lundi 25 avril 2016

La vocation éternelle !

St Marc - 25 Avril  - 

Un mot à propos de cette fête de St Marc, cet évangéliste si simple et si profond, si profond parce que si simple, de cette simplicité du cœur qui ne s'encombre pas de moult considérations et qui va toujours à l'essentiel !

Aujourd'hui, il nous répète la parole de Notre Seigneur : "Allez dans le monde entier !". Mais comment aller dans le monde entier quand, par exemple, on a fait vœu de stabilité. Pourtant c'est bien le leitmotiv de la prédication du Christ que St Marc souligne plusieurs fois par ce refrain : "Venez ! - Allez !".
- Au début de sa vie publique, Jésus avait appelé ses disciples : "Venez, suivez-moi !". - Et ils l'avaient suivi.
- A la fin de sa vie terrestre, il les envoie : "Allez dans le monde entier !". Et ils étaient partis !

"Venez ! - Allez !" : c'est là le rythme de toute relation du chrétien avec le Christ. Ce doit être sa respiration permanente : "Allez - venez !".

"Venez !". C'est comme une "inspiration" à accueillir le souffle de Jésus, le souffle de son Esprit, de son Esprit-Saint. Un souffle qui met en mouvement de vie. Un souffle qui met en mouvement à tout âge et à tout moment, en ce moment même de notre aujourd'hui !
Et un souffle de vie qui nous invitera, au dernier souffle de notre corps, à entrer dans la Vie (“J’entre dans la Vie“, disait Thérèse de Lisieux en ses derniers instants !).
 Oui, “Venez à moi !“ - "Venez !"., ne cesse de dire Jésus à chacun, à chacune, en ce moment même ! Et cela jusqu’à l’ultime appel à “aller“ en Lui éternellement ! 

Mais ce souffle d'"inspiration" qui met en mouvement de vie provoque, doit provoquer comme naturellement un souffle d'"expiration" sur le monde à toujours sanctifier par la vie même du Christ ressuscité : "Allez !". Allez répandre mon souffle de vie !

Et ces deux temps - “Venez-Allez“ - sont inséparables ; ils sont corrélatifs. Le Christ nous dit toujours, aujourd’hui même et tout à la fois : "Venez - Allez".

Et si nous ne ressentons pas en nous comme une exigence à “aller“, c’est peut-être que nous n’entendons pas l’appel du Christ : “Venez !“.

"Venez !", dit Jésus. Mais souvent, nous allons là où il n'est pas ! Deux phrases sont assez frappantes  dans l’évangile après la résurrection de Jésus :
- "Pourquoi cherchez-vous parmi les morts Celui qui est vivant ?", disait l'ange au matin de Pâques !
- "Pourquoi restez-vous à regarder le ciel ?", demandait l'ange au matin de l'Ascension !

Le Christ n'est ni dans les tombeaux, ni dans les nuages, si je puis dire!
+ Non, le Christ n'est plus dans le tombeau ! C'est dire alors qu'il est vivant. Oui, mais est-il bien le Vivant qui vient colorer, si je puis dire, toutes nos activités au point de le laisser pleinement vivre en nous. "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi", osait dire St Paul !
+ Et le Christ n'est pas davantage dans les nuages ! Or, notre pensée du Christ est souvent une évasion hors du réel, voire un refuge à nos mélancolies  ou difficultés.

"Venez !", dit Jésus ! Alors, où donc le trouver ? Où est notre Dieu pour venir à Lui et pour être envoyé par Lui alors même que la stabilité de notre vie ou que - plus simplement - l’âge ne nous permet plus les allées et venues de la jeunesse ou de l’âge mur ?

Le ciel qu’a rejoint le Christ, c'est l'intimité avec le Père dans l'Esprit-Saint ; c'est l'univers de la charité (comme l'évangile d'hier le soulignait), l'univers de cet Amour que s'échangent les trois Personnes divines, cet univers de la charité que nous avons reçu mission d’investir sans relâche afin d’entraîner
- ceux et celles que nous côtoyons actuellement et que nous désirons placer dans cet univers de la charité,
- ceux et celles à qui nous pensons souvent,
- ceux et celles qui pensent à nous et que nous portons dans notre cœur.

“Venez et allez !“ dans cet Univers, sommes-nous chargés de proclamer par toute votre vie. Car cet Univers est hors de l'espace, c’est-à-dire présent à tous les lieux ; il est hors du temps, c’est-à-dire présent pour tous les âges. Cet univers de la charité est présent à tous les espaces et à tous les temps.

Il m'est donc présent, cet Univers, en ce moment même, un univers qui aura sa plénitude en moi au-delà de la mort que le Christ a vaincu au matin de Pâques.
St Pierre en fait allusion en la lecture que nous propose la liturgie, un univers qu'il nous faut accueillir avec grande humilité, nous dit-il.
L'humilité est la seule façon de respirer le souffle du Christ : "Venez - Allez !". L'humilité est la seule façon de traverser difficultés de vie et tentations du démon.
L'humilité est la seule façon de se laisser fasciner par ce ciel-là, avec le Christ qui nous répète : Venez dans cet univers de l’Amour, de la charité ; Allez dans cet Univers ! “Venez-Allez“.

Ce sera d’ailleurs notre activité éternelle. Il faut s’y bien préparer !
Car en Dieu lui-même, il y a comme un mouvement incessant d’amour, de va-et viens, si je puis dire - “Venez-Allez“ - entre le Père et le Fils dans l’Esprit-Saint. Et, éternellement, nous ne cesserons de “venir“ et d’“aller“ dans cet Amour que s’échangent les trois Personnes divines, dans cet Univers d’Amour divin qui veut rassembler tous les hommes, devenus dès ici-bas “fils de Dieu“, “enfants de Dieu“. 

Et, dans l’amour de Dieu - par Lui, avec Lui et en Lui -, nous ne cesserons de “venir“ et d’“aller“ vers nos frères pour former ensemble et éternellement le “Corps du Christ“ que célèbre déjà, ici-bas, toute Eucharistie !

Le temps, alors, se contractera au point de ne plus pouvoir s’écouler tellement il sera accaparé, occupé, investi, envahi par cet immense mouvement d’amour entre les Personnes divines. Et ce mouvement d’amour divin en lequel nous serons insérés pour participer à la construction du Temple éternel qu’est le Corps du Christ nous fascinera au point que nul ennui ne sera possible, au point que l’espace et le temps disparaîtront. Quant on est aimé et que l’on aime, on ne s’ennuie jamais !

Telle sera notre mission. Éternellement. “Venez-Allez“ dans cet univers de la Charité, nous sera-t-il dit éternellement, nous est-il dit déjà, en ce moment même.
En sommes-nous conscients ?

dimanche 24 avril 2016

Foi et charité !

5ème Dimanche de Pâques 16/C

Depuis Pâques, l'Eglise nous enseigne, de façon pédagogique, ce qu'est la foi et comment nous devons la vivre !
- La foi est adhésion de l'intelligence, car, avec St Thomas, nous constatons que notre foi, si elle n'est pas rationnelle, elle cependant raisonnable parce que fondée sur des signes. N'avons-nous pas eu, nous aussi, des signes de Dieu en notre vie ?
- La foi est aussi adhésion du cœur : il s'agit de nous attacher à Quelqu'un, une personne vivante, Jésus ressuscité. "Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ?", demandait le Christ à Pierre. Et la même question nous est posée !
- Dimanche dernier, on voyait que la foi est encore, comme conséquence, adhésion de la volonté. Croire en Jésus, c'est agir ! La foi qui n'agit pas est morte : "Mes brebis, dit Jésus, écoutent ma voix ; et elles me suivent !". Notre vie est-elle engagement à la suite du Christ ?

Aussi, l'évangile d'aujourd'hui nous invite à poursuivre notre réflexion en nous indiquant comment "agir", comment "suivre" le Christ. Il nous faut "aimer", nous dit-il, comme lui a aimé... : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés !". Et Notre Seigneur d'ajouter : "C'est à ce signe qu'on vous reconnaîtra pour mes disciples".

Autrement dit :
si vous croyez que je suis Dieu et homme, mort pour vous et ressuscité,
si vous m'aimez et vous efforcez de me suivre afin de réaliser mon dessein de salut pour tous les hommes, sans distinction,
la conséquence obligatoire sera de vous attacher les uns aux autres grâce à l'attachement que vous avez pour moi !
Et considérons bien que ce précepte de charité a été promulgué par Jésus le soir du Jeudi Saint en cette longue conversation où il confia à ses apôtres ses pensées les plus intimes. C'est comme son Testament !

Et Jésus avait bien précisé : "Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés... Et comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres !" (Jn 15.9,12). Nous devons nous aimer comme le Christ qui lui-même nous aime comme le Père l'aime ! C'est dire que la charité est une vertu théologale, une disposition, dira St Thomas d'Aquin, créée gratuitement par Dieu qui permet
- de l'aimer, Lui, puisque "Dieu est Amour", dit St Jean (I Jn 4.8),
- et d'aimer nos frères parce qu'ils sont, comme nous le sommes, aimés de Dieu et appelés à participer à sa Vie, - Vie d'Amour -.
En ce sens, St Jean a raison de dire : "Si quelqu'un dit : "J'aime Dieu" et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur !" (I Jn 4.20). La charité envers Dieu et la charité envers le prochain sont formellement la même charité.

Encore faut-il savoir faire la distinction importante entre la charité fraternelle et l'affection amicale.
Ce sont simplement "l'égalité et la ressemblance qui constituent l'affection", enseignait déjà Aristote. Autrement dit, aimer un ami en tant que frère en humanité sans que l'intention profonde de la volonté soit Dieu, n'est pas un acte de charité, mais une simple affection humaine. Différente de l'amitié naturelle, même vertueuse, la charité exige que nous aimions notre prochain pour Dieu ! Par Lui, avec Lui, en Lui... !

Et St Thomas d'Aquin précisera : il peut arriver que la simple amitié humaine qui englobe bienveillance, concorde, fraternité, justice... soit blessée, voire détruite, sans que la charité, elle, en souffre fortement. C'est, en temps de guerre, le cas extrême de l'amour des ennemis. On ne peut les aimer d'une amitié naturelle puisqu'il nous agressent. Et, pourtant, nous devons, quand même, les aimer en Dieu, désirer pour eux comme pour nous le Bien suprême qu'est Dieu lui-même - Dieu-Amour -..., et travailler, si possible en ce sens. (Dans les années 60, il m'était bon de pouvoir faire cette distinction, en Algérie !).

Le contraire est vrai également : il peut arriver que la charité soit détruite ou blessée, et que subsistent l'amitié, la bienveillance... St Luc illustre cette situation à propos de la condamnation de Jésus par Hérode et Pilate. Par cette condamnation, dit-il, "ils devinrent amis, eux qui auparavant étaient ennemis !". La charité était mortellement atteinte, certes ; mais ces deux gouverneurs se réconcilièrent humainement, amicalement !

Et remarquons encore : ce ne sont pas toujours des fautes contre la charité qui blessent la charité. La plupart du temps, ce sont des péchés graves contre les autres vertus.
Lorsque, par exemple, un conflit entre époux conduit jusqu'au divorce en raison - que sais-je ? - d'une spoliation, d'une relation dangereuse, d'un abus permanent (de boisson) ou que l'un, abusivement par vanité et suffisance, veut en permanence tenir la dragée haute vis-à-vis de l'autre, il n'y a que les vertus de justice, de tempérance..., d'humilité qui sont détruites. Et cependant, il y a, vis-à-vis de Dieu et du conjoint, une blessure de la charité.

Et remarquons encore que tous les conflits en famille, en divers milieux, ne naissent pas tous d'une faute ! Naguère, un Dominicain, le P. Ranquet (+ 2014) disait : "Ne grince que ce qui est en contact. Et plaisent à Dieu qu'il y ait entre chrétiens cette sorte de grincement pour les grandes choses de la vie humaine et religieuse". Certains affrontements, disait-il, surtout en des communautés importantes - c'est plus fréquent, naturellement - peuvent être signes de charité pour un meilleur élan de vie spirituelle.

Il y a des familles, remarquait-il encore, en lesquelles les conflits de naissent jamais... parce qu'on ne veut pas d'histoires. Certains sujets - politiques, sociaux, religieux - sont "tabous". "Enfermé dans son individualisme, chacun devient alors étranger et indifférent à ce que disent ou pensent les autres. Ce n'est pas le lien de la charité qui les unit, c'est celui de la tolérance. En principe, rien ne grince ; et pour cause ! Chacun s'isole dans son univers humain ou spirituel. Mais peut-on parler alors de charité ?".

En famille surtout, il ne faut pas avoir peur de certains affrontements - j'en ai été le témoin dernièrement - à condition que soient toujours saufs le respect de l'autre, la confiance et l'estime mutuelles. Car il y a un danger toujours permanent : confondre le lien de la charité avec l'intensité du lien affectif. En ce cas, tout acte de discernement qui blesse le consensus psycho-affectif, toute affirmation personnelle qui dépasse la pensée commune, deviennent cause de conflit. En réalité, ce qui est ressenti et qui fait mal n'est pas tant la "faute"' contre la charité que l'ébranlement de la sécurité affective. On ne recherche alors que la tendresse, la reconnaissance, voire l'amitié humaine !
Et on en arrive à oublier que la charité unit d'abord à Dieu et que c'est Lui qui est la raison d'aimer ses frères. En cette union à Dieu, que de discussions vives - politiques, sociales, économiques... - et que sais-je encore - peuvent survenir sans pour autant que la charité en soit obligatoirement blessée.

C'est ainsi que bien des chrétiens - et même des saints - ont été déchirés par des affrontements douloureux ! Quelle lutte, par exemple,
- entre St Thomas d'Aquin et Siger de Brabant,
- entre les Augustiniens et les thomistes au 17ème siècle, au moment de la naissance malheureuse du jansénisme,
- entre St Jean de la Croix et ses propres frères,
- entre Paul et Barnabé au sujet du jeune Marc ! Le désaccord fut tel, disent les Actes, qu'"ils partirent chacun de leur côté" (Ac. 15.19). Excusez l'expression, mais "ça du chauffer" ! Les sensibilités furent écorchées, mais la charité en fut-elle blessée pour autant ? Remarquons d'ailleurs que Paul et Barnabé se retrouvèrent vite, et que Marc était aux côtés de Paul, à Rome.
- Et j'aime évoquer encore la forte discussion de Jésus avec les pharisiens après la multiplication des pains au point que St Marc note que Jésus, les "planta là" et, montant en barque pour passer sur "l'autre rive", dit aux apôtres de "se méfier du levain des pharisiens". La sensibilité humaine de Jésus était ébranlée, mais certainement pas sa charité divine !

Ainsi, les affrontements que l'on peut constater en notre Eglise elle-même, ne blessent pas toujours la charité. Ils permettent parfois de faire le point sur nos motivations et de voir si nous ne glissons pas vers la douce recherche d'une affection trop humaine, vers des finalités purement humaines !

Et si la charité est réellement blessée, il faut alors invoquer la miséricorde de Dieu qui n'est nullement, cependant, une "bonté bonasse", mais plutôt, selon une belle expression du pape François, "la caresse du pardon".
Et dernièrement, j'ai appris, lors d'une réunion au Mans, que, selon l'enseignement de St Jean-Paul II et du pape François, la miséricorde divine nous enveloppe pour nous aider d'abord à faire aimablement, la Vérité. Car la miséricorde, dit la Bible, ne peut être contraire à la justice et la vérité !
Et, une fois la vérité mieux établie, la miséricorde aide grandement, en un second temps, à réparer les blessures occasionnées par la faute contre la charité. Elle ne supprime pas toujours les blessures. Même dans sa gloire divine, le Christ reste avec les stigmates de la passion. Mais la miséricorde divine les transfigure et les insèrent dans un mouvement de résurrection.... !

La foi - notre foi - doit se revêtir de cette charité miséricordieuse : "Aimez-vous les uns les autres", demandait Jésus, comme le Père m'a aimé, et comme je vous aime !
"Quelle grande chose que l'amour, disait St Augustin, pourvu qu'il revienne à son principe, retourne à sa son origine et, refluant vers sa source, lui emprunte de quoi couler sans arrêt".

dimanche 17 avril 2016

Suivre le Christ !

4ème Dimanche de Pâques 16/C

La foi - nous le savons - est l'adhésion de tout notre être à la vérité, et principalement à cette Vérité qu’est le Christ : “Je suis Voie, Vérité, Vie” : le Christ-Vérité, parce que Fils de Dieu fait homme, mort pour nous sur la croix et ressuscité… La foi est bien cette rencontre avec le Christ ressuscité, le Christ-Vérité venu éclairer toute notre vie !

Et dimanche dernier, la question posée au chef des apôtres par Jésus : “Pierre, m’aimes-tu ?” nous indiquait que la foi est aussi et surtout adhésion du cœur : car il ne s’agit pas de croire tellement ou simplement à des dogmes, des vérités, mais de s’attacher à quelqu’un, à une personne vivante, à Jésus toujours vivant… qui se laisse voir parfois sur le rivage de nos vies !

Et encore, l’Eglise, par les évangiles qu’elle a choisis pour le temps pascal, nous enseigne que la foi est encore adhésion de la volonté. Notre Seigneur nous dit en effet : “Mes brebis écoutent ma voix et elles me suivent !”. -  La foi, c’est marcher, avancer, c’est suivre… Jésus. Ce n’est pas simplement dire : “c’est vrai”. Ce n’est pas simplement proclamer : “aimer” Dieu, Jésus, le Christ ; mais c’est également agir et mettre son dynamisme au service du dessein de Dieu dévoilé par Jésus principalement en son mystère pascal de mort et d vie, mystère de l'amour de Dieu envers les hommes !

Croire en Jésus Christ, c’est faire nôtre ce projet d'amour de Dieu envers tous les hommes et agir en ce sens…  "La foi qui n’agit pas, dira St Jacques, est une foi morte".
Il faut “suivre Jésus” ! Suivre le vrai berger ! En de ce dimanche de prière pour les vocations, il est bon de se rappeler cette vocation qui est commune à tous les baptisés. Le pape Paul VI, St Jean-Paul II et le pape François, à sa manière, le répètent : “Toute vie est une vocation”. Tout baptisé a une vocation à suivre le Christ, d'une manière ou d'une autre ! Agir comme lui-même a agit !
Le suivre toujours plus ! "Il nous faut marcher comme Lui-même, Jésus, a marché", dira St Jean (I Jn 2.6).

Lorsque Jésus dit : “Je suis le Bon Pasteur”, il déclare, certes, vouloir prendre en charge l’avenir des hommes vers lesquels il a été envoyé.
Mais il est venu aussi stimuler la vocation du peuple de l’Ancienne Alliance, enfermé comme dans un enclos de sécurités, tentation toujours permanente. Hélas !
Depuis lors, cette vocation concerne tout homme appelé à sortir de l’incertitude de son destin ! A tous les peuples, à toutes les civilisations doivent être révélés les projets de Dieu, de sorte qu’“il n’y aura qu’un seul peuple et un seul pasteur !”

Et le Christ accomplira cette vocation jusqu’au don de lui-même : “Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis”.
A ses disciples, à ceux qui se réclament de lui, à nous tous, baptisés, qui proclamons notre foi en lui, il confie le soin de continuer sa mission, sinon de l’achever à travers le temps.

Trop de chrétiens pensent encore que la vocation est réservée à celles et ceux qui ont choisi de devenir prêtres ou religieux.
Non point ! L’aventure de la vocation chrétienne est proposée à tous ceux qui ont choisi de vivre l’Evangile, quels que soient les choix de vie dans le célibat ou le mariage. Un Responsable du Service National des vocations écrivait : “Il convient de ne jamais perdre de vue que, dans une même génération, le nombre de nouveaux prêtres et religieux est toujours en corrélation étroite avec le nombre de chrétiens qui pratiquent leur foi. C’est du nombre des disciples au sein des nouvelles générations que Dieu donnera et l’Eglise appellera des prêtres, diacres et religieux nécessaires à sa sainteté, sa vie et sa mission” !

Avoir foi dans le Christ comporte cette vocation baptismale. Se dérober, refuser de suivre le Christ dans cette mission, c’est refuser sa foi au Christ : “Mes brebis écoutent ma voix et elles me suivent, disait Jésus.
Dans son style inimitable et grandiose, Bossuet le rappelait autant pour les chrétiens que pour les religieux : "La vie du chrétien est un long et infini voyage durant le cours duquel, quelque plaisir qui nous flatte, quelque compagnie qui nous divertisse, quelque ennui qui nous prenne, quelque fatigue qui nous accable, aussitôt que nous commençons à nous reposer, une voix s'élève d'en haut, qui nous dit sans cesse et sans relâche : "Egredere - sors", et nous ordonne de marcher plus outre" à la suite du Christ. "Telle est la vie chrétienne ; et telle est, par conséquent la vie monastique !".

Ainsi donc, avoir foi en Notre Seigneur, le suivre, n’est-ce pas se vouloir responsable, pour sa part, de la réussite de la mission de salut pour tous les hommes, mission qu'il a opérée en son mystère pascal ? Comment, nous qui nous disons chrétiens, partageons-nous l’angoisse de Jésus devant les foules désemparées par les fausses promesses, errantes comme des brebis sans pasteur ?

Il est facile, en effet, de dire : il manque de prêtres, de religieuses, il manque des missionnaires. Il manque des personnes dévouées ici et là encore... ! Il est facile de dire : l’Eglise est en “perte de vitesse” ; elle n’a pas su préparer les chrétiens aux bouleversements de la vie sociale, économique qui ont changé les structures traditionnelles de l’Apostolat. Mais l’Eglise, c’est nous, chacun d’entre nous. Et comment avons-nous répondu ?

Oui, la foi, la foi profonde inspire obligatoirement des attitudes chrétiennes responsables, courageuses. Le prêtre, en n’importe quel lieu, ne doit pas se sentir seul dans son ministère et parfois dans sa lassitude.

Et surtout, mille questions diverses doivent se poser à notre dynamisme missionnaire :
- Comment, par exemple, nos familles diverses peuvent-elles surmonter le matérialisme ambiant de notre époque ? Nous le savons : en rester aux pratiques d'autrefois n'est plus viable et n'apporte plus la solution la plus économique. Comment alors intégrer les moyens modernes pour toujours témoigner du Christ qui s'est fait pauvre humainement pour mieux nous enrichir divinement. Une question plus importante qu'il n'en paraît !
- Comment, en notre monde sécularisé, aider les plus jeunes - même dans une communauté religieuse - à bâtir eux-mêmes, librement, sous la mouvance de l'Esprit-Saint, leur personnalité non seulement humaine mais surtout chrétienne, pour mieux faire partie de "la suite du Christ", de la "sequela Christi", comme disaient les Anciens ?
- Comment, en notre monde parfois indifférent aux plus âgés, soutenir les plus anciens à réaliser en plénitude leur vie humaine et religieuse tout à la fois ?
- Bref, comment témoigner du Christ - le suivre - à l'intérieur même de nos engagements divers, de nos travaux quotidiens - si banals soient-ils - ? Comment colorer toutes nos activités de la lumière du Christ pascal ?

Mille questions qui paraissent très pratiques, voire insignifiantes pour certains et qui, pourtant, ne sont pas toujours faciles à résoudre pour un chrétien conscient de sa vocation baptismale, religieuse. Les solutions ne peuvent être trouvées sans la prière, sans que chacun, très humblement, prenne conscience de sa vocation de baptisé.
La réussite de la Mission du Christ a autant besoin de petits responsables au ras de la vie de tous les jours, si je puis dire, que de grandes “vedettes” de la sainteté. A nous de ne pas nous dérober. Le Christ nous demande, à chacun, de le suivre. “La foi sans les œuvres est une foi morte”, disait St Jacques !

La foi sans les œuvres ... ! Le pape lui-même ne nous donne-t-il pas un exemple encourageant en ramenant de l'île Lesbos où arrivent, au risque de leur vie, tant d'émigrés fuyant les guerres, en ramenant en son avion trois familles pour les accueillir au Vatican ?

Et pour employer le langage d’un autre apôtre, St Jean, je dirais pour terminer :
- Je vous le dis, à vous les plus anciens, votre vie n’est pas stérile ; le Seigneur embauche jusqu’à la dernière heure !
- Je vous le dis, à vous les plus jeunes, facilement généreux : si votre foi ne s’engage pas concrètement, elle tombera vite dans la routine. L'affreuse routine sécurisante !
- Je vous le dis à vous, les adultes : si votre foi n’est pas active, vous ne la transmettrez pas !

Oui ! “La foi sans les œuvres est une foi morte” !

En cette semaine de prières pour les vocations, prions nous-mêmes et simplement : “Seigneur, j’ai foi en toi, mais augmente en moi cette foi active, afin que je te suive jusqu’en ton Royaume” ! Avec tous mes frères que tu es venu sauver !

vendredi 15 avril 2016

Luc, l'historien !

Pâques 3 - Vendredi   -             (Ac 9, 1-20 - Jn 6, 52-59)

On dit souvent que St Luc est, de tous les évangélistes, celui qui se rapproche le plus de l’idée que l'on se fait, aujourd'hui, d'un bon l’historien..., de l’historien de qui on peut attendre une reproduction chronologique et topographique aussi fidèle que possible des évènements qu’il rapporte.
Et c'est vrai en quelque sorte. Il suffit de se rappeler le prologue de son évangile où St Luc expose ses intentions : “Après m’être informé exactement de tout depuis les origines, j’ai décidé d’en écrire pour toi, excellent Théophile, l’exposé suivi, pour que tu te rendes bien compte de la sûreté des enseignements que tu as reçus, “. (Lc 1,3-4)

Le but de St Luc est, tout en respectant l’exactitude des informations qu’il a collectionnées, d’en faire un "exposé suivi". Et cet "exposé suivi", il le fait également avec talent dans son second livre, "Les Actes des apôtres" quand il dégage les principales phases des origines du christianisme. 
Ainsi :
- De Jérusalem, l’Evangile se propage, en un premier temps, vers la Samarie, à la suite de la dispersion provoquée par la prédication d’Etienne.
Au chapitre 8ème, Luc note bien la présence de Saul gardant les manteaux de ceux qui lapidaient Etienne et l ‘acharnement qu’il mettait à étouffer la prédication des apôtres !
- Mais, il lui paraît encore prématuré de concentrer l’attention de son lecteur sur celui qui va jouer un grand rôle dans l’expansion universelle de la "Bonne Nouvelle". Il juge opportun d’ouvrir une parenthèse sur la propagation de l’Evangile par le diacre Philippe, aux environs de Jérusalem.
- Aujourd'hui, cette parenthèse se ferme et l’attention se concentre sur Paul de Tarse, sur sa conversion sur la route de Damas.

Cet évènement capital dans l’histoire de l’Eglise est relaté trois fois par St Luc. Il en reparle aux chapitres 22ème et 26ème. Il y a grand intérêt, bien sûr, à confronter ces récits ! Concordants pour le fond, ils présentent cependant quelques divergences qu'il vaut mieux laisser aux spécialistes de dénouer...

Pour nous, simples lecteurs de la Parole de Dieu, lecteurs des “Actes des Apôtres“, il vaut mieux remarquer le talent avec lequel St Luc, à travers la complexité des événements, veut surtout montrer la progression de la pédagogie de Dieu à notre égard, la progression de la révélation de son dessein d'amour à travers l'histoire des hommes.
Persuadé que Dieu s'est déjà révélé dans les temps anciens, St Luc veut nous faire découvrir la signification de tout événement à la lumière de toute l’histoire du peuple élu, à la lumière des Ecritures, comme Jésus avait appris à le faire aux disciples sur la route d’Emmaüs. St Luc avait bien retenu la leçon : “Commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait“. C’est surtout ce talent “spirituel“ qu’il faut admirer chez St Luc, sans oublier celui de bon historien !

Oui, en étant persuadé de la présence de Dieu à travers les siècles, il nous faut découvrir la signification providentielle de tel ou tel évènement en l'histoire de l'Eglise, la signification providentielle de tel ou tel évènement en notre propre histoire ; et cela avec l'aide de l'Esprit-Saint qui, toujours, nous conduit vers la vérité tout entière, vers la Vérité qu'est le Christ lui-même qui, depuis sa résurrection, se trouve, dira St Paul, à la plénitude des temps.

C’est cet art - dégager la signification divine de tout évènement -, c'est cet art du narrateur qu’est Luc que nous sommes invités à admirer, à imiter quand on lit son Evangile et les Actes des Apôtres, bien plus encore que la fidélité qu’il se soucie de garder à l’égard des faits qu’il rapporte.

- Un exemple de cette lecture nous sera donné dans la phase historique qui suit la conversion du futur St Paul. Aussitôt après avoir raconté cette conversion de Saul de Tarses, Luc le mettra encore entre parenthèses pour rappeler que, dans l’Eglise qui se construit, c’est toujours et d’abord d'auprès de Pierre, chef de l’Eglise, que part toute évangélisation.
Et il parlera, avec un art consommé, d'un évènement qu'il rattachera à la Pentecôte et qui a eu lieu chez des païens à Césarée-Maritime avec la conversion du centurion Corneille et son baptême par Pierre. Pour Luc, c'est comme une "seconde Pentecôte" comme il y en aura une multitude par la suite et, peut-être, jusqu'en notre propre histoire.
L'historien qu'est Luc rapporte bien l'évènement, mais en dévoilant sa signification à la lumière de la Pentecôte, jour d'envoi des apôtres dans le monde entier ! Oui, cet évènement est une "seconde Pentecôte" ! C'est une évidence pour St Luc. Et c'est cette évidence qu'il faut retenir !

Retenons surtout de la lecture d’aujourd’hui que Paul a profondément rencontré la personne du Christ ressuscité. C’est de la réalité de cette rencontre qu’il tirera l’assurance et la force de propager l'Evangile.
"Saul, pourquoi Me persécutes-tu ?", lui avait demandé Jésus ! - C’est souvent dans notre faiblesse, voire dans nos fautes elles-mêmes, que nous rencontrons la force du Ressuscité ! C'est surtout cette lecture que nous sommes invités à faire avec St Luc : dégager la signification divinement providentielle en tout évènement de notre vie !

dimanche 10 avril 2016

Présence du Christ ressuscité !

3ème Dimanche de Pâques  - 2016 -

"Vous dites que Jésus est toujours vivant ! Eh bien, qu'il se montre ! Depuis le temps que je souffre, j'ai l'impression que Dieu est très loin, s'il existe. Et s'il existe, pourquoi tant de souffrances, de haines, d'injustices ?".

Ces cris de révolte, jaillis du cœur des blessures humaines, nous les entendons chaque jour. Comment ne pas les redire, au lendemain de cette fête de Pâques où nous proclamons le Christ ressuscité ? Le Christ, toujours vivant !
Alors que tant d'hommes et de femmes aujourd'hui croient que Dieu a déserté ce monde, peut-on croire encore que Jésus est là, sur le rivage des eaux de nos vies parfois si tumultueuses, si vides, si angoissantes ?

Oui, nous sommes souvent comme ces disciples qui repartent, jour après jour, jeter leur filet. Ils font leur travail de pêcheurs. Comme eux, avec, souvent, plus de courage que d'entrain, nous reprenons chaque matin une journée de travail, de peine, de soucis ou de maladie... Et comme eux, nous nous activons souvent sans rien prendre, c'est-à-dire sans que notre vie ne donne de ces fruits qui apportent joie, paix, confiance, enthousiasme.

Alors, la nuit risque de tout envahir : nuit de peine, de tristesse, de désespoir, nuit "sans lever du jour", sans ces petits matins qui réveillent et dynamisent à nouveau.
Cette nuit humaine, certains la connaissent bien : les malades, ceux qui connaissent échecs de toutes sortes : soucis familiaux si nombreux aujourd'hui, souci d'un travail introuvable, etc…  Et quelques-uns vont jusqu'à dire : "je n'en peux plus ; je ne sais que faire, j'ai honte, je voudrais disparaître… !". Combien de fois j'ai entendu - vous avez entendu - avec déchirements au cœur, ces réflexions de la part de ceux qui croient au diable sans trop croire en Dieu. Ils viennent parfois voir le prêtre qui, seul, pensent-ils, peut ôter toute diabolisation !

Et pourtant, l’évangéliste répète... qu'aujourd'hui encore Jésus se manifeste sur le rivage de la vie des hommes...!".

Mais remarquons d'abord que dans l'évangile de ce jour il n'y a rien d'extraordinaire dans les gestes de Jésus : il est là..., simplement ! Il est là ! Et il demande : "Les enfants, auriez-vous du poisson ?"..… et encore : "Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre !".

Demandes simples, mille et mille fois répétées depuis
par les hommes et les femmes qui réclament à manger,
par tous ceux qui en appellent au partage,
par tous ceux qui crient leur désir de vivre,
par tous ceux qui ne réclament qu'un signe d'amitié, qu'un sourire réconfortant et qui ne veulent pas être oubliés sur la marge de l'humanité.
Voix de tous les souffrants quels qu'ils soient et qui, par leurs appels, manifestent déjà, inconsciemment, la présence du Ressuscité dans notre monde : "Auriez-vous quelque chose à manger ?", répètent-ils. Auriez-vous quelque chose à me donner - même un simple verre d'eau, disait Jésus en son temps, même un simple sourire réconfortant ?
C'est toujours la voix du Seigneur qui quémande. Et qu'allons-nous répondre ? Le pape François ne cesse de remarquer : toutes les lois d'une bonne navigation de vie, tous les commandements d'une bonne conduite etc. toute l'autorité d'un maître avisé n'y suffiront s'il n'y a pas l'amour !

Car devant ces divers cris d'humanité en détresse, oserons-nous dire comme Jean et reconnaître : "C'est le Seigneur !".
Aurons-nous alors autant de cœur que ces disciples qui repartent jeter leurs filets, malgré la fatigue d'une nuit de travail stérile ? Serons-nous assez ouverts et disponibles pour nous laisser remuer par les demandes de ceux qui s'adressent à nous ?
Dans la demande du Christ et dans la réponse des disciples, tout à la fois, oui, déjà là, le Christ se manifeste.
Dans l'appel des uns et dans l'écoute accueillante et active des autres, oui, déjà là, le Christ se manifeste.

Mais il faut aller plus loin : le Christ parle et les disciples surmontent l'échec désespérant d'une "nuit sans rien prendre". Ils se remettent à l'œuvre, et alors le filet se remplit, comme jamais il ne s'était rempli. La stérilité fait place à la fécondité... le désespoir est vaincu, la confiance et le courage l'ont emporté sur la résignation et l'abandon.

Alors, le premier disciple proclame : "C'est le Seigneur !".
Et Pierre se jette à l'eau.
... comme tous ceux qui osent accorder de l'importance aux moindres petits signes d'espoir.
... comme ceux qui savent répéter ce proverbe (chinois) : "Mieux vaut allumer une minuscule chandelle que de maudire l'obscurité".
... comme ces hommes et ces femmes de tous les jours et de tous les pays qui repartent chaque matin glaner les quelques fruits de labeur pour vivre,
... comme ces malades très atteints qui s'accrochent à la vie, qui osent sourire et accueillir malgré le poids de leur douleur,
... comme tous ceux qui affirment : "Si je n'avais pas la foi, il y a longtemps que j'aurais mis fin à ma vie !"

Car, par le cri des uns et par l'écoute aimante des autres, un refrain alors se murmure, s'enfle et éclate : "C'est le Seigneur !", Oui, c'est bien Lui qui est présent chaque fois que le cœur de l'un est aidé par l'autre à surmonter le désespoir, chaque fois que la vie continue quand même.

Et comme dans un filet bien rempli, tous recueillent les fruits de leur foi et de leur courage en autant de moments de paix profonde et de joie intense.
Ils savent recueillir ces moments... Bien plus, ils les partagent.

Car il faut aller encore plus loin...  ... jusqu'au repas au bord du lac, où Jésus rassemble les disciples pour leur donner à manger... de ces poissons qu'ils ont eux-mêmes rapportés.

Dernier signe de la présence du Christ ressuscité : il rassemble les hommes et leur partage le pain qui fait vivre.
Alors, tous savent que c'est bien Lui, le Seigneur, présent au milieu d'eux.
Le repas partagé, le rassemblement de tous, la communion dont nul n'est exclu, comme cette Eucharistie célébrée aujourd'hui par des millions d'hommes et de femmes dans le monde entier, les voilà bien les signes décisifs de la présence du Christ, vivant au milieu de nous.

Présence du Christ ressuscité
dans nos cris d'affamés de bonheur
et aussi dans nos gestes quotidiens de partage
et dans ces multiples moments de joie partagée,
dans ces invitations faites à l'inconnu de s'asseoir auprès de nous,
dans ces amitiés acceptées... !

Oui, n'allons pas chercher le Christ ressuscité loin de nos lieux de vie, loin de notre ordinaire.
Sachons l'entendre dans les appels de ces frères qui nous sont parfois si proches !
Sachons le reconnaître dans les échecs surmontés. Et sachons le célébrer dans tous les gestes de partage.

Écoutons sa Parole qui nous redit : "Confiance... Allez plus loin... N'ayez pas peur !".
...et prêtons-lui nos bras, nos esprits et nos cœurs pour que davantage d'hommes et de femmes soient touchés par son Amour.

Et je terminerai par cette remarque :
Ce que je viens de dire, je le crois profondément.
Ce que je viens de dire n'est pas toujours facile à entendre et à mettre en pratique. Bien sûr !

Mais une chose est pour moi d'une certitude absolue : Par-delà conseils, observances, commandements et que sais-je encore... de tout l'arsenal de moralité, c'est l'amour qui l'emportera, l'Amour du Christ qui, lui-même, a vaincu toute mort ! Et surtout la mort du premier péché, l'orgueil du premier homme, cet orgueil de l'homme de tout temps qui le rend si aveugle pour mieux reconnaître le Seigneur sur le rivage de notre vie !

C'est seulement cet amour qui légitime notre cri : "C'est le Seigneur !". Il est là !

lundi 4 avril 2016

D'Annonciation en Annonciation !

Annonciation - La foi de Marie !

Après la fête de Pâques, soyons heureux d'honorer Marie "comblée de grâces", elle qui fut appelée à prendre une place unique dans l'"Economie divine", dans la réalisation du plan de Dieu à l'égard de tous les hommes, de toute l'humanité !

Oui, il nous est bon de découvrir, d'approfondir aujourd'hui, cet évènement capital de l'annonce faite à Marie, l'annonce du Messie, Fils de Dieu, "Fils du Très-Haut", de l'approfondir dans le contexte de la résurrection. Oui, il est bon aujourd'hui de découvrir une "nouvelle annonce" contenue dans la première annonce : Le fils de Marie, le Fils de Dieu en sa vie glorieuse désormais, veut se rendre présent non plus à un seul peuple - le peuple juif -, mais à toute l'humanité revivifiée, régénérée par le mystère pascal. Et Marie ne peut être étrangère à cette nouvelle action divine.

Oui, il nous est bon d'entendre aujourd'hui le récit de l'Annonciation avec un cœur nouveau, avec un cœur de ressuscité avec le Christ. Ce récit conserve, dans sa simplicité et sa force bouleversante, une actualité qui le rend toujours présent en nos cœurs d'aujourd'hui, une actualité que Marie ne pouvait soupçonner, mais qui était cependant contenue en sa réponse, en sa réponse de foi, d'espérance et d'amour absolus.

Oui, contemplons Marie ! Au jour béni de l'apparition de l'ange, Dieu annonce sa volonté d'envoyer son divin Fils chez les hommes afin de réaliser cette présence  tant attendue et annoncée par les prophètes.
Et Marie comprend l'appel de Dieu à collaborer à cette volonté divine, même si elle se demande "comment cela va-t-il se faire !". Le "Oui" de la Vierge Marie - "Que tout se passe pour moi selon ta parole" -, ce "Oui" est un "Oui" à la venue du Messie annoncé, un "Oui" déjà total face à un appel divin souvent déconcertant.

Aussi, sachons d'abord mesurer, dans la société où vivait Marie - une société patriarcale - où la religion était une affaire d'homme, où régnait la loi du talion et où on lapidait le femme adultère, sachons mesurer le courage qu'il a fallu à Marie pour accepter le don de cette vie qui prenait naissance, miraculeusement, en son sein, pour lui sacrifier toute sa personne et pour l'entourer de tout son amour. C'est bien une telle femme que Dieu choisit et appelle !

La réponse de Marie est un acte de foi, de confiance en Dieu, même si elle ne sait pas exactement à quoi elle s'engage. Il en est souvent ainsi de tout engagement avec Dieu.
Ainsi, tout au long de son pèlerinage glorieux et douloureux ici-bas, Marie non seulement conservera inébranlable sa confiance, sa foi, son amour envers son Seigneur qui fait pour elle et par elle des merveilles, mais elle approfondira son engagement ; et c'est ainsi que peu à peu elle découvrira le mystère d'une alliance plus merveilleuse encore, l'Alliance de Dieu avec l'humanité entière, alliance réalisée par la Pâque de son divin Fils.
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Du vin, du "sang de la vigne" (comme l'on disait) qu'elle boira à Cana au jour du premier "signe d'alliance" réalisé par Jésus, jusqu'au sang qu'elle recueillera de son divin Fils sur la croix, Marie a su découvrir et approfondir, dans le silence de sa prière, de sa méditation - car sans cesse "elle méditait en son cœur" - la mission universelle de son Fils.

Et c'est ainsi qu'elle comprendra parfaitement ce que son Fils lui dira en désignant son apôtre Jean : "Femme, voici ton Fils !".
Et on peut imaginer qu'au matin de la résurrection eut lieu une nouvelle "Annonciation" par l'ange Gabriel qui lui demandait d'être la mère de la multitude des "frères de son Fils", d'être la mère de l'Eglise née à la fois du côté du Christ percé par la lance du centurion et également du côté de Marie transpercé par le glaive annoncé par le vieillard Siméon, d'être la mère de cette Eglise déjà lumineuse au matin de Pâques !

Comprenons bien : le récit de l'évangile d'aujourd'hui rapporte une Annonciation qui contient déjà une "seconde Annonciation" en vue d'une nouvelle Alliance entre Dieu et tous les hommes. Et il y faut, là encore, l'acquiescement de Marie qui, toujours, dit "Oui" ! Marie devient Mère du Corps tout entier de son Fils - "tête et membres", dirait St Paul. Elle devient Mère de l'Eglise !

Méditons aujourd'hui avec Marie. Car l'itinéraire de foi, d'espérance et d'amour de la Vierge Marie, depuis l'annonciation jusqu'à la résurrection de son Fils, jusqu'à son Assomption, est l'exemple qui nous est donné aujourd'hui pour réaliser la mission à laquelle nous avons été appelés au jour de notre baptême, au jour de notre profession religieuse.

Il est bon de remarquer - avec un peu d'humour, mais un humour qui recouvre une réalité - que les annonciations, dans la Bible, sont souvent "affaires de femmes" !
Je pense que Marie est bien la sœur de toutes celles, - de tous ceux aussi, certes, mais disons d'abord -  de toutes celles qui par amour ont dit "Oui" et qui ont accepté d'engager toute leur vie, pour le meilleur et pour le pire, pour accueillir et donner, respecter et accompagner la vie, la vie  humaine et spirituelle tout à la fois, ou encore la vie humaine ou la vie spirituelle. Car il est bien évident que la "maternité spirituelle" existe..., comme celle de Marie à notre égard !

Donne-nous, Seigneur, le courage afin que, sous la mouvance de ton Esprit, nous sachions distinguer ta volonté et notre devoir, et pour que notre réponse soit toujours un "Oui", à l'exemple de Marie qui a toujours suivi le conseil de son divin Fils avant même qu'il l'ait prononcé : "Que votre "oui" soit "oui" !" !
Que Marie nous aide à accomplir notre "Oui" !

dimanche 3 avril 2016

Du doute à la foi !

2ème Dimanche de Pâques  - 2016 - "Mon Seigneur et mon Dieu !"

Nous connaissons l'apôtre Thomas à cause, surtout, de son refus obstiné de croire à la résurrection de Jésus. C’est le récit que l’on vient d’entendre.

Mais l'évangile de Jean nous le montre aussi quelques semaines auparavant déjà désabusé, sceptique et terre à terre. Lorsqu'il apprend que Jésus veut retourner vers Jérusalem où ses ennemis l’attendent, il dit aux autres disciples, avec mauvaise humeur : “Et bien, allons-y nous aussi et mourons avec lui !”. Un humour un peu noir quand même ! Mais cela nous est fréquent, à nous aussi !
Thomas admirait Jésus, il l'aimait certainement, mais il n'arrivait pas à croire en sa mission de Messie Sauveur.

Un peu plus tard, au soir du Jeudi Saint, Jésus raconte une petite parabole : celle de cette "Maison du Père" où il va se rendre le premier pour préparer la place à ses amis. C'est une parabole du mystère de Pâques. Et Jésus de conclure : “Vous connaissez le chemin”. Alors Thomas - encore lui - objecte brutalement, avec agacement : “Nous ne savons même pas où tu vas, comment pouvons-nous connaître le chemin ?”. Il prend les paroles de Jésus au plus court et il refuse d'ouvrir son intelligence à ce qui se trouve hors de ses perspectives habituelles de simple pêcheur galiléen. Cela aussi nous est fréquent !

Oui ! Thomas est un homme de bon sens à qui on ne peut en conter facilement. Alors il n'est pas étonnant de le retrouver après Pâques refusant de croire jusqu'à ce que le Ressuscité lui-même vienne à sa rencontre et lui arrache ce cri qui résume toute la foi chrétienne : “Mon Seigneur et mon Dieu !”. Souvent Dieu, quand il entre dans une âme, opère une radicale inversion de valeurs.

Et nous aujourd'hui, où en sommes-nous ?
Vous le savez, même parmi ceux qui s'estiment chrétiens, beaucoup sont comme Thomas, attachés à un apparent "bon sens" qui ne laisse place qu'à une foi fragile et une espérance courte.

Ils voient surtout en Jésus un souvenir émouvant, un personnage admirable, mais comme on admire une grande figure du passé, comme on peut faire mémoire d'un défunt valeureux. Mais, en réalité, ils n'attendent rien de lui. Pour eux il n'est pas véritablement le Messie Sauveur.

Aussi s’engager totalement à la suite de Jésus manque de “bon sens”, d’un “bon sens” à la mode. Et il est bien vrai qu'aujourd'hui s’engager à la suite de Jésus est un risque en notre monde actuel. Et beaucoup, désabusés comme Thomas, vont répétant à sa suite, avec quand même une certaine fidélité conservée depuis l'enfance : “Et bien, suivons Jésus, et mourons avec lui !”.

Et finalement, ils ne savent pas si bien dire ! Car il est vrai qu'avec Jésus, c’est une mort assurée à bien des valeurs actuelles du monde. Une mort digne et estimable sans doute, mais une mort quand même,... pense-t-on inconsciemment.

C'est alors qu'il faut demander la grâce pascale, une grâce toujours renouvelable : car pour vivre avec cette foi demandée par le Ressuscité à Thomas : “Ne sois plus incrédule mais croyant !”, il ne suffit pas de croire que Jésus est mort d'une manière exemplaire. Pour vivre avec le Messie Sauveur, nous avons besoin non d'un mort mais d'un vivant ! C'est un vivant que nous prions, c'est à l'amour d'un vivant que nous voulons répondre.

Et seul celui qui a dit : “Je suis le chemin, la vérité et la vie” (Jn 14.6) peut donner sens à notre vie de chaque jour par-delà les signes de mort en notre monde d’aujourd’hui et par-delà la mort elle-même, parce que Lui, Jésus, a vaincu la mort.
Notre monde est ravagé par tant de conflits, de haines et de guerres. Seule la puissance de vie du Ressuscité peut nous libérer du désespoir et de la mort. Seule elle peut faire de nous des lutteurs aptes à servir nos frères comme Lui les a servis et aimés jusqu'au bout. Son amour n'a pas été celui d'une mondaine bienséance spirituelle, très éloignée souvent d'une véritable foi !

Telle est bien le fondement de notre foi et nous nous réjouissons de partager l'assurance de Paul lorsqu'il s'écrie : “Pour moi, vivre c'est le Christ. Ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus... Et nous, nous vivons avec lui, nous sommes vivants pour Dieu en Jésus Christ” (Rm 6.8-9). Et nous sommes heureux d'entendre le Christ nous dire à l'oreille de notre cœur, comme à celui de St Jean quand il écrivait son Apocalypse : "Je suis le Vivant !".

Cependant, il faut l'admettre en toute modestie : ce n'est pas toujours avec l'assurance victorieuse de St Paul que nous pouvons reconnaître ce "Vivant", mais souvent avec les lenteurs et les perplexités de Thomas, dans les tâtonnements, les clairs-obscurs, l'aridité d'une foi où, à certaines heures, l'ombre semble l'emporter sur la lumière.

Nous sommes alors, diversement et tour à tour, comme Jean et Pierre devant le tombeau vide : Jean a cru, dit l’évangile, mais sans rien voir d'autre qu'un linceul. Pierre, lui, a attendu jusqu'au soir que l'évidence s'impose à lui.

Nous aussi, il nous faut souvent prendre patience sans nous départir de notre attachement profond au Christ. Le témoignage d'innombrables croyants depuis des siècles nous apprend que le Seigneur peut se cacher au plus profond de nous-mêmes et ne se révéler qu'en plein cœur de la nuit pour ceux qui ont su veiller et prier.

A Pâques, les disciples de Jésus l'ont vu et reconnu dans la simplicité et l'intimité. Ils ont partagé son action de grâce dans les repas de l'amitié à Emmaüs, à Jérusalem ou plus tard au bord du lac de Galilée.

Ensuite, c'est en dehors de sa présence sensible qu'ils ont dû vivre longtemps avec lui, pour lui.
Sans entendre le timbre de sa voix, ils ont dû se souvenir de ses paroles pour les répéter et témoigner devant juifs et païens.
Sans revoir son visage, ni toucher la marque de ses blessures, ils l'ont aimé et ils l'ont fait aimer.
En obéissant à sa parole : “Faites ceci en mémoire de moi”, ils ont partagé le pain et bu à la coupe. C'est dans ce geste qu'on le retrouve vivant mais reconnu seulement par la foi, comme en cet instant qui nous rassemble. Que le Seigneur est bon et grand de nous avoir laissé le signe de son Eucharistie qui actualise tout son mystère pascal !

Et cela a suffi pour que St Pierre puisse écrire à ses chrétiens : “Même s'il faut que, pour un peu de temps, vous soyez affligés par diverses épreuves, vous qui aimez le Christ sans l'avoir vu, qui croyez sans le voir encore..,. déjà vous tressaillez d'une indicible joie, en emportant comme prix de la foi, le salut de vos âmes" (I Pir. 1.6,8-9).

Aussi, “Bienheureux, dit Jésus, ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru”. Dans l’évangile, c’est, me semble-t-il, la “béatitude des béatitudes” ! Ce bonheur de croire, l'Esprit Saint, l'Esprit de Jésus Christ nous presse de l'accueillir. Il ne pose qu'une seule condition : que nous en ayons le désir. Comme le proclame le livre de l'Apocalypse : “Que l'homme assoiffé s'approche, que l'homme de désir reçoive l'eau de la vie gratuitement” (Apoc. 22.17).

Et c'est ainsi que nous pouvons comprendre du moins le grand appel des premiers martyrs, des martyrs comme Siméon Berneux que nous avons fêté récemment, des martyrs d'aujourd'hui persécutés et cependant comblés d'espérance au point de s'écrier : “Maranatha, viens, reviens Seigneur Jésus ! Aujourd’hui, demain et pour toujours !” (Cf. Apoc. 22.20)...

Ce sont là les derniers mots de la Bible qui nous engagent à cette foi au Christ ressuscité qui viendra combler l'attente de notre foi !

Et c'est ainsi que nous pouvons faire la merveilleuse expérience de l'immense et infinie miséricorde de Dieu à notre égard qui sans cesse nous invite à passer du doute à la foi, cette foi qui nous prépare déjà à la vision éternelle.