dimanche 31 janvier 2016

La Foi !

4ème dimanche Ord. 16/C -

“Ils s’étonnaient du message de grâce qui sortait de sa bouche !”

Et nous qui sommes rassemblés pour célébrer le jour du Seigneur, sommes-nous étonnés, émerveillés du message du Christ - Parole de Dieu faite homme - ? Est-il source de grâce pour notre vie ? Ou serions-nous comme les compatriotes de Jésus indifférents ou même hostiles ?
Notre foi proclamée chaque dimanche nous dispose-t-elle à accueillir ce message de grâce ?

Mais qu'est-ce que la foi ?
Oserais-je ce jeu de mots : la foi n'est pas ce que l'on croit ! …
Et il faut toujours reprendre la vieille et très utile distinction (de St Augustin) :
- La foi, c’est ce à quoi l’on croit, ce que l'on croit.
- La foi, c’est aussi ce par quoi on croit !

Ce que l’on croit”, "ce à quoi l'on croit", désigne un ensemble dogmatique, liturgique, moral, un “contenu”, que l'on nomme la « foi chrétienne » !
Pour beaucoup, ce “contenu” va “de soi”, parce que transmis à nous par nos parents. “Pourquoi suis-je chrétien ?” On ne se pose même pas la question. Je suis chrétien, comme je suis français…. Je n'ai pas choisi, mes parents non plus, ni non plus les leurs d'arrière en arrière. Le choix, quand il fut fait, sous l'inspiration de l'Esprit, remonte peut-être à St Martin, à St Julien…

Et il faut rendre hommage à cet aspect de la foi, son aspect, disons, “institutionnel”, au sens noble du mot : ce qui nous est donné, transmis ! Nous pensons facilement que la foi n'est qu'un pur choix personnel. Certes, il y a bien sûr un acquiescement individuel, mais à un donné qui nous précède et nous excède, qui fut “constituéavant nous. La foi est d'abord une affaire commune, à nous léguée par nos ancêtres. Comme un patrimoine, un héritage dont on ne perçoit peut-être pas d'emblée toute la valeur.

C'est comme si les chrétiens habitaient une maison dans laquelle il y a beaucoup de souvenirs, d’archives qui font la mémoire de la demeure : des personnes ont hanté ces lieux, y ont souffert, y ont été heureuses. Voici leurs photographies, leurs papiers… Et, peut-être, tant d'informations abandonnées là nous semblent-elles obscures, quelque ardeur que l'on mette à les scruter. Mais nous traversons l'espace qu'elles ont traversé ; nous sommes chez elles autant qu'elles sont chez nous.

Pareille situation précède bien tout choix personnel et le permet en même temps. Alors, ne faut-il pas savoir fouiller les coffres du Saint-Esprit enfouis dans les cœurs de nos ancêtres. On le fait bien sur le plan humain. Pourquoi ne pas le faire chrétiennement ?
C’est souvent ainsi que l’on reçoit la foi, en accueillant un riche héritage, en mettant nos pas dans ceux des apôtres, de nos ancêtres appelés parfois “nos pères dans la foi !”

Quant à la foi comprise comme “ce par quoi on croit”, "ce pourquoi je crois", elle est provoquée non par un savoir, mais par une "rencontre" véritable et profonde avec Celui qui est l'objet du trésor des vérités de foi dont je viens de parler, avec ce Dieu révélé en Jésus Christ. Cette foi naît d'une alliance, d'une confiance, d'un amour.
"D'un amour... !" ! Oserais-je une analogie ? Il m'est arrivé que des fiancés me demandent à brûle-pourpoint pourquoi j'avais la foi. Et je répondais malicieusement, avec taquinerie : "Je vous répondrai si, vous, vous me dites pourquoi véritablement vous vous aimez !".

Oui, la foi n'est pas simplement un assemblement intellectuel à des vérités sur Dieu aussi sublimes soient-elles. C'est un acte par lequel je me confie librement à un Dieu qui est Père, qui m'aime, qui me donne espérance et confiance, une confiance inlassable en sa miséricorde, un Dieu qui me soutient et m'accorde un amour si indestructible qu'il m'aspire vers une éternité que déjà il me donne. Bref, la foi m'engage à me confier à Dieu avec cette certitude d'un enfant qui sait que tous ses questionnements et difficultés trouveront leur apaisement dans ce "tu" qu'il adresse à sa mère !

Cette foi-là naît d'une intelligence bien supérieure à toutes les intelligences d'ici-bas, une intelligence qui nous met en un rapport confiant à un "Tu" qui est Dieu, une intelligence qui me donne une certitude bien plus solide que la certitude de toutes les vérités proclamées à son propos, une intelligence telle qu'un illettré peut la posséder sans pouvoir acquérir ces dernières

Et ce qui est remarquable, c'est que dans cette foi comprise en ce sens, c'est toujours Dieu qui est premier. Cette foi est un don de Dieu, un don que Dieu veut accorder à chacun en particulier, un don divin et universel qui, pourtant, se diversifie, se particularise en chacun de nous.
La foi, c'est Dieu qui s'approche et me touche ; c'est l'Esprit-Saint - don du Ressuscité - qui me rend capables d'accueillir le Dieu vivant. "Pour exister, dit le Concile Vatican II, cette foi requiert la grâce de Dieu, les secours intérieurs de l'Esprit-Saint qui touche le cœur, le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l'esprit et donne à tous la douce joie de consentir et de croire" (Dei Verbum 5).

Mais, corrélativement, si la foi est un don de Dieu, elle est en même temps, de notre part, un acte profondément libre et humain. C'est ce que dit le Catéchisme de l'Eglise universelle qui précise : "La foi n'est contraire ni à la liberté ni à l'intelligence de l'homme !" (n° 154). Au contraire, la foi les implique - cette liberté et cette intelligence -. Elle les implique et les exalte dans une cheminement d'exode, c'est-à-dire de sortie de soi, de ses petite sécurités, de ses petits schémas mentaux pour mieux se confier à Celui qui est toute intelligence, qui "connait toutes choses" avouait St Pierre (Cf. Jn 21.17), et qui peut  nous indiquer la route pour parvenir à une profonde liberté, une vraie joie, une joyeuse paix, à la pleine réalisation de notre propre identité.

Ainsi donc, la foi n'est pas tant la détention de certitudes, ni la possession de vérités, voire de la Vérité, elle est surtout une "rencontre avec Jésus" - Dieu fait homme - avec Jésus qui est "Chemin, Vérité, Vie" (Jn 14.6). Elle est cette expérience des disciples d'Emmaüs qui, sans le reconnaître encore, rencontrent le Ressuscité, et avoueront ensuite : "Notre cœur n'était-il pas brûlant, tandis qu'il nous parlait sur la route ?" (Lc 24.34). La foi témoigne ainsi d'une présence, cette présence du Christ annoncée par les anges aux saintes femmes qui découvrent le tombeau vide au radieux matin de Pâques : "Il n'est pas ici, il est ressuscité... Allez dire à Pierre et aux autres qu'il les précède en Galilée. C'est là que vous le verrez comme il l'a dit !" (Mc 16.7).

Le message est clair : Il faut se déplacer, aller chercher le Ressuscité “en Galilée”, c'est-à-dire, “au carrefour des nations païennes”. Le Ressuscité est à tout le monde, il n'est la propriété exclusive de personne. On n'enferme pas Dieu dans un temple. On n'enferme pas le Christ dans les limites visibles de l'Eglise. Dieu est bien au-delà d'un dogme, d'une morale, d'une liturgie si utiles soient-ils. Le Christ ressuscité se veut présent au cœur du monde, dans les cœurs des hommes, même s'ils l'ignorent encore.

Et je me faisais cette réflexion : la pédagogie divine à notre égard est remarquable et très éclairante jusque dans l'appel des hommes qu'elle choisit pour nous éclairer.
- Naguère, je rendais grâce à Dieu en considérant le pape Benoît XVI qui, avec très grande humilité, intelligence remarquable et simplicité lumineuse, savait éclairer sur les vérités de notre foi... pour une génération qui en avait besoin.
- Aujourd'hui, je rends encore grâce à Dieu d'avoir appelé le pape François qui, souvent, nous rappelle la présence de Dieu au milieu des hommes. Au milieu de son Eglise, certes, parmi ceux qui se disent ses disciples. Mais, n'oublions surtout pas : Lui, de condition divine n'a pas craint de s'anéantir en la condition humaine (Cf. Ph. 2.6), en s'incarnant et en souffrant sa passion. Aussi se veut-il présent en tous les hommes, et jusque dans les plus pauvres, insiste le pape, ces pauvres qui forment la "Galilée des nations". Il n'y a pas de supérieur ou d'inférieur en la foi. Car elle provient d'un même amour divin : "Chacun en a sa part et tous l'on tout entier !"

Chacun de nous, plus ou moins, possède cette foi, envisagée comme rapport d'amour au Christ, à Dieu. Elle est une approche de Dieu emplie de distance, de silence, et qui intègre, sinon le doute, du moins le non-savoir.
Car Dieu est si grand qu'on ne peut que l'approcher et non l'enfermer dans un savoir. St Grégoire de Naziance le disait merveilleusement :
"O Toi, l'Au-delà de tout, n'est-ce pas là tout ce qu'on peut dire de Toi ?
Aucun mot ne t'exprime !
A quoi l'esprit s'attachera-t-il ? Tu dépasses toute intelligence !
Seul Tu es indicible, car tout ce qui se dit est sorti de Toi !
Seul, Tu es inconnaissable, car tout ce qui se pense est sorti de Toi !
Comment Te nommerais-je, Toi le seul qu'on ne peut nommer ?
O Toi, l'Au-delà de tout, n'est-ce pas tout ce qu'on peut chanter de Toi ?".

Aussi, cette approche de Dieu a des hauts et des bas, des moments d'illumination et des moments de ténèbres - peut-être les plus nombreux -. Mais cette approche de Dieu est là ; et c’est le principal. Il nous faut comprendre cette démarche de notre foi, tout en même temps lumineuse et ténébreuse !
“Tu nous as faits pour Toi et notre cœur est sans repos tant qu'il ne repose en Toi”, disait St Augustin. Croire, c'est vivre dans une certaine inquiétude, c'est-à-dire dans le repos toujours désiré, toujours impossible : ici-bas, nous n'en avons que des avant-goûts

Allongé sur son lit d'hôpital, un homme se remettait d'une opération délicate : “Qu'y a-t-il après ?” demanda-t-il, ajoutant : “Je suis croyant un quart d'heure par mois et, le reste du temps, je me raccroche à ce quart d'heure !”.
J’espère qu’en vous, il n’y a pas la même proportion ; mais pour beaucoup, c’est un peu cela. La Foi (ce par quoi je crois) n'est pas tant une connaissance qu'une perte de connaissance dans un abîme qui est Dieu l'“Immesurable”.

Mais quand la foi fera place au face à face, nous connaîtrons sans mesure ; et cette connaissance sera en même temps charité, cette vertu dont parle St Paul et qui sera unique au ciel !

Et n'est-ce pas ce "message de grâce" que le Seigneur nous adresse aujourd'hui ?

dimanche 24 janvier 2016

Mission de miséricorde !

3ème dimanche Ord. 01/C

L'évangile d'aujourd'hui se situe après le baptême du Christ et son séjour au désert. Jésus s'est recueilli pour réfléchir à la mission que son Père lui confie.

Aussi, j'aime à remarquer : avant de proclamer la "Parole de Dieu", avant toute vie apostolique, avant d'agir..., il faut savoir se recueillir, se concentrer en Dieu, se recentrer en son amour miséricordieux. Sinon, on fait souvent n'importe quoi, par précipitation ou impulsion soudaine. Et c'est dangereux !

- En considérant la vie humaine de Jésus, quel paradoxe : 30 ans de "vie cachée" et seulement 3 ans de "vie apostolique". Et avant de commencer celle-ci, Jésus éprouve encore le besoin de se cacher 40 jours dans le désert !
La pédagogie de la Providence divine (l'"Economie" divine, disent les Orientaux) se manifeste souvent ainsi ! Aussi, disait St Vincent de Paul dans une belle formule : il ne faut jamais "enjamber sur la conduite de la Providence divine"!

- Pour libérer son peuple de l'esclavage en Egypte, Dieu appelle Moïse en le maintenant d'abord caché 40 ans dans le désert !

- Quand Dieu suscite le prophète" Elie pour libérer ce même peuple de l'esclavage de l'idolâtrie, il lui dit d'abord : "Va-t-en ! ... Va te cacher dans le ravin du Kérith qui est à l'est du Jourdain !" (I Rois 17.3).

- Entre la conversion de Paul et son action missionnaire, Dieu maintient son futur apôtre des nations une bonne dizaine d'années en une "vie cachée".
N'est-ce pas là le "sens apostolique" de toute vie monastique ? Rappeler que toute bonne action - surtout missionnaire - doit provenir d'une profonde vie intérieure, d'une vie "cachée en Dieu" !

C'est ainsi que Jésus commence sa vie missionnaire. Et sa “prise de parole” à la synagogue de Nazareth, est pour lui l'occasion de présenter sa mission, à la suite du prophète Isaïe : L'Esprit du Seigneur est sur moi... Il m'envoie porter la "Bonne Nouvelle" aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres, aux aveugles qu'ils verront la lumière, ... annoncer une année de bienfaits de la part du Seigneur”. - "Une année de bienfaits" ! Une année pour manifester la miséricorde de Dieu. N'est-ce pas ce que nous avons, nous aussi, à proclamer à la suite du pape François : une année pour proclamer la miséricorde de Dieu ! “Ces paroles que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elles s'accomplissent". Aujourd'hui, nous dit Jésus !

La mission de Jésus est une mission de miséricorde : se pencher sur la misère des prisonniers quels qu'ils soient, sur la misère de ceux qui vivent dans les ténèbres quelles qu'elles soient, la misère des pauvres, des déshérités, la misère de tout homme. Non pour une correction, mais pour une libération !

Ce faisant, Jésus n'annonce rien de bien nouveau. Dans l'Ancien Testament déjà, Dieu s'était fait connaître comme un Dieu libérateur, un Dieu plein de miséricorde. Lorsque Moïse entend son appel, Dieu lui dit : J'ai vu la misère de mon peuple ; j'ai entendu ses cris ; je connais ses souffrances... Va maintenant ! Délivre mon peuple, fais-en un peuple libre !”. (Cf. Ex .3).

Ce Dieu, plein de miséricorde, est ce Dieu qui n'accepte pas pour l'homme l'esclavage, l'injustice, l'oppression. Et toujours, aujourd'hui encore, il appelle l'homme à libérer l'homme de tout esclavage.
Le Dieu de la Bible se révèle toujours comme le libérateur des opprimés, des pauvres, comme le garant de la justice et du droit en faveur de l'orphelin, de la veuve et de l'étranger.
Et les temps messianiques seront annoncés par les prophètes comme une période de libération, d'allégresse et de joie pour tous les malheureux.
Et dans l'histoire biblique, l'instauration d'une "année jubilaire", tous les 50 ans est à la fois une invitation et une prophétie de cette libération voulue par ce Dieu plein de miséricorde pour l'homme.

Et ce Dieu de la Bible, c'est le Dieu de Jésus. Tout au long de sa vie, le Christ se montre plein de miséricorde envers les petits, les pauvres, envers ceux qui ont faim, qu'on méprise, qu'on exclut, qu'il s'agisse des malades, infirmes, lépreux, ou des pécheurs comme la femme adultère, Zachée, la Samaritaine.
Et remarquons que Jésus séjourne surtout en Galilée, région de pauvres, aux mœurs plus ou moins dissolues et, de ce fait, méprisés par les gens en place, à Jérusalem. "Que peut-il sortir de bon de Nazareth ?", s'était-on exclamé à propos de Jésus lui-même (Jn 1.46). C'est dans une telle région de pauvreté économique, morale, spirituelle que Jésus franchit une nouvelle étape dans la révélation de Dieu plein de miséricorde. Par lui, en lui, avec lui, Dieu veut libérer l'homme de son péché, de son égoïsme, de son orgueil, de toutes ses tendances à dominer les autres ou à les exclure. Car le péché est aussi un esclavage, et c'est souvent lui qui est à l'origine des autres esclavages dont sont victimes les hommes. C'est l'homme tout entier que Dieu veut libérer et sauver. C'est l'homme esclave, l'homme perdu, sa "brebis perdue" que Jésus veut toujours sauver par sa grande miséricorde. C’est cela que nous avons à proclamer en cette année de miséricorde voulue par le pape François !

Et c'est dans ce sens que Jésus lui-même formera ses disciples et ceux qui continueront sa mission : “Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice ! Heureux ceux qui font œuvre de paix ! Guérissez les malades, purifiez les lépreux, chassez les démons !". Oui, cette "Bonne Nouvelle" du vrai Dieu, le Dieu de toute miséricorde, qui aime l'homme, qui veut le libérer, le rendre libre, il faut la proclamer dans le monde entier.
Il appartient donc à l'Église et à nous tous, les chrétiens, de prendre la relève, comme nous y invite le pape François.

Oui, l'Église doit témoigner du vrai Dieu, plein de miséricorde, qui libère et qui sauve. Sa mission, c'est de répandre partout cet Evangile du Christ qui est un message miséricorde, de liberté et une force de libération.

Le pape Jean-Paul II qui a mis en honneur Sœur Faustine, cette apôtre de la divine miséricorde, disait : ”Le chrétien n'a pas le droit de se retrancher dans une attitude de neutralité ou d'indifférence devant les problèmes tragiques de la misère et de l'injustice”. Bien au contraire, il convient plus que jamais que “des chrétiens nombreux s'engagent, par amour pour leurs frères déshérités ou opprimés, dans la lutte pour la justice, la liberté et la dignité humaine”. Comme jadis au temps de Moïse, “l'Eglise, guidée par l'amour des hommes, entend leur clameur pour la justice et veut y répondre de toutes ses forces”. C'est ce même message que le pape François veut nous faire entendre.

À là suite du Christ, sommes-nous les témoins du vrai Dieu, plein de miséricorde, du Dieu qui libère et qui sauve ? Ou sommes-nous les témoins d'un Dieu créé à notre image de pécheur, un Dieu dominateur et redoutable que nous avons parfois imaginé ?  
J'ai vu la misère de mon peuple… J’ai entendu ses cris”, disait Dieu à Moïse. Acceptons-nous d'ouvrir nos yeux sur ce qui se passe autour de nous, de tendre l'oreille aux plaintes de nos frères souvent tout proches de nous, en nos familles elles-mêmes parfois ? Les "pauvres”, dont parle si souvent le pape François, les pauvres, - qu'ils le soient matériellement, psychologiquement, moralement, spirituellement -, ils existent ! Et ce sont souvent les mêmes qui sont pauvres de reconnaissance, pauvres d'amour véritable. Ne pas être aimé, n'est-ce pas la plus grande détresse ? Et comment pourraient-ils croire à l'amour de Dieu pour eux, si ceux qui croient en Dieu restent indifférents ou hostiles à leur égard et qui ne pratiquent souvent qu'une prétendue justice à la manière humaine ?

St Paul nous rappelait : nous formons tous ensemble le "Corps du Christ" ; et, chacun de nous, pour sa part, nous sommes ses membres : quelle solidarité humaine et spirituelle ne doit-il donc pas y avoir entre nous tous ! Si un membre souffre, tous les autres membres partagent sa souffrance, de même que si un membre est à l'honneur, tous partagent sa joie. Dans ce "Corps du Christ", il y a des fonctions variées - et heureusement - qui, d'une manière ou d'une autre, doivent manifester, au milieu des hommes, la présence du Christ, plein de miséricorde. Il n'y a pas dans le "Corps du Christ" de supérieur ou d'inférieur à la manière humaine. Il n'y a que la circulation d'un Amour - car "Dieu est Amour !" répétait St Jean -, de cet Amour que s'échangent éternellement les trois Personne divines, un Amour divin plein de miséricorde, un Amour qui cherche sans cesse à accomplir la "transfiguration" de tous les hommes et de toutes choses ! En Dieu !

Actions individuelles, engagements collectifs contre la misère ou l'oppression, efforts pour supprimer peu à peu tout ce qui engendre souffrance spirituelle morale, physique, tout cela fait partie de notre mission de chrétiens si nous voulons être fidèles au Christ. Se battre pour tout cela fait partie de l’annonce de l'Evangile et de la foi au Christ qui, par miséricorde, est mort pour que l'homme vive !

“Aujourd'hui, disait Jésus, cette parole de l'Ecriture s'accomplit !”. Qu'allons-nous faire aujourd'hui pour témoigner du vrai Dieu, plein de miséricorde, qui libère et qui sauve ? 

dimanche 17 janvier 2016

Miséricordieux chemin pascal

2ème dimanche Ord. 01/C - 

La mort et la résurrection du Christ sont au cœur du mystère chrétien.
La mort et la résurrection du Christ, c'est le message de l’évangile de St Jean.
Depuis les noces de Cana, jusqu'à la Croix, c'est le lent dévoilement du mystère pascal.

C'est pourquoi ce récit des noces de Cana est à comprendre en référence au mystère pascal dont il est l'annonce prophétique et l'ouverture.
D’ailleurs, il y a des parallèles, jusque dans les mots, qui expriment cette intention :
- Quand Jésus affirme que son Heure n'est pas encore venue”, il annonce l'heure de la Passion, quand “son heure sera venue” et qu'il “passera de ce monde à son Père”.
- La mention de l'eau dans les cuves, évoque les eaux du baptême ;
- Le vin (le "sang de la vigne" en hébreu) renvoie au dernier repas où Jésus passe une coupe à ses disciples comme signe de son sang versé pour la multitude.
- Et Marie, présente à Cana, ne sera plus mentionnée qu'au pied de la croix, lorsque Jésus confiera sa Mère à son disciple Jean, et celui-ci à sa Mère.

Il y a une inclusion de tout le ministère du Christ entre l’annonce prophétique du mystère pascal à Cana et la réalisation de ce mystère, au jour de Pâques, jour de l’Alliance éternelle entre Dieu et l’homme.
Oui, le mystère pascal est au centre de la vie et du ministère de Jésus. Et il en dévoilera le sens à travers la vie concrète de tous ceux qu'il rencontrera, leur révélant la profondeur insoupçonnée de leurs attentes de guérison, de réconciliation, de bonheur, de liberté, d'amour. Il suscitera le désir du pain qui rassasie pour la vie, de l'eau qui désaltère une fois pour toutes, du vin de fête pour un banquet éternel.

Bien sûr, pour les hommes, pour nous, ce désir de vie en plénitude a son point de départ dans la conscience aiguë de notre limite d'homme. C'est toujours à partir de ses faiblesses, des forces du mal, de la puissance des ténèbres que l'homme mesure la distance entre l'infini de son désir et la faiblesse de ses moyens. Aussi, doit-il s'en remettre totalement à la miséricorde de Dieu manifestée par Jésus en son mystère pascal.
En offrant sa vie sur la croix, Jésus assume toutes les limites de la condition humaine, il les détruit en sa mort pour les transformer dans sa résurrection, et restaurer l'homme dans sa dignité de Fils de Dieu. Plongé dans la mort avec le Christ, il renaît alors dans l'Esprit pour la vie éternelle.
Voilà la réalité de notre foi au Christ pascal !

Ainsi, notre vie chrétienne inaugurée au jour de notre baptême, doit se déployer dans ce mystère pascal du Christ qui lui donne plénitude de sens.

Aujourd'hui, comme hier avec Nicodème, la Samaritaine, l'aveugle-né et bien d’autres, Jésus veut nous rencontrer avec nos limites, nos questions et nos désirs. Avec l'aide de Marie, il nous invite à lire notre vie comme un long dévoilement de son mystère pascal, à discerner au-delà de nos attentes, de nos désirs immédiats, et surtout de nos limites, de nos fautes, les chemins de la vraie vie, cette vie plénière que la miséricorde de Dieu veut nous donner.
“Si tu savais le don de Dieu !”, disait Jésus à la Samaritaine. Ce souhait est l'invitation permanente adressée à chacun d'entre nous pour mieux discerner déjà la présence du Christ glorieux en nos vies.

Certes, aujourd’hui, notre vie - qui part d'une alliance de noces au jour de notre baptême vers la pleine réalisation de cette alliance à notre glorieux jour pascal au ciel - peut prendre les chemins qui passent par le combat contre les forces du mal. Ce combat implique sans cesse de mourir au mensonge pour vivre dans la vérité, de mourir au mépris pour vivre dans l'amour.

Légitimement, nous déplorons fortement les durs conflits qui jalonnent l'histoire des hommes, les violents et actuels affrontements sur notre planète. La guerre, à l'opposé de la paix, d'une entente qu'une noce peut manifester, nous effraie ! Bien sûr ! Mais - sachons-le - pour lutter efficacement contre la guerre, il faut savoir intérioriser la guerre pour la vaincre et l'anéantir en soi-même. Il faut arriver à se désarmer soi-même. Naguère, Athénagoras, le patriarche de Constantinople, disait : "J'ai mené cette dure guerre pendant des années ; elle a été terrible. Mais maintenant je suis désarmé. Je n'ai plus peur de rien. Car l'amour chasse la peur".
Oui, il s'agit, toujours et sans cesse, de faire l'expérience de l'Amour divin manifesté en Jésus Christ, de la miséricorde divine qui veut nous faire "passer - 'faire notre Pâques" -, nous faire passer, nous faire franchir toutes les étapes du mystère pascal pour jouir pleinement, enfin, des "noces de l'Agneau", disait St Jean

Comme il est dommage que cette perspective pascale nous soit si peu familière ; pour beaucoup, la vie chrétienne se limite à quelques prescriptions morales - voire monastiques - que l’on consent à observer, avec, d'ailleurs, plus ou moins de satisfactions, d'orgueil, de suffisance.
On rejoint alors les formes étriquées du légalisme de l'Ancien Testament qui suscite, en finale, la désespérance dans le constat de notre incapacité foncière. Et, tout naturellement, vis-à-vis des autres, ce n'est souvent, alors, que jugement ou condamnation.
C'est ainsi que, récemment, le pape François nous invitait à "passer" d'une "rigidité ecclésiale", digne de la Loi mosaïque, dirait St Paul, à l'accueil de la miséricorde divine qui seule est efficace en nous et en nos frères. C'est alors que le mot "charité" prend toute sa signification ! Sinon, ce n'est alors, plus ou moins, que sentimentalisme qui pleure par sentiment de bienfaisance humaine.

Le chemin pascal que nous ouvre Jésus dans le signe de Cana nous invite à l’alliance de Dieu avec l’humanité, alliance manifestée par la miséricorde du Christ. Et c'est ainsi que la fête des noces de Cana donne sens à toute l'existence et nous prépare aux noces éternelles.

C'est avec ce sens de la vie qu'il nous faut mener notre existence, aujourd'hui et demain, notre existence de "déjà ressuscité avec le Christ", qu'il nous faut de plus en plus comprendre qu'un lien profond relie notre vie terrestre et la vie éternelle.
Malheureusement, le "Royaume de Dieu" suscite souvent des images d'un "Au-delà" que nous imaginons mal, d'un "Au-delà" qui, de toute manière, n'a que peu de rapport avec les réalités terrestres.
Et c'est bien là notre difficulté. Car alors, nous réduisons l'Évangile à une série de principes moraux qui, dit-on aujourd’hui, sont en crise et que c'est un des signes de la déchristianisation. En réalité, c'est l'incapacité de relier la vie terrestre et la vie éternelle qui désigne la déchristianisation. Nous avons trop consenti à cette idée si simpliste et sommaire que la foi est reléguée dans le domaine privé de l’homme  - “chacun ses idées”, n’est-ce pas ? -. Dès lors, comment notre vie terrestre pourrait être annonciatrice, prophétique d’une vie plénière en Dieu, le "Miséricordieux" ?

La déchristianisation ne provient pas d'une crise de valeurs, elle vient d'une crise du sens de la vie. Ce sens a été longtemps vécu implicitement par la société dans la mesure où elle était globalement chrétienne ; d'autres recouraient à de solides idéologies ; le problème du sens ne se posait pas. Aujourd'hui, la société n'étant plus chrétienne et les idéologies disparaissant, on retrouve le problème du sens dans une société désemparée et sans repères.

Et c'est là que l'itinéraire pascal de Jésus est une chance de redécouverte du sens de notre vie. On a constaté d’ailleurs que le renouveau liturgique, avant même le concile Vatican II, a commencé précisément, au temps du pape Pie XII, avec le redéploiement du triduum pascal et que beaucoup de chrétiens ont, à cette occasion, progressé dans l'intelligence de leur foi. Ils ont compris que l'Évangile, loin d'être un livre de maximes morales, était un itinéraire que Jésus-Christ propose de suivre avec Lui, depuis la Galilée, depuis la résurrection jusqu'à son retour à la fin des temps.
Oui, la foi est un engagement à la suite du Christ, un itinéraire. C'est accepter, par Lui, avec Lui et en Lui, de mourir à soi-même pour mieux faire éclater la Vie que la miséricorde de Dieu veut nous accorder

Telle est la manière de vivre dans le Christ et d'annoncer le Royaume. Telle est aussi la manière d'accueillir concrètement le signe de Cana comme l'annonce du banquet de fête éternelle, offert à tous. 

vendredi 15 janvier 2016

Debout !

1 T.O. Vendredi 1216                                            (Mc 2.1-12)

Depuis le début de l’évangile selon St Marc, il y a comme un refrain qui revient sans cesse à nos oreilles : “Lève-toi !”
- D’abord il est question d'un possédé que l'esprit mauvais secouait. Jésus en fait un homme debout.
- Ensuite, c’est la guérison de la belle-mère de Simon-Pierre. Elle était au lit. Jésus s’approche, la fait se lever et aussitôt, elle se met au service de Jésus et de ses disciples ! C'est dire qu'elle était bien debout et vaillante.
- Hier, c’était l’histoire d’un lépreux. Jésus le guérit, si bien qu'il se met à courir partout, proclamant la nouvelle de sa guérison. L'ex-lépreux n'est plus un homme mutilé, exclu de la société, mais un vivant bien debout dans la société des hommes.
- Aujourd'hui, nous avons un double “Lève-toi !”
Non seulement “Lève-toi”, ton péché n'est plus en toi, la lourdeur qui paralysait les jointures de ton cœur et de ton âme ne sont plus ;
mais “lève-toi” de ton grabat, de ta maladie. Ne sois plus un homme mort, dans la position des allongés, mais un homme debout, capable de ridiculiser le symbole de la mort en portant sous le bras ton brancard.

Au début du récit, Marc avait précisé que Jésus est dans la maison de Pierre. Et il note : “Jésus annonçait LA PAROLE”. En d'autres termes on pourrait dire que Jésus s'annonce lui-même. Il se dit lui-même, non seulement par ce qu'il dit, mais par le seul fait qu'il soit là : Jésus est la PAROLE faite Chair, le Verbe fait chair, la Parole venue chez les hommes…

LA PAROLE ! Cela rappelle le texte de la Bible sur les origines de l'homme.
Dieu DIT UNE PAROLE : et les masses informes deviennent terre et mer.
Dieu DIT UNE PAROLE : et la lune, le soleil apparaissent.
Dieu DIT UNE PAROLE : et les êtres vivants se multiplient.
Dieu DIT UNE PAROLE : faisons l'homme ...  et l'homme se tient debout.

Oui, DIEU PARLE et sa PAROLE n'est que VIE. Aussi, quand le Fils de Dieu, Jésus, Parole, Verbe de Dieu annonce la PAROLE au milieu de ses amis, il dit Dieu, il dit la VIE ; la Vie du Père et la sienne et celle qu'ensemble, ils nous donnent par leur Esprit commun, Esprit d’amour, Esprit de vie !

Aussi, nous devinons qu'avant même que les gens n'arrivent avec leur brancard et leur paralysé, la PAROLE de Dieu qui a tout créé, la PAROLE de VIE est là, plus forte que la mort.


Er quand la PAROLE de VIE est là, c’est toujours une création, une re-création ! Pour peu que cette PAROLE de VIE soit cherchée, accueillie !

C’est pourquoi, Jésus, Parole de Dieu, par qui la vie de Dieu s’est manifestée et se manifeste, DIT UNE PAROLE, comme au matin de la création, pour une re-création : “pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de pardonner, je te l'ordonne...”. Jésus dit, et cela est, à la manière de Dieu-Créateur.
Il le fait aussi à la manière humaine pour que tous comprennent bien, puisque la PAROLE de DIEU s’est faite PAROLE d’HOMME !

Le “lève-toi” semble nous dire : quitte ton mal qui t'embarrasse et sois signe de vie. “L'homme se leva, prit aussitôt son brancard et sortit devant tout le monde.” Le paralysé n'avait pu entrer à cause de la foule et voilà que maintenant, par la Parole de Jésus, il se lève et sort “devant tout le monde”. On a même l'impression qu'il sort facilement, que personne ne le gêne, alors même qu'il a son brancard sous le bras ! C’est la VIE libérée de tout mal qui triomphe !  C’est comme une première annonce du mystère pascal.

Il faudrait rester en silence et prier pour que chacun puisse voir les lieux où il lutte pour que la vie l’emporte sur les forces du mal quelles qu’elles soient. Chacun devrait pouvoir murmurer à Jésus, PAROLE de VIE : “lève-moi, viens, relève-moi...”. Que je sois bien debout, vivant ! “La gloire de Dieu, disait St Irénée, c’est l’homme vivant“, debout !
              

En cette année principalement, confions-nous à la miséricorde de Dieu. Elle seule peut nous mettre debout véritablement, nous délivrant de nos failles, de nos fautes, de note mal intérieur.  Et alors, même si nous sommes affligés de maux divers que Dieu peut guérir, soulager, ...même si nous en souffrons encore, nous nous sentirons debout..., parce que déjà enfants de Dieu, fils de Dieu à paraître comme tels au jour éternel.

dimanche 10 janvier 2016

Baptisé dans le Christ

Baptême de Notre Seigneur 16 C

Quel est celui d'entre nous qui peut déclarer avec certitude : "J'ai parfaitement compris ce qu'est être chrétien !" ?

Il semble bien que c'est tout au long de notre vie que nous découvrons, par bribes et à travers les événements que nous vivons, le sens de notre mission de chrétiens !

L'enfant pense qu'être chrétien, c'est venir à la messe le dimanche et aller au catéchisme.
Pour le plus grand, c'est "avoir fait sa communion", se marier à l'église, continuer à aller à le messe ; ou encore, c'est "faire du bien autour de soi", faire partie d'un groupe de chrétiens qui s'efforcent d'approfondir leur foi.
Et quand on devient adulte, on continue de découvrir à quoi Dieu nous appelle ; on en prend plus vivement conscience à certaines occasions : ce peut être une parole entendue par hasard au cours d'une conversation, la lecture d'un passage d'évangile qui, soudainement, agit en nous comme une force à laquelle on ne peut résister ; ce peut être aussi un évènement familial, ecclésial, social..., et encore l'influence d'un ami etc.

On peut dire, me semble-t-il que Jésus a suivi une démarche semblable dans sa conscience humaine.
Jeune, Jésus allait à la synagogue pour prier, entendre la Parole de Dieu comme celle-ci : "Voici mon serviteur que je soutiens... Je t'ai appelé ; je t'ai tenu la main. Je t'ai mis en réserve, j'ai fait de toi mon alliance avec mon peuple et la lumière des nations !" (Cf. Is 42. 1 sv).
Ce texte et bien d'autres semblables, Jésus, comme tout Juif, les avait longuement médités tandis qu'il travaillait avec Joseph à Nazareth.
Et puis, un jour, il y eut un évènement important : il entend parler de Jean-Baptiste qui annonçait : "Le Royaume de Dieu est proche... Il vient celui qui est plus puissant que moi !".

Jésus vient alors se faire baptiser par Jean comme beaucoup de Juifs. Et (en tant qu'homme), il comprend que les textes de l'Ecriture, que l'annonce du Baptiste le concernent personnellement. Il entend cette voix : "C'est toi, mon Fils. Aujourd'hui, je t'ai engendrai !".
Autrement dit, c'est lui, Jésus, le Messie annoncé depuis si longtemps par les prophètes. Alors, il décide de changer de vie. "Conduit par l'Esprit", nous dit St Luc, il se retire durant quarante jours dans le désert, pour prier et chercher, à la lumière de l'Esprit, comment va se réaliser sa mission !

Quand nous avons été baptisés, la plupart d'entre nous, nous étions des bébés. Notre baptême n'a donc pas marqué notre conscience humaine. Raison de plus pour en prendre conscience peu à peu par la suite. Car ce jour-là, Dieu nous a appelés. Il nous a choisis. Il nous a dit comme à Jésus : "Tu es désormais mon enfant... Je fais reposer sur toi mon Esprit... Je compte sur toi pour continuer la mission de Jésus, mon "Premier-né, frère d'une multitude...". Cette mission, il faut la poursuivre à ton tour, là où tu vivras, où tu travailleras, ne serait-ce qu'en ta famille quelle qu'elle soit...".

Oui, être baptisé, c'est être choisi, appelé par Dieu pour continuer la mission du Christ, là ou l'on vit !
Ainsi, par le baptême, nous avons été agrégés à l'Eglise qui est, si je puis dire, la grande "Entreprise" de Dieu pour annoncer au monde la "Bonne Nouvelle" de la miséricorde de Dieu, de son amour, de son pardon, "Bonne Nouvelle" inaugurée par Jésus. Car on ne peut pas être chrétien uniquement pour soi, pour "assurer son salut", disait-on naguère. Un chrétien tout seul ne peut exister ! Même un ermite doit en avoir une vive perception ! Etre chrétien, c'est être chargé de mission, d'une manière ou d'une autre, à la suite de Jésus !

Il faut sans cesse réveiller en nous la grâce de notre baptême, la faire revivre. C'est une grâce de responsabilité, de solidarité avec l'Eglise, avec tous les autres chrétiens : "je t'ai appelé, Je t'ai mis en réserve, j'ai fait de toi mon alliance avec mon peuple et la lumière des nations !". Si nous avons été agrégés à l'Eglise, ce n'est pas pour y être des membres passifs !

Dans l'Eglise, comme l'a rappelé le Concile Vatican II, il y a toutes sortes de services à assurer, toutes sortes de ministères, plus ou moins visibles, sans doute. Mais il s'agira toujours de proclamer Dieu, d'annoncer le Christ, de vivre de son message, d'incorporer sa foi à sa vie... Ste Thérèse de Lisieux avait bien compris cela, elle qui affirmait avoir trouvé sa vocation : "Dans l'Eglise, je serai l'Amour", disait-elle. Et quel ne fut pas son rayonnement, et dans l'Eglise et jusque dans les nations, elle qui fut proclamée "patronne des missions" !

Oui, dans la logique de notre baptême et, à plus forte raison, de notre consécration religieuse, nous devons réfléchir et chercher quel genre de "ministère" nous pouvons recevoir, en lien avec l'Eglise, au service du Christ, de l'Evangile.

Je reste toujours étonné par une mentalité bien française - à cause, sans doute, d'une mauvaise compréhension de la "séparation de l'Eglise et de l'Etat" - ..., je reste étonné de la distinction que l'on fait si facilement entre "vie humaine" (personnelle, familiale, professionnelle) et "vie chrétienne" (messe du dimanche, prière etc.), alors que la vie ne peut être qu'une ! Diviser sa vie, c'est obligatoirement se faire souffrir... Le Christ est un en deux natures ("union hypostatique", comme disent les théologiens). Notre vie doit être "une" : vie humaine dans vie chrétienne et vie chrétienne dans vie humaine. Etre véritablement chrétien en étant homme (ne pas vouloir être un "ange"). Etre homme en étant véritablement chrétien. Quel programme !

On n'est pas baptisé simplement pour avoir une religion ni simplement pour croire en Dieu.
Un baptisé, c'est un enfant de Dieu qui doit toujours approfondir sa relation à Dieu par la prière, par la louange, l'adoration, l'obéissance à la volonté du Père.
Un baptisé, c'est quelqu'un que Jésus a appelé à devenir son ami, son "associé" ; c'est quelqu'un sur qui il compte pour poursuivre sa mission.
Notre mission de chrétien devra toujours aller, comme celle de Jésus, dans le sens d'un surcroît de vie pour Dieu et pour les autres, d'un surcroît de lumière pour notre entourage, d'un surcroît d'amour pour le monde.

Notre mission de chrétien, c'est une "Bonne Nouvelle", c'est la BONNE NOUVELLE du Christ pour le monde où nous vivons. Et nous baptisés, nous en sommes responsables !

mercredi 6 janvier 2016

A la recherche de Dieu

Épiphanie - 6 Janvier 2016/C - 

Après les réjouissances de Noël (dinde, boudin blanc, foie gras… etc.), beaucoup ont continué ce parcours gastronomique par des galettes qui marquent l'élection d'un roi, d'une reine de fête éphémère, galettes qui, à la Chandeleur, se transformeront en crêpes flambées, dans l'attente du défoulement de la mi-carême et des œufs de Pâques !

De plus, c'est dans cette ambiance de consommation parfois effrénée et souvent paganisée que les mass-média - pour souhaiter une "bonne année" - nous renseignent sur les meilleurs circuits astrologiques et les parfaites courbes sidérales dévoilés par les astrologues et les médiums de tous les ciels - nombreux aujourd'hui -, afin que notre "Ego astral" - seule étoile importante - puisse infléchir sa route vers un univers de bonheur, mais de rêve également.

Et c'est souvent dans un tel contexte que l'Eglise doit manifester - c'est le sens du mot Epiphanie - la naissance d'un Dieu fait homme, sa présence au monde entier et son offrande de lui-même dans le nouveau Temple qu'est son propre Corps, livré à nous au repas pascal.

Et pour remplir cette mission propre à chaque chrétien, il est bon de nous rappeler les balises et les étapes qu'ont suivies les anciens Mages pour rencontrer le roi de tous les univers. Peu importe de savoir si ces Mages étaient rois, s'ils étaient trois, quels étaient leurs noms et leur pays d'origine.

Il nous suffit d'abord de reconnaître que des hommes comme nous ont entrepris un lointain et périlleux voyage sur un indice assez faible : une nouvelle étoile dans le ciel d'Orient. Et comme Abraham, père de tous les croyants, ils sont partis sans savoir, eux aussi, où cela les mènerait.
La fête de l'Epiphanie est la fête du Signe, du Signe de Dieu !

Car à chacun de nous, Dieu fait signe également. Sommes-nous assez attentifs pour percevoir ces signes divins, pour percevoir ces "signes des temps", comme l'on dit, qui jalonnent l'histoire sainte de l'humanité, l'histoire sainte de l'Eglise et l'histoire sainte de chacune de nos vies ? Un événement, une rencontre, une parole entendue, une amitié peuvent être signes et appels de Dieu. Retournez votre regard sur le chemin déjà parcouru et n'allez-vous pas vous exclamer comme Jacob : "Dieu était là et je ne le savais pas !" (Gen 29.16) ? Il était là à tel moment, à tel endroit, en telle circonstance ou rencontre.
Sachons reconnaître ces manifestations, ces signes de Dieu en notre vie. "Si quelqu'un m'aime, je me manifesterai à lui", disait Notre Seigneur (Jn 14.21). Et percevant ces signes, ayons le courage de nous mettre tout aussitôt en route, même si nous ne savons pas très bien, comme Abraham, comme les Mages, par quels chemins les appels divins nous conduiront.

Notons également que les signes naturels, les signes humains, les signes d'hommes, s'ils peuvent nous mettre en route, ne suffisent pas pour trouver Dieu. Il faut la révélation des Ecritures, de la Parole de Dieu pour identifier le Sauveur du monde. Les phénomènes naturels avec la beauté du monde, les événements en notre vie et les rencontres humaines peuvent bien nous indiquer qu'une Force souveraine préside à toute cette nature, à tous ces événements, à toutes nos rencontres. Mais limité aux lumières de sa seule raison, l'homme, même savant, même "Mage" ne peut découvrir que Dieu est une personne et qu'il nous aime.
Comme je le trouve émouvant ce colloque de Jérusalem, que nous décrit St Matthieu, entre les sages païens et les docteurs de la Loi qui redisent la Parole de Dieu pour trouver Dieu.
L'Epiphanie est bien aussi la fête de la recherche de Dieu, de Dieu qui nous parle.

Et, dans cette recherche, ne soyons pas très inquiets, alors même que les signes divins qui nous ont mis en route disparaîtraient, comme l'étoile dans le ciel de Jérusalem. C'est souvent la preuve que le Seigneur est proche. Quand la réalité est présente, même encore invisible, alors les signes deviennent inutiles.
Rappelons-nous la scène de l'Annonciation = Marie est réconfortée par le signe de l'Ange qui lui annonce qu'elle sera "Mère du Très-haut". Et, soudain, le récit se termine par cette indication courte et sèche : "Et l'ange la quitta !" (Lc 1.38). Marie se retrouve seule, non pas seule pourtant car avec Dieu, mais encore invisible.
De même, l'Epiphanie est bien la fête de la persévérance
"Tenez fermes dans la foi !" (I Co. 16.13), disait St Paul. Et Jésus redit à chacun comme à ses apôtres qui, apercevant Jésus sur les flots du lac, croyaient voir un fantôme : "Ayez confiance ! C'est moi ; n'ayez pas peur !" (Mth 14.27).

Et c'est ainsi que nous aussi, nous arriverons près de l'Enfant-Jésus, l'Enfant -Dieu-fait-homme -, à l'exemple des Mages. Eux, "ils virent l'enfant... ; ils se prosternèrent pour l'adorer et, ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent leurs présents !"
Remarquons au passage cet enseignement important : Adorer l'Enfant et ouvrir des trésors, c'est le même geste. On ne peut pas adorer sans donner. On ne reconnaît pas Dieu si l'on ne reconnaît pas ses frères véritablement : les reconnaître humainement, soit ! Mais surtout les reconnaitre dans cette recherche de l'amour de Dieu. Le temps de Dieu, c'est aussi le temps de l'homme ! En ne cherchant pas l'homme, on ne trouve pas Dieu. Puissions-nous faire comme les Mages, tout au long de l'année : Adorer Dieu et partager les trésors de notre cœur.
L'Epiphanie est la fête du partage.

Enfin dernière leçon que nous donnent ces Mages, ces chercheurs de Dieu : Après avoir découvert Dieu-Emmanuël, "ils retournèrent chez eux par un autre chemin !". Dès que nous avons rencontré le Christ, dès que nous l'avons reconnu, nous ne pouvons plus revenir à notre pays, à nous-mêmes, par le même chemin ; nous ne pouvons plus retourner à nos habitudes, à cette "idolâtrie de l'habitude" dont a parlé récemment le pape François. il nous faut changer de route.
L'Epiphanie est bien la fête de la Conversion permanente.

Tous ceux qui rencontrent Jésus sont arrachés à leur passé et leurs chemins d'habitude. Ils sont voués à une "autre route". Et le pays vers lequel ils marchent n'est pas celui qu'ils ont quitté. Ils vont vers la véritable Patrie, la Ville de Dieu. Il n'est pas vrai que tout est toujours pareil, et que les paysages des yeux et du cœur se répètent. Car toujours Jésus change la couleur de la vie. Il nous parle toujours de demain, des autres, du Père. Impossible de s'enliser dans la routine, quand on a rencontré cet Eveilleur. Il nous parlera toujours de vie naissante.

Soyons-en persuadés. Comme les Mages, avec Celui qui a dit un jour, au bout de sa route : "Mon Royaume n'est pas de ce monde" (Jn 18.36), nous sommes des rois obscurs, des rois nomades, des rois de grand vent. Ne l'oublions pas demain et la semaine prochaine, quand la vie se fera un peu plus lourde, quand il faudra lutter, quand il faudra se remettre en route : nous sommes rois et reines non pas des fêtes humaines, passagères et gastronomiques, mais de la fête de Dieu, car il nous a donné la terre à aimer et l'humanité future à faire naître ! Une fête de Dieu qui est toujours à partager, même et surtout avec l'inconnu qui se présente et qui, à l'exemple des mages, cherche Dieu !

samedi 2 janvier 2016

Jésus - Dieu et homme - !

Dimanche de l'octave de Noël 15-16/C

[Au Prieuré "La Paix Notre-Dame", la fête de l'Epiphanie est célébrée le 6 janvier]

En la nuit de Noël, nous avons contemplé l'Enfant de la crèche !

Au jour de Noël - et aujourd'hui encore -, l'Eglise nous propose de proclamer avec St Jean (prologue de son évangile) que cet Enfant est le "Verbe fait chair" !

Et nous allons proclamer en un instant notre foi : Cet Enfant "est Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière ; vrai Dieu né du vrai Dieu. Il est engendré non pas créé, de même nature que le Père... ; pour notre salut, il descendit du ciel. Par l'Esprit-Saint, il a pris chair de la Vierge Marie et s'est fait homme !".

Jésus ! Dieu et homme ! Sommes-nous véritablement conscients de ce paradoxe : vrai Dieu et vrai homme ? Cette prise de conscience est importante, sinon nous risquerions de faire de notre foi
- soit une morale de bon aloi, satisfaisante pour hommes ou femmes vivant sans passion et mourant sans désir - cela arrive ! -,
- soit un système intellectuel très raisonnable pour hommes ou femmes épris d'ordre et de logique, croyant avoir les pieds sur terre et la tête déjà dans le ciel, mais sans grand cœur - et cela arrive ! -.

Non ! Notre foi doit être d'un réalisme existentiel !
Et pourtant, en notre époque, en notre Occident surtout, les deux vieilles hérésies du 3ème siècle semblent renaître :
- l'une affirme que Jésus, vrai Dieu, n'avait qu'une apparence humaine !
- l'autre ne voit en Jésus qu'un homme sublime que des hommes ont divinisé.

La première tentation, toujours actuelle, est souvent celle de personnes très pieuses. Le Christ qu'elles adorent et prient, c'est, comme elles disent, "le Bon Dieu", un Dieu tellement Dieu qu'il a fait semblant d'être homme.
Elles ne lui refusent pas carrément un corps comme le faisaient les "docètes" du 3ème siècle ; mais ce corps n'est finalement qu'un vêtement, une apparence pour le rendre plus proche de nous. Certaines dévotions finissent toujours par s'évanouir dans cette hérésie qui nie le réalisme de l'Incarnation et, dès lors, le réalisme du mystère pascal.

La deuxième tentation est celle des "esprits forts" ou qui se croient tels. Ils s'inclinent devant Jésus comme devant la plus grande personnalité humaine ; mais Jésus n'est pas Dieu ; tout au plus, il ne fut qu'une "théophanie", une apparence divine.
Dès lors, l'union à Dieu devient impossible ; et nous ne sommes pas appelés à vivre de la vie même de Dieu. "Dieu est mort", affirme-t-on. Seul, l'homme subsiste. Mais il reste seul et sans espérance !

Aussi, chrétiens, nous avons la vocation de faire de toute notre vie - et non seulement de nos paroles - une belle affirmation de "foi sincère", dirait St Paul : "Par l'Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie et s'est fait homme !". Et le Fils de Dieu s'est fait fils d'homme pour que les enfants des hommes deviennent enfants de Dieu !

"Oportet haereses esse !", disait St Paul. "Il est bon qu'il y ait des hérésies !" (I Co. 11.19). Elles nous invitent à approfondir sérieusement notre foi et surtout à mieux en vivre. Dieu s'est fait homme pour être toujours parmi les hommes !

Même si notre époque a, en quelque sorte, paganisé Noël, sachons affirmer par toute notre vie :

- Cet Enfant-Emmanuel, tout en étant semblable à tous les enfants du monde, n'est en rien comparable à ces petits d'hommes. Par son incarnation dans le temps, Dieu a pris ce qu'il n'était pas - notre humanité - et nous a donné en partage la vie divine qui était sienne. Le croyons-nous suffisamment ?

- Sachons rappeler avec St Jean : "Le monde ne l'a pas connu... Il est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas reçu !". Et nous, le recevons-nous réellement ? A travers les vagissements d'un enfant, reconnaissons-nous Dieu qui vient nous délivrer, nous libérer, faire éclater le pauvre corset de notre humanité afin de parvenir à la stature de Jésus, homme et Dieu ?

- Savons-nous affirmer qu'avec Jésus, le salut de l'homme prend sa source à Noël et s'achève à Pâques. Nous ne pouvons dissocier la crèche de la croix :
+ Noël, c'est l'espérance d'une vie nouvelle qui ne demande qu'à s'épanouir, à trouver sa place en nous-mêmes et dans le monde !
+ La croix est bien présente en notre vie de moult et moult manières ; elle le sera par notre mort elle-même !
Mais la lumière qui jaillit dans les ténèbres de la nuit de Noël trouvera toute sa luminosité, sa densité en la nuit de Pâques. C'est en ce sens que Jésus - Dieu et homme - que Jésus vainqueur du mal et de la mort, est notre "Rédempteur", notre "Sauveur".

Si Dieu s'incarne selon la chair, c'est pour que nous ayons la vie, et que nous l'ayons en abondance, diront les apôtres.

Il nous faut donc vivre, dès maintenant, de la vie même de Dieu. Et si nous ressentons notre grande faiblesse, rappelons-nous que Jésus a dit : "Je suis la porte" (Jn 10.7,9), la porte qui conduit à Dieu, le Père de toute miséricorde !
Et c'est encore notre mission de rappeler cette réalité de la "Porte" de la vie divine qui s'ouvre, grâce au Christ. "Par Lui, avec Lui, en Lui !".

L'année jubilaire de la miséricorde nous en donne l'occasion !
Symboliquement, une "Porte sainte" a été ouverte à Rome, en notre cathédrale et en bien des lieux de notre chrétienté !
C'est donc une année d'"indulgence" ! Même si la réalité de ce mot a été grandement galvaudée au début du 15ème siècle, même si elle a été discréditée - il y a peu de temps encore - par un vocabulaire quantifié, tarifé (on parlait de 50, 100 jours d'indulgences etc.)..., cette réalité de l'"Indulgence" demeure. Elle a été remise à l'honneur par le Concile Vatican II et, à sa suite, par le pape Paul VI (Constitution apostolique "Indulgentiarum doctrina" 1967).

Pratiquer l'"indulgence", c'est faire acte de foi en Jésus - Dieu et homme - qui veut toujours manifester la plénitude de la miséricorde divine, qui est la "porte" qui conduit à cette miséricorde.
Le Jubilé est une invitation pressante à rencontrer Dieu, une rencontre qui se manifeste par la réception des sacrements de Réconciliation et d'Eucharistie, principalement.
L'année jubilaire fait retentir un double appel à la conversion personnelle et à un véritable engagement communautaire, ecclésial, social (dans le sens d'ailleurs des années jubilaires de la Bible). Tâche onéreuse qui ne peut s'accomplir que grâce à un échange spirituel entre les membres du Corps du Christ afin d'être, disait naguère le pape Jean-Paul II, "toujours plus intimement unis au Père céleste".

Sachons donc, au cours de cette année, mieux affirmer, personnellement et communautairement : le Fils de Dieu s'est fait fils d'homme afin que les enfants des hommes deviennent enfants de Dieu ! Par miséricorde divine !