mercredi 29 juin 2016

Marcher sur deux jambes !

Fête des Sts Pierre et Paul

Pierre et Paul sont parmi les êtres les plus étonnants et les plus surprenants de l'histoire. Ce qu'ils sont devenus et ce qu'ils ont réalisé fut tellement en contraste avec leur nature et leur passé qu'on déchiffre aisément la marque du Saint-Esprit dans leurs destins respectifs.
La nature les avait forgés d'une certaine manière ; la grâce les a recréés en vue du plan de Dieu, d'un plan dont le déroulement échappe radicalement aux prévisions humaines, mais dont le but fut incontestablement de faire de Pierre et de Paul les deux "colonnes" de l'Eglise !

Qui était Simon, qui s'appellera Pierre ?
Un brave homme tout simple, dont la culture se limitait au savoir-faire du métier de la pêche qu'il exerçait à Capharnaüm.
Mais un homme loyal et sans détour, dont les enthousiasmes et la spontanéité s'offraient tout naturellement à l'action de l'Esprit-Saint pour de surprenantes intuitions : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant !", s'écria-t-il un jour à l'adresse de Jésus, alors que nul encore ne soupçonnait du Christ la mystérieuse nature !
Et pourtant, combien souvent cet homme, que la simplicité du cœur ouvrait aux valeurs d'en-haut, apparaissait-il peu accessible au sens et à la profondeur des propos de Jésus. C'est plus d'une fois que le Maître lui reproche son peu d'ouverture, ses illusions sur lui-même, sa bonne volonté inopérante et ses faiblesses.
Son amitié et son admiration pour le Seigneur étaient sans borne. Elles n'ont cependant su résister à cette faiblesse que nous connaissons tous, la peur ! Jésus savait que Simon le renierait. Il n'a pas pour autant hésité à l'appeler "Pierre" et à justifier ce surnom par la plus extravagante des promesses : "Tu es Pierre et sur cette pierre j'édifierai mon Eglise". Et Simon, perplexe, n'a sans doute guère réalisé, avant la Pentecôte, l'extraordinaire portée de cette vocation et de ce destin.

Engager ainsi un homme brave mais quelque peu rude, compromettre de la sorte un hésitant et un peureux à être le chef, le roc pour soutenir la cohésion du nouveau du peuple de Dieu, l'Eglise, est une initiative tellement étrange et tellement folle qu'elle ne peut être signée que de Dieu à qui rien n'est impossible.
Et Dieu ne se dédiera pas. Car Pierre, par la suite, et grâce à la puissance de l'Esprit-Saint, deviendra effectivement ce champion de la foi, de l'intelligence spirituelle, du courage et de l'unité, de toutes ces vertus qui mettront l'Eglise sur les rails de l'histoire.
Son admirable discours de Jérusalem, au lendemain de la Pentecôte, et son martyre à Rome seront les contremanifestations les plus apparentes de ses lourdeurs de jadis et de sa faiblesse au cours du drame de la Passion !

Entre Pierre et Paul, c'était comme le jour et la nuit. Face au visage du Galiléen rude, simple, rocailleux mais limpide, apparait la figure de Saul, appelé Paul, le judéen issu de Tarse, l'intellectuel compliqué, passionné et tourmenté, tiraillé entre le Juif et le Grec qu'il était tout à la fois, entre la "chair et l'esprit" que nous sommes tous (Cf Ephes. 6.12).
Mais sa radicale mutation fut aussi spectaculaire qu'a été surprenante la transformation de Simon-Pierre. 
Comment, en effet, ce pharisien légaliste, persécuteur acharné des disciples de Jésus au nom du particularisme le plus étroit, a-t-il pu devenir, en l'espace de quelques jours, le plus universaliste des Apôtres ? A peine Saul, terrassé sur le chemin de Damas, a-t-il reconnu en son adversaire d'hier la vérité vivante qu'il cherchait désespérément, à peine eut-il reçu de Jésus la folle mission d'aller évangéliser les nations païennes, que déjà "sans consulter la chair et le sang" (Gal 1.17), dira-t-il, c'est-à-dire sans recourir à ses seules forces humaines, il s'en va vers les horizons étrangers avec la même fougueuse énergie qu'il avait déployée à persécuter le Christ dans ses membres. Il ira annonçant "à temps et à contre temps" (2 Tim 4.2) ce Jésus qui a renouvelé sa vie, et cela jusqu'à l'extrême témoignage du sang.

St Pierre se perpétue en ses successeurs pour conduire l'Eglise à travers l'histoire et ses vicissitudes,
St Paul, lui, continue de nourrir le peuple chrétien de cette Parole vivante qu'il a reçue pour la transmettre par le relai de son intelligence miraculeusement éclairée et qu'il a si bien su exprimer dans ses lettres diverses.

Et si l'Eglise nous présente ensemble les deux visages de Pierre et de Paul, c'est parce que, ensemble, ils dessinent son propre visage aux traits contrastés :
- l'unité de l'Esprit agissant par Pierre dans la diversité des tempéraments, des charismes et des fonctions reconnus par Paul ;
- la stabilité du rocher - c'est Pierre - qui permet et garantit les développements de la Révélation, les élans prophétiques - voilà Paul ! - ;
- enfin la continuité dans l'histoire, assurée par Pierre, mais en vue d'épouser les époques successives comme aussi la diversité des langues et des cultures, ce qui fut le destin de Paul, l'apôtre des nations !

Dans sa traversée de l'histoire, l'Eglise a parfois privilégié Pierre à cause de l'ordre ou de l'unité ; parfois, elle s'est davantage inspirée de Paul pour fonder sa pensée et retrouver son souffle prophétique.

Malheureusement, en tout temps, comme encore aujourd'hui, il s'est trouvé des chrétiens pour engager entre eux, à coups de béquilles, un ridicule combat d'unijambistes ! L'Eglise de Jésus-Christ ne tient debout et ne peut avancer qu'en s'appuyant sur deux jambes : ce sont les deux "colonnes" qui s'appellent respectivement Pierre et Paul.

dimanche 26 juin 2016

Choisir !

13e Dim. Ord. 16/C - 

Dans toute vie, il existe des moments décisifs, des moments où il faut faire un choix qui engage l'avenir d'une manière irréversible.

Humainement, c'est déjà vrai ! On ne peut tout savoir, et tout faire, et tout penser, et tout dire. L'existence exige des abandons durs, des choix qui peuvent être cruels. On ne peut avoir les avantages du loisir et ceux de la gloire ; ceux du laïc et ceux du clerc ; ceux de la forte santé et ceux de la chétivité.
Bien davantage et  plus profondément, le chrétien, plus il avance dans la vie, plus il doit choisir de ne pas savoir, de ne pas faire, de ne plus accueillir, jusqu'au jour où il lui faudra choisir lui-même d'être un corps étendu, pour être en lui-même éternellement changé ! C'est sa vocation, son choix !

Aussi faut-il, même sur le plan humain, se méfier des fausses maximes d'honneur : "Meure plutôt que... !".  Se méfier des fausses maximes de sécurité : "Préserve-toi, afin que... !". Etc. Aucune règle ici n'est certaine ; aucune n'est automatique. Parfois, la valeur suprême est d'accepter de disparaître, parfois de demeurer. Parfois de veiller jusqu'au chant du premier coq, parfois de se coucher avec le jour qui tombe.

Ceci dit avec un humour quelque peu désinvolte ou désabusé, il reste que pour chacun, il existe une valeur préférable accordée à son être, à sa tâche dans le monde, une valeur suprême qui permet de juger tout ce qui n'est pas elle comme de nulle valeur. Et ce qui est souvent difficile, c'est de savoir ce qui jamais ne doit être sacrifié, de décider de son réduit inexpugnable, de choisir la valeur qui jamais ne sera subordonnée, la ligne sur laquelle on ne cédera pas !

C'est le cas de Jésus, dans l'évangile d'aujourd'hui, qui décide de monter résolument à Jérusalem pour accomplir sa mission qui va aboutir à la croix et à la résurrection, à ce mystère pascal auquel nous participons par le baptême, par l'Eucharistie. Et à partir de cette fin du ch. 9ème de St Luc, il ne va plus être question que de cela. St Luc le soulignera à plusieurs reprises : Jésus, en toute liberté et avec détermination, monte vers Jérusalem pour accomplir sa mission. C'est son choix ! Sa valeur suprême, sa mission !

Evidemment, ce choix, cette mission ne sont pas toujours comprises. Non seulement sa mission n'a pas été comprise, mais elle suscite parfois une certaine hostilité.
St Luc nous donne l'exemple des Samaritains. Et les exemples se multiplieront au cours des siècles et se multiplient aujourd'hui encore. Combien de prêtres, religieuses ou religieux, combien de chrétiens sont ridiculisés, voire persécutés ! Jésus en souffrit; nous en souffrons parfois.
Mais cette souffrance n'est rien en comparaison de celle qu'on éprouve en constatant que Jésus passe et qu'il n'est pas accueilli, que Dieu passe souvent de bien des manières dans la vie des hommes pour faire "alliance" avec eux, et qu'à chaque fois on le refuse. La valeur suprême - l'amour de Dieu répandu en nos cœurs grâce à son mystère pascal - sera délaissée pour d'autres valeurs périssables !

La peine des apôtres fut grande. Et c'est la plus grande peine d'un prêtre, d'un chrétien de constater que Dieu, que Jésus-Christ sont repoussés. Et certains d'être tentés parfois de réagir plus ou moins fortement comme les apôtres Jacques et Jean. Il ne le faut pas. Jésus réprimanda les siens : l'amour de Dieu ne peut être proposé qu'au moyen de la charité, de l'amour qui laisse intacte la liberté de chacun. C'est à chacun de choisir librement ! On ne peut que le redire !

Aussi, Notre Seigneur d'expliquer que nous aussi; nous avons des choix à faire, que nous aussi, nous sommes appelés à poursuivre d'une manière ou d'une autre, sa mission. Et devant ces choix, nous restons libres. Cette liberté est à la base de tous les appels que le Christ a adressés dans l'évangile : souvenons-nous de l'appel des Douze, du jeune homme riche qui répond négativement, de Zachée, des dix lépreux... L'appel du Seigneur laisse à l'homme une pleine et entière liberté avec toutes les conséquences et toutes les déceptions qui en découlent. Si tu veux, viens ; suis-moi ! Déjà l'Ancien Testament le répétait souvent ! "Vois, je mets devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur !". A toi de choisir ! (Dt. 30.15).

Alors, de quelle manière faut-il répondre ? Notre Seigneur nous le précise à l'occasion de trois rencontres..

Un premier candidat se porte volontaire pour suivre Jésus. Au lieu de répondre tout de suite positivement, Jésus le met en garde : il ne veut pas que l'homme s'engage à la légère et soit tenté ensuite de faire demi-tour. Aussi, il l'avertit que sa vie sera précaire, sans sécurité d'une demeure fixe, avec certaines hostilités, comme celles qu'il vient de connaître en Samarie. C'est un peu comme s'il disait à cet homme : tu abandonneras toutes les sécurités humaines, tout ce qui était pour toi refuge dans ta vie, pour t'attacher au Fils de l'Homme et à la construction de son Royaume.
St Benoît, me semble-t-il, n'a pas d'autre langage !
Et aujourd'hui encore, le Christ, en nous appelant nous met en garde :  ne vous appuyez pas trop sur certaines techniques, sur certains moyens matériels : ce ne sont que des moyens, parfois utiles mais non indispensables à l'annonce de l'évangile. La seule sécurité, le seul refuge, c'est le Seigneur. Lui seul doit être notre appui.

Le deuxième interlocuteur ne se présente pas de lui-même, mais c'est Jésus qui l'appelle : il ne dit pas non, mais il demande un délai, car il a une obligation familiale urgente. L'excuse nous paraît très normale : reconnaissons même que nous traiterions cet homme de mauvais fils s'il avait agi autrement. Et pourtant, Jésus lui montre qu'il n'a pas le temps d'aller enterrer son père : l'urgence de la mission ne doit souffrir aucun retard.
En fait, Jésus veut nous faire comprendre deux choses importantes : d'abord qu'en cas de conflit de devoirs, ce sont toujours les exigences du Royaume qui doivent passer en premier. C'est cette priorité qu'il a toujours rappelés dans l'évangile ; la mission à laquelle Dieu nous appelle est tellement urgente qu'elle ne doit souffrir aucun retard.
Mais il veut aussi nous faire comprendre que notre attention doit être tournée vers les vivants, vers ce qui naît et non pas vers ce qui est mort. (Et profitons-en pour affirmer que, dans la foi, nos défunts eux-mêmes doivent être considérés comme des vivants !). L'appel du Christ est un appel à la vie, non un regard vers le passé qui est mort et qui nous entraîne parfois vers des regrets inutiles.

Le troisième interlocuteur ressemble fortement à Elisée. Il demande de prendre congé des siens avant de suivre Jésus. Mais dans les deux cas, il nous est signalé qu'il nous faut regarder en avant et ne pas nous enfermer dans ce que nous avons déjà fait. Notre conversion, notre marche à la suite de Jésus marquera toujours une rupture avec notre vie passée : c'est à une vie nouvelle que nous avons été appelés.

De tout cela, nous en sommes convaincus. Mais il faut bien avouer que nous en éprouvons parfois de la lassitude. L'Eglise d'aujourd'hui se heurte à l'indifférence, l'incompréhension ou même au refus catégorique comme la fin de non-recevoir des Samaritains au temps de Jésus.

Cependant, notre mission sera toujours d'annoncer la "Bonne Nouvelle", de montrer dans notre vie que cette "Bonne Nouvelle" est libération et vie nouvelle.

Mais nous ne pourrons jamais l'imposer, et nous ne devrons jamais céder à la tentation de puissance ou de pouvoir pour essayer de contraindre. Il nous faut accepter la méthode de Jésus : notre seule arme sera la force du Ressuscité, capable de changer le cœur des hommes, lui qui a dit à ses disciples: "Courage, j'ai vaincu le monde".

vendredi 24 juin 2016

Foi et questions !

Nativité de Jean-Baptiste 16

Saint Jean-Baptiste, vous le connaissez ! Et pas seulement le récit de sa naissance que nous venons d'entendre, mais aussi sa prédication fougueuse sur les bords du Jourdain et en même temps - c'est à bien remarquer - son humilité : il a conduit ses propres disciples à Jésus, dont il disait qu'il n'était pas digne de dénouer la courroie de ses chaussures. Quel humble désintérêt !

Pour ma part, je retiens facilement de Jean-Baptiste quelques mots qu'il a prononcés. - Mais pour lui ce n'étaient pas des mots seulement - ! C'était une vraie question qui sortait de son cœur. Cette question, il l'a posée à Jésus, pas directement d'ailleurs, car il était en prison. Il a envoyé ses amis la poser à Jésus de sa part : "Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?",

Pourquoi attacher tant d'importance à cette phrase ? Tout simplement parce que cette question est la question de tout le monde. N'est-elle pas la nôtre, parfois ?... Jésus est-il l'envoyé de Dieu, le Fils de Dieu ? Tout ce qu'on dit de lui, est-ce vrai ? Tout ce que les chrétiens sont invités à croire à son sujet, est-ce vrai ? Ou bien est-ce une invention de ses disciples, une formidable erreur, un formidable mirage entretenu depuis des siècles ? Comme on le dit si facilement aujourd'hui !

Avec Jean-Baptiste, aujourd'hui, essayons d'avancer ensemble. Pourquoi Jean-Baptiste a-t-il posé cette question ? Pour deux raisons, me semble-t-il.
* La première : en voyant Jésus, il était étonné... au point de douter.
* La deuxième : en voyant ce qui lui arrivait à lui, Jean-Baptiste, il était scandalisé... au point de douter.

Étonné d'abord au point de douter. En effet, marqué par son tempérament, la culture religieuse de son temps, Jean avait des vues très strictes sur le Messie. Ce devait être un justicier départageant sur-le-champ les bons et les méchants. Tout le monde attendait, à l'arrivée du Messie, une intervention foudroyante de Dieu, alors que le charpentier de Nazareth racontait que Dieu était comme un berger qui va rechercher sa brebis perdue ou comme un père qui attend le retour de son fils qui a pourtant quitté la maison avec l'argent de la famille.

Comment ne pas s'étonner au point de douter ?

C'est que la foi en Jésus Christ ne peut que passer par cet étonnement. Avoir la foi, c'est être étonné. Les chrétiens sont les étonnés de l'amour. Tant que je ne serai pas étonné, je ne serai pas croyant. Car le visage de Dieu révélé par Jésus est étonnant. Le chemin emprunté par Jésus est étonnant. L'Évangile est étonnant. L'Évangile est rempli de l'histoire merveilleuse de cet amour fou de Dieu qui nous étonne. Tellement que nous disons : "C'est inimaginable !". C'est vrai, jamais nous n'aurions pu l'imaginer. "C'est incroyable !". Et pourtant c'est cela qui s'appelle croire. Cet étonnement qui conduit à la foi !

C'était la première raison de douter.  

Voici la deuxième : Jean-Baptiste, en voyant ce qui lui arrivait était scandalisé, au point de douter. il est scandalisé et on le comprend. Il est en prison et vous savez pourquoi, en raison de sa fidélité à sa mission de prophète. Il n'avait manqué ni de courage ni de conviction quand il avait dénoncé la mauvaise conduite d'Hérode. Et voilà qu'on l'avait mis en prison dans la forteresse de Machéronte sur les hauteurs de la Mer Morte. il pouvait tout craindre et la suite l'a prouvé. Sa tête a été exigée par Hérode à la fin d'un repas pour plaire à une jeune danseuse.

Enfermé dans son cachot, Jean-Baptiste était enfermé dans sa question : "Jésus était-il le Messie ou fallait-il en attendre un autre ?". Si Jésus est vraiment l'envoyé de Dieu, est-ce que le sort fait à ses amis, à ses défenseurs, peut être aussi rude ? Qui est Dieu s'il n'intervient pas pour protéger ses amis ?
On peut comprendre cette question, car n'est-elle pas la nôtre. Où est Dieu quand je suis accablé de souffrance ? Ne peut-il pas épargner la vie des justes, des innocents ? Que fait-il ?

La question est énorme. Il s'agit de rien moins que du redoutable problème du mal qui hante l'humanité depuis que le monde est monde. Et disons-le tout net : le problème du mal, du malheur innocent, est un mystère ténébreux devant lequel on ne peut que balbutier. N'en déplaise à certains, les chrétiens n'ont pas réponse à tout. Et pourtant, on ne peut pas se taire.

Contentons-nous de dire aujourd'hui une seule chose que Jean-Baptiste a bien dû deviner.
Que fait Dieu ?... Dieu n'intervient pas ordinairement pour changer le cours des événements. Je dis ordinairement. Car on ne peut pas mettre le miracle hors la loi. Mais le miracle n'est pas la loi. Dieu n'intervient pas à la place des hommes. C'est le prix qu'il attache à la liberté de l'homme. Il faut avoir le courage de le dire...

Dieu, n'est pas intervenu pour empêcher la prison et la mort de Jean-Baptiste. 
Dieu n'est pas intervenu pour empêcher la mort de Jésus.
Il n'est pas intervenu pour empêcher les hommes de le condamner et de l'exécuter. C'est donc que Dieu n'intervient pas comme cela.

Mais Dieu a fait mieux : en ressuscitant Jésus, il nous donne l'assurance qu'une vie menée dans l'amour, qu'une mort vécue dans l'amour sont des chemins de vie. Il nous donne de croire que c'est l'amour qui gagne et qui gagnera. Dieu n'intervient pas dans les événements, il intervient dans le cœur des hommes et des femmes qui vivent ces événements, pour y mettre cet amour qui peut tout changer. C'est dans les cœurs des hommes que Dieu intervient, C'est là que s'accomplissent les merveilles de Dieu.

Les sept moines de Tibhirine dont on parle à nouveau aujourd'hui, enfermés dans la grotte ou le cachot, avant leur exécution, ils ont dû se poser la même question que Jean-Baptiste : "Où est Dieu ?". Dieu n'est pas intervenu pour empêcher leur massacre ! Mais ce que nous croyons, c'est que Dieu est sûrement intervenu - comme il l'a fait pour bien d'autres, comme il le fait aujourd'hui encore - pour faire de ces sept hommes ordinaires des témoins extraordinaires d'un amour plus fort que la haine entre les peuples, les races, les religions, un amour plus fort que la mort. Comme pour Jean-Baptiste, Dieu a fait d'eux des "lumières pour les nations". Leur sacrifice a fait le tour du monde.

A l'école de Jean-Baptiste, sachons retenir que la foi chrétienne, notre foi, peut être étonnée et même scandalisée. Mais elle se vit au-delà de cet étonnement, au-delà de ce scandale.

dimanche 19 juin 2016

Qui suis-je ?

12e Dim. Ord. 16/C

"Pour la foule, qui suis-je ?", demande Jésus. Qui est ce Jésus de Nazareth ? Cette question, vieille de plus de vingt siècles est aussi neuve qu'hier et nous interpelle aujourd'hui. N'est-ce pas d'une importance capitale que chacun d'entre nous, que tout homme puisse répondre, et y répondre selon la vérité, tant elle est vitale.

Car il est vrai, comme au temps de Notre Seigneur, que certains y répondent faussement, superficiellement et de façon contradictoire. Chacun de donner son avis. Et si nous entreprenions un sondage d'opinion, les réponses seraient multiples et bien diverses.
* Pour les uns, Jésus est un non-violent qui chante la nature ;
* C'est encore le "doux rêveur galiléen" dont parlait Renan.
* Pour d'autres, Jésus est le révolutionnaire qui s'est dressé - et très légitimement - contre les pouvoirs oppresseurs : les Romains, Hérode et les prêtres de Jérusalem.
* Pour d'autres encore, Jésus est un surhomme qui séduit les foules, accomplit des choses étonnantes et que ses partisans ont "divinisé" après coup en bâtissant une Eglise qui a plus ou moins trahi son souvenir et son message.

On pourrait allonger la liste des opinions ; mais il arrive un moment où il ne suffit plus de rapporter les réponses des autres.
A chacun de nous, comme à Pierre, Jésus pose la question essentielle : "Et toi, que dis-tu ? Pour toi qui suis-je ?".

Et pour trouver la juste réponse, il nous faut, comme Pierre, nous laisser envahir par la présence de Dieu, qui seule peut nous faire découvrir le mystère de la personnalité du Christ : "Nul ne connaît le Fils, si ce n'est le Père ; nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils l'a révélé" (Mth 11.27). Ce n'est qu'en étant tout accueillant à Dieu que l'on peut dire comme Pierre : "Tu es le Messie de Dieu, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant".
Et en St Matthieu, Jésus ajoutera justement en quelque sorte (Cf. Mth 16.17 sv) : C'est le Père qui t'a soufflé cette réponse car tu n'aurais pu la trouver tout seul. "C'est pourquoi tu es Pierre", tu es rocher, et sur toi, sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, cette Communauté de tous ceux qui croient en moi comme Messie et Fils de Dieu. Aussi, nul ne pourra me connaître vraiment et pleinement...
- sans être comme toi à l'écoute du Père qui révèle...
- et sans faire un acte de foi, celle des apôtres, celle de l'Eglise. Car cette conviction, on peut la ressentir vivement en certains lieux, tels Jérusalem, Rome... ou en des circonstances de grands rassemblements !

Aussi en redisant le "Credo" de l'Eglise rassemblée autour de Pierre et des apôtres, aujourd'hui autour du pape François et des évêques, nous proclamons notre attachement à cette Famille de ceux qui savent grâce à un don de Dieu accueilli en notre cœur, qui partagent cette grande vérité et qui veulent en témoigner : Jésus est le Messie, le Fils du Père, venu parmi nous en prenant ma condition humaine pour la sauver ! Et avec l'enthousiasme de Pierre à Césarée, nous affirmons que cette vérité transforme le sens de notre vie, de nos joies, de nos peines, de notre mort elle-même.

Et pourtant, comme Pierre, malgré notre attention docile, nous ne sommes pas toujours prêts à cette révélation. Pierre avait raison de dire : "Je crois que tu es le Messie de Dieu", mais il s'était forgé du Messie une certaine idée que Jésus va bousculer : Pierre, pouvait lui dire Jésus comme il peut le dire à chacun de nous, je suis bien celui que tu proclames - le Messie, l'Envoyé de Dieu -, mais je ne suis pas celui que tu attends.
Le Messie ne va pas triompher comme tu le crois. Il va mourir sur une croix. "Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté, qu'il soit tué, et que le troisième jour il ressuscite !". Et il précisera qu'il nous faut prendre sa croix à sa suite et perdre sa vie pour la sauver. Une telle notion de Dieu, un tel programme, c'est le monde renversé ! Et comme Pierre, le premier pape, résiste de toutes ses forces, il se fait traiter de Satan.

Ne sommes-nous pas, nous aussi, comme Pierre qui avait sa petite idée sur le Messie ! Nous aussi, nous avons nos idées à nous sur Dieu, sur le Christ, sur l'Eglise et son œuvre.... Nous avons notre logique d'après laquelle tout doit se régler - et Dieu lui-même -.

A l'exemple de Pierre, il nous faut souvent réviser nos idées sur la conduite de Dieu, de Dieu qui aime l'homme et qui l'aimera toujours.
- Jésus veut nous révéler la souffrance de Dieu, d'un Dieu qui intervient non pour briser les pécheurs qu'il aime comme ses fils, mais pour en recevoir les coups en plein visage, en plein cœur : "Voici l'homme !", dira Pilate. Et l'Eglise reprend : voici ton Dieu, un Dieu qui ne se met pas du côté de ceux qui frappent ou même des "heureux" de ce monde, mais du côté des victimes, des affamés, des pauvres : "Je suis Jésus que tu persécutes", sera-t-il dit à Paul sur son chemin vers Damas. Je suis Jésus qui souffre en ton frère. Aurions-nous vraiment compris cela ?
- Certes Dieu est éternel : il ne peut mourir. Et c'est vrai ! Mais voilà que le Fils de Dieu, en s'incarnant, devient capable de mourir, d'être tué dans la nature humaine qu'il a prise. C'est le renversement de la notion d'un Dieu tout-puissant qui anéantit ses adversaires et qui triomphe d'eux en les éliminant. En prenant sur lui la peine de mort, Jésus manifeste que Dieu n'a plus d'ennemis, mais seulement des enfants à pardonner. Jésus, ainsi, nous révèle une tout autre puissance que la force qui domine. C'est la puissance de l'Amour, un Amour qui se donne jusqu'au bout : "Il n'y a pas de plus grande preuve d'amour que de donne sa vie pour ceux qu'on aime".  Aurions-nous bien compris également cette logique divine ?

Et nous pourrions trouver d'autres exemples de cette conduite de Dieu qui souvent va à l'encontre de notre logique trop remplie, souvent, de suffisance et d'orgueil humain et de cet orgueil spirituel, le plus terrible, comme aime à le souligner le pape François.

A l'exemple de St Pierre, acceptons d'être bouleversés dans nos petites conceptions orgueilleuses, acceptons de perdre nos idées - souvent fausses - pour y substituer la connaissance que Jésus Christ nous donne de son Père, de Dieu notre Père - Soyons prêts à suivre Jésus Christ sur le chemin de la croix, à modifier tous nos rapports humains de domination et de richesse, pour y mettre l'humilité, le service et la pauvreté de Jésus Christ dans ses rapports avec ses frères.

Tel doit être l'enjeu du "Credo" que nous allons proclamer : une foi vivante qui doit transformer totalement notre vie et nos rapports avec Dieu et avec nos frères les hommes.