dimanche 31 juillet 2016

Argent !

Argent ! Pouvoir !

Nous prions aujourd'hui pour le P. Jacques Hamel, assassiné !
Nous prions pour tous les chrétiens assassinés de par le monde !
Avec tous les croyants, nous prions pour toutes les victimes du terrorisme !
Et, avec Notre Seigneur, nous réfléchissons aujourd'hui sur les méfaits possibles de l'argent, du pouvoir... jusque chez nous, jusqu'en notre cœur !

18e Dim. T.O. 16.C  :

Les querelles d'héritage sont de tous les temps ! “Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage !”.  
Jésus vient de dire d'appeler Dieu "Notre Père !" (Cf. Dimanche dernier). Et voilà qu'on lui parle de contentieux, de querelle d’argent entre frères !
Jésus est venu proclamer : Au nom de Dieu, votre Père, soyez des frères les uns pour les autres ! Et voici qu'un homme lui dit qu’avec son frère, il y a un litige d'argent !

C’est de tout temps ! Dans des familles très unies, la division peut survenir lors d'un héritage ! On se fâche et on ne se parle plus ! Tant que vivait celui dont la succession est ouverte, on vivait en paix ! Et voici que brusquement, une crise éclate : l’amour de l'argent l'emporte sur l'amour de ses frères !

La réponse de Jésus va droit au cœur du problème : “Gardez-vous de toute âpreté au gain !”. Cette sentence rejoint bien des passages de l'Evangile :
- Au jeune homme riche, Jésus conseille : "Va, vends tes biens ; distribues le produit aux pauvres ; puis, viens et suis moi” (Lc 18.22).
- A la foule qui se presse pour l'écouter, Jésus proclame : ”Bienheureux les pauvres” (Mth 5.3) !
- A nous tous, Jésus dit : “Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent !" (Mth 6.24). ... Il faut choisir ! Souvent, Jésus revient sur cet avertissement : “Gardez-vous de toute âpreté au gain”.

On peut penser, bien sûr, à St François d'Assise auquel fait si souvent allusion le pape François ! Il vivait dans la brillante civilisation italienne du 13ème s. Mais il avait entendu la parole de Jésus : “Vends tes biens et suis-moi !”... Sa famille était très chrétienne ! Tous ses membres connaissaient l’Evangile. Mais, en lui, François, l'appel à vivre pauvrement, à partager, avait retenti si profondément qu’on était scandalisé par ses largesses. A1ors, il vint avec son père devant l'évêque d'Assise. Là, il se dépouilla de ses beaux vêtements et se vêtit d'une sorte de sac, signifiant ainsi qu'il rompait avec le monde de l'argent et du confort. Désormais, on l'appellera “le petit pauvre d'Assise”.

A la même époque vivait un autre grand Saint, très riche, un puissant Seigneur disposant de grands biens, St Louis, roi de France. En l'un et l'autre, leurs contemporains d'abord, puis toutes les générations ont vu le reflet de l'Evangile. L'un et l'autre, le petit pauvre et le puissant roi ont été des saints !

Alors, devant ces deux exemples, le riche et pauvre, une question demeure : Comment être chrétien ? St Paul répondait déjà : “Usez des biens de ce monde comme n'en usant pas” (I Co.7.31). Autrement dit : n'y mettez pas votre cœur. Et cela a été le fait de St Louis comme de St François.

On comprend que devant la difficulté de se servir de l'argent sans en être esclaves, certains - tels beaucoup de religieux - aient envisagé une solution radicale en renonçant à toute possession. Mais il est bien évident que tous les chrétiens ne peuvent s’engager dans cette voie. Toutefois l'exemple des pauvres pour le Christ nous aide à réfléchir.

Jésus, lui, est né dans le dénuement d'une crèche comme un pauvre parmi les pauvres. Cependant nous voyons venir à lui, à la fois, des bergers et des rois, des pauvres et des riches, tels Nicodème, Joseph d'Arimathie. Lui-même partageait avec ses disciples une “bourse commune”. Cela fait partie des nécessités de la vie.

Comment donc se comporter ? Il faut bien vivre et faire vivre sa famille ! Pour cela, la nécessité d’argent invite à travailler. Il faut “gagner” sa vie ! D’ailleurs le travail répond à un appel de Dieu. Car, qui pourrait accepter de vivre aux dépens des autres ? St Paul lui-même le déclare : “Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus” (2 Thess 3.10).
De plus, étant donné les aléas de l'existence, il est normal de chercher à pouvoir faire face à d'éventuels mauvais jours. C'est de l'avenir des siens qu'il s'agit. On ne peut se désintéresser ni du présent, ni de l'avenir de ceux dont on a charge.

Ces évidences doivent être rappelées ; elles soulignent cependant que l'argent, la possession de quelque bien, n'interviennent ici que comme des intermédiaires, des moyens. Ils ne sont pas un but.

Le livre des Proverbes propose une belle prière à ce sujet, préparant celle de Jésus sur le pain nécessaire à chaque jour.
“J'implore de toi deux choses :
Ne me donne ni pauvreté ni richesse.
Laisses-moi goûter ma part de pain,
de crainte que comblé je ne me détourne de toi et ne dise : "qui est le Seigneur ?",
ou encore qu'indigent, je ne vole et ne profane le Nom de mon Dieu !"..

La misère, l'indigence ne sont pas normales ; elles sont inhumaines. Mais, inversement, la richesse devient vite une tentation, celle d'aimer l'argent, et c'est ici que retentit la sentence de Jésus : "Nul ne peut servir deux maîtres : Dieu et l'argent".

L'âpreté au gain nous guette tous, d’une manière ou d’une autre. Chacun souhaite l'augmentation de ses revenus, même au-delà du nécessaire. Il est bien difficile de déterminer dans ce désir la part d'un souci légitime et celle d’une tentation si subtile que Jésus a cru bon nous avertir : “Vous ne pouvez pas servir Dieu et l'argent”.

Alors, que faire ? Peut-être que Jésus nous dirait : l’argent est nécessaire, mais sachez aussi regarder votre prochain, sachez partager !

Un jour, j'ai été très édifié par un jeune couple qui, me semble-t-il, n'affichait pas de grandes convictions chrétiennes, au demeurant. Ils avaient des ressources disons normales - “ni plus ni moins” -. Or, ils venaient de recevoir un héritage assez modeste. Mais ce dont je me souviens très bien, c'est qu'ils désiraient utiliser cet héritage au profit de leur famille, bien sûr - ils avaient déjà trois enfants ! -, mais, également, pour une part, au profit de plus déshérités qu'eux-mêmes ! Et ils me demandaient conseil !

Oui, quelles que soient nos ressources, apprenons à regarder notre prochain. Il faut savoir donner, partager et le plus discrètement possible : “que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite” (Mth 6.3). Que l’argent soit aussi un moyen d’aimer nos frères !

Il y a quelques années, un religieux allait mourir. Ses trois neveux et nièces étaient près de lui. Tous, après de brillantes études, avaient de “belles situations”… Leur oncle leur dit sa joie de voir leur avenir plein de promesses ! Puis il ajouta : "Voici mon testament ; il est court". Après un instant de silence, il dit : "N'aimez pas l'argent !"

Il était évident que nul de ces neveux n'était destiné à vivre dans la misère. Il ne leur demandait pas d'y renoncer. Il leur adressait seulement la mise en garde que formule l'évangile. Il leur livrait un secret, celui d'une existence vécue d’abord… sous le regard de Dieu !
Il avait raison : N’aimons pas l’argent ! C’est ce qui nous permet d’aimer Dieu et notre frère !


mardi 26 juillet 2016

Miséricorde divine !

26 Juillet - Sts Joachim et Anne

Heureuse coïncidence !
Ce jour de la fête de St Joachim et de Ste Anne est le 1er jour des "Journées mondiales de la Jeunesse" à Cracovie, "Journées" que le pape François - en souvenir de St Jean-Paul II et de Ste Faustine - a voulu mettre sous le signe de l'année jubilaire de la Miséricorde divine.
                             
"Quelle est grande la Miséricorde du Seigneur !" (Si 17.29).
Toute la Bible le proclame. Le prophète Osée - et le grand Isaïe à sa suite - ira jusqu'à dire que le cœur de Dieu est "retourné" - "transpercé", précisera Zacharie - à la vue des péchés des hommes et du mal immense qui, en conséquence, se répand sur la terre.
Selon Isaïe et des commentaires juifs (midrash), Dieu, alors, "pleure en secret", comme Jésus a pleuré sur Jérusalem !

Et, justement, St Joachim et Ste Anne - avec leur fille, la Vierge Marie - ont été les instruments de la Providence divine qui a voulu nous donner en Jésus - Verbe de Dieu incarné - un visage humain à sa grande Miséricorde. Jésus a pleuré sur la misère de l'homme, comme a Gethsémani.

Désormais, à l'exemple de Jésus, à l'exemple de Dieu, il nous faut manifester cette grande Miséricorde divine. Jésus nous l'indique lui-même, au seuil de sa vie publique : "Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde !". Il n'y a pas d'autre alternative : "Notre Dieu fait miséricorde" (ps. 116.5) ; et il veut que nous exercions cette même miséricorde envers nos frères !

Le message de ce jour à Cracovie est celui de Jean-Paul II : "Il faut transmettre au monde ce feu de la Miséricorde... Soyez des témoins de la Miséricorde !". Et le jour de la clôture des JMJ - Dimanche -, on mettra en exergue cette phrase de Notre Seigneur à Sr Faustine : "Parle au monde entier de ma grande et insondable Miséricorde" !

Prions aujourd'hui, tout spécialement Sts Joachim et Anne, grands intermédiaires de la Miséricorde divine à notre égard. Prions-les pour que nous recevions nous-mêmes la Miséricorde de Dieu avec grande humilité ; car il n'y a pas d'autre moyen comme l'avait bien compris le roi David lui-même : "Selon ta grande Miséricorde, efface mon péché !". C'est alors que nous pourrons mieux transmettre cette Miséricorde divine à nos frères qui, si souvent, sont en état de désespérance !

"La miséricorde est une limite que Dieu impose au mal !" (Pape François). Soyons donc les collaborateurs du Seigneur pour repousser le mal avec l'instrument de la Miséricorde divine !

Saint Jacques !

25 Juillet - St Jacques

St Jacques était le frère de Jean, tous deux fils de Zébédée, patron pêcheur sur le lac de Kinnereth.

Jésus (selon Marc) avait d’abord appelé Pierre et son frère André, pécheurs, originaires de Bethsaïde. Ils travaillaient sans doute avec un voisin, un certain Zébédée, père de Jacques et Jean. Marc précise après l’appel du premier apôtre et de son frère : “Avançant un peu, il vit Jacques et son frère Jean qui étaient dans leur barque“, eux aussi ! (Mc 1.19).

De simples pécheurs ! De très simples gens ! C’est dans l’humilité d’une vie humaine toute simple que va naître la grande Eglise Universelle. C’est souvent la méthode de Dieu ! Il prend des personnes les plus simples dans un coin caché pour les répercuter à travers le monde entier : ce sont de simples pêcheurs qui deviennent pêcheurs d’hommes ! Des promotions étranges, paradoxales qu’on trouve à travers toute la Bible, à travers toute l’histoire de l’Eglise ; des “pâques“, en quelque sorte, qui font passer du concret, du singulier le plus banal à l’universel le plus merveilleux, qui font passer de l’homme à Dieu !

Et Marc d'ajouter : Laissant dans la leur père Zébédée avec ses ouvriers, ils partent à sa suite !“ (1.20). Oh ! Certes ! Un peu d’ambition humaine avait dû se mêler et se mêlera au zèle pour le Royaume de Dieu. Cependant, ils laissèrent tout !

Jacques appartient au petit groupe des intimes du Seigneur avec Pierre et Jean : il fut témoin de la résurrection de la fille de Jaïre, de la Transfiguration du Seigneur. Jésus les avait encore choisis pour veiller avec lui au jardin de l’agonie… Mais ils s’endormirent ! C’est souvent notre cas !

Cependant, Jacques eut-il l’honneur d’être le premier des apôtres à offrir sa vie pour l’Evangile“, comme le disent les oraisons de sa fête. C’est sans doute la raison du choix de la lecture d’aujourd’hui. St Paul a fait l’expérience qu’à chaque moment de sa vie d’apôtre, offerte, il meurt et il ressuscite : toujours pressé mais non écrasé, terrassé mais non anéanti, pourchassé mais non abandonné, livré à la mort mais pour que la vie du Christ se manifeste. Et il sait, Paul, qu’à l’exemple de St Jacques, il tombera en terre comme un grain de blé, mais pour une fécondité extraordinaire, impensable…

Nous savons que nous-mêmes, nous sommes des "poteries sans valeur", des “vases d’argile“ très fragiles. Mais dans ces “vases“, dans les “poteries“ que nous sommes, il y a un trésor. Et quand les cruches cassent, ce trésor qui est lumière de résurrection assure la victoire immensément et éternellement plus importante que celle qu’avait remportée Gédéon sur Madian et à laquelle pensait certainement St Paul en faisant allusions à ces "cruches" que l'on casse pour libérer la lumière qu'elles contiennent... !
Oui, nous sommes des vases d’argiles qui contiennent un trésor : le Christ !

Oui, dirait St Jacques lui-même - premier apôtre martyr -, depuis notre baptême, nous portons un trésor dans des "poteries" sans valeur ; et on voit bien ainsi que la puissance extraordinaire que nous avons ne vient pas de nous, mais de Dieu ! Ce n’est pas là une spiritualité réservée aux saints. C’est la spiritualité la plus élémentaire : celle du baptême, celle du martyre, autrement dit celle du mystère pascal. Et si notre homme extérieur part en ruine, notre homme intérieur se renouvelle sans cesse à l’image du Créateur ! Autrement dit, nous sommes appelés à mourir jeunes pour entrer comme des tout petits dans le Royaume de Dieu.

Je suis invité à fêter prochainement, à Solesmes, les 50 ans de mariage de paroissiens, des amis. Tous les deux ont traversé beaucoup d'épreuves diverses. Mais tous les deux ont gardé un tempérament de jeunes, lui avec un éternel sourire d'enfant, elle avec ses spontanéités toutes juvéniles. Et, je conclurai mon "mot" d'ouverture à la cérémonie, en invitant les jeunes générations à suivre leur exemple, en leur disant ce fameux mot de St “Quaerite ergo, o juvenes, Christum ut juvenes maneatis !“ – “Cherchez donc le Christ, jeunes gens, pour rester jeunes !“.

dimanche 24 juillet 2016

Demandez !

17e Dimanche du Temps ordinaire 16/C

Avez‑vous remarqué combien l'homme est souvent maladroit pour demander ? Il n'ose pas. Il ne veut pas gêner. Et c'est vrai parfois.
Mais il est vrai aussi qu'en demandant un service, une aide, et même un simple renseignement, c'est - plus ou moins consciemment - avouer un état de faiblesse, c'est parfois accepter de s'en remettre à un étranger, parce qu'il est plus riche, plus fort ou plus doué, plus savant.

Et personne n'aime être un mendiant. C'est même une mentalité très répandue que celle qui fait souvent dire : "Moi, je ne demande rien à personne ! On n'est pas des indigents. On a sa dignité. Que chacun reste chez soi et tout ira mieux". ­
La grande crainte des riches - pas ceux des biens matériels obligatoirement -, c'est non pas tellement d'être contraints à partager plus ou moins avec d'autres, mais de se sentir dépendants ! Ils sont prêts à donner, mais ils ont peur d'être obligés de recevoir. Cette mentalité de riche est plus répandue qu'on ne le croit. Elle est inscrite au cœur de l'homme, avec la signature de l'orgueil. Elle est de toutes les catégories sociales et de tous les âges.

Et voilà, justement, que Jésus nous apprend à demander.  -  C'est sans doute pour cette raison que, lorsque ses disciples le sollicitent : "Apprends‑nous à prier", il leur enseigne une prière de demande. Car il faut apprendre à demander et il faut savoir bien demander pour être un homme selon le Christ. Une fois de plus nous sommes saisis par le paradoxe de l'Evangile.
- Aux yeux du monde, pour être un homme il faut conquérir son indépendance, n'être assujetti à personne et régner en maître dans son petit univers. On appelle cette dignité, la liberté. Et cette liberté - selon le monde - ne supporte pas d'être aliénée à quiconque. Elle répugne à avoir à demander.
- Jésus au contraire fait l'éloge de la demande. Quand vous priez, dit‑il, demandez à Dieu qu'il vous donne son règne, le pain pour vivre, le pardon  des offenses, la force  face aux tentations.
Et il insiste avec la petite parabole de l'ami imprévu qui va réveiller son voisin pour lui demander du pain. La morale de son histoire, il la répète trois fois : demandez, vous obtiendrez ! Frappez, on vous ouvrira ! Cherchez, vous trouverez !

Ailleurs - en l'évangile selon St Jean - il le redit avec encore plus de force : "Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l'accordera" (Jn 14.13).
Et encore : "Jusqu'à maintenant vous n'avez rien demandé ; désormais demandez en mon nom et vous l'obtiendrez !" (Jn 16.24).

Une telle insistance de Jésus ne devrait pas nous laisser si indifférents à la prière de demande, elle devrait nous faire quitter notre méfiance quand il s'agit de demander.

L'exemple d'Abraham qui harcèle Dieu pour obtenir gain de cause montre comment se comporte un véritable homme de Dieu. Il n'hésite pas à se reconnaître dépendant de Dieu. Il sait ne rien pouvoir et que Dieu peut tout. Il connaît la personnalité de Dieu, qui est le seul Dieu et il n'y en a pas d'autres.
Et, malgré les apparences, Abraham va jusqu'à l'ultime limite de la prière de demande. Certains lui reprochent de s'être arrêté au nombre de "dix justes" pour sauver Sodome et Gomorrhe. Mais il faut savoir que pour un Juif, la véritable prière est la prière synagogale. Et pour fonder une synagogue, il faut être dix familles au minimum, être au moins dix pour louer Dieu et lui faire une prière de demande

Quoi qu'il en soit de cette caractéristique religieuse chez les Juifs, il nous est bon de souligner l'importance de la prière de demande en commun, de la prière ecclésiale. Notre Seigneur dira, lui : "Si deux d'entre vous sur la terre, se mettent d'accord pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux. Car, là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux !". (Mth 18.19-20).

Dieu désire que l'on s'adresse à lui. Car, il ne veut pas être considéré comme une fatalité imbécile qui a décidé les choses une fois pour toutes. Il veut au contraire construire le monde avec l'homme. Il veut réaliser la communion véritable, totale, celle qui ne peut se faire sans que les hommes la veuillent et la demandent.
Dieu attend de l'homme qu'il ne soit pas fier, qu'il ne s'imagine pas pouvoir tout prévoir et se suffire à lui-même.

De plus, Dieu lui-même s'est montré un exemple.  Dieu, en Jésus, s'est fait lui-même "demandeur". Lui qui n'a rien à demander à personne, nous enseigne, par l'exemple, ce que c'est que demander, et quelle grandeur il y a à s'en remettre à un autre.
- Enfant, Jésus était soumis à ses parents, nous dit St Luc (2,51).
- Adulte, il passe des nuits en prière ; il prie son Père pour ceux qu'il lui a confiés.
- Il vit comme un pauvre, dépendant de ceux qui le reçoivent, ne possédant lui-même ni feu ni lieu.
- A la fin de sa vie, exténué, Jésus demande à boire.
- Il supplie son Père de lui épargner les affres de l'agonie.
- Et à la fin, il exprime la plus belle et la plus noble prière de demande : "Père que ta volonté soit faite !"               
              
Voilà bien la vraie prière de demande faite à Dieu : tout ce que je demande, c'est de faire ta volonté, ce que tu demandes, toi qui sais mieux que moi ce qui me convient, toi qui es pour nous un Père infiniment plus prévenant que tous les pères de la terre.
Cette prière rappelle cette autre règle de vie : je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir.

Demander, c'est donc, en quelque sorte, donc le sommet de la prière, parce que c'est obligatoirement la prière d'un humble !            
- Demander à ses frères, c'est accepter d'avoir besoin d'eux, c'est reconnaître que sans eux, nous ne sommes rien, c'est travailler activement à bâtir une communion dans la solidarité. Et il faut prier notre frère de ne pas nous abandonner.
- Demander ce n'est pas pour autant s'écraser, car ce n'est pas une attitude d'esclave que le Seigneur nous demande. St Paul le soulignera souvent. Mais il nous demande simplement d'avoir réellement une attitude de fils. "Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi" (Lc 15,31).
- Demander, ce n'est pas démissionner de sa liberté d'homme, c'est au contraire la conquérir, c'est chercher le Royaume et s'en remettre au Père qui sait ce dont nous avons besoin (Lc 12,30).
- Demander, c'est se tenir debout devant le Père et lui parler face à face, comme Abraham, comme Jésus ressuscité, car "Dieu nous a donné la vie avec le Christ", vient de nous dire St Paul (Col 2,13) et nous sommes déjà ressuscités avec le Christ !

Il ne faut pas hésiter à demander.
Nous, nous avons besoin les uns des autres !
Et surtout nous avons besoin de Dieu. Nous sommes si pauvres sans lui.
Et... celui qui demande reçoit. Pas toujours ce qu'il demande - c'est vrai -, mais toujours quelque chose de plus grand que ce qu'il demande !

dimanche 17 juillet 2016

Hospitalité !

Avant la célébration de l'Eucharistie :

Au seuil de cette Eucharistie, avec tous nos frères chrétiens, avec tous nos compatriotes, nous pensons aux victimes du 14 juillet à Nice, aux blessés de cet affreux attentat, aux membres de leurs familles, à leurs amis....
Nous prions pour eux tous.
Inutile, en cette horrible circonstance et à notre niveau, de surenchérir à des suspicions, accusations rapides, à des sentiments de colère, de haine...
Il nous suffit, par notre prière, de manifester notre pleine solidarité en Dieu, notre pleine solidarité humaine, fraternelle.

Et en recevant sur nous l'eau que je vais bénir et qui rappelle celle de notre baptême, reconnaissons simplement que devant Dieu, devant nos frères, nous manquons parfois à une meilleur communion entre nous.

16ème Dim. Ord. 16/C    

Le soleil était haut dans le ciel ! Il tapait dur. Non loin de Sodome et Gomorrhe, sous un chêne de Mambré, Abraham, le nomade, est assis !

Je m'en souviens très bien : j'ai pratiquement vu, naguère, cette scène lors d’un pèlerinage en Terre Sainte. Nous étions près de Beersheba, dans le désert. Notre pique-nique était terminé lorsqu'un homme - un palestinien certainement - est venu, à une centaine de mètres de notre groupe, est venu s'asseoir, jambes croisées, sous un arbre. Ce n'était pas un chêne, mais un tamaris ; peu importe ! Et là, les yeux clos, le buste droit, il s'était abstrait de son environnement, de notre entourage ! Il méditait ! "C'était l'heure la plus chaude du jour !". Dans mon souvenir, je l'appelle Abraham. Lui aussi devait méditer ainsi, à l’heure du repos, à l’heure du calme ! Dans le désert !

Peut-être, Abraham, était-il habité par ce grand souci : il avançait en âge ; et toujours pas d'héritier légitime. Pourtant, il croit en Dieu qui l'a fait sortir d'Our en Chaldée et qui lui a promis une nombreuse descendance. Mais la promesse ne se réalise pas !

Soudain, ouvrant les yeux, Abraham aperçoit trois hommes qui approchent sous le soleil. Il court à leur rencontre. C'est l'accueil, un accueil empressé et même fastueux, un tel accueil que le récit de la Bible en fait un "acte-modèle" qui fera loi dans le peuple d'Israël, qui doit faire loi, aussi, chez nous, chrétiens !

Mais, sachons-le, l'hospitalité est une vertu très exigeante !

1) D'abord elle doit accepter l'inattendu, le dérangement ! Abraham était assis bien tranquillement à l'entrée de sa tente, au plus chaud du jour, au moment de la sieste. C'est à ce moment-là qu'on le dérange. Il n'hésite pas. il accueille ! C'est facile d'inviter quand on fixe le jour et l'heure. C'est beaucoup plus difficile d'accueillir au moment inattendu.

2) Et puis, l'hospitalité est empressée, généreuse. Abraham, à cette heure de midi, de repos, met toute sa maison debout, active tous ses gens pour la préparation d'un somptueux repas ! ...

3) Surtout, l'hospitalité doit venir du cœur. Il est dit dans la Bible : "Vous aimerez l'étranger !" - "Vous aimerez l'étranger, car vous-mêmes, vous avez été étrangers, dans le pays d’Egypte" (Deut 10/18).
Et cet "amour" envers l'étranger s'accompagne de mille délicatesses : eau versée sur les pieds, huile parfumée versée sur la tête, baiser de paix..., gestes que Simon le pharisien n'a pas faits - nous l'avons vu dans un évangile récent ! - et auxquels la femme pécheresse supplée avec humilité et amour !

4) Enfin, l'hospitalité invite à la table, c'est à dire elle accueille l'hôte comme une personne respectée et digne d'amitié. La table signifie le partage du pain et des pensées. Le pain du corps et le dialogue du cœur donnés en partage. L'hospitalité va jusque là !

Oui, l'hospitalité est une grande vertu ! Et, en temps de vacances, il est bon de s’en souvenir ! C'est ainsi que l'on peut faire la rencontre de Dieu lui-même ! D’ailleurs, Jésus nous a dit : “j'ai eu faim, j'étais nu, prisonnier..., et vous m'avez donné à manger, m'avez vêtu, visité...”.

Et le texte même de la Genèse signifie ce mystère de l’accueil, par l’homme, d'un Dieu qui se fait de plus en plus proche de nous !
Ainsi, dans les trois hommes qui apparaissent à Abraham et que celui-ci interpelle curieusement au singulier ("Seigneur", leur dit-il à tous les trois !), la tradition chrétienne, dont l’icône de Roublev en est le plus bel exemple, s'est plu à reconnaître une annonce du mystère de la Trinité. Dieu vient rallumer dans la conscience d'Abraham quelque peu découragé, la certitude de la proximité divine, de sa présence active au milieu des hommes. Il est déjà perçu dans le mystère de son Unité et dans la richesse de sa Trinité !

Aussi, la lettre aux Hébreux, développant une catéchèse inspirée de ce texte de la Genèse, fera cette recommandation : "Persévérez dans l'amour fraternel ! N'oubliez pas l'hospitalité ; car c'est grâce à elle que quelques uns, à leur insu, hébergèrent des anges", c'est à dire, dans le langage biblique, Dieu lui-même !

Et si nous rapprochons ces textes de l'évangile d'aujourd'hui, nous constatons que les deux sœurs, Marthe et Marie, si différentes pourtant l'une de l'autre, mais parce que l'une et l'autres hospitalières, ont ouvert leur maison à un hôte de passage. Or, cet hôte de passage est le "Seigneur", dit le texte.
N'oubliez donc pas l'hospitalité, pourrait-on dire encore aux chrétiens d'aujourd'hui ; c'est grâce à elle que certains, telles les deux sœurs Marthe et Marie, hébergèrent le Seigneur !

Mais accueillir le Christ dans sa vie, c'est - et voilà pourquoi l'hospitalité est si difficile -, c'est, nous dit St Paul, à la fois terrible et sublime.
- terrible parce que c'est introduire chez soi un crucifié, et un crucifié qui entend rester "en agonie jusqu'à la fin du monde", comme disait Pascal !
- sublime, car - et c'est la découverte de Paul -, car, disait-il, "je trouve maintenant ma joie dans les souffrances que j'endure" - Pourquoi ? "Parce que - moi qui fait partie du Corps du Christ, mort et ressuscité - j'achève en mon propre corps ce qui manque à la Passion du Christ", (pour la rédemption - actuelle - de tous les hommes !) pour la rédemption actuelle - des membres de ce Corps du Christ (et du mien d'abord !). N'est-ce pas exaltant de savoir, comme dit encore St Paul, que "nous portons dans notre corps l'agonie de Jésus afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps... Aussi, ajoute-t-il, la mort est à l’œuvre en nous, mais la vie en vous !" (2 Cor 4/10).

Oui, accueillir le Christ sera toujours l'accueillir dans son mystère pascal de "mort et de vie" ; ce sera toujours "achever l'annonce de la Parole de Dieu afin de rendre chacun parfait dans le Christ".
Alors, "n'oubliez donc pas l'hospitalité! !". Et St Paul ramasse dans une formule extraordinaire la théologie de l'évangélisation : "Le Christ est au milieu de vous l'espérance de la gloire". Paul est celui qui contemple, détecte, révèle, développe la présence du Christ toujours mourant et ressuscitant au cœur du monde et des hommes.
Alors, n'oubliez donc pas l'hospitalité ! Oui, pratiquez l'hospitalité comme Marthe et Marie. Pour ne pas être trop long, je vous laisserais méditer cette page merveilleuse de l'évangile.

A propos de "l'Unique nécessaire", on a beaucoup parlé d'activité et de contemplation, quelquefois en les séparant, voire en les opposant.
En réalité, c'est Jésus seul qui est au centre de cette scène d'hospitalité. C’est lui qui unit les deux sœurs, Marthe et Marie. Et à toutes les deux, il dit : "une seule chose est nécessaire". Un humoriste a traduit : "un seul plat est nécessaire" : l'écoute de la Parole de Dieu. Autrement dit, toute l'activité chrétienne doit provenir de l'écoute du Seigneur. La part de Marthe - l'activité de service - doit s'inspirer de ce "nécessaire", de cette écoute de Dieu qui seule rend le service valable. Le meilleur dans notre activité de chrétien est la part d’écoute du Seigneur, d'intimité avec le Christ qui doit rejaillir ensuite sur nos paroles et sur nos mains !


Vous le savez, St Luc est dénommé : l'évangéliste de la femme. Et, comme modèle d'hospitalité envers le Seigneur, il a choisi deux femmes ! Veut-il nous dire que Jésus désire que la femme soit, par son accueil, par son hospitalité (la maternité n'est-elle pas l'hospitalité par excellence ?), comme un pivot d'équilibre spirituel dans la famille, dans la société, comme une source d'équilibre matériel et spirituel ? Je laisse à d'autres - les femmes - le soin de répondre à cette interrogation !

En tous les cas, "n'oubliez pas l'hospitalité. Car c'est grâce à elle que quelques-uns, à leur insu, hébergèrent Dieu lui-même" !

Et aujourd'hui particulièrement, accueillons en notre prières toutes les victimes innocentes de par le monde. Elles rappellent la mort innocente du Christ. Mais cette mort fut cause de vie. Restons dans cette espérance !

vendredi 15 juillet 2016

Sabbat ! Dimanche !

15e Dim. Ord. Vendredi 16/C    

"Le Fils de l'homme est maître du sabbat !".
Mais, savons-nous ce qu'était, ce qu'est encore le sabbat ?

Il est vrai que le sabbat avait et a toujours une grande valeur pour les Juifs. Une grande signification !
1. Le sabbat est d'abord un temps de regard vers Dieu. Il veut rappeler que l'homme n'est pas que terrestre. Il vient de Dieu et est destiné à retourner vers Dieu. Fêter le sabbat, c'est orienter et toujours réorienter sa vie vers Dieu.

2. Le sabbat est aussi un temps de regard vers l'homme. En obligeant à un temps de repos, il veut rappeler que l'homme n'est pas une "bête de somme", un simple instrument de production et surproduction. L'homme n'est pas voué à une production, mais à une fécondité humaine et spirituelle tout à la fois. "Tout est à vous, disait St Paul ; mais vous, vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu !" (I Co. 3.23). Le repos du sabbat donne à l'homme la facilité de réfléchir, de réfléchir à sa destinée, lui qui est appelé à être "à l'image, à sa ressemblance de Dieu " !

3. Enfin, le sabbat est un temps de célébration, d'action de grâce... ! Si l'homme est bien le "roi" de la création - Dieu l'a établi comme tel -, il ne doit pas oublier d'en être aussi le "prêtre", de tout faire remonter vers Dieu dans un élan d'action de grâce où l'homme se trouve en pleine harmonie avec ciel et terre. Il célèbre le passé avec les bienfaits divin, il célèbre le présent avec Dieu bienfaiteur, il espère Dieu en son futur !

Evidemment, le chrétien pourra facilement montrer que le dimanche recèle bien des valeurs déjà contenues dans l'institution du sabbat. Puissions-nous garder ces valeurs en note "Jour du Seigneur" :
- Jour pour Dieu, bien plus grand que l'homme !
- Jour pour l'homme, bien plus grand que ce qu'il peut faire, produire.
- Jour de sanctification, de célébration de la présence de Dieu, d'un Dieu qui agira demain, comme il a déjà agi hier, et comme il agit aujourd'hui même.

Malheureusement, cette "Loi du sabbat" - comme celle du dimanche -, peut se scléroser, se fossiliser, si je puis dire, peut devenir une pierre lourde et dure sur laquelle on achoppe facilement. Cette loi - ce Dimanche, jour à la fois terrestre et céleste - peut être comme une belle boite que l'on admire mais où il n'y a plus rien à l'intérieur.
Aussi, Jésus, en son temps réagira fortement en s'"amusant", si je puis dire à guérir un malade le jour du sabbat. Car s'il est vrai que le sabbat est le signe de la bonté de Dieu qui désire que les hommes n'oublient pas l'essentiel, comment ce signe ne s'effacerait-il pas devant cette bonté elle-même qui veut rejoindre un homme malade ?

Jésus s'insurgera contre toute forme d'hypocrisie. Il le fera avec cette phrase lapidaire que l'on trouve chez St Marc : "Le sabbat est fait pou l'homme, et non l'homme pour le sabbat !".
Il dénoncera toutes les hypocrisies dans lesquelles peuvent sombrer les hommes religieux - les "pratiquants" comme l'on dit - que nous sommes parfois. Nous pouvons être fidèles à toutes les lois de l'Eglise - observer le dimanche, aller à la messe, faire pénitence, et que sais-je encore - ! Mais ces lois de l'Eglise ne sont que la traduction de l'unique et double Loi de Dieu : "Tu aimeras Dieu, tu aimeras ton prochain !".

Si - plus ou moins consciemment -, nous pensons que les lois de l'Eglise nous dispensent de cette unique Loi de Dieu, nous mettons la lettre plus haut que l'esprit. Et nous savons que la lettre tue, lorsqu'elle se croit souveraine, alors que c'est l'esprit qui donne vie, dira St Paul (2 Co. 36).

M'est revenu à l'esprit un mot de St Vincent, Monsieur de Paul. Une de ses Religieuses lui demanda : "Si quelqu'un sonne à la porte au moment de la prière ou de la messe, faut-il aller ouvrir ?" - Il répondit sans hésiter : "Allez ouvrir !". Et il ajouta : "En allant ouvrir, vous quittez Dieu pour Dieu !".

Oui, sachons mettre de l'harmonie entre ciel et terre, entre l'amour de Dieu et l'amour de nos frères ! Ce n'est pas toujours facile. Le temps nous est donné pour cela. Mais le temps, Dieu peut le prolonger comme il l'a fait pour Ezéchias (1ère lect.), afin la terre nous prépare au ciel !
Sachons, comme disait St Paul, que "l'amour de Dieu nous presse !" (2 Co. 5.14).

dimanche 10 juillet 2016

Ecouter la Parole...

15e Dim. Ord. 16/C        

Les trois lectures d’aujourd’hui me paraissent singulièrement riches de sens et cohérentes. Et cependant on pourrait dire qu'elles sont bien inactuelles et à contre-courant des réalités quotidiennes.

- La première fait l'éloge de la Loi ! Or, nous sommes plus enclins à réclamer la liberté qu'à obéir à une loi.
- L'Evangile donne l'étranger comme type du prochain qui aime et qu'il faut aimer. Or, en certains lieux surtout, les étrangers sont redoutés, méprisés, tenus à l'écart.
- Quant à St Paul, il rappelle la souveraineté et la divinité - royale et “cosmique” - du Christ, à une époque où beaucoup ne voient en lui qu'un doux rêveur utopiste, ou un modèle de militant révolutionnaire.

Et pourtant ces trois textes nous font toucher, me semble-t-il, ce qui est au cœur de notre foi.

"Ecoute la voix du Seigneur ton Dieu !". La voix ! La Loi !
Oui, Moïse fait d'abord l'éloge de la Loi de Dieu.
Et pour lui, cette Loi n'est pas quelque chose d'extérieur à nous, qui viendrait comme nous écraser, nous opprimer. Non, elle est une Parole que Dieu adresse à ceux qu'il aime !

Aussi, est-il dit à chaque page de la Bible : "Shema Israël ! Ecoute !, Israël !". Ecoute cette Parole divine qui t'est personnellement adressée. St Benoît ne dit pas autre chose, lui qui commence sa Règle par ces simples mots : "Ausculta, o Fili !" Ecoute, mon fils !".
C'est le premier sens qui s'éveille dans l'embryon humain, disent les médecins. C'est la première disposition qui est demandé à l'homme créé à l'image de Dieu.
Dans la Bible, le contraire d'écouter, c'est avoir une "nuque raide", c'est-à-dire, se raidir orgueilleusement pour ne plus écouter, pour ne plus voir. C'est la surdité et l'aveuglement de l'orgueilleux qui ne veut considérer que lui-même, et face à Dieu et face à ses semblables ! 

Oui, sans cesse, Dieu lance sa Parole ! "Au commencement était le Verbe !", dit St Jean. En tout commencement ! Au commencement de notre "aujourd'hui" ! "Aujourd'hui, écouterez-vous ma Parole ?", dit le psaume 94ème qui commence l'office divin. "Ne fermez pas votre cœur !".
Ecouter la Parole de Dieu ! Et cette Parole provoque en ceux qui écoutent et élan intérieur qui nous fait désirer Dieu, qui les pousse à le chercher, parfois dans la lumière, parfois dans l'obscurité, en tâtonnant souvent...!
Mais si l'on est fidèle à cette recherche, en écoutant sans cesse, sinon dans la joie du moins dans la paix, cette Loi, cette Parole, est-il dit, “n'est pas au-dessus de tes forces, ni hors de ton atteinte. Elle n'est pas dans les cieux, elle n'est pas au-delà des mers... Elle est tout près de toi, elle est la Parole de Dieu en ton cœur", en ce qu'il y a de meilleur en toi... !
              
Et cette Parole, cette Loi, cet appel, que disent-ils ? L'évangile du "Bon Samaritain" nous a répondu : sois l'ami et le serviteur de tous comme le Samaritain et comme le Christ lui-même l'ont été. C'est l'affirmation centrale de l'Evangile, mille fois répétée mais jamais épuisée : non seulement nous devons aimer, mais nous pouvons aimer puisque la Parole, la Loi est en nous. Et cette Parole divine, cette Loi divine  est Parole d'amour, Loi d'amour... en nous ! Nous sommes destinés à aimer ; nous ne sommes pas livrés au mal, à l'erreur, au hasard ou à la nécessité... !

Voilà ce que le Christ proclame : malgré les catastrophes, les tremblements de terre, les misères, les guerres, les haines, les racismes, toutes les sottises et toutes les bassesses humaines, ce qui est voulu par Dieu, ce qui vient de Dieu c'est l'amour, le service fraternel, l'entraide, la solidarité, la bonté, le pardon, la paix... et cela même a contre-courant des sensibilités et des idées reçues. La Loi de Dieu n'est pas l'absolu d'une justice distributive. La Loi de Dieu est Parole d'amour !

On nous objecte parfois que nos efforts pour accueillir cette Loi d'amour ne sont qu'une goutte d'eau dans les effrayantes marées répétitives du monde ! Mais qu'importe ! Nous chrétiens, nous ne pouvons être que d'incorrigibles optimistes, sinon cela voudrait dire que la Loi de Dieu ne serait pas dans nos cœurs, que la Parole de Dieu ne serait pas tout près de nous pour nous solliciter sans cesse et nous redire qu'il y a un dessein de Dieu, un plan de Dieu, un "rêve" de Dieu sur chacun de nous et sur le monde. Et que c'est un rêve d'amour, un plan d'unité fraternelle de tous les hommes.

"Tout vient du Christ !".
Et ce rêve, ce plan de Dieu, St Paul nous le montre à sa source dans le Christ. Tout ce qu'il y a de beau et de bon dans le monde vient de Dieu par le Christ. Tout marche vers Dieu, avec le Christ. Ces paroles de St Paul sont un hymne, un cri d'admiration, un chant de joie : “Le Christ est l'image du Dieu invisible Le premier-né de toute créature. Tout a été créé par lui et pour lui !”.
Dans notre monde souvent nous ne savons plus admirer. Nous n'osons plus parler de joie. Et pourtant ce que nous aurions de meilleur à partager, ne serait-ce pas de la joie ? St Paul nous invite à retrouver l'admiration et la joie en regardant le Christ dans sa plénitude.

"Il est l'image du Dieu invisible !".
C'est en regardant le Christ que nous savons que Dieu est simple, que Dieu est bon, que Dieu est proche et amical. Jésus est le premier-né de toute créature. Tout a été créé par lui et pour lui.
C'est en regardant le Christ que nous savons que, nous aussi, nous avons été créés par lui et pour lui, voulus par lui et pour lui : pour partager sa vie, son amour, sa joie. Quelle certitude ! Je ne suis que ce que je suis, avec bien des travers et des insuffisances ! Et cependant je suis un fils de Dieu, un frère du Christ, aimé du Christ, pardonné par le Christ. A son image !

Et St Paul de continuer : il est la tête du corps, c'est-à-dire de l'Eglise, du peuple des croyants, de tous les hommes qui écoutent avec bonne volonté. Et, tête de ce corps immense, il veut en lui tout réconcilier, faire la paix, faire l'unité de tous ; car, en définitive, aimer c'est toujours pacifier et réunir. Souvent nous nous demandons ce que sera l'Eglise demain, ce que la poignée de chrétiens pourra être dans le monde. L'essentiel, c'est que, comme le Christ et avec lui, nous soyons des levains de paix et d'unité.

Ce n'est pas au-dessus de tes forces
Oh ! Bien sûr ! Nous ne pouvons oublier que le Christ, rassembleur des hommes, levain d'unité, source de l'amour, a voulu tout réconcilier par le sang de sa croix. Il y a là une dimension tragique dans le mystère chrétien qui nous rappelle le sérieux du don de soi en écoutant la Parole de Dieu.
Mais cependant, nous le devinons : avec le Christ pascal - le Christ mort et ressuscité -, le chemin est praticable, même s’il est parfois rude. Déjà Moïse l'affirmait : “Cette Loi n'est pas au-dessus de tes forces, ni hors de ton atteinte”. Et Jésus disait : “Moi je vous soulagerai car mon joug est aisé et mon fardeau léger” (Mt 11,28) et : “Voici que je suis avec vous jusqu'à la fin du monde”.

Le Christ est présent, il est vivant. Il faut en être de plus en plus conscient quelle que soit notre vie, Il est présent
- dans la simplicité priante d'un monastère,
- dans les soucis et les joies de la vie familiale,
- dans les combats politiques, sociaux, ou que sais-je encore...
- Il doit être présent encore même dans la douceur du repos des vacances...

Le Christ est toujours là ! Et sa Loi est dans notre cœur : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés !”.

dimanche 3 juillet 2016

L'homme dispose !

14e Dimanche du T.O. 16/C

Eric Tabarly, ce grand navigateur solitaire, taciturne que j'ai eu la chance de rencontrer une fois (dans un petit restaurant très modeste de la Trinité sur mer), écrivait dans ses “mémoires” : "Je me suis demandé pourquoi Dieu (le Dieu d'Amour, dit-on) permettait autant de saloperies et de misères sur notre terre. La réponse, peut-être, me la fournira-t-il - Dieu - dans l'au-delà !"..
La voilà bien la grande question, la pierre d'achoppement. "Si Dieu existe", a-t-on dit avec un humour grinçant, j'espère qu'il a de bonnes excuses", pour tant de malheurs de par le monde !

Mais pourquoi ne pas lire l'Evangile pour tenter de découvrir le projet de Dieu et trouver non une explication rationnelle, mais un commencement de réponse ?
Dans l'Evangile de ce jour, nous voyons Dieu en souci ! Il a un message vital à transmettre, mais les volontaires ne se bousculent pas pour cette tâche.
Pourtant, les forces du mal sont à l'œuvre. Pour les faire reculer, Dieu ne cesse d'embaucher. Par comparaison, il parle de vignerons et de moissonneurs. Dieu invente le blé et la vigne ; à l'homme de labourer, de semer et de récolter. Ainsi, de même, grâce aux moissonneurs, le blé de la Parole de Dieu pourrait faire des merveilles. Et Dieu ne cesse de lancer sa Parole - son Verbe, dira St Jean, d'appeler !

Oui, tout au long de la Bible, Dieu ne cesse d'appeler. - "Qui enverrai-je ?" - D'Abraham aux prophètes, Dieu appelle. Si aucun Moïse ne s'était porté volontaire, il n'y aurait pas eu de sortie d'Egypte. Que peut celui qui appelle à la résistance si personne ne répond ? 
Aussi, à y bien réfléchir, de quoi avons-nous l'air avec, parfois, notre idée d'un Dieu qui doit produire du blé sans moissonneurs, qui donnerait des soins aux malades sans médecins, qui transmettrait sa Parole sans messagers, comme le soulignera St Paul. De quoi avons-nous l'air avec notre idée d'un Dieu qui, comme une bonne fée, changerait de sa baguette magique une citrouille en carrosse, un torchon de vaisselle en robe de mariée ?                                             .

La moisson est là, surabondante, le blé est mûr. Il ne manque plus que les moissonneurs. Sinon, la récolte risque de se perdre. Mais où et comment trouver les ouvriers ? La demande de prière pour que le Père envoie des moissonneurs ne doit pas nous servir d'alibi paresseux.
* C'est dans la prière que Gandhi cherchera la liberté pour son peuple.
* C'est dans la prière que Luther King rêve de fraternité entre les races.
* C'est dans la prière que Mère Térésa décide de tout abandonner pour se consacrer aux plus délaissés.
Aussi peut-on dire, avec St Ignace : "Prie comme si tout dépendait de Dieu et agis comme si tout dépendait de toi" ! Et en lisant la Bible, on peut comprendre : "Prie afin de découvrir sur quel chantier, pour quelle tâche, Dieu te mobilise".

Je me souviens qu’à propos de la célèbre phrase de l’Evangile : "beaucoup d'appelés, peu d'élus", un commentateur donnait cette explication qui changeait le visage de Dieu et le visage du monde.
Il y a deux alternatives, disait-il.
* Ou bien : les places sont chères en paradis, et ne t'imagine pas qu'il y en aura pour toi. Le visage de Dieu serait alors celui d'un Dieu teigneux, d'un Dieu avare, d'un Dieu qui menace... !
* Ou bien : vous êtes tous invités à travailler pour l'avènement d'un monde réconcilié d'où le mépris, la haine et la solitude seront bannis... Vous êtes tous invités ! oui. Tous ! Mais, toi... viendras-tu ?

Le projet de Dieu est à la merci de la réponse de l'homme. Et contrairement à ce que dit le proverbe : "L'homme propose et Dieu dispose" il nous faut comprendre que c'est Dieu qui propose, et que c'est l'homme qui dispose ! Dieu n'est que don de soi. Il invite, il propose. Toujours ! Mais comme le jeune homme riche, le plus souvent nous nous dérobons. Alors que Dieu, lui, ne cesse de vouloir remettre son pouvoir créateur aux mains de l'homme, avec le privilège de donner cent pour un, il ne cesse de proposer ! C’est donc l’homme qui dispose.

Aussi, la question de Tabarly, il faut la retourner : "Pourquoi Dieu... Non point ! Mais pourquoi l'homme permet-il autant de saloperies et de misère sur notre terre ?
"Ou'est-ce qui ne va pas dans ce monde ?" demandait un journaliste à Mère Térésa. Et du tac au tac, elle répondit : "Vous et moi, Monsieur !".

Jésus, Dieu à visage humain, comment réagissait-il, lui ? Souvent, il est dit dans les évangiles que, rempli de miséricorde, Il est saisi de compassion jusqu'aux entrailles. La vue des foules tristes, accablées - surtout en Galilée - l'obsède… I Jésus est le reflet du Dieu de la Première Alliance. Il ne supporte pas que l'on abîme l’homme. Alors il aime, soigne, guérit : "Les muets parlent, les aveugles voient, les paralysés marchent !", fera-t-il dire à Jean-Baptiste dans sa prison. Dieu agissait par son humanité ! Et Dieu a toujours besoin de notre humanité !
Chaque jour, Jésus manifestait cet amour dont l'absence dérègle toutes les harmonies humaines. Sa conduite était contagieuse. Des foules le suivaient, se demandaient s'il n'était pas celui avec qui le monde pourrait changer... 

Bientôt, on va le condamner, le faire taire. Son temps est compté ! Alors, Il embauche, iI appelle. Il semble dire à chacun :
* Au lieu de dire que Dieu est muet, prête-lui ta voix.
* Au lieu de dire que Dieu est manchot, prête-lui tes bras !
"Celui qui croit en moi, dira-t-il, fera jaillir des sources… Celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais ; il en fera même de plus grandes… Allez, je vous envoie...".
Entendez la plainte de ceux qui vivent au milieu des loups.
C'est par des courageux que je chasserai les tyrans.
C'est par des messagers d'espérance que j'intimiderai les loups.
Allez... Ne laissez pas votre générosité inemployée.

Certes, on peut être angoissé parfois devant des visages aimés qui semblent happés par le vide, le non-sens, par un monde sans âme, qui crient leur malheur de n’être né pour rien et de n’aller nulle part.
On peut penser à l’angoisse de cet auteur bien connu, Saint-Exupéry, à la veille de sa dernière mission : "J'ai le sentiment que nous marchons vers les temps les plus noirs du monde... Il n'y a qu'un seul problème, un seul : rendre aux hommes une dimension spirituelle... Que faut-il dire aux hommes ?" - Mais il faut dire l’Evangile, il faut proclamer Jésus Christ. Et c’est sans doute ce message-là que Saint-Exupéry appelait de ses vœux avec son cri célèbre : "II faut réveiller l'archange qui dort sur son fumier...!" (Citadelle). Ce n’est qu’une Parole divine qui peut le réveiller. L'héritage n’est pas perdu, il est peut-être oublié ; ou bien il n’a pas assez de moissonneurs.

Oui, nous sommes invités à rejoindre les 72 qui devaient marcher en-avant du Christ pour dire : "Quelqu'un est là au milieu de vous, que vous ne connaissez pas". Il a fait un domaine où l'amour sera loi, sera roi. Vous n'êtes pas des enfants du hasard. Vous êtes grands, vous êtes fils de Dieu. Vous ne marchez pas vers un cimetière, mais vers un Royaume de vie. Le roi de ce Royaume est le donneur de sens. II embauche sur tous les chantiers où règnent la misère, l'exclusion, la douleur. "Chaque fois qu'un homme est torturé, c'est Dieu qui échoue et souffre", disait le rabbin Eisenberg, à la suite d'Elie Wiesel qui vient de mourir. Le Christ est encore prisonnier quelque part, ligoté par notre violence. Aussi, faut-il le redire :  ce n'est pas l'homme qui attend le Messie, c'est la Messie qui attend l'homme.

Sachons-le encore : l'envoie des 72 disciples qui pourraient bien être 72 millions aujourd'hui, procède du même élan que celui de l'Amour qui jaillit au cœur de la Trinité : "Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie". Comme le Père a envoyé son Fils, comme le Fils nous envoie, qu'il nous donne, lui, son Esprit… pour que nous sachions puiser nos plus hautes joies dans les promesses de l’Eternité : "Réjouissez-vous ; vous êtes aimés, vous êtes envoyés ; vos noms sont inscrits dans le Ciel !" .