29 juin 2015
Au cours de
cette année liturgique, nous entendons à la messe, le dimanche, l'Évangile
selon St Marc. La tradition ancienne rapporte que le deuxième évangéliste fut
comme un secrétaire de Pierre qu'il connaît bien au point de souligner les
nervures de son caractère entier, primesautier, fanfaron, impressionnable mais
finalement fidèle. Il a surtout mis par écrit la catéchèse orale de l'apôtre,
voulant transmettre fidèlement l'enseignement du pécheur devenu prêcheur, et
transmettre l'expérience qu'il avait faite du Sauveur.
Le regard de
Jésus sur Pierre, lors de la
première rencontre, l'avait fortement impressionné. Le Seigneur l'avait fixé en
lui disant : "Tu es Simon, le fils
de Jean ; tu t'appelleras Képhas - ce qui veut dire Pierre" (Jn 1.42).
Et de fait, l'Évangile
selon St Marc - selon St Pierre, pourrait-on dire - se distingue par de
nombreuses mentions du regard de Jésus, regard de colère, regard de bienveillance,
regard de tristesse. On sait aussi que c'est le regard de Jésus, triste mais plein
de miséricorde, qui fit pleurer l'apôtre d'un profond repentir après son triple
reniement (Lc 22.61-62).
Marqué à jamais
par les yeux du Christ dans les siens, Pierre a peu à peu appris à regarder son
Seigneur ; et il est devenu, comme il l'écrit dans sa 2ème lettre, "témoin oculaire de sa majesté sur la
montagne sainte" (2 P 1.16-18) lors de la Transfiguration.
Certes, il avait reculé devant la "défiguration" de Jésus sur la
Croix, mais l'Esprit Saint changea son regard de l'intérieur au point de subir,
lui aussi, le supplice de la croix pour rejoindre celui dont il ne voulait à
aucun prix être séparé.
Paul, lui, n'a pas
connu Jésus sur les routes de Palestine. Le Christ s'est manifesté à lui sur le
chemin de Damas, ce qui bouleversa sa vie. "Une
lumière venue du ciel l'enveloppa de sa clarté" (Ac 9, 3), tandis qu'il entendait Jésus se
présenter à lui. Il en fut aveuglé jusqu'à son baptême par Ananie.
Certes, il
n'a pas connu le Christ selon la chair, comme il le dit lui-même (2 Co 5, 16), mais, ajoutera-t-il, "ayant le visage dévoilé" (du voile de la Loi mosaïque), et "reflétant la gloire du Seigneur" grâce à l'Esprit-Saint,
il fut "transfiguré", selon
ses propres termes, "en son
image" (2 Co 3.18). Aussi en fut-il arrivé à une
intelligence exceptionnelle du Mystère du Christ (Ep 3.4), jusqu'à être "ravi
jusqu'au troisième ciel" (2 Go 12.2), tout en
conservant une écharde dans sa chair pour qu'il ne s'enorgueillisse pas (12.7).
Oui, lui
aussi, a été inondé de la lumière venue du visage du Christ, et il pouvait exprimer
le sentiment qui motivait St Pierre : "Pour
moi, la Vie c'est le Christ et mourir représente un gain" (Ph 1.21 ).
Pierre et Paul : ces deux hommes dont la vie a été bouleversée par leur rencontre
avec le Christ, sont avec lui, tous les deux, dans sa gloire ! Ils sont maintenant dans la
pleine lumière du regard de Jésus, qu'ils voient du fond de leur âme sinon encore
de leurs yeux. Ici-bas, ils ont connu l'un et l'autre, l'un par l'autre, des
ombres, ce qui nous les rend plus proches, et ce que St Marc a bien souligné à
sa manière.
À la vérité,
Marc ne s'appelle pas Marc, mais Jean-Marc ; son nom est Jean et on le surnomme
Marc. Mais on le nomme tantôt Jean, tantôt Jean-Marc et surtout Marc.
Ce Jean-Marc
apparaît dans les "Actes des Apôtres" à l'occasion de la délivrance
miraculeuse de St Pierre emprisonné par Hérode. Il se retrouve seul à sa sortie
de prison en s'exclament : "Je sais
maintenant que le Seigneur a envoyé son ange..." ("Nunc scio vere" - c'est le chant de notre introït Cf. (12.11). Et le texte des "Actes" continue : "Il se rendit à la maison de Marie,
mère de Jean, surnommé Marc, où une assemblée assez nombreuse s'était réunie et
priait" (v/12). Il faut croire que cette Marle
et son fils Jean-Marc étaient proches de Pierre, pour que sa première réaction fût
de les rejoindre.
Marc était
cousin de Barnabé (Co14,10), "homme de bien, rempli d'Esprit Saint et de foi" (Ac 11.24). C'est Barnabé qui alla chercher
Saul, retiré à Tarse, sa ville natale, après sa conversion, ses premières
prédications à Damas et à Jérusalem, suivies de persécutions.
Barnabé et
Saul prêchent alors à Antioche une année durant ; ils descendent ensuite à
Jérusalem, au moment où Pierre est emprisonné par Hérode. À la mort de ce
dernier, on lit dans les Actes : "Cependant
la Parole de Dieu croissait et se multipliait. Quant à Barnabé et Saul, après
avoir accompli leur ministère à Jérusalem, ils revinrent (à Antioche), ramenant avec eux Jean, surnommé Marc" (12.24-25). Ils partirent à trois pour le
premier voyage apostolique ; mais après une mission à Chypre, au lieu de
continuer avec Barnabé et Paul, vers la Pamphylie en Asie Mineure, Jean revint
à Jérusalem (Ac 13.13).
Au retour
d'Asie, une controverse éclata à Antioche, qui mit en cause l'évangélisation de
Paul et Barnabé. "Paul et Barnabé !" : Il est à noter que les textes
les nomment dès lors en cet ordre : il est clair que Paul s'est imposé - et
principalement dans ce différent - ! On voulait obliger les païens convertis à
pratiquer la loi juive, ce que Paul récuse fortement.
C'est alors
que Pierre vient à Antioche au cœur de la controverse. Au bout d'un moment,
Paul le prend à parti. C'est tout au moins ce qu'il écrit aux Galates : "Quand Képhas vint à Antioche, je lui
résistai en face, car il s'était mis dans son tort - Paul ne devait pas
être commode tous les jours ! -. En
effet, avant l'arrivée de certaines gens de l'entourage de Jacques, il prenait
ses repas avec les païens ; mais quand ces gens arrivèrent, on le vit se
dérober et se tenir à l'écart, par peur des circoncis. Et les autres Juifs
l'imitèrent dans sa dissimulation, au point d'entraîner Barnabé lui-même à
dissimuler avec eux" (Ga2.11-13). On sait
que l'affaire fut traitée à fond à Jérusalem et ce fut le premier concile de
l'Église.
Quand
s'amorça le deuxième voyage apostolique, "Barnabé
voulait emmener aussi Jean, surnommé Marc ; Paul, lui, n'était pas d'avis
d'emmener celui qui les avait abandonnés en Pamphylie et n'avait donc pas été à
l'œuvre avec eux. Leur désaccord s'aggrava tellement qu'ils partirent chacun de
leur côté. Barnabé prit Marc avec lui et s'embarqua pour Chypre. De son côté,
Paul fit choix de Silas et partit, après avoir été confié par les frères à la
grâce de Dieu" (Ac 15.37-40). Les saints Apôtres restaient
des hommes avec leur tempérament et leurs défauts.
Cependant,
peu avant sa mort, Paul réclamera les services de Marc qui l'avait accompagné
en sa première captivité romaine (Col 4.10) : "Prends Marc, écrit-il à Timothée, et amène-le avec toi, car il m'est précieux
pour le ministère" (2 Tm 4.11 ). Il resta dès
lors et jusqu'au bout le disciple privilégié de Pierre : il est près de lui à
Rome, où il ébauche son Évangile, et Pierre l'appelle "Mon fils" (1 P 5.13).
Tout est
bien qui finit bien : pomme de discorde entre Pierre et Paul, Marc est près de
l'un et de l'autre pour les assister à Rome.
C'est
jusqu'au cœur de l'Empire romain que les ont conduits le regard et l'amour
de ce Jésus, devenu leur raison de vivre et de mourir. Aussi a-t-on raison
d'appeler les deux apôtres Pierre et Paul les "Colonnes de l'Eglise",
de l'Eglise naissante et aujourd'hui encore !