T.O.
29e Dimanche - “Rendez à César ce qui est à César…
et à Dieu ce qui est à Dieu !”
“César”, nous le
connaissons bien, n’est-ce pas ! Evidemment, ce n’est plus l’empereur romain,
mais l’empire que représente pour nous le règne de l’argent !
“César”, on le
discerne bien dans la recherche du pouvoir sous toutes les formes que
nous offre la foire des vanités humaines !
Et pourtant,
“César”, n’est pas toujours un monstre, n’est pas forcément mauvais ! “César”,
ce sont les hommes, c’est vous, c’est moi, nous tous, placés dans l’ambiguïté
des réalités humaines au cœur desquelles Dieu a voulu s’incarner.
“Rendez à César… et à Dieu ce qui est à Dieu !”
Pour comprendre
cette parole qui a fait couler tant d’encre, il faut d’abord rejeter
catégoriquement ce contre-sens simpliste, fréquent et très actuel
jusqu’en certains milieux politiques, contre-sens qui consisterait à opposer,
dans une séparation radicale, les réalités du monde et celles de la foi. Car si
on accepte un tel fossé, on relègue les chrétiens à la sacristie et la foi
chrétienne à n’être qu’un gadget supplétif à la vie.
Dans la phrase de
Notre Seigneur, il ne s’agit pas de César ou
de Dieu, mais bien de César et de
Dieu.
- Sinon, d’une
part, on accuse facilement les chrétiens de se mêler de ce qui ne les regarde
pas et les prêtres de ne pas nettoyer leur sacristie !
- Sinon, d’autre
part, certains chrétiens ne s’estimeraient tels que dans leur église
paroissiale ou petites assemblées de fidèles ; ailleurs, ils ne seraient
qu’ouvriers, bâtisseurs, commerçants, etc… A un directeur commercial placé
devant un choix difficile, on demandait la réaction du chrétien, il répondit : “j’agis en directeur commercial” ! C’est
la tentation de toujours : il ne s’agit pas de “César ou Dieu”, il s’agit de “César et
Dieu”.
Facile, direz-vous
! Certes ! Jésus n’a pas dit que le
suivre serait une mince affaire !
Et en l’occurrence,
la tentation est subtile. Car il faut bien distinguer ce qui relève des
affaires du siècle et ce qui relève du Royaume d’En-Haut, des Béatitudes, sans
pour autant confondre les deux ordres, sans pour autant, non plus, dresser
entre eux un mur infranchissable.
Et reconnaissons
qu’il est difficile, dans un monde où les réalités politiques et religieuses
interfèrent, de vouloir sauvegarder l’indépendance de deux domaines sans
paraître se contredire !
“Rendez à César
ce qui est à César et en même temps à Dieu ce qui est à Dieu” ! Ce sera toujours le
paradoxe chrétien : “Mes petits
enfants, vous êtes dans le monde, mais vous n’êtes pas du monde !” Ce
serait si facile ou bien de s’évader hors du monde ou bien de se plonger
totalement dans le monde, ou de faire les deux mais à des moments très
différents !
Que c’est difficile
de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ! Boutade de
Jésus, certes, mais qui s’applique à tous les instants de notre vie. Jésus ne
pourrait-il pas nous dire :
- Ne mêlez pas Dieu
à toutes vos petites histoires plus ou moins claires ou sordides sous prétexte
qu’il est Maître Souverain et Providence. Ne mettez pas Dieu où vous, vous
voulez qu'il soit ! On ne s’approprie pas Dieu !
- Ne le mettez pas
de votre côté quand cela vous arrange.
- Ne l’excluez pas,
non plus, quand, par exemple, la morale de l’Evangile vous gêne !
Certes, Dieu est présent
à tout ce qui arrive ! “Pas un cheveu de
notre tête ne tombe sans sa permission !” Ce n’est pas une raison pour
aller croire qu’il nous traite en assistés. Dieu nous veut pleinement
responsables, capables de dominer la terre, de cultiver cette plantation qui
nous est prêtée pour quelques années et qui s’appelle : la Vie !
Rendons grâce à
Dieu de nous laisser à nous-mêmes dans le risque de notre liberté, dans les
aléas des circonstances historiques, dans le courage de nos capacités. Car
c’est cela être homme ! C’est peut-être encore cela “rendre à César ce qui est
à César” !
Rendez à vous-mêmes
le meilleur de vous-mêmes qui vous est si facilement fauché dans ce siècle où
tant de choses nous aliènent. Rendez à l’homme ce qui est à l’homme. Rendez-lui
sa dignité. Il n’y a pas de honte à être “César” de ce monde !
Et c’est peut-être
en ce sens que nous comprenons bien la réponse de Notre Seigneur : “Montrez-moi une pièce de monnaie,
demande-t-il. De qui est cette image ?” -
“De César !” “Et bien, rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à
Dieu !” Ce qui semble sous-entendre qu’il existe quelque part dans le monde
un objet portant l’image et l’inscription divine. Rappelons-nous le
commencement de la création : “Faisons
l’homme à notre image”, dit Dieu !
- Ici, un denier à
l’image de César ! Signe d’origine, d’appartenance, signe du droit de
l’empereur à lever l’impôt ! Dieu lui-même a appelé le roi Cyrus (selon Isaïe
- 1ère lect.) pour lui soumettre les
nations.
- Là, l’homme à
l’image de Dieu ! Signe d’origine également, d’appartenance, signe du droit
de Dieu sur l’homme !
Et comment l’homme
est-il véritablement image de Dieu ? Là encore la Genèse nous aide à
interpréter : Dieu a confié le monde à l’homme pour qu’il l’embellisse, le
perfectionne, pour qu’il soit son collaborateur, son partenaire dans la
création : Soumettez la création ! Elle est à vous !
C'est l’enseignement
de St Paul : “Tout est à vous”, le
monde est à vous, vous êtes rois, “césars” de la création. “Mais vous, vous êtes à Dieu !”
Alors, rendez à
Dieu ce qui est à Dieu !
- Rendez-lui la
création qu’il vous donne d’embellir, d’épanouir. C’est le sens de la
prière de l’offertoire de l'Eucharistie : “Tu
es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain, ce vin, fruits de la
terre et du travail des hommes. Ils deviendront Pain de vie, Vin du Royaume de
Dieu !“
- Donnez rendez-vous à Dieu en ces beautés de la
Création, en l’embellissant ! Que tout ce que vous disposez soit, par vous,
signe de la présence de Dieu
- "Tout est à vous, mais vous-mêmes êtes
à Dieu !". Rendez-vous à Dieu, c’est-à-dire encore passez votre vie à
marcher vers Lui dans une recherche passionnée. Se rendre, au sens de
s’abandonner, de se livrer à Dieu ! Car, dit Dieu : "Je suis le Seigneur ; il n'y en a pas d'autre !"
Oui,
rendez à César, oui rendez à ceux qui ont responsabilité politique,
sociale, économique… ; autrement dit rendez à l’homme ce pouvoir
d’organiser le monde pour le Bien Commun de tous, rendez à l’homme sa véritable
dignité ! C’est bien votre domaine donné à vous par le Créateur !
Mais rendez à
Dieu ce qui est à Dieu. Rendez cet homme créé à l’image de Dieu, à son
effigie, rendez-le dans les mains de Dieu !
Dieu a créé l’homme
à son image. Il faut d’abord reconnaître cet “icône” vivante de Dieu qu’est
l’homme, disait naguère le pape Jean-Paul II. Cette image de Dieu étant
reconnue, tout l’agir humain doit en découler, tout l’agir humain en toutes ses
composantes : personnelle, sociale, économique, politique !
Oui “rendez à César
ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu !”
Car “tout est à vous, mais vous, vous êtes à
Dieu !”
C'est alors que
l'on pourra dire de nous comme St Paul à ses chers Thessaloniciens : Sans cesse
je garde le souvenir
"de votre foi active,
de votre charité
qui se met toujours en peine,
de votre persévérante espérance en Notre
Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père, sachant, frères, qu'il vous
a choisis"
pour annoncer en toute circonstance humaine la "Bonne Nouvelle" du
salut de Dieu !