samedi 24 septembre 2016

Riche - Pauvre

J'ai bien conscience d'avoir semblé délaisser mes lecteurs. Rien de tel pourtant ! Quelques ennuis de santé et diverses circonstances en furent la cause.
Aussi je vous transmets aujourd'hui trois réflexions, même si je dois m'abstenir encore durant une quinzaine de jours. Mais durant ces jours, soyez assurés de ma pensée et de ma prière.
P.S. Tout en restant aumônier du prieuré "La Paix Notre-Dame", ma nouvelle adresse postale est : "Les Salons de Saint François" - 72500 LAVERNAT       Le 24 Sept 2016

26e Dim. T.O. 16.C  :

Nous connaissons cette histoire depuis longtemps. Et même très longtemps ! Les exégètes disent que ce n'est pas Jésus qui l'a inventée. On la racontait déjà en Égypte au 6ème siècle avant Jésus Christ. Cette petite histoire a traversé les frontières et les rabbins juifs aimaient la proposer à leur tour aux fidèles d'Israël. Jésus s'en est saisi. Mais il va la modifier, la raconter, la modeler d'une autre façon, à sa manière.

Disons d’abord qu’à première lecture cette parabole nous met mal à l'aise. Elles sont abruptes ces paroles de Jésus sur l'argent, la richesse, les riches. Ces paroles semblent excessives, sans nuances : malheur aux riches !

Et on a envie d'objecter : l'argent que l’on gagne, c'est notre vie dépensée dans le travail, notre intelligence, nos forces, notre compétence, notre fatigue. mises au service de notre famille, au service de la société. Et puis. il est naïf de prononcer des simplismes sur l'argent et le profit. au nom d'un évangélisme sommaire. De l'argent, du profit, il en faut pour faire vivre une entreprise, créer des emplois et permettre certains progrès considérables dont nous profitons au 21ème  s.

Il serait inconcevable que Jésus ait pu prononcer des paroles qui condamneraient ces richesses-là. Il ne s’agit pas de cela.
 Mais il reste que Jésus nous met sérieusement en garde contre l'aveuglement que peut générer la richesse. Alors, comment comprendre cette parabole ? Pour cela on peut retenir simplement deux mots de Jésus : “abîme” et “Parole”.

"Abîme".        
Jésus met en scène deux hommes : un homme riche aux vêtements de luxe qui festoie avec ses amis, pendant qu'un pauvre, couvert de plaies agonise à sa porte.
Le riche, Jésus ne lui donne pas de nom, c'est un riche.
Par contre, Jésus appelle le second “Lazare”, un beau nom. “Lazare” signifie en hébreu : “Dieu aide”. Tout au long de la Bible, en effet, Dieu est du côté des pauvres, Dieu proteste au nom des pauvres. Dans cette parabole, Jésus proteste encore au nom des pauvres.

On intitule parfois ce récit : la parabole de Lazare et du mauvais riche, Mais, où voit-on que ce riche soit mauvais ? Dans cette histoire, il ne fait de mal à personne, on ne le montre pas en train d'insulter, de rudoyer Lazare, ni qu'il se soit enrichi frauduleusement. De quoi ce riche, qui n'a fait aucun mal, est-il coupable ? Qu'est-ce qu'on lui reproche ?
C'est la distance, la distance qu'il a mise entre lui et le pauvre. La grille de sa propriété est une vraie barrière, un mur infranchissable. Il n'a pas vu le pauvre. C'est comme s'il n'existait pas. Plus loin, dans le texte, Jésus parlera d'un “abîme”. Pour l'instant, seul un portail les sépare en ce monde. Un abîme infranchissable va rendre cette séparation définitive au séjour des morts. L’abîme qui les sépare dans l'au-delà, c'est celui que le riche a creusé sur la terre.

Un grand "abîme" ! Gardons cette image. L'image est terrible et terriblement actuelle comme les paroles du prophète Amos qui nous aident à prendre la mesure de la parabole. En effet, Amos ne parle pas simplement d'un riche et d'un pauvre, mais de son peuple tout entier. Il craint que le peuple d'Israël s'effondre. C'était au 8ème siècle avant Jésus Christ. Si la situation perdure, dit-il, il n'y aura plus de peuple en face des Assyriens qui menacent ; le peuple sera désuni, tant les injustices sociales sont scandaleuses, tant se creuse l'écart entre les riches et les pauvres et tant les puissants s’enferment dans leurs systèmes.

Il nous faut accueillir la parabole de Jésus dans cette dimension-là. Pas seulement l'histoire d'un riche et d'un pauvre, mais l'histoire de nos sociétés où il y a de multiples abîmes qui se creusent et qui se répercutent dans le monde entier. Il est donc urgent d’écouter la "Parole" de Jésus.
Le grand "abîme" ! Jésus nous met en garde contre ce grand abîme qui se creuse entre les riches et les pauvres et qui, à plus ou moins long terme, est une menace pour la terre entière.

C'est la deuxième leçon de la parabole, le 2ème mot à retenir :  “Parole”. Après sa mort, le riche supplie Abraham d'envoyer Lazare dans la maison de son père : “J'ai cinq frères, qu'il les avertisse pour qu'ils ne fassent pas comme moi et ne viennent pas eux aussi dans ce lieu de torture”.  Abraham répond : “Ils ont la Loi et les prophètes”.  Non, dit le riche, “Si quelqu'un d'entre les morts vient les trouver, ils se convertiront“. – “S'ils n'accueillent pas Moise et les prophètes, répond Abraham, quelqu'un pourra bien ressusciter, ils ne seront pas convaincus“.

La leçon est claire, Dieu n'a pas d'autre manière de secouer notre tranquillité et de nous ouvrir les yeux que sa "Parole".
Dieu nous a parlé en envoyant son Fils. Jésus nous décrit, à longueur de pages dans l'Évangile, le monde que Dieu veut, une terre habitable pour tous. Pour les chrétiens, la solidarité envers les plus pauvres quels qu’ils soient - car il y a une multitude de pauvretés diverses - n'est pas une matière à option. Croire, c'est agir pour transformer le monde.
Pour frapper nos imaginations, Jésus brossera un jour un tableau saisissant, il annoncera une nouveauté aux conséquences religieuses et sociales révolutionnaires. Il s'identifiera aux affamés, aux déguenillés, aux prisonniers. “J'ai eu faim, j'ai eu soif, j'étais nu”. Heureusement, nous sommes nombreux à entendre cette "Parole", on ne compte plus ceux et celles qui donnent de leur vie, de leur temps, de leur argent pour combler l'abîme. Et les chrétiens n'en ont pas le monopole. Tant d'hommes, de femmes luttent pour un monde plus juste. Ils sont nombreux ceux qui ont compris que la vraie richesse, c'est l'homme, comme le disait si bien, naguère, le pape Jean-Paul II.

Malgré les nombreuses tragédies de notre monde, la vie pourrait devenir prodigieusement belle si tous les hommes de bonne volonté, les responsables divers écoutaient davantage cette "Parole" de Jésus sur cette réalité d’un “abîme” qui risque toujours de se creuser.

Or, sur cet “abîme”, il y a toujours des passerelles à inventer. C’est le rôle de tous et de chacun à sa manière.

L'Argent

J'ai bien conscience d'avoir semblé délaisser mes lecteurs. Rien de tel pourtant ! Quelques ennuis de santé et diverses circonstances en furent la cause.
Aussi je vous transmets aujourd'hui trois réflexions, même si je dois m'abstenir encore durant une quinzaine de jours. Mais durant ces jours, soyez assurés de ma pensée et de ma prière.
P.S. Tout en restant aumônier du prieuré "La Paix Notre-Dame", ma nouvelle adresse postale est : "Les Salons de Saint François" - 72500 LAVERNAT       Le 24 Sept 2016


25e Dimanche 16/C

Les textes liturgiques d'aujourd'hui nous proposent un sujet épineux et dangereux. Dangereux pour vous comme pour moi. Pour vous, parce que vous pourriez vous sentir menacés d'intrusion dans un domaine facilement qualifié de "très privé". - Dangereux pour moi car, d'une part, je pourrai être accusé de déranger une situation qui semble acquise et intouchable ; et d'autre part, le sujet me concerne autant que vous. - Voilà bien une périphrase pour parler d'une chose très commune : l'Argent ! L'Avoir !
Tout le monde est chatouilleux lorsqu'il s'agit de son argent, de son avoir. On parle volontiers de celui des autres, avec reproche ou avec envie. Pourtant, sur ce point, je crains que personne n'ait véritablement le droit de donner des leçons. Tous, nous avons plus ou moins les mains sales bien qu'on dise que l'argent n'ait pas d'odeur.

Aussi, je ne vous proposerai que quelques réflexions.
1. - D'abord une idée forte et sous-jacente à tous les textes bibliques : l'homme n'est pas réellement, totalement propriétaire de ce qu'il prétend posséder : son argent, ses richesses matérielles, son métier, et puis, surtout peut-être, ce qu'il possède intellectuellement, spirituellement, tout ce qui peut être considéré comme son grand "avoir" ! Nous ne sommes pas propriétaires de tout cela ! - Ici-bas, nous ne sommes qu'en gérance. “Tout est à vous, disait St Paul, mais vous, vous êtes à Dieu” . L'attachement trop possessif à un bien quel qu'il soit et même à une personne (car l'amour doit être oblatif et non captatif) n'est certainement pas chrétien. Nous ne sommes qu'en gérance ! En avons-nous bien conscience ? Et il nous faudra rendre compte de cette gérance : "Nu, je suis sorti du sein de ma mère, disait Job, nu je retournerai à la terre". Nous n'avons rien à nous. Le seul propriétaire, c'est Dieu ; il nous faudra lui rendre les comptes de notre gestion, comme l’intendant de la parabole.

2. - Aussi, on le voit bien - et c'est ma seconde remarque - : dans l'évangile, tout le récit est dominé par le fait que l'avenir commande, doit commander le présent de notre gestion. Pour l'intendant renvoyé, le lendemain, c'est tout de suite. Alors, il envisage habilement des points de chute chez des débiteurs.
Et pour nous, quel est notre avenir, nos lendemains ? Dix ans, trente ans ?… Au-delà…?  Prolongez encore. Pourtant, l'heure sonnera tôt ou tard de plier bagage, de remettre sa copie… sa copie d'intendant. Voyageurs sur la terre, nous allons vers les demeures éternelles que Jésus évoque. Il faut donc que cet avenir marque le présent, notre présent de gestionnaires.

3. - Alors - troisième remarque qui est une question - comment notre gestion actuelle doit-elle préparer notre avenir éternel ? Comment notre argent, nos biens divers - matériels, intellectuels, spirituels - peuvent-ils construire une demeure qui n'est pas de ce monde ?
Impossible diront certains. Notre Seigneur lui-même ne qualifie-t-il pas l'argent - et tout avoir - de malhonnête ? Sûr qu'il est malhonnête, l'argent, pour les exploiteurs de la première lecture : quand il est acquis par escroquerie, quand il sert à acheter le malheureux, à l'asservir, quand il est la source de l'injustice sous toutes ses formes dans la jungle où nous vivons - malversations, exploitations, spéculations… -  Sûr qu'il est malhonnête, l'argent, par la destination que nous pouvons lui donner. L'argent devient idole - et tout avoir - quand il est recherché pour lui-même, comme instrument de pouvoir au mépris de l'homme (“Vous serez comme des dieux”, dit l'éternel tentateur - Gen 3.5).

Cependant, avec de l'argent - avec tout avoir - qui est facilement malhonnête, vous pouvez, dit Jésus, en faire un instrument de communion, un instrument d'unité et d'amitié
Et c’est tout le sens de la parabole dite de l’intendant “malhonnête”, qu’il faudrait mieux appelé “avisé”, “habile”. Car cet intendant n’est pas malhonnête en ce sens qu’il réduit les dettes dues à son maître. Non point. Selon le système économique de l'époque, celui-ci lui a donné sa terre à gérer pour un revenu fixe, annuel. Le surplus du revenu – c’est convenu - est pour l’intendant ; c’est son salaire de super-fermier, si je puis dire, de fermier général. S’il est dit qu’il a dilapidé les biens de son maître, c’est qu’il a sans doute épuiser le patrimoine de son maître, en faisant, par exemple, des coupes de bois qu’il n’a pas remplacé, en laissant dépérir le cheptel, en ne respectant pas les assolements nécessaires, en n'entretenant pas l’immobilier etc. : si bien qu’après s’être enrichi par des marges énormes de bénéfices, le patrimoine n’aura plus, très vite, la même valeur.

Aussi, le maître qui perçoit bien sa rente annuelle - il n'y a pas de vol sur ce point - mais qui voit son patrimoine diminuer, lui signifie l’expiration de sa gérance.
Alors, habillement, intelligemment, celui-ci va se contraindre à réduire ses propres marges de bénéfices de sa dernière année de gérance en remettant certaines dettes ; il va ainsi s’assurer de la reconnaissance… de sorte que ses obligés le recevront facilement et l’aideront à envisager l’avenir plus tranquillement

Et Notre Seigneur de conclure : “Les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. Aussi moi je vous dis : faites-vous des amis avec l’argent facilement malhonnête, afin que, lorsqu’il viendra à manquer – et cela arrivera fatalement un jour  -, ces amis vous reçoivent dans les demeures éternelles”. Et qui sont donc les habitants des demeures éternelles. Ce sont les pauvres dont St Luc parle facilement et principalement par la parabole du “pauvre Lazare” qui suit notre texte. Autrement dit, en s’assurant la reconnaissance des pauvres - et il y a multitude de pauvretés, bien sûr -, on risque alors d’entrer dans les demeures éternelles, en raison justement de leur reconnaissance, alors même que l’emploi de nos richesses diverses - matérielles, intellectuelles ou même spirituelles - n’est pas toujours très correct.

Il faut donc en être persuadé : il y a obligatoirement une relation entre l’argent, les richesses quelles qu'elles soient et le ciel. Les demeures éternelles étant le lieu de communion par excellence, pas question d'y avoir accès si notre aventure terrestre n'est pas une entreprise d’entre aide grâce aux richesses matérielles, intellectuelles, spirituelles dont nous disposons. Nous nous préparons aux demeures éternelles dans l'union, l'amitié que nous pouvons établir grâce à nos richesses diverses même parfois mal employées. Le trésor que nous pouvons accumuler dans les cieux, Jésus le décrit sous les traits de nos frères humains plus pauvres que nous et dont nous nous serons faits des amis. Ayant créé avec eux des liens de solidarité, de communion, tous nous accueilleront dans les demeures éternelles. Et Notre Seigneur de conclure en quelque sorte : pensez-y !

Oui, sachons utiliser toutes nos richesses, nos talents. Je ne pense pas seulement à l'argent, mais à toutes les autres richesses : richesses de la culture, richesses du cœur, les plus importantes, richesses spirituelles. Voyons en face de nous tant et tant d’hommes qui souffrent de l'une de ces pauvretés dont la réalité est aussi pénible que le manque d'argent : ceux qui sont malades et à qui l'on fait sentir que leur maladie est une charge, ceux qui sont seuls, absolument seuls… Et bien d'autres !

Et Notre Seigneur de nous dire : faites-vous des amis avec toutes vos richesses afin que ces amis vous reçoivent dans les demeures éternelles ! 

Résurrection !

J'ai bien conscience d'avoir semblé délaisser mes lecteurs. Rien de tel pourtant ! Quelques ennuis de santé et diverses circonstances en furent la cause.
Aussi je vous transmets aujourd'hui trois réflexions, même si je dois m'abstenir encore durant une quinzaine de jours. Mais durant ces jours, soyez assurés de ma pensée et de ma prière.
P.S. Tout en restant aumônier du prieuré "La Paix Notre-Dame", ma nouvelle adresse postale est : "Les Salons de Saint François" - 72500 LAVERNAT       Le 24 Sept 2016


24 T.O. Vendredi 16/C       -  La Résurrection des corps !   (I Co. 15.12-20)

St Paul aborde, dans sa lettre aux Corinthiens, le thème principal de sa prédication, et qui est le fondement de la foi chrétienne : la Résurrection du Christ et, conséquemment, notre propre résurrection.
Cette prédication essentielle avait été pour lui l'occasion d'un échec cuisant à Athènes ; il en avait beaucoup souffert, lui qui avait rencontré le Christ vivant sur le chemin de Damas !

Depuis lors, l'apôtre s'attachait à présenter cette réalité de la Résurrection chez les Corinthiens devenus disciples du Christ. Mais la pensée philosophi-que grecque véhiculait encore chez certains des préjugés contre la matière : le corps, pour un Grec, n'était finalement qu'une prison dont il fallait sortir pour atteindre la vie véritablement, la vie plénière de l'esprit sans le corps !
L'apôtre évoquera à nouveau cette pensée contraire à la foi chrétienne à son cher Timothée en évoquant ceux qui s'écartent de la vérité en prétendant que la résurrection a déjà eu lieu(II Tm 2 16-17).  - “La résurrection a déjà eu lieu !“, disent certains. Paul vise ceux qui faisaient allusion au baptême conçu, reçu comme une "résurrection spirituelle". Et, de ce fait, ils niaient alors la résurrection des corps !

Ainsi, dans sa lettre aux Corinthiens, Paul ne se lasse pas de répéter son argumentation pressante : certains disent, accuse-t-il, qu’il n’y a pas de résurrection des morts ! Mais s’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi. Raisonnement qu’il reprend en argumentant :
- S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et toute notre espérance s’écroule ! (v/12-19)
- Mais heureusement, le Christ est ressuscité. Et nous serons tous vivifiés par lui (V/ 20-28).
- Sinon, tout ne serait qu’inconséquence ! (V/29-30). Et alors, dira-t-il, cyniquement, "mangeons et buvons, car demain, nous mourrons !".

Sans doute, Paul argumente-t-il du fait que le Christ et les hommes ont commune nature ! Et grâce à ce lien, il y a relation causal : si notre résurrection, qui est un effet de celle du Christ, doit ne pas avoir lieu, c’est que la cause n’a pas été posée. Cette pensée logique s'appuyait sur la notion de ce qu'on appellera par la suite : le "Corps mystique" du Christ : si le Corps ne ressuscite pas, pourquoi la tête (le Christ) serait-elle ressuscitée ? Cette belle idée, Paul ne l'exprime pas expressément en notre texte. Il la formulera ailleurs...
Il préfère, ici, appuyer son argument sur une réflexion qui lui paraît encore plus importante : si le Christ n’est pas ressuscité, non seulement notre foi est sans appui, mais nos péchés demeurent en nous, ces péchés si impitoyablement décrits au chapitre 6ème de sa lettre... St Paul marque, là, une profonde relation entre “Résurrection du Christ“ et “Rédemption“ : seul le Christ glorifié donne l’Esprit qui efface les péchés, qui nous donne déjà, dès ici-bas, accès à la vie divine !

Et l'apôtre poursuit : “Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement...,  nous sommes à plaindre !".
Si le Christ n’est pas ressuscité, notre espérance serait ridicule si elle ne porte que pour la vie présente, seulement ! Cela reviendrait à dire comme les chrétiens auxquels faisaient allusion Paul à Timothée : la résurrection a déjà eu lieu par le baptême. Et cette force baptismale devrait nous donner - plus ou moins, certes -, mais devrait nous donner quand même le bonheur dès ici-bas !
Réflexion qu'on entend à l'occasion de telle ou telle souffrance ou épreuve : Si Dieu existe, si le Christ est ressuscité (en moi, par le baptême)…, tous ces malheurs dont je souffre ne devraient pas arriver !

Mais non !, affirme fortement l'apôtre.  Nous le savons bien : notre espérance n’est pas sans objet puisque le Christ est vraiment ressuscité ! Et, dès lors, les chrétiens ont mis, une fois pour toutes, leur espérance dans le Christ-Sauveur, le médiateur unique ! Et il écrira encore à son cher Timothée :
“Il n’y a qu’un seul Dieu, qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes,
un homme : Christ Jésus qui s’est donné en rançon pour tous…
Voilà mon témoignage !“  (I Tim 2.5)

Puissions-nous toujours vivre de cette grande réalité ! Le Christ est bien ressuscité... Il vit en nous pour nous amener à une vie plénière en sa gloire !

dimanche 4 septembre 2016

Aimer comme Dieu aime !

23e Dimanche du T.O. 16/C

St Luc nous montre toujours Jésus sur la route, celle qui conduit vers Jérusalem où il va être condamné à mort.

On voit très bien la scène : Jésus marche en tête, résolument, comme l'a dit St Luc précédemment. Il marche en tête puisqu'il doit se retourner pour s'adresser à ceux qui l'accompagnent. Ceux-ci nous sont présentés de manière un peu emphatique, comme formant "de grandes foules". C'est que pour l'évangéliste, il n'est plus question seulement de ceux qui, ce jour-là, cheminaient avec Jésus, mais de tous les hommes et de toutes les femmes qui, au cours des siècles, attirés par le Christ, se sont mis à marcher à sa suite, de nous-mêmes par conséquent.

Jésus est devant. Et, se retournant, il accuse la distance qui nous sépare encore de lui. Regardant cette foule, nous regardant, il semble nous poser cette question : "Parmi ces volontaires, combien de velléitaires ? Combien me suivront jusqu'au bout ? Combien, devant les difficultés de la route, devant tel ou tel orage qui surviendra, seront capables de faire véritablement face avec moi ?" Et on conçoit qu'il sente le besoin de nous avertir des exigences que comporte l'état de disciples.

Mais est-il possible que Jésus, "l'Amour de Dieu incarné" ait osé avancer de telles exigences qui nous sont signifiées aujourd'hui ? "Si quelqu'un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs, jusqu'à sa propre vie, il ne peut être mon disciple".

Cette déclaration a évidemment bouleversé bien des générations de croyants. Et les exégètes nous expliquent que le mot "haïr" n'est pas à prendre dans le sens fort que lui donne notre langage habituel. La langue hébraïque est une langue pauvre. En particulier, elle ne possède pas de comparatif. "Haïr" signifie souvent "aimer moins". Dans notre texte, il s'agit par conséquent d'une préférence à accorder au Christ : "Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, à sa mère, à sa femme…, il ne peut être mon disciple". Nous devons préférer le Christ à ceux que nous aimons le plus. Et quelquefois, cet amour de préférence, cet amour exigeant du Christ pousse à quitter la famille pour un service plus total du Seigneur. C'est le cas de toute vocation religieuse ou sacerdotale. Les exemples sont multiples et divers : Ne seraient-ce que les missionnaires de tous les temps - tel, chez nous, Mgr Siméon Berneux - ces missionnaires qui, autrefois surtout, partaient pour vingt, trente ans, voire sans jamais revenir.

Mais si nous réfléchissons plus profondément à cette parole de Jésus, si déconcertante à première vue, nous comprendrons que "préférer le Christ" à nos proches nous amène, non pas à les aimer moins, mais à les aimer mieux.

En effet, nous sommes pécheurs et le péché nous met dans l'incapacité d'aimer comme il faut, d'établir des relations d'amour absolument réel, vrai, sincère avec les autres. Car si le péché nous sépare de Dieu, il nous sépare aussi de nos frères. Nous ne savons pas aimer comme il faut, parce que notre égoïsme, notre amour propre, nos intérêts dénaturent nos amours. Trop souvent, sous prétexte d'aimer les autres, c'est nous-mêmes que nous aimons.

Or, le Christ n'entend pas supprimer nos amours humaines. Il veut les purifier, les transformer, les sanctifier. Lui-même n'a pas exclu de son affection sa mère et sa parenté. Mais il a intégré ses affections dans le mouvement global d'amour qui le portait vers le Père. Un fleuve, pour aller vers la mer, n'exclut pas ses affluents ; au contraire, il s'en augmente. - A condition que notre cœur soit profondément tendu vers Dieu, comme le fleuve vers la mer, nos affections humaines peuvent agrandir et intensifier notre amour pour Dieu.

La question est de savoir si les affections que nous donnons ne se perdent pas dans le périssable ou si celles que nous recevons n'abîment pas notre cœur.

Dès lors, "préférer le Christ", c'est accepter de vivre le mystère de mort et de résurrection du Christ, en s'arrachant à sa mauvaise manière d'aimer pour apprendre du Seigneur, par une transformation de soi-même, à aimer véritablement, à aimer comme Dieu aime, à aimer comme le Christ !.

Et nous avons, dans la lettre de Paul à Philémon (2e lect.), un exemple de la transformation dans les relations, opérée par la foi au Christ - Onésime, un esclave de Philémon, s'est enfui. Selon le droit en vigueur, Philémon a droit de mort sur son esclave en fuite ! Mais ce dernier a rencontré Paul qui l'a initié à la foi. Onésime croit ! Paul le considère comme son frère et il écrit en ce sens à Philémon. Il lui demande de pardonner à Onésime, et même de le libérer au nom d'une relation qui doit s'instaurer entre eux à cause de la foi commune qui les anime désormais. Les circonstances nouvelles leur font découvrir que, dans le passé, ils se haïssaient… et que, grâce à l'action du Christ en eux, il leur faut changer ! Ils doivent aimer en Dieu... !

Pour nous, les applications sont constantes. L'une des plus profondément humaines est l'amour entre époux. Le Sacrement de mariage établit entre les époux un centre d'échange, le Christ lui-même, à partir duquel part la qualité de leurs échanges d'amour ; et ces échanges leur permettent de mieux réaliser ce qu'est l'amour du Christ pour eux, et, par conséquent, de mieux s'aimer. Pour eux aussi, il y a une manière de vivre leur amour en "préférant" le Christ, en étant "disciples". C'est au cœur de cet amour qu'ils sont invités à consentir au Christ avec la totalité de leur être. L'amour conjugal devient de plus en plus charité, grâce à l'amour du Christ en eux.

Au fond, l'évangile d'aujourd'hui nous invite à faire cette prière : "Seigneur, unifie mon cœur, de sorte que nous mettions en ton cœur tous ceux que nous aimons. Ainsi, nos affections ne seront pas diminuées ou rabaissées par notre amour propre, mais grandies à la dimension de ton amour divin".