dimanche 14 août 2016

Vérité, Amour !

20e Dimanche du T.O. 16/C -

Singulière parole que celle que Notre Seigneur nous adresse aujourd'hui. Une parole en forme de glaive. Comme le souligne l'auteur de notre 2ème lecture, la Parole de Dieu descend en nous jusqu'à la jointure de l'âme et du corps (Heb 4.12) : Non pas la paix, mais la division, dit Jésus ! Non pas l'unanimité, mais la contradiction.

Avec Jérémie (1ère lecture), osons regarder d'abord cette contradiction dont il faut encore oser dire la source : les rapports entre la foi au Dieu unique et Sauveur et la politique au sens général du mot, c'est-à-dire l'organisation de notre humanité, l'organisation du monde où nous vivons.

On peut lire la parole des prophètes de manière désincarnée : comme une parole spirituelle totalement dégagée des luttes humaines de leur temps.
L'ennui, c'est que les hommes qui tenaient Jérémie dans une citerne pleine de boue n'étaient pas des êtres imaginaires. Le prophète de Dieu était bel et bien dans des luttes politiques ; et sa parole était risquée. Tout autant que la nôtre aujourd'hui quand nous prenons parti d'une manière ou d'une autre à cause de notre foi au Christ. Jérémie ne "plane pas" au-dessus de son temps. Il ne s'évade pas. Il est enraciné dans son temps, dans l'histoire de son peuple, dans ses choix historiques.

Lesquels ? Ils sont relativement simples. Une fois de plus dans l'histoire du peuple de Dieu, il s'agit de choisir entre deux politiques : la soumission à Babylone ou l'alliance avec l'Egypte contre Babylone.
Comme aujourd'hui, des clans, alors, se forment, se déchirent. Et, malgré lui, Jérémie est sommé de prendre parti. Et il le fait à sa manière et sans ambiguïté : il faut accepter la suprématie de Babylone, non pas pour des raisons douteuses, politicardes ou florentines, mais parce qu'il met dans cette décision toute sa foi au Dieu qui va sauver son peuple, malgré les apparences.

Et c'est bien cela qui est difficile : faire la place de Dieu au milieu de nos tensions humaines, que ces tensions soient à l'intérieur de notre propre cœur ou qu'elles nous agressent de l'extérieur !

Et, à Jérémie, il arrive naturellement ce qui doit arriver : il est arrêté, jeté dans une fosse. Et on peut noter que ce qui lui arrive vient des chefs spirituels qui confondent leur foi et la "Loi" de Dieu, avec leurs intérêts du moment.

Aujourd'hui encore, combien de prêtres, de religieux, de religieuses, de chrétiens sont jetés en prison pour avoir osé dire les droits imprescriptibles de Dieu et de l'homme ! Combien d'hommes, de femmes sont malmenés pour oser dire la Vérité. Combien de cœurs sont déchirés parce qu'ils croient au primat de l'Amour, tant il est vrai que, toujours et partout, l'Amour - le vrai - n'est pas reconnu. "L'"Amour n'est pas aimé", comme le sait si bien St François au sultan d'Egypte.
Et pourtant, nous avons été avertis : Le disciple n'est pas au-dessus de son Maître ; ce qu'ils lui ont fait, ils nous le feront !

Aussi, Jérémie, finalement, n'est pas un prophète d'avant-hier : c'est, comme on dit, un archétype, une figure du Christ et, par là, de tout homme qui ose se risquer, au nom de la vérité, au nom de l'Amour, dans la complexité des débats de l'heure.
Et contre Jérémie, voici les chefs d'accusation : il démoralise la population en ne répétant pas les slogans à la mode des pouvoirs et des malins. De la même manière, contre le Christ et pour obtenir sa condamnation, on dira : "Il soulève le peuple contre César". Toujours les mêmes motifs : quand on ose dire la vérité, quand on ose appeler torture une torture, quand on ose appeler "violation des droits de l'homme" l'emprisonnement arbitraire, la déportation... etc., on risque d'être accusé "de démoraliser le peuple". Quand on se risque à "aimer comme Dieu aime", on dérange toujours.

Jérémie ou Jésus sont pourtant des hommes qui ont fait un choix : non pas celui de leur quiétude, de notre quiétude ; ils ont choisi, quoi qu'il advienne, le parti de Dieu qui est "Dieu-Amour".

Alors ils crient ce qu'ils croient. Ils dénoncent le mal qui sévit partout : la corruption, le mensonge, l'égoïsme. Ainsi, Jean-Paul II aimait à répéter : Parce que disciples du Christ qui est Vérité, Amour, "ne permettez à personne de vous mentir ; ne vous permettez jamais de mentir à personne". Le Christ ne nous a pas demandé d'être "gentils" à tout prix - c'est quand même mieux, si c'est possible - ; Il nous a demandé de chercher la Vérité et l'Amour qu'il est lui-même, chercher la vérité dans l'amour, et l'amour dans la vérité. Alors, il ne faut pas confondre "gentillesse" et "charité" !

Cette attitude abrupte, exigeante pour soi, délivre de tout mensonge et slogan. C'est la foi au Dieu de Jésus Christ qui juge de toutes les décisions. Jamais la fin ne pourra justifier les moyens. Seule la conscience éclairée par la foi - cette relation avec Dieu - pourra en décider. Quel que soit le prix.
Telles furent les attitudes de Jérémie, du Christ lui-même et de nombre de chrétiens aujourd'hui encore !

Aujourd'hui des hommes, des femmes, des enfants, en arrivent, comme dit la seconde lecture, à "résister jusqu'au sang" pour témoigner de leur fidélité à Dieu. Comme Jérémie, comme Jean Baptiste, comme Jésus lui-même.

Et nous ?
Là, il faut se poser une double question :
- nos choix spirituels ont-ils ou n'ont-ils pas une incidence particulière sur l'histoire en train de s'écrire, sur notre propre histoire, sur notre vie et celle de ceux qui nous entourent ?
- nos choix politiques (au sens large et noble du mot) ont-ils ou n'ont-ils pas été éclairés par cette même foi ?

Et aujourd'hui, posons-nous également cette question : prions-nous pour ceux et celles dont le choix engage jusqu'à leur existence concrète au nom de la foi au Seigneur Jésus ? Leur vie est parfois un martyre comme celle de Jérémie ! Prions en ce sens pour notre pays, pour la France, comme il nous été suggéré de le faire spécialement demain en la fête de Notre Dame.

Jésus lui-même dit : "Je suis venu apporter plutôt la division que la paix". Et il insiste presque lourdement : deux contre trois, trois contre deux ; le père contre le fils… Ce doit être sérieux pour qu'il insiste autant.

C'est qu'en effet l'unanimité n'est pas de dernier mot qui permette de se décider. Le dernier mot, c'est la vérité, l'Amour. La Vérité, l'Amour de Dieu. C'est une sorte de buttoir où viennent cogner nos désirs de paix tranquille. Pour avoir la paix, que ne ferait-on pas parfois ? On en rabattrait volontiers des droits de la vérité ; on mentirait même un peu, par omission simplement. Mais Jésus, lui, lutte contre cette démission intérieure : ce qui est, est. Ou comme il dit lui-même : "Que votre oui soit oui ; que votre non soit non".

Et c'est en nous-mêmes que se joue cette partie serrée entre complaisance et exigence, entre accommodement et vérité, Amour, quoi qu'il arrive. C'est en nous-mêmes que se joue le combat entre l'esprit malin et l'Esprit de Jésus. Nous craignons tellement ce que les autres diront de nous ; ce qu'ils penseront de nous ; et parfois même ce qu'ils feront de nous.

Un jour, j'ai entendu cette réflexion : "Mon corps, on peut le prendre ; ma vie on peut en user et en abuser. Mais mon âme, mon esprit seront toujours à Dieu". Celui-là avait comme Jérémie, comme Jésus, réussi ce combat, remporté cette victoire d'abord en lui-même : que faut-il être au nom de la foi, au nom de l'Amour de Dieu ? Quand, à la lumière du Christ, on a pu répondre à cette question, tout le reste n'est que conséquence. La vie devient toute claire et devant Dieu et devant les hommes.

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