samedi 15 juillet 2017

Semence pour Pain de vie

15ème T.O. A.17         Vie pascale ! - Vie eucharistique !

Méditation plus qu'homélie

On pourrait résumer la parabole du semeur par la prophétie de Zacharie : “Voici que je fais venir mon Germe“ (3.8), “Sous ses pas, tout germera !“ (6.14), parce que : “Seul le grain qui meurt porte beaucoup de fruit !“ (Jn 12.24).

Ainsi, “Voici que le semeur est sorti“ (13.3), dit Jésus au moment, est-il précisé, “où il sort de la maison“ (13.1),
lui qui était “sorti de Dieu pour venir dans le monde“ (Jn 16.28) ;
il était sorti comme son ancêtre Abraham selon la généalogie de l’évangéliste, qui, lui aussi, “était sorti de la maison de son père“ (Gen 12.1). Et le Seigneur Dieu lui avait dit : “C’est moi qui t’ai fait sortir“ (Gen 15.7). “Je ferai que tu donnes naissance à des nations ; et des rois sortiront de toi !“ (Gen 17.6). -
Ainsi donc, le Semeur sortit pour répandre le grain… pour une récolte… insoupçonnée ; des enfants d'Abraham, notre "Père dans la foi" (Rm 4.1-8) !

Le Semeur.. Le grain… Le germe… ! Le jeune citadin, presque ignorant désormais des choses de la nature, pourrait penser : Il est fou ce paysan ! Il s’indignerait de voir le semeur, à l’automne, au seuil de la froidure hivernale, en train de jeter en terre, par poignées, des grains de son précieux blé. Quel gaspillage ! Et pourtant, l’agriculteur est un sage en acceptant volontairement de perdre une partie de sa récolte.
C’est un homme de foi ! “Qui perd sa vie, la sauvera“, dira Jésus (Lc 9.24).

Et pourtant, apparemment, tout semble contredire sa foi, son espérance. Le grain de blé jeté en terre va pourrir ; il va mourir. Il va connaître le froid.
“Il faisait froid“, notera St Jean (Jn 18.18) lorsque le “Germe divin“ sera enfoui - ; il connaîtra la solitude - “Vous me laisserez seul“, dira Jésus ; mais je ne suis pas seul, le Père est avec moi !“ (Jn 16.32).

Et voilà qu’au printemps, les premières caresses du soleil vont réchauffer la terre.
“Le soleil s’étant levé“, notera Marc au grand matin pascal (Mc 16.2).
Un miracle se produit, un miracle créateur, un miracle rédempteur !
On croyait l’aventure terminée et tout recommence : l’éclosion d’une tige verte, la croissance d’un épi. Le grain en mourant s’est multiplié !
“Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes“ (Jn 12.32).

Mais un destin brutal attend encore le grain de blé : il va être écrasé sous la meule pour ne plus faire qu’une seule farine.
“Debout, foule le grain, fille de Sion !“, lançait le prophète Michée (4.13)
Et le meunier la conduira au boulanger. Celui-ci en fera une pâte qui sera présentée au feu - “Car notre Dieu est un feu dévorant“ -, dit la lettre aux Hébreux (12.29).

Et ce n’est pas encore fini. Ce pain va entrer dans la bouche de l’homme pour être à nouveau broyé sous les dents, avalé et, par une mystérieuse alchimie, devenir sa chair, son sang ! L’homme ainsi est appelé à construire l’homme… en intégrant toute la Création en lui-même : “Tout est à vous ; mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu !“ (I Co 3.21-23).

Aussi, Jésus, “comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout. Pendant le repas qu’il partageait avec eux“ (P.E 4), il prit entre ses mains calleuses d’ouvrier, ce pain, “fruit de la terre et du travail des hommes“. Il lève les yeux vers le ciel pour rendre grâce, c’est-à-dire pour bénir Dieu
(c’est le sens du mot “Juif“ qu’il est lui-même : un être qui est béni de Dieu et qui bénit Dieu  (1) !)
Il va bénir Dieu et reconnaître que son Père et notre Père à tous, Créateur de toutes choses, est bien la source première de tout ce qui existe, en particulier de ce pain quotidien - “Donne-nous notre pain de ce jour !“ -. Il rompt, il brise ce pain pour le partager avec ses amis, comme le lendemain, il brisera sa propre vie comme un grain qu’on jette enterre !

Aussi, ce faisant, il a dit : “Ceci est mon Corps livré pour vous, prenez et mangez !“
Alors, le grain de blé devient Corps du Christ et, dans une étonnante communion, Corps des croyants. Car, "m'est avis, disait Jeanne d'Arc, que le Christ et l'Eglise, c'est tout un !".
Non seulement, l’homme s’humanise de plus en plus par les dons du Créateur que symbolise le pain quotidien, mais il est déjà “divinisé“ en Jésus Christ qui nous affirme : “Je suis le Pain de Vie !“ (Jn 6.48). “Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité !“ (Jn 6.58).
De sorte que chacun est appelé à dire comme St Paul : “ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi“ (Gal 2.20), qui habite en moi par son Esprit. Le Corps du Fils de Dieu devient chair de ma chair ; et, déjà, je participe à sa vie humaine et divine tout à la fois, mon corps lui-même étant appelé à être “transfiguré“ en la gloire du Fils de Dieu, “quand la moisson de la terre sera mûre !“ (Cf Apoc 14.15).

Il est juste et bon de prendre conscience de cette immense réalité du Semeur divin qui, éternellement, jette en notre terre son Grain, son “Germe“.
C’est par ce “Germe“ céleste - "Par lui, avec lui, en lui" - qu’un cri d’action de grâce monte vers Dieu devenu “notre Père“, un Père qui sait ce dont ses enfants ont besoin (Cf. Mth 6.36).
Telle est bien la signification du mot “Eucharistie“, c’est-à-dire action de grâce ! Oui ! “Amen ! Louange ! Gloire ! Sagesse ! Action de grâce“, chante l’Apocalypse (7.12)

Et cette action de grâces qui jaillit de nos lèvres doit être l’expression de ce courant d’amour qui a pris sa source dans le Père, qui revient à lui par le Fils, grâce à leur Esprit d’Amour.

Bien plus encore, comme l’eau qui s’évapore pour rejoindre le ciel, se transformer en nuages et redescendre en pluies (1ère lecture), par l’Eucharistie, Pain du ciel, je peux insérer désormais cette Vie d’Amour qui relie les trois Personne divines, cette Vie divine où tout est don gratuit, échange, partage…, je peux l’insérer à l’intérieur de toutes mes relations humaines qui vont alors en être renouvelées.
Grâce à ce grain de blé, à ce “Germe“ divin devenu Corps du Christ en moi, Eucharistie, je peux, je dois à mon tour, me multiplier en suivant le destin de la petite semence. Je dois me perdre au service des autres, je dois mourir pour faire vivre les autres, je dois me dépenser pour sauver les autres, je dois accepter d’être broyé, devenir farine, et me laisser manger par les autres.

C’est ainsi que St Ignace d’Antioche envisageait son martyre : “Laissez-moi mourir sous la dent des bêtes, écrivait-il aux chrétiens, pour devenir le froment de Dieu !“.
C’est ainsi qu’un monde nouveau naîtra de ce sacrifice librement consenti, de cette vie offerte pour le bonheur des hommes et pour la gloire de Dieu. C’est ainsi que l’Eucharistie devient permanence de Vie, de vie humaine et divine, pour tout l’univers.

Vous direz peut-être : ces idées sont belles. Mais dans la réalité… ? Cependant, ne cherchons pas bien loin.
- Ce père de famille, cette mère de famille, qui travaille à longueur de journée : en s’alimentant au Corps du Christ, ils deviennent eux-mêmes pain de Dieu, “froment de Dieu“, dirait St Ignace, pour leurs enfants.
- De même, ce médecin, cette infirmière qui se tuent à la tâche pour le bien de tous…
- Et que dire de celles et ceux qui ont donné leur vie à Dieu par Jésus ? etc… En tout cela, c’est l’Eucharistie qui donne sens à tous ces sacrifices quotidiens ; et c’est l’humanité nouvelle qui, peu à peu, monte jusqu’au Père, grâce à l’Esprit de Jésus Christ qui transforme tout en Amour divin.

Et notre mort elle-même sera alors le don total qui achève toute une série de morts à notre égoïsme, à notre orgueil. Au lieu de tomber dans le néant, le grain de blé jeté en terre est semé pour que d’autres moissons se lèvent, pour qu’au printemps nouveau surgissent des lendemains de récolte. Et grâce à l’effort de ceux qui nous suivent, les épis mûriront et rempliront les greniers de Dieu jusqu’au jour éternel où, prophétise Isaïe, “la vendange sera terminée et il n’y aura plus de récolte“ (32.10).

“La volonté de mon Père, dit Jésus à ses disciples, c’est que vous alliez et que vous portiez beaucoup de fruits !“.
Heureux ceux qui s’aiment de l"'Amour de Dieu", car ils récolteront ;
"Heureux ceux qui sèment dans les larmes, car ils moissonneront en chantant". (cf. Ps 126.5)

(1) - La racine du mot "Juif"  ydIWhy (Yehoudi) vient de la racine du verbe  "louer " hdIy (Yoda), racine également du prénom “Juda“ !
Cf. Gen. 29.35 : Léa enfanta un fils et s'écria : "Cette fois, je louerai  hd,Aa (Yodè) le Seigneur !".  C'est pourquoi elle l'appela Juda hd'Why> (((Yehouda)
- Encore aujourd’hui, le mot "merci " hd,At (Toda) est de la même racine, mot qui se traduit en grec par le verbe "eucharistein" (Eucharistie)
- Finalement, les mots hébreux “Juda“, “Juif“, “louer“, “merci“ se retrouvent dans le mot grec “Eucharistie“ !

samedi 8 juillet 2017

La connaissance de Dieu

14ème  Dimanche du T.O. 17/A

On pourrait être un peu choqué par certaines paroles tranchantes de Notre Seigneur : Jésus semble se réjouir à l'idée que la connaissance de Dieu soit cachée à certains ! - “Père, dit-il, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits”. Ceux qui, parmi nous, se rangent du côté des “tout-petits” s'en trouveront bien ; mais les autres ? Que je sache, ce n'est pas un pêché d'être sage ou savant !

Il faut dire cependant que le chapitre 11ème de l’évangile selon St Matthieu veut souligner la grande difficulté de la prédication de Jésus, de toute prédication, celle des apôtres et la nôtre aussi !
Jésus a rencontré l'incrédulité.
- Il a envoyé ses disciples en mission, leur annonçant : “vous serez comme des brebis au milieu des loups”. (Mth 19.16)
- Il a aussi regretté que des villes ne se convertissent pas : Corozaïm, Bethsaïde et même Capharnaüm, la ville de Pierre. (Mth11.20sv)
- Il a perçu l'hostilité des scribes devant ses paroles... Et justement, les scribes, ce sont bien les “savants” de l'époque !

Alors que son chemin est déjà marqué d'échecs apparents, et que ce chemin va le conduire jusqu'à la croix, Jésus éprouve un sentiment de reconnaissance, d’action de grâces parce que des hommes et des femmes, ceux qu'il nomme les “tout-petits”, acceptent d'être atteints, transformés par sa présence !

Il n'empêche, ni vous ni moi, je pense, nous ne pouvons nous réjouir de ce que certains - comme les sages ou les savants - restent à l'écart.

Mais avons-nous bien compris ? Car, à la suite de notre évangile, il est question justement de connaissance..., de vraie connaissance. Jésus dit : “Personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler”.

Ainsi,, en Dieu lui-même, il ne peut être question d’un pur savoir, mais d’une connaissance de personne à personne : Père, Fils, Esprit-Saint !

Autrement dit, avec Dieu, l'histoire que nous tissons ne peut être qu'une histoire d'amour ! "Dieu est Amour", répétera St Jean.

Avec toute personne, avec Dieu surtout, lorsqu'il est question de connaissance, il ne s'agit pas d’une connaissance qu’atteste un examen. Ce qui est premier, c'est la connaissance - comment dire ? - une connaissance qui est comme la “fréquentation” de quelqu'un qu'on aime bien et qu'on ne finit pas de découvrir, de connaître.

C’est comme une personne à laquelle me lie une grande affection (un père, une mère, un enfant, un ami). Elle n'est pas avec moi, elle se trouve au loin. Mais que je me lève ou que je me couche, que je travaille ou que je circule, cette personne “demeure en moi”. Connaître Dieu, c'est fréquenter, c'est demeurer, et c'est permettre que Dieu lui-même fasse sa demeure en nous.

Il ne s'agit pas de faire de “l'anti-intellectualisme” primaire ! Il est très bon de faire travailler notre “intelligence de la foi” comme on dit - "fides quaerens intellectum", disait St Anselme, la foi qui cherche à comprendre ! ; mais il n’en reste pas moins vrai que l’on n’enferme pas Dieu dans un savoir, et surtout pas dans des lois !

Et réjouissons-nous que Dieu reste un mystère. Et un mystère, ce n'est pas quelque chose que l’on ne comprend pas, c’est une réalité que l’on n’aura jamais fini de comprendre. Un mystère n’est pas un mur d'incompréhension contre lequel on se cogne, mais, pour prendre une comparaison, c'est comme dans ce couple âgé qui fête ses 60 ans de mariage ; et l’un de dire à l’autre avec un petit air moqueur : “voilà 60 ans qu’on se supporte, et 60 ans que je te découvre” !

“Nul ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler”, dit Jésus. La Révélation, lorsqu'il s'agit de Dieu, ce n'est pas une énigme philosophique, mais le mystère d’une rencontre. Son amour n’est pas l’étincelle provisoire d’une solution d’énigme ; son amour est la lumière permanente d’une communion !

Je crois bien que ce qui passionne Dieu, ce n'est pas l'évaluation de notre quotient intellectuel, mais sa rencontre vraie avec une personne, moi-même, comme je suis et là où j'en suis !
Et dans l'Évangile, cela occasionne bien des conflits pour Jésus. Il est souvent en conflit avec les raisonneurs, les connaisseurs de la loi, parce que ceux-ci ont tendance à utiliser leur science pour s'emparer de la ptésence de Dieu, l’enfermer, si je puis dire, dans une savoir, dans des lois ; ce que j’appelle une “inversion sacrilège” !

Et ne sourions pas de cela, même si nous n’avons aucun diplôme et que nous ne nous rangeons pas parmi les intellectuels, les savants. Chaque chrétien – surtout s’il se veut engagé - peut se demander si, peut-être sans s'en rendre vraiment compte, il n’a pas tendance à enfermer Dieu dans ses coutumes, son petit savoir, dans ses manières de penser qui, souvent, veulent justifier ses manières de faire, et qui deviennent des idéologies impitoyables. “Mes pensées ne sont pas vos pensées”, disait Dieu par son prophète Isaïe.

Et puis, une question qui peut être terrible : On peut donner de son temps, de son énergie, de ses biens, pour témoigner en  paroisse ou ailleurs. Et c’est très bien, évidemment !
Mais quelle part consacre-t-on pour s’ouvrir à ceux qui peuvent être considérés comme des “petits”, par l'éducation, la timidité, et même et surtout par le poids du péché ? Or, ce sont ces petits que Jésus privilégie souvent car ils peuvent aspirer à cette communion de personne à personne avec Dieu !
 
Ou encore quelle part consacre-t-on à  ceux, également, que l’on juge réellement comme des “petits” dans le royaume de Dieu, parce qu'eux-mêmes se montrent trop savants et sages dans le royaume du monde ! C’est un peu subtil, allez-vous dire. Oui, mais l’orgueil aussi est toujours très subtil. Et l’on peut devenir véritablement bien petit parce qu'on s'estime trop grand !

Cependant, l’évangile nous donne la clef de tout cela : “Venez à moi, vous tous qui peinez. Mon joug est facile à porter, mon fardeau léger”.
Jésus nous invite à être solidaires dans l'adversité. “Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples”, cela veut dire : “si vous vous aimez les uns les autres, vous vous portez tour à tour, sans distinction ; vous vous portez les uns les autres, parce que mon amour demeure en vous

Entrons dans la joie de Dieu, celle que Jésus manifeste : “Père du ciel et de la terre, tu as révélé ton amour aux petits” à ceux qui gardent cette humble capacité d’ouverture d’un tout-petit, qu’ils se montrent savants, pécheurs, ou même très orgueilleux..

Vous connaissez cette formule : “La vérité sort de la bouche des enfants ”... Marion, - huit ans -, rencontrait sa grand-mère. Celle-ci se pique de lui transmettre la foi. “Tu sais, lui dit-elle, nous sommes tous des enfants de Jésus. Et toi aussi, plus tu avanceras, plus tu pourras être une enfant de Jésus... ”. Et Marion de répondre avec un sens inné du mystère pascal : “Oui, mais un enfant, ça devient grand !”

dimanche 2 juillet 2017

Aimer véritablement !

13ème  Dimanche du T.O. 17/A

“Celui qui aime son père, sa mère…, son fils, sa fille…, plus que moi n’est pas digne de moi !”.
           
Jésus nous demande-t-il de tenir pour négligeables nos relations humaines ? Exige-t-il que l’on tourne le dos au bonheur et à la joie de nos relations familiales, amicales ?
Certains l’ont cru. Et ils ont inventé une spiritualité “de massacre”, si je puis dire. Quelques-uns - cela est arrivé - se sont laissés détruire en croyant plaire à Dieu ! Et il n’est pas étonnant que ces caricatures d’évangile aient engendré des refus de la foi.
De plus, Jésus ne serait pas fils d’Israël s’il n’aimait pas la vie ! Tout le message de la première Alliance est une immense action de grtâce adressée à Dieu pour le don de la création, de la vie, pour ce qu'elle peut procurer ! La première lecture en témoigne. Elle exalte l'hospitalité, l'accueil de l'autre : elle chante la vie, la vie d'un enfant à naître !
           
Ainsi donc, Jésus ne nous reproche pas d’aimer trop ; mais peut-être peut-il nous reprocher d’aimer mal et d’abîmer ainsi ceux que nous croyons aimer. Je pense à cette boutade de Prévert, ce poète français du dernier siècle (1900-1977) : “Tu dis que tu aimes les fleurs, tu les coupes. Tu dis que tu aimes les poissons, tu les manges. Tu dis que tu aimes les oiseaux, tu les mets en cage. Lorsque tu me dis : “je t’aime”, j’ai peur”..
           
Ainsi, préférer le Christ à tout, ne serait-ce pas plutôt porter nos liens humains dans le cœur de Dieu pour qu’il les purifie. Tout amour n’est pas de l’amour. Et en ce domaine, il faut voir grand : “Aimez-vous comme je vous ai aimés”, disait Jésus. Autrement dit : il nous faut aimer comme Dieu aime !

Et pour cela, il faut toujours revenir aux pages d’évangile :

- Aimer ce sera d’abord un certain regard : “Jésus le regarda et l’aima”, est-t-dit au sujet du jeune homme riche (Mc 10.21). Jésus voit toujours un diamant dans sa gangue. Il voit déjà un arbre unique lové dans sa petite graine vulnérable.

- Aimer, ce sera toujours accepter que l’autre marche à son rythme, se réjouir de sa différence, respecter sa liberté. Jésus agit ainsi avec chacun des apôtres si différents les uns des autres, comme avec le jeune homme riche. Il respecte…

- Aimer, c’est s’abstenir d’enfermer quelqu’un en son passé. On ne le confond pas avec son casier judiciaire. Si le passé de tout homme quel qu’il soit - et d’abord le mien - n’est jamais sans tache, son avenir est toujours vierge. Ainsi de l’adultère jetée au jugement de Jésus ou de la prostituée chez Simon. Ainsi de Zachée ou du truand du Golgotha et de bien d’autres..., de bien d'autres.

- Aimer, c’est rendre toutes ses chances à l’ami qui a trahi. On ne lui parle même pas de ce qu’il a fait. On l’invite à brûler d’un feu plus fort : “Pierre, m’aimes-tu ?”, demandera Jésus à Pierre qui a trahi !

- Aimer, c’est être “ému jusqu’aux entrailles” devant un blessé sur la route, comme nous y invite Jésus à propos du Samaritain que l'on a agressé sur la route de Jéricho, et même signer encore un chèque en blanc pour ses frais de guérison.

- Aimer, ce sera accueillir le fils parti en cavale et qui a déshonoré la famille par sa conduite. On fera même un grand repas pour son retour. Et on ne criera pas, par exemple : “Quand je pense que tu as tant fait pleurer ta mère !”.

- Aimer, ce sera faire demi-tour sur le chemin du temple, abandonnant son paquet d’offrandes et de prières parce que soudain on s’est souvenu que l’être aimé se sent peut-être mal aimé et qu’il faudrait vite, tout affaire cessante, aller humblement le trouver.

- Aimer, c’est être comme votre Père du ciel, lui qui offre autant de soleil et de pluie au jardin des athées qu’au jardin des chrétiens. Ce que le soleil et la pluie sont aux plantes, soyez-le pour votre prochain, qu’il soit une rose ou un cactus. Aimer, c’est d’abord faire exister.

- Aimer, c’est aussi, parfois, dire “non” devant un caprice, un dérapage important. C’est ainsi que Simon-Pierre s’est vu un jour traiter de “Satan” !
           
Il faudrait une immense bibliothèque pour décliner sur tous les modes et temps, la vie même de Jésus qui est Dieu-Amour incarné. C’est la seule réalité qui compte.
Le reste, tout le reste de de la création - les galaxies et les planètes, la morale et même les religions, tout - … tout doit converger vers ce miracle de l’Amour manifesté en Jésus Christ.
Un atome d’amour justifie le monde.

Alors, devant la pénurie d’amour, Jésus lance ses appels.

Et, en ce domaine, dit-il aujourd’hui, méfiez-vous de vos proches. Ils vous veulent, parfois, trop de bien pour qu’il soit réaliste, vrai. Ils cherchent votre sécurité immédiate et pas toujours votre chemin d’éternité.

Un chrétien doit être est un merveilleux messager d'amour lorsqu’il laisse Dieu-Amour se refléter en lui. Sinon il y a risque de fortes ou longues éclipses. Car l’amour à taille humaine est parfois si bizarre, si déconcertant pour l'être que l'on dit aimé : un jour adoré et le lendemain jeté !
Et ce n’est pas un aigri ombrageux qui parle ainsi : c’est le plus amoureux de la vie. Il l’aime tellement, la vie, Jésus, qu’il l’a inventée. Et il la veut pour tous, sans distinction. 

Aussi répète-t-il : “Je suis venu pour que vous ayez en vous la vie en plénitude…, la joie, ma joie en plénitude”.
Et, en ce domaine, il a donné un exemple : ce n’est pas parce que l’on donne trop que l’on est fatigué. C’est au contraire parce que l’on a pas tout donné. Et ce qui n’est pas donné est perdu !

St Paul n’était pas triste de se donner pour Jésus et pour l’Evangile. Après avoir parlé, par exemple, des mille et un dangers traversés (prison, coups, blessures, lynchages, naufrages, et le pire gardé pour la fin : les “faux frères”) ..., après tout cela, Paul exulte, il jubile : “La légère épreuve de cette vie, dira-t-il, nous prépare, bien au-delà de toute mesure, une masse éternelle de bonheur et de gloire”. (2 Cor 4/11). Paul donne tout par amour ! C’est le même qui disait : “Si je me fais brûler à y laisser ma vie, sans être motivé par l’amour, c’est du vent !”. Et comme il le dit aujourd’hui : il était bien vivant pour Dieu en Jésus Christ.

Deux images peuvent résumer ce que Jésus a cherché à nous dire dans son Evangile. “Le blé, disait St Dominique, s’abîme quand on le garde. Il fructifie lorsqu’on le sème”.
Et le cierge qui brûle sur cet autel nous dit de façon claire, évidente, qu’il lui est préférable d’échanger sa cire contre une flamme - même éphémère - plutôt que de se garder intact au fond d’un tiroir.

Le don de soi n’est pas la mort de la joie, il en est la source.