seront bannis et où tous jouiront en commun et sans envie de la même félicité. - “Et notre Père qui est aux cieux ne veut pas, dira Jésus, qu’un seul de ces petits se perde”.

Sans nous attarder sur les autres moyens que Notre Seigneur nous recommande pour “gagner” notre frère, arrêtons-nous sur la dernière phrase de l’évangile : “si deux d’entre vous sur la terre s’entendent pour demander quelque chose, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux”.

Autrement dit, là où l’homme est impuissant, Dieu reste Tout-Puissant. Il nous reste à le prier. Et notre efficacité est multipliée infiniment par sa Toute-Puissance pour sauver celui qui se perd.
Sainte Bernadette avait bien compris cela, elle à qui la Vierge Immaculée avait demandé de "prier pour les pécheurs" ! Une fois devenue religieuse à Nevers, elle fut présentée par ses supérieures à l'évêque du lieu comme "une ignorante" et une "bonne à rien" ! Ces qualificatifs invraisemblables parce que très réducteurs sont peu charitables, même s'ils sont utilisés, d'après les supérieures de Ste Bernadette, pour faire acquérir l'humilité !  Aussi, avec une excellente répartie, l'évêque lui donna la mission, "l'obédience de la prière", ce qui renouvelait la demande de la Vierge Marie !
Ste Bernadette s'y employa si bien qu'elle put acquérir cette faculté de situer tout ressentiment, tout désaccord, tout désarroi, tout événement non "au ras du sol" comme on le fait souvent, mais en Dieu, et cela avec le simple outil de la prière mariale. De sorte que lorsqu'une postulante ou une novice éprouvait une difficulté de vie religieuse, ses supérieures qui l'avaient si facilement présentée comme "une bonne à rien" se permettaient de la lui adresser - paradoxe pascal très fréquent ! -, car elle avait l'art et l'humour de reprendre non en enfonçant mais en élevant ! Elever toute âme même pècheresse vers Jésus mort pour les péchés sur une croix, mais ressuscité et désormais toujours vivant ! Le P. Laurentin, dans son grand livre "Bernadette vous parle" souligne très souvent ce trait de caractère spirituel chez Ste Bernadette qui n'était qu'une forme heureuse de la "correction fraternelle"' !

Il nous faut donc insister : si le péché peut faire éclater une Communauté quelle qu’elle soit (familiale ou autre), la prière renforcera son unité. La rencontre et le partage dans la prière sont les temps forts d’une vie communautaire, familiale ou autre. Si, au milieu même de leurs conflits, deux ou trois frères “s’assemblent au nom de Jésus”, c’est-à-dire dans une foi commune en lui et à cause de lui, Jésus “est là” au milieu d’eux. La prière communautaire est une arme victorieuse contre la division ; elle est créatrice d’unité ; elle est porteuse de la présence du Christ.
Car si l’action est bonne, elle n’est pas toujours opportune en certaines circonstances ; alors, il faut se rappeler que le ressort des événements d’ici-bas est au-dessus des agitations humaines et que le succès n’est pas à ceux qui se dépensent en efforts extérieurs, mais à ceux qui prient. Agir ! Oui ! Mais n'agissons pas, disait Dom Guéranger "comme si, toute œuvre bonne de l'homme n'était pas un don de Dieu, un don qui suppose la demande qu'on en a faite et l'action de grâce qu'on en rend" ! (Préface de l'Année liturgique).

Aussi, devons-nous renforcer nos liens de fraternité avec tous, en dépassant les tensions et conflits par la communion au Christ dans la prière et l’amour de Dieu. Si nous restons “au ras du sol”, nous nous divisons, si nous nous élevons dans la prière, nous convergeons. Ainsi la prière de l’Eglise apparaît comme l’un des meilleurs moyens pour une action apostolique plus efficace. La prière est donc le premier élément indispensable de toute vraie "correction fraternelle".