Fête de la Transfiguration !
Vous le savez : depuis un certains temps, j’ai eu,
j’ai quelques ennuis de santé. Au point que je dois me rendre au CHU de Nantes
pour une intervention chirurgicale un peu délicate (le 20 Août - après un cout
pèlerinage à Lourdes).
Une occasion pour moi de solliciter les prières de
tous ceux, connus ou inconnus, qui ont eu et ont la bienveillance de me lire de
façon permanente ou occasionnelle. Un grand merci pour vos prières !
Une occasion également pour moi de m’unir à tous
les malades auxquels on ne pense pas toujours suffisamment.
Aussi, je me permets quelques réflexions sur ce sujet
qui peuvent aider les uns et les autres
à approcher le mystère de la souffrance, de la
maladie,
à approcher le Christ souffrant en nos frères
à mieux vivre le mystère pascal, "point
focal" de l'œil de la foi qui permet de mieux regarder notre propre
existence avec ses heurs ou malheurs !
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Nous
sommes faits pour être heureux dans notre corps et dans notre âme.
Et
pourtant nos corps sont souvent blessés et nos âmes alourdies par l'égoïsme et
le péché. Nous sommes des êtres fragiles. L'homme tôt ou tard devient malade.
Et il meurt.
Mais Dieu nous a créés pour la vie. Et il nous invite
à prendre soin de nos âmes et de nos corps. Il veut que nous conservions la
santé de l'âme et du corps en y collaborant nous-mêmes. Aussi beaucoup d'hommes
et de femmes se consacrent à la santé de leur prochain. L'homme malade est
entouré de médecins, de personnel soignant, de psychologues et de thérapeutes
pour l'aider à vaincre cet éternel ennemi : la mort. - Mais Dieu aussi s'en
occupe : il aime les malades, comme il aime tout ce qui est petit et fragile. A
lire l'Évangile, Jésus a passé toute sa vie à guérir les malades.
Mais, d'abord, qu'est-ce qu'être malade ?
Certes tout est dit dans le dictionnaire médical. À peine y
a-t-il peut-être une ou deux maladies qui n'y sont pas répertoriées. Et le
traitement est prévu, les médicaments connus et disponibles. Du moins dans les
parties privilégiées du globe.
Mais être malade, est ce simplement savoir ce
qui est marqué dans le dictionnaire ?
Et guérir est-ce simplement suivre et réussir
ce que le médecin a noté sur sa prescription médicale ? Non !
Car la fièvre est bien plus et autre chose
que ce qui se lit sur le thermomètre.
C'est un sentiment douloureux dans la tête et
le corps ;
c'est le cœur qui bat dans les tempes, la
transpiration abondante… ;
la maladie c'est se sentir mal et inapte à
tout.
Oui, la maladie a sa définition quantitative
et médicale, mais elle a aussi sa définition humaine et qualitative.
Elle a même sa définition surnaturelle et
théologique.
Alors, être malade qu'est-ce ?
C'est vivre en rupture de relation.
Avec tout.
D'abord avec son propre corps.
Normalement mon corps m'obéit comme un bon et fidèle serviteur. Je lui dis
d'aller à gauche : il va ; à droite et il obéit aussitôt. Mais il suffit de peu
de chose et ce corps docile peut devenir un valet insubordonné : il n'écoute
plus. Il faut que je m'explique avec lui. Nous avons des discussions houleuses.
Il y a rupture entre moi et mon corps. C'est la définition humaine, qualitative
de la maladie. Et ces discussions interminables avec cette monture rétive, ne
se trouvent dans aucun dictionnaire médical.
Mais il y a aussi rupture avec son environnement.
Il suffit de devoir rester un beau matin au lit et tout l'environnement change.
Tous les bruits de l'extérieur que je
n'entendais jamais, je les entends maintenant.
Ma chambre devient un lieu, non plus de repos
mais de combat avec la maladie.
Le papier contre les murs prend d'étranges
formes.
Tous les objets changent : mes vêtements sur
la chaise, mes souliers sans propriétaire et rangés contre le mur.
Être malade c'est être en rupture avec son
environnement.
Et mes relations avec les hommes, avec
ma parenté, mes amis changent.
Pour beaucoup il y a comme un
enchaînement : au début "tout le monde" vient rendre visite au
malade et on lui raconte tout ce qui se passe dans les lieux qu’il côtoyait
hier encore. Après quelques semaines, on vient moins. “Nous avons déjà été”, dit-on. Et
cela lui ferait plutôt mal de tout lui raconter, il se sentira trop hors jeu.
Non, taisons-nous plutôt”.
C'est cela aussi la maladie : être en rupture
avec ses amis, ses voisins, ses collègues.
C'est aussi être en rupture avec soi-même.
Qui devient malade - surtout si c'est la première fois et que c'est grave - se
révolte contre lui-même dans un sentiment d'impuissance et de sourde
culpabilité. Il perd la paix avec lui-même.
Mais il y a aussi une dernière rupture
qui peut se faire jour : celle de notre relation de confiance avec Dieu.
“Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Es-tu
vraiment le père qui m'aime comme son enfant ? Si oui, pourquoi permets-tu tout
ceci ? Et pourquoi précisément moi ?”.
Oui, la maladie, ce peut être le temps des
grands "pourquoi". Pourquoi cette maladie ? Pourquoi moi ? Pourquoi
si jeune ?
La maladie c'est tout cela : ces cassures en
profondeur qui m'habitent.
Et guérir, c'est quoi alors ?
C'est réparer toutes ces cassures,
renouer toutes ces relations, retrouver son insertion dans son environnement,
corporel familial et social, psychologique et religieux. C'est renouer - et
souvent d'une autre façon - avec son corps, avec les choses, avec les hommes,
avec Dieu. Ainsi l'on peut sortir de l'hôpital parfaitement guéri selon le
corps, mais pas selon l'âme : on peut ne rien avoir appris quant à la gestion
de sa finitude.
C'est pourquoi nous entourons les malades de soins
de différents ordres.
Dans l'ordre du corps,
il y a ce gigantesque effort de la médecine pour restaurer les liens entre
notre moi et notre corps.
Il y a aussi l'accompagnement psychologique
et humain de tant de professionnels, mais aussi et en particulier dans l'Église
et dans certains lieux comme à Lourdes.
Dieu soit loué, dans le monde et dans
l'Église, pour tant d'hommes et de femmes médecins, psychologues, conseillers,
thérapeutes. Mais aussi pour tant de simples amis laïcs et prêtres qui écoutent
les malades à longueur de journées et de nuits.
Mais pour la question du pourquoi,
nous n'avons que Dieu et son Christ pour y répondre et pour nous en guérir.
C'est la raison d'être profonde du sacrement des malades. Il nous enseigne sur
la Passion de Jésus et nous configure au Christ souffrant, mort et ressuscité.
Il nous identifie à Celui qui sur la Croix a été habité par tous nos ”pourquoi”
et qui a traversé la mort dans une confiance totale dans l'amour du Père. Il
s'est abandonné à Dieu sans avoir reçu une réponse à la question du pourquoi de
la finitude et de la mort.
Mais une chose n'a pas encore été touchée ni
dite : les malades qui s'unissent à la croix du Christ dans la foi, sont porteurs
d'un mystère. Selon la parole de Paul, “ils
complètent dans leur corps ce qui manque aux souffrances du Christ en faveur de
son Eglise”.
Et nous touchons, là, au mystère de la
maladie qui n'est accessible qu'aux yeux de la foi : les malades sont les
amis du Christ et en plus nos amis et ceux de l'Eglise. Ils font rayonner la
force thérapeutique du Christ et de sa croix.
Devant un tel mystère, on ne peut que se
taire, admirer et remercier nos frères et sœurs malades et leur demander
d'intercéder pour nous pour ces jours où nous aussi, nous entrerons dans les
jours des grands ”pourquoi” et dans ce mystère de la maladie.