dimanche 29 mai 2016

"FETE-DIEU !"

Saint-Sacrement 16/C    

“Fête-Dieu”, “fête du Corps du Christ” ou encore “fête du Saint Sacrement”. La liturgie garde plusieurs façons de parler de la fête d’aujourd’hui qui se célèbre dans l'Eglise depuis le 13ème siècle.

Les lectures de ce jour sont là pour nous la faire mieux comprendre !

L'Eucharistie est une fête pour tous les hommes !
Dieu invite tous les hommes à faire mémoire. Déjà dans l'Ancien Testament, le pain et le vin sont offerts par le prêtre Melchisédech. Nous ne savons rien de lui, sinon, comme le dit la lettre aux Hébreux, qu'il annonce le prêtre parfait que sera le Christ.
Avec ce "prêtre païen", le pain et le vin sont déjà là comme signes de ce qui est offert à Dieu. Au moment où nous célébrons la Fête-Dieu, l'Eglise nous fait souvenir de tous ceux qui croient au Dieu Très Haut. Elle élargit ainsi notre cœur aux hommes de bonne volonté qui, - par le symbole d’une nourriture vitale : pain et vin – dirigent leur pensée et leur vie vers Dieu !
Cette fête nous ouvre aux dimensions du monde. On ne peut fêter Dieu sans penser à tous les hommes qui s’ouvrent à Dieu dans l’essentiel de leur vie…, à la façon de Melchisédech !

L'Eucharities est la Fête du Corps du Christ
L'audace de Paul (2ème lecture) provoque notre foi. Nous voilà placés d'emblée dans la lignée des apôtres, témoins du repas du Seigneur à la veille de sa mort et de sa résurrection. L'Apôtre nous rappelle que chaque fois que nous mangeons ce pain et que nous buvons à la coupe, nous proclamons la mort et la résurrection du Seigneur dans la certitude de sa venue permanente, jusqu'à son retour en sa gloire divine.
St Paul nous rappelle, là, le sérieux de la foi dans nos célébrations eucharistiques. Il s'agit du Christ qui vient en nous, pour faire de nous le lieu sa demeure, en l'attente de notre plénière incorporation en sa vie glorieuse de Ressuscité !

C’est le Christ, Fils de Dieu qui se déplace en nous ! Il y a déjà du divin en notre charnel, de l’éternel dans notre temporel : c’est comme une prolongation du mystère de l’Incarnation en nous ! Dieu n’attend pas notre mort, notre éternité pour nous communiquer sa vie : “Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’Homme - si vous ne recevez pas la présence vivante du Christ ressuscité, lui qui a livré son Corps et son Sang par amour pour les hommes -, vous n’aurez pas la vie en vous !”.
Dès maintenant, le Christ nous alimente divinement en vue de notre éternité. Sans la communion, nous risquons de faire de l’anorexie spirituelle, d’être des sous-alimentés spirituellement.

Ce mystère de présence de Dieu dans l'intimité de notre quotidien, doit nous faire davantage prendre conscience de l'amour que Dieu "a répandu en nos cœurs par son Esprit" (Rm. 5.15). Devenus fils de Dieu par le baptême, par l'eucharistie nous devenons “Corps du Christ”.
Et ce que chacun vit personnellement, l'Eglise le vit comme “Corps du Christ” tout entier. "Vous êtes le Corps du Christ, dit encore St Paul aux Corinthiens, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part"... "Puisqu'il y a un seul pain, tous nous ne formons qu'un seul Corps". Le peuple de Dieu devient le “Corps du Christ” par l'Eucharistie.
Et la mission de l'Eglise est de proclamer cette réalité, de donner le Christ au monde. Cette mission commence en chacun de nous dès maintenant ; notre communion nous le rappelle.

Aussi, l'Eucharisties est la Fête du don reçu et donné
Ainsi, le Christ ayant été le premier à faire de sa vie un don reçu et donné, il nous appartient maintenant de faire de notre vie, à son exemple, un don reçu et donné, d’être attentif aux personnes, aux circonstances : l'évangile nous le rappelle.
Il est tard, ces gens ont écouté longuement. Ils en ont perdu le boire et le manger ! Les apôtres sont impuissants pour faire face. Pourtant, Jésus leur dit : "Donnez-leur vous-mêmes à manger". Ceci devrait nous dérouter, comme l'ont été les apôtres.
Mais comme nous connaissons les faits par l’Evangile, nous risquons moins de passer à côté de cette parole. Laissons résonner en nous cette demande du Christ : "Donnez-leur vous-mêmes à manger". Nous avons sûrement quelque chose à donner, quelque chose que nous avons reçu. Sinon, notre foi n'est plus chrétienne. C'est une "foi" égoïstement personnelle.

N'est-ce pas là tout le mystère de l'eucharistie ? Nous venons à la messe, nous recevons le Corps du Christ ; sa présence nous transforme et nos manières humaines deviennent peu à peu celles de vrais enfants de Dieu. Puissions-nous devenir de plus en plus, grâce à cette force du mystère de l’Eucharistie, puissions-nous devenir, peut être sans éclat mais en vérité, des "donneurs du Christ qui vit en nous". Quand St Paul nous dit d'être des "intendants des mystères du Christ" (I Cor. 4/1), il ne dit pas autre chose. Si chacun de nous vit cela, alors l'Eglise pourra être elle-même un véritable don pour le monde. Quelle responsabilité !

Voilà ce que nous célébrons avec toute l'Eglise.    
 - Nous nous rappelons que nos ancêtres dans la foi regardaient le pain et le vin comme des offrandes dignes de Dieu, des offrandes de leur vie.
- Ces signes ont été repris par Jésus comme l'offrande de toute sa vie.
- Et nous, invités à recevoir le pain et le vin, Corps et Sang du Christ, nous entrons dans cette lignée de témoins pour donner la Vie de Dieu au monde !

Oui
- Le Pain et le vin, c'est notre vie offerte à Dieu !
- Le Pain et le vin, c'est la vie du Christ en nous !
- Le Pain et le vin, c'est la Vie de Dieu reçue pour la donner, l'engendrer en nos frères, les hommes.

Avec l'Eucharistie, c'est affirmer le divin dans l'humain !

Puissions-nous entrer dans ce mystère de vie où recevoir et donner sont une seule et même grâce : vie reçue, vie donnée, tel est le chemin du Royaume jusqu'à ce que le Christ revienne.

lundi 23 mai 2016

"Mathématique céleste !"

Sainte-Trinité 2016

Fête de la Sainte Trinité ! La Trinité, si l'on s'en tient à cette formule - la formule d'un nombre -, comment imaginer qu'elle puisse évoquer une fête ? Il y a d’autres fêtes qui nous parlent davantage : Noël, Pâques, et même la Pentecôte ! Oui, mais... la Trinité ?

Et la formule apprise au catéchisme n'arrange rien : “Un seul Dieu en trois personnes”. Formule à résonance abstraite qui décourage l'émotion, la piété.

Bien davantage, si la doctrine de la Trinité se met à avoir l'air d'une mathématique céleste : 3 = 1, comme l’on dit en souriant, si croire à la Trinité, c'est croire simplement en un Dieu divisible par trois, il n'y a pas de quoi faire la fête.
Cependant, au delà de ces plaisanteries faciles, les artistes et notamment les peintres se sont essayés, avec talent souvent, à évoquer le mystère dans cette complexité trinitaire ! Mais aucune image, aucun tableau ne suffisent à dissiper le brouillard.

Alors, comment comprendre ?
Pour nous y aider, il faut d'abord dire et retenir que le mystère de la Sainte Trinité, avant d'être un dogme, fut et est toujours une expérience, celle des apôtres d'abord, celle des premiers chrétiens, et aussi l'expérience des chrétiens d'aujourd'hui, la nôtre.

L’expérience des apôtres ! Ils avaient hérité, bien sûr, de la foi de leur peuple, du peuple Juif. Une foi en un Dieu Unique qui s'était affinée au long des siècles si marquée par le polythéisme ambiant. Ils croyaient en ce Dieu Unique et le priaient en toute confiance, redisant les mots des psalmistes : Dieu est notre rocher, un abri, une forteresse, un chemin, une lumière. L’expérience des apôtres, c'était d'abord cela.

Puis, ils ont fait une autre expérience. Pendant trois ans, ils ont partagé la vie de Jésus. Impossible de résumer leur découverte. Retenons seulement qu'après la mort de Jésus, se souvenant de la manière dont il avait vécu, de la façon dont il était mort en aimant, en pardonnant, se souvenant des mystérieuses apparitions où ils l'avaient revu vivant, ils ont acquis la certitude que Jésus n'était pas seulement un prophète comme les autres, mais qu'il était “Seigneur” ("Kurios" disaient-ils, mot que l’on n'adressait qu’à Dieu). Ils ont osé croire et dire que Dieu lui-même s'était rendu visible dans l'existence de cet homme, son Fils. Quand il parlait, quand il agissait, c'était Dieu qui parlait et qui agissait.

Bien plus, ils furent persuadés que le Christ était encore et toujours avec eux par son Esprit qu'il leur avait promis en les quittant, cet Esprit qui leur donnait la force de proclamer son Nom partout, en dépit des difficultés.

Voilà l’expérience des apôtres en Dieu, Père, Fils, Esprit ! Une expérience avant d’être une définition ! Il est d’ailleurs à noter que le mot “Trinité” n'a jamais été prononcé, ni par les apôtres, ni parmi les premières générations chrétiennes, ce qui ne les empêchait pas de célébrer avec foi Dieu Père, Fils et Esprit.

C'est à la fin du 4ème siècle seulement qu'on a parlé de Trinité. Pourquoi ? Il a bien fallu, à cause des hésitations, à cause des erreurs sur la personne de Jésus et sur l'Esprit-Saint, traduire ce mystère dans un langage humain qui ferait référence.

Après de nombreuses péripéties, la foi des chrétiens se formule et se fixe au concile de Nicée et au concile de Constantinople.
A Nicée (325), on affirme que Jésus n'est pas une créature mais qu'il est vraiment Dieu, “Fils de Dieu”.
A Constantinople (351), on affirme que Dieu est “une seule nature en trois personnes”. Et c’est de ce Concile que l’on a hérité notre “Je crois en Dieu…”.

Notions, concepts, formules théologiques sont utiles pour traduire le mystère en langage de référence. Mais nous, nous sommes, nous devons être comme les apôtres. Notre foi en la Sainte Trinité, avant d'être un dogme et une formulation théologique, est une expérience, l'expérience des apôtres, une expérience transmise et relue par les générations chrétiennes.

Ainsi, nous ne prononçons pas souvent le mot de “Trinité”, mais nous prononçons souvent les noms du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Et quand un enfant de trois-quatre ans s’essaye à faire son signe de croix, il commence, lui aussi, à faire cette expérience du mystère de Dieu Père, Fils et Esprit, de Dieu qui se révélera à lui aussi de plus en plus.

Nous-mêmes, n’hésitons pas à revisiter ce signe de croix que nous faisons tous, reconnaissons-le, trop machinalement, en y voyant bien la croix mais pas toujours la Sainte Trinité.

Je ne sais pas où j'ai lu ce très beau commentaire mais je vous le livre:
- Au nom du Père, la main sur le front, le siège de notre intelligence. Et c'est de là que part notre vie. Nous affirmons, comme le faisaient déjà les apôtres, que le Père est source de la vie.
- Au nom du Fils, la main pratiquement sur le cœur, lieu symbolique de l'amour humain. Nous affirmons que le Fils nous a aimés jusqu'à vivre notre vie d'homme, jusqu'à donner sa vie. C'est l'Incarnation que nous affirmons ainsi, irréductible originalité de l'expérience chrétienne.
- Au nom du Saint-Esprit, la main d'une épaule à l'autre. C'est l'Esprit qui nous aide à porter témoignage du Christ dans tous les horizons du monde.
- Amen. Oui, j'y crois, c'est vrai, c'est solide comme un rocher, comme une pierre. J'y crois dur comme pierre.

Oui, nos prières, nos célébrations débutent par ce signe de la Sainte Trinité, parce que notre prière s'adresse au Père, au Fils et au Saint-Esprit, chaque jour, chaque dimanche, à la messe.

Et voyez : qu’est-ce qui fait le lien entre nous tous ici rassemblés ce matin ? On le dit dès le début de la messe : nous sommes rassemblés “au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit”. Et nous croyons qu’ainsi le Christ est au milieu de nous. “Quand deux ou trois sont réunis en mon Nom, a dit Jésus, je suis au milieu d'eux”.
La Prière Eucharistique célèbre bien la mort et la Résurrection du Christ, mais elle est adressée au Père, par Jésus et dans l'Esprit. Nous communierons tout à l'heure pour nous unir au Christ et c'est au Père que nous demanderons “qu'ayant part au Corps et au Sang du Christ, nous soyons rassemblés par l'Esprit-Saint en un seul Corps”.

Oui, le dogme peut nous sembler quelquefois complexe, mais notre expérience de croyant, même si elle balbutie souvent, ne nous trompe pas. “Dis-moi comment tu pries, je te dirai ce que tu crois”, disent les théologiens. Eh bien, nous prions le Père, le Fils et l'Esprit-Saint.

Avec la Trinité, nous entrons dans un pays aux dimensions humaines et divines tout à la fois, aux dimensions si diverses et multiples que l’Eternité même ne pourra tarir notre émerveillement.

dimanche 15 mai 2016

Souffle de vie !

Pentecôte 16/C

Pourquoi toujours traduire le latin “Spiritus Sanctus”  (ou le grec “Pneumo Agion”) par “Esprit-Saint” ? Ce serait plus beau et plus juste, me semble-t-il, de traduire par : “Souffle Saint”.
Si Dieu est à l'origine de tout, je comprends bien que l'on puisse l'appeler “Père”.
S'il est ce Dieu qui a tout partagé de notre vie comme un frère, lui qui nous a révélé son Père, j'aime bien reconnaître en lui le “Fils”.
Mais s'il est ce Dieu qui demeure en nous et nous donne la vie, pourquoi ne pas l’appeler habituellement le “Souffle saint” ? Souffle de vie, Souffle de vie divine !

Le mot “esprit” me semble avoir une consonance quelque peu cérébrale, aérienne, presque désincarnée. Alors que le mot “souffle” prend tout de suite une dimension réaliste, physique, presque charnelle, une dimension existentielle !

C’est d’ailleurs dans cette dimension que nous le découvrons dans la Bible ; et cela, dès le livre de la Genèse où il est question du "Souffle créateur".
St Jean en avait bien pris conscience : “Le vent souffle où il veut : tu entends le bruit qu’il fait, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né du Souffle” (Jn 3,8).

Et pour cet évangéliste, la “première Pentecôte” a lieu au Calvaire lorsque Jésus rend son Souffle ; il rend son Souffle comme Principe de la création des cieux nouveaux et de la terre nouvelle (Jn 19,30).
Et cette “première Pentecôte” annonce la “seconde Pentecôte”, comme corrélation dans le mystère pascal du Christ : elle se situe au soir du premier jour de la semaine lorsque le Christ ressuscité souffle sur les apôtres pour les envoyer en mission (Jn 20,22).
La “troisième Pentecôte” sera celle de la maison remplie d'un violent coup de vent, cinquante jours après Pâques, celle que nous célébrons aujourd’hui.                       
Le souffle, comme le vent, est invisible. Seuls sont visibles ses manifestations. St Paul l'explique très bien aux Galates en leur décrivant quels sont les fruits du "Souffle Saint" (Gal 5,22). Nous connaissons bien les trois premiers : “amour, joie et paix”. Mais les autres aussi sont importants : “patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi”.

Et pour ne reprendre que le premier fruit, cela signifie que s'il y a de l'"amour" quelque part - je pense bien sûr à l'amour véritable qui est engagement et non pas caprice -, le "Souffle Saint" est là. Nous le disons, le chantons particulièrement le Jeudi saint : “Là où est l’amour (la charité), Dieu est présent”. L’un des moines, fr. Christophe, mort à Tibhérine, en Algérie, écrivait dans l'un de ses poèmes : “Il y a de l'amour dans l'air... et je crois bien que c'est Quelqu'un”.

Ne croyez-vous pas que la vie serait tout autre si l'on s’évertuait à discerner tous les fruits de l'Esprit en nous et autour de nous ?
Le malheur est que nous faisons le plus souvent le contraire. Nous passons plus de temps à nous intéresser aux œuvres du “Diviseur” qu'à celles de l'Esprit.

Pourtant, des “pentecôtes” ont lieu tous les jours dans le cœur de beaucoup d’hommes. Et pas seulement dans l'Eglise, même si nous y pensons davantage en Eglise !
L'Esprit de Dieu souffle toujours et partout ; il est, a-t-on dit, le nom propre de la Grâce. Le Concile Vatican II l'exprime d'une façon claire et solennelle : “Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu connaît, la possibilité d'être associé au mystère pascal”, ce mystère qui sauve le monde ! (L'Eglise dans le monde§ 6).

L'Eglise n'est pas une institution comme les autres.
Elle a bien été “instituée” par Notre-Seigneur qui l'a fondée sur les douze Apôtres, à commencer par Pierre. Mais ils ont été vite dispersés dans l'épreuve. Ils ont été passés au crible comme le froment, selon une expression bien biblique (Luc 22,31). Ce n'est que dans le Souffle promis et reçu que l’Eglise a repris Vie.

Aussi, aujourd’hui comme hier, les chrétiens sont invités à contempler les œuvres de l'Esprit et à se laisser envelopper par ce "Souffle Saint".
C'est lui qui nous donne et nous donnera de vivre comme le Christ en nous rappelant tout ce qu'il nous a dit.
Il nous plongera dans cette Parole de Dieu qu’est le Fils de Dieu venu en ce monde.
Il nous donnera le regard, le style de vie et la force du Christ.

Il nous désencombrera de tout le superficiel. Le Seigneur Jésus désirait des troupes légères : “N'emportez pas trop de choses pour la route”. Nous en avons probablement trop ajouté à l'extérieur et aussi à l'intérieur de nous-mêmes, ce qui entraîne parfois à cette suffisance du Souffle humain qui s'oppose alors au Souffle divin. Mais le Souffle saint est le “Maître intérieur” et le “Père des pauvres”. C'est tout dire. Le reste nous sera donné par surcroît.

Oui, il est le "Maître intérieur". Par delà tous les commandements, toutes les prescriptions, toutes les manières et comportements de vie, il y a ce "Souffle divin" qui nous donne cette liberté dont parle souvent St Paul, la liberté des "enfants de Dieu" : "Seuls, disait-il, sont enfants de Dieu, ceux qui se laissent poussés, pressés - non pas tant par des prescriptions ou habitudes même nécessaires, mais - par l'Esprit de Dieu", par le Souffle divin !

dimanche 8 mai 2016

Jésus paaae

7e Dimanche de Pâques 16/C 

“Avant de passer de ce monde à son Père, Jésus pria ainsi : « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi ...  Je leur ai fait connaître ton nom : pour qu'ils aient en eux l'amour dont tu m'as aimé, et que moi aussi, je sois en eux »".

"Avant de passer…". Si nous parcourons l'ensemble des Evangiles, nous nous apercevons que bien des événements de la vie de Jésus se sont réalisés au moment où il était en route, où il faisait route, où il passait.
St Luc a rapporté avec justesse : "il est passé partout, en faisant le bien" (Ac. 10.38). - Et le passage de Jésus ne pouvait laisser indifférent.
- C'est l'histoire de Zachée. "Comme Jésus passait par Jéricho", il lui dit : "Zachée, il me faut aujourd'hui demeurer dans ta maison" (Lc 19.5). Et Zachée accueillit Jésus. Ce fut son bonheur pour toute sa vie.
- C'est l'histoire du Jeune homme riche. "Comme Jésus se mettait en route" (Mc 10.17), il s'adressa à lui. "Jésus le regarda et l'aima" (Id 21) - Mais lui - à cause de ses richesses ou simplement de son égoïsme - ne se mit pas à la suite de Jésus qui ne faisait que passer. Et il ne sera plus question de lui dans l'Evangile.                                                 
Oui, Jésus ne fait que passer. Sa mort et sa résurrection sont d'ailleurs appelés "passage" : Pâques. Et c'est ce grand passage de Jésus qui nous a fait naître à la vie même de Dieu, naître en l'amour que Dieu manifeste à son Fils et en celui que son Fils lui manifeste.

Oui, Jésus ne fait que passer pour nous prendre avec lui et nous faire passer à la vie-même de Dieu. Telle fut sa mission.

Et Jésus passe toujours, aujourd'hui, dans nos vies. A nous d'y être attentifs et d'avoir le courage de l'accueillir et de le suivre.
Oui, c'est certain, Jésus passe toujours, en nos vies.                        
- Ce peut-être une réflexion, une inclination à chercher le sens de la vie : c'est Jésus qui passe
- Ce peut-être un événement brutal - heureux ou malheureux- qui nous interroge : c'est toujours Jésus qui passe.
- Ce peut-être la rencontre fortuite d'un homme, d'une femme en qui Jésus se manifeste par sa bonté, sa compréhension : c'est Jésus qui passe.
Oui, Jésus ne cesse "de passer en faisant le bien" !

Jésus passe toujours en nos vies afin de nous inviter à la Pâques éternelle, à ce grand passage en la Vie même de Dieu, en cette Vie divine que Jésus veut nous faire connaître : "Je leur ai fait connaître ton nom, dit-il, et je le leur ferai connaître encore".

"Connaître Dieu !" Dans toute vraie rencontre, d'ailleurs, il y a toujours un enrichissement mutuel, une union de ceux qui se rencontrent. Aussi Jésus parle de connaissance : "Je leur ferai connaître ton nom". Une connaissance, c'est une "naissance avec" (cum gnoscw) !

"Je leur ferai connaître ton nom" :
- soit que cette connaissance ne puisse avoir lieu - hélas ! - parce que la rencontre n'a pas vraiment eu lieu ; et c'est le cas du "monde" qui n'a pas connu Jésus.
- soit que cette connaissance ait lieu ; c'est le cas des Apôtres et de tous ceux qui entendront la parole des Apôtres et qui se mettent à la suite de Jésus.                                                                                        
Et, dans le langage biblique, "connaître le nom" de quelqu'un, c'est beaucoup plus que de pouvoir l'appeler, c'est déjà participer à sa vie, à son intimité, naître à sa vie.
Aussi tous ceux qui font véritablement la rencontre de Jésus Christ et ainsi font la connaissance du Nom du Père, bénéficient alors de sa vie intime, c'est-à-dire de l'amour dont Dieu le Père aime son Fils et de l'amour dont le Fils aime le Père : "Je leur ai fait connaître ton nom pour qu'ils aient en eux l'amour dont tu m'as aimé, et que moi aussi, je sois en eux".

Ainsi Jésus priait-il : "Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi". - Etre "baignés", si je puis dire, dans la vie même de Dieu, dans l'amour même de Dieu, être "enserrés" par les liens d'amour qui unissent les trois Personnes de la Sainte Trinité, voilà quel peut être le fruit de la rencontre avec Jésus qui ne cesse de passer en nos vies, qui ne cesse de passer de ce monde à son Père, nous entraînant dans son sillage.

Mais évidemment, un amour qui ne produit rien, qui n'engendre rien, qui ne donne naissance à rien, conduit inexorablement à la mort : la chaîne de la vie se trouvera rompue à plus ou moins long terme. C'est une constatation que nous pouvons faire - hélas ! - au niveau simplement humain.
Et c'est ce qui se passe lorsque, ayant répondu aux avances de l'amour de Dieu, nous ne produisons aucun fruit, nous n'engendrons aucune vie. "Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière est impropre au Royaume de Dieu", dit Jésus en un autre passage de l'Evangile (Lc 9.62).

Aussi, la prière de Jésus, ici, est justement faite pour demander à son Père que nous soyons maintenus dans l'amour de Dieu, et que nous soyons également porteur d'amour, de "l’amour dont tu m'as aimé", dit Jésus.

On reconnaît celui qui aime par sa bonté, sa générosité, par le don de lui-même. L'égoïste se cramponne à ses seules satisfactions et plaisirs, sans réelle générosité : il est replié sur lui-même, égoïstement, orgueilleusement. Si nous avons en nous l'amour dont le Père aime le Fils et dont le Fils aime le Père, nous devons être capables de manifester autour de nous cet amour qui a poussé le Fils de Dieu à mourir pour nous sur la croix pour nous faire passer de ce monde - souvent égoïste - à son Père.                                                 
Quelle belle prière que celle de Notre Seigneur, prière qui nous interroge :
- Jésus ne cesse de passer en notre vie ! En avons-nous conscience ?
- Il veut nous faire connaître le Nom du Père, nous introduire en sa Vie, en nous entraînant en sa Pâques !
- Et le signe de sa Pâques, de son passage est d’accueillir, déjà, son amour pour le répandre autour de nous, de sorte que nous soyons prêts pour la Pâques éternelle !

Telle fut la prière de Jésus.
Telle doit être notre prière.


jeudi 5 mai 2016

Etre avec le Christ en sa gloire !

Ascension 2016 - Suivre le Christ avec Marie !

La fête de l’Ascension nous rappelle que Jésus est entré dans la gloire de son Père, et qu’il nous y attend. Il nous y attend ! "Je veux, priait-il au soir solennel du Jeudi-Saint, je veux - c'est la seule fois dans l'évangile où Jésus s'adresse à son Père en disant "Je veux" ; c'est donc son désir le plus fort ! -, je veux que là où je suis, ceux que tu m'as donnés soient eux aussi avec moi et qu'ils contemplent la gloire que tu m'as donnée !" (Jn 17.24).. Voilà ce à quoi nous sommes appelés par Jésus ; c'est notre vocation : être avec le Christ en sa gloire ! St Paul en avait bien conscience, lui qui disait : "Je voudrais bien m'en aller pour être avec le Christ !" (Ph. 1.23). Voilà bien notre destinée. En sommes-nous d'abord bien conscients ?

Et pour accomplir cette vocation - vocation baptismale, vocation religieuse -, il nous faut suivre Jésus. "Suis-moi !", dit-il à chacun de nous, comme il invitait si souvent ceux qui venaient à lui, pauvre ou riche. Si bien que St Jean nous dit à tous : "Il nous faut marcher comme lui-même, Jésus, a marché !" (I Jn 2.6). Il nous faut le "suivre" ! Et dès ici-bas pour entrer avec lui en sa gloire divine de ressuscité !

Et pour suivre le Christ jusqu'en sa gloire, je me permets de vous inviter - en ce lieu consacrée à Marie : La "Paix Notre-Dame" -, de vous inviter à regarder, à contempler Marie, elle qui, par un privilège de grâce, est déjà près de son Fils en sa gloire divine. Comme une mère, elle nous y attend, elle aussi. Elle aussi nous a laissé des conseils pour "marcher comme son Fils a marché", elle qui l'a suivi de si près et jusqu'à la croix, en attente de sa résurrection, en attente de sa glorification.
Oui, regardons Marie pour parvenir à ce bonheur éternel où elle-même se trouve désormais.

L'Evangile nous rapporte peu de paroles de Marie. Je vous invite à accueillir en vous-mêmes trois paroles que Notre-Dame a prononcées :

1. Le jour de l’Annonciation, quand elle a compris qu’elle serait le Mère du Messie, elle a dit tout simplement : “Je suis la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon sa volonté”.
Marie a toujours dit “Oui” à Dieu, à tout ce que Dieu attendait d’elle. Elle faisait partie du petit peuple de Nazareth, de ces gens très simples, habitués à s’entraider mutuellement.

En chaque instant de sa vie, Marie a été l’humble servante. Et c’est pourquoi elle a pu être la première collaboratrice de Dieu en vue du salut du monde.
 Elle faisait souvent partie de ce groupe de femmes qui suivaient Jésus et subvenait sans doute aux besoins matériels. Et elle sera au pied de la croix, toujours disponible, prête à tout, gratuitement, amoureusement. Humble servante !

Marie est bien le modèle de tout chrétien. Jésus dira plus tard : “Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir”. Marie, également, une femme comme toutes les autres, par sa vie et ses occupations quotidiennes, nous donne l’exemple de ce service et pour Dieu et pour les autres, de ce service permanent qui est chemin de vie, chemin vers la gloire du Christ ressuscité, toujours présent à nous-mêmes !

2. Aux noces de Cana, Marie s’aperçoit qu’il n’y a plus de vin. Elle le dit à Jésus, puis, se tournant vers les serviteurs : “Faites tout ce qu’il vous dira”.

Voilà bien ce que Marie nous dit, à nous aussi, quand nous la prions : Faites tout ce que mon Fils vous dit dans l’Évangile.
Marie nous renvoie sans cesse à Jésus, parce qu’elle a été créée pour Jésus. Dieu l’a préparée en vue de son divin Fils. En Marie, tout est référence à Jésus. Marie ne veut pas que nous nous arrêtions à elle - c'est le propre de l'orgueil cela -, mais que, par elle, nous écoutions Jésus et que nous nous attachions davantage à lui. Le rôle de Marie a été et est toujours de nous donner Jésus : elle nous renvoie sans cesse à Lui. Et aujourd'hui, elle veut déjà nous donner son Fils ressuscité, glorifié !

St Louis Marie Grignon de Montfort avait grandement raison : "Marie, disait-il, n'est faite que pour Dieu ; et tant s'en faut qu'elle arrête une âme à elle-même, qu'au contraire elle la jette en Dieu et l'unit à lui avec d'autant plus de perfection que l'âme s'unit davantage à elle. Marie est l'écho admirable de Dieu, elle qui ne répond que : "Dieu", lorsqu'on lui crie : "Marie"... Quand on a une fois trouvé Marie, et par Marie Jésus, et par Jésus Dieu le Père, on a trouvé tout bien".  On est sur le chemin de la gloire du Christ. Aussi, disons sans cesse ; "Je vous salue, Marie... Priez pour nous, maintenant et à l'heure de notre mort" qui deviendra avec vous jour de naissance en la gloire divine !

3. Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit exulte de joie en Dieu” !
Dieu nous a créés pour la vie. Dieu nous a créés pour la joie. Marie a goûté, durant sa vie, toutes les joies des jeunes filles, des fiancées, des épouses, des mamans.
- Elle fut certainement une petite jeune fille pleine de rires, pleine de gaieté, vive et joyeuse… …
- Elle fut une maman pleine d’admiration pour son enfant Jésus, toute dévouée pour lui.
- Elle connut, bien sûr, des moments de grande souffrance ; elle a suivi Jésus jusqu’au calvaire. Mais sa foi l’a aidée, soutenue, et, bien que ce ne soit pas dit dans l’Évangile, on peut supposer sa joie quand elle a retrouvé Jésus ressuscité après Pâques.
- Et maintenant, elle connaît la joie éternelle, près de son Fils glorifié !

Nous aussi, nous sommes faits pour la joie et nous nous surprenons à rêver d’une vie où les soucis auraient complètement disparu, où ce serait toujours la paix, l’entente et l’amitié fraternelle avec tous, où nous pourrions découvrir la beauté parfaite, la pureté parfaite, l’amour parfait.

Ce rêve ne vient pas toujours du besoin de nous évader d’un monde trop dur. Il surgit en nous, tout simplement parce c’est là notre avenir, l’avenir pour lequel Dieu nous a faits, l’avenir que nous devons préparer dès maintenant dans notre vie quotidienne, l’avenir qui est devenu pour la Vierge Marie Vie en son Fils glorifié, Vie que nous avons déjà reçue et qui doit totalement s'épanouir en nous à l'heure de notre jour éternel

En ce jour de l'Ascension, prions, ici, Marie qui est entrée la première dans ce monde qui nous est ouvert depuis la résurrection et l'ascension de Notre Seigneur, en ce monde divin où seront réalisées d’une manière définitive toutes nos aspirations à la vie, à la beauté, au bonheur et à l’amour.

Marie ne cesse de nous dire :Mon âme exalte le Seigneur ; mon esprit exulte de joie en Dieu”. Et avec elle, Nous sommes sûrs de chanter éternellement ce même refrain !  

Oui, prions Marie, contemplons-la ! Elle ne cesse de nous indiquer le chemin de la gloire divine :
- servir : “Je suis la servante du Seigneur” !
- suivre le Christ : “Faites tout ce qu’il vous dira” !
- rendre grâce, exulter de joie en Dieu !  Déjà aujourd'hui et éternellement avec Marie qui nous conduit en la gloire du Christ ressuscité !

mardi 3 mai 2016

Voir et faire voir !

Sts Philippe et Jacques - 3 Mai  2016

Pendant des siècles, Sts Philippe et Jacques ont été fêtés au 1er mai, jour où leurs reliques furent transférées dans la basilique romaine des Douze apôtres. C'est en 1955 que, Pie XII ayant instauré la solennité de St Joseph travailleur au Ier Mai, leur fête fut transféré au 3 Mai.

Philippe était de Bethsaïde, comme André et son frère Pierre. Avec André, il fut l'un des premiers à qui Jésus demande : "Suis-moi !". Il le suivit ; et vite, il évangélise Nathanaël : "Nous avons trouvé le Messie... viens et vois !" (Jn 1. 45-46). Peu avant la Passion, des Grecs qui veulent voir Jésus, s'adressent à lui : "Nous voulons voir Jésus." (Jn 12. 20). Et au soir de la dernière Cène, c'est Philippe lui-même qui veut voir Dieu : "Montre-nous le Père et cela nous suffit. - Philippe qui me voit, voit le Père", lui répond Jésus. (Jn 14.8). Philippe est bien le disciple qui veut voir et fait voir... !  Puissions-nous lui ressembler !

Jacques est moins connu. Les exégètes distinguent plusieurs Jacques autour du Seigneur. Jacques le Majeur, fils de Zébédée et frère de Jean. Jacques fils d'Alphée dont on sait seulement qu'il fut apôtre, et celui-ci, Jacques, "frère" du Seigneur, c'est-à-dire de sa parenté et originaire de Nazareth. Il aurait dirigé l'Église de Jérusalem à la demande expresse de Jésus si l'on en croit St Jérôme et St Epiphane (?!).

Il fut favorisé d'une apparition spéciale du Sauveur ressuscité dont St Paul se fait l'écho, et dans laquelle, selon St Clément d'Alexandrie, lui fut communiqué de manière particulière le don de science.
En effet, évêque de Jérusalem, il jouit d'un prestige particulier et d'une autorité considérable :
- C'est à lui que St Pierre veut que l'on annonce d'abord sa délivrance après son emprisonnement.
- C'est lui qui contrôle la doctrine et la mission de Paul ;
- C'est lui qui, au concile de Jérusalem, résume le discours de Pierre et règle ce qui doit être observé lors de la conversion des païens ;
- C'est encore chez lui que Paul, lors de son dernier voyage à Jérusalem, rend compte de sa mission..
- Enfin, selon la tradition, il serait l'auteur de la "Lettre de St Jacques".

L'historien juif Flavius Josèphe et Eusèbe de Césarée mentionnent son martyre par lapidation, près du temple. On dit que le dernier coup porté contre lui le fut avec un foulon. Aussi est-il souvent représenté avec cet instrument de son supplice.

Si l’on ne sait pas grand chose du culte que l’on rendit primitivement à St Philippe, en revanche, on sait que l’on montrait à Jérusalem, au 4ème siècle, la chaire épiscopale de St Jacques. Et au 6ème siècle, une église de Jérusalem passait pour avoir été construite sur l’emplacement de sa maison.

Les traces du culte des Sts Philippe et Jacques semblent assez tardives en France... Pour la petite histoire, on sait qu'au 17ème siècle, près de Paris, dans le quartier misérable du Roule, une chapelle était consacrée à St Jacques. Erigé en faubourg en 1722, ce quartier du Roule qui était alors "de tous les faubourgs de Paris (…) le plus négligé et le plus malpropre" fut peu à peu nettoyé, puis transformé par la construction de beaux hôtels dont celui de la marquise de Pompadour qui, on le sait, deviendra le palais de l’Elysée ! Puisse le premier évêque de Jérusalem inspirer les habitants de cette illustre demeure !

Plus sérieusement, la fête de ces deux apôtres doit nous aider à prendre conscience des appels du Seigneur. Certes, nous ne pouvons nous comparer aux Douze apôtres, mais il n’en demeure pas moins que le Christ, par notre baptême, (consécration religieuse), a fait de nous des témoins de la Bonne Nouvelle du salut. Cette Bonne Nouvelle, cet Evangile, comme nous le rappelle St Paul (lecture), nous l’avons reçu tout comme les Corinthiens. Aussi, fêter. les Apôtres, c’est toujours revenir aux racines de notre foi pour être renouvelés dans notre appartenance au Christ et faire grandir l’authenticité de notre témoignage.

Et tout apôtre, quel qu'il soit - simple baptisé - doit entrer dans une démarche de foi. Car seule la foi nous permet de reconnaître en Jésus "le chemin, la vérité, la vie" (Cf. Evangile) qui finalement résume bien la Bonne Nouvelle du Salut que l’apôtre est chargé d’annoncer.
- Annoncer que Jésus est bien le "chemin", seul capable de nous mettre en relation avec le Père :
- Annoncer que Jésus est "vérité", cette vérité qui manifeste en plénitude l’amour du Père pour tout homme ;
- Annoncer que Jésus est "vie" parce que seul capable de nous transmettre la Vie même de Dieu !

On comprend alors cette parole de Jésus adressée à Philippe : "Qui me voit, voit le Père". Jésus renvoie au Père, Jésus conduit au Père car il ne fait qu’un avec le Père comme le Père ne fait qu’un avec lui. Cette mutuelle immanence du Père dans le Fils et du Fils dans le Père ne peut être reçue que dans la foi. Voilà pourquoi Jésus exhorte Philippe à croire : "Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi" -  "Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père, et le Père est en moi". Ce qui revient à croire en la divinité de Jésus, Fils du Père.

Et Jésus de préciser l'efficacité de cette foi : "Amen, je vous le dis : celui qui croit en moi accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père !".

Que veut dire Jésus par cette affirmation : accomplir de plus grandes œuvres que lui ?
Certes, dans le livre des Actes des apôtres, nous voyons que "beaucoup de signes et de prodiges se réalisaient par les mains des Apôtres". (Ac 2,43) : guérisons multiples et même résurrections...
Certes, au cours des siècles, beaucoup d'hommes et de femmes, ayant cru en Jésus, ont accompli de grandes œuvres... Combien de Saints on fait des merveilles. Pensons tout simplement à St Siméon Berneux que nous avons fêté récemment en notre diocèse, en notre région !

Mais il ne s'agit pas ici d’opérer des miracles encore plus prodigieux que ceux de Jésus. Non, Jésus veut dire qu’une fois ressuscité et exalté à la droite du Père, celui qui mettra sa foi en lui pourra mener à leur accomplissement les signes qu’il a annoncés dans l’évangile : "donner la vie aux croyants" (Jn 17,2),
- Etre avec Jésus "chemin" qui conduit au Père :
- Etre avec Jésus "révélateur" de l’amour du Père pour tout homme ;
- Etre avec Jésus médiateur de la Vie même de Dieu !
St-Augustin avait raison d'affirmer en commentant la phrase de Notre Seigneur : "C’est une œuvre plus grande de faire d’un pécheur un juste, que de créer le ciel et la terre ; le ciel et la terre passeront, mais le salut et la justification des hommes demeureront à jamais !".

La condition pour accomplir l'œuvre de Dieu, c'est donc la foi. Et la foi, c'est "être en Jésus", si je puis dire, comme Jésus "est dans le Père" !
Aussi, pour terminer, je vous transmets le grand désir de Mère Térésa au soir de sa vie - un texte que j'ai reçu dernièrement avec gratitude - :
"Je veux vous dire combien Jésus a d'amour pour chacun d'entre vous, au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer. Je m'inquiète de ce que certains d'entre vous n'aient pas encore vraiment rencontré Jésus seul à seul : vous et Jésus seulement. Nous pouvons certes passer du temps à la chapelle ; mais avez-vous perçu - avec les yeux de l'âme - avec quel amour il vous regarde ? Avez-vous fait vraiment connaissance avec Jésus vivant, non pas à partir de livres - ce qui est souvent occasion d'un orgueil vraiment mal placé -, ...avez-vous fait vraiment connaissance avec Jésus vivant pour l'avoir hébergé dans votre cœur ? Avez-vous entendu ses mots d'amour ? Demandez sa grâce : il a l'ardent désir de vous la donner. Tant que vous n'écouterez pas Jésus dans le silence de votre cœur, vous ne pourrez pas l'entendre dire "J'ai soif" dans le cœur des pauvres...".

Entendre ce cri d'amour de Jésus pour soi-même et pour tout homme : "J'ai soif !". Entendre ce cri et y répondre !  Voir l'amour de Dieu, voir et le faire voir, comme Philippe !

Seigneur, daigne nous accorder, à l’exemple de tes Sts apôtres Philippe et Jacques, de garder nos cœurs sans cesse tournés vers toi pour t’offrir ceux vers qui tu nous envoies afin que notre témoignage auprès d’eux puisse porter un fruit de salut pour la vie éternelle. Fortifie notre foi pour que déjà toute notre existence annonce que toi seul est "chemin, vérité et vie". C’est ce que nous avons reçu de toi et qu’à notre tour nous voulons transmettre au monde comme parole d’espérance qui porte en elle le salut.

dimanche 1 mai 2016

Absence - Présence !

6e Dimanche de Pâques 16

Cet évangile fait partie du discours d'adieu de Jésus, le jeudi au soir, veille de sa mort. Les amis de Jésus sont “bouleversés et effrayés”, selon la remarque de Jésus. Mais ce soir “unique” où Jésus annonce son départ, n'est-il pas le symbole de la situation typique dans laquelle se trouvent tous les hommes face au problème de Dieu ?

Les Apôtres, ce soir-là, se demandent ”où va Jésus”. Ils ne savent pas le chemin pour” le rejoindre”. 
Les hommes ne savent toujours pas ! Et nous-mêmes ? - Et l'humanité continue toujours à se poser ces lancinantes questions : “Où est Dieu ?” - “Comment l'atteindre ?” L’actuelle indifférence religieuse n’est sans doute pas une position très réfléchie, mais plutôt une position “de fait” devant la difficulté réelle de “rencontrer” Dieu. Et nous-mêmes, souvent, nous laissons Dieu de côté... comme s'il n'existait pas ! Bien plus, l'impression d'être parfois devant un silence, le “silence de Dieu” a découragé tant de nos prières que nous finissons par ne plus prier.

Ecoutons aujourd'hui Notre Seigneur avec l'oreille de notre cœur : "Je m'en vais... et je reviens...", dit-il !   Absence - présence tout à la fois !
Ce passage d'évangile de ce jour est justement présenté par Jean comme la réponse de Jésus à une question d'un Apôtre, Jude : “Seigneur, comment se fait-il  que tu ne te manifestes qu'à nous, et non pas au monde?”

Les juifs, (comme nous-mêmes parfois et nos contemporains), se faisaient de Dieu une idée de “puissance”. On attendait alors (et on attend toujours) un Dieu qui se montre un peu plus, un messie politico-puissant, qui triompherait de ses ennemis et résoudrait facilement problèmes, ennuis, questions.
D'ailleurs, les Apôtres eux-mêmes, à plusieurs reprises, ont demandé à Jésus de jouer ce rôle “royal”, triomphant. Telle est la conception que, parfois, nous nous faisons de Dieu.

Or, Jésus s'est montré tout autre. Dieu, en Jésus, s'est révélé divinement respectueux de la liberté de ceux qu'il aime. L'amour ne “force” pas, ne contraint pas. Toujours, Jésus propose : “si tu veux...”. Dans une de ses paraboles, il mettra en scène un “père” qui laisse partir loin de lui son enfant. Et il sera toujours en attente de son retour...

L'infinie discrétion de Dieu, qui ne s'impose à personne, est une des caractéristiques de son amour. Le même évangéliste Jean représente Dieu, dans son apocalypse, sous les traits de “l’ami qui vient un soir frapper à notre porte, et qui attend, dehors, qu'on lui ouvre, pour entrer et prendre le repas en tête à tête avec nous”. (Apc. 3/20).

1) Aussi, évoquant son futur état de ressuscité, Jésus parle, de manière assez curieuse, de “présence-absence” :“Je m'en vais, et je reviens...”. Par là, ne veut-il pas évoquer l'une des expériences les plus universelles de l'amour ? Quand on aime quelqu'un, ne nous arrive-t-il pas, même en son absence physique, de nous surprendre à lui parler, comme s'il était là..., de “sentir” sa présence, alors qu'il est absent.
La présence de Dieu doit être de ce genre-là, plutôt que du genre “théophanie bruyante au milieu des éclairs et du tonnerre”, comme ce fut le cas pour Moïse et les Hébreux au désert. Mais c'était alors comme un premier langage de Dieu pour mieux réveiller la conscience humaine errante et dévoyée. Mais Dieu n'agit pas toujours ainsi tellement il veut respecter notre conscience intelligente !
Il nous faut donc, d'abord, abandonner l'idée naturelle que nous nous faisons de Dieu..., renoncer à Lui attribuer spontanément ce rôle dominateur, si pratiqué entre les hommes ! Il ne se manifestera pas spectaculairement, comme le Lui demandait Jude..., il est “l'ami” qui part et qui revient, l'ami qui frappe à la porte et attend..., sans forcer la porte !

2) Et Jésus ajoute : “Si quelqu'un m'aime... nous viendrons chez lui...”. Il s'agit donc d'une présence aimante, de cet amour dont parle si souvent St Jean ! Une présence d'amour !
Voilà la seule manifestation que Dieu a décidé de faire. Il vient habiter au cœur de ceux qui l'accueillent et croient en lui. Autrement dit, il ne sera reconnu comme présent que par ceux qui l'aiment... comme sont présents à nos vies les absents que nous aimons... ! Pour tous les autres, Dieu semble, de fait, absent !

Cette affirmation de Jésus est la dernière et la suprême révélation de toute la Bible. Dans quelques minutes, Jésus va se taire. On va le tuer. Mais auparavant, dans une dernière confidence, il révèle ce que toute l'Écriture annonçait, prophétisait, proclamait : les fils d'Adam, même pécheurs, sont appelés à devenir “demeure de Dieu”. “Si quelqu'un m'aime, mon Père l'aimera, et nous viendrons chez lui, et nous irons demeurer auprès de lui.”

Les juifs, à travers le Temple de Jérusalem, éprouvaient sincèrement une présence réelle de Dieu. Leur attachement au Temple exprimait cette conviction d'être devant la “shekinah”, la “présence ineffable” de Dieu.
Mais nous savons que Dieu n'est pas d'abord présent dans les pierres que nous lui édifions, dans nos églises. Le vrai Temple, celui qui “fut détruit et relevé en trois jours”  (Jn 2/19), c'est le “Corps” du Christ. En Jésus habitait ”corporellement la divinité” (Col. 2/9). Qui voyait Jésus voyait le Père (Jn 12/45). Jésus a vraiment réalisé une “présence réelle” de Dieu, comme le Temple de Jérusalem ne l'avait jamais pu

Mais ici, l'évangile va encore plus loin, en nous disant, en osant nous dire, qu'à partir de son départ, la présence de Jésus sera assurée par les chrétiens, par ceux qui l'aiment. Les croyants deviennent, doivent devenir les nouveaux lieux de la ”présence de Dieu”... la nouvelle ”demeure” de Dieu !

3) Et Jésus ajoute encore : “Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole... “
La présence d'une parole vécue !
Si Jésus a fait allusion à la présence de “l'ami”, de celui qui aime, il prend maintenant une autre expérience humaine toute simple. Entre ceux qui s'aiment, il y a dialogue, écoute, parole, il y a communication spirituelle. Rien de pire, pour nos amours humaines, que certains silences qui durent et durent encore ! C'est ainsi, hélas, que l'amour meurt parfois.

En faisant allusion à sa parole, écoutée, accueillie, aimée, Jésus nous donne une des clefs de toute vie chrétienne. La parole de Jésus, (Evangile), la parole de Dieu, (la Bible)... sont comme des sacrements de la présence de Dieu. ”Notre cœur n'était--il pas brûlant, tandis qu'il nous parlait en chemin.?”, s'exclamaient les disciples d'Emmaüs. C'est un fait : nous n'avons pas la présence physique, humaine de Jésus, mais, pour qui l'aime, quelle merveille d'avoir sa pensée, sa parole !

Notons toutefois que Jésus ne parle pas seulement d'une parole reçue intellectuellement... C'est déjà bien, certes, mais non suffisant !  Il parle d'une parole ”à laquelle on est fidèle”, d'une parole mise en pratique ; d'une parole qui, étant vécue, rend réellement présent, concrètement, celui qui la prononce. Vivre “selon une parole” d'un autre, c'est, pour ainsi dire, le rendre présent à travers nos propres comportements qui correspondent à ce qu’il pense.

De plus, la “parole” de JÉSUS n'est pas seulement une chose..., un son, mais quelqu'un ! ”L'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.”

Jésus parti, il y a un autre qui vient prendre le relai de la” parole”, une sorte de répétiteur divin, l'Esprit. Ainsi, nous ne sommes pas seulement devant l'accueil global et abstrait d'une pensée, d'une parole : il y a une personne qui est là, et qui, vivant en nous, nous la redit.

J’évoquais, au début, l'impression que nous avons d'un Dieu absent Et je faisais l'hypothèse que l’indifférence religieuse est la conséquence comme naturelle de cette “absence”.

Si nous ne pouvons combler pleinement cette absence, du moins, aujourd’hui, sachons écouter Jésus qui nous révèle les moyens que nous avons d'entrer en contact avec le Père :
- c'est une question d'amour, nous a-t-il dit... : "Si quelqu'un m'aime...".
- et, ajoute-t-il, si vous n'éprouvez pas ma présence, passez donc un peu de temps à méditer ma parole... ! Et si vous m'aimez, vous aurez ce souci de communier à mes paroles... Ne vous attendez pas à une présence bruyante et éclatante : écoutez... écoutez, ne faites pas de bruit... je suis là au plus intime... je demeure en vous... !
- c'est une présence “spirituelle”, en ce sens qu'il s'agit de la présence de mon Esprit - l'Esprit-Saint - en vous !.

Finalement, Dieu ne cesse d'être présent.   Mais, c'est peut-être nous qui, pour Lui, sommes absents !