dimanche 26 février 2017

Riche de qui, de quoi ?

8ème  Dimanche du T.O. 17/A

Entre Suisses, dit-on - mais il y a de tels "Suisses" partout -, on parle facilement d'argent ! Mais on se garde bien de citer des chiffres précis, même s'il s'agit de les inscrire sur sa feuille d'impôts. Notre pudeur aujourd'hui n'est plus sentimentale mais bien plutôt financière !

Et à entendre les conversations d'affaires - et Dieu sait si j'en ai entendu naguère -, on a toujours l'impression qu'il y a deux catégories de citoyens :
- Certains ont trop d'argent, mais ils refusent de l'avouer. On les accuse même de gloutonnerie en ce domaine ; car de l'argent, ils en veulent toujours davantage, s'enlisant - inconsciemment parfois - dans un matérialisme épais au risque de s'étouffer sous l'édredon de leur confort matériel.
- D'autres, par contre, crient - et violemment parfois - de n'avoir pas assez de ressources, sans savoir pour autant s'ils les utilisent convenablement. Et ils sont rongés par les soucis des lendemains, obsédés par les fins de mois et les dettes à rembourser.

Bref, à écouter et à droite et à gauche, et devant et derrière, on peut se dire que nul n'est vraiment heureux avec son porte-monnaie ou parce qu'il est trop épais ou parce qu'il est trop plat !

Or Jésus nous dit aujourd'hui que pour servir Dieu - et c'est bien l'essentiel de notre vie à nous chrétiens, religieux -,
- il faut avoir une liberté intérieure - cette liberté dont parle St Paul, souvent engloutie sous nos comportements légaux, voire pharisaïques -, il faut avoir cette liberté de l'Esprit Saint, une liberté vraiment spirituelle à l'égard de tout le reste et des richesses surtout,
- et il faut surtout se souvenir que "la racine de tous les maux, comme dit St Paul, c'est l'amour de l'argent" (I Tm. 6.10).

Bien sûr, on va aller s'écriant : la leçon des oiseaux qui trouvent leur nourriture sans autre effort que d'aller picorer au hasard, et que ces fleurs qui tissent leur robe de parade en flirtant avec le soleil et la rosée, n'est-ce pas là un évangile de clochards ? N'est-ce pas transformer les hommes en cigales imprévoyantes ?

Sans doute, Jésus parle par paradoxe. Car lui-même qui vécut pauvre n'a jamais canonisé la misère ou exalté l'indigence qui sont, la plupart du temps, les fruits de l'injustice et les causes de la déshumanisation.
Et là, nous avons un devoir - un devoir strict - de lutter contre. A ce sujet, il y aurait certainement beaucoup à dire aujourd'hui, en un temps de fort chômage, en un temps où bien des hommes n'ont pas de quoi vivre honnêtement. J'ai noté naguère une réflexion de Jean Jaurès lui-même : "Ce n'est point, comme le disent souvent les déclamateurs vulgaires et les moralistes sans idées, parce que notre société a le souci des intérêts matériels qu'elle est irréligieuse. Il y a, au contraire, quelque chose de religieux dans la conquête de la nature par l'homme, dans l'appropriation des forces de l'univers aux besoins de l'humanité. Non, ce qui est irréligieux, c'est que l'homme ne conquiert la nature qu'en assujettissant les hommes" (cité dans L. Pauwels et J. Berger "La main des magiciens" Gallimard 1960, p. 405).

Mais l'évangile d'aujourd'hui s'adresse plutôt à ceux qui possèdent suffisamment en posant cette question : comment utiliser nos richesses ?
Les paroles de Jésus sont à prendre comme des coups de poings sur la table par lesquels un maître veut réveiller l'attention de ses élèves. St Paul avait bien compris la leçon, lui qui affirmait que l'important est d'être de ceux "qui usent de ce monde comme s'ils n'en usaient pas véritablement" (I Co 7.31)..

Autrement dit, il nous faut accueillir cet évangile des oiseaux et des fleurs comme une contestation de notre société de consommation qui transmet à quiconque - riche ou plus démuni - la contagion de la possession. Jésus sait trop combien est dangereux le piège qui enferme notre vie dans la cage plus ou moins dorée des propriétés et surtout de l'égoïsme, source d'inquiétude pour ce que l'on a, pour ce que l'on est, source d'accaparement, d'oppressions multiples, d'envies incessantes. Et bien des scrutateurs de la vie monastique affirment que cette attitude peut se rencontrer même dans les cloîtres à propos de conforts ou biens auxquels on tient d'autant plus qu'ils sont tout petits.

Mais alors, quel remède à tout ce matérialisme qui peut gangréner cœurs, familles, communautés et peuples entiers ? Comment soigner ceux qui ont fait de l'avoir la pire des drogues ? - Jésus nous répond : "Cherchez d'abord le Royaume des cieux et sa justice et tout le reste vous sera donné par surcroît".

- Autrement dit, ii nous faut nous comporter avec les biens de ce monde en fils de Dieu et non en esclaves de l'argent, de l'égoïsme. Nous devons nous comporter avec les biens de ce monde comme des enfants de Dieu. Et voilà qui change tout : notre argent, notre cœur, notre conduite !

- Autrement dit, quel temps, quelle attention, quels moyens consacrons-nous à la recherche du Royaume de Dieu en comparaison de ceux que nous vouons à la quête du bien-être et de l'enrichissement matériel. Franchement, qui est mon maître ? A quel trésor notre cœur est-il attaché, qu'est-ce qui le fait battre ? Où mène mon existence ? A l'abri trompeur d'un certain bien-être ou dans la sécurité du Royaume des cieux là où nous serons pauvres de tout parce que riches de Dieu seul, le même également partagé entre tous pour la joie éternelle de chacun ?

Le Seigneur nous dit aujourd'hui : Prenez mon évangile de ce dimanche dans une main et un billet de banque dans l'autre. Lisez, méditez, priez surtout. Et peut-être que les lys des champs et les oiseaux du ciel vont-ils vous paraître finalement plus évangéliques que l'image chiffrée de notre matérialisme.

Nous allons, mercredi prochain entrer dans le temps du Carême, période de réflexion par excellence. Alors, réfléchissons :
- Combien de temps allons-nous consacrer à Dieu par la prière, la lecture de sa Parole ? Même si notre vie est organisée autour de ces activités spirituelles - comme dans un monastère -, quel sera mon appétit non celui de mes satisfactions..., mais mon appétit de Dieu, j'entends.
- Combien de temps allons-nous consacrer à nos semblables en comparaison du temps que nous réservons à notre bien-être ? Irais-je jusqu'à m'enfermer dans mes soucis quels qu'ils soient jusqu'à oublier les visages douloureux que je peux rencontrer tous les jours ? Car en ces visages, c'est toujours le Christ qui souffre de mille façons.

N'oublions surtout pas : C'est avec tous ceux que nous rencontrons que nous sommes appelés à jouir un jour d'un même Bien : Dieu et Dieu seul !

samedi 18 février 2017

Un "monde" nouveau !

7ème  Dimanche du T.O. 17/A

Faut-il être illogique et fou pour être disciple de Jésus ?
Car soyons réalistes et francs ! Que se passe-t-il lorsque nous sommes giflés, volés, lorsque nous sommes agressés par toutes sortes de chicanes et de haines ? La réponse apparaît clairement dans les journaux et sur les écrans de télévision : rancunes, menaces, vengeances, représailles, etc...,  sous le prétexte, souvent, de légitime défense. Bref, tous les jours, nous voyons le cortège de ces violences qui sèment la mort et l’injustice.

Et nous le savons bien : nous-mêmes, parfois, nous nous enfonçons plus ou moins dans ces marécages pourris de l’injure, de la calomnie, de la vengeance, de la vindicte, persuadés que nous gagnerons la bataille de celui qui a raison, qui est le plus fort, qui aura le dernier mot ! C’est alors que nous nous engluons, aspirés par le tourbillon des folles surenchères de l’orgueil.

Or, l’évangile nous enseigne aujourd’hui que le point où Dieu et l’homme diffèrent peut-être le plus est leur attitude en face du mal. Des deux, l’homme est celui qui se défend le moins bien.

Regardons nos sociétés. Au fur et à mesure de leur évolution, elles se construisent des systèmes pour contrôler efficacement le mal. Des systèmes basés sur une certaine justice, une certaine équité dont chacun, tant soit peu évolué, finit par admettre le bien fondé : le mal doit être puni, le tort causé dédommagé ; il convient d'aimer ceux qui nous aiment, de saluer nos amis. Par contre, rien n'est dû à ceux qui nous haïssent, sinon peut-être de rendre, en temps opportun, le mépris dont ils nous accablent. En agissant de la sorte, un certain ordre semble créé et respecté où chacun reçoit ce qui lui est dû, et où personne ne doit plus rien réclamer.

Or Jésus, dont le Royaume n'est pas de ce monde, vient bouleverser cet ordre apparemment équitable. Il semble dire à la société très éclatée de son époque - et la nôtre ne l’est pas moins - : une telle justice ne suffit plus ; elle est trop faible pour vaincre le mal. Il ne suffit plus de le contenir par un subtil équilibre de forces, par la peur d'un procès ou d'une vengeance : œil pour œil, dent pour dent. Car c'est bien la peur qui assure la stabilité et la force interne d'une telle société, même si cette peur est désormais civilisée et que les gouvernants en jouent habilement pour assurer le bon ordre et la paix de tous.

Dieu, au contraire, n'a pas besoin de triompher du mal par la peur. Il est assez puissant pour en triompher par le bien, pour vaincre la haine par l'amour. En Jésus, Dieu s'est incarné pour nous l’enseigner, pour le prouver. Ainsi, dans l'évangile, Jésus ouvre un chemin de la victoire sur le mal à cette poignée de disciples réunis autour de lui sur la montagne dont il fait son Eglise.Ill jette le ferment d'une société et d'un monde absolument nouveaux. Aussi leur demande-t-il de ne pas résister ni de riposter au mal, mais de s'y prêter, pour ainsi dire, avec cependant une surabondance d'amour.

Ses paroles sont bouleversantes, presque choquantes : "Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l'autre. Si quelqu'un veut te prendre ta chemise, laisse-lui encore ton manteau... Donne à qui te demande... Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent...". De telles consignes sonnent irréelles, candides, et même périlleuses ou subversives. Comment gérer de la sorte une société et y maintenir le bon ordre ?

Mais, justement, le rôle de Jésus est de faire advenir, au cœur même de cette société basée sur la loi du plus fort avec la logique implacable de la jungle, une lueur, un signe éclatant de ce que sera un jour une autre Société. Celle où Dieu sera tout en tous, où son amour envahira tous les hommes, un amour qui ne fait pas la distinction entre justes et le méchants, qui les fait bénéficier également de son soleil et de sa pluie ; un amour miséricordieux qui ne rend jamais le mal pour le mal, mais qui excelle, en rendant le bien pour le mal, à vaincre et à effacer celui-ci, à transformer le cœur du méchant le plus endurci : "Aimez vos ennemis afin d'être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux".

Cette force de Dieu est la seule à venir vraiment à bout du mal. Elle s'appelle l'amour miséricordieux. Celui-ci est folie aux yeux du monde. Il peut même paraître subversif à certains moments. Il est cependant le seul à éclairer déjà quelque peu la terre par un rayon du ciel, par un reflet de l'amour du Père : "Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait".

Et Jésus fut le premier à être au milieu du monde cet amour incarné de Dieu. Le premier aussi à céder apparemment au mal, à se laisser faire par lui pour mieux en triompher dans un excès d'amour. Mais ce triomphe sera au prix de souffrances atroces et de la mort. Il ne pouvait en être autrement. Car avant la fin des temps, il n'y a pas encore, en ce monde, assez de cœurs qui puissent recevoir la pleine révélation de l'Amour miséricordieux du Père. Celui qui s'y prête scelle un tel témoignage par des souffrances et parfois par son propre sang, comme le fit Jésus, comme les martyrs après lui

Depuis lors, le pardon, la non-violence, l’amour de l’adversaire, la prière pour les bourreaux… sont les divers arguments de la divine logique de Celui qui a succombé sous la haine, mais qui nous offre la puissance de sa Pâque plus forte que le mal et la mort elle-même.

Pourquoi ne pas miser, comme lui, sur la miséricorde au lieu de nous perdre avec les autres dans la spirale des inimitiés et des vengeances destructrices ? Le Crucifié sans haine est aujourd’hui ressuscité ! Telle est bien la foi que nous proclamons chaque dimanche. Et il nous donne son Esprit pour refaire - au moins un peu ! - ce qu’il a parfaitement manifesté.

Certes, il ne nous en veut pas de ne pas toujours réussir, tant il sait combien il est difficile, surhumain, d’être non-violent, doux, pardonnant, aimant quoi qu’il arrive. Mais quelle excuse aurons-nous, devant le Père et son Fils Jésus, si nous n’avons même pas essayé, recommencé, persévéré, quoi qu’il en coûte ?

Là est la pierre de touche du christianisme, tant il est vrai que tout le reste est encore relativement facile puisque les publicains et les païens en font autant. Rendre le bien pour le mal, pardonner à ses ennemis, c’est vraiment la perfection de la charité.
Nous qui nous proclamons chrétiens, nous sommes appelés à cette perfection, afin d’être en ce monde les prophètes du Royaume à venir, les fondateurs-bâtisseurs de la Cité de Dieu.

dimanche 12 février 2017

La "morale" du Christ

6ème  Dimanche du T.O. 17/A

Notre évangile d'aujourd'hui est un extrait du "Discours sur la montagne", le premier des cinq grands discours dans lesquels Matthieu a rassemblé l'enseignement de Jésus.

De façon solennelle, Jésus proclame qu'il n'est pas venu abolir la Loi, mais l'accomplir, la parachever. Avec une souveraine autorité, qui atteste la parfaite conscience qu'il a de lui-même, de sa qualité de Fils de Dieu, Jésus nous expose aujourd'hui, en six antithèses, les exigences nouvelles, qui permettront de dépasser les anciennes prescriptions pour atteindre une justice supérieure, pour atteindre, comme dit St Paul, "la sagesse du mystère de Dieu, sagesse cachée mais prévue par Dieu pour nous donner la gloire", celle qui nous fait véritablement "enfants, fils de Dieu" !

Ainsi donc :
- Il vous a été dit : Pas de meurtre. Moi, je vous dis : Même pas de colère, ni d'injures.
- Il vous a été dit : Pas d'adultère. Moi, je vous dis : Même pas un regard de convoitise.
- Il vous a été dit : Il est possible de répudier une épouse dans certaines conditions. Moi je vous dis : Aucune répudiation.
- Il vous a été dit : Œil pour œil, dent pour dent. Moi je vous dis : Aucune vengeance.
- Il vous a été dit : Pas de faux serment. Moi, je vous dis : Pas de serment du tout.
- Il vous a été dit : Aimez votre prochain. Moi, je vous dis : Aimez vos ennemis.

"Il vous a été dit !" : C'est l'habituelle formule passive qui permet d'éviter de prononcer le nom de Dieu. Mais, évidemment, Dieu est sous-entendu comme sujet du verbe. C'est bien, en effet, de la volonté divine que Moïse avait été l'interprète. Précisément, Jésus seul pouvait se permettre de retoucher le texte sacré. Et de quelle manière ! Avec quelle impitoyable radicalité !

La première antithèse est l'une des plus développées, mais n'en n'est pas pour autant l'une des plus faciles à aborder, tant les termes nous paraissent excessifs. Et, cependant, elle nous situe au cœur même du problème, c'est‑à‑dire de cette perfection idéale à laquelle Jésus veut nous conduire.
"Il a été dit : Tu ne tueras pas", "Celui qui tuera est bon pour la condamnation". La loi punissait de mort le meurtrier. Or Jésus emploie, à propos de celui qui se met en colère, la même expression : "Il est bon pour la condamnation".
Jésus met sur le même plan le geste extérieur que le législateur peut atteindre et punir, et la perversion intérieure d'un cœur haineux, sans laquelle il n'y aurait pas de meurtre et que seul peut connaître le regard de Dieu.  St Jean n'hésitera pas à écrire : "Quiconque hait son frère est homicide, et vous savez que pas un homicide n'a la vie éternelle en lui". (I Jn 3.15).

Parlant de l'adultère, Jésus établira la même équation entre la faute réelle et le regard mauvais "qui est déjà un adultère commis dans le cœur".

Jésus dénude les âmes pour atteindre la racine du mal et réclamer la pureté des dispositions intérieures. Un écrivain juif a pu noter, à propos de ces antithèses de Notre Seigneur : "Jésus a parlé de manière directe, tel l'éclair". - Oui, l'éclair, il ne dure pas, mais à l'instant où il déchire la nuit, il n'y a plus d'obscurité ; le moindre détail du paysage est illuminé d'une manière irréelle. Mieux qu'en plein midi.
Et bien, l'éclair de la parole de Jésus ne laisse subsister aucun repli d'ombre, aucune demi-teinte. Impossible de s'arrêter à la matérialité des actes, de se protéger derrière les attitudes honorables. Etre en règle avec la Loi ne suffit plus : "Tout homme qui regarde une femme et la désire a déjà commis l'adultère dans son cœur !"

L'éclair a percé les ténèbres du cœur. C'est là que les hommes vivent secrètement. C'est là qu'ils mentent, qu'ils trahissent, qu'ils convoitent, qu'ils tuent.

C'est là aussi qu'ils aiment en vérité et répandent la bonté. Jésus conduit l'homme à l'intérieur de lui-même. Jusque dans les cavernes d'où surgissent toutes les violences. Jusqu'à cette profondeur où notre glaise humaine peut se faire souple ou dure en la main de Dieu créateur et rédempteur. Nous sommes bien au-delà des codes de savoir-vivre et des règles de morale : c'est en son cœur que l'homme ne cesse pas de naître, de choisir, de poser le regard de la guerre ou de la paix sur les autres hommes. C'est dans le cœur que l'homme entend toujours la Parole de Dieu, rapportée par le Sage de la première lecture : "Le Seigneur a mis devant toi l'eau et le feu ; étends la main vers ce que tu préfères. La vie et la mort sont proposées aux hommes... selon leur choix". Mais il faut bien le savoir et bien le reconnaitre : "Dieu n'a commandé à personne d'être impie, il n'a permis à personne de pécher".

Le Concile Vatican II nous enseigne : Au fond de son cœur, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. Au moment opportun résonne toujours dans le cœur de l'homme une voix qui ne cesse de le presser d'aimer, d'accomplir le bien et d'éviter le mal. Oui, le cœur est le centre le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. (Cf. L'Eglise dans le monde... LG n° 16).

Notre Seigneur avait donc bien raison de nous préciser : "Ce n'est pas ce qui entre dans le cœur de l'homme qui souille l'homme, mais c'est ce qui en sort".(Mth 15.18).

Aussi, St Luc nous recommande-t-il : "Ayez donc un cœur qui écoute" - Et puissions-nous dire nous-mêmes, comme le petit Samuel : "Parle, Seigneur, ton serviteur écoute" (I Sam 3.9).

C'est alors, comme dit encore St Paul, que nous entendrons, que nous verrons "ce qui été préparé pour ceux qui aiment Dieu !".
C'est alors que nous comprendrons la nouveauté de l'enseignement du Christ. Jusqu'à lui, le grand principe moral était : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse !". Ce principe était ce qu'on appelé la "Règle d'Or" de beaucoup de religions. Mais avec le Christ, le principe nouveau, c’est d'"aimer comme Dieu nous a aimés". Et pour bien comprendre, cela suppose que notre cœur contemple le cœur du Christ ouvert sur la croix, et qu’on médite ce mystère de la Trinité où les Personnes n’existent que comme relations subsistantes, disent les théologiens, où tout égoïsme est comme exorcisé, supprimé.
Voilà la nouveauté des enseignements du Christ que parfois on estompe facilement. Le commandement nouveau, c’est : "aimez-vous comme je vous ai aimés". Et comprenant cela, on puise en Dieu la force d’aimer même ses ennemis… 

dimanche 5 février 2017

Sel,,Lumière du monde !

5ème  dimanche du T.O. 17/A

Il y a quelque temps, un missionnaire, assez âgé, revenait d'Afrique après 50 ans passés au service de la jeunesse de divers pays. Il fut invité par un groupe de jeunes de 16-18 ans qui souhaitaient l'entendre sur ce qu'il avait vu et vécu. Le responsable de ce groupe avait quelque inquiétude sur la façon dont serait accueilli un homme de 75 ans et dépaysé par rapport à la jeunesse du monde occidental. Or, non seulement il fut écouté avec attention, mais ce qu'il dit captiva son auditoire pendant des heures. Pourtant, ces jeunes n'étaient pas tous chrétiens ; mais tous, semble-t-il, furent sensibles au témoignage d'une parole simple, renvoyant à une action prenant sa source dans une vie consacrée aux autres et en référence à Jésus-Christ.

Oui, il nous faut témoigner par la parole… !
Nous venons d'écouter St Paul. Quelle humilité, simplicité ! Voilà un homme instruit, capable d'argumenter avec les philosophes, et qui oublie sa culture pour s'effacer devant le Messie, un Messie crucifié, et laisser se manifester "l'Esprit et sa puissance", dit-il.
Certes, l'Eglise a besoin de porte-parole qui passent bien à la télévision, d'une presse qui puisse rivaliser avec les autres journaux, de techniques efficaces. Mais Jésus a surtout besoin de témoins qui vivent ce qu'ils annoncent et annoncent ce qu'ils vivent.
Entre nous, entre amis, n’ayons pas peur de parler du Christ - c’est un peu notre défaut en France : on n'ose pas ! -. Parler du Christ simplement comme Paul et tous les missionnaires. Mais faisons-le avec beaucoup de simplicité et d'amour, sans trahir ce qu'il est, autrement dit en essayant de trouver les mots justes et également - bien sûr - en ayant beaucoup de respect pour ceux à qui nous nous adressons.
Quand Paul avait parlé à Athènes avant de le faire à Corinthe, il avait utilisé toutes les "ficelles" de l'art oratoire, et ce fut un échec cuisant dont il a beaucoup souffert. A Corinthe, il laisse parler son cœur et sa parole atteint celui de ses interlocuteurs ; car c'est Dieu qui, alors, parle par sa bouche.

Oui, Dieu “a besoin des hommes” a-t-on dit. Dieu, a besoin de nous !

Certes, témoigner par la parole n'est pas toujours à la portée de tout le monde, diront les plus timides. Peut-être… ! Par contre, n'importe qui peut, à tout moment, témoigner par ses actes. St Paul le dit fortement, lui si cultivé ; il atteste que ce ne sont pas les beaux discours bien structurés, solidement argumentés, qui témoignent de Dieu, mais bien plutôt une vie de foi : "... en voyant ce que vous faites de bien, dira Jésus, les hommes rendront gloire à votre Père qui est aux cieux" (Mth 5.16). Nos actes, inspirés par notre foi, peuvent grandement témoigner du sérieux de cette foi et renvoie obligatoirement à celui qui inspire notre croyance, le Christ !

Et quels sont ces actes principalement ?   Les conseils donnés par Isaïe il y a 2700 ans sont encore d'actualité : partage ton pain, recueille le sans-abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable.
Ne te dérobe pas à ton semblable ! Car plus encore que de pain, d’un abri ou d’un vêtement, c'est de toi qu'il a besoin, d'un peu de ton temps, d'une miette de ton amitié. Il n'est pas demandé à tous d'aller passer 50 ans en Afrique, d'être un Abbé Pierre, une Mère Thérésa. Mais, chacun peut facilement trouver près de lui un mendiant d'amour à qui donner un peu de son cœur. Alors, dirait Isaïe, celui-là n'aura plus besoin de discours pour communiquer Dieu a ses frères, parce que son témoignage marchera devant lui et la gloire du Seigneur l'accompagnera. Ses actes, avant toute parole, parleront déjà de Dieu ; il est lumière, sel de la terre, témoin de la vérité qu'il veut transmettre.

Sans doute le prophète Isaïe veut-il dire que celui qui fait le bien, qui aime effectivement et réellement, autrement que du bout des lèvres, ressemble à Dieu. Bien avant l’Incarnation du Fils de Dieu, Isaïe affirme que l’homme peut laisser voir à travers tout ce qu’il est l'"image de Dieu" en l'homme, non déformée par toutes les scories dont notre vie est souvent encombrée. Dieu greffe sa parole sur notre façon  de vivre, sur nos réactions, sur nos priorités, nos certitudes.

Oui, nous avons à témoigner par notre parole, par nos actes, par tout ce que nous sommes. Encore faut-il - chacun d’entre nous - nous appliquer à bien concevoir le contenu de notre témoignage. Encore faut-il avoir une idée de Dieu qui corresponde à ce qu'il nous a lui-même révélé par ses paroles, par sa Parole, son Verbe, Fils de Dieu fait homme, par son Esprit qu’il nous envoie.

- Nous avons d'abord à dire notre foi, à dire quel est ce Dieu en qui nous mettons notre confiance. C’est de notre responsabilité. Si nous nous considérons chrétiens, nous n'avons pas le droit de dire n'importe quoi, n’importe quel Dieu. Nous avons le devoir de transmettre ce que Dieu nous a dit de lui-même, et, pour cela, de ne pas hésiter à nous instruire par ses paroles, sa Parole, “Verbe de Dieu fait homme”, par ce que l’Esprit ne cesse de nous dire tout au long des siècles, de dire à l’Eglise.

- Nous avons à dire encore notre Espérance, ce qui nous fait vivre bien au-delà des espoirs humains, aussi légitimes soient-ils, bien au-delà des diverses épreuves de la vie. Nous avons à montrer combien la présence de Dieu à nos côtés est pour nous source de confiance en tout ce qui peut se produire - bonheur ou malheur - : nous ne pourrons jamais que tomber - ou plutôt que de nous relever sans cesse -entre les mains de Dieu, d'un Dieu plein de miséricorde !

- Enfin, nous avons à dire l'amour, l'amour de Dieu pour nous, et c'est quelquefois extrêmement difficile quand nous, ou ceux à qui nous nous adressons, sommes dans la souffrance, face à la maladie ou la mort. Comment trouver encore le courage de suggérer que Dieu reste pourtant à nos cotés, comme un ami, comme un Père ?

C'est cette présence-là - la présence du Dieu-Père - qui est, au fond, la source - première et dernière - de notre parole, de notre action. Présence qui fait que nous sommes, nous aussi, réellement “Bonne Nouvelle” de Dieu pour tout homme, sel de la terre, lumière du monde !

vendredi 3 février 2017

Présentation

Présentation de Jésus au temple 02.02.17

2 février : fête de la Présentation de Jésus au Temple ! Naguère, les parents chrétiens, à la suite de Marie et de Joseph, faisaient facilement l'offrande de leur nouveau-né, manifestant ainsi qu'il appartenait avant tout à Dieu seul en qui "était la vie" (Jn é.4). ... Et nous pouvons imaginer, quarante jours après Noël, la joie et la fierté de Marie et Joseph qui présentent en ce sens leur enfant à Dieu !

Mais cette fête d’aujourd’hui nous apporte une grande révélation sur le mystère de Jésus. En effet, elle nous montre le vieillard Siméon annonçant que Jésus sera la "Lumière des Nations". C’est pour cette raison qu’on a aussi appelé cette fête la "Chandeleur", la fête de la Lumière.
En voyant Jésus, Siméon comprend déjà, intuitivement, ce que dira dira St Jean : "En lui était la vie ; et la vie est la lumière des hommes ; et la lumière brille dans les ténèbres ; et les ténèbres n'ont pu l'arrêter !" (Jn 2. 4-5). On imagine la joie de Marie et de Joseph quand ils entendent le vieillard : "Mes yeux ont vu le salut que tu as préparé à la face des peuples !". C’est ainsi que Jésus est présenté "Lumière" qui vient éclairer les nations païennes. C'est déjà la "Bonne Nouvelle" qui est annoncée aux pauvres, aux exclus et à tous ceux qui ne comptent pas aux yeux du monde, comme cela le fut déjà à Noël. C’est cette joyeuse "Nouvelle" que nous découvrons tout au long des évangiles. Et, plus tard, au moment de quitter ses apôtres, le Christ ressuscité leur confiera la mission de répandre cette "Lumière" sur le monde entier pour qu’elle illumine toute l’humanité, tous les hommes !

Pour Siméon, le simple fait de voir l'enfant Jésus, cela lui suffit. Il comprend que c’est lui qui vient apporter la "Lumière", le salut non seulement au peuple d'Israël, mais à toute l’humanité.
Aussi, nous-mêmes, en évoquant le Christ "Lumière du monde", comment ne pas penser à ces foules de pèlerins à Lourdes, à La Salette, à Fatima et en divers autres sanctuaires dédiés à Marie. Personne n’oublie ces longs cortèges de lumières lors des processions du soir. Tous ces cierges allumés sont le symbole du christ qui vient illuminer le monde. Cette lumière du Christ qui doit briller en nous, c’est l’amour qu'il veut mettre dans nos vies. Et si nous voulons qu’elle rayonne vraiment, nous avons besoin de puiser sans cesse à la source, c’est à dire auprès du Christ lui-même, "Lumière des nations" !

Et je pense que Siméon et Anne n'ont pu avoir cette merveilleuse intuition que parce qu’ils étaient des priants. Anne passait la majeure partie de son temps à jeûner et à prier. Tous deux étaient vraiment à l’écoute de l’Esprit Saint. Puisse cette (notre) mission de "priants" éclairer ceux et celles qui nous approchent et découvrir comme nous et avec nous le Christ, "Lumière"' de leur vie !

Oui, nous célébrons le Christ "Lumière". Mais la lumière peut aveugler également. La lumière éclaire, mais parfois elle dérange. Elle montre ce qui n’est pas beau dans nos vies. Et lorsque cela arrive, elle est parfois rejetée. C’est ainsi que Siméon annonce que cet enfant - Jésus - sera un signe de contradiction, qu’il sera rejeté et que les hommes auront à prendre parti pour ou contre lui.
Cela doit nous renvoyer à la manière dont nous accueillons cette "Nouvelle" qui vient de Dieu. Le Christ est-il vraiment notre lumière ? Nous risquons parfois de picorer ce qui nous arrange dans l’évangile et de rejeter ce qui nous dérange.
Ainsi, nous sommes provoqués à revenir à l’essentiel : accueillir cette "Lumière" qui vient de Dieu et devenir lumières pour tous nos frères.

En participant à l’Eucharistie, nous sommes invités à accueillir cette "Lumière" qu'est le Christ qui peut transformer notre vie. La fête de la Présentation, c’est celle de la rencontre avec Jésus. Par Marie, le Christ fait la démarche de venir vers nous. Et l’Esprit Saint nous pousse sans cesse - comme il a poussé Siméon - à aller vers lui. Il nous permet de le voir et de le reconnaître comme le Messie, l'Envoyé de Dieu en notre monde.

Oui, cette fête de la Présentation nous met devant Jésus "Lumière des nations". Et si nous prenons le temps de vraiment rencontrer le Seigneur, nous serons alors comme Siméon et Anne qui parlaient de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance d’Israël. Ainsi cette Fête de la Présentation revêt en même temps un caractère missionnaire. Nous découvrons que l’Esprit Saint fait de nous des témoins de la "Lumière", des apôtres de Jésus auprès de tous ceux qui attendent leur délivrance.

Oui, n’ayons pas peur de rendre compte de l’espérance qui est en nous.