samedi 15 avril 2017

Un jardin ! Quel jardin ?

P A Q U E S    17 / A

Je ne sais si vous l'avez remarqué : les trois actes du drame de la Rédemption de l'homme par Dieu, drame que nous venons de revivre tous ces jours-ci ont pour scène un jardin :

1. Le premier acte se passe au leu appelé "Paradis terrestre" - "paradis", mot persan qui veut dire "jardin" -.
Le premier homme et la première femme, sortis, si je puis dire, de l'animalité, sont placés devant l'option que connaîtront tous leurs descendants :
ou accepter la condition humaine avec ses limites et rendre grâce à Dieu du don de l'existence, de la vie, de la relation avec Dieu -
ou refuser sa situation de créature, et, tel un nouveau Prométhée, se révolter et chercher à ravir, par ses propres forces, la condition divine.

Adam et Eve, prototypes de l'humanité pécheresse, choisissent, à l'instigation de la puissance du Mal, de se passer de Dieu ; et aussitôt, ils découvrent une certaine régression vers l'animalité dont ils cherchaient à s'abstraire par leurs propres forces. Aussi sont-ils chassés du Paradis terrestre !

2. Le deuxième acte se passe dans un jardin, aux portes de Jérusalem, près de l'enclos d'un pressoir à huile. C'est le jardin du mont des Oliviers, Gethsémani.

C'est là que Jésus se retire après un dernier repas avec ses apôtres. C'est là "qu'il commence à ressentir tristesse et angoisse" (Mt 26/37), accablé par le sort qui l'attend, saisi de nausée devant le péché du monde : "Père, disait-il, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne !"

Jésus souffre non en héros ou en stoïcien, mais avec tristesse, ressentant en lui le péché qui éloigne l'homme de Dieu, ce péché qui laisse l'homme seul dans sa condition de créature limitée.

3. Le troisième acte se passe aussi dans un jardin : "A l'endroit où il (Jésus) avait été crucifié, il y avait un jardin ; et dans ce jardin un tombeau neuf où personne n'avait encore été enseveli" (Jn 19/41).

C'est dans ce jardin, près de ce tombeau, que Marie de Magdala se tient le matin de Pâques : "Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? - Seigneur, si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis et j'irai le prendre". Jésus lui dit : "Marie !"  Elle le reconnut et lui dit : "Rabbouni", "Maître"  (Jn 2O/11-16).

- Dans le premier jardin, le Paradis perdu, l'homme se cache pour éviter la rencontre avec Dieu.
- Dans le second jardin, celui de l'agonie, Jésus est broyé par le poids du silence de Dieu.
- Dans le troisième jardin, celui de la Résurrection, Marie de Magdala cherche Jésus passionnément ; et elle le trouve.  Jésus l'appelle par son nom et elle le reconnaît : l'amour n'a pas besoin d'autres preuves !

Cette "unité de lieu" du drame de la Rédemption nous rappelle que la terre est le lieu où se joue notre destinée.
Du jardin mythique de l'Eden au jardin historique de Gethsémani, et au jardin mystique du tombeau vide, le mystère pascal résume les phases de l'histoire spirituelle de l'humanité comme l'histoire spirituelle de chaque personne humaine.
              
Chaque homme revit le mystère pascal :
-  il fuit après la faute, comme Adam au paradis terrestre ; mais il ne peut échapper au regard de Dieu! 
- Il est accablé par le péché et par l'absence de Dieu, comme Jésus à Gethsémani ! 
- Il rencontre le Christ ressuscité, s'il reste fidèle à le chercher !

Mais comment le chercher ? Comme Marie de Magdala, nous allons répétant : "Où l'avez-vous mis ?" -  Où est-il désormais, de sorte que nous puissions le trouver ?

Depuis sa Résurrection, la présence du Christ au monde revêt trois modes :
- Le premier est pratiqué par Jésus entre Pâques et l'Ascension : il établit une nouvelle "manière d'être": celle d'un corps glorifié présent à un monde non encore transfiguré.
- Le second mode est institué au soir du Jeudi-Saint, à la dernière Cène : il "réalise" sa présence dans l'Eucharistie célébrée. Et l'absence de cette présence réelle rend longue et vide la journée du Samedi-Saint !
- Le troisième mode est inauguré au matin de la Pentecôte : c'est la présence du Christ en chaque croyant par l'effusion de son Esprit !

+ Le premier mode de présence ne dure que les quarante jours qui s'écoulent entre Pâques et l'Ascension ; il était nécessaire et suffisant pour "signifier" aux Apôtres la Résurrection du Sauveur.   -  
+ Le second mode de présence ne durera pas au-delà de l'histoire terrestre : l'Eucharistie est l'aliment du pèlerin que nous sommes tous, en marche vers le Paradis retrouvé.  -  
+ Le troisième mode est éternel mais il est déjà inauguré ici-bas.

Aussi la présence du Seigneur nous est assurée et nous n'avons point à nous plaindre qu'elle soit si discrète : il ne dépend que de nous qu'elle soit plus efficace. Et ceux qui l'ont éprouvé en sont pour nous les garants, tel, par exemple, St Hilaire qui écrit : "Il est proche de chacun, il se tient à notre porte, le Verbe de Vie, et il frappe : "Si quelqu'un m'ouvre, j'entrerai chez lui". Il veut toujours entrer ; mais il en est empêché par nous. Nous sommes clos par nos péchés. Si nous nous en purifions, aussitôt il entrera, comme le soleil qui ne peut entrer quand les volets sont fermés, mais qui est prêt à entrer tout entier là où ils s'ouvrent" (Commentaire du ps. 118).

Les comparaisons dont usent tous les auteurs chrétiens pour nous décrire la présence du Christ toujours vivant, manifestent que ce que nous prenons pour son absence n'est que le résultat de notre inattention : La présence de Dieu, nous dit St Thomas d'Aquin, est semblable à l'approche d'un ami qu'on ne reconnaît pas dans la nuit.  Plus nous aurons vaincu en nous la pesanteur et, autour de nous, l'opacité, moins le Seigneur nous paraîtra absent ou lointain.  Nous ne percevrons sa présence que si nous sommes véritablement présents à nous-mêmes et aux autres (S.Th. Ia, q.2 ar.1)
              
C'est quand nous lui serons devenus semblables - aussi présents à nous-mêmes et aux autres qu'il l'est lui-même -  que nous serons admis à le voir tel qu'il est ! 
Et alors, nous goûterons la véracité de ces paroles : "Si quelqu'un m'aime, mon Père l'aimera et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure !" (Jn 14/23).  - "Là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis (présent) au milieu d'eux" (Mt 18/2O).

En ce jour de Pâques, savons-nous reconnaître cette présence du Christ, lui qui nous a dit : "Je suis avec vous pour toujours, jusqu'à la fin du monde"

Avec tous msd vœux de joyeuses et saintes fêtes de Pâques !

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