lundi 15 août 2016

A Jésus, par Marie !

Assomption 2016

La fête de l'Assomption signifie que, selon la fol de l'Eglise catholique, Marie a été glorifiée par Dieu immédiatement après sa vie terrestre, qu'elle est entrée pour toujours dans la gloire éternelle, la gloire de son Fils ressuscité ! C’était également l'ardent désir que manifestait St Paul : "Je voudrais bien m’en aller, disait-il, pour être avec le Christ, avec le Christ en gloire".  C'est l'ardent désir de tous les saints. Ce doit être notre désir, à nous aussi... !
Pour nous, la mort n'est que l'avant-dernière étape de notre vie ; c’est l'entrée dans la gloire divine qui sera la dernière. Pour Marie, mère de Jésus, ces deux étapes se confondent ; elles n’en font qu’une seule !

Aussi, écoutons aujourd'hui, comme pour nous-mêmes, trois paroles que Marie a prononcées et qui résument bien toute sa vie, vie qui, pour nous, est un modèle, si nous voulons parvenir à la gloire de son divin Fils !

I. LE JOUR DE L’ANNONCIATION, quand elle a compris qu'elle serait la mère du Messie, elle a dit : "Je suis la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon sa Volonté !"
Marie toujours dit “0Ul” à Dieu, à tout ce que Dieu attendait d'elle.
Elle faisait partie du petit peuple de Nazareth, de ces gens tout simples, habitués à s'entre aider mutuellement. Ainsi, l'évangile d'aujourd'hui nous la montre chez sa cousine Elisabeth qui attendait, elle aussi, un enfant, celui qui serait Jean-Baptiste. Que vient-elle faire ? Tout simplement l'aider, comme une amie, une parente qui vient rendre service !
Oui, Marie a été, en toute circonstance, celle qui sert, la toute première collaboratrice de Dieu en vue du salut du monde. La toute première collaboratrice, mais sans prétentions, comme une humble servante, dans l'ombre de Jésus.

Elle faisait également partie de ce groupe de femmes qui souvent suivait le Christ et les Apôtres pour pourvoir à leurs besoins : Marie, mère de Jésus, était là, parmi les apôtres, comme elle sera au pied de la croix sur le Calvaire, toujours disponible, prête à tout, gratuitement, amoureusement, silencieusement.
Oui, Marie est le modèle du chrétien. Jésus dira plus tard : "Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir". Il était donc convenable que le Fils tienne de sa mère.
Soyons également fils de Marie-Servante pour être véritablement frère de Jésus-Sauveur !

2. Femme de service, nous retrouvons Marie aux NOCES CE CANA, non pas assise à la première place auprès des mariés, mais dans les cuisines, du côté de ceux qui servent. Et elle est attentive aux besoins de la noce ! Or, elle s’aperçoit qu’il n’y a plus de vin ! Elle le dit à Jésus, puis se tourne vers les serviteurs : "Faites tout ce qu'il vous dira", ordonne-t-elle !

C'est ce que Marie nous dit à nous aussi quand nous la prions, quand il nous arrive de ne plus avoir de vin avec toute la richesse et la joie qu'il symbolise.
Marie nous renvoie sans cesse à Jésus, parce qu'elle à été créée pour Jésus. Oui, Dieu l'a préparée, un peu comme on prépare un berceau : ce qui compte, c'est l'enfant ! En Marie, ce qui compte, c'est Jésus. Marie ne veut pas qu'on la prie pour elle-même, mais pour que nous écoutions davantage Jésus et que nous nous attachions à Lui.

Parfois, on a eu tendance à exalter Marie pour elle-même, en oubliant que son rôle à été de nous donner Jésus et qu'elle nous renvoie sans cesse à Jésus. La manière traditionnelle de représenter Marie a toujours été de la représenter avec Jésus, nous montrant Jésus, nous donnant Jésus. "Le culte de Marie n'est pas un but en lui-même, écrivait naguère le Pape Paul VI, mais le chemin qui nous conduit a Jésus-Christ”.
Dans les divers services qui sont les nôtres, prions Marie-Servante et Mère de Jésus. Ecoutons-la nous dire : "Faites tout ce qu'il vous dira" !

3. Faisant ainsi, nous pourrons accomplir notre service ici-bas, en disant et répétant comme Marie : “Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit exulte de joie en Dieu mon Sauveur !"
Dieu nous à créés pour la vie. Dieu nous a créés pour la joie. Marie a goûté durant sa vie toutes les joies des jeunes filles, des fiancées, des femmes, des mamans, toutes les joies de la vie…
Elle connut, bien sûr, des moments de souffrance ; elle a suivi Jésus jusqu'au Calvaire. Mais sa foi l'a aidée, soutenue, et, bien que ce ne soit pas dit dans l’évangile, on peut supposer sa joie quand elle a retrouvé Jésus ressuscité après Pâques !
Et maintenant, elle connaît la joie éternelle !

Nous aussi, nous sommes faits pour la joie ! En cette période de vacances où beaucoup goûtent les joies de la détente… des rencontres diverses, nous nous surprenons à rêver d’une vie où les soucis auraient complètement disparu, où ce serait toujours la paix, l’entente et l'amitié fraternelle avec tous ; où nous pourrions découvrir la beauté parfaite, la pureté parfaite, l’amour parfait !
Et bien, ce rêve ne vient pas du besoin de nous évader d'un monde trop dur ! Il surgit en nous tout simplement parce que c'est là notre avenir, l'avenir pour lequel Dieu nous a faits, l'avenir que nous devons préparer dès maintenant dans notre vie quotidienne, l'avenir qui est devenu pour la Vierge Marie le présent, le présent éternel et définitif.

Oui, Marie, c'est une femme de chez nous, une femme semblable à toutes les femmes de tous les temps, qui, la première, est entrée dans ce monde de Dieu, où seront réalisées d'une manière définitive, toutes nos aspirations à la vie, a la beauté, au bonheur et a l'amour.
Marie nous en indique le chemin :
Servir : "Je suis la servante du Seigneur"
Suivre Jésus : "Faites tout ce qu'il vous dira" !
Et rendre grâce au Seigneur : "Mon âme exalte le Seigneur, exulte de joie en Dieu mon Sauveur !"

Oui, confions-nous à Marie. Et pour terminer, je me permets de vous transmettre ce que le pape François disait aux prêtres à l'occasion de l'Année jubilaire de la Miséricorde :
"Le "oui" libre de Marie à la grâce est l’image opposée au péché qui a conduit le fils prodigue au néant...
Marie porte en elle-même une miséricorde qui est à la fois vraiment sienne, et vraiment ecclésiale.
Comme elle le dit dans le "Magnificat" : elle se sait regardée avec bonté dans sa petitesse et elle sait voir comment la miséricorde de Dieu atteint toutes les générations.
Elle sait voir les œuvres que cette miséricorde déploie et elle se sent "accueillie" par cette miséricorde.
Elle garde la mémoire et la promesse de la miséricorde infinie de Dieu pour son peuple. 
Son "Magnificat" est le "Magnificat" d’un cœur qui regarde l’histoire et chaque personne avec sa miséricorde maternelle".

dimanche 14 août 2016

Vérité, Amour !

20e Dimanche du T.O. 16/C -

Singulière parole que celle que Notre Seigneur nous adresse aujourd'hui. Une parole en forme de glaive. Comme le souligne l'auteur de notre 2ème lecture, la Parole de Dieu descend en nous jusqu'à la jointure de l'âme et du corps (Heb 4.12) : Non pas la paix, mais la division, dit Jésus ! Non pas l'unanimité, mais la contradiction.

Avec Jérémie (1ère lecture), osons regarder d'abord cette contradiction dont il faut encore oser dire la source : les rapports entre la foi au Dieu unique et Sauveur et la politique au sens général du mot, c'est-à-dire l'organisation de notre humanité, l'organisation du monde où nous vivons.

On peut lire la parole des prophètes de manière désincarnée : comme une parole spirituelle totalement dégagée des luttes humaines de leur temps.
L'ennui, c'est que les hommes qui tenaient Jérémie dans une citerne pleine de boue n'étaient pas des êtres imaginaires. Le prophète de Dieu était bel et bien dans des luttes politiques ; et sa parole était risquée. Tout autant que la nôtre aujourd'hui quand nous prenons parti d'une manière ou d'une autre à cause de notre foi au Christ. Jérémie ne "plane pas" au-dessus de son temps. Il ne s'évade pas. Il est enraciné dans son temps, dans l'histoire de son peuple, dans ses choix historiques.

Lesquels ? Ils sont relativement simples. Une fois de plus dans l'histoire du peuple de Dieu, il s'agit de choisir entre deux politiques : la soumission à Babylone ou l'alliance avec l'Egypte contre Babylone.
Comme aujourd'hui, des clans, alors, se forment, se déchirent. Et, malgré lui, Jérémie est sommé de prendre parti. Et il le fait à sa manière et sans ambiguïté : il faut accepter la suprématie de Babylone, non pas pour des raisons douteuses, politicardes ou florentines, mais parce qu'il met dans cette décision toute sa foi au Dieu qui va sauver son peuple, malgré les apparences.

Et c'est bien cela qui est difficile : faire la place de Dieu au milieu de nos tensions humaines, que ces tensions soient à l'intérieur de notre propre cœur ou qu'elles nous agressent de l'extérieur !

Et, à Jérémie, il arrive naturellement ce qui doit arriver : il est arrêté, jeté dans une fosse. Et on peut noter que ce qui lui arrive vient des chefs spirituels qui confondent leur foi et la "Loi" de Dieu, avec leurs intérêts du moment.

Aujourd'hui encore, combien de prêtres, de religieux, de religieuses, de chrétiens sont jetés en prison pour avoir osé dire les droits imprescriptibles de Dieu et de l'homme ! Combien d'hommes, de femmes sont malmenés pour oser dire la Vérité. Combien de cœurs sont déchirés parce qu'ils croient au primat de l'Amour, tant il est vrai que, toujours et partout, l'Amour - le vrai - n'est pas reconnu. "L'"Amour n'est pas aimé", comme le sait si bien St François au sultan d'Egypte.
Et pourtant, nous avons été avertis : Le disciple n'est pas au-dessus de son Maître ; ce qu'ils lui ont fait, ils nous le feront !

Aussi, Jérémie, finalement, n'est pas un prophète d'avant-hier : c'est, comme on dit, un archétype, une figure du Christ et, par là, de tout homme qui ose se risquer, au nom de la vérité, au nom de l'Amour, dans la complexité des débats de l'heure.
Et contre Jérémie, voici les chefs d'accusation : il démoralise la population en ne répétant pas les slogans à la mode des pouvoirs et des malins. De la même manière, contre le Christ et pour obtenir sa condamnation, on dira : "Il soulève le peuple contre César". Toujours les mêmes motifs : quand on ose dire la vérité, quand on ose appeler torture une torture, quand on ose appeler "violation des droits de l'homme" l'emprisonnement arbitraire, la déportation... etc., on risque d'être accusé "de démoraliser le peuple". Quand on se risque à "aimer comme Dieu aime", on dérange toujours.

Jérémie ou Jésus sont pourtant des hommes qui ont fait un choix : non pas celui de leur quiétude, de notre quiétude ; ils ont choisi, quoi qu'il advienne, le parti de Dieu qui est "Dieu-Amour".

Alors ils crient ce qu'ils croient. Ils dénoncent le mal qui sévit partout : la corruption, le mensonge, l'égoïsme. Ainsi, Jean-Paul II aimait à répéter : Parce que disciples du Christ qui est Vérité, Amour, "ne permettez à personne de vous mentir ; ne vous permettez jamais de mentir à personne". Le Christ ne nous a pas demandé d'être "gentils" à tout prix - c'est quand même mieux, si c'est possible - ; Il nous a demandé de chercher la Vérité et l'Amour qu'il est lui-même, chercher la vérité dans l'amour, et l'amour dans la vérité. Alors, il ne faut pas confondre "gentillesse" et "charité" !

Cette attitude abrupte, exigeante pour soi, délivre de tout mensonge et slogan. C'est la foi au Dieu de Jésus Christ qui juge de toutes les décisions. Jamais la fin ne pourra justifier les moyens. Seule la conscience éclairée par la foi - cette relation avec Dieu - pourra en décider. Quel que soit le prix.
Telles furent les attitudes de Jérémie, du Christ lui-même et de nombre de chrétiens aujourd'hui encore !

Aujourd'hui des hommes, des femmes, des enfants, en arrivent, comme dit la seconde lecture, à "résister jusqu'au sang" pour témoigner de leur fidélité à Dieu. Comme Jérémie, comme Jean Baptiste, comme Jésus lui-même.

Et nous ?
Là, il faut se poser une double question :
- nos choix spirituels ont-ils ou n'ont-ils pas une incidence particulière sur l'histoire en train de s'écrire, sur notre propre histoire, sur notre vie et celle de ceux qui nous entourent ?
- nos choix politiques (au sens large et noble du mot) ont-ils ou n'ont-ils pas été éclairés par cette même foi ?

Et aujourd'hui, posons-nous également cette question : prions-nous pour ceux et celles dont le choix engage jusqu'à leur existence concrète au nom de la foi au Seigneur Jésus ? Leur vie est parfois un martyre comme celle de Jérémie ! Prions en ce sens pour notre pays, pour la France, comme il nous été suggéré de le faire spécialement demain en la fête de Notre Dame.

Jésus lui-même dit : "Je suis venu apporter plutôt la division que la paix". Et il insiste presque lourdement : deux contre trois, trois contre deux ; le père contre le fils… Ce doit être sérieux pour qu'il insiste autant.

C'est qu'en effet l'unanimité n'est pas de dernier mot qui permette de se décider. Le dernier mot, c'est la vérité, l'Amour. La Vérité, l'Amour de Dieu. C'est une sorte de buttoir où viennent cogner nos désirs de paix tranquille. Pour avoir la paix, que ne ferait-on pas parfois ? On en rabattrait volontiers des droits de la vérité ; on mentirait même un peu, par omission simplement. Mais Jésus, lui, lutte contre cette démission intérieure : ce qui est, est. Ou comme il dit lui-même : "Que votre oui soit oui ; que votre non soit non".

Et c'est en nous-mêmes que se joue cette partie serrée entre complaisance et exigence, entre accommodement et vérité, Amour, quoi qu'il arrive. C'est en nous-mêmes que se joue le combat entre l'esprit malin et l'Esprit de Jésus. Nous craignons tellement ce que les autres diront de nous ; ce qu'ils penseront de nous ; et parfois même ce qu'ils feront de nous.

Un jour, j'ai entendu cette réflexion : "Mon corps, on peut le prendre ; ma vie on peut en user et en abuser. Mais mon âme, mon esprit seront toujours à Dieu". Celui-là avait comme Jérémie, comme Jésus, réussi ce combat, remporté cette victoire d'abord en lui-même : que faut-il être au nom de la foi, au nom de l'Amour de Dieu ? Quand, à la lumière du Christ, on a pu répondre à cette question, tout le reste n'est que conséquence. La vie devient toute claire et devant Dieu et devant les hommes.

dimanche 7 août 2016

Veiller ! Espérer !

19ème T.O. 16/C 

Très souvent, il y a, en nous, deux attitudes qui ne font pas toujours très bon ménage, du moins en un premier temps : être en attente et être heureux.

Il est vrai que l'attente rend impatient, nerveux, irritable au point qu’il nous arrive parfois de nous passer de quelque chose plutôt que d'attendre cinq minutes ! Autrement dit, l'attente n’est ni paisible ni heureuse. Au contraire, ce qui fait notre bonheur, c'est, surtout en notre époque, d'arriver au but sans délai, sans obstacle, de mener une affaire rapidement, rondement.

Avec de telles dispositions, on entre difficilement dans l'esprit des lectures qui nous sont proposées aujourd'hui. En effet, dans chacune, on retrouve des traces de cet alliage réussi entre bonheur et attente. Et il est bon pour nous, si souvent impatients, de les méditer !

“Restez en état de service”, affirme l'Évangile. Restez en disponibilité...
comme une infirmière soucieuse de son malade, en alerte d'un malaise possible,
comme un technicien qui toujours surveille en vue d’une panne éventuelle !
Et que sais-je encore ?
“Heureux les serviteurs trouvés en train de veiller !” Quelle drôle de situation de bonheur ! Quand même !

Pourtant, l'auteur du Livre de la Sagesse prête à ses ancêtres des sentiments de joie alors même qu'ils n'ont reçu que des promesses : “assurés des promesses auxquelles ils avaient cru, nos Pères étaient dans la joie”.

Et l'auteur de la lettre aux Hébreux, dans l'éloge de la foi qu'il fait, rappelle que “la foi est la manière de posséder déjà ce qu'on espère”, ce qu’on attend.

Oui, mais allez dire cela à un jeune garçon que croire à sa bicyclette à dix vitesses, c'est déjà la posséder ! Allez dire à un malade atteint d'un cancer généralisé que les promesses du Christ suffisent à sa joie ! On voit bien qu'en plus de nos difficiles problèmes quotidiens qui énervent notre patience quotidienne, il est difficile de vivre heureux dans l'attente et la promesse.

Pourtant, pourtant..., les textes de la Parole de Dieu sont clairs : le chrétien est appelé à vivre en état d'attente, il est invité à la foi, il a reçu la vocation de l'espérance. Et à travers tout cela, le bonheur et la joie lui sont accordés, un peu comme cela se passe quelques fois. On peut quand même citer quelques exemples !
- Avant un pèlerinage, on trouve souvent une grande excitation et une grande joie à préparer l'itinéraire, faire les réservations, écouter les amis qui racontent leurs découvertes.
Oui, le chrétien sait qu'il est un voyageur, et déjà il met sa joie à se mettre en route.
- Avant une réunion de famille, pendant qu'on fait les préparatifs, on a le temps de penser à tous ceux qui vont nous rejoindre. Par la pensée, on prend le temps de s'arrêter à chacun des invités. Et déjà, la joie remplit le cœur.
Oui, le chrétien sait qu'il est l'hôte du Seigneur, et il met sa fierté à bien l'accueillir.
- Et bien d’autres exemples pourraient être présentés comme celui de l’attente joyeuse d’une naissance

Oui, le parcours de tout chrétien, un jour ou l’autre, est marqué par l'expérience d’une attente, d'un manque, d'une frustration ; et une frustration qui peut se tourner en joie ou en souffrance tentatrice.

Une telle frustration n'arrive que rarement dans les débuts d’une découverte du Seigneur. Au contraire, au commencement dominent la joie, la consolation intérieure, l'impression heureuse d'avoir enfin trouvé le Seigneur. Surtout si, à un moment de notre vie, une grâce de conversion nous a été faite, ou encore si la première rencontre avec le Seigneur fut éblouissante, bouleversante. Ou encore dans le sentiment très fort d’une présence divine à telle ou telle occasion.
Dans ces cas, le choc est profond, et notre vie semble basculer dans un océan de bonheur.

La frustration... - car le démon est toujours là, lui, en attente, lui aussi -, ... la frustration n’apparaît qu'au bout d'un certain temps. Au fur et à mesure des jours, des semaines, des années, l'événement radieux de la découverte du Seigneur s'estompe. Bientôt, ce n’est plus qu'un souvenir, un doux souvenir certes ; mais nous n'arrivons plus, comme on dit, à en ressentir quoi que ce soit.

Pendant un temps, ce simple souvenir suffira à nous contenter. Mais bientôt, un autre sentiment s'installe dans notre cœur, avant même que nous soyons capables de nous l'avouer.
Au fond, nous sommes quelque peu déçus, frustrés, et d'autant plus douloureusement, que nous sommes des “déçus de Dieu” ! Comment est-ce possible ? Tout semblait s'annoncer si différemment. Nous avancions à pas de géant, nous courions, nous volions à la rencontre du Seigneur. Et maintenant, alors que nous nous pensions si près de lui, le voilà qui semble s'évanouir. Comment avons-nous pu nous étourdir à ce point ?

Précisément, l'évangile nous parle de cette déception, et comment elle fait nécessairement partie de l'expérience du croyant. Jésus nous avait séduits aussi longtemps que nous le sentions près de nous. Mais le voilà parti comme pour un long voyage... Et personne ne sait au juste quand il reviendra. Ni ses représentants parmi nous, ni les Écritures qu'il nous a laissées. Au début, on ne cesse de l'attendre, mais à la longue, nos espoirs faiblissent. Et puis, de Jésus, d’ailleurs, on ne parle plus guère autour de nous, et encore moins de la divine surprise de son possible retour. Reviendra-t-il vraiment, demandent certains ? Et si le doux souvenir que j'ai gardé de la première rencontre avec lui n'était finalement que pure illusion, comme certaines voix me le susurrent insidieusement ?

C'est alors que la frustration éprouvée risque de tourner en vraie tentation. Certes, on ne peut oublier Jésus. Mais il y a des tentations plus subtiles, plus insidieuses. Se distraire... - cette "distraction" dont parle facilement le prophète Isaïe, et, chez nous, notre grand Pascal -. Se distraire, faire passer le temps, agiter mille choses, s'accrocher au premier venu, et essayer désespérément de combler ainsi le vide que Jésus, momentanément disparu, a laissé se creuser en moi… Voilà bien la tentation du démon, de sorte..., de sorte que je me retrouverai stupidement ailleurs, à l'heure où le Seigneur reviendra, et qui sera aussi l'heure - Jésus vient de nous en avertir - où je n'y penserai pas. Cette tentation-là nous guette tous.

Aussi, l’évangile nous rappelle cette béatitude première : “Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller”. Seul le véritable amour persévère ainsi, au-delà de la déception, au-delà de tout sentiment, amour blotti au plus profond d'un cœur que le retour à peine différé de celui qu'il aime ne désespère pas, mais ne cesse de creuser comme une joie indicible.

Cette ambivalence : joie certaine de la rencontre prochaine de Dieu au-delà de la déception de ne pas sentir sa présence actuelle, surtout au moment des difficultés, l’Eucharistie nous la fait vivre dans la foi.
L’Eucharistie nous initie, nous invite à la joie, à l’action de grâce pour la présence invisible du Seigneur sous les apparences du pain et du vin ;
et, en même temps, elle nous projette vers le futur, vers le retour certain du Seigneur… : “jusqu’à ce qu’il revienne” !
Oui, l’Eucharistie dominicale est un rappel à être “en état de service” pour prendre ensemble le pain du Seigneur, le pain de sa Parole, le pain de son Corps, le pain du partage fraternel. C’est ce partage qui, au-delà de notre “soif de Dieu”, de sa rencontre définitive, nous fait vivre dans une attente joyeuse. Aussi nous est-il dit avec justesse : “heureux les invités au repas du Seigneur” !

Et pour terminer, je vous transmettrai un seul mot que St Paul a forgé pour décrire l'homme en attente, l'homme d'espérance.
Il parle d'apo-kara-dokia (Cf. Rom 8.19 - Phil 1.20) : Ce mot veut évoquer l'homme d'espérance qui est comme un guetteur, observant attentivement et se tenant prêt pour le moment favorable.
Il dresse la tête (kara) pour épier (dokia - dokein) et tâcher de découvrir au loin (apo) ce à quoi il s'attend.
Apokaradokia ! Se redresser de tout son être pour essayer de mieux voir Celui qui va venir !
Ayons, chacun et tous ensemble, cette attitude : se dresser pour apercevoir au loin le Seigneur qui vient !

samedi 6 août 2016

Voir "Jésus seul !"

08.07 Transfiguration !  -

Beaucoup de pèlerins de Terre Sainte pensent que le Mont Tabor fut le lieu de la Transfiguration. Cette localisation a été retenue à cause du psaume 89ème (V/13) : "Le Tabor et l'Hermon à ton nom crient de joie !". Et pourquoi crient-iles de joie ? A cause de la Transfiguration. Bien sûr ! Et on a retenu le Tabor, parce qu'il était plus proche de Jérusalem..., plus facile d'accès pour les pèlerins !
Mais, s'il faut désigner un lieu, il semble bien que l'une des montagnes qui entourent le mont Hermon est plus authentique, car cet évènement est placé aussitôt après "La Confession de Pierre" qui, selon St Matthieu a lieu "dans la région de Césarée de Philippe" (16.13).

"Jésus prend avec lui Pierre Jacques et Jean !" - Ce sont les mêmes qui seront les témoins de son agonie". C'est à remarquer !
"Il les emmène à l'écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. Et voici que leur apparurent Moïse et Elie qui s'entretenaient avec lui !".

"Six jours après..." après la Confession de Pierre, avait bien noté St Matthieu.
Et cette précision de "six jours" n'est sans doute pas due au hasard ! C'est la durée qui s'étend entre la fête du "Yom Kippour" (du "Grand Pardon") et la fête de Soukkot", la "fête des tentes" qui rappelle l'exode des Hébreux dans le désert ! D'ailleurs, St Luc précise, lui, qu'avec Moïse et Elie, Jésus "parlait de son exode ! "Exodos" est le mot employé !
Après le "Yom Kippour", Jour du "Grand Pardon" de Dieu proclamé, en quelque sorte, par la Confession de Pierre, il est question d'"exode" - que rappelait la fête des Tentes" et que Matthieu évoque en parlant de "six jours après" - ! Ce contexte voulu et précisé de la "Transfiguration" est à bien remarquer !

"Il parlait de l'exode, dit précise donc St Luc, qu'il devait accomplir à Jérusalem !" Et il est vrai qu'à partir de la Transfiguration, St Luc notera souvent que Jésus faisait route vers Jérusalem. D'ailleurs, aussitôt la Transfiguration, St Luc, lui encore, dira que Jésus "prit résolument la route de Jérusalem". Il faut traduire en mot-à-mot : "il durcit sa face vers Jérusalem" ! "Durcir sa face", c'est l'expression que prendra le prophète Isaïe pour décrire le "Serviteur souffrant", qui préfigure le Christ, lors de sa passion.

Devant ce spectacle pourtant extraordinaire, Il est dit que Pierre - et ses compagnons aussi - "furent écrasés de sommeil".  Pierre en sommeil ! Naturellement certains, certaines ont affirmé que le chef des apôtres, étant dans la nuée qui les couvrait, ne pouvait pas dormir. Ce n'est pas possible ! Il devait s'agir d'un sommeil mystique ! Bien sûr ! Pourtant les termes employés par Luc évoquent bien un sommeil biologique ! Et cela me console. A l'agonie aussi, Pierre dormira !

Ce n'est que bien plus tard, que les disciples se rendront compte de l'importance de ce qu'ils ont vécu avec Jésus. En attendant, ils dorment ! C'est souvent ainsi, pour nous-mêmes également. Les grands moments de notre vie avec le Christ - de notre vie baptismale, religieuse... -, ces moments qui nous ont engagés à suivre le Christ, ce n'est souvent qu'en y réfléchissant, qu'en les regardant rétrospectivement que l'on en découvre peu à peu toute leur signification, leur importance, que l'on y discerne déjà la présence divine du Christ "transfiguré", comme pour nous signifier, à l'avance, le terme de notre exode ici-bas : la gloire du Christ transfiguré ! Et à ces moments privilégiés de notre engagement chrétien, nous y voyons, nous aussi, peu à peu et plus ou moins consciemment, toute une signification, celle du terme de notre exode ici-bas, signification révélée et entrevue dès le commencement... !

"Pierre, prenant la parole... !".  Pierre, avec sa spontanéité est toujours là pour dire ce que tout le monde pense ! "Dressons trois tentes" ! Comme pour la fête des tentes !

"Comme il parlait encore, voici qu'une nuée lumineuse...!"... La nuée, symbole de la présence divine, au cours de l'Exode !
"Et une voix disait de la nuée : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoutez-le !".
 Ils tombèrent à terre, terrifiés. Mais Jésus s'approcha... "Levant les yeux, ils ne virent que Jésus seul !".

Jésus seul ! Quand on lit le texte rapidement, superficiellement, on dirait que c'est pour signifier simplement la fin de la vision, le retour à la vie normale !
Mais ce n'est pas l'intention des Evangélistes. Ne plus voir que Jésus seul, n'est-ce pas ce qui peut arriver de mieux ? Car, avec Jésus, c’est tout l’univers qui apparaît alors dans sa véritable lumière. Jésus seul de qui tout vient, vers qui tout va !

Jésus seul n’est pas n’importe qui. Il est le verbe incarné. Il est celui en qui réside corporellement la plénitude de la divinité, en qui sont tous les trésors de sagesse et de science… ! Et quand on ne voit plus que jésus seul, ce n’est pas un rétrécissement de perspective, c’est au contraire l’intelligence qui évolue dans toutes ses dimensions.

C'est ce que St Paul avait compris, lui qui ne voulait rien savoir d'autre que le Christ seul (I Co 1.1,2 - Gal. 6.14!. Il écrira : Dieu "nous a en effet arrachés à l'empire des ténèbres et nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés.
Il est l'Image du Dieu invisible, Premier-né de toute créature, car c'est en lui qu'ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, Trônes, Souverainetés, Autrorités, Pouvoirs.
Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui. Et il est aussi la Tête du Corps, c'est-à-dire de l'Eglise : Il est le Principe, Premier-né d'entre les morts... Car Dieu s'est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude et de tout réconcilier par lui et pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix" (Col 1. 13-20)

"Ils ne virent plus que lui, Jésus, seul !". En Jésus seul, c'est tout l’univers qui apparaît en sa vraie lumière ! Du commencement au terme !

Jésus, semble-t-il, a voulu donner à ses apôtres - et de ce fait à nous-mêmes - un avant-goût du terme de l’aventure humaine : sa gloire divine !
Nous voyons, là, toute une admirable pédagogie divine à notre égard : Dieu dit d’abord tout, d’un seul coup, et ensuite, dans le concret de l’existence, il nous fait cheminer à la conquête de ce que nous connaissons déjà, plus ou moins mystérieusement  par la révélation de sa personne transfiguré !

Ainsi, les apôtres vont rester accrochés au Christ, séduits par le mystère de sa personne. Ils vont le suivre, même s'ils vont montrer qu’ils ont "des yeux pour ne pas voir, des oreilles pour ne pas entendre" (Cf. Math 13.14), qu’ils ne comprennent toujours rien..., même lorsqu'ils vont terminer leur montée vers Jérusalem, avec Jésus !
Cette montée qui commence au jour de la Transfiguration trouvera une sorte de paroxysme entre Jéricho et Jérusalem. Là encore, Jésus guérit deux aveugles pour montrer qu’il faut un véritable miracle pour le rejoindre dans la solitude incomprise de sa mission : nous emmener vers son Père et notre Père, vers son Dieu et notre Dieu (Cf. Jn 20.17)
Et lors de la Passion, les apôtres se disperseront sauf Jean, Jean le théologien, Jean, le premier à "voir" le Christ seul !

De même, chacun de nous est l’objet de cette pédagogie de Dieu : par tel ou tel évènement - une sorte de "transfiguration" -, il nous a été donné cette certitude que nous sommes, nous aussi, au seuil de cette vision où nous verrons le Seigneur comme Dieu nous voit maintenant. Et cette certitude nous accompagne tout au long de notre existence. Même si nous ne comprenons qu'imparfaitement, même si nous passons par des ravins de ténèbres, nous savons que Dieu est notre berger ! "Le Seigneur est mon berger, rien ne me manque" (Cf. Ps 43).