samedi 31 octobre 2015

Ils se sont tant aimés !


Toussaint 2015 - Ils se sont tant aimés !

“Mon père, je lui parle... ! Est-ce ridicule ?”. Et cette question d'une épouse qui vient de perdre son mari s’achève parfois dans un sanglot étouffé ! Ils se sont tant aimés ! On ne peut se faire à cette idée : être séparé à jamais !
Et puis encore : quand l’esprit, buriné par les épreuves des années, ne sait plus "à quel saint... se vouer", comme l'on dit, il se surprend à parler à tel ou tel défunt, un père, une mère décédés depuis longtemps ! Comme si le seul recours à nos chagrins de grands enfants prolongés se trouvait dans la tendresse que nous avons pu connaître ici-bas. Tendresse qui apparaît alors comme un avant-goût de paradis. 
Du sentiment tout cela, dira-t-on ! Et alors ? Pourquoi en avoir honte ?

Car la Toussaint, c'est tellement humain ! 
La Toussaint, c'est peut-être d'abord ce besoin de toucher du doigt que l'amour ne meurt pas, ne peut pas mourir. Combien de gens, ne partageant pas la foi chrétienne, ont cette conviction profondément ancrée en eux-mêmes : “Il n’est pas possible que ce qui a été le plus extraordinaire dans la vie - aimer - puisse se terminer en poussière”. Oui, pressentiment irrépressible : “Nous nous retrouverons tous un jour !”

Demeure cependant une sourde angoisse que St Augustin a bien exprimée : “Tant qu'ils (nos défunts) n'ont pas trouvé en Dieu le repos, nos cœurs demeurent dans l'inquiétude”. Aussi l'Eglise, dans sa sollicitude, a voulu nous rassurer en instituant cette fête de la Toussaint qui est tellement humaine parce que tellement chrétienne aussi. 

Car cette fête se fonde sur la foi en la Résurrection qui nous ouvre les portes de la Vie en plénitude. Vie éternelle qui n'est pas à concevoir sur un mode individuel - on l’imagine souvent ainsi -, où chacun serait dans son coin de bonheur ! Et l'on pose naïvement la question : "Quel est ce lieu où chacun trouvera place parmi tant et tant de monde ?".
C'est mal poser la question ! Et la fête de la Toussaint nous propose déjà une communion les uns avec les autres, communion qui sera tellement forte puisqu’elle ne pourra subsister au ciel que dans la Communion que s’échangent les trois Personnes divines, Père, Fils, Esprit-Saint qui ne font cependant qu’un seul et unique Dieu
Les neuf béatitudes que proclame l’Evangile récapitulent finalement l'unique “Béatitude” céleste : le bonheur d’une union avec Dieu qui entraînera une parfaite communion les uns avec les autres ! En Dieu !

Certes, ce n'est peut-être pas évident d'espérer ce ravissement. ! Pourquoi ? Parce que - soyons honnêtes - si Dieu est théoriquement premier pour un chrétien, il n’est pas toujours premier dans tout le déroulement de sa vie. 
Certes, nous savons plus ou moins communiquer avec Dieu par ce que l'on appelle la prière, quelle qu'elle soit. Mais nous n’en sommes pas encore à une parfaite union avec Lui, ce que certains Saints ont pourtant quelque peu expérimentée dès ici-bas comme St Paul qui écrivait : "Je connais un homme, qui - était-ce dans son corps, hors de son corps, je ne sais, Dieu le sait -, cet homme-là fut enlevé jusqu'au paradis et entendit des paroles inexprimables qu'il n'est pas permis (possible) à l'homme de redire..." (2 Cor. 12.2-4).
Et nous mêmes, nous aspirons à cette union inexprimable avec Dieu ; et cette union avec Dieu engendrera une totale communion les uns avec les autres, ce que l’on appelle déjà “communion des saints”. 
Et cela, grâce au Christ qui - homme, lui aussi - est remonté, ressuscité, dans la gloire de son Père ! "Par Lui, avec Lui, en Lui !". Comme en l'Eucharistie que nous allons célébrer et qui est déjà, si nous le voulons, anticipation de la communion avec Dieu et avec tous nos frères !

A notre époque, on parle beaucoup de communication. Il faut communiquer ! Et le pape François a insisté, au cours du Synode romain, sur l'importance de la communication, même et surtout dans l'affrontement des opinions différentes. Il faut communiquer ! Mais à une seule condition. Car la communication n'est pas un but en soi, sinon elle devient - c'est fréquent - logomachie, logorrhée, verbalisme. La communication n'a qu'un but : la communion, l'union entre les hommes. Sans ce désir de communion, elle est inutile ! Mais malheur aussi à ceux qui ne savent pas ou qui ne veulent pas communiquer. Il leur sera toujours difficile de communier avec autrui.

Tel est encore le sens chrétien de la fête de la Toussaint qui nous permet de communiquer pour mieux affirmer, dans la joie, que la communion est possible et qu’elle sera parfaite au jour éternel ! 
Nous proclamons, nous chantons, nous nous communiquons, nous nous félicitons - verbe qui signifie “être heureux” -, de pouvoir célébrer nos parfaits "communiants” du ciel, tous ceux, célèbres ou non, qui nous précèdent dans cette “communion des saints” !
Par cette fête, nous pouvons communiquer avec eux, nous pouvons les prier, afin de creuser en nous le désir de Dieu, notre désir d'union à Dieu, pour mieux évangéliser notre imagination en recherche de cette jubilation d'être “avec Dieu pour toujours”, au cœur de cette “communion des saints”. 

Mais resurgit alors la question de cette épouse meurtrie par la mort de son mari : “Quelle trace d'amour retrouverons-nous de ce que nous avons semé sur terre ? Que restera-t-il de nos affections, de nos amours… ?".
Rappelons-nous le piège tendu à Jésus au sujet de cette femme qui avait eu sept maris. “De qui, lui demande-t-on, sera-t-elle l'épouse ?”. Jésus, comme toujours, élève le débat. La solution n'est pas humaine mais divine. “Dans le Royaume des Cieux, il n'y a ni époux, ni épouse. Vous serez comme des Anges”. Que veut dire Jésus, souvent quelque peu provocateur ?
Jésus veut éclairer le mode de relation que nous aurons en son le Royaume. Certes, nous nous retrouverons parfaitement, mais transfigurés. Comme Jésus lui-même lors de sa résurrection ! Nous nous reconnaîtrons, nous serons bien les mêmes et, en même temps, tout autres. Comme des anges !
L'ancien monde aura disparu, dira St Jean. C’est-à-dire : ici-bas nos rapports avec autrui passent inévitablement par la médiation de nos corps souvent fatigués, de nos intelligences souvent embuées, de nos sensibilités parfois exacerbées ; là-haut, au ciel, toutes nos limites éclateront. Jamais notre prochain ne sera aussi proche, car notre vie ne sera plus embrumée par ce qui la rend souvent opaque ici-bas. Cette “communion des saints” sera le lieu par excellence de la transparence. “Comme pour les anges !”
Et Jésus d'affirmer par ailleurs : “Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père” ! C'est dire que chacun, chacune seront bien reconnus dans leur originalité, leur différence, leur personnalité unique, irréductible aux autres ?

Peut-être allez-vous rétorquer : qu'en savez-vous, vous qui semblez parler en spécialiste des choses jamais vues, de ce que personne n'a pu constater ?
C’est vrai ! Mais Jésus, lui, sait de quoi il parle. Et ses paroles sont des indices qui ne trompent pas. Outre ses paroles sur le mariage, il y a cette phrase lapidaire et lumineuse : “Il n'y a rien de secret qui, un jour, ne doive être dévoilé”. Chacun sera vu comme Dieu le voit de toute éternité; et il sera vu dans sa sainte originalité voulue par Dieu Créateur ! En pleine lumière ! 
Et prendre conscience que nous sommes vus de Dieu de toute éternité est le commencement de notre vision de Dieu. C’est l’un des grands leitmotivs de toute la Bible : "Serait-ce donc que j'ai vu Celui qui me voit?", se demandait déjà Agar, servante d'Abraham qui, dans le désert, avait comme rencontré Dieu au "puits du Dieu qui voit" (Gen. 16.13) ! Du Dieu qui voit de toute éternité.
Et St Jean de la croix de répondre pour nous : “Cela aura lieu quand vous m’aurez transformé, Seigneur, en votre beauté ; Alors, je me verrai en vous dans votre beauté. En votre beauté, je serrai vous. En votre beauté, vous serez moi, parce que votre beauté même sera mienne”

En célébrant la Toussaint, l'Eglise nous appelle à l’union avec Dieu. Elle chante son Cantique des cantiques : “L'Amour est plus fort que la mort”. Elle envoie au monde entier son faire-part des noces éternelles dans la “communion des saints”. Et nous y sommes tous invités ! TOUS ! Même les estropiés, les boiteux, les aveugles, disait dernièrement le pape François. Comme cet aveugle de Jéricho dont il était question dans l'évangile de dimanche dernier. Jésus le met debout ; il le met "voyant", mais "voyant" pour "voir" Dieu !

mercredi 28 octobre 2015

Deux apôtres parmi les apôtres !


Sts Simon et Jude, apôtre - 27.10.2015  

Faute de temps, vous me permettrez de ne faire aujourd'hui que quelques réflexions" à bâtons rompus" !

St Simon et St Jude ! On ne sait que peu de choses sur ces deux apôtres qui sont bien cités dans les évangiles. Ils furent Apôtres. Et cela suffit !

Comme de nous-mêmes, on pourra dire : Ce furent des chrétiens, des religieux, religieuses ! Et si c'est vraiment le cas, cela est bien et cela suffit !

- Simon est appelé soit "le Zélote", soit "le Zélé" !
" Le zélote": cette appellation ferait alors référence à un "parti politique" juif qui avait l'ambition de "jeter à la mer" les Romains. En somme, les Zélotes formaient un groupe de résistants qui faisaient parfois des "coups de mains", menaient une guérilla contre les occupants... ! Rien de nouveau sous le soleil !

Peut-être Simon connaissait-il Judas que l'on surnommait l'"Iscariote" ! Un surnom peu glorieux puisqu'il pouvait dériver de "Sicaire", un tueur à gage !
Les "sicaires" que l'historien juif qualifie d'infâmes et de criminels étaient plus radicaux encore que les Zélotes. Ils se mêlaient facilement aux foules lors de divers rassemblements et de leurs "sica" (genre de couteaux très aiguisés), délestaient les riches de leur bourse bien garnie ou même tuaient ceux qui étaient reconnus comme ennemis de leurs ambitions indépendantistes. Du terrorisme avant le mot ! Rien de nouveau sous le soleil !
Simon et Judas avaient peut-être vus tous les deux en Jésus un leader potentiel. En tous les cas, ils s'étaient ralliés à celui qui impressionnait et rassemblait tant de monde !

Je souligne cette situation possible, car de toute façon, Jésus avait eu l'audace de rassembler autour de lui une palette d'humanité très diversifiée.
Outre les pécheurs du lac qui avaient parfois "l'esprit bouché", outre les fils de Zébédée qui ambitionnaient d'être à la droite et à la gauche de Jésus dans le Royaume qu'il annonçait, il y avait encore ce Lévi (Matthieu) que Jésus avait appelé, ce tabellion assis à son poste de précepteur et qui engrangeait écus divers au profit d'Hérode, des Romains et de sa propre bourse, évidemment. Rien de nouveau sous le soleil ! Un homme politiquement opposé à Simon et Jude !
Mais de ces individus si divers, Jésus en fera progressivement des apôtres !

 + "Le Zélé !". C'est pourquoi au surnom de "Zélote" attribué à Simon, je préfère celui de "Zélé". Au contact de Jésus, il semble avoir compris son Maître. C'est lui qui posera à Jésus cette question : "Seigneur, comment se fait-il que tu aies à te manifester à nous et non au monde ?" (Jn 14.22). Et Jésus lui fera comprendre que son Royaume est traversé par l'amour de Dieu qu'il est venu manifester. La paix qu'il veut instaurer, "ce n'est pas à la manière du monde qu'il veut la donner" (Jn 14.27).
Simon ira transmettre cette paix du Seigneur et donnera sa vie pour cette mission !

Jude est encore plus inconnu. En tous les cas, il ne faut pas le confondre avec l'auteur de la lettre qui se trouve en notre "Nouveau Testament" !

Nos deux apôtres furent d'ardents missionnaires !
En un premier temps, vers l'Egypte et même, dit-on, jusqu'en Lybie actuelle.
Puis ils partirent vers l'Irak actuel et surtout l'Arménie.

C'est en cette région qu'ils subirent le martyre. Ils furent crucifiés. La tradition dit également que Simon fut "scié" en deux, comme autrefois le prophète Isaïe !
La tradition (légende ?) dit encore que l'opposition des habitants à leur égard était grande et qu'à l'approche de leur condamnation, un ange leur apparut et leur proposa une alternative : soit que les habitants de la ville seraient châtiés par puissance divine, soit qu'ils devaient envisagés leur mise à mort. Tous deux s'écrièrent alors : "Miséricorde pour ce peuple. Que le martyre soit notre partage !".
Soyons donc prévenus en cette "Année de la miséricorde" qui approche : pratiquer la miséricorde n'est pas toujours compris et peut être cause de diverses souffrances !

- Une dernière note : Je ne sais pourquoi. Mais St Jude est facilement invoqué pour les causes désespérées !
Ayons donc recours à lui pour tout ce qui nous semble "perdu" !

dimanche 25 octobre 2015

Aveugle, il t'appelle !


30ème Dimanche T.O. 15/B  - 

Connaissez-vous Bartimée, ce fils de Timée ?

Regardez. Il est là, au bord de la route, à la sortie de Jéricho, tendant la main, vers chacun, vers tout le monde et vers personne tout à la fois !

Il est là, aveugle. Seul dans la foule bruyante. Un aveugle ! On le sait bien, il faut le savoir : qu’il perde ses points de repère et le voilà dans l'angoisse ! Alors il est là, assis. Que voulez-vous qu'il fasse d'autre ? A quoi bon aller ailleurs ? Pour y faire quoi, y trouver quoi ? Où aller ? Où se situer ? Terribles questions, n’est-ce pas, et si fréquentes pourtant ! Même encore de nos jours ! Car ne sommes-nous pas tous, plus ou moins des aveugles ?

Or, Jésus de Nazareth vient à passer. Il se dirige vers Jérusalem pour la dernière fois ; il va vers l'accomplissement de son mystère pascal ! Sera-t-il, comme tant d'autres, indifférent ?
 Non ! Jésus n'est jamais indifférent. Mais il respecte la liberté d'un chacun ; il attend d'être annoncé, reconnu, accueilli. Autrement dit, Jésus a besoin de ses apôtres, de ses disciples, de nous tous pour transmettre ses appels, les appels de Dieu. Le savons-nous suffisamment, nous qui nous disons voir clair ?

Et une fois l’appel transmis, le dialogue établi, Jésus va à l'essentiel : “ta foi t'a sauvé”. La foi qui sauve ! Et alors l'aveugle voit, l'homme prostré bondit, le mendiant partage sa joie et il suit Jésus sur la route.

Combien de Bartimée, aujourd’hui, sur le bord de nos routes humaines…, suppliants..
- suppliants..., pour quelques pièces d'argent, certes : “J'ai faim”, “Je suis sans travail”, “sans logement” !...
- suppliants..., pour ne pas s'enfoncer dans le découragement, le désespoir... : “Aidez-moi ; je suis à bout !”...
- suppliants..., pour être accompagné dans une solitude... : “Donnez-moi votre main, votre présence et j'aurai moins peur... !”...
- suppliants..., pour être rassuré sur un amour fidèle : “M'aimes-tu vraiment ?”, comme demandera Jésus lui-même à Pierre !
- suppliants..., pour scruter l'Invisible : “Vous avez de la chance, vous, d'avoir la foi” !

Et ainsi combien de Bartimée plus ou moins aveugles dans notre monde si complexe et parfois hostile. Combien d’aveugles, c’est-à-dire : qui ne savent pas où ils vont. Ai-je bien choisi la bonne route, la bonne filière scolaire, professionnelle, le chemin d’une heureuse rencontre pour un avenir familial harmonieux ? Et que sais-je encore ?

Combien d’épreuves au bout de ces interrogations, n’est-ce pas ! Et combien baissent les bras : “Que voulez-vous qu'on y fasse ? Que voulez-vous que je fasse ?”, entend-on, souvent. “C’est ma destinée, je n’y puis rien !”.

Notre vie, tel un fil, se déviderait-elle au rouet de la fatalité ?
 Non ! Car, sur nos routes humaines comme sur celle de Bartimée, Jésus passe. Jésus "passait de village en village", nous disent les évangiles (Cf. Mth 9.15 ; Lc 8.1). Jésus passe toujours près de nous !

Certes, on voit, on voit bien sur notre route humaine personnes et choses, et les couleurs de la nature. On voit des événements plus ou moins heureux, malheureux ! Mais Lui, Jésus, le vois-t-on ?

Voit-on au cœur des réalités humaines, éclairés par l'Évangile,
- Celui qui en est l'auteur ?
- Celui qui peut en donner sens malgré les apparences contradictoires ?
- Celui qui est venu habiter parmi nous ?
- Celui qui donne sa vie pour ses frères afin qu'à notre tour nous donnions la nôtre pour eux, pour Lui,
- pour Lui qui "n'a pas retenu le rang qui l'égalait à Dieu" (Phil. 2.6sv), mais s'est fait l'un de nous, Fils de Marie de Nazareth.
- pour Lui qui a pris sur lui toute notre humanité, sauf le péché.
- pour Lui qui a fait de nous des frères parce qu'Il nous révèle qu'en lui, dans l'Esprit d'amour, nous sommes capables de dire à Dieu : “Père”

Oui, sur la route de nos existences, Jésus passe. Le savons-nous ?

Et comment savoir que c'est Jésus qui passe, si d'autres, des “voyants” n'en révèlent la présence ? Et qui nous disent sans cesse et toujours : “C’est le Seigneur !”. Comment sortir de l'enfermement sur soi, du fatalisme, si personne ne dit : “Confiance, lève-toi, il t'appelle... !” ?

Voyez ! Annoncer Jésus Christ est une nécessité pour tout baptisé. Cette mission est un devoir de solidarité chrétienne avec tous nos frères.

Avec le Christ, en Lui, par Lui, pour Lui, il nous faut dire, nous aussi :“Lève-toi il t'appelle !”. Voilà bien le cri libérateur… ! Un cri qu'il nous faut sans cesse lancer ! 
Oui, "il t'appelle !" ; L'entendons-nous ? ...Au cœur des événements, ou encore dans le service aux autres qu'exercent tant d'hommes et de femmes de bonne volonté.

Oui, il y aura toujours, il faut qu'il y ait toujours cette exclamation : "Il t'appelle !".
- "Il t'appelle !", il t'appelle à croire que l'espérance maintient ouverte la porte de l'avenir, même et surtout peut-être, dans le désarroi des circonstances difficiles ou cruelles.
- "Il t'appelle !", il t'appelle à écouter sa parole qui depuis des siècles ouvre les yeux des aveugles, fait entendre les sourds et parler les muets.
- "Il t'appelle !", il t'appelle à entrer en son Église qui est son Corps et le Temple de l'Esprit Saint ! Peuple de Dieu ! Peuple d'aveugles, de boiteux, de maladroits certes, mais Peuple de frères, de croyants en la puissance de la résurrection et qui, de ce fait, reçoivent sans cesse cette parole de réconfort et d'avenir : "Va ! Ta foi t'a sauvé !".

Aujourd’hui, nous-mêmes, ayons la simplicité confiante de Bartimée en acceptant de crier notre désarroi, notre désir de voir. De voir les réalités du monde et celles de nos vies, de tout voir à la lumière du Christ ressuscité que célèbre toute Eucharistie !

Ne craignons pas d'appeler Jésus !
 Osons nous dire, les uns aux autres : “Confiance, levons-nous, Il nous appelle !”.

Il nous appelle et nous donne rendez-vous au carrefour de l'Espérance, à l'auberge d'Emmaüs. En cette pauvre auberge, après une journée de marche épuisante, d'autres, avant nous, découragés, en sont repartis le cœur brûlant car ils l'avaient "reconnu à la fraction du Pain" (Cf. Lc 24.31).
Il nous appelle ! Et il vient vers nous en l'auberge de son Eucharistie !

Alors, il nous sera peut-être dit, à nous aussi, ce qu'avait dit naguère le Cal Shuster, alors archevêque de Milan, à un moine de Solesmes devenu aveugle : "Vous ne voyez pas ce que nous voyons ! Mais vous voyez certainement des choses que nous ne voyons pas encore !". 
Ainsi donc, que chacun puisse très humblement se reconnaître aveugle pour qu'avec Jésus il commence à voir véritablement !

vendredi 23 octobre 2015

Le Mal - Le Bien - La Grâce !

29e Semaine T.O. 2015 - Samedi -  

"Le bien que je veux, je ne le fais pas ;  le mal que je ne veux pas, je le fais !"

Qui ne souscrirait pas à cette assertion ? Elle fut celle, d'ailleurs, de nombre de penseurs non chrétiens, depuis l'Antiquité. Euripide son sa "Médée" avait donné en spectacle la lutte pathétique de la haine et de l'amour maternel, de la passion et de la raison ; et il avait conclu que la passion est souvent plus forte que la volonté lucide.
C'est ce qu'avait bien résumé notre Racine si épris de tragédie grecque :
"Mon Dieu, quelle guerre cruelle !
Je trouve deux hommes en moi :
L'un veut que plein d'amour pour toi
Mon cœur te soit toujours fidèle.
L'autre à ta volonté rebelle
Me révolte contre ta loi...
Je veux et n'accomplis jamais,
Je veux, mais ô misère extrême !
Je ne fais pas le bien que j'aime
Et je fais le mal que je hais !". (Œuvres Ed. des grands écrivains tom. 4.156-7).

Et, plus tard, un moraliste, tel Rousseau, parlant en philosophe, avouera : "L'homme n'est pas un ; je veux et ne veux pas ; je me sens à la fois esclave et libre ; je vois le bien, je l'aime et je fais le mal !" ("Profession de foi du vicaire de Savoyard" dans "Emile").

Et St Paul, en la description de ce dualisme en l'homme, cède peut-être lui-même, par la vivacité de son esprit, à une tentation d'éloquence, à la façon des Tragiques de son temps !
D'ailleurs, à trop préciser certaines locutions, on en viendrait à nier la responsabilité de qui cède à la tentation : "Si ce que je ne veux pas, je le fais, ce n'est pas moi qui agis, c'est le péché qui habite en moi !". Alors, je n'y puis rien !

Non ! Chez l'apôtre, même cédant quelque peu à une certaine éloquence humaine, la lutte revêt un caractère religieux. Il veut mettre en contraste l'homme tombé à cause du péché et l'homme en son besoin de rédemption. En décrivant cette tragédie humaine, "l'apôtre, dit le P. Lagrange, a surtout pour but de préparer l'apparition de la grâce en plaine lumière", ce qu'il fera presque aussitôt : Le Christ libère. Et lui seul ! Il donne force pour que l'homme soit libéré du péché !

Loin d'affirmer comme les païens que le sage doit puiser en lui-même la force de triompher du mal (1), l'apôtre veut insister sur la grâce du Christ, du Christ Rédempteur, du Christ pascal qui est venu sauver l'humanité !
Le Christ de St Paul est Celui qui résout le problème de la Loi morale, de la Loi de la conscience qui, très souvent, est dans l'incapacité de sauver véritablement l'homme de tout mal. Le pur moralisme n'est pas de bon aloi pour un chrétien ! Ce que la Loi n'arrive pas à faire, "Dieu le réalise en envoyant son Fils, afin que le commandement de la Loi s'accomplisse en nous !" (Cf. Rm 8.3-4).

St Augustin affirmait : "La Loi dit vrai : celui qui accomplit mes préceptes, vit par eux ! Mais de les accomplir et de vivre par eux, la Loi qui le commande ne le donne pas ; mais la foi, nécessaire, l'obtient !" (Contre Pélage P.L.44.616).

C'est par la foi en Jésus Christ que l'Amour de Dieu, infusé en nos cœurs, nous affranchit du péché qui siège en nous. L'homme n'est véritablement bon et libre qu'en se soumettant à Dieu - Dieu-Amour - par le Christ qui nous envoie l'Esprit d'Amour ! "Là où est l'Esprit, dira encore St Augustin, le plaisir n'est pas à pécher ; et c'est la liberté ! Là où l'Esprit n'est pas, le plaisir est à pécher ; et c'est l'esclavage !". (De Spiritu et littera 16.28 - P.P. 44.218).

Certes, cet idéal de vie avec l'Esprit n'est pas totalement et immédiatement atteint ici-bas. "Ce n'est pas, dira St Paul aux Philippiens, que j'aie déjà atteint le but, que je sois parvenu au terme de la perfection ; mais je cours après pour tâcher de la saisir, parce que j'ai été moi-même saisi par le Christ Jésus !" (3.12-14).
Le Christ nous donne son Esprit qui agit au plus intime de nous-mêmes, nous porte plus loin que toutes les lois vers une imitation toujours croissante de la perfection même de Dieu : "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait !" (Mth 5.48).

Aussi, qui que nous soyons - riche ou pauvre, savant ou ignorant, considéré ou méconnu, vieillard comme enfant -, il n'y a qu'une seule affaire qui importe : l'humilité de cœur pour accueillir de plus en plus le Christ en nous ! Qu'il vienne en nous et, avec Lui, nous parviendrons à la Cité Sainte, la Jérusalem céleste où il "sera tout en tous" (Col. 3.11) !


1. "Fouille en dedans ; c'est en dedans qu'est la source du bien !" (Marc-Aurèle - Pensées 7.59).

mardi 20 octobre 2015

Adam et le Christ !

29e Semaine T.O. 2015 - Mardi -  

Texte très difficile et diversement commenté tout au long des siècles que le passage de la lettre aux Romains que la liturgie nous propose aujourd'hui ! Aussi, je ne ferai qu'une ou deux remarques que vous pourrez reprendre dans votre méditation !

"Nous savons, dit l'apôtre, que par un seul homme le péché est entré dans le monde..." ! En note, la nouvelle traduction liturgique de la Bible éprouve le besoin de préciser le sens littéral : "De même que par un seul homme le péché est entré..." !
Mais chose curieuse : après ce "de même que..." (une conditionnelle en quelque sorte, une "protase", comme l'on dit), il est normal que l'on s'attende à un autre "de même que..." (la proposition principale, l'"apodose", comme l'on dit). Or il n'y en a pas ! Alors que l'on s'attendait à un corrélatif ("de même que..., de même que...), St Paul diverge quelque peu en soulignant les suites, les conséquences du péché : "et ainsi la mort est passée en tous les hommes...".
Et ce n'est qu'après avoir précisé les conséquences du péché que l'apôtre fait intervenir le Christ. Mais il le fait non pas, comme on s'y attendrait, en insistant sur la corrélation, la ressemblance avec Adam ("de même que..., de même que...), mais, au contraire, en l'opposant : même s'il affirme qu'"Adam préfigure celui qui devait venir" (le Christ), il précise une différence énorme : "Il n'en va pas du don gratuit comme de la faute !".

Il semble que l'apôtre, aussitôt lancé le premier terme de la comparaison ("De même que Adam..."), ait senti combien imparfait était le parallèle entre Adam et le Christ, ait perçu soudainement que la situation du premier à l'égard du péché différait foncièrement du rapport du Christ à la grâce.

Certes, Adam a livré passage au péché. Le texte dit bien que c'est par Adam que "le péché est entré dans le monde". On ne dit pas qu'il en est la cause formelle. Adam a été comme une porte, un passage pour le péché. Il a laissé "passer" le péché comme d'une puissance qui le dominait. Le péché semble venir de plus loin que lui et le déborde, tel un torrent déchaîné qui va aller grossissant.

Au contraire d'Adam, le Christ, lui, homme et Dieu, est la source de la grâce, son principe unique et total. Loin que la grâce le déborde, c'est lui qui en est la plénitude. Et cette grâce "s'est répandue en abondance sur la multitude", sans pour autant épuiser la source d'où elle provient !

On ne saurait exagérer l'importance de cette constatation que je confie à votre médiation.
Non seulement l'Ecriture ne parle jamais du péché sans évoquer en même temps le remède au péché prévu par Dieu. Car Dieu n'a pas permis le péché sans, en même temps, prévoir le remède au péché. Et un remède qui ne se contente pas de réparer le dommage, mais qui rétablit plus merveilleusement encore : "mirabilius refomasti", dira la liturgie. "Heureuse faute qui nous valut un tel Rédempteur", ose dire l'hymne de la nuit pascale !...
Non seulement cela, mais l'Ecriture enseigne que le péché n'a été permis qu'en vue du remède. C'est ce que St Paul affirme explicitement ici en déclarant qu'"Adam est figure de celui qui devait venir !".

Je ne veux pas plus m'étendre, mais retenons, méditons ; je vous y invite :
- "Là où le péché a abondé, la grâce à surabondé !", dira St Paul (v/20). Ne soyons jamais dans la désespérance, ni pour soi-même ni pour ce frère qui semble se "perdre", dit-on ! L'amour de Dieu qui a paru s'épuiser au Golgotha fut vainqueur au jour de Pâques ! Soyons forts de cet Amour de Dieu !
- Certes, il faut combattre le mal, le péché... St Paul en parlera souvent. Mais loin de faire de la casuistique et de la morale à bon marché, il s'agit avant tout et surtout de regarder le Christ, de fixer notre vie en lui, de s'unir à lui pour recevoir sa grâce : "Combien plus ceux qui reçoivent avec profusion la grâce et le don de la justice (justification) règneront-ils dans la vie par le seul Jésus Christ !" (v/17). C'est notre grande Espérance !
- Le Christ n'est pas seulement quelqu'un qui a vécu, qui est mort, qui est ressuscité en un certain moment de l'histoire et qui vit aujourd'hui "dans le ciel" où il "siège à la droite du Père et intercède pour nous" (Rm 8.34)... Le Christ es quelqu'un qui vit au sein de son Eglise et au cœur de chacun de ses disciples, si bien que le chrétien peut affirmer à l'exemple de St Paul : "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi" (Gal. 2.20). Lui seul justifie ! Telle est notre foi !
Foi, espérance, amour envers le Christ, source unique de la grâce divine qui justifie tout homme ! Aussi, St Paul s'écriera avec raison : "je ne veux rien savoir que le Christ" (I Co. 2.2). Car lui seul justifie bien au-delà de nos fautes, si nous savons implorer sa miséricorde

"Le Christ seul !", comme le voyaient les apôtres au jour de la Transfiguration qui déjà annonçait Pâques !
Que notre attachement lui soit profond. C'est cela qui importe !

dimanche 18 octobre 2015

Foi !

29e Semaine T.O. 2015 - Lundi 

Jésus a été "livré pour nos fautes", nous dit St Paul, "et ressuscité pour notre justification" !

St Paul unit toujours ces deux mystères : la Passion du Christ et sa Résurrection. Car tous les deux - ces deux mystères - sont nécessaires à notre salut : Nous aussi
- nous mourrons à nos péchés avec le Christ mourant sur la croix,
- et nous entrons dans une vie nouvelle avec le Christ sortant du tombeau !

De même que, dans l'évolution de notre sanctification, on ne peut séparer rémission des fautes et infusion de la grâce divine, de même, dans l'Œuvre de Rédemption accomplie par le Christ, on ne peut disjoindre Passion et Résurrection ! - Un "Vendredi Saint" qui n'aurait pas été suivi du "Jour de Pâques" aurait été sans efficacité aucune ; et "nous serions encore dans nos péchés", dira l'apôtre aux Corinthiens (I Co. 15.17).

Cette dichotomie, cette distinction d'une même et essentielle réalité ne doit surtout pas altérer, d'une manière ou d'une autre, notre profonde adhésion au Christ ni même son authentique expression par trop d'insistance sur l'un ou l'autre aspect.
- Certes, on peut mettre l'accent sur la Passion du Christ, sur notre mort au péché. Et pour le manifester - je le dis avec humour - un Bénédictin s'habillera tout en noir ! Pourquoi pas ?
 - Certes, on peut mettre l'accent sur la Résurrection du Christ et sur notre vie nouvelle avec lui. Et pour la manifester - je le dis avec humour - un Dominicain s'habillera tout en blanc ! Pourquoi pas ? 
- Mais ce sont ces deux aspects qui forment une même réalité : le mystère de Rédemption opéré par le Christ qui légitime notre propre sanctification. Et pour le manifester - je le dis encore avec humour - - un disciple de St Bernard s'habillera en blanc et noir tout à la fois ! Pourquoi pas ?

Plus sérieusement, parce que le Christ, "mort une fois pour toutes", dit St Paul (Rm 6.10), est devenu, par sa résurrection, "Esprit vivifiant", un Esprit qui donne Vie (cf. I Co. 15.45), nous-mêmes, nous sommes passés de la mort à la Vie !
Désormais, pour reprendre le langage de l'apôtre, notre vie arrachée au péché, comme le Christ fut, par puissance divine, arraché à la mort, devient, doit devenir de plus en plus participation à la Vie du Christ ressuscité. Son entrée dans la Vie glorieuse, après sa résurrection, est cause de notre irruption en la "justice" nouvelle, en la Vie de Dieu qui justifie !

La foi véritable sera donc avant tout, une pleine adhésion de l'homme à l'activité, sanctifiante de Dieu par le Christ. Chacun, reconnaissant en ce domaine sa radicale impuissance, doit se confier totalement à l'activité bienfaisante de Celui qui est le "Tout-Autre", un "Tout-Autre" Tout-Puissant, mais qui, cependant, se déclare "Dieu de tendresse et de pitié" (Ex. 34.6), "lent à la colère et plein de bonté" (Nb 14.18).

L'expression de notre foi ne sera donc pas, selon une distinction chère à St Augustin, reprise par St Thomas d'Aquin (IIa IIae q.2)
- un simple "croire Dieu" ("credere Deum"), c'est-à-dire une simple recherche intellectuelle qui admet l'existence d'un "Etre supérieur". Beaucoup parviennent à ce mouvement de foi ! Il est légitime !
- ni même un "croire à Dieu" ("credere Deo), un peu comme Voltaire qui ne pouvait admettre une horloge sans horloger ! L'homme de cette foi-là est, en quelque sorte, attentif à tous les témoignages de la présence de Dieu dans l'univers, à tout ce qui peut révéler Dieu ! C'est déjà beaucoup ! Et ce mouvement est encore légitime !
- mais, l'expression de notre foi, sera surtout "croire en Dieu" (credere in Deum" ! Ainsi commence notre "Je crois en Dieu"). C'est toute notre volonté, tout notre être - et non pas seulement notre intelligence - qui se porte à Dieu, qui s'en remet totalement à Dieu comme Bien suprême, et qui seul peut procurer le bonheur à notre vie.
La foi est une grâce qui permet de mettre toute notre vie en la Vie même de Dieu. La foi est, avant tout, véritable "Relation avec Dieu", Relation qui sera parfaite, au jour éternel, en la gloire du Fils de Dieu, le Christ ressuscité, Relation qui s'insérera en les divines relations qu'entretiennent le Père, le Fils et l'Esprit-Saint !

Sur terre, bien des choses et événements peuvent déjà nous conduire à Dieu : les biens de la création et les hommes eux-mêmes...
Mais n'oublions pas la finalité de notre vie que veut exprimer le mot "Foi" : Dieu lui-même, perçu comme Bien, Bonheur suprême et éternel ! C'est pourquoi "l'homme de foi" s'en remet à Lui dès ici-bas...
Il n'est donc pas mauvais d'"amasser", d'utiliser tous les biens de la création - avec grande justice sociale, certes -, mais à condition, comme dit l'évangile d'aujourd'hui, de vouloir "être riche en vue de Dieu !".

Aussi, notre foi naîtra, se développera, s'enrichira
- en recherchant de plus en plus Dieu, principalement par la prière, la réception des sacrements...,
- et en recherchant de plus en plus Dieu en la vie de nos frères, par l'exercice d'une véritable charité.
Aussi, nous fut-il souvent
- quitter nos frères pour trouver Dieu,
- et quitter Dieu pour mieux le retrouver en nos frères !

Il n'y a qu'un seul commandement, disait Jésus : Aimer ! Car l'objet de notre foi est Dieu ; or, "Dieu est Amour" !
Efforçons-nous donc d'"être riche en vue de Dieu" !

samedi 17 octobre 2015

"Faire synode" !

29e Dimanche  Ordinaire 15/B  

Comme chaque dimanche, quelques extraits de la Parole de Dieu nous sont proposés ! Et comme souvent, ils font partie d'une "histoire" !

- Histoire d'un peuple qui, en exil, désespère... : il y a trop de souffrances ! Où donc est Dieu ? - Isaïe, grand prophète de la foi, veut endiguer cette désespérance en présentant un “Ancien”, ce “Serviteur broyé par la souffrance”. Il a su - lui - ne pas se décourager et donner un sens à ce qu'il vivait. Il a su trouver Dieu... non plus le Dieu des "beaux jours, mais le Dieu de lumière, de paix même dans la tornade des événements douloureux !
Alors "pourquoi pas vous ?", interroge le prophète ! - Pourquoi pas nous ?

- D’autant que depuis lors, Dieu s’est révélé “Dieu parmi les hommes”, dit la seconde lecture, “capable de partager nos faiblesses”. Et l'auteur rappelle à ses chrétiens - et donc à nous - qu'il importe de “tenir ferme dans l'affirmation de notre foi..., d'avancer avec assurance” à la suite du Christ pour obtenir "miséricorde et recevoir la grâce de son secours !".

- Avancer ! Ce n'est pas se demander, comme les apôtres (Ev.) qui est le plus grand. Mais plutôt, réaliser à quel point le Christ a “délié, délivré” les hommes (sens de “donner sa vie en rançon” pour la multitude) pour qu'ils trouvent, dès ici-bas et au terme de leur existence, plénitude de vie !

Ainsi, partant de l'histoire... d'un peuple qui désespère, d'un Ancien qui trouvait sens à ce qu'il vivait de douloureux,
partant de gens qui ont de la peine à vivre leur foi dans le quotidien de leur vie plus ou moins souffrante…, nous nous retrouvons nous-mêmes !
Nous aussi, nous ne voyons pas toujours très clair parce que attaqués parfois, broyés par divers maux. Aussi nous sommes sollicités aujourd’hui : “avançons, nous est-il dit, avec pleine assurance vers ce Dieu Tout-Puissant qui fait la grâce de son secours” !

Oui, avançons ! Avançons dans l'esprit du Synode romain ! Sachons faire "synode", nous aussi !
Non pas spécialement faire "route ensemble", comme on le dit souvent. Ce n'est pas le sens exact du mot "synode", même s'il est très important de "marcher ensemble", et non chacun de son côté - ce qui est encore assez fréquent, malheureusement - !
Mais "faire synode", au sens propre, étymologique du mot : "franchir ensemble" ("sun") "le seuil de la maison" ("oudos" : maison - et non "odos" : route. - "Sun-oudos" : synode).
Autrement dit, il s'agit de "franchir ensemble le seuil de sa maison", de son "moi", de son "chez soi" pour aller annoncer la "Bonne Nouvelle" de Jésus Christ à tout homme sans exception, malgré difficultés, souffrances diverses ou contextes difficiles.

Oh ! Bien sûr, "quel bonheur de se retrouver entre frères", dit le psaume (132), de partager ensemble ses expériences de foi en Jésus ! Mais il s'agit encore et surtout peut-être de "franchir le seuil de sa maison", de son "moi" pour témoigner ensemble de sa relation avec le Christ, avec Dieu. Et cela même si l'on vit à l'intérieur d'une clôture religieuse à l'exemple de Ste Thérèse de Lisieux, "Patronne des missions" !

Oui avançons, sortons après tous ceux qui nous ont précédés, qui ont souffert comme nous, mais qui ont mis leur foi dans le Christ !

Oui avançons, sortons - soulignons-le en cette journée mondiale des missions -, avec tous ceux qui veulent proclamer, au risque de leur vie parfois (comme Mgr Siméon Berneux que l'on fête, cette année, en notre paroisse, notre diocèse) la Bonne Nouvelle du Christ à toutes les nations !

Oui avançons, sortons avec le pape François qui aime s'adresser à tout homme de bonne volonté, aux plus démunis, accablés surtout, et qui doutent au milieu de multiples souffrances et de morts diverses !

Oui avançons, sortons ! C'est ce qui était déjà demandé à Abraham, notre "Père dans la foi", dit St Paul qui nous en a parlé, tout au long de la semaine passée, par sa lettre aux Romains.
Dieu avait adressé à Abraham un mystérieux souhait : "Va-t-en pour toi" (Lek leka) ("Pars" : Gen 12/1), pour ton bonheur ! Epanouis tout ce que j'ai mis en toi quand je t'ai créé à mon "image et ressemblance". Va partout témoigner de cet amour dont je t'entoure !
Mais, chose très curieuse : lorsque Isaac, le fils de la promesse, a grandi, alors résonne encore ce mystérieux "Va pour toi", pour ton bonheur, dans une demande irrationnelle : "Prends ton fils, celui que tu aimes et "va pour toi" vers le mont de la vision" pour le sacrifier ! Dieu semble demander le sacrifice d’Isaac - exigence horrible - avec un souhait de bonheur ! C'est incompréhensible, contradictoire !
Cependant Abraham, cet homme de foi, semble comprendre le bonheur qui lui est destiné au cœur même de l’absurdité, puisqu’il est dit : “Abraham dit à ses serviteurs : Demeurez ici... ; nous irons jusque là-bas, nous adorerons ; et nous reviendrons“. (Gen 22.5). "Nous reviendrons !".
Au milieu même d'une circonstance affreuse, incompréhensible, Abraham croit qu'avec Dieu, il y a un au-delà de la mort elle-même ! Il accepte d'aller jusqu'au fond de l'absurde, parce qu'il croit à un Dieu qui est plus fort que l'absurde, que la mort elle-même, comme le dira la lettre aux Hébreux : "Dieu, pensait-il, est capable même de ressusciter les morts ; c'est pour cela qu'il recouvra son fils, et ce fut un symbole" !

"Ce fut un symbole !". Car Dieu ne voulait pas le sacrifice d'Isaac. Il ne veut pas la mort de l'homme ! Et pour nous le prouver, il a finalement envoyé son propre fils mourir sur une croix, mais il l'a ressuscité d'entre les morts ! Alors, s'exclamera St Paul : "Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous, Lui qui n'a pas épargné son propre Fils" (Rom. 8.31-32). Le Christ ressuscité ne cesse d'affirmer à chacun qu'il y a toujours un "pour toi", pour ton bonheur au-delà de toute souffrance, au-delà de la mort, de toute mort !

Alors, nous aussi, avançons, sortons à la suite du Christ qui a dit : "Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde" (Jn 16.28). Pour aller à la rencontre de tous les hommes et les sauver de la souffrance, du mal, du péché, de l'incompréhensible et de la mort elle-même ! Et il l'a prouvé par sa résurrection !

Oui, avançons, sortons ! Sortons de nous-mêmes, de notre "moi" pour mieux nous unir au Ressuscité et aller proclamer ensemble, dans un "beau combat de la foi" (I Tim. 6.12) : “Dieu nous conduit ! … Pour annoncer à la génération suivante que ce Dieu est notre Dieu qui nous mène ("al mouth") au-delà de tout, au-delà de la mort !“ (Ps 48). - “Notre Dieu est le Dieu des victoires ; et les portes de la mort sont à Dieu le Seigneur !“ (Ps. 68.21).

C'est l'histoire de toute destinée de celui qui sort de lui-même pour aller à la recherche de Dieu, vers la "montagne de la vision" ! Et annoncer ce Dieu Tout-Puissant !

Aussi, n'hésitons pas : Oui avançons, sortons ensemble à l'exemple de tous les saints. Ils se sont avancés d'une manière ou d'une autre ; ils sont sortis ... pour aller, comme le Christ, à la rencontre de tous les hommes, pour les sauver du mal, du péché et de la mort elle-même !

Avançons, sortons à la suite de Mère Térésa, par exemple, qui sut percevoir en tout homme souffrant le Christ vainqueur de toute mort ! N'est-ce pas là encore le leitmotiv de notre pape François ?

Avançons, sortons à la suite encore des parents de Thérèse de Lisieux, M. et Mme Martin, qui sont ensemble canonisés aujourd'hui. En bien des circonstances difficiles, ensemble, ils sont sortis d'eux-mêmes pour toujours affirmer la présence du Ressuscité qui donne force pour vaincre le mal et la mort même !

Avançons avec Marie qui, dans sa foi profonde, chantait, par avance, "les promesses faites à Abraham et à sa descendance pour toujours" !  Et cette conviction résonnait encore en son cœur au Golgotha, lors de la mort de son Fils ! Avec notre "Père dans la foi", elle était convaincue que Dieu menait par delà toute mort ! Elle se tenait "debout" dans cette foi !
Aussi, l'Eglise regarde toujours Marie comme le premier navire qui a franchi toutes les tempête et la barre de la mort elle-même ; elle est parvenue au port éternel d'où elle nous voit, nous suit, nous appelle pour aller, nous aussi, vers la "montagne de la vision", pour "voir celui qui nous voit sans cesse". C'est alors que nous serons véritablement fils de Dieu, semblables à Dieu "puisque nous le verrons tel qu'il est", dit St Jean. C'est alors que se réalisera pleinement pour chacun le "pour toi" adressé à Abraham, notre bonheur !

Aussi, que Marie, au milieu de nos tempêtes diverses et des multiples morts qui nous frappent, nous garde dans sa paix, la paix de sa foi !

Oui avançons, sortons ensemble pour "faire synode", au milieu des hommes, faire le synode de notre foi en la miséricorde de Dieu !

jeudi 15 octobre 2015

L'union à Dieu

15 Octobre 2015 - Ste Thérèse d'Avila - 

La Parole de Dieu, en cette Fête de Ste Thérèse d’Avila, veut mettre en lumière l’action de l’Esprit Saint dans l’âme de ce premier docteur féminin de l’Eglise (avec Ste Catherine de Sienne).
L’Esprit Saint, en effet, a brûlé son cœur de désirs ardents pour Jésus qu’elle a aimé passionnément. Et c'est par cet immense amour pour le Christ qu'elle a été ce bon arbre dont parle l'évangile qui porte de bons et beaux fruits : elle devint l’une des plus grandes Saintes de l’Eglise pour la gloire de Dieu et le salut des âmes !

Pourtant, pendant plus de vingt ans, elle n’avait pas vécu une vie religieuse très exemplaire. Elle était plutôt un modèle de superficialité et d'égocentrisme - ce qui malheureusement n'est pas très rare - ! Elle préférait son parloir, le parloir de son monastère qui était plus mondain que spirituel !

Elle était née à Avila en 1515, l'année de la célèbre bataille de Marignan par laquelle le jeune roi François 1er s'imposa..., et qui eut de grandes conséquences dans l'histoire. Mais, Thérèse, elle, était appelée à une autre bataille plus importante et qui eut également de fortes répercutions. Car Jésus va se révéler à elle en ce carmel d'Avila où elle était entrée à l'âge de vingt ans, en ce carmel trop influencé par l'esprit du monde. Il va se révéler en son parloir chéri et mondain.
Elle va être soudainement saisie par l’état dans lequel Notre-Seigneur se trouvait en sa flagellation... "En découvrant le Christ couvert de plaies, dira le pape Benoît XVI, elle a été saisie par la présence de Dieu en elle. Ce sera le début d'un long chemin de maturation de sa vie intérieure qu'elle décrira dans ses œuvres avec finesse psychologique et sûreté théologique, recherchant avant tout l'obéissance à l'Eglise". Car elle sera toujours, comme elle le professera au moment de sa mort, une "fille de l'Eglise" !

En même temps, elle se met sous la protection de St Joseph qu'elle découvre et vénère. Ce dernier lui parle et lui fait découvrir l’état spirituel peu exemplaire des Religieuses de son monastère. Aussi, avec son aide que toujours elle sollicitera, elle a le courage d’obéir à Dieu en acceptant d’être la réformatrice de l'ordre du carmel, malgré toutes les souffrances qu’elle devra endurer.
Cette particularité me rappelle les très grandes difficultés d'un autre saint pour réformer bien des maisons religieuses de son temps : St François de Sales (dont j'ai relu la vie durant ma "convalescence") qui fut d'ailleurs, avec le Cal de Bérulle et Mme Acarie notamment, l'un des instigateurs de l'implantation de l'Ordre du Carmel en France... !

Ste Thérèse sillonnera l'Espagne jusqu'à sa mort en 1582, pour fonder des monastères.

Sa rencontre avec St Jean de la Croix fut également d'une grande importance pour sa vie intérieure. Le "Château intérieur", son chef-d'œuvre et l'un des sommets de la spiritualité chrétienne de tous les temps, dira encore Benoît XVI, décrit les étapes du déploiement de la vie chrétienne vers la sainteté sous l'action de l'Esprit Saint. Pour elle, l'oraison est une relation d'amitié de l'homme avec Dieu qui enveloppe toute la vie ; par la grâce, sa prière s'approfondit et s'intériorise pour atteindre son sommet dans l'union d'amour avec le Christ.

Oui, Ste Thérèse d’Avila a été follement "amoureuse" de Jésus. Elle a vraiment imité l’épouse du Cantique des cantiques au point de s'exclamer au moment de sa mort : "Il est temps de nous voir, mon Aimé, mon Seigneur !". Les témoins de son agonie témoigneront : "Toujours en oraison, pleine d’allégresse et de joie, la physionomie souriante, elle rendit son âme à Notre-Seigneur !". Sa mort, diront ses biographes, résume sa vie : sourire, exubérance castillane, endurance au milieu des souffrances physiques qui la torturèrent sa vie durant, grande sérénité dans sa difficile mission de fondatrice et de réformatrice..., toutes qualités et vertus de cette femme qui brûlait d’amour pour Son Seigneur !

Il faudrait encore souligner que pour Ste Thérèse d’Avila, la contemplation aboutissait toujours à l’action. Elle avait "les pieds sur terre", comme l'on dit, tout en vivant une intense union amoureuse avec Jésus !

Prions-la de nous faire partager sa passion d’amour pour Jésus. Nous sommes invités, à l’école de Sainte Thérèse d’Avila, à vivre une vie intérieure forte pour témoigner de l'Amour de Dieu pour les hommes, de l'Amour du Christ pour l'Eglise. Avec cette grande Sainte, soyons véritablement fils et filles de l'Eglise !

Prions pour l'Eglise en cette période du "Synode romain" !  Le mois d’octobre est le mois du Rosaire ! N'hésitons pas à prier Marie avec le chapelet, cette prière qui a été donnée par la Vierge Marie à un autre Saint espagnol : St Dominique !