P A Q
U E S 17 / A
Je ne sais si vous l'avez remarqué : les
trois actes du drame de la Rédemption de l'homme par Dieu, drame que nous
venons de revivre tous ces jours-ci ont pour scène un jardin :
1. Le premier acte se passe au leu
appelé "Paradis terrestre" - "paradis", mot persan qui veut
dire "jardin" -.
Le premier homme et la première femme,
sortis, si je puis dire, de l'animalité, sont placés devant l'option que
connaîtront tous leurs descendants :
ou accepter la condition humaine avec
ses limites et rendre grâce à Dieu du don de l'existence, de la vie, de la relation
avec Dieu -
ou refuser sa situation de créature,
et, tel un nouveau Prométhée, se révolter et chercher à ravir, par ses propres
forces, la condition divine.
Adam et Eve, prototypes de l'humanité
pécheresse, choisissent, à l'instigation de la puissance du Mal, de se
passer de Dieu ; et aussitôt, ils découvrent une certaine régression vers
l'animalité dont ils cherchaient à s'abstraire par leurs propres forces. Aussi
sont-ils chassés du Paradis terrestre !
2. Le deuxième acte se passe dans un
jardin, aux portes de Jérusalem, près de l'enclos d'un pressoir à huile. C'est
le jardin du mont des Oliviers, Gethsémani.
C'est là que Jésus se retire après un
dernier repas avec ses apôtres. C'est là "qu'il
commence à ressentir tristesse et angoisse" (Mt 26/37), accablé par le
sort qui l'attend, saisi de nausée devant le péché du monde : "Père, disait-il, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe !
Cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne !"
Jésus souffre non en héros ou en stoïcien,
mais avec tristesse, ressentant en lui le péché qui éloigne l'homme de Dieu,
ce péché qui laisse l'homme seul dans sa condition de créature limitée.
3. Le troisième acte se passe aussi
dans un jardin : "A l'endroit où il (Jésus) avait été crucifié, il y avait un jardin ; et dans ce
jardin un tombeau neuf où personne n'avait encore été enseveli" (Jn 19/41).
C'est dans ce jardin, près de ce tombeau,
que Marie de Magdala se tient le matin de Pâques : "Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? - Seigneur, si
c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis et j'irai le prendre".
Jésus lui dit : "Marie !" Elle
le reconnut et lui dit : "Rabbouni", "Maître" (Jn 2O/11-16).
- Dans le premier jardin, le Paradis
perdu, l'homme se cache pour éviter la rencontre avec Dieu.
- Dans le second jardin, celui de
l'agonie, Jésus est broyé par le poids du silence de Dieu.
- Dans le troisième jardin, celui de la
Résurrection, Marie de Magdala cherche Jésus passionnément ; et elle le
trouve. Jésus l'appelle par son nom et
elle le reconnaît : l'amour n'a pas besoin d'autres preuves !
Cette "unité de lieu" du drame de
la Rédemption nous rappelle que la terre est le lieu où se joue notre
destinée.
Du jardin mythique de l'Eden au jardin
historique de Gethsémani, et au jardin mystique du tombeau vide, le mystère
pascal résume les phases de l'histoire spirituelle de l'humanité comme l'histoire
spirituelle de chaque personne humaine.
Chaque homme revit le mystère pascal :
- il
fuit après la faute, comme Adam au paradis terrestre ; mais il ne peut échapper
au regard de Dieu!
- Il est accablé par le péché et par
l'absence de Dieu, comme Jésus à Gethsémani !
- Il rencontre le Christ ressuscité,
s'il reste fidèle à le chercher !
Mais comment le chercher ? Comme Marie de
Magdala, nous allons répétant : "Où
l'avez-vous mis ?" - Où est-il
désormais, de sorte que nous puissions le trouver ?
Depuis sa Résurrection, la présence du
Christ au monde revêt trois modes :
- Le premier est pratiqué par Jésus
entre Pâques et l'Ascension : il établit une nouvelle "manière
d'être": celle d'un corps glorifié présent à un monde non encore
transfiguré.
- Le second mode est institué au
soir du Jeudi-Saint, à la dernière Cène : il "réalise" sa présence
dans l'Eucharistie célébrée. Et l'absence de cette présence réelle rend
longue et vide la journée du Samedi-Saint !
- Le troisième mode est inauguré au
matin de la Pentecôte : c'est la présence du Christ en chaque croyant par l'effusion
de son Esprit !
+ Le premier mode de présence ne
dure que les quarante jours qui s'écoulent entre Pâques et l'Ascension ; il
était nécessaire et suffisant pour "signifier" aux Apôtres la
Résurrection du Sauveur. -
+ Le second mode de présence ne
durera pas au-delà de l'histoire terrestre : l'Eucharistie est l'aliment du
pèlerin que nous sommes tous, en marche vers le Paradis retrouvé. -
+ Le troisième mode est éternel
mais il est déjà inauguré ici-bas.
Aussi la présence du Seigneur nous est
assurée et nous n'avons point à nous plaindre qu'elle soit si discrète : il
ne dépend que de nous qu'elle soit plus efficace. Et ceux qui l'ont éprouvé en
sont pour nous les garants, tel, par exemple, St Hilaire qui écrit : "Il est proche de chacun, il se tient à
notre porte, le Verbe de Vie, et il frappe : "Si quelqu'un m'ouvre,
j'entrerai chez lui". Il veut toujours entrer ; mais il en est empêché par
nous. Nous sommes clos par nos péchés. Si nous nous en purifions, aussitôt il
entrera, comme le soleil qui ne peut entrer quand les volets sont fermés, mais
qui est prêt à entrer tout entier là où ils s'ouvrent" (Commentaire du ps.
118).
Les comparaisons dont usent tous les
auteurs chrétiens pour nous décrire la présence du Christ toujours vivant, manifestent
que ce que nous prenons pour son absence n'est que le résultat de notre
inattention : La présence de Dieu, nous dit St Thomas d'Aquin, est semblable à
l'approche d'un ami qu'on ne reconnaît pas dans la nuit. Plus nous aurons vaincu en nous la pesanteur
et, autour de nous, l'opacité, moins le Seigneur nous paraîtra absent ou
lointain. Nous ne percevrons sa
présence que si nous sommes véritablement présents à nous-mêmes et aux autres
(S.Th.
Ia, q.2 ar.1)
C'est quand nous lui serons devenus semblables
- aussi présents à nous-mêmes et aux autres qu'il l'est lui-même - que nous serons admis à le voir tel qu'il est
!
Et alors, nous goûterons la véracité de ces
paroles : "Si quelqu'un m'aime, mon
Père l'aimera et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure !"
(Jn
14/23). - "Là
où deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis (présent) au milieu
d'eux" (Mt
18/2O).
En ce jour de Pâques, savons-nous
reconnaître cette présence du Christ, lui qui nous a dit : "Je suis avec vous pour toujours,
jusqu'à la fin du monde"
Avec tous msd vœux de joyeuses et saintes fêtes de Pâques !
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