3e
Dimanche du T.O. 15/B -
[après un temps de silence dû à une mauvaise bronchite,
je reprends un peu la plume et le clavier sans avoir aucunement délaissé par le
pensée et la prière mes lecteurs ! ]
En route vers Ninive, la grande ville païenne, le
prophète Jonas ruminait de sombres pensées : "Pourquoi Dieu m'envoie-t-il à ces gens-là ? Après tout, ce
ne sont que des païens pleins de méchancetés".
Il "ronchonne", Jonas ! Mais il nous est
sympathique, car on lui ressemble tellement, n'est-ce pas ? Non, il ne voulait
pas y aller, Jonas, en mission à Ninive ! Pourquoi son Dieu, le Dieu
des juifs, voulait-il sauver des païens ?
Quand Dieu lui avait confié cette mission, Jonas
avait bien essayé de s'y soustraire en fuyant, - oh ! la "sainte"
fuite silencieuse, si facile ! - ; cependant, il avait fini par obéir,
contraint et forcé, mais sans aucun zèle : dans une ville qu'on mettait trois
jours à traverser, il avait prêché pendant un seul jour. Et il s'était arrêté,
là, Jonas ! Or, chose incroyable, tous
les habitants de Ninive avaient cru en Dieu et s'étaient détournés de leur
mauvaise conduite. Alors, Dieu avait renoncé au châtiment, lui montrant ainsi,
à Jonas, qu'il n'était pas seulement le "Dieu des juifs", mais
le "Dieu de tous les hommes", à qui les juifs devaient le
faire connaître.
Trop souvent, nous réagissons, nous aussi, comme
Jonas. "Pourquoi s'intéresser à
tels ou tels hommes ; ils n'en valent pas la peine ! D'ailleurs, ils sont
irrécupérables - leur vie dépravée en témoigne -" ! Ou bien : "Tiens, un tel, une telle ici ! Est-ce
bien sa place ?" Combien de fois avons-nous dit ou pensé de telles
phrases, avons-nous jugé, classé un peu vite les gens qui nous entouraient, qui
même venaient humblement vers nous, les plaçant facilement en bas de l'échelle
qui monte vers Dieu, nous-mêmes étant bien plus haut évidemment. Notre intolérance
pharisaïque - plus ou moins consciente - nous empêche parfois d'admettre que nous ne
sommes pas les seuls à détenir la vérité, cette vérité qui mène toujours sur le
chemin de Dieu. Car "Celui qui fait
la vérité, dira St Jean (3.21) vient à la lumière !".
D'ailleurs, nous sommes souvent étonnés par les
jugements de Dieu, si différents des nôtres. Quand Jésus appelle des hommes
pour devenir ses apôtres, ce ne sont pas ceux auxquels les juifs pouvaient
s'attendre. Ce ne sont pas des gens instruits, des gens qui connaissent les
Ecritures et appliquent les lois juives à la lettre pour plaire à Dieu. Non, ce
sont de simples pêcheurs, en train de travailler sur les bords du Lac de
Galilée, qui vont devenir les plus proches compagnons du Fils de Dieu. A-t-on
suffisamment réfléchi à cette manière de faire de Jésus ?
On entend souvent : s'affirmer chrétien oui, certes
! (Ce n'est déjà pas mal, n'est-ce pas ?).
Mais recevoir une mission si petite soit-elle, je n'en suis pas capable, pas
digne ! Et on fait comme Jonas ! Mais
peut-on faire cette réflexion, quand on est appelé par Dieu, comme les simples
pécheurs du lac de Galilée ? Or, tous, nous sommes appelés à une mission au fil
du temps. A nous de découvrir, même à l'intérieur d'un monastère, cette mission
d'un moment, d'un jour, d'une semaine peut-être, voire une mission plus permanente...
En tous les cas, Dieu appelle à chaque instant ! A nous d'être à l'écoute...,
comme le petit Samuel (de Dimanche dernier)
au temps du prêtre Eli : "Parle,
Seigneur, ton serviteur écoute !"
Lorsque Jésus appelle, Simon, André, Jacques et
Jean quittent tout pour le suivre ; ils abandonnent leur père et la
barque de pêche familiale, ils renoncent à leur avenir tout tracé. Et quand on
connaît l'importance du clan familial chez les Juifs pour la survie d'un
chacun, rompre les liens de parenté était une folie quai-suicidaire ! De plus, ces
pécheurs qui quittent barque et filets ne savent même pas, en contrepartie, à
quoi ils s'engagent. Pour eux, devenir des "pêcheurs d'hommes", ça ne
doit pas vouloir dire grand-chose, encore ! Et pourtant, ils suivent Jésus
comme si c'était tout naturel pour eux.
Dans la deuxième lecture, Paul veut dire la même
chose aux Corinthiens, d'une manière qui peut nous paraître aujourd'hui
assez brutale et catégorique. Mais il s'adressait à des chrétiens qui vivaient
à Corinthe, en un monde très matérialiste et même dépravé. Pour pouvoir
répondre à l'appel de Jésus, semble-t-il dire, ne soyez pas centrés sur
vous-mêmes, vos intérêts, vos plaisirs ; votre petite vie personnelle n'a que
peu d'importance par rapport à la mission qui vous est confiée par Dieu. Il y a
urgence, dit Paul ; "le temps est
limitée !".
Aujourd'hui, c'est à chacun d'entre nous que
Dieu s'adresse. Oh, bien sûr, je ne crois pas qu'il nous demande de laisser
tomber travail et famille, et de partir sur les routes prêcher l'Evangile.
Plus simplement, à notre place, nous pouvons
répondre à son appel, que nous recevons souvent par l'intermédiaire des autres,
comme pour les apôtres. Et cet appel de Dieu, si nous y répondons, entraîne une
rupture avec nous-mêmes, une remise en question de notre existence bien
organisée.
Il est vrai que ce n'est pas toujours facile de
changer de vie, même en partie, de changer ses habitudes, de donner de son
temps. Oui, il faut accepter d'être dérangé ou tout simplement accueillir,
acquiescer, accepter… Dans le cas des apôtres Jacques et
Jean, il n'a pas dû être très simple pour leur père de voir partir ses deux
fils ! Sa réponse, à lui, fut d'abord
d'accepter !
Des exemples actuels de ce "oui" nous
viennent facilement à l'esprit.
Assez régulièrement, nous entendons parler de gens
qui consacrent un temps plus ou moins long et tout à fait bénévolement, au
service de la prière, de la prière mariale, au service des autres ; peut-être
même en connaissons-nous ! Tel père de famille qui, en plus de son travail,
s'organise pour rendre service. Telle mère de famille déjà assez occupée qui
prend en charge une équipe de catéchisme. Que sais-je encore ? Ces
personnes-là, nous en connaissons tous. Bien sûr, elles ne font rien
d'extraordinaire, mais leur "oui" n'en a pas moins de valeur pour
autant.
On dit facilement aujourd'hui que les diverses
associations manquent de plus en plus de responsables. Et certaines
disparaissent, faute d'encadrement. L'Association fondée par le Christ et qui
s'appelle "Eglise" va-t-elle manquer, elle aussi, de membres actifs
et dévoués ? Il ne s'agit pas seulement de vocations sacerdotales ou
religieuses, si importantes soient-elles. Il s'agit de chacun d'entre nous
! Dieu appelle toujours, à tout âge, à toute heure !
Chacun a une vocation propre, personnelle, certes ! Ne serait-ce que la
vocation de l'amour dans le mariage, vocation la plus commune sans doute, mais
vocation consacrée par un sacrement. Mais chacun doit trouver également sa
vocation en l'Eglise, vocation ecclésiale. "Dieu
a besoin des hommes", de vous tous, de nous tous. De nous tous, même
en Communauté où il y a très souvent de multiples "missions" à
découvrir, à accomplir, comme le remarquera Ste Thérèse de Lisieux qui s'écrira
: "Au cœur de l'Eglise, je serai
l'amour !".
"Venez derrière moi..." Comme
aux apôtres il y a deux mille ans, cette phrase s'adresse aujourd'hui à chacun
de nous. Saurons-nous l'entendre et faire cette supplique, à notre tour : "Seigneur, que faut-il que je fasse
?"