Fête
des Sts Pierre et Paul
Pierre et Paul sont parmi les
êtres les plus étonnants et les plus surprenants de l'histoire. Ce qu'ils sont
devenus et ce qu'ils ont réalisé fut tellement en contraste avec leur nature et
leur passé qu'on déchiffre aisément la marque du Saint-Esprit dans leurs
destins respectifs.
La nature les avait forgés d'une certaine
manière ; la grâce les a recréés en vue du plan de Dieu, d'un plan dont le
déroulement échappe radicalement aux prévisions humaines, mais dont le but fut
incontestablement de faire de Pierre et de Paul les deux
"colonnes" de l'Eglise !
Qui était Simon, qui s'appellera Pierre ?
Un brave homme tout simple, dont la
culture se limitait au savoir-faire du métier de la pêche qu'il exerçait à
Capharnaüm.
Mais un homme loyal et sans détour,
dont les enthousiasmes et la spontanéité s'offraient tout naturellement à
l'action de l'Esprit-Saint pour de surprenantes intuitions : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu
vivant !", s'écria-t-il un jour à l'adresse de Jésus, alors que nul
encore ne soupçonnait du Christ la mystérieuse nature !
Et pourtant, combien souvent cet homme, que
la simplicité du cœur ouvrait aux valeurs d'en-haut, apparaissait-il peu
accessible au sens et à la profondeur des propos de Jésus. C'est plus d'une fois
que le Maître lui reproche son peu d'ouverture, ses illusions sur lui-même, sa
bonne volonté inopérante et ses faiblesses.
Son amitié et son admiration pour le
Seigneur étaient sans borne. Elles n'ont cependant su résister à cette
faiblesse que nous connaissons tous, la peur ! Jésus savait que Simon le
renierait. Il n'a pas pour autant hésité à l'appeler "Pierre" et à
justifier ce surnom par la plus extravagante des promesses : "Tu es Pierre et sur cette pierre
j'édifierai mon Eglise". Et Simon, perplexe, n'a sans doute guère
réalisé, avant la Pentecôte, l'extraordinaire portée de cette vocation et de ce
destin.
Engager ainsi un homme brave mais quelque
peu rude, compromettre de la sorte un hésitant et un peureux à être le chef, le
roc pour soutenir la cohésion du nouveau du peuple de Dieu, l'Eglise, est une
initiative tellement étrange et tellement folle qu'elle ne peut être signée que
de Dieu à qui rien n'est impossible.
Et Dieu ne se dédiera pas. Car Pierre, par
la suite, et grâce à la puissance de l'Esprit-Saint, deviendra effectivement ce
champion de la foi, de l'intelligence spirituelle, du courage et de l'unité, de
toutes ces vertus qui mettront l'Eglise sur les rails de l'histoire.
Son admirable discours de Jérusalem, au
lendemain de la Pentecôte, et son martyre à Rome seront les
contremanifestations les plus apparentes de ses lourdeurs de jadis et de sa
faiblesse au cours du drame de la Passion !
Entre Pierre et Paul, c'était comme le jour
et la nuit.
Face au visage du Galiléen rude, simple, rocailleux mais limpide, apparait la
figure de Saul, appelé Paul, le judéen issu de Tarse, l'intellectuel
compliqué, passionné et tourmenté, tiraillé entre le Juif et le Grec qu'il
était tout à la fois, entre la "chair et l'esprit" que nous sommes
tous (Cf
Ephes. 6.12).
Mais sa radicale mutation fut aussi
spectaculaire qu'a été surprenante la transformation de Simon-Pierre.
Comment,
en effet, ce pharisien légaliste, persécuteur acharné des disciples de Jésus au
nom du particularisme le plus étroit, a-t-il pu devenir, en l'espace de
quelques jours, le plus universaliste des Apôtres ? A peine Saul, terrassé sur
le chemin de Damas, a-t-il reconnu en son adversaire d'hier la vérité vivante
qu'il cherchait désespérément, à peine eut-il reçu de Jésus la folle mission
d'aller évangéliser les nations païennes, que déjà "sans consulter la chair et le sang" (Gal 1.17), dira-t-il,
c'est-à-dire sans recourir à ses seules forces humaines, il s'en va vers les
horizons étrangers avec la même fougueuse énergie qu'il avait déployée à
persécuter le Christ dans ses membres. Il ira annonçant "à temps et à contre temps" (2 Tim 4.2) ce Jésus qui a
renouvelé sa vie, et cela jusqu'à l'extrême témoignage du sang.
St Pierre se perpétue en ses successeurs pour
conduire l'Eglise à travers l'histoire et ses vicissitudes,
St Paul, lui, continue de nourrir le peuple
chrétien de cette Parole vivante qu'il a reçue pour la transmettre par le relai
de son intelligence miraculeusement éclairée et qu'il a si bien su exprimer
dans ses lettres diverses.
Et si l'Eglise nous présente ensemble
les deux visages de Pierre et de Paul, c'est parce que, ensemble, ils
dessinent son propre visage aux traits contrastés :
- l'unité de l'Esprit agissant par
Pierre dans la diversité des tempéraments, des charismes et des
fonctions reconnus par Paul ;
- la stabilité du rocher - c'est
Pierre - qui permet et garantit les développements de la Révélation, les
élans prophétiques - voilà Paul ! - ;
- enfin la continuité dans l'histoire,
assurée par Pierre, mais en vue d'épouser les époques successives comme
aussi la diversité des langues et des cultures, ce qui fut le destin de Paul,
l'apôtre des nations !
Dans sa traversée de l'histoire, l'Eglise a
parfois privilégié Pierre à cause de l'ordre ou de l'unité ; parfois, elle s'est
davantage inspirée de Paul pour fonder sa pensée et retrouver son souffle
prophétique.
Malheureusement, en tout temps, comme
encore aujourd'hui, il s'est trouvé des chrétiens pour engager entre eux, à
coups de béquilles, un ridicule combat d'unijambistes ! L'Eglise de Jésus-Christ
ne tient debout et ne peut avancer qu'en s'appuyant sur deux jambes : ce sont
les deux "colonnes" qui s'appellent respectivement Pierre et Paul.