samedi 24 janvier 2015

Appels divins !

3e Dimanche du T.O. 15/B  -  

[après un temps de silence dû à une mauvaise bronchite, je reprends un peu la plume et le clavier sans avoir aucunement délaissé par le pensée et la prière mes lecteurs ! ]

En route vers Ninive, la grande ville païenne, le prophète Jonas ruminait de sombres pensées : "Pourquoi Dieu m'envoie-t-il à ces gens-là ? Après tout, ce ne sont que des païens pleins de méchancetés".
Il "ronchonne", Jonas ! Mais il nous est sympathique, car on lui ressemble tellement, n'est-ce pas ? Non, il ne voulait pas y aller, Jonas, en mission à Ninive ! Pourquoi son Dieu, le Dieu des juifs, voulait-il sauver des païens ?
Quand Dieu lui avait confié cette mission, Jonas avait bien essayé de s'y soustraire en fuyant, - oh ! la "sainte" fuite silencieuse, si facile ! - ; cependant, il avait fini par obéir, contraint et forcé, mais sans aucun zèle : dans une ville qu'on mettait trois jours à traverser, il avait prêché pendant un seul jour. Et il s'était arrêté, là, Jonas !  Or, chose incroyable, tous les habitants de Ninive avaient cru en Dieu et s'étaient détournés de leur mauvaise conduite. Alors, Dieu avait renoncé au châtiment, lui montrant ainsi, à Jonas, qu'il n'était pas seulement le "Dieu des juifs", mais le "Dieu de tous les hommes", à qui les juifs devaient le faire connaître.

Trop souvent, nous réagissons, nous aussi, comme Jonas. "Pourquoi s'intéresser à tels ou tels hommes ; ils n'en valent pas la peine ! D'ailleurs, ils sont irrécupérables - leur vie dépravée en témoigne -" ! Ou bien : "Tiens, un tel, une telle ici ! Est-ce bien sa place ?" Combien de fois avons-nous dit ou pensé de telles phrases, avons-nous jugé, classé un peu vite les gens qui nous entouraient, qui même venaient humblement vers nous, les plaçant facilement en bas de l'échelle qui monte vers Dieu, nous-mêmes étant bien plus haut évidemment. Notre intolérance pharisaïque - plus ou moins consciente - nous empêche parfois d'admettre que nous ne sommes pas les seuls à détenir la vérité, cette vérité qui mène toujours sur le chemin de Dieu. Car "Celui qui fait la vérité, dira St Jean (3.21) vient à la lumière !".

D'ailleurs, nous sommes souvent étonnés par les jugements de Dieu, si différents des nôtres. Quand Jésus appelle des hommes pour devenir ses apôtres, ce ne sont pas ceux auxquels les juifs pouvaient s'attendre. Ce ne sont pas des gens instruits, des gens qui connaissent les Ecritures et appliquent les lois juives à la lettre pour plaire à Dieu. Non, ce sont de simples pêcheurs, en train de travailler sur les bords du Lac de Galilée, qui vont devenir les plus proches compagnons du Fils de Dieu. A-t-on suffisamment réfléchi à cette manière de faire de Jésus ?

On entend souvent : s'affirmer chrétien oui, certes ! (Ce n'est déjà pas mal, n'est-ce pas ?). Mais recevoir une mission si petite soit-elle, je n'en suis pas capable, pas digne ! Et on fait comme Jonas !  Mais peut-on faire cette réflexion, quand on est appelé par Dieu, comme les simples pécheurs du lac de Galilée ? Or, tous, nous sommes appelés à une mission au fil du temps. A nous de découvrir, même à l'intérieur d'un monastère, cette mission d'un moment, d'un jour, d'une semaine peut-être, voire une mission plus permanente... En tous les cas, Dieu appelle à chaque instant ! A nous d'être à l'écoute..., comme le petit Samuel (de Dimanche dernier) au temps du prêtre Eli : "Parle, Seigneur, ton serviteur écoute !"

Lorsque Jésus appelle, Simon, André, Jacques et Jean quittent tout pour le suivre ; ils abandonnent leur père et la barque de pêche familiale, ils renoncent à leur avenir tout tracé. Et quand on connaît l'importance du clan familial chez les Juifs pour la survie d'un chacun, rompre les liens de parenté était une folie quai-suicidaire ! De plus, ces pécheurs qui quittent barque et filets ne savent même pas, en contrepartie, à quoi ils s'engagent. Pour eux, devenir des "pêcheurs d'hommes", ça ne doit pas vouloir dire grand-chose, encore ! Et pourtant, ils suivent Jésus comme si c'était tout naturel pour eux.

Dans la deuxième lecture, Paul veut dire la même chose aux Corinthiens, d'une manière qui peut nous paraître aujourd'hui assez brutale et catégorique. Mais il s'adressait à des chrétiens qui vivaient à Corinthe, en un monde très matérialiste et même dépravé. Pour pouvoir répondre à l'appel de Jésus, semble-t-il dire, ne soyez pas centrés sur vous-mêmes, vos intérêts, vos plaisirs ; votre petite vie personnelle n'a que peu d'importance par rapport à la mission qui vous est confiée par Dieu. Il y a urgence, dit Paul ; "le temps est limitée !".

Aujourd'hui, c'est à chacun d'entre nous que Dieu s'adresse. Oh, bien sûr, je ne crois pas qu'il nous demande de laisser tomber travail et famille, et de partir sur les routes prêcher l'Evangile.
Plus simplement, à notre place, nous pouvons répondre à son appel, que nous recevons souvent par l'intermédiaire des autres, comme pour les apôtres. Et cet appel de Dieu, si nous y répondons, entraîne une rupture avec nous-mêmes, une remise en question de notre existence bien organisée.
Il est vrai que ce n'est pas toujours facile de changer de vie, même en partie, de changer ses habitudes, de donner de son temps. Oui, il faut accepter d'être dérangé ou tout simplement accueillir, acquiescer, accepter…  Dans le cas des apôtres Jacques et Jean, il n'a pas dû être très simple pour leur père de voir partir ses deux fils !  Sa réponse, à lui, fut d'abord d'accepter !

Des exemples actuels de ce "oui" nous viennent facilement à l'esprit.
Assez régulièrement, nous entendons parler de gens qui consacrent un temps plus ou moins long et tout à fait bénévolement, au service de la prière, de la prière mariale, au service des autres ; peut-être même en connaissons-nous ! Tel père de famille qui, en plus de son travail, s'organise pour rendre service. Telle mère de famille déjà assez occupée qui prend en charge une équipe de catéchisme. Que sais-je encore ? Ces personnes-là, nous en connaissons tous. Bien sûr, elles ne font rien d'extraordinaire, mais leur "oui" n'en a pas moins de valeur pour autant.

On dit facilement aujourd'hui que les diverses associations manquent de plus en plus de responsables. Et certaines disparaissent, faute d'encadrement. L'Association fondée par le Christ et qui s'appelle "Eglise" va-t-elle manquer, elle aussi, de membres actifs et dévoués ? Il ne s'agit pas seulement de vocations sacerdotales ou religieuses, si importantes soient-elles. Il s'agit de chacun d'entre nous ! Dieu appelle toujours, à tout âge, à toute heure ! Chacun a une vocation propre, personnelle, certes ! Ne serait-ce que la vocation de l'amour dans le mariage, vocation la plus commune sans doute, mais vocation consacrée par un sacrement. Mais chacun doit trouver également sa vocation en l'Eglise, vocation ecclésiale. "Dieu a besoin des hommes", de vous tous, de nous tous. De nous tous, même en Communauté où il y a très souvent de multiples "missions" à découvrir, à accomplir, comme le remarquera Ste Thérèse de Lisieux qui s'écrira : "Au cœur de l'Eglise, je serai l'amour !".

"Venez derrière moi..." Comme aux apôtres il y a deux mille ans, cette phrase s'adresse aujourd'hui à chacun de nous. Saurons-nous l'entendre et faire cette supplique, à notre tour : "Seigneur, que faut-il que je fasse ?"

vendredi 23 janvier 2015

Vocation - Mission !

2e Dim. Ordin. 15/B   -  

Homélie de M. Ph. Lenoble, diacre,
en visite au Prieuré "La Paix Notre Dame" !

Je m'excuse d'avoir tardé à vous transmettre ce texte : une mauvaise bronchite en est uniquement la cause ! fr M.G.

Au-delà de Noël et en attente de la grande montée vers Pâques, nous ouvrons le Temps dit "Ordinaire", série de dimanches où l'Eglise propose la vie adulte de Jésus que nous retrouvons au seuil d'une mission ultime de trois ans.
Depuis l'âge tout aussi symbolique de douze ans où il avait pris son indépendance par rapport à Marie et Joseph, mieux que de lire la Torah à l'ambon de la synagogue comme tout juif de son âge, Jésus écoute, pose des questions.
Puis selon les Ecritures, c'est un long silence durant une période de dix-huit ans où l'on ne peut qu'imaginer Jésus, au-delà de l'âge déterminant de l'adolescence, continuant de croitre en sagesse, en taille et en grâce auprès de Dieu et des hommes.

Voilà qu'aujourd'hui Jean-Baptiste, dernier prophète et premier témoin du Christ pose son regard sur Jésus qui, réciproquement, se donnait à voir en allant et venant, un jour puis un autre jour. Alors, Jean-Baptiste le prophète par excellence de l'Alliance, présente Jésus : "Voici l'Agneau de Dieu".
Par ces mots, Jean le désigne comme le Sauveur promis au monde. Il voit en lui le véritable Agneau pascal annoncé à la sortie d'Egypte : ton sang libèrera du péché et de la mort ; ta chair sera la nourriture pour la route vers la Terre Promise.

A la suite de cette parole de Jean le Baptiste posant son regard sur Jésus, les vocations semblent naître spontanément. Respectivement. André puis Simon son frère. Jésus, posera, lui aussi, le regard sur Simon lorsqu'il lui dira : tu t'appelleras Kephas, Pierre.
Donner un nom, poser un regard ... est l'essentiel !
A qui est attentif, à qui écoute, Jésus fait une invitation : "Venez et vous verrez !". Il faut partir, aller à l'essentiel, nous éloigner de tout mal... "Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde !".
Telle sera l'invitation du célébrant aux membres de la communauté, de l'assemblée juste avant de partager le corps du Christ !

"Voici l'Agneau de Dieu !". Ce titre donné par Jean-Baptiste est bien, en la circonstance, l'élément déclencheur de l'appel à suivre Jésus pour une nouvelle vie. Dans l'évangile de Jean, proclamé chaque année, l'appel se transmet en cascade..., véritable cascade d'amour, l'amour de l'Agneau qui a tout donné... Et ce, par des hommes qui ont trouvé successivement Jésus. Le verbe "trouver" dans le sens le plus fort du mot est très présent dans la Bible. Chercher Jésus est donc nécessaire ; le reconnaître, le rejoindre, le trouver est préférable...
Ainsi André vient par Jean-Baptiste ;
Simon par André ;
par la suite, Philippe du même village qu'André et Simon dira à Nathanaël (Barthélémy ) qu'il a trouvé Jésus...

Chacun parle de ce qu'il a trouvé ... Dieu ! ... de ce qu'il vit : la foi.
Puis surgit cette question de Jésus : "Que cherchez-vous ?". -  Question qui ne sera pas sans rappeler celle posée au matin de Pâques !   Ou encore à la synagogue, quand Marie dit à Jésus : "Ton père et moi nous te cherchions !".

Mes sœurs, vous le savez mieux que quiconque : une véritable vocation oblige sans cesse à chercher Jésus sinon, on ne fait que se chercher soi-même ! Ce n'est pas la même chose.

Dans ce passage d'Evangile, Jean emploie plusieurs fois un de ses mots favoris : "demeurer" (40 fois dans son Evangile). Dans son sens fort, ce mot évoque l'intimité du Fils avec son Père au cœur même de la Trinité d'amour. Il exprime aussi l'intimité à laquelle sont introduits les croyants ; intimité que le geste de la communion eucharistique signifie, symbolise efficacement. j'ai en tête l'antienne de communion "Qui Manducat carnem meam" (Jn 6, 56) - "Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui".
Demeurez avec moi !
En ces temps difficiles, il est une manière de rester, de demeurer plus fréquemment près de Jésus, dans ce que l'on appelle l'adoration : la prière est une des forces, une des portes qui ouvre à la vocation.

Dans un monde qui s'accélère, où l'on voudrait réaliser nos désirs instantanément, même si l'appel est spontané, la vocation nécessite un mûrissement, un approfondissement, un discernement avec le Maître.
St Paul nous dit que suivre Jésus engage tout l'être : corps et âme !

Aujourd'hui, comme à chacune des Eucharisties, accueillons l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, sorte de leitmotiv du don eucharistique que Dieu nous fait ; et, comme la liturgie le demande, nous avons à y répondre : Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ! Percevons-nous bien qu'en cet "Agneau de Dieu", Jésus est la victime offerte librement par amour pour tous les hommes, pour chacun d'entre nous et, comme l'écrit magnifiquement Jean dans le livre de l'Apocalypse : il est l'Agneau qui conduit à la source de vie, au bonheur et essuie chaque larme de nos yeux (Ap 7,14-17).

Qu'à l'exemple de Samuel, nous gardions l'oreille attentive, une jeunesse certaine et que nous grandissions jour après jour dans la foi. Faisons confiance au Seigneur car "le Seigneur est avec nous" ; et comme le conclut Jean, il ne nous laissera aucun fait, geste et parole de mission sans effet ! N'est-ce pas merveilleux de savoir cela?
Puissions-nous l'écouter chaque jour et être toujours prêt à faire et à chanter sa volonté : "Me voici Seigneur, je viens faire ta volonté", tout particulièrement en cette Semaine de l'unité des chrétiens. Faisons nôtre cette affirmation de Paul : "Celui qui s'unit au Seigneur ne fait avec lui qu'un seul esprit" (1 Co 6, 17). N'hésitons pas à parler d'unité au monde en ce temps déchiré par la haine.

Puissions-nous par l'intercession d'André, de Simon-Pierre autant que Samuel et Jean-Baptiste nous recentrer sur Jésus. En ce dimanche, au moment de la présentation de l'"Agneau de Dieu" par le prêtre célébrant, soyons particulièrement attentif, car il s'agit de l'"Agneau de Dieu", celui qui ne cesse d'enlever le péché du monde.
A l'échelle de notre vie, si modeste soit-elle, recherchons-le... cet "Agneau de Dieu"... suivons-le... et demeurons en la présence définitive de Dieu, établi au milieu de nous !

13 Janvier 2015

vendredi 16 janvier 2015

Debout ! Dieu est là !

T.O. 1 Vendredi  -   (Mc 2.1-12)

Depuis le début de l’évangile selon St Marc, il y a comme un refrain qui revient sans cesse à nos oreilles : “Lève-toi !”
D’abord il est question d'un possédé que l'esprit mauvais secouait. Jésus en fait un homme debout.
Ensuite, c’est la guérison de la belle-mère de Simon-Pierre. Elle était au lit. Jésus la fait se lever ; et aussitôt, elle se met au service de Jésus et de ses disciples, bien debout et vaillante !
Hier, c’était l’histoire d’un lépreux. Jésus le guérit, si bien qu'il se met à courir partout, proclamant la nouvelle de sa guérison. C'est désormais un homme non plus mutilé, exclu de la société, mais vivant, bien debout dans la société des hommes.
Aujourd'hui, nous avons un double “lève-toi !”. Non seulement “lève-toi” : ton péché, la lourdeur qui paralysait les jointures de ton cœur et de ton âme ne sont plus ; mais “lève-toi” de ton grabat, de ta maladie. Ne sois plus un homme mort, en position allongée, mais bien debout, capable de ridiculiser le symbole de la mort en portant sous le bras ton brancard.

Chez St Marc principalement, Jésus recherche, surtout en cette Galilée méprisée qu'il va parcourir en tous sens, des gens modestes, voire très pauvres, les déshérités, les dépossédés, ces "brebis perdues" qui ont été jusqu'à vendre leur petit lopin de terre pour payer les lourds tributs à Rome, à Hérode-Antipas, au temple de Jérusalem. C'est à ces hommes, ces femmes, ces enfants que l'on a fait "misérables" que Jésus aime s'adresser et même partager leur frustre repas.
C'est d'abord à eux qu'il annonce : "Le Règne de Dieu" est là ! Dieu est là ! Dieu est parmi vous ! Et les guérisons qu'il opère sont avant tout des "signes" : tous les hommes quels qu'ils soient, sont appelés à être debout, à accueillir Dieu riche en miséricorde ; il les appelle à jouir d'une vie digne, digne des fils et filles de Dieu qu'ils doivent être, humainement et spirituellement tout à la fois !

Jésus n'enseigne pas une doctrine que des pauvres auraient peine à retenir ; il ne s'attarde pas à exposer des règles morales. Il annonce simplement un événement que les plus pauvres, les plus misérables peuvent accueillir avec joie et foi : Dieu est là, parmi vous, en vous ! Et c'est Lui, Dieu, qui, à l'intérieur d'eux-mêmes, peut les "ajuster" en vue d'une vie plus heureuse. Déjà ici-bas, et pleinement pour le jour éternel !

En pensant au "Royaume d'éternité" auquel tous aspirent, on oublie facilement que le "Règne de Dieu" doit commencer ici-bas ! Jésus dit : Heureux devez-vous être maintenant, vous les pauvres, les affamés, les malades, les éclopés de toutes sortes... Il ne s'agit pas de faire des dissertations d'éternité. Et Jésus ne parle pas de la "pauvreté" dans l'abstrait ; il parle aux nombreux "pauvres" qu'il fréquente, ceux qui survivent avec peine, les mendiants, les malades de toutes sortes... Peut-être aimait-il répéter la belle prière de Judith (9.11) : "Seigneur, tu es le Dieu des humbles, le secours des oppressés, l'abri des délaissés, le sauveur des déshérités". Aussi, il dira avec insistance : "Le Règne de Dieu est là !". Dieu est près de vous, en vous ! Et si, avec Dieu, vous agissez comme Dieu qui, lui, est "plein de miséricorde", alors vous serez debout, pleinement en vie. Dès ici-bas et éternellement !

St Marc dit que Jésus guérissait et annonçait la Parole. En d'autres termes, on pourrait dire que Jésus s'annonce lui-même. Il se dit lui-même, non seulement par ce qu'il dit, mais par le seul fait qu'il soit là. St Jean ne dira-t-il pas plus tard : Jésus est la Parole faite Chair, la Parole venue chez les hommes… ! Par lui, Verbe de Dieu, tout fut créé ! Et encore aujourd'hui, Jésus dit toujours : "faisons l'homme à notre image... !". Et l'homme se tient debout. Oui, Jésus parle toujours ; et sa Parole est Parole de Vie ! Aussi, quand le Fils de Dieu, Jésus, Parole, Verbe de Dieu, annonce la Parole, il dit Dieu, il dit la Vie ; la Vie du Père et la sienne et celle qu'ensemble, ils nous offrent.

Avec l'évangile d'aujourd'hui, nous pouvons comprendre qu'avant même que les gens n'arrivent avec leur brancard et le paralysé, la Vie est là, plus forte que la mort, que toute mort.
Car Jésus est bien Celui qui guérit ; mais plus encore, il est Celui par qui la vie de Dieu se manifeste : “pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de pardonner (ce que Dieu seul peut faire) je te l'ordonne...”. Jésus commande au mal qui est péché et au mal qui est maladie. Et il le fait à la manière de Dieu, miséricordieux ; et il le fait aussi à la manière humaine en guérissant, pour que tous comprennent bien.

Le “lève-toi” semble nous dire : quitte ton mal qui t'embarrasse, qui te paralyse, et sois signe de vie. “L'homme se leva, prit aussitôt son brancard et sortit devant tout le monde.”

Ce qu’il faut retenir, c'est que Jésus peut dire “lève-toi” parce qu'il est la Vie et qu'il ne peut accepter de voir la mort, cette mort que l'on inflige aux pauvres, aux affamés, aux malades de toutes sortes ; et il ne peut, non plus, envisager la mort éternelle ! Certes Jésus fera plus tard l'expérience de la mort, mais c'est la Vie qui l'emportera et pour lui et pour nous. Le récit évangélique d'aujourd'hui est comme une première annonce du mystère pascal.

Aussi, Jésus dit à chacun : "Lève-toi !", relève-toi ! Sois debout, bien vivant de la Vie même de Dieu... !

jeudi 15 janvier 2015

Humilité - Obéissance

15 Janvier 2015 - Sts Placide et Maur, disciples de St Benoît    

Je ne vous redirai pas aujourd'hui ce que je crois vous avoir transmis sur la vie de ces deux disciples de St Benoît, St Maur et St Placide...

Retenons simplement ce que St Grégoire et la tradition monastique nous a gardé des vertus magnifiées par ces deux jeunes moines : l'humilité et l'obéissance.
En cela ils ne faisaient qu'imiter le Christ lui-même, "qui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix ! Aussi Dieu l'a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom..." (Phil. 2.6sv).

Aussi permettez-moi aujourd'hui de vous transmettre simplement quelques aphorismes, sentences ou réflexions glanés naguère et aujourd'hui encore auprès des Saints qui tous ont suivi le Christ dans son humilité et son obéissance.

L'HUMILITE, d'abord :

L'Ecriture de dit-elle pas elle-même : "Dieu résiste aux orgueilleux, mais donne sa grace aux humbles !" (I Pet.5.5) - Aussi, "que chacun estime les autres supérieurs à soi" (Phil. 2.3).

Les Pères du désert avaient compris : "Mieux vaut une défaite dans l'humilité qu'une victoire dans l'orgueil !" (apophtegme).
Car finalement "L'humilité ne tombe pas, elle relève au contraire de leur chute ceux qui la possèdent :" (Barsanuphe de Gaza)
Aussi "l'humble n'est méprisé par personne !" (Isaac le Syrien). Entendons l'humble véritable, car "que de gens sont humiliés et ne sont pas humbles !" (Bernard de Clervaux)

Aussi nous faut-il retenir que "toutes les œuvres vertueuses ne sont point vertueuses sans l'humilité" (Youssef Bousnaya). "L'humilité est donc chose d'un bien grand prix, puisque l'orgueil même en recherche les apparences de peur de s'attirer du mépris" (Bernard de Clervaux)

Il ne faut pas oublier qu'en cette matière, le Démon est le grand tentateur : "L'honneur lui-même se perd dès qu'on le recherche !" (Thérèse d'Avila).
Et surtout sachons qu'"on est moins ridicule par les mauvaises qualités qu'on a que par les bonnes qu'on affecte" (Claude de La Ciolombière)

Le pape Jean XXIII écrivait dans son "Journal" : "Il ne me coûte rien de reconnaître et de répéter que je ne suis et ne vaux qu'un beau néant !"


Quant à l'OBEISSANCE, c'est peut-être la vertu la plus difficile à admettre et à pratiquer. Surtout en notre temps !

Notre grand Bernanos l'avouait lui-même dans son "Journal d'un Curé de campagne" et non sans humour : "On répète volontiers que dans l'obéissance il ne faut pas chercher à comprendre ! Mon Dieu ! Mais nous sommes cependant là pour ça ! J'entends bien qu'il y a les supérieurs. Seulement, les supérieurs, qui les informe ? Nous ! Alors quand on nous vante l'obéissance et la simplicité des moines, j'ai beau faire, l'argument ne me touche pas beaucoup". Evidemment !

Il nous faut comprendre, disait Raïssa Maritain : "L'obéissance est bonne non par la bonté de celui qui commande (pourvu qu'il ne commande pas de choses mauvaises), mais par les bienfaits de l'oubli de soi qu'elle procure à celui qui obéit".

Et on en revient comme naturellement à l'humilité qui nous fait acquérir l'amour nécessaire pour pratiquer l'obéissance : "N'allez pas à l'amour par obéissance, mais à l'obéissance par amour !" (Mgr Ghika). Car "il faut une volonté libre et aimante pour obéir. Autrement, on n'obéit pas, on subit" (Id).

L'obéissance, finalement, n'est grande que lorsqu'elle nous conduit à faire la volonté de Dieu. Ce que soulignait le pape Benoît XVI : "L'autorité dans la vie religieuse est avant tout une aide à la communauté ou à l'institut en vue d'accomplir la volonté de Dieu. L'obéissance n'est pas justifiée par l'autorité religieuse elle-même étant donné que tous les membres de la communauté et sa propre autorité sont tenus d'obéir. L'autorité est au service de la communauté pour rechercher et faire ensemble la volonté de Dieu".

Puissent St Maur et St Placide nous faire comprendre de plus en plus les grandes vertus de l'obéissance et de l'humilité, et surtout de bien savoir les pratiquer.

dimanche 11 janvier 2015

Renaître avec l'Esprit-Saint !

Baptême de Notre Seigneur 14/B

Nous sortons à peine des fêtes de Noël ; et la liturgie de ces derniers jours, en nous invitant à célébrer la "Sainte Famille" et l'"Epiphanie", nous gardait sous le charme de l'"Enfant-Jésus" !

Aujourd'hui, avec les premiers versets de St Marc, il y a véritablement un changement ! L'annonce de la "Bonne Nouvelle" commence avec le récit du "Baptême de Jésus" par Jean-Baptiste ! Cette fois, pour Jésus, le passage au Jourdain est comme une "nouvelle naissance".
- Il est l'homme parfait qui émerge des eaux pour s'adresser aux autres hommes.
- Il est surtout l'ambassadeur du Père, qui, après avoir reçu, pour ainsi dire, ses "lettres de créance", va commencer son ministère !
Oui, le Baptême pour Jésus, fut en quelque sorte "un nouveau départ", comme une "nouvelle naissance"... "A cette époque, Jésus, venant de Nazareth, ville de Galilée, se fait baptisé par Jean dans le Jourdain" (Mc 1-9).

C'est ainsi que, dans les premiers versets de son récit, St Marc n'a pas peur de nous rappeler que Jésus s'est soumis à un baptême de repentance ! Et nous pouvons y voir comme une continuation de l'Incarnation. Car Jésus se veut tout à fait "solidaire" de ce peuple qu'il vient sauver. "Bien que sans péché, il s'est identifié au péché", dira St Paul, pour racheter les hommes du péché.

Oui, Jésus descend dans ce fleuve dont le nom "Jourdain" veut dire "descente". Il descend en ce fleuve qui descend des monts de l'Hermon (2.800 m) jusqu' au lieu le plus bas du globe, lieu des habitants de Sodome et Gomorrhe dont les péchés ont été ensevelis sous les eaux de la Mer Morte (- 400 m). Il descend dans ce fleuve "descente" pour prendre sur Lui les péchés de Sodome et de Gomorrhe c'est-à-dire du monde entier et renaître à Dieu, pour Dieu et avec tous les hommes ! Lui, de condition divine, dira encore St Paul, il n'a pas craint de s'anéantir, prenant la condition de l'homme, et de l'homme pécheur !

Ainsi son enfouissement dans les eaux du Jourdain exprime à quel point il est en lien avec ceux qu'il est venu sauver. Ce Baptême de repentance est un geste d'amour rédempteur envers les hommes, et les hommes les plus pauvres, les plus pécheurs.
Dès lors, pendant tout son itinéraire terrestre, Jésus ne sera jamais l'homme qui reste sur la rive, comme un spectateur. Il ira, il sera toujours avec les pauvres, les malades, les pécheurs ! Il est comme l'un d'entre eux ! Les plus grands commentateurs des évangiles ont qualifié l'attitude de Jésus envers les derniers des exclus, les déshérités de toutes sortes par des expressions très imagés.
Il avait :
- "un intérêt inédit pour ce qui est perdu" (l'anglican Dodd + 1973)
- "une préférence pour les déshumanisés" (Léonardo Boff, Brésilien + 1080)
- "une tendance à aller vers le bas" (Bloch + 1955)
- "une prédilection pour les faibles" (Manuel Fraijo, Jésuite espagnol)
- "une vie en mauvaise compagnie", faisant bon accueil aux exclus de toutes sortes, aux publicains, prostituées... etc

Bien sûr, nous savons tout cela "intellectuellement"... ! Mais que de réflexions seulement, de démarches missionnaires auraient, de nos jours, à s'inspirer du geste du Christ ! Nous sommes parfois si peu "solidaires" de nos frères, ces exclus humainement ou spirituellement, alors que nous prétendons - pourtant - vouloir les voir "naître", "renaître" à Dieu !

On ne convertit pas avec de bonnes intentions, avec des raisonnements assenés avec quelque suffisance... A la suite de Jésus et de tous les missionnaires (tel Siméon Berneux, fêté en notre diocèse), à la suite d'une carmélite, telle Ste Thérèse de Lisieux, on ne convertit que ceux qu'on aime. Si le chrétien n'est pas en pleine sympathie (au sens propre du monde : "souffrir avec") avec le monde, s'il n'éprouve pas en lui-même les aspirations, les anxiétés du monde, s'il ne laisse pas grandir en son être le simple sens humain, jamais il ne réalisera en lui-même la symbiose avec le Christ. Parce que le Christ est le "médiateur entre le Ciel et la terre" (Teilhard de Chardin), entre ce qui est au plus élevé (Dieu) et ce qui est au plus bas (l'homme pécheur).

Oui, on ne convertit que ceux qu'on aime..., même s'ils nous apparaissent, au premier abord, peu sympathiques. Oh ! Certes, nous songeons souvent à "convertir nos frères" ! Mais, sommes-nous descendus, comme le Christ, avec eux, dans les eaux du Jourdain... pour pouvoir les aimer véritablement tels qu'ils sont et là où ils en sont, avec leurs défauts !

Oui, Jésus est bien descendu au plus bas du monde !

Mais alors, "du Ciel, une voix se fait entendre : C'est Toi, mon Fils bien-aimé ; en Toi j'ai mis tout mon amour !". Et Jésus "voit le Ciel se déchirer et l'Esprit descendre sur Lui comme une colombe". (Mc1.lO)

Ces images, j'en conviens, doivent nous déconcerter ; notre siècle est davantage friand de formules scientifiques que de vision qui semble poétique !  Pourtant, à cause de cela, allons-nous passer à côté de cette présence de l'Esprit, si vitale pour la vie du Christ et la nôtre ?
Ici, comme au début de la Création où l'Esprit planait sur les eaux .., comme au temps de l'Annonciation à Marie, l'Esprit de Dieu est présent au baptême de Jésus !

Et l'Esprit, c'est toujours l'Esprit des commencements, des "nouveaux départs", de toutes les naissances... L'Esprit est une force divine qui fait naître, surgir, vivre ! C'est Celui dont la prophétie d'Isaïe avait annoncé la venue : "Voici mon serviteur que je soutiens, mon Elu que j'ai moi-même en faveur, j'ai mis mon Esprit en lui" (Isaïe 42;1).

Oui, le Baptême de Jésus révèle en quelque sorte sa mission et celle de l'Esprit-Saint : pour sauver les hommes, le Père leur envoie son Fils Unique, pour qu'il en fasse d'autres fils guidés, animés comme Jésus, par l'Esprit-Saint qui peut "renouveler la face de la terre", qui peut "renouveler toutes choses", Ce sera ce même Esprit qui agira en Pierre, Paul, les Apôtres .., et en chaque chrétien pour annoncer le Règne de Dieu.

C'est l'occasion de nous demander : l'Esprit-Saint a-t-il encore une place dans notre vie de disciples de Jésus ou est-il devenu le grand absent ? Nous aide-t-il dans la vie concrète à nous situer comme des fils de Dieu qui aiment à prendre sans cesse de "nouveaux départs", opérer des "naissances" permanentes ?

Notre Baptême, pensons-nous parfois, appartient au passé ... Alors que des joies, des peines, des évènements petits ou grands, de nouvelles situations pourraient nous amener à "naître à nouveau", à prendre un nouveau départ, avec l'Esprit de Dieu !

"Moi, le Seigneur, dit Dieu par le prophète Isaïe, je t'ai appelé selon la justice, je t'ai pris par la main…" (Is. 42.6)
C'était vrai pour le peuple juif, exilé à Babylone  ...
C'était vrai pour Jésus, le premier d'entre les hommes, sur les bords du Jourdain.
C'est vrai encore pour nous, depuis notre baptême.

Que l'Esprit-Saint vienne sur nous tous, ce matin, et nous incite dans un nouveau départ, à proclamer chaque jour par notre vie : "Un Seul Seigneur, une Seule Foi, un Seul Baptême, un Seul Dieu et Père !".

vendredi 9 janvier 2015

Voir Dieu !

Jeudi ap. Epiphanie                                                              (I Jn 4.11-18)

"Dieu, personne ne l’a jamais vu ! Mais, si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous !". Ainsi donc, Il nous faut nous exercer à aimer, mais à aimer de l’amour même de Dieu. Ce qui parfois et même souvent très différent de l'amour humain ! “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés“, disait Jésus. Et le Christ nous a aimés de l’amour même qu’il recevait de son Père dans l’Esprit Saint. "Nous reconnaissons, ajoute St Jean, que nous demeurons en Dieu, et lui en nous, à ce qu'il nous donne part à son Esprit !".

La première réflexion de l'apôtre est importante : “Dieu, personne ne l’a jamais vu, contemplé !“. Et c’est vrai ! La contemplation de Dieu en plénitude, ce sera pour "le Jour", "le Jour Unique" (héb. : erad), comme disent le prophète Zacharie et l'Apocalypse, c'est-à-dire "le Jour éternel", comme nous disons facilement. Ce sera entrer dans le "Jour de Dieu" ! Alors, “nous le verrons tel qu’il est, comme lui nous voit sans cesse !“.

Et pourtant, nous parlons de la "Vie contemplative" des moines, moniales, des prêtres ou de tel ou tel chrétien : “C’est un contemplatif“, dit-on alors. Mais il faut s’entendre. La “vie contemplative“ ici-bas ne procure pas la “vision“ de Dieu ; elle donne des moyens qui nous préparent, qui nous forment à la plénitude de la contemplation au ciel : “Voir Dieu comme il nous voit !“. Et il est bien logique que si nous désirons “voir Dieu“, nous devons prendre déjà les moyens qui nous conduisent à cette vision céleste.

Et parmi ces moyens,

+ Il y a d’abord la prière liturgique, et principalement, au cœur de cette prière, l'Eucharistie qui célèbre, chante proclame la présence même de Dieu en Jésus Christ. Jamais nous ne sommes plus près de Dieu que lorsque nous entendons le Célébrant dire : “Ceci est mon Corps !“. Nous ne mesurons pas suffisamment alors que le ciel descend sur terre. C'est une continuation du mystère de l'Incarnation et du mystère de Pâques ! Avec l'Eucharistie, c'est tout à la fois Noël et Pâques ! Ce que Dieu dit, il le fait en même temps, toujours, comme aux jours de la Création, selon le livre de la Genèse. Mais, là, ce que Dieu fait, il nous le dit ! Et cette présence divine accommode peu à peu l’œil de notre foi qui perçoit déjà ce que l’œil charnel ne peut voir ici-bas !
Et tout le reste de la liturgie ne prend de valeur que par rapport à cette “vision de foi“. Toute la liturgie est centrée sur cette “contemplation de Dieu“ qui se rend présent à nous !

+ Un des grands moyens, à la suite de la liturgie, est l’écoute et la proclamation de la "Parole de Dieu" (dans toute la Bible). Personnellement, j’aime bien cette expression que l’on trouve surtout à la fin du Deutéronome : Quand Moïse transmettait la “Parole de Dieu“, il parlait, est-il dit, “sur les lèvres de Dieu“ (al pi Adonaï). Et si nous prenions conscience de cette place éminente que nous avons quand nous lisons ou - bien davantage - quand nous proclamons la “Parole de Dieu“ ! Finalement la table de la Parole est aussi importante que la table eucharistique. Si nous en prenions suffisamment conscience !

+ Mais il y a encore bien d’autres moyens qui nous préparent à “voir Dieu“. Il y a, bien sûr, la Prière personnelle sous toutes ses formes. Par ce moyen, le chrétien appelle Dieu à “demeurer“ déjà en lui… Beaucoup, parmi ceux que la vie accapare, connaissent ce que l’on appelle couramment “la prière du pèlerin russe“ : cette élévation de tout son être vers Dieu de façon extrêmement courte mais fréquente. Et, très souvent, j'ai constaté qu'à ceux qui s'adonnent à cette prière simple et facile, Dieu se fait, un jour ou l’autre, très proche !

+ Et puis, il ne faut surtout pas exclure de notre “vie contemplative“ ici-bas nos diverses activités elles-mêmes. Elles peuvent nous préparer à “voir Dieu comme il nous voit sans cesse“, si nous savons les accomplir en union avec Dieu. Les affaires très temporelles peuvent devenir spirituelles. A une responsable de Communauté qui se plaignait fort des tracas matériels de sa charge, Ste Catherine de Sienne - une contemplative qui fut parfois très active - répondit : “Les choses ne sont temporelles qu’autant qu’on le veuille bien. Vous trouvez votre activité bien temporelle ! Rendez-la spirituelle avec l’Esprit-Saint en vous !“  Avec l'Esprit-Saint en vous !  Tout est là !

Ici-bas, nous avons donc des moyens qui nous préparent à la contemplation de “Dieu face à face“. Ce sont des moyens très précieux ! Mais il ne faut jamais prendre un moyen pour une fin. C’est fréquent cela, même chez des Religieux ! C’est ce que j’appelle facilement “l’inversion sacrilège“ : mettre l’homme avant Dieu. Le péché d'orgueil, toujours ! Les moyens disposent à recevoir Dieu, nous préparent à la vision de Dieu. Mais Dieu seul donne Dieu !

Et St Jean va ensuite insister sur le grand moyen de la “Vie contemplative“, qui, immanquablement, nous prépare à “voir Dieu“ : la charité fraternelle, essayer d’aimer comme Dieu aime, à l'exemple du Christ lui-même. Si nous nous essayons d’aimer vraiment de cette façon, alors "Dieu demeure en nous !". Dieu se laisse déjà voir !

mardi 6 janvier 2015

Marcher vers Dieu, "Celui qui est !"

Epiphanie - 6 Janvier 2015

Fête de l’Epiphanie ! Fête des rois ! Mais pourquoi des rois à la crèche ?

Disons d’abord : ceux qui voient dans le récit de l’Evangile une description historique se trompent ! Ce n'est pas un reportage, mais un enseignement. Pas un conte pour enfants, mais une catéchèse pour adultes.
Disons aussi que c’est Matthieu qui écrit. Et Matthieu est un “bon scribe”. Et, dira-t-il : "tout scribe devenu disciple de Jésus est semblable à un homme qui tire de son trésor du neuf et du vieux" (Mth 13.52), expression tirée de ce poème d’amour, le Cantique des cantiques : “Les mandragores (appelés aussi ‘pommes d’amour’) présentent leurs meilleurs fruits. Les nouveaux comme les anciens, je les ai réservés pour mon bien-aimé” (7.14). Autrement dit, ce bon scribe qu’est St Matthieu veut présenter, à la charnière de l’Ancien et du Nouveau Testament, les fruits nouveaux de l’Evangile ; mais ils ne se goûtent bien, ces fruits nouveux, qu’avec ces fruits anciens qui, dans le passé, manifestaient déjà les merveilles de Dieu pour les hommes.

Or, Matthieu a réfléchi sur l’opposition des Juifs au temps de Jésus. Et des Juifs, à son époque - l'une des grandes souffrances de St Paul - ! En écrivant, c'est à eux qu'il pense. Bien plus, leurs arguments traversent les rangs des premiers chrétiens : on hésite à accueillir les païens qui se convertissent en grand nombre. Ils ne pratiquent pas la Loi de Moïse ! Peuvent-ils devenir chrétiens ? C'est pour répondre à cette question que Matthieu a écrit ce récit de la visite des mages, composé comme une polémique pour mieux se faire comprendre.

En effet, qui vient auprès de l'Enfant Jésus ? On se serait attendu à voir prêtres, lévites et rois… Non, dit Matthieu ; ce sont des païens qui viennent de très loin et qui se risquent à chercher Dieu. Les savants, religieux et autorités restent à Jérusalem. Pourtant il ne suffit pas de “savoir” pour trouver Dieu - comme les savants de Jérusalem qui "savent" où doit naître le Messie ! -, il faut surtout marcher comme les Mages, ne jamais s’installer !
Le message est clair : Ce sont les païens qui ont le mieux compris la nouveauté de l’Evangile annoncée dans les temps anciens.
Le message est éclatant : Dieu veut toujours “se manifester” (sens du mot "épiphanie") à tous les hommes sans exception. Aucun obstacle ne peut venir de la race, de la culture. Dieu se propose à tous pourvu que l’on ne s’installe pas et que l’on marche à sa recherche.

Disant cela, Matthieu semble dire : ne voyez-vous pas les anciens fruits d’amour de l’éternelle pédagogie de Dieu à l’égard des hommes ?
Rappelez-vous ! Lorsque notre peuple s’est installé en la Terre promise, le Roi de Moab, mécontent, alla chercher un étranger, Balaam, pour qu’il vienne nous maudire. Ce Balaam venait du pays d'où était sorti Abraham. Et le roi de Moab voulait le payer largement pour qu'il prononce des malédictions comme pour neutraliser les bénédictions faites à Abraham.

Alors, Balaam est plusieurs fois partagé entre le bénéfice qu'il peut tirer en maudissant et l’invitation que Dieu lui lance pour bénir son peuple.
Et il y a le fameux épisode de l’âne de Balaam (c'est déjà l’âne de la crèche) qui se couche sur le chemin lorsque son maître part pour aller maudire. Car lui seul voit l’ange de Dieu lui barrer la route, une épée de feu à la main.
Ce récit est amusant mais très instructif aussi : à vue humaine, les voies de Dieu sont si complexes qu’il faut avoir une grande dévotion pour l’âne de Balaam, pour tous les ânes qui nous empêchent d’avancer sur certaines de nos routes humaines… ! Car l'âne de Balaam, ce sont toutes les voies de notre vie qui se bouchent - comme providentiellement malgré nos incompréhensions ou révoltes, parfois - pour mieux trouver celle qui mène à Dieu. Quand on prend un peu d’âge, on a davantage de dévotion pour l'âne de Balaam, cet âne rétif qui nous mène là où l'on n'aurait jamais cru devoir aller !
D’ailleurs, il y a beaucoup d’ânes dans la Bible - de celui de Moïse jusqu’à celui de Joseph à son retour d’exil avec Marie et l’enfant Jésus -. Ils sont tous intelligents, ces ânes-là ! L’âne de la crèche ! Il faut savoir comprendre les ânes qui nous empêchent de nous installer pour mieux nous lancer à marcher vers Dieu !

Alors, comprenant le langage de son âne, Balaam, au lieu de maudire, bénit : "Oracle de celui qui écoute Dieu. Il voit (enfin) ce que Dieu fait voir : Je l'aperçois : De Jacob monte une étoile - c'est déjà l'étoile de la crèche ! -, d’Israël surgit un roi !".
Balaam était-il roi pour annoncer un roi ? En tous les cas, ses successeurs, les Mages, doivent l’être, eux qui cherchent le Roi des rois ; et naturellement, ils sont précédés d’une étoile, sans oublier la présence de l’âne qui doit se réjouir d’avoir résisté à son maître d’autrefois. Matthieu est ce “bon scribe” qui, pour parler aux Juifs récalcitrants, sait tirer “de son trésor du neuf et de l’ancien”.

Ainsi - c’est l’objet de la polémique de Matthieu - les scribes qui connaissent bien la Bible ne se dérangent pas, tandis que des païens dirigés par une étoile - ces païens que l'on qualifiait facilement d'"adorateurs d'étoiles" ! - viennent se prosterner devant le Roi des rois. C'est un drame pour Matthieu comme pour Paul - tous deux juifs -. Comment peut-il se faire que ce peuple préparé par la Providence divine à recevoir le Messie, ne se dérange même pas ?
Grande question qui peut être la nôtre ! Ainsi, la crèche qui semble pour les enfants avec ses rois-mages qui paraissent sortir d’un conte de mille et une nuits est riche d’enseignements divers : Dieu est “celui qui est”. Il n’a pas besoin de paraître (notre tentation !). Et pour être sur la trajectoire de Celui qui est parmi les hommes, il faut vivre au plan de l’être et non du paraître, même si l’on est savant.

Méditons ainsi devant la crèche avec les mages 

Il y a la vierge Marie. Elle est là simplement ! Elle est là depuis les origines, à la naissance, au Temple, à Cana, au pied de la Croix. Elle est là tout le temps ! Elle est là à la Pentecôte, naissance de l’Eglise. Elle est toujours là devant “Celui qui est”. En méditant les mystères du rosaire, on emprunte alors le cœur, l'intelligence, l'intuition de la Vierge Marie pour mieux connaître le Verbe Incarné en qui habite la plénitude de la Divinité.

Il y a St Joseph. On ne sait rien de lui ; c’est le “grand silencieux” ! Mais il est là, lui aussi, devant “Celui qui est”. Et avec St Joseph, Jésus n'a-t-il pas voulu avoir comme une image de son Père Céleste, Celui qui est et qui n'a pas besoin de paraître. Il “est” là simplement.

Il y a les bergers. Ils sont, moins que les autres, victimes de cette maladie si contemporaine : le divertissement, le besoin permanent de “paraître” qui entraîne souvent l'aveuglement. Ils sont là !

Il y a l'âne et le bœuf. J’ai évoqué l’âne de Balaam. Mais d’où sortent-ils donc, ces deux, l'âne et le bœuf ? On n'en parle pas dans l'Evangile. Ils sortent du Prophète Isaïe qui prédit pour la plénitude des temps : “Le bœuf connaîtra son possesseur, et l'âne la crèche de son maître”. Finalement, il vaut mieux être un âne ou un bœuf qu’un scribe qui joue l’apparence de la science et méconnaît “Celui qui est” !

Etre là ! Etre là sur la trajectoire de Dieu qui passe, de “Celui qui est” : “alors qu'ils étaient là !” (Luc2:6.) Etre là ! Oui, on peut accumuler connaissances sur connaissances, et ne pas être là sur la trajectoire de Dieu, qui vient nous chercher, nous prendre tels que nous sommes, là où nous en sommes, pour nous conduire vers lui.

Mais sachons-le encore : quand on est sur la trajectoire de Dieu qui passe, il faut aussi être prêt â tout. Matthieu le dit à sa façon : après avoir rencontré Jésus, “les mages repartirent par un autre chemin”. Tous ceux qui rencontrent “Celui qui est” sont voués à un autre chemin, arrachés qu’ils sont à leur apparence. Le chemin ouvert par Jésus est toujours nouveau, car il nous veut à l’image et ressemblance de “Celui qui est” !

dimanche 4 janvier 2015

Deux "Bonnes Nouvelles" !

2ème Dim. après Noël - Enfants de Dieu  (Si. 24.1sv – Eph. 1.3sv – Lc 1.1-18)

Les textes de ce Dimanche après Noël nous invitent à contempler, une fois de plus, le grand mystère d’un Dieu qui se fait homme ! Et St Jean nous répète comme au jour de Noël : “Au commencement était le Verbe… Et le Verbe était Dieu. Rien ne s’est fait sans lui. … Et le Verbe s’est fait chair…  Et à ceux qui croient en son Nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de DieuIls sont nés de Dieu !“

Savons-nous mesurer véritablement la réalité insolite de ce grand mystère que nous venons de fêter :
- Dieu s’est fait chair ! “Et caro factum est !“.
- Et, en conséquence, ceux qui croient en ce Dieu fait homme deviennent “fils de Dieu !

Que Dieu fasse alliance avec l’homme ? Oui ! On pouvait l’imaginer, le comprendre. Tout l’Ancien Testament est une admirable histoire d’alliance, une “histoire d’amour“ entre le Créateur et sa créature… souvent rebelle d’ailleurs !

Les livres de la Sagesse dont notre première lecture fait partie nous le rappellent. La SAGESSE nous est présentée comme une personne qui, tout en étant une créature, existe avant la création du monde… C’est en jouant devant Dieu, est-il dit (Prov. 8), qu’elle inspire fortement le Créateur !
Et il est vrai qu’en nous plongeant quelque peu dans les profondeurs des mers, en nous élevant vers l’immensité des cieux, en admirant la complexité de la nature qui nous entoure…, on peut deviner qu’avec la Sagesse qui joue devant lui, Dieu, si l'on peut dire, s’est bien amusé avec la diversité et la complexité dont il a usé en créant les univers.
La Sagesse fut créée, est-il dit encore (Prov 8.22) comme "prémices des œuvres de Dieu" (prémices : “reshit“ en hébreu, comme “bereshit“ : “Au commencement…“, ce commencement que St Jean nous rappelle…). C’est donc avec la Sagesse qui jouait à ses côtés que Dieu créait les mondes… ! Notre Dieu n'est pas un Dieu triste. Notre Dieu est un Dieu joyeux : en créant, il devait lui-même rire avec la Sagesse qui jouait à ses côtés !

Et, après avoir ainsi inspirée Dieu au moment de la création, cette même SAGESSE qui “amuse Dieu“, si je puis dire, vient converser avec les enfants des hommes : “La Sagesse a bâti sa maison, abattu ses bêtes, préparé son vin ; elle a dressé sa table…“ (Prov 9.2sv). C’est déjà l’invitation au banquet dans le Royaume des cieux dont parlera Notre Seigneur !

Mais retenons que - au-delà de l'humour que manifestent ces textes - cette Sagesse de Dieu dont il est question prophétisait : elle préparait les hommes à accueillir la “Bonne Nouvelle“ si stupéfiante : “Et le Verbe s’est fait chair !“.
Oui, une “Bonne Nouvelle“ si inimaginable que Dieu doit en rire en sa “folie d’amour“ pour l’homme ! Il doit rire de notre stupéfaction : l’Incréé se fait créature ! La Puissance de Dieu se fait faiblesse d’homme, l’Infini se fait finitude…, l’Immatériel se fait matière ! Et on peut imaginer que les anges dans le ciel, au moment de la Nativité, chantent merveilleusement, avec le sourire amusé de la Sagesse divine : “Gloire à Dieu au plus haut des cieux… !“

Voilà cette grande réalité que nous rappelle ce deuxième Dimanche après Noël : La Sagesse de Dieu joue toujours devant Dieu - elle sourit devant l’Enfant-Dieu - ; et elle nous invite à répondre avec folie respectueuse et joyeuse à la folie d’amour de Dieu pour l’homme ! Que toute notre vie danse avec joie devant le Très haut, qu’elle chante en paix avec Marie : “Mon âme exalte le Seigneur !“

Oui, qu’avec la Sagesse divine, notre vie danse et chante pour le Très-Haut, car cette histoire - cette folie d’amour de Dieu pour l’homme - n’est pas terminée ! Il y a une autre “Bonne Nouvelle“ encore plus stupéfiante : A ceux qui croient, nous dit St Jean, Dieu donne le pouvoir de devenir enfant de Diru… ! “Ils sont nés de Dieu“. C’est encore la Sagesse de Dieu qui va au fond de la salle du banquet qu’elle a préparée ; elle vient nous prendre ; elle nous dit avec son sourire amusé : “Mon ami, monte plus haut !“ (Lc 14.10)… Pour nous placer à la table des enfants du Roi des cieux !

Savons-nous peser toute la densité des phrases que St Paul nous adresse aujourd’hui : "Dieu nous comble de sa bénédiction spirituelle en Jésus Christ. En lui, il nous a choisis… Il nous a destinés à devenir pour lui des fils… Voilà ce qu’il a voulu dans sa bienveillance pour que soit chantée la merveille du don gratuit qu’il nous fait… !". Et St Jean s’écriera, lui : “Voyez de quel grand amour le Père nous a fait don, que nous soyons appelés enfants de Dieu". Et il terminait avec force : “et nous le sommes !“. Et nous le sommes, enfants de Dieu ! Ce n’est pas une figure de style. C’est une réalité !

St Paul qui ne maniait pas l’humour comme la Sagesse divine, explicitera cette réalité avec l’acuité intellectuelle du pharisien, fils de pharisien. Pour cet apôtre, tous les chrétiens, de par la foi et le baptême, sont “fils de Dieu“ ! : “Tous, vous êtes, par la foi, fils de Dieu en Jésus Christ. Oui, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ“ (Gal 3.26).

Fils de Dieu ! Comment cela ? Ne serait-ce pas simple allégorie ? Non point ! Car le terme employé par St Paul - uiothesia- (Gal 4.5) doit être compris dans le sens le plus strict : les chrétiens sont d’authentiques “fils de Dieu“ ! Et aux Galates, l’apôtre affirme que le but de l’Incarnation et de la Rédemption est de conférer aux hommes la dignité de “fils de Dieu“ (Gal 4.5-7) : “Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils… afin que nous recevions l’adoption filiale… !".

Et, ajoute-t-il, puisque vous êtes fils, "Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils, lequel crie “Abba - Père !“. Oui, le chrétien reçoit en conséquence l’Esprit de Jésus, le Fils par nature, qui leur donne une mentalité filiale. De ce chef, la nouvelle alliance se caractérise comme le régime de l’Esprit qui anime tous les adoptés : “Seuls sont enfants de Dieu ceux qui sont mus par l’Esprit de Dieu“  (Rm 8.14-17).
Bien plus, insiste l’apôtre, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu, cohéritiers avec le Christ. Ainsi le chrétien a un double privilège : il peut appeler Dieu : Père ; et il est héritier direct des biens du Père. C’est dire que l’adoption l’a vraiment introduit dans la famille de Dieu Père, Fils, Esprit-Saint.

Aussi St Paul insistera : l’adoption n’est pas une métaphore, mais bien une réalité : le chrétien fait bien partie de la famille de Dieu. Et il hérite nécessairement du patrimoine de son Père. La métaphore est largement dépassée. Les chrétiens ne sont pas seulement des fils adoptés (uioi), mais des enfants proprement dit (tekna) (Rm 8.16-17). St Paul substitue parfois le second terme au premier pour bien signaler la réalité d’un l’engendrement. Dieu a le pouvoir de communiquer sa nature et sa vie à ceux qu’il adopte ! Savons-nous appréhender véritablement cette réalité ?

La conséquence est un souhait que Paul formule aujourd’hui (et ailleurs) : “Que le Dieu de Notre Seigneur Jésus Christ, le Père dans sa gloire, vous donne un Esprit de sagesse pour le découvrir et le connaître vraiment. Qu’il ouvre votre cœur à sa lumière pour vous faire comprendre l’espérance que donne son appel, la gloire sans prix de l’héritage que vous partagez avec les fidèles“.

Oui, le Verbe s’est fait chair !
Et ceux qui croient deviennent vraiment “fils de Dieu“ !
Puissions-nous avoir le regard assez pénétré de cette réalité qui modifiera obligatoirement le regard que nous pouvons porter sur nos frères, eux aussi fils de Dieu !